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16 alliances évangéliques demandent un cessez-le-feu à Gaza et condamnent le Hamas.

La déclaration publiée par les associations régionales et nationales en faveur d’une « paix juste » va plus loin d’un point de vue biblique que d’autres appels analogues.

Église orthodoxe grecque Saint-Porphyre à Gaza.

Église orthodoxe grecque Saint-Porphyre à Gaza.

Christianity Today November 6, 2023
Agence Anadolu/Contributeur/Getty

Alors que les victimes civiles de la guerre entre Israël et le Hamas se multiplient à Gaza, 16 alliances et associations évangéliques appellent à un cessez-le-feu humanitaire immédiat.

Mais leur déclaration de lamentation, de repentir et de condamnation du 1er novembre va plus loin.

« Nous appelons l’Église et les croyants à accroître et intensifier dans la région un travail d’établissement d’une paix juste et promotrice une justice réparatrice, et à le faire en faisant preuve d’empathie et d’humilité », déclarent les signataires. « La paix ne peut être atteinte que lorsque les cycles de la violence sont brisés et que les auteurs et les victimes sont libérés de leur désir de vengeance. »

Au nombre des associations régionales de l’Alliance évangélique mondiale (AEM) au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique latine signataires du texte, on trouve des organismes représentatifs d’Algérie, d’Égypte, d’Éthiopie, d’Inde, d’Irak, de Jordanie, du Kenya, du Kurdistan, du Népal, du Qatar, d’Afrique du Sud et du Sri Lanka, ainsi qu’une alliance arabophone d’Europe.

Reconnaissant leur compréhension « incomplète » de la complexité géopolitique de la situation et des desseins eschatologiques de Dieu, la déclaration déplore la perte tragique de vies humaines, se repent du soutien insuffisant apporté au rétablissement de la paix et dénonce le fait que la communauté mondiale n’a pas su « assurer le respect » du droit humanitaire international.

Mais l’appel commun, relayé notamment par les affiliés de l’AEM en Inde et en Amérique latine, est également plus clair dans des domaines où d’autres déclarations chrétiennes sur la guerre ont été accusées de ne pas être à la hauteur.

Les alliances condamnent toutes les formes d’antisémitisme, appellent le Hamas à libérer tous les otages et qualifient de « déplorable et méprisable » le « plus grand massacre de civils juifs en un seul jour depuis l’Holocauste ».

Cependant, le texte affirme également qu’« Israël, dans sa poursuite du Hamas, a causé davantage de morts parmi les civils ». Il situe ces violences dans le cadre d’un conflit qui dure depuis des décennies et dans lequel, « sans garantir la justice, l’égalité et l’épanouissement de tous en Terre sainte, aucun groupe de population n’obtiendra la sécurité ».

Ce message, de l’avis de beaucoup, est la raison pour laquelle d’autres déclarations restaient insatisfaisantes.

« Nous nous sommes associés à cet effort pour attirer l’attention sur les différentes perspectives au sein de la communauté évangélique mondiale », rapporte Vijayesh Lal, secrétaire général de l’Alliance évangélique indienne, membre fondateur de l’AEM. « Tout d’abord pour une bonne compréhension, mais aussi pour promouvoir la paix, il est nécessaire de présenter divers points de vue autres que ceux qui sont normalement étiquetés comme “la position évangélique”. »

L’alliance sud-africaine a déclaré qu’elle ne voulait pas répéter les erreurs du passé.

« Au plus fort de l’apartheid, la voix évangélique dans le monde était largement inexistante ou, au mieux, cherchait à adopter une position neutre face à nos souffrances », dit Moss Nthla, son secrétaire général. « Nous avons estimé qu’il se passait la même chose avec la guerre d’Israël contre Gaza. »

L’alliance du Kenya voulait une condamnation claire des atrocités commises contre les citoyens d’Israël. Elle souligne également le plus grand nombre de morts parmi les Palestiniens, tout en estimant que le Hamas est passé maître dans l’utilisation de boucliers humains.

Et des évangéliques font partie de ceux qui souffrent à Gaza, note l’alliance en lançant un appel à tous pour un « état d’esprit humanitaire ».

« Nous nous adressons à la communauté internationale : n’ignorez pas le sort des civils qui souffrent », déclare Nelson Makanda, secrétaire général de l’Alliance évangélique du Kenya. « C’est notre devoir de chrétien. »

Cette déclaration s’inscrit dans le cadre d’une récente série d’appels internationaux à l’arrêt des combats.

« Cessez le feu, cessez le feu. Frères et sœurs, arrêtez ! » appelait le pape François. « La guerre est toujours une défaite, toujours. »

Le Conseil œcuménique des Églises et les Églises pour la paix au Moyen-Orient ont également soutenu un cessez-le-feu. La communion anglicane, cependant, faisait face à un désaccord interne dans les termes à adopter.

À la suite des décès causés par une frappe aérienne israélienne à proximité de l’église orthodoxe Saint-Porphyre, l’archevêque de Canterbury Justin Welby s’est joint aux patriarches et aux chefs des Églises de Jérusalem pour appeler à un cessez-le-feu humanitaire immédiat.

Citant Matthieu 25.35 — j’avais faim et vous m’avez donné à manger — les religieux ont insisté sur la livraison de biens de première nécessité aux agences humanitaires, y compris la leur.

« Même face aux demandes incessantes de l’armée d’évacuer nos institutions caritatives et nos lieux de culte, nous n’abandonnerons pas cette mission chrétienne. »

L’Église d’Angleterre que dirige Welby a toutefois publié une déclaration légèrement différente.

Citant Ésaïe 2.4 — ils n’apprendront plus la guerre — elle affirme le droit d’Israël à l’autodéfense tout en appelant à des « pauses » humanitaires immédiates.

La sémantique est importante dans la diplomatie internationale, et la question de la formulation divise également les Nations unies. Après avoir échoué quatre fois au Conseil de sécurité des 15 membres — une fois à cause du veto des États-Unis, une fois à cause du veto de la Russie et de la Chine — l’Assemblée générale a adopté une troisième approche dans son appel non contraignant à une « trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue ». La mesure a été adoptée par 120 voix contre 14.

Le Royaume-Uni fait partie des 45 pays qui se sont abstenus. L’amendement du Canada visant à dénoncer le Hamas a été rejeté. Les États-Unis ont voté contre la résolution. Ils soutiennent une « pause », mais estiment qu’un cessez-le-feu n’est pas approprié « à ce stade ».

Israël a vivement critiqué le fait que le Hamas n’ait pas été condamné.

« Pourquoi les besoins humanitaires des habitants de Gaza sont-ils […] la seule question sur laquelle vous vous concentrez ? », a demandé son ambassadeur auprès des Nations unies.

Tony Perkins, président du Family Research Council, [une organisation américaine de lobbying chrétien], note que la résolution de l’ONU est intervenue au moment où Israël était prêt à entamer sa campagne terrestre.

« L’entrée dans la bande de Gaza », analyse-t-il, « suscite des réactions négatives de la part des sympathisants des Palestiniens au sein des Nations unies et dans le monde entier. »

Le Philos Project [une association chrétienne engagée pour la paix au Proche-Orient] a déclaré qu’un cessez-le-feu était la « mauvaise solution ».

« Il n’est pas possible de négocier la paix avec un parti qui la rejette par principe », a-t-il déclaré, citant l’article 13 de la charte du Hamas. « Le Hamas poursuivra son cycle violent d’attaques contre Israël, Israël ripostant en légitime défense, les Palestiniens mourants et le monde blâmant Israël. L’éradication du Hamas est la seule voie vers une solution à deux États, et un cessez-le-feu ne fera que perpétuer les effusions de sang. »

Le Hamas lui-même l’admet.

« Le déluge d’Al-Aqsa n’est qu’une première, et il y aura une deuxième, une troisième, une quatrième, parce que nous avons la détermination, la volonté et les capacités de nous battre », a déclaré Ghazi Hamad, membre du bureau politique de l’organisation. « Devrons-nous en payer le prix ? Oui, et nous sommes prêts à le payer. »

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s’est joint à ceux qui citent les Écritures à propos du conflit.

« Il y a un temps pour la paix et un temps pour la guerre. L’heure est à la guerre, une guerre pour notre avenir commun », a-t-il déclaré en se référant à Ecclésiaste 3.8. « Chacun doit maintenant choisir de quel côté il veut se tenir. »

La seule référence biblique explicite de la déclaration des 16 alliances évangéliques renvoie à un prophète égaré.

« Nous demandons humblement à Dieu de nous guider dans nos prières pour le Moyen-Orient, afin que nous ne soyons pas insensibles comme Jonas et déconnectés des plans de Dieu visant à réconcilier tous les peuples avec lui-même. »

L’impulsion est venue de l’extérieur du monde arabe, à l’initiative d’alliances en Afrique du Sud et au Kenya, rapporte Jack Sara, secrétaire général de l’Alliance évangélique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Ces alliances voulaient selon lui « laver leur nom et leur témoignage » face à l’opinion publique mondiale.

Mais elles voulaient aussi un soutien aussi large que possible.

À la recherche d’un consensus au sein de l’AEM, Sara explique que le soutien officiel de l’organisation dépendait de l’accord de son alliance israélienne.

« L’AEM a travaillé avec les alliances nationales de la région pour parvenir à un accord sur une déclaration commune qui ferait suite à la déclaration initiale que nous avons publiée », raconte Janet Epp Buckingham, directrice du plaidoyer international pour l’AEM, « mais cela s’est avéré très difficile ».

Danny Kopp, secrétaire général de l’Alliance évangélique d’Israël, estime qu’il y avait « beaucoup de choses à approuver » dans la déclaration. Mais il n’a pas pu y apposer sa signature.

« Je suis tout à fait d’accord pour dire que nous sommes avant tout appelés à être des artisans de la paix et qu’une déclaration commune enverrait un message fort », dit-il. mais qu’entendent les signataires de cette déclaration par « paix » ?

Il évoque Jérémie 6.14 : « Ils pansent à la légère la plaie de la fille de mon peuple : Paix ! paix ! Disent-ils ; et il n’y a point de paix. » (NEG)

Kopp critique cette déclaration pour trois raisons.

Tout d’abord, elle ne laisse pas à Israël la possibilité de se défendre. Deuxièmement, elle blâme Israël pour la mort des civils que le Hamas utilise comme boucliers humains. Et troisièmement, elle rend Israël responsable d’un nombre disproportionné de victimes qu’il n’a pas pu éviter.

Israël n’a pas de « permis général » de tuer, dit-il. Mais le pays a le devoir d’utiliser la « force violente ». Si l’initiative conjointe avait répondu à ces préoccupations, il aurait été disposé à y participer.

« La déclaration, telle qu’elle est formulée aujourd’hui, va à l’encontre de la recherche de la paix », estime Kopp. « Il s’agit d’une capitulation pacifiste face à des meurtres de masse qui n’est ni morale ni chrétienne. »

De quelque manière qu’on les interprète, les victimes sont de plus en plus nombreuses.

L’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens a déclaré qu’un cessez-le-feu humanitaire immédiat était désormais « une question de vie ou de mort ». Près de 1,5 million de personnes sont déplacées, un tiers des hôpitaux ne fonctionnent plus, et les pompes à eau et les usines de dessalement dans le sud de la bande se sont presque complètement arrêtés en raison du manque de carburant. Le directeur de l’Agence, Philippe Lazzarini, a accusé Israël d’infliger une « punition collective » aux citoyens de Gaza, déclarant que la « poignée de convois » autorisés à entrer ne permettra pas de répondre aux besoins de deux millions de personnes.

L’idée d’un cessez-le-feu est soutenue par des organisations humanitaires telles que Caritas, Christian Aid, le Comité central mennonite et Oxfam. World Vision « exhorte toutes les parties à assurer d’urgence l’acheminement de l’aide essentielle », tandis que Samaritan’s Purse a déclaré que « pour l’instant, l’accès humanitaire à Gaza n’est pas possible », mais que l’association « se tient prête » à apporter son aide et a proposé son assistance aux autorités israéliennes.

Cependant, quelle que soit l’ampleur de l’aide nécessaire dans les deux pays, la déclaration commune des 16 alliances évangéliques s’achève en attirant l’attention des lecteurs sur des problèmes qui se posent aussi ailleurs dans le monde. Elle rappelle notamment les conflits armés et leurs conséquences au Soudan, en Azerbaïdjan-Arménie, au Yémen, en Ukraine-Russie et au Myanmar.

Elle appelle à prier pour « la paix, la justice, la guérison et la réconciliation ».

« L’escalade militaire et le bombardement de civils ne pourront jamais favoriser la paix », dit Vijayesh Lal. « Il y a certes la paix du cimetière, mais est-ce la direction que nous devons prendre ? »

Il est difficile de trouver la paix, dit le dirigeant évangélique indien, et plus difficile encore pour certains en raison de problèmes historiques. Cependant, la déclaration commune cherche à « transcender » une approche souvent limitée aux perspectives du Moyen-Orient et de l’Occident en incluant des nuances d’autres origines culturelles et régionales.

« Les évangéliques d’Afrique et d’Asie ont montré qu’ils comprenaient le conflit et qu’ils étaient capables de s’engager de manière empathique dans la recherche de la paix », dit Lal. « Je pense que c’est très utile. »

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