Laissez jouer les enfants : leur vie en dépend !

Vagabonder et chercher son chemin, deux biens intemporels que la crise de santé mentale parmi les plus jeunes devrait remettre en avant.

Christianity Today November 29, 2023
David Clarke / Unsplash

Cet article a été adapté de la lettre d’information de Russell Moore (en anglais). Abonnez-vous ici.

Nous savons tous que quelque chose cloche pour la nouvelle génération.

Nous le savons non pas parce que les ainés se plaignent de la morale et des manières des enfants d’aujourd’hui qui sont, comme toujours, bien pires qu’avant. Nous le savons plutôt parce que les jeunes eux-mêmes nous le disent. Actuellement, toutes les catégories de troubles mentaux (anxiété, dépression, etc.) connaissent des pics sans précédent. Mais pourquoi, et pourquoi maintenant ?

Il n’est pas fréquent que le sommaire de la revue The Journal of Pediatrics fasse le tour du Web. C’est pourtant ce qui s’est passé il y a quelques semaines avec les conclusions d’une étude menée par trois chercheurs, et intitulée « Decline in Independent Activity as a Cause of Decline in Children’s Mental Well-Being: Summary of the Evidence » (« Le déclin des activités indépendantes comme cause du déclin du bien-être mental des enfants : résumé des éléments »)

La thèse générale du document est qu’à côté de nombreux facteurs qui ont conduit aux États-Unis à une situation d’urgence nationale en matière de santé mentale des adolescents, un élément majeur a été négligé : le manque de jeux non structurés, non dirigés et non supervisés.

L’étude montre, par exemple, que de moins en moins d’enfants jouent à l’extérieur. Non pas parce qu’ils veulent rester paresseusement devant leurs jeux vidéo, mais parce que leurs parents sont angoissés face à la criminalité ou à la circulation… et craignent aussi de ne pas être perçus comme de bons parents.

Cette recherche est étayée par le nouveau livre du psychologue social Jonathan Haidt, The Anxious Generation: How the Great Rewiring of Childhood Is Causing an Epidemic of Mental Illness (« La génération anxieuse : comment la grande restructuration de l’enfance cause une épidémie de troubles mentaux »), prévu pour une sortie en mars 2024. J’en ai lu le manuscrit et je pense que ce livre marquera la décennie : les arguments de Haidt sont convaincants et ont remodelé ma façon de penser.

Haidt démontre que l’anxiété que nous observons actuellement n’est plus l’anxiété « habituelle » que toutes les époques passées ont connue. Quelque chose a radicalement changé depuis 2010. L’un des éléments centraux du livre de Haidt est le basculement de ce qu’il appelle l’« enfance orientée vers le jeu » vers une enfance conditionnée par le « sécuritarisme », marquée par « l’excès de surveillance, de structure et de peur ».

Le jeu et l’exploration sont essentiels à notre épanouissement en tant qu’êtres humains. Et par jeu, je n’entends pas les sports ou les loisirs organisés, bien qu’ils soient importants. Je pense plutôt à une sorte de liberté non structurée où l’on rencontre des obstacles et des problèmes que l’on essaie de surmonter tout seul, pour soi-même, sans autre but. Ni celui d’être bien vu par ses pairs ni celui d’allonger une liste de qualités pour entrer dans une école ou parfaire un curriculum vitae.

Il peut s’agir de passer une journée à se promener dans les bois, à jouer une partie de foot improvisée dans une rue de la ville, ou à passer le quartier au peigne fin à la recherche de toutes sortes d’objets perdus, sans qu’aucun parent ne rôde alentour.

Pourquoi avons-nous besoin de cela ?

Dans le livre Wayfinding: The Science and Mystery of How Humans Navigate the World (« Trouver son chemin : la science et les mystères de la manière dont les humains s’orientent dans le monde »), M. R. O’Connor note que l’une des choses qui distinguent les êtres humains des animaux est que nos compétences cognitives sont enracinées non pas dans notre instinct, mais dans les processus.

Personne ne doit prévenir les cigales qu’elles doivent trouver un partenaire ou dire aux abeilles comment retourner à la ruche. Les êtres humains, eux, ont besoin de pouvoir se perdre. Nous avons besoin de vivre des situations où nous sommes obligés de collecter des informations, de nous souvenir de points de repères, et de frayer notre propre chemin.

Dans ce type d’« errance », nous apprenons à « enregistrer le passé, à vivre le présent et à imaginer l’avenir ». Un enfant qui se perd pendant un jeu en forêt ou qui ne sait pas comment revenir de l’endroit où il s’est égaré inscrit sa vie dans une histoire — une histoire parsemée de « crises » gérables.

« À partir du flux d’informations généré par nos mouvements, nous créons des origines, des séquences, des chemins, des itinéraires et des destinations qui constituent des récits avec des points de départ, des cheminements et des arrivées », écrit O’Connor. « C’est cette capacité à organiser et à nous souvenir de nos voyages qui nous permet de retrouver notre chemin. »

Dans un récent épisode du podcast que j’anime, j’ai eu une conversation avec Amanda Ripley, journaliste mondialement reconnue en matière de « conflits de haute intensité ». Évoquant certaines de mes expériences de ces dernières années, elle m’a dit : « Je ne sais vraiment pas comment vous avez survécu à tout cela. » Je ne le sais pas non plus.

Je peux dire que c’est par la grâce de Dieu, ce qui est vrai, mais cette grâce ne s’est pas manifestée du jour au lendemain. Une de ses manifestations est, qu’en tant qu’enfant, j’ai eu amplement le temps d’explorer mon environnement par moi-même. Lorsque je n’étais pas à l’école, à l’église, à un repas ou à une sortie en famille, mes parents ne savaient pas où j’étais.

Je frémis quand je pense aux marais infestés de serpents que j’ai explorés et aux routes bondées sur lesquelles j’ai fait du vélo avec un ami, tout cela sans GPS ni connexion avec un smartphone dans la poche de ma mère. Et ce n’est pas parce que mes parents étaient négligents. En fait, c’est tout le contraire : mes parents étaient profondément impliqués dans ma vie, tout comme mes grands-parents, mes tantes, mes oncles, mes voisins, les membres de mon église, les pasteurs et même la démarcheuse qui passait dans le quartier. Ils n’ont tout simplement jamais pensé à me surveiller et à me surprotéger comme le font les « parents hélicoptères » actuels. Cela ne se faisait pas.

Mes parents ne m’auraient certes jamais laissé aller là où j’aurais été en danger. Ils seraient intervenus immédiatement s’ils avaient appris que je me rendais à une compétition de lancer de couteaux, à une rencontre de gangs de motards, à des concerts de groupes louches, à une réunion du conseil exécutif de la Convention baptiste du sud ou d’autres choses de ce genre. Mais en dehors de cela, j’étais libre de trouver ma propre voie. Et c’était une grâce !

Sans ce sens du jeu, ces moments où l’on doit chercher comment s’orienter ou franchir des obstacles raisonnables, le monde devient un endroit sombre et inquiétant. Nous sentir à la merci d’un tel environnement oppressant, nous empêche de faire appel à notre imagination et d’apprendre à calmer notre cerveau limbique. En apprenant à retrouver le chemin de la maison au sens propre, nous découvrons que nous pouvons aussi, si nécessaire, retrouver notre chemin intérieur.

En tant que chrétiens, ce principe ne devrait pas nous surprendre. La Bible présente à plusieurs reprises la vie humaine comme un pèlerinage. Dieu a placé son peuple dans des régions sauvages sans carte, avec pour seuls repères les grâces du passé et les promesses à venir — un Béthel ici, un Ebenezer par là.

Parfois, de manière déconcertante, Dieu conduisait son peuple par une nuée ou une colonne de feu. Parfois il le laissait évoluer dans l’incertitude d’un ciel silencieux tendu au-dessus de lui. C’est le désert, et non la cour du temple, qui nous enseigne que « l’homme ne vit pas de pain seulement. » (Dt 8.3)

Lorsque ses disciples voulaient savoir où ils allaient, Jésus disait : « Venez […] et vous verrez » (Jn 1.39). Lorsque l’un d’entre eux s’inquiétait du chemin pour passer de l’autre côté, là où ils pourraient le retrouver, Jésus disait simplement : « Je suis le chemin » (Jn 14.6).

Nous devrions apprendre de ce qui est en train de se passer. La nouvelle génération a besoin de sécurité, de conseils, d’orientation, d’affection, d’amour. Mais elle n’est pas là pour apaiser les nombreuses angoisses d’adulte de ses parents ou enseignants. Les enfants ont besoin de jouer. Ils ont besoin de vagabonder. Ils ont besoin d’imaginer. C’est vrai pour les enfants, mais aussi pour les disciples en devenir.

La meilleure chose que nous puissions faire pour ceux qui ont été sauvés est parfois peut-être de les laisser se perdre.

Russell Moore est rédacteur en chef de Christianity Today et dirige son projet de théologie publique.

Traduit par Anne Haumont

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Les racines chrétiennes du commerce équitable

Derrière les mots de durabilité, de transparence et d’approvisionnement éthique se cache quelque chose de bien plus important que notre consommation : l’amour que Christ nous inspire pour notre prochain.

Christianity Today November 29, 2023
Unsplash/Getty Images

C’est au cours des deux derniers mois du calendrier que les Américains font le plus d’achats, remplissant leurs listes de cadeaux de Noël, profitant des offres en ligne et achetant leurs produits préférés dans les magasins locaux. Mais la période la plus commerciale de l’année nous met également face à un éventail de plus en plus vaste de dilemmes moraux à propos de la manière dont nous consommons et du désir grandissant d’en faire quelque chose de mieux.

Au-delà du Black Friday, du Cyber Monday et du Giving Tuesday — pour ne pas oublier la charité pendant les fêtes de fin d’année — la frénésie des achats s’accompagne désormais de guides des cadeaux durables, de festivals du commerce équitable, de promotion d’entreprises à vocation caritative et de mouvements d’achats locaux tels que les Small Business Saturdays (samedis des petites entreprises). Ces diverses options éthiques nous poussent, en tant que chrétiens et consommateurs, à réfléchir plus en profondeur à ce que nous achetons tout au long de l’année, aux entreprises que nous soutenons et à la manière dont nous gérons notre argent et nos ressources.

Nous pourrions probablement tous dire combien nous avons payé pour notre pull ou notre sac de sport et dans quel magasin nous l’avons acheté. Mais au-delà, de nombreuses questions restent sans réponse : quels sont les matériaux utilisés ? Quelle a été la quantité de déchets produits ? Qui a fabriqué les composants ? Les travailleurs ont-ils été bien traités à chaque étape du processus ? Quelle distance ces objets ont-ils parcourue pour arriver jusqu’ici ?

« L’économie de marché moderne ajoute des couches de complexité entre la production et la consommation, ce qui rend difficile de voir l’impact de chaque choix que nous faisons », souligne Hunter Beaumont, pasteur à Fellowship Denver et membre du conseil d’administration de l’Institut de Denver pour la foi et le travail. « Beaucoup de nos convictions morales chrétiennes ont été façonnées dans une économie plus simple, et il peut être paralysant d’appliquer ces convictions à notre économie moderne complexe. »

Nous aimerions devenir des consommateurs plus responsables, et de plus en plus d’acheteurs tentent de soupeser les conséquences mondiales de leurs achats avant de cliquer sur « acheter ». Les milléniaux sont la génération la plus susceptible de se préoccuper du comportement des entreprises, et la génération Z les rattrape rapidement.

Mais pour chaque exemple positif d’une entreprise socialement responsable, un rapport expose l’autre face du marché et réalise nos pires craintes sur ce que les grandes entreprises font avec notre argent : par exemple Nike qui se soustrait à ses responsabilités en matière de violation des droits de l’homme dans sa chaîne d’approvisionnement ou Amazon qui vend des livres contrefaits.

Il n’est pas surprenant que les consommateurs modernes soient familiers de certaines hésitations au moment de l’achat. Nous sommes confrontés à un choix entre la facilité et un prix défiant toute concurrence et la nécessité de tenir les entreprises responsables d’honorer toutes leurs parties prenantes et de prendre soin de la création de Dieu.

Comment les chrétiens sont-ils appelés à gérer fidèlement leurs décisions de consommation ? Est-ce possible ? La réponse se trouve peut-être dans l’improbable fondatrice du mouvement du commerce équitable et dans les convictions chrétiennes qui peuvent nous amener à remettre en question le système de consommation lui-même.

L’artisane mennonite qui lança involontairement un mouvement

Lorsque Edna Ruth Byler commença à vendre des tissus à l’arrière de sa voiture en 1946, le concept de consommation responsable était loin d’être répandu et personne n’avait entendu parler de commerce équitable. Byler, une mennonite traditionnelle qui portait un voile sur la tête et était connue pour ses beignets faits maison, partait d’un simple désir d’aider les femmes vulnérables qu’elle avait rencontré dans la vallée de La Plata, à Porto Rico.

Byler enseignait la pâtisserie, la couture et la mise en conserve et faisait partie d’un groupe qui installait une nouvelle église locale à Akron, en Pennsylvanie, où elle et son mari travaillaient pour le Mennonite Central Committee (MCC). Leur service leur permit de visiter des communautés vulnérables à Porto Rico, puis à Hong Kong, en Jordanie et ailleurs.

Dans chaque lieu, elle rencontrait des femmes qui surmontaient d’énormes obstacles pour subvenir aux besoins de leur famille et soutenir leurs prochains. Comme beaucoup d’autres après elle, elle sauta le pas sans trop réfléchir, promettant d’aider ces femmes en vendant leurs œuvres aux États-Unis, sans savoir comment elle le ferait, mais déterminée à le faire.

« Il y a une histoire humaine derrière chaque produit. » — Whitney Bauck

Elle a dirigé le programme de travaux de couture et d’artisanat à l’étranger du MCC pendant plus de 20 ans avant qu’il ne soit rebaptisé SELFHELP Crafts of the World, puis devienne la chaîne indépendante populaire Ten Thousand Villages (« Dix mille villages » au Canada francophone).

Dix mille villages est la première organisation de commerce équitable au monde et reste l’une des plus importantes et les plus connues. Sa fondatrice n’avait jamais imaginé être à l’origine d’un mouvement qui, aujourd’hui, met les consommateurs en contact avec plus d’un million de petits fabricants dans le monde entier. Mais son engagement chrétien à traiter ces fabricants avec dignité et à célébrer la beauté de leur artisanat a pris une ampleur inattendue.

Des organisations similaires ont vu le jour en Europe et, dans les années 60 et 70, le mouvement est entré dans la sphère politique pour plaider en faveur d’une plus grande équité dans le commerce international, non seulement pour l’artisanat, mais aussi pour des produits agricoles tels que le café et le cacao.

À peu près à la même époque, les États-Unis ont commencé à se familiariser avec l’idée de responsabilité sociale des entreprises. Le Comité pour le développement économique — une organisation américaine de politique publique — estima qu’il existait un « contrat social » entre les entreprises et la société, s’appuyant pour cela sur le livre de 1953 de l’économiste Howard Bowen intitulé Social Responsibilities of the Businessman (« Responsabilités sociales de l’homme d’affaires »).

L’idée que les entreprises travaillent pour le bien commun, et pas seulement pour leurs résultats, s’est développée dans les années 80 et 90, stimulée en partie par l’appel lancé par le président George H. W. Bush senior aux organisations pour qu’elles se servent les unes les autres et créent un « millier de points lumineux ».

La « double bottom line »

Alors que le mouvement du commerce équitable se concentre en premier lieu sur la protection des personnes et de la planète, la responsabilité sociale des entreprises vise à sensibiliser les entreprises sur leur impact social en tant qu’objectif secondaire. Ces deux mouvements se sont intensifiés ces dernières années, plaçant la barre plus haut en matière de normes éthiques et nous offrant de nouvelles possibilités d’avoir une influence positive par nos dépenses.

D’entreprises classées dans le Top 100 telles que Disney et Apple aux champions de la responsabilité sociale souvent cités que sont Patagonia et TOMS, en passant par le tapis rouge d’Hollywood et le Super Bowl, l’attention portée à l’impact social et à la performance — les deux critères, ou « double bottom line » en anglais — s’est accrue. La notion est aujourd’hui omniprésente.

Elle s’est fermement ancrée dans le monde des affaires, à tel point que les consommateurs, les médias et même les gouvernements en sont venus à attendre des entreprises qu’elles agissent pour le bien de la société sous une forme ou une autre.

Les efforts des grandes entreprises en matière de développement durable peuvent faire une grande différence et influencer tout un secteur, mais seulement si les entreprises tiennent les promesses vertueuses qu’elles affichent dans leurs brochures et leurs publicités.

Bien que la responsabilité sociale des entreprises fasse désormais partie intégrante de leurs activités commerciales, le niveau d’engagement en faveur de cette cause varie. À mesure que les entreprises deviennent plus grandes, il est difficile de les tenir pour redevables de leurs pratiques éthiques, estime Whitney Bauck, rédactrice adjointe de Fashionista.com et autrice chrétienne traitant de la consommation éthique.

Même avec l’avènement d’un index de la consommation responsable, de groupes de surveillance comme Transparentem, de structures juridiques d’entreprises sociales comme les L3C et les B Corps, et d’organisations de classement des marques comme Ethical Consumer, il est toujours difficile de savoir qui agit réellement pour le bien. La société de consommation à grande échelle a des aspects pratiques, mais elle est complexe et difficile à gérer.

À plus petite échelle, le marché des entreprises de commerce équitable n’a cessé de se développer, à la fois grâce à la demande des consommateurs et aux convictions de leurs fondateurs. Des entrepreneurs chrétiens contemporains ont lancé toute une série d’entreprises à but humanitaire pour vendre cadeaux et marchandises : Akola Project, Giving Keys, Sseko Designs, Noonday Collection, Jonas Paul Eyewear, Tegu, Westrock Coffee, Krochet Kids, et des dizaines d’autres à travers le monde.

Ces entreprises s’appuient sur des idées créatives et un entrepreneuriat rédempteur, utilisant leurs processus et leurs bénéfices pour créer des emplois pour les femmes, financer des bourses d’études, développer des entreprises artisanales, élargir l’accès aux soins de santé, soutenir des pratiques agricoles durables et fournir des services sociaux aux personnes en situation de pauvreté. Comme Byler et Dix mille villages avant eux, leurs responsables s’efforcent de prendre soin à la fois des créateurs et de l’environnement.

Melody Murray, fondatrice des sacs JOYN, partage l’engagement de Byler en faveur de la dignité des personnes qui créent les biens que nous achetons. Elle a inventé l’expression d’« inefficacité délibérée », voulant préserver la place des diverses personnes qui participent à chaque étape de la production — dans le contexte de son entreprise, récolter le coton, tisser le tissu, imprimer les dessins, coudre les sacs — plutôt que de favoriser des solutions mécanisées pour accélérer le processus.

Mais Murray, qui a travaillé dans le domaine du marketing et de la vente pour de grandes entreprises, apporte également son sens des affaires et une vision ambitieuse à l’entreprise.

Avec son mari David, diplômé comme elle de l’université John Brown, elle s’est sentie appelée non seulement à fournir aux fabricants comme son équipe de JOYN un marché mondial pour acheter leurs produits, mais aussi à fournir des ressources et à former des entrepreneurs locaux pour qu’ils lancent leurs propres entreprises agricoles ou artisanales afin d’avoir un impact sur leurs communautés.

Par l’intermédiaire de JoyCorps, ils ont offert une formation et des ressources à toute une série d’entreprises dans les zones rurales d’Asie. Les programmes d’accélération et d’incubation de JoyCorps se concentrent sur l’innovation et la restauration, estimant que les entreprises durables aident à faire évoluer la société.

Au fil des ans, cette initiative a permis de lancer six entreprises dans le cadre de son programme d’incubation, et dix autres dans le cadre du programme d’accélération. Pour les Murray, le commerce équitable est synonyme de propriété locale et de fabrication de produits bons pour tous. Chaque entrepreneur avec lequel ils travaillent, disent-ils, est enraciné dans sa communauté et s’engage à une approche holistique de son impact.

Les entreprises que les Murray aident à créer, celles où les acheteurs peuvent lire les histoires de Dina, qui coud les sacs, et d’Uma, qui s’occupe de l’emballage, mettent les gens et leur vie au premier plan.

« Il est facile d’oublier que ce sont de vraies mains humaines qui fabriquent les produits », dit Whitney Bauck. « Les organisations de commerce équitable communiquent aux consommateurs qu’il y a une histoire humaine derrière chaque produit. »

Llenay Ferretti, ancien directeur général de Dix mille villages et fondateur de l’entreprise sociale Bhavana World Project, l’explique ainsi : les organisations de commerce équitable nous invitent à « connaître suffisamment notre prochain pour l’aimer ».

« La définition biblique de la richesse inclut nos relations avec Dieu et avec les autres » — Hunter Beaumont

Mais il y a encore des angles morts et des éléments à évaluer. Certains s’inquiètent du fait que des entreprises mettent l’accent sur l’histoire des gens plutôt que sur le produit, car les clients pourraient être tentés de les considérer comme des œuvres de charité plutôt que comme des entreprises. Dans certaines entreprises, les accords de commerce équitable s’arrêtent aux petits producteurs et ne s’étendent pas aux autres personnes qu’elles embauchent. Par ailleurs, la fixation arbitraire de prix supérieurs à la valeur d’un produit sur le marché peut avoir des conséquences négatives inattendues pour les personnes qu’elle vise à aider.

Au bout de la chaîne, les consommateurs ordinaires ne connaissent pas toujours les options durables ou n’ont pas les moyens d’acheter des produits issus du commerce équitable, dont le prix est plus élevé.

Des considérations spirituelles plutôt que les dépenses inconsidérées.

Mais même lorsque nous identifions des organisations de commerce équitable ou des entreprises socialement responsables en qui nous avons confiance et que nous avons les moyens nécessaires, le fait d’acheter mieux n’est pas suffisant. Il est possible de se donner bonne conscience et d’augmenter la probabilité que notre argent serve à quelque chose de bon lorsque nous achetons des sets de table de Dix mille villages ou des sacs à main de JOYN, mais acheter des produits différents consiste juste à choisir une autre forme de consommation.

Une consommation vécue dans la foi va bien au-delà des produits que nous achetons ; il ne s’agit pas simplement de savoir qui fait le plus de recherches ou qui sait correctement lire les étiquettes (bien que ces compétences puissent refléter une approche plus réfléchie).

Pour Llenay Ferretti, chaque décision d’achat est l’occasion de regarder à la vie du Christ et de réfléchir à la manière dont notre foi peut orienter toutes nos décisions. C’est une invitation à réfléchir non seulement à ce que nous faisons, mais aussi à la manière dont nos décisions nous façonnent et affectent nos communautés et le monde.

Si Edna Ruth Byler a été, à bien des égards, l’ancêtre du consommateur responsable, elle n’était pas du tout motivée par le désir d’influencer les décisions des consommateurs. « Elle essayait d’aimer son prochain », dit Ferretti.

Le pasteur Beaumont, de Denver, reconnaît que la vie de la communauté est liée à nos modes de consommation. « Notre économie moderne est construite autour d’une définition limitée de la richesse, avoir plus de choses, plus d’argent, plus de temps », dit-il. « Mais cela ne tient pas compte des composantes relationnelles, psychologiques et spirituelles de la richesse. La définition biblique de la richesse inclut nos relations avec Dieu et avec les autres. »

Lorsque son coiffeur a déménagé de l’autre côté de la ville, Beaumont aurait pu facilement en trouver un autre à proximité. Mais il était important pour lui de retourner chez la même personne. « Nous avons une relation. Nous parlons de ce qui se passe dans nos vies. Il me raconte ses parties de pêche avec ses petits-enfants, et je sais que la manière dont je consomme contribue à les financer. »

Le pasteur cite les recommandations de Paul en 1 Timothée 6 sur la manière d’être des intendants fidèles de ce que le Seigneur nous a donné. Ceux qui sont « riches selon le monde présent », Paul les exhorte à « faire le bien, à être riches en bonnes actions, à être généreux et prêts à partager ».

« Si nous prenons vraiment cela à cœur, cela nous oriente vers la communauté, vers le partage et le don. » Cela nous incite à moins « dépenser toujours plus pour nous-mêmes », pour nous orienter davantage vers le don, le partage, et la jouissance de ce que nous avons déjà.

Moins, c’est plus

Sur la base de son travail à propos de la mode éthique, Whitney Bauck estime que l’achat de produits d’occasion est le mode d’achat le plus responsable d’un point de vue moral. Le fait de conserver les biens existants plus longtemps permet de produire moins de déchets dérivants de la création de nouveaux produits. Dans la plupart des magasins sociaux ou d’occasion, les clients voient où va leur argent et peuvent être sûrs que leurs dépenses soutiennent leur communauté.

Notre foi nous pousse également à repenser ce dont nous avons réellement besoin. Lorsque nous ne sommes plus obnubilés par ce que nous pourrions acheter en plus, nous nous rendons souvent compte que nous avons déjà assez.

Là encore, Byler peut servir de modèle. Dans sa communauté mennonite très soudée, les gens n’avaient guère plus que le strict nécessaire. Mais même pendant les années de rationnement durant la guerre et la Grande Dépression, les enfants Byler se souviennent d’un foyer heureux. Nous pouvons acheter mieux, mais plus encore : nous pouvons nous mettre au défi de pratiquer le contentement.

« Les vêtements les plus éthiques sont ceux que vous avez déjà dans votre armoire », écrit Kohl Crecelius, fondateur de Krochet Kids, qui vend des vêtements et des articles en tricot fabriqués de manière éthique.

Même si le minimalisme et la méthode Kondo sont à la mode, il est encore contre-culturel de décider que nous pouvons vivre avec moins, de délaisser l’idée que nous avons besoin d’un nouveau téléphone, d’une nouvelle voiture, d’une nouvelle télévision, d’un nouveau manteau d’hiver, d’une nouvelle couronne de Noël ou de quoi que ce soit d’autre. Pourtant, nous croyons, comme le laisse comprendre l’Écriture dans le récit du jeune homme riche de Matthieu 19, que c’est aussi au sein d’une vie de simplicité que Dieu nous accorde la liberté.

Tish Harrison Warren, autrice de Liturgie de la vie ordinaire, soulignait dans une interview que, bien qu’elle soit convaincue que la simplicité est essentielle à notre foi, il s’agit d’un chemin difficile : « Alors que le consumérisme ronge chaque parcelle de notre vie, les chrétiens devraient réfléchir de manière radicale, honnête et stratégique à la simplicité. »

Pour certains croyants, cela signifie réduire les dépenses de Noël, privilégier la qualité plutôt que la quantité sous le sapin, ou même opter pour des cadeaux faits maison, trouvés ou réutilisés. Faire une pause dans nos frénésies de shopping et d’« Acheter maintenant » sur Amazon peut même être une forme de discipline spirituelle. Certains se lancent le défi de ne rien dépenser pendant un mois, en limitant leurs achats aux produits de première nécessité. Lara Casey, autrice chrétienne et fondatrice de Cultivate What Matters, achevait il y a quelques années une année « sans dépenses », se mettant au défi de « privilégier une vie de foi à une vie confortable ».

Nous n’éviterons jamais complètement le dilemme moral qui accompagne chacun de nos achats, mais le malaise que nous ressentons pourrait peut-être nous pousser à réfléchir davantage à ce que nous devons acheter et à l’impact de nos achats sur les personnes concernées. Malgré la déchéance de ce monde, où notre argent pourrait-il être source de bénédiction ? Pour respecter le plus grand des commandements, notre plus grande préoccupation devrait être d’aimer notre prochain.

Nous sommes appelés à être des intendants fidèles dans nos décisions de consommation. En cela, l’exemple du Christ interroge comment et ce que nous achetons. Il nous pousse avant tout à aimer nos prochains — ici ou au loin — et à pratiquer la simplicité, sachant que Dieu est celui qui pourvoit à toutes bonnes choses.

Claire Stewart est autrice, grimpeuse et diplômée du Wheaton College, où elle a étudié la philosophie. Elle vit à Lancaster, en Pennsylvanie, et est responsable des initiatives stratégiques chez HOPE International.

Chris Horst est le responsable de la promotion de HOPE International, auteur de Mission Drift et fondateur de dadcraft un site sur la paternité.

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Culture

Noël est un mythe devenu réalité.

Comment le fait de l’Incarnation répond aux attentes de toutes les cultures.

Christianity Today November 29, 2023
WikiMedia Commons

À la Toussaint, ma femme et moi partageons souvent des histoires à propos de chrétiens qui nous ont particulièrement marqués. L’an dernier, j’ai raconté à ma famille l’histoire de la conversion de C. S. Lewis.

Depuis un certain temps, il était au bord du précipice de la foi, incapable de résoudre ses difficultés intellectuelles avec le christianisme. Lors d’une promenade nocturne autour d’Oxford avec ses amis Hugo Dyson et J. R. R. Tolkien, il exprima son objection fondamentale.

Tout ce qui compte, estimait Lewis, appartient au domaine du mythe.

Lewis avait pour la mythologie nordique un grand penchant qui remontait à sa jeunesse en Irlande du Nord. Pour lui, le mythe était un moyen de créer du sens, tandis que l’histoire concernait plutôt des faits non répétables que l’on pouvait collecter et analyser de manière empirique. La grande tragédie de l’existence humaine était que le mythe et l’histoire ne s’étaient jamais croisés, et ne pouvaient pas le faire.

Comme le penseur allemand G. E. Lessing avant lui, Lewis évoquait un « hideux fossé » entre l’histoire et la théologie. Quel que soit le rayonnement de sa vie, un homme nommé Jésus ayant vécu il y a 2000 ans ne pourrait jamais être autre chose qu’une source d’inspiration.

Les réponses de Dyson et de Tolkien furent saisissantes : dans ce cas, répondirent-ils, le mythe est devenu réalité. Tout ce qu’il y a d’éternel et de mystique — la magie profonde du monde — s’est fait tangible et incarné dans la personne du Christ. Il n’était pas un simple personnage historique, mais le Dieu créateur incarné pour sauver les êtres humains qu’il avait créés.

Avec cette riposte, Lewis put soudainement rassembler les pièces du peuple. Comme il l’écrira plus tard à son ami Arthur Greeves, « l’histoire du Christ est tout simplement un mythe véritable : un mythe qui agit sur nous de la même manière que les autres, mais avec cette énorme différence qu’il s’est réellement produit ».

Le Fils de Dieu a permis un véritable mariage entre le ciel et la terre. Dieu a embrassé la matière en la personne de Jésus. L’Incarnation a eu lieu en un endroit précis, mais elle s’est « diffusée » et « communiquée » en tous lieux, comme l’écrit le prêtre et érudit jésuite Henri de Lubac.

Dans son « infinité réduite à l’enfance », selon la formule de Gerard Manley Hopkins, la descente de Dieu dans la chair humaine ne visait pas seulement à nous rendre dignes ou à être avec nous dans nos joies et nos peines. Le ciel est descendu sur la terre pour que les choses de la terre puissent monter au ciel.

L’idée d’une union entre le ciel et la terre résonne particulièrement en moi parce qu’elle est étonnamment peu individualiste. Elle implique une compréhension toute en finesse de la personne humaine. En tant qu’Occidentaux modernes, beaucoup d’entre nous vivent avec une compréhension déformée de la personne en tant qu’« individu autonome, indépendant et orienté vers la thérapie », selon les termes du sociologue américain Christian Smith.

Mais en suivant simplement l’intuition de Lewis, on voit immédiatement à quel point cette vision est insuffisante. Nous sommes, semble dire Lewis, les mythes qui nous ont créés. Nous sommes les histoires dont nous avons hérité, qui façonnent nos espoirs et définissent notre vision de ce qu’est une bonne vie. L’idée d’un mythe devenu réalité accorde une réelle importance à la culture, car les mythes ne naissent qu’au sein des cultures.

Une personne est donc quelque chose d’infiniment plus grand et de plus sacré qu’un individu interchangeable. Chacun est impliqué dans des réseaux relationnels, narratifs, géographiques et institutionnels qui sont essentiels à l’identité personnelle et à l’épanouissement. L’Incarnation démontre que ces formes culturelles ne sont pas un simple accident de l’histoire ni le simple résultat du péché humain. L’intention de Dieu est de réorienter subtilement, doucement, ces formes culturelles altérées jusqu’à ce qu’elles retrouvent l’aspect prévu pour elles.

Lewis comprenait tout cela. Mais je dois admettre ici que Lewis était un Anglais de son temps, et c’est sur ce point que je trouve nécessaire de prendre un autre chemin. Son christianisme avait une coloration typiquement anglaise. Mais s’il avait raison, alors l’Incarnation signifie qu’il n’y a pas de culture typiquement chrétienne. Les mythes nordiques ou gréco-romains ne sont pas les seuls à préparer le chemin du Christ. Le christianisme n’est pas une religion occidentale ni une religion des blancs. Les langues occidentales ne sont pas les seules à même de l’exprimer.

C’est aussi ce que montre l’étude de l’Église à travers le monde. Les réseaux de diaspora et l’immigration sont à l’origine de la résurgence du christianisme dans les zones de post-chrétienté, et la migration et le mélange des cultures ont été les principaux moteurs de la propagation de l’Évangile au cours de l’histoire. Comme l’a un jour affirmé l’historien britannique Andrew Walls, le christianisme est toujours une incarnation — une traduction dans une culture déjà existante qui transforme celle-ci et attire les gens de cette culture vers le Christ. C’est précisément cette « traductibilité infinie » de la foi chrétienne qui la distingue des autres religions du monde.

En tant que Latino ayant grandi et continuant à servir dans des contextes majoritairement blancs et anglophones, j’ai été frappé de voir Jésus honoré et glorifié par des musiciens pentecôtistes dominicains tels que Lizzy Parra et Ander Bock. J’ai été marqué par la rencontre avec des anglicans du Nigeria qui adorent Jésus avec une énergie et une intensité qui renouvellement mon espoir dans l’œuvre vivante et présente du Saint-Esprit. Ma foi s’est élargie après avoir rencontré des Iraniens qui ont tout perdu et suivent un Jésus qui parle farsi.

Dans toutes ces expressions culturelles, nous voyons l’accomplissement de la prophétie d’Ésaïe : toutes les nations afflueront à Sion (Es 2.2 ; 60.3). Le Christ est ce que désire chaque nation, parce qu’il était déjà à l’œuvre pour semer sa grâce préparatoire parmi tous les peuples. Comme le dit Lewis, le Seigneur est présent dans les « bons rêves » de chaque peuple ; leurs mythes les préparent à l’accueillir lorsqu’il viendra.

L’Incarnation touche à tous les aspects de l’existence humaine. C’est un élément essentiel de l’espérance que nous célébrons à Noël. Il n’y a pas de culture humaine à laquelle Jésus soit étranger. Les mythes — ceux de toutes les nations — trouvent leur accomplissement en Jésus-Christ. Il est difficile de nier le pouvoir de l’Incarnation lorsque l’on observe des communautés dynamiques de chrétiens qui ne nous ressemblent pas du tout louer le nom de Jésus.

Ces réalités témoignent de ce que c’est toute l’humanité que le Christ est venu sauver. C’est aussi ce dont nous nous souvenons lorsque nous partons à la rencontre du Christ dans la crèche.

Jonathan Warren Pagán est prêtre anglican. Il vit et travaille à Austin, au Texas.

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Books

Déplacés de la frontière israélienne, les chrétiens libanais peinent à savoir qui blâmer.

À cause d’affrontements avec le Hezbollah qui menacent d’étendre la guerre d’Israël contre le Hamas, les presbytériens et baptistes locaux sont affectés par une guerre qui n’est pas la leur.

De la fumée s’élève d’une position de l’armée israélienne, attaquée par des combattants du Hezbollah, près de la frontière libanaise avec Israël.

De la fumée s’élève d’une position de l’armée israélienne, attaquée par des combattants du Hezbollah, près de la frontière libanaise avec Israël.

Christianity Today November 24, 2023
Hussein Malla/AP Images

Du haut de la chaire, Rabih Taleb porte le regard sur son assemblée d’une trentaine de croyants dans l’église évangélique presbytérienne d’Alma al-Shaab, située dans le sud du Liban, à moins d’un kilomètre du nord-ouest d’Israël. Tous sont choqués. La veille, des terroristes du Hamas ont tué 1 200 Israéliens, pour la plupart des civils, à 200 km au sud, à la frontière de Gaza.

Ce dimanche matin, 8 octobre, le Hezbollah, la milice chiite libanaise, désignée comme entité terroriste par de nombreux gouvernements, a tiré des roquettes sur l’enclave contestée des fermes de Sheba, occupée par Israël, mais revendiquée par le Liban. De son côté, Israël entame sa campagne de bombardements massifs contre le Hamas à Gaza, touchant également des positions du Hezbollah à 50 km à l’est d’Alma al-Shaab.

Quelques familles de l’église ont immédiatement pris la fuite, notamment l’ancien qui conduit habituellement la louange, laissant l’assemblée chanter a cappella. Les familles présentes au culte veulent rentrer chez elles au plus vite, pour se préparer au pire. Elles ont prié le pasteur d’écourter le service, mais le sujet du sermon du jour — le deuxième d’une série sur la foi réformée — semble avoir été divinement orienté. Le pasteur traite du péché originel, de la souffrance et de la douleur.

« Mes paroissiens me posent la question : « Pourquoi sommes-nous toujours confrontés à ces difficultés ? Nous sommes des croyants. Pourquoi y a-t-il toujours des guerres, des guerres, des guerres ? », nous rapporte Rabih Taleb.

Au cours de ces 50 dernières années, ces croyants auraient été déplacés à sept reprises.

Alma al-Shaab, l’un des douze villages entièrement chrétiens situés près de la frontière israélienne, comptait environ 700 habitants. Aujourd’hui, avec les tensions à la frontière, il n’en reste qu’une vingtaine, dont le prêtre catholique maronite. C’est lui qui dirige les offices lors des accalmies dans les combats, accueillant désormais toutes les confessions ensemble.

Rabih Taleb et sa famille ont quitté Alma al-Shaab le 9 octobre. Une bombe était tombée dans un champ à trois minutes de route de leur église, ébranlant leur presbytère. Une grande partie des 40 familles presbytériennes se sont installées chez des parents à Beyrouth. D’autres familles ont fui à l’intérieur du Liban vers les villes de Sidon ou de Tyr, dont les noms sont familiers aux lecteurs de la Bible. Le synode local, chapeautant sept églises presbytériennes près de la frontière avec Israël, a également ouvert son centre de retraite à Zahlé dans l’éventualité d’une nouvelle escalade dans les conflits.

À l’heure actuelle, seules trois familles sont restées sur place.

Taleb est retourné dans son village natal de Minyara, à environ 200 km au nord, près de la frontière syrienne. Mais chaque jour, il prend des nouvelles de son assemblée dispersée, et tous les 7 à 10 jours, si la situation le permet, il retourne à Alma al-Shaab.

Tandis que la guerre fait ouvertement rage à Gaza, Israël et le Hezbollah entretiennent entre eux un conflit de moindre intensité, chacun veillant à éviter l’escalade. Les analystes estiment qu’Israël ne veut pas ouvrir un second front. Le Hezbollah reste prudent, car Israël a menacé, avant la guerre, de « ramener par ses bombes le Liban à l’âge de pierre » en cas de confrontation.

Israël a déjà évacué 42 villages du nord, près de la frontière libanaise, limitant les pertes israéliennes à sept soldats et trois civils. Entre-temps, au moins 70 combattants du Hezbollah ont été tués, ainsi qu’au moins 10 civils libanais. Près de 30 000 Libanais ont été déplacés.

« Nous sommes au cœur d’un combat qui n’est pas le nôtre », nous dit Taleb. « Pour nous, les Palestiniens ont le droit de vivre librement, mais ce n’est pas notre rôle de les soutenir dans la guerre. »

Ce sentiment correspond à celui de la plupart des citoyens libanais. Une enquête récente a révélé que 74 % d’entre eux rejettent l’affirmation selon laquelle « le Hamas a déclenché la guerre et pris pour cible des civils, ce qui légitime la riposte d’Israël ». Les griefs d’Israël envers le Hamas remontent en effet pour beaucoup à bien avant le 7 octobre. Néanmoins, 61 % des personnes interrogées rejettent la participation du Hezbollah à la guerre et 74 % estiment que leur pays devrait rester neutre.

Les combats ont déjà causé des dégâts importants à l’agriculture locale, rapporte le coordinateur humanitaire des Nations unies au Liban. Les données satellitaires font état de 400 incendies dans les terres agricoles entourant Alma al-Shaab et un professeur libanais de l’université de Balamand parle d’environ 440 ha de forêts du sud qui auraient brûlé. Le ministre de l’Agriculture dénombre 40 000 oliviers détruits en pleine saison des récoltes. Le ministre de l’Environnement, de son côté, estime les dégâts à 20 millions de dollars.

Un paroissien presbytérien est resté à Alma al-Shaab pour aider à lutter contre les incendies.

Un autre, ancien de l’église témoigne, sous couvert d’anonymat en raison des risques encourus dans cette région contrôlée par le Hezbollah, qu’il peut se débrouiller pour survivre, mais pas pour reconstruire ce qui a été détruit. « Je ne blâme personne. Je ne suis pas un politicien. Je suis juste une victime. »

Sa ferme a été détruite, ainsi qu’une dizaine d’autres maisons du village. Selon lui, l’une des explosions a été provoquée par une roquette palestinienne du Hamas. Aujourd’hui déplacé à Beyrouth, il ne sait pas combien de ses quelque 100 oliviers et 200 avocatiers ont été endommagés. Mais, comme un missile israélien a détruit le réservoir d’eau du village, il sait que ses arbres ne tiendront pas le coup.

Église presbytérienne d’Alma al-ShaabFournie par Rabih al-Taleb
Église presbytérienne d’Alma al-Shaab

Selon un professeur de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), la réhabilitation de la terre pourrait prendre des décennies.

Un deuxième ancien de l’église accuse le Hezbollah et Israël. Mais il s’en veut surtout à lui-même d’être resté sur la terre de ses ancêtres. En effet, sa maison avait déjà été détruite lors de la guerre frontalière de 2006. Un combattant du Hezbollah avait tiré des roquettes depuis le toit et s’était fait descendre par un hélicoptère israélien. Avec son maigre salaire, le propriétaire a réussi à reconstruire sa maison abattue. Il y a installé des caméras et sait, au moins, qu’elle est toujours debout. Mais après avoir vu deux jeunes hommes essayer d’entrer par effraction chez lui — probablement pour se cacher des Israéliens — il est rentré pour renforcer les serrures.

« Quel profit la Palestine tire-t-elle de tout cela ? » demande-t-il. « Nous voulons simplement la paix avec les juifs, avec les musulmans, avec tout le monde. »

Exprimer son désir de paix avec l’État d’Israël est toutefois une position controversée au Liban. La nation méditerranéenne reste techniquement en état de guerre avec ce qu’elle appelle souvent « l’entité sioniste », qui l’a envahie en 1978 et 1982 pendant la guerre civile libanaise. Un de nos interlocuteurs, également déplacé à Beyrouth, vit dans une maison qu’il a achetée à l’époque pour éloigner ses fils du recrutement par Israël de jeunes hommes chrétiens pour sa milice libanaise.

L’occupation israélienne des régions méridionales n’avait pris fin qu’en 2000, lorsqu’Israël s’était retiré sous la pression d’une résistance naissante dirigée par le Hezbollah. Son secrétaire général, Hassan Nasrallah, avait fait, à l’époque, l’éloge des villages frontaliers pour avoir accueilli ses combattants djihadistes à bras ouverts et supporté le poids des déplacements et des deuils.

À côté des presbytériens, d’autres évangéliques font face à ces épreuves et s’engagent dans l’aide humanitaire.

Le petit village chrétien de Deir Mimas, situé à 40 km au nord-est d’Alma al-Shaab, comptait autrefois environ 1 000 habitants. La guerre de 2006 l’a réduit à environ 350 âmes. Aujourd’hui, il n’en reste qu’une centaine. Lors du dernier conflit, la maison du pasteur baptiste Maroun Shammas a été endommagée par les bombardements israéliens et les terres cultivables environnantes ont été touchées par quelques frappes. Le pasteur et 9 des 12 familles de l’église se sont réinstallés ailleurs.

Shammas affirme n’avoir aucun problème avec ses voisins musulmans. Ancien enseignant dans le village chiite voisin de Kafr Killa, il raconte que, comme d’autres chrétiens, il entretenait des amitiés avec des croyants d’autres confessions et interagissait librement avec tous les groupes religieux libanais.

« Les chiites sont des villageois, des gens normaux comme nous », explique Shammas. « Mais personne ne nous demande notre avis sur la guerre dans le sud. C’est Satan le fautif. »

Dommages à une maison d’Alma al-ShaabFournie par Rabih al-Taleb
Dommages à une maison d’Alma al-Shaab

L’église baptiste de Deir Mimas s’est associée à des œuvres évangéliques locales pour fournir des kits alimentaires à 40 familles du village et couvrir les frais de scolarité de 20 autres familles. En coordination avec la municipalité, des organisations locales ont pu se mettre à l’œuvre : Horizons a pu étendre son soutien alimentaire local à presque toutes les personnes qui sont restées, tandis que Thimar assiste les familles déplacées.

« Ce n’est pas la première fois que nous quittons ce lieu, mais, à chaque fois, nous revenons pour poursuivre notre mission », explique Shammas. « Dieu veut que nous aidions les gens à le connaître. »

Selon certaines sources, les évangéliques jouissent d’une bonne réputation dans le sud du pays, dominé par les chiites, grâce à l’aide humanitaire qu’ils ont apportée aux personnes déplacées pendant la guerre de 2006. L’organisation Heart for Lebanon (HFL), créée à l’époque, continue d’aider les chrétiens et les musulmans de la région.

En octobre, HFL a distribué des kits alimentaires et des produits d’entretien à 340 familles dans huit localités du sud, dont Alma al-Shaab, Deir Mimas et les villages sunnites et chiites voisins. En novembre, l’aide s’est étendue à 15 localités, y compris à des foyers de croyants en Jésus d’arrière-plan musulman.

Le Liban soutient la liberté de religion et le caractère interconfessionnel de ces aides évite les controverses inutiles.

Il en va de même pour le message que veut faire passer l’association HFL. « Nous prions pour la paix et pour que la gloire de Dieu brille sur tous les peuples », nous dit Milad Nassar, responsable pour le sud. « Nous ne parlons pas de politique. »

De nombreux autres Libanais soupçonnent cependant Israël d’avoir de mauvaises intentions à l’égard du Hezbollah.

Les missiles pénètrent maintenant à près de 50 km à l’intérieur des terres israéliennes. Des frappes près de Haïfa, d’Acre et d’autres villes au-delà de la frontière ont été revendiquées par des unités du Hamas au Liban, et non par le Hezbollah. Mais nombreux sont ceux qui affirment qu’aucune unité ne peut agir indépendamment de la milice chiite.

« Dans la chaîne d’actions et de réactions », déclare un analyste de l’université de Beyrouth, « il devient difficile de savoir qui est à l’origine de l’escalade. »

Mais d’autres analystes se demandent si Israël ne cherche pas à provoquer le Hezbollah pour justifier une attaque de grande envergure à son encontre — et peut-être attirer les États-Unis dans ce conflit. Deux groupes de porte-avions américains ont déjà été positionnés en Méditerranée orientale pour dissuader toute agression parrainée par l’Iran. Le secrétaire américain à la défense, Lloyd Austin, aurait mis en garde son homologue israélien contre l’idée de s’en prendre au Liban. Israël, de son côté, nie toute intention offensive.

Rabih Taleb, lui, choisit de ne blâmer personne, mais de suivre son « modèle », Jésus.

Selon lui, « jl s’agit d’un cycle. Aucune des deux parties ne peut détruire l’autre. Nous avons besoin qu’elles trouvent un moyen de vivre en paix, afin que nous puissions vivre en paix. »

Il explique à ses fidèles désorientés que cette souffrance n’est pas une punition de Dieu pour leurs péchés. La Croix leur assure l’amour de Dieu et ils ne doivent pas garder cette vérité pour eux seuls. Si les auteurs de l’Écriture avaient agi de la sorte — la plupart d’entre eux ayant également beaucoup souffert — nous n’aurions pas la Bible aujourd’hui.

D’après le pasteur, c’est maintenant à leur tour de faire connaître ces réalités autour d’eux, en bâtissant des ponts fondés sur l’amour et la solidarité.

La chose n’est pas facile. À chaque voyage à Alma al-Shaab, Taleb se demande s’il est bien sage de retourner dans cette zone dangereuse. Mais ce n’est pas tant la fourniture de kits alimentaires qui le motive, c’est la vie avec Dieu qu’il souhaite que d’autres puissent connaître.

Taleb prie avec le prêtre maronite et les chrétiens restés sur place. Il boit du thé avec chacun. S’il n’y avait pas eu sa propre famille avec ses trois jeunes enfants, il serait peut-être resté au village. Après tout, son église presbytérienne est là depuis 1859.

Au lieu de cela, il parcourt le Liban, sans relâche, du nord au sud, pour visiter son troupeau dispersé.

« Il s’agit de vivre ce que nous croyons, de mettre en œuvre notre foi », dit Taleb. « Il s’agit de montrer aux gens que Dieu les aime, à travers nous, pour sa gloire. »

Traduit par Anne Haumont

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Même en temps de crise, il reste de la place pour apprendre.

Les crises ne devraient pas nous servir d’excuse pour négliger l’appel de Dieu à étudier et à créer.

Christianity Today November 23, 2023
Illustration de Chris Koehler

La version française de cet article écrit en 2020 a fait l’objet d’une mise à jour.

Je me retrouvais seul sur mon lit d’hôpital, une douleur fulgurante traversant mon corps. Pendant trois mois, je ne pouvais ni rester debout ni m’asseoir plus de 30 minutes. Les médecins n’avaient aucune solution pour soulager mes douleurs nerveuses persistantes et mes spasmes musculaires débilitants. Dans mon agonie, je me demandais si ma vocation d’enseignant et de chercheur chrétien n’était pas arrivée à son terme.

Avant que la douleur n’apparaisse, j’étais un professeur en bonne santé et engagé dans une carrière fructueuse à l’Université de Baylor. J’avais publié plusieurs livres, achevé un travail avec une bourse conséquente et me réjouissais les discussions en classe avec les doctorants d’un programme que j’avais aidé à mettre en place. En mars 2017, je me suis rendu à un rendez-vous médical supposé être une visite de routine. Peu de temps après, j’étais en proie à l’angoisse.

J’étais devenu prisonnier de la douleur. Pour la maîtriser, je devais rester alité, languissant. Je ne pouvais plus aller travailler, faire de l’exercice, conduire ou m’asseoir à table avec ma famille pour les repas du soir. Je me sentais isolé de mes amis et de l’église.

Je ne pouvais pas non plus assumer les responsabilités élémentaires d’un professeur. Pendant la majeure partie de mon temps ces mois-là, je ne me sentais même pas capable de lire, et encore moins d’écrire. M’apitoyant sur mon sort à la manière de Job, j’avais l’impression que tout ce qui m’avait donné satisfaction ou sentiment d’identité m’avait soudainement été retiré. « Qui suis-je, maintenant que je semble avoir tout perdu ? » me suis-je demandé. « Serais-je un jour de nouveau capable d’enseigner, d’écrire et d’apprendre de la même manière ? »

[…] Toutes les crises soulèvent des questions sur qui nous sommes véritablement et ce que Dieu nous appelle à faire. J’espère pouvoir ici nous rappeler les raisons sous-jacentes de notre vocation à persévérer dans l’apprentissage et répondre aux obstacles et distractions que les crises ont tendance à placer sur notre chemin.

La prière doit prendre le dessus.

« Je ne veux pas mourir », nous dit un soir mon plus jeune fils durant une conversation à table au sujet du COVID-19. Il était alors âgé de 16 ans. Tout comme ma femme, son système immunitaire est affaibli. Mon autre fils, lui, souffre d’asthme. J’ai aussi des parents âgés de plus de 80 ans, dont un avec une faiblesse au poumon. Tous ceux que j’aime semblent vulnérables.

Je sais que mon expérience n’est pas particulière. Face aux pires crises, nous avons tous peur de perdre les personnes que nous aimons. Le spectre de la mort nous hante. Il peut nous arriver de perdre de vue l’appel que nous avons reçu de Dieu. Que pouvons-nous faire lorsque la peur de la mort nous détourne de cet appel ?

Premièrement, nous devons prier. Lorsque, encore durant la pandémie, ma femme m’a dit qu’elle ne se sentait pas bien, j’ai fait face à une vague de peur paralysante. Était-ce le COVID-19 ? Quand la peur menace de prendre le dessus dans nos vies, la prière doit prendre le relais. Nous prions pour aligner nos cœurs avec le cœur de Dieu. Par la prière, il nous réconforte et nous guide, nous rappelant à la fois qui il est et qui nous sommes.

À quoi ressemble la prière en temps de crise ? Elle prend d’innombrables formes. Mon beau-frère, qui vit avec une douleur chronique impitoyable, m’a appris qu’il suffit parfois de prier : « Seigneur, aide-moi à bien vivre cette prochaine heure » ou « Seigneur, aide-moi à bien vivre ces cinq prochaines minutes ». D’autres fois, la prière est plus colorée. Durant mes problèmes de santé, la plupart de mes prières se réduisaient simplement à hurler vers Dieu. Si vous avez crié à Dieu récemment, c’est une bonne chose. Cela veut dire que vous vivez toujours en relation avec lui, même au milieu d’un stress extrême. Et puis, comme les Psaumes nous le rappellent, Dieu peut le supporter. En fait, Dieu est le seul à pouvoir porter le fardeau de notre peur.

Les Psaumes nous apportent encore bien plus. Pendant mon séjour à l’hôpital, de vieux amis de l’université sont venus de Virginie pour me rendre visite. Leur visite s’est avérée providentielle. Ils ont prié pour moi et m’ont remonté le moral. Plus tard, un ami m’a envoyé un psautier. Bien sûr, j’avais déjà une bible, mais pour une raison ou pour une autre, ce recueil des Psaumes m’a poussé à davantage les lire, les prier et les mémoriser.

Ces trois pratiques m’ont aidé à me réintégrer dans l’histoire de Dieu. J’ai appris par d’autres mots comment exprimer mon angoisse dans les lamentations : « Je suis fatigué d’appeler à l’aide ; ma gorge est desséchée » (Ps 69.3). J’ai poussé des soupirs d’espoir : « Seigneur, je t’attends ; tu répondras, Seigneur mon Dieu » (Ps 38.15). Et il m’a été rappelé que « le Seigneur est proche de ceux qui ont le cœur brisé et sauve ceux qui ont l’esprit brisé » (Ps 34.18).

Souvenons-nous de notre première mission.

Une fois notre paralysie émotionnelle vaincue et notre être replongé dans la communion avec Dieu, nous pouvons de nouveau nous concentrer sur l’accomplissement de notre vocation dans l’histoire de Dieu. Un sermon de C. S. Lewis intitulé « Apprendre en temps de guerre », prononcé au début de la Seconde Guerre mondiale, nous rappelle que les humains font toujours face à la réalité de la mort et du jugement éternel. Lewis invite les étudiants chrétiens à se demander : « Comment est-il juste, ou même psychologiquement possible, pour des créatures qui avancent à chaque instant vers le paradis ou vers l’enfer, de consacrer une fraction du peu de temps qui leur est imparti en ce monde à des futilités telles que la littérature ou l’art, les mathématiques ou la biologie » ?

Au cours de ma première année d’université, j’ai réfléchi à des questions similaires et j’ai commencé à y répondre d’une manière qui interférait avec mon aspiration à apprendre. Dans mon esprit, la simple évangélisation et la formation de disciples (telles que je les concevais précisément) prenaient le pas sur les sciences politiques et les sciences économiques. J’étais à nouveau interpellé par la question incisive que Lewis posait à son auditoire : « Comment pouvez-vous être frivole et égoïste à ce point et penser à autre chose qu’au salut des âmes humaines ? »

Il m’a fallu deux ans d’université pour comprendre ce que la prédication de Lewis a éclairé en quelques paragraphes. On ne peut pas vivre sa vie entière avec une mentalité de première ligne. Comme le relève Lewis, même les soldats sur le front de la Première Guerre mondiale parlaient rarement de la guerre. Au lieu de cela, ils passaient le plus clair de leur temps à mener des activités normales, notamment la lecture et l’écriture.

La lutte contre le COVID-19, pour reprendre cet exemple, n’a pas dérogé à cette règle. Certes, nous avons passé plus de temps à nous laver les mains, à prendre des distances sociales et à faire du télétravail, mais nous consacrions toujours la majeure partie de notre temps à des activités quotidiennes comme manger, entretenir des relations, travailler et apprendre. Qu’ils aient eu lieu en ligne ou en présentiel, nos cours, réunions, cultes et rencontres avec nos amis se sont poursuivis. Comme Lewis le disait à son auditoire de professeurs et d’étudiants, si vous suspendez toutes vos activités intellectuelles et esthétiques en cas de crise, « vous ne réussirez qu’à substituer une vie culturelle médiocre à une vie meilleure ». […]

Pour le dire en langage théologique, même en temps de crise, il ne faut pas négliger la première grande mission confiée par Dieu (remplir et cultiver la terre) pour répondre à la nécessité de la seconde (faire des disciples).

Genèse 1 contient une déclaration étonnante sur l’homme et sa vocation : « Puis Dieu dit : “Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance, afin qu’il domine sur les poissons de la mer et les oiseaux dans le ciel, sur le bétail et tous les animaux sauvages, et sur toutes les créatures qui rampent sur la terre.” Dieu créa l’homme à son image, à son image Dieu les créa ; il créa l’homme et la femme. » (v. 26-27)

Dieu crée. Puisque l’humain est fait à son image, nous sommes aussi conçus pour créer. En effet, le premier mandat que Dieu nous adresse est le suivant : « Reproduisez-vous, devenez nombreux, remplissez la terre et soumettez-la ! » (Ge 1.28) Il nous a été accordé l’honneur de créer la culture. Nous fabriquons des outils, composons de la musique et construisons même des villes (des actions décrites dans le quatrième chapitre de la Genèse). Nous construisons des civilisations entières avec des routes et des ponts, des langues et des livres. Nous lançons des entreprises et des organisations caritatives, nous fondons des hôpitaux et des universités et nous ouvrons des galeries d’art et des théâtres.

Dans toutes ces activités, Dieu nous a créés pour que nous le recherchions et que nous connaissions ses pensées et son caractère. Il nous a conçus pour désirer la vérité, la bonté et la beauté et pour découvrir sa sagesse (Pr 1.8). Comme nous le rappelle Hugues de Saint-Victor, enseignant du 12e siècle, rechercher la sagesse c’est rencontrer la pensée vivante de Dieu, comme si l’on entrait dans « une amitié avec cette Divinité ».

C’est la raison pour laquelle nous apprenons, pas seulement pour obtenir de l’argent ou un emploi, même si ces choses sont importantes. Nous apprenons parce que Dieu nous a créés à son image afin que nous puissions refléter sa créativité, sa vérité, sa bonté et sa beauté. Nous apprenons également pour retrouver la plénitude de cette image, en nous joignant au Christ pour inverser les effets de la chute à la fois sur nos vies individuelles et sur le monde dans son ensemble. C’est d’ailleurs en partie pour atteindre ces objectifs que les chrétiens ont peuplé le monde d’écoles.

[…] Dans la pandémie, si les épidémiologistes, les scientifiques et les travailleurs de la santé avaient ignoré l’appel de Dieu à étudier à l’université, ils n’auraient pas été prêts à combattre le virus. Nous avons besoin d’économistes pour nous aider à déjouer les pièges financiers. Nous avons besoin de psychologues, de poètes, d’écrivains, de philosophes et d’artistes pour nous aider à gérer les émotions en tous genres que nous ressentons. Nous avons besoin de pasteurs, d’animateurs de culte et de laïcs théologiquement équipés pour nous aider à voir ce que nous vivons à la lumière de l’histoire plus vaste de Dieu.

Dans cette perspective, les chrétiens devraient être les plus grands partisans de l’étude. Faire face à une crise requiert toujours la sagesse de Dieu, que nous trouvons dans l’Écriture et dans les meilleures traditions de l’humanité. Comme le répètent les Proverbes, seuls les fous méprisent la sagesse, l’instruction et l’intelligence. […]

Peut-être êtes-vous hésitant face à un avenir incertain ou avez-vous remis à plus tard tel ou tel apprentissage. Si vous aimez vraiment apprendre et entendez l’appel que la sagesse vous adresse (Pr 1.20-33), mettez-vous sans délai en route plutôt que d’attendre un moment plus favorable. Lewis décrit ainsi les plus grands érudits de la planète : « Ils voulaient la connaissance et la beauté tout de suite, et n’attendaient pas un moment propice qui ne serait jamais venu. »

De nouvelles formes de discipline.

[…] Toute crise majeure a tendance à nous arrêter. Pourtant, nous devons veiller à ne pas laisser les circonstances adverses nous consumer et nous épuiser.

Une peur obsessionnelle peut être un obstacle majeur pour maintenir le cap. L’anxiété prend-elle parfois le dessus sur votre vie, occupant chacune de nos pensées ? Je peux témoigner de ce danger. La première fois que j’ai subi mes problèmes de santé majeurs, je les ai laissés tout dominer. J’ai passé des heures à chercher des réponses en ligne. La douleur et l’épuisement mental m’ont fait sombrer dans la dépression.

Alors que je m’abandonnais à ces vaines occupations, ma femme m’a fait part d’une perle de sagesse dont j’avais cruellement besoin. Dix ans plus tôt, alors qu’elle avait passé une année au lit à se remettre de ses propres soucis de santé, elle avait appris à faire face à ces conditions de « quarantaine » forcée. Le Seigneur lui a lentement enseigné l’importance de structurer sa journée. Elle m’a encouragé à commencer la journée en passant du temps avec Dieu et en faisant des étirements et de l’exercice, ce qui m’a aidé à calmer mes muscles défaillants et à recentrer mon esprit vagabond. Peu à peu, j’ai réappris à gérer mon corps, mon esprit et mon âme.

Pour continuer à apprendre malgré les circonstances, nous devons établir des structures et des rythmes qui nous empêchent de succomber aux pressions du moment. Tout en restant engagés à poursuivre les tâches ordonnées par Dieu, nous pourrions avoir besoin d’expérimenter des moyens inhabituels pour les mener à bien.

Pendant mon épisode de douleurs intenses, je ne pouvais plus m’asseoir ou rester debout pendant de longues périodes. Pour continuer à écrire, j’ai dû faire preuve de créativité et apprendre à utiliser de nouveaux outils. J’ai commandé un support d’ordinateur qui me permettait d’écrire en restant allongé dans mon lit. Par la grâce de Dieu, j’ai vite constaté que le fait de me concentrer sur mon travail me détournait de la douleur et m’aidait à restaurer ma productivité d’antan. En fait, j’ai écrit deux de mes livres de cette manière. […]

Comme le dit Lewis dans Les fondements du christianisme, « Dieu n’apprécie pas davantage les paresseux intellectuels que tout autre paresseux ». Sachons cependant nous récompenser par le repos du sabbat et le jeu. Si nous pensons devoir travailler sept jours sur sept, il est fort possible que nous fassions plus confiance à nos propres forces qu’à Dieu. Si nous pensons que nous devons nous passer de communier avec Dieu pour survivre, nous ne faisons pas confiance à Dieu pour ce qui est de notre temps.

Les crises que nous traversons ne font que confirmer ce que les chrétiens devraient déjà savoir : depuis la rupture avec Dieu, la vie n’a jamais été « normale » et les jours ont toujours été anormalement mauvais (Ep 5.16). Satan, ce monde et notre chair pécheresse conspirent continuellement contre nous pour nous détourner de l’appel de Dieu pour nos vies. Pourtant, sa grâce permet toujours aux chrétiens fidèles, quelles que soient leurs circonstances, de rechercher la compagnie de Dieu, la connaissance de sa pensée et de ses desseins, et l’accomplissement de ses œuvres dans ce monde.

Perry L. Glanzer est professeur de fondements éducatifs à l’Université Baylor, où il est également chercheur résident à l’Institute for Studies of Religion. Il est notamment co-auteur de The Outrageous Idea of Christian Teaching and Christ-Enlivened Student Affairs: A Guide to Christian Thinking and Practice in the Field.

Traduit par Valérie Dörrzapf

Adapté par Léo Lehmann

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Christianity Today November 23, 2023
Illustration d’Abigail Erickson/Images sources : WikiMedia Commons

Au cours des dernières décennies, des évangéliques qui ont étudié la foi au Moyen Âge ont fait beaucoup pour retrouver la variété et la richesse de celle-ci. Pourtant, cette période reste souvent perçue par le grand public comme un « âge sombre » de stagnation artistique et culturelle. Dans Jesus through Medieval Eyes: Beholding Christ with the Artists, Mystics, and Theologians of the Middle Ages (« Jésus à travers des yeux médiévaux. Contempler Christ avec les artistes, mystiques et théologiens du Moyen Âge »), Grace Hamman, autrice et chercheuse indépendante, fait revivre cette époque aux croyants d’aujourd’hui. Greg Peters, professeur de théologie médiévale et spirituelle à la Biola University en Californie, s’est entretenu avec elle au sujet de ses efforts pour mieux faire connaître et apprécier les chrétiens du Moyen Âge.

Jesus through Medieval Eyes: Beholding Christ with the Artists, Mystics, and Theologians of the Middle Ages

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre ?

L’idée m’est venue au cours de la période du COVID-19. Je venais d’avoir un bébé et de quitter le monde académique et je me sentais triste de laisser derrière moi la littérature médiévale sans savoir ce qui allait suivre. J’ai commencé à réfléchir à la manière dont je pourrais permettre à des personnes extérieures au monde universitaire de découvrir la littérature médiévale d’une manière attrayante. Cela a ouvert la voie à une série de mon podcast, Old Books with Grace, où j’ai exploré les différentes façons dont les hommes et femmes du Moyen Âge dépeignent Jésus et parlent de lui. À partir de là, je me suis dit que je pourrais continuer à travailler sur ce thème. Je n’avais pas envie d’arrêter.

Dans ce livre, vous examinez sept représentations de Jésus au Moyen Âge. Avez-vous un ou deux favoris ?

C’est difficile à dire ! Mais l’image qui me vient à l’esprit est celle de Jésus en tant que mère. Des contemplatives médiévales comme Julienne de Norwich et Marguerite d’Oingt s’inspiraient d’une tradition monastique préexistante qui représentait le Christ de cette manière. Pour des oreilles chrétiennes modernes, cela peut sonner vaguement New Age ou hétérodoxe. Mais cette image est profondément ancrée dans les Écritures, notamment lorsque Jésus parle de lui-même comme d’une mère poule (Mt 23.37). On la retrouve également dans la Bible dans l’imagerie de la littérature de sagesse.

Des auteurs monastiques ont mis en avant cette image et tentaient de réfléchir à ce qu’elle pouvait signifier en matière d’exercice d’une autorité compatissante. Ensuite, des auteurs mystiques comme Julienne ont offert de magnifiques développements à cette idée. Cela a changé ma façon de penser la nature de l’amour de Dieu et de me penser moi-même en tant que créature incarnée. L’image m’a aidé à approfondir l’humilité et à accepter le don de mes limites dans ma position de petit enfant du Christ.

L’intérêt d’une autre image — Jésus en tant que juge — m’a surprise, car je redoutais d’écrire à ce sujet. Il est difficile d’imaginer que la justice absolue et la miséricorde éternelle puissent aller de pair. Mais les médiévaux se sont inspirés de cette image de manière très intéressante, tant dans leur art que dans leur poésie.

L’une des images les plus problématiques pour le public évangélique pourrait être celle de Jésus en tant qu’amant. Comment, dans le contexte de notre culture contemporaine hypersexualisée, pouvons-nous comprendre au mieux les expressions médiévales de notre désir pour le Christ et de son désir pour nous ?

C’est un autre chapitre avec lequel j’ai beaucoup lutté. Ces images sont fermement ancrées dans les Écritures. Ces thèmes étaient très populaires au Moyen Âge. Les écrivains médiévaux ont repris tout ce langage de l’Apocalypse, du Cantique des Cantiques et des Évangiles qui dépeint Jésus comme un époux ou un amant. J’ai pris ce constat comme une invitation à comprendre pourquoi ils l’utilisaient avec tant d’enthousiasme et pourquoi cela nous met mal à l’aise dans la culture hypersexualisée d’aujourd’hui.

Il est important de s’en tenir fermement au caractère métaphorique de l’idée de Jésus en tant qu’amant. Les problèmes commencent lorsque nous essayons de l’associer de manière trop précise aux fonctions corporelles ou à ce qui se passe dans la chambre à coucher. Il y avait une sorte d’universalité dans cette image. En étudiant l’époque médiévale, j’ai vu que cette image n’était pas réservée aux femmes ou aux moines et nonnes qui avaient fait vœu de ne pas se marier. Toutes sortes de gens la reprenaient.

Je pense que c’est parce que l’intimité et le désir des amants vont au-delà de ce que le langage de l’amitié peut exprimer. Il y a quelque chose d’une mise à nu et d’une pleine vulnérabilité. Rien n’est caché devant Dieu et pourtant il vous aime tel que vous êtes, avec toutes vos particularités de créature. Ce désir est si puissant qu’il culmine dans la Croix et la Résurrection. Il existe de magnifiques poèmes médiévaux dans lesquels le Christ est dépeint comme un chevalier amoureux, blessé pour sa fiancée. Beaucoup d’entre nous ont eu des expériences malheureuses dans des groupes de jeunes véhiculant une mentalité du style « Jésus est mon petit ami », ou des choses du genre. Mais l’imagerie médiévale revêt une tendresse réelle et surprenante qui résiste à ce type de sexualisation problématique.

Y a-t-il d’autres images médiévales de Jésus que vous auriez aimé inclure ? Pourquoi ?

J’aurais aimé explorer davantage l’image de Jésus en tant que bébé, car les médiévaux étaient très intéressés par la façon dont Dieu avait pu venir sur terre, grandir et se développer comme les autres êtres humains. Il existe une longue tradition d’artistes médiévaux qui ont représenté Jésus sous les traits d’un petit homme plutôt que d’un petit bébé, non pas parce qu’ils ne savaient pas dessiner les bébés, mais parce qu’ils réfléchissaient sincèrement à l’étrangeté de la représentation de Dieu sous cette forme.

Tout au long du livre, vous formulez certaines critiques à l’égard de l’Église contemporaine. Comment voyez-vous le christianisme médiéval éclairer nos défis actuels ?

Lorsque je mets en relation l’Église contemporaine avec la chrétienté médiévale, je m’inquiète du risque d’une certaine arrogance. Nous sommes constamment tentés de penser que notre époque de l’histoire chrétienne est celle qui a enfin compris l’Évangile.

Bien entendu, cette tentation apparaît également au Moyen Âge, comme à toutes les époques de l’histoire de l’Église. Mais les auteurs médiévaux parlaient souvent de la littérature — qu’elle soit théologique, pratique ou poétique — comme d’une sorte de miroir. Celui qui s’y penche se voit différemment. L’orgueil et l’arrogance sont difficiles à mettre en évidence, car nous pensons naturellement que nous avons raison, que ce soit sur la foi ou d’autres sujets. Mais lorsqu’on examine d’autres périodes et qu’on lit attentivement leur littérature, on commence à percevoir certaines des façons dont nous sommes devenus trop rigides ou complaisants dans notre vision de Dieu et de nous-mêmes.

Dans la littérature médiévale, je vois parfois la tentation pour les croyants de l’époque d’utiliser Jésus ou de le façonner à leur ressemblance. Mais c’est une tentation qui est encore puissamment à l’œuvre aujourd’hui. On peut instrumentaliser Jésus pour obtenir tout ce que l’on veut dans la sphère privée comme dans la sphère publique. On peut le domestiquer au point que tout ce que nous faisons paraît bon parce que nous pensons que Jésus est comme nous et que nous sommes comme lui.

C. S. Lewis a dit un jour que la lecture de la littérature du passé était comme une fraîche brise marine soufflant dans nos esprits encrassés. En lisant des écrits médiévaux avec un esprit ouvert, on vit cette expérience rafraîchissante de commencer à remettre en question des choses que l’on croyait acquises sur le monde.

En fin de compte, comment espérez-vous que les lecteurs réagiront à votre livre ?

C’est peut-être évident, mais j’espère que ce livre aidera les gens à aimer Jésus. Je suis toujours encouragée lorsque je vois à quel point d’autres personnes aiment Jésus, que ce soit aujourd’hui ou dans le contexte de l’histoire chrétienne. Je veux que les lecteurs voient l’Église à l’œuvre en des époques et des endroits imparfaits, tout comme elle l’est aujourd’hui.

Pour moi, ce projet a été une école d’amour. J’aimais déjà l’Église médiévale en raison de mes études, mais cet amour n’a fait que croître pendant la rédaction du livre. J’espère que les lecteurs auront un aperçu de la beauté qu’on peut y trouver.

Ensuite, j’espère vraiment qu’ils iront lire quelque écrit médiéval pour eux-mêmes ! Essayez de vous procurer une traduction de Julienne de Norwich ou du magnifique livre de prières de Thomas d’Aquin, ou allez voir de l’art médiéval. Saisissez cette bénédiction de pouvoir entendre ces voix du passé chrétien.

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Mon ami pasteur soutient la politique frontalière de Trump. Il héberge aussi des migrants.

Il est politiquement commode de considérer les migrants comme des « envahisseurs ». Mais à la frontière, la réalité est plus complexe.

Mario Tama/Getty

Mario Tama/Getty

Christianity Today November 23, 2023
Des migrants récemment arrivés d’Amérique centrale font la queue pour recevoir un repas dans un centre chrétien pour les migrants demandeurs d’asile à El Paso, au Texas.

V ous connaissez des emplois pour des personnes comme moi ? », me demande D. en tapant la phrase en espagnol dans l’application de traduction de son téléphone.

Les gens comme elle. D. est vénézuélienne et fait partie des millions de migrants qui sont arrivés à la frontière sud des États-Unis ces dernières années. Avec son mari, elle a entrepris un voyage périlleux, désespérée que ses enfants aient une chance d’avoir le genre de vie que je considère comme acquis pour ma famille : de la nourriture chaque jour, une formation, de l’électricité et des soins de santé. Et maintenant, elle est assise en face de moi à la table de ma cuisine.

Je l’ai rencontrée il y a quelques mois, peu de temps après son arrivée en ville. Un de mes amis, le pasteur E., accueillait des migrants dans son église, une communauté évangélique hispanophone et anglophone située à Midland, au Texas. Les migrants de son église ont été autorisés par les États-Unis à entrer sur leur territoire et à demander l’asile, m’a expliqué le pasteur E., mais ils doivent généralement attendre six mois ou plus pour obtenir l’autorisation de travailler.

Pendant qu’ils attendent, le pasteur E., sa femme et leur communauté fournissent un abri et des repas à certains des migrants qui n’ont pas d’autres contacts aux États-Unis, et ils les aident également à trouver des emplois rémunérés auprès de personnes dont on peut attendre un traitement équitable.

Je tape ma prochaine question pour D. dans l’application de traduction de mon téléphone, même si je connais la réponse : « Avez-vous l’autorisation de travailler ici ? » Elle secoue la tête. Jusqu’à présent, tous les migrants pris en charge par le pasteur E. attendent encore leur permis de travail.

Je réfléchis à sa question : Connaissez-vous des emplois pour des personnes comme moi ? Je saurais comment aider D. à trouver un pédiatre et à inscrire son enfant à l’école. Je pourrais l’aider à trouver un professeur de mathématiques ou un agent immobilier. Mais bien que nous vivions dans la même ville, nous appartenons à deux mondes différents. Et je ne sais pas comment l’aider à trouver un emploi régulier, juste et sûr dans le monde qui est le sien.

« Je suis bénie », commencé-je à taper, mon christianisme évangélique remontant par réflexe à la surface. Mais le mot me paraît comme souillé à l’écran. J’ai entendu D. chanter des hymnes en espagnol. Est-ce la bénédiction de Dieu qui a conduit chacune d’entre nous là où elle est ? Je reviens en arrière et j’essaie d’être plus précise.

« J’ai de la chance » , dis-je plutôt. Afortunada. « Étant donné que je suis née ici, je n’ai pas d’expérience dans la recherche d’emplois ne nécessitant pas de permis légal, et je ne sais pas comment vous aider. »

Alors que je tourne le téléphone pour lui montrer mon explication en espagnol, celui-ci sonne et un message s’affiche. Il s’agit d’une publicité politique : « Carrie, c’est Amber, de l’association “Texans pour des frontières solides”. Le Texas est confronté à une invasion en raison du refus de l’administration Biden de sécuriser la frontière. » Une invasion de personnes comme D.

Un territoire contesté. C’est là que j’ai parfois l’impression de vivre en tant que disciple de Jésus, dans un endroit saturé à la fois de christianisme culturel et de foi profonde. Dans l’ouest du Texas, comme dans une grande partie des États-Unis, l’orientation politique est prévisible en fonction du code postal et certaines préférences idéologiques vont de pair avec l’appartenance à une église. Il peut être facile d’oublier ou ignorer les tensions existantes entre certaines valeurs, en particulier lorsque les préférences nationales consument peu à peu la loyauté envers le Royaume.

Comme moi, le pasteur E. est né et a grandi dans l’ouest du Texas, bien que la vie de sa famille ait toujours fait des allers-retours de part et d’autre de la frontière avec la même nonchalance dont témoigne le Rio Grande qui sépare les deux pays. Politiquement conservateur, E. est un républicain jusque dans le sang, tout comme le Texan de l’Ouest moyen. Il est en mesure d’expliquer de manière convaincante pourquoi l’immigration doit être fortement réduite et la frontière rendue plus sûre.

Et bien que E. n’aime pas le caractère provocant de l’ancien président Donald Trump, il apprécie sa position ferme sur l’immigration, qu’il juge plus humaine que les politiques de l’administration Biden, qui d’un côté accueille plus ou moins les gens, mais d’autre part rend presque impossible d’immigrer en toute sécurité et légalement.

À un moment donné de notre vie, E. et moi partagions une certitude confortable dans le refrain républicain habituel : Je suis favorable à l’immigration, mais ils doivent entrer légalement. La formule semblait tracer avec la certitude d’un topographe une ligne de démarcation claire et même morale à travers la crise frontalière. Noir et blanc. Bien et mal. Nous et eux.

Mais maintenant que les migrants sont assis à nos tables de cuisine, nous avons tous les deux appris que les choses sont plus compliquées que cela. Certains migrants dont E. sait qu’ils ont reçu l’autorisation d’entrer aux États-Unis il y a plus de deux ans attendent toujours un permis de travail.

« Ils doivent créer une sous-culture pour survivre », me dit-il, décrivant la servitude moderne dans laquelle certains migrants sont pris. Les mots d’E. restent suspendus entre nous. Nous savons tous les deux que nous prendrions les mêmes risques si c’était ce qu’il fallait pour nourrir notre propre famille.

« L’immigration n’a jamais été traitée sérieusement. Les républicains et les démocrates ne veulent pas y toucher », me dit E., me faisant part de ses frustrations politiques à propos des deux partis. En réalité, le travail d’assistance qu’il accomplit se heurte à suffisamment de zones grises juridiques pour que les avocats nous aient conseillé, à moi et aux éditeurs de notre magazine, de garder l’identité d’E. anonyme afin de le protéger contre d’éventuelles répercussions juridiques.

Le fait qu’il puisse y avoir là une inquiétude — à propos d’un ministère ecclésial d’assistance à des immigrants légaux — révèle l’absurdité cruelle de la procédure d’asile actuelle, que de nombreux migrants suivent parce qu’elle est la seule voie d’immigration licite largement ouverte pour les travailleurs non qualifiés qui n’ont pas de famille aux États-Unis : nous autorisons les migrants à entrer dans le pays, mais nous ne leur donnons pas en même temps l’autorisation d’y travailler.

Ce vide juridique expose les migrants à de réels dangers, notamment à des risques de traite des êtres humains et à des abus en matière de travail. Dans le même temps, il leur faut naviguer à travers les arcanes d’une procédure d’immigration inefficace et souvent inexplicable, alors qu’ils ne parlent généralement pas anglais, n’ont pas les moyens de s’offrir les services d’un avocat et ne savent peut-être même pas lire et écrire.

Plutôt que de s’attaquer aux problèmes systémiques de nos politiques d’immigration, les politiciens de droite comme de gauche utilisent les migrants comme du carburant politique, ne faisant rien pour s’occuper de ces hommes et ces femmes créés comme nous à l’image de Dieu. La dure réalité est la suivante : nous vivons dans un système où nous dépendons du travail illégal, mais diabolisons ceux qui le fournissent. Pour soulager notre conscience, nous faisons semblant de ne pas voir, en passant de l’autre côté de la route (Lc 10.25-37).

Le pasteur E. voit bien aujourd’hui les migrants dans notre ville, et les aide par loyauté envers le Royaume, même s’il s’agit aussi de désobéissance civile. Pourtant, de son propre aveu, E. a passé des années à ignorer les migrants qui traversent l’ouest du Texas, confiant dans ses politiciens et occupé par son ministère.

L’automne dernier, E. passait en voiture à Ciudad Juárez, la ville mexicaine située de l’autre côté du Rio Grande, face à El Paso, où il aide à conduire trois autres églises. Le long de la rivière, il a découvert un vaste campement de migrants. À quelques pâtés de maisons de l’extrémité de la voie ferrée que beaucoup avaient empruntée dans leur route vers le nord, ils s’étaient installés sur un étroit terrain de gravier entre l’eau et une autoroute mexicaine très fréquentée. De l’autre côté de la rivière, on apercevait la silhouette moderne d’El Paso, proche, mais incroyablement éloignée des tentes de fortune des migrants, faites de bâches et de morceaux de carton récupérés. Au-dessus du camp flottait un drapeau vénézuélien.

D’habitude, il serait passé à côté. Mais cette fois, E. s’est arrêté et s’est retrouvé à demander à Dieu : Quel est notre rôle pour les aider ? Comment nous as-tu appelés à faire la différence ? Il est rentré chez lui à Midland et, au cours des deux semaines suivantes, il s’est réveillé toutes les nuits entre 3 et 4 heures du matin après avoir rêvé de moutons et de chèvres, de migrants et du berger qui protège et fait le tri.

Chaque nuit, il se réveillait avec les mots de Matthieu 25.35-36 en tête : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger et vous m’avez accueilli ; j’étais nu et vous m’avez habillé ; j’étais malade et vous m’avez rendu visite ; j’étais en prison et vous êtes venus vers moi. »

Chaque nuit, il essayait de se rendormir avec cette instruction de Dieu résonnant dans le silence : « Ne me demande pas pourquoi ils sont venus ; demande-moi ce qu’il faut faire maintenant qu’ils sont là. »

E. était de plus en plus convaincu que « l’Église avait détourné les yeux de ce qui était nécessaire », raconte-t-il. Que lui-même avait détourné ses yeux de ce qui était nécessaire ! « Nous étions devenus si méthodiques dans notre façon de faire les choses pour Dieu que nous avions perdu son cœur pour ceux qui en avaient vraiment besoin. »

Ses opinions politiques sur l’immigration n’ont pratiquement pas changé. Mais son cœur, oui. « Dieu m’a dit : “Je veux que tu sois mes mains. Mes pieds. Ma bouche. Mes yeux” », dit le pasteur. « Je veux que tu les aimes. Accueille-les. Fais-leur sentir qu’ils ont trouvé un abri, une famille et un endroit où apprendre à me connaître. »

Avec ses communautés partenaires au Mexique et leurs pasteurs, E. a rapidement installé un abri dans un bâtiment vacant près du camp. Certains membres de l’église ont fait le ménage. D’autres ont cuisiné. Le premier jour, ils ont servi des spaghettis à près de 300 migrants et, depuis, ils offrent un repas tous les jours.

En l’espace d’une semaine, les équipes de l’église ont installé cinq lavabos avec de l’eau fraîche à l’extérieur du bâtiment, offrant ainsi aux migrants un endroit pour baigner leurs bébés, se laver les mains et se brosser les dents. En l’espace de dix jours, les églises ont construit des douches et des toilettes ; bien que les migrants vivent toujours sous des tentes, ils sont maintenant plus nombreux à disposer au moins de ces commodités.

Au fur et à mesure que le temps se refroidissait, les bénévoles de l’église ont poussé les tables et les chaises contre les murs pendant la nuit, permettant ainsi à une vingtaine de personnes de dormir à l’intérieur, à l’abri du froid. Lorsque le gouvernement mexicain a commencé à réprimer les migrants qui dormaient à l’extérieur, ils ont rénové une partie du bâtiment dont le toit s’était effondré afin que davantage de personnes puissent s’installer à l’intérieur. Aujourd’hui, le bâtiment sert de centre de jour pour des centaines de personnes chaque jour et de dortoir pour environ 130 personnes chaque nuit.

Au cours des quatre premiers mois, le pasteur E. estime que près de 15 000 migrants — originaires du Venezuela, du Nicaragua, du Honduras, du Guatemala et même de pays africains — sont passés par là. Lorsque certains migrants ont reçu l’autorisation d’entrer aux États-Unis, mais n’avaient nulle part où aller après avoir franchi la frontière, E. a transformé son église de Midland en refuge, en étendant des matelas gonflables sur le sol de l’école du dimanche, en ajoutant une salle de douche aux toilettes existantes, en préparant des repas dans la cuisine de l’église et en essayant d’aider les migrants à trouver du travail. C’est ainsi que j’ai rencontré D.

« Je doute qu’il soit du devoir d’une personne individuelle de fixer sa pensée sur des maux qu’elle ne peut pas solutionner », écrivait C. S. Lewis. « Cela peut même devenir une échappatoire aux œuvres de charité que nous pouvons réellement accomplir pour ceux que nous connaissons. »

Le pouvoir politique dont disposent les chrétiens américains rend cette observation difficile à mettre en pratique. En particulier dans les positions de direction ou d’influence, il est facile de fixer notre pensée sur des maux que nous ne pouvons pas solutionner, d’apposer le sceau divin à des programmes partisans et de laisser nos activités politiques remplacer — plutôt que compléter — nos responsabilités chrétiennes concrètes. Je l’ai déploré à de nombreuses reprises, en particulier pour des questions telles que l’immigration qui semblent totalement insolubles dans la sphère politique, mais qui peuvent être abordées de manière concrète dans nos communautés locales.

Il existe une troisième voie, que j’ai vu le pasteur E. emprunter l’année dernière. Je l’ai vu descendre l’échelle du pouvoir plutôt que de tenter de la gravir, troquant ses certitudes politiques contre une humilité repentante et apprenant à aimer ses prochains au lieu de souhaiter qu’ils ne soient pas là. Plutôt que de peaufiner sa position personnelle sur la politique d’immigration des États-Unis, E. se débat avec une question plus profonde et complexe : Qu’est-ce que l’amour exige de moi ?

Cela ne veut pas dire qu’il est satisfait de l’actuelle politique américaine sur l’immigration — ce n’est pas le cas — ou qu’il voudrait l’ouverture des frontières — ce n’est pas le cas non plus. Mais E. a compris que ce genre de questions ne devait pas être sa préoccupation première. Elles ne sont pas non plus la mienne et ne devraient probablement pas l’être. La plupart d’entre nous ne serons jamais en mesure d’orienter la politique d’immigration de notre pays, mais nous aurons toujours la possibilité d’aimer véritablement notre prochain.

Dans sa chronique d’au revoir pour le New York Times, Tish Harrison Warren, contributrice de notre magazine, observe que nous avons tous tendance à « donner la priorité au lointain sur le proche et au grand sur le petit. On peut chercher à avoir toutes les justes opinions politiques et ne pas vraiment aimer nos véritables prochains, ceux qui nous entourent, à la maison, sur notre lieu de travail ou dans notre quartier. »

Lorsque nous nous occupons de débats politiques que nous ne pouvons pas résoudre et que nous réduisons l’appel à aimer nos voisins en chair et en os à un simple exercice philosophique, nous faisons de notre vie, comme l’écrit Warren, une « abstraction » — une existence digitalisée, isolée et déshumanisée. Le chemin de l’incarnation de Jésus est différent. Comme le dit Eugene Peterson dans sa traduction de Jean 1.14, « Le Verbe s’est fait chair et sang, et il s’est installé dans le voisinage. »

Nous sommes appelés à prendre la même direction. Nous devons accueillir, comme le conclut Warren, les « réalités charnelles, complexes et tangibles auxquelles nous sommes exposés dans nos quartiers, nos églises, auprès de nos amis et de notre famille. » C’est ce qu’a fait le pasteur E. Sur ce chemin, il a ouvert la porte à ceux d’entre nous qui l’entourent pour qu’ils se confrontent avec la même réalité compliquée, parfois à notre propre table de cuisine.

Il est facile de qualifier D. d’« envahisseur » lorsque vous envoyez un message automatique de campagne. Ce n’est pas si facile quand on est assis en face d’elle et qu’on la regarde se masser les tempes et tenter de reposer ses yeux. Dans ces moments-là, je ne sais pas comment réformer la loi de mon pays sur l’immigration. Mais je sais que celle qui se trouve en face de moi ressemble plus à une sœur qu’à une menace.

Carrie McKean est une autrice basée dans l’ouest du Texas dont les travaux ont été publiés dans le New York Times, The Atlantic et le Texas Monthly Magazine.

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Il ne nous abandonnera pas dans la douleur.

Le difficile travail de la foi incarnée

Christianity Today November 21, 2023
Phil Schorr

Ce jour-là s’ouvriront
les oreilles des sourds et les yeux des aveugles.
Et alors le boiteux bondira comme un cerf,
et le muet criera de joie,
car des eaux jailliront dans le désert et,
dans la steppe, des torrents couleront.
La terre desséchée se changera en lac,
et la terre altérée en sources jaillissantes.
Des roseaux et des joncs croîtront dans le repaire
où gîtaient les chacals.

(Ésaïe 35.5-7)

Il n’est pas facile d’habiter notre corps tout en faisant confiance à l’action de l’Esprit. La maladie, le handicap et les maltraitances font partie de notre réalité et requièrent notre attention immédiate. Notre esprit est souvent rempli de pensées assourdissantes, obsédé par nous-mêmes. Nos propres malheurs monopolisent notre attention.

Nous aspirons au soulagement : un endroit où nos âmes desséchées peuvent trouver de l’eau, où les déficiences de notre corps peuvent être surmontées. Nous crions au secours et appelons à la vengeance pour les injustices que notre corps a endurées. Nous espérons voir le Christ au milieu des sources jaillissantes, mais notre attention est entraînée vers le sable brûlant sous nos pieds.

Le prophète Ésaïe exprime les promesses de Dieu avec les mots de la guérison. Oui, le Messie apportera la paix spirituelle, mais il ne négligera pas les corps blessés des rachetés. Il nous fera entrer en Sion avec des chants et nous conduira vers l’aube lumineuse de notre espérance. Il ne nous abandonnera pas dans la douleur.

Bien que nous connaissions cette promesse, nous sommes prompts à nous détourner, à suivre notre propre chemin d’incrédulité. La rédemption du Christ prend souvent une forme différente de celle que nous avions imaginée, et nous nous demandons, comme Jean-Baptiste, si nous devrions attendre un autre roi. Avons-nous placé notre espoir en la mauvaise personne ? N’est-il pas celui que l’on croyait ? Nous attendons avec impatience que le salut arrive et change concrètement notre réalité. Et c’est bien en ces termes que Jésus répond aux interrogations de Jean : « les aveugles voient, les paralysés marchent normalement, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. » (Mt 11.4)

Il est le salut prophétisé par Ésaïe. La guérison que procure sa main témoigne de sa divinité. Israël attendait la venue d’un Sauveur qui guérirait les blessures spirituelles et physiques. Cet espoir s’est concrétisé par la naissance d’un bébé. Les miracles qu’il a accomplis pendant son séjour sur terre ont été les premiers signes de cette guérison tant attendue. Et pourtant, nous l’attendons toujours, tourmentés et fragiles.

Au lieu de laisser notre affaiblissement décourager notre persévérance, levons des yeux pleins d’espoir vers celui qui peut réellement sauver. En cette période, peut-être l’un de nos chants fera-t-il écho aux espoirs de l’ancien Israël : « Ô viens bientôt Emmanuel. » Oui, il y aura un temps où l’ensemble de cette prophétie sera notre réalité. Nous marcherons sur la route sainte avec les rachetés. Un bonheur et une joie éternels couronneront nos têtes et tout chagrin s’évanouira.

D’ici là, nous nous souvenons de l’enfant né à Bethléem, qui est venu ouvrir les yeux des aveugles et annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, et qui reviendra pour rassembler et sauver le peuple de Dieu. Il apportera la rétribution divine pour les torts et la guérison pour nos blessures, et nous serons restaurés. « À ceux qui sont troublés, dites-leur : Soyez forts, n’ayez aucune crainte, votre Dieu va venir… » (Es 35.4)

À méditer



Comment les paroles d’Ésaïe et le ministère de guérison de Jésus nous apportent-ils du réconfort et de l’espoir dans nos propres luttes face aux déficiences physiques, aux maladies ou aux injustices subies ?

Comment pourrions-nous concrètement nous encourager les uns les autres à rester forts et inébranlables dans la foi, malgré les épreuves et les défis auxquels nous sommes confrontés ?

Beca Bruder est responsable éditoriale pour le magazine Comment.

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Le Roi éternel arrive

Cheminer dans l’Avent avec notre humble et puissant Sauveur

Christianity Today November 21, 2023
Phil Schorr

Bienvenue ! Nous voici entrés dans l’Avent. Malgré les exigences parfois lourdes de cette saison de l’année, nous avons à cœur de revenir à la profondeur et la richesse de ce temps particulier du calendrier chrétien. Au cœur de cette période souvent marquée par des agendas bien remplis et des cuisines animées, des repas de fête et des cadeaux, nous vous invitons à vous laisser accompagner par ce recueil de méditations.

Celui-ci a pour but de vous (re)plonger dans la révélation personnelle de Dieu et les vérités qui en découlent et vous préparer à célébrer la venue de notre humble et glorieux Roi. Nous avons structuré cet ensemble pour vous aider à méditer en particulier sur la gloire et la tendresse du Christ. Il est venu en la personne d’un bébé vulnérable. Dans son incarnation, il a témoigné de sa tendresse pour sa création. Tout au long du mois de décembre, nous célébrerons à la fois la souveraineté et la grandeur de sa royauté et cet amour prêt à se défaire de lui-même.

Cet ensemble de méditations de l'Avent offre de vous accompagner dans une lecture par jour pendant six jours pour les deux premières semaines de l'Avent, laissant un peu d'espace aux aléas de cette période, puis une série de lectures continue jusqu'à Noël.

En premier lieu, nous nous immergerons dans l’annonce prophétique du Christ révélé tout au long de l’Ancien Testament, avec des méditations évoquant l’attente du Roi promis par Israël et les signes qui accompagneraient sa venue. Ensuite, nous nous réjouirons du jubilé éternel que l’incarnation de Jésus annonce : un temps de liberté, de joie et de vie nouvelle qu’il offre dès à présent. Enfin, nous parcourrons les derniers jours jusqu’à Noël en contemplant avec émerveillement l’avènement du règne de Christ. Il est notre Sauveur tant attendu et, en cette période de l’Avent, nous célébrons cette vérité qui change la vie : notre Roi éternel est arrivé.

Deux méditations complémentaires vous sont également proposées : l'une pour l'épiphanie et l'autre intitulée « L'Avent pour les cœurs en deuil ».

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Méditations de l’Avent 2023 proposées par Christianity Today

Toutes nos méditations de l’Avent rassemblées au même endroit.

Christianity Today November 21, 2023
Méditation de l’Avent 2023.

Produit par les éditeurs et contributeurs de Christianity Today, Le Roi éternel arrive est un recueil de méditations de 4 semaines qui propose de vous accompagner individuellement, en petit groupe ou en famille durant l'Avent 2023.

L’annonce prophétique

Le jubilé éternel

Le couronnement divin

Jour de Noël

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