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La famille d’un pasteur piégée à Gaza pleure ses proches tués à l’église.

L’ancien pasteur de l’église baptiste de Gaza, coincé en Égypte depuis le début de la guerre, se démène pour évacuer sa femme et ses enfants, qui luttent pour survivre à l’église orthodoxe Saint-Porphyre.

Des proches assistent aux funérailles de chrétiens gazaouis tués par une frappe aérienne israélienne près de l’église orthodoxe Saint-Porphyre.

Des proches assistent aux funérailles de chrétiens gazaouis tués par une frappe aérienne israélienne près de l’église orthodoxe Saint-Porphyre.

Christianity Today November 6, 2023
Abed Khaled/AP Images

Piégée à Gaza, Janet Maher n’a pas pris de douche depuis deux semaines. Elle nourrit ses trois enfants à raison d’un repas par jour, qui se résume souvent à du pain et du fromage.

Son cousin a péri à la suite des dégâts causés par un missile israélien, alors qu’il protégeait ses garçons de sept et cinq ans de l’effondrement du mur de l’église orthodoxe Saint-Porphyre. Les deux familles s’étaient réfugiées ensemble, et le plus jeune garçon était ami avec son fils à l’école maternelle.

Mais parmi les horreurs de la vie en état de siège, le pire pour eux est peut-être ceci : le mari de Janet est coincé en Égypte.

« Je me sens comme la mère et la sœur de Moïse après qu’elles l’ont déposé entre les joncs », dit Hanna Maher, ancien pasteur de l’église baptiste de Gaza. « Tout ce que je peux faire, c’est regarder de loin. »

Né à Sohag en Haute-Égypte, Maher a été pasteur de la communauté évangélique de 2012 à 2020. Célibataire à son arrivée, il a épousé Janet, de père orthodoxe et de mère baptiste, au cours de sa première année de service à Gaza. Bien qu’il ait été appelé par Dieu à servir dans « les endroits difficiles », le ministère était éprouvant, tout comme le fait de devoir continuellement obtenir des autorisations pour des procédures d’entrée et de sortie compliquées sous l’occupation israélienne.

Depuis 2007, Israël et l’Égypte imposent un blocus à la bande côtière de 360 kilomètres carrés.

Chaque fois que la famille partait en vacances en Égypte, elle se disait qu’elle ne devrait pas retourner à Gaza. Mais jusqu’en 2020, chaque voyage s’est terminé par un engagement renouvelé d’Hanna Maher envers sa mission. Cette année-là, il accepte le poste de pasteur de l’église presbytérienne de Beni Suef, à 140 kilomètres au sud du Caire. Janet, qui a toujours espéré rester proche de sa famille élargie, se sent en paix.

Mais pas son mari. Trois ans plus tard, avec la bénédiction de Janet pour suivre à nouveau cet appel, il démissionne de son poste et, en mai dernier, la famille retourne à Gaza. N’étant plus soutenu comme missionnaire, il profite de ce voyage de prospection pour explorer les possibilités de service en dehors de la chaire. Envisageant la création d’un centre éducatif ou d’un centre de développement des petites entreprises, il retourne seul en Égypte le 28 septembre en quête d’éventuels partenaires dénominationnels.

Moins de deux semaines plus tard, la guerre commence et plus personne n’est autorisé à entrer ou sortir de la zone.

« Je ne peux pas me concentrer, je n’ai pas d’énergie et je n’ai pas pu dormir après l’attaque de l’église », rapporte Hanna Maher. « Je me contente de regarder les nouvelles et de prier pour ma famille. »

Il consacre une grande partie de sa journée à essayer de les contacter. Du matin au soir, il appelle le téléphone portable de Janet, mais les réseaux de communication ayant été endommagés par les bombardements, il faut des heures pour obtenir une connexion. Dans le meilleur des cas, ils peuvent avoir une conversation de cinq minutes, mais ils sont généralement interrompus au bout de 60 secondes.

Son fils a tenté un jour d’injecter un peu d’humour : C’est fantastique, papa, il n’y a pas d’école.

Des proches disparus après une frappe aérienne israélienne près de l’église Saint-Porphyre à Gaza.Adaptations par CT/Image source : fournie par Hanna Maher.
Des proches disparus après une frappe aérienne israélienne près de l’église Saint-Porphyre à Gaza.

Le sourire de Maher disparaît rapidement face aux statistiques de la guerre. Plus de 8 000 personnes auraient été tuées à Gaza, dont au moins 3 324 enfants, et 6 000 autres enfants auraient été blessés. Le ministère des Travaux publics a indiqué que 43 % des logements ont été détruits ou endommagés, et que plus de 1,4 million de personnes, sur une population de 2,2 millions d’habitants, ont été déplacées.

Avant qu’Israël ne rétablisse la deuxième des trois principales conduites d’eau, la quantité d’eau disponible pour pouvoir boire, cuisiner et se laver était estimée à 3 litres par jour et par personne, ce qui est bien inférieur aux 100 litres recommandés par l’Organisation mondiale de la Santé.

Le quartier de Tel al-Hawa, dans la ville de Gaza, où habite Maher, a subi d’importants bombardements israéliens. Vivant près de l’hôpital al-Quds — accusé d’être un repaire du Hamas — où environ 10 000 personnes déplacées de Gaza ont trouvé refuge, Janet n’a pas pu trouver de nourriture dans les rayons de l’épicerie locale.

Israël a accusé le Hamas de stocker de l’eau, de la nourriture et du carburant.

Janet est partie se réfugier à l’église orthodoxe grecque cinq jours après le début de la guerre, lorsqu’un ami musulman a été tué par une frappe israélienne sur l’immeuble voisin. Au début, elle et les enfants avaient toute la salle des funérailles pour eux seuls. Aujourd’hui, entre 400 et 500 personnes dorment côte à côte sur des matelas dans l’ensemble du complexe et partagent trois salles de bains.

La chapelle Saint-Porphyre, construite au 12e siècle sur un site chrétien remontant aux alentours de 425 apr. J.-C., porte le nom de l’évêque local qui a évangélisé la région. Le Conseil des Églises du Moyen-Orient a estimé qu’environ 380 chrétiens y trouvaient abri. Les autres sont des musulmans, et tous sont répartis dans les sept bâtiments du complexe.

Après le bombardement du 19 octobre, qui, selon les forces de défense israéliennes, visait un centre de commandement du Hamas situé à proximité, deux musulmans ont été recensés parmi les morts aux côtés de 18 chrétiens.

Outre le cousin de Janet, on compte parmi les victimes une de ses amies proches, la sœur d’un ancien de l’église baptiste, le bibliothécaire baptiste, sa femme et sa petite-fille, ainsi que de trois enfants qui fréquentaient régulièrement l’école du dimanche chez les baptistes.

Avant le bombardement, Janet lisait la Bible et priait avec de nombreuses personnes.

« Elle encourageait les autres dans le refuge », raconte son mari. « Maintenant, elle a besoin de quelqu’un pour l’encourager. »

Les victimes étaient également liées à des évangéliques en Cisjordanie et en Jordanie. Un autre ancien pasteur de l’église baptiste de Gaza, Hanna Massad, a perdu sa tante, tandis que Munir Kakish, président du Conseil des églises évangéliques locales en Terre sainte, a perdu la femme et les deux enfants de son fils adoptif. Aux États-Unis, dans le Michigan, Justin Amash, ancien républicain du Tea Party et premier Palestinien américain élu au Congrès, a perdu plusieurs membres de sa famille chrétienne élargie, dont deux jeunes femmes.

Mais à Gaza, il peut s’avérer difficile de trouver des encouragements pour Janet.

La population chrétienne locale était d’environ 7 000 personnes lorsque le Hamas a pris le contrôle de l’enclave en 2007. Ce nombre était tombé à environ 3 000 au moment où Maher est devenu pasteur. Mais il précise que les chrétiens, qui seraient aujourd’hui moins de 1 000, fréquentent rarement l’église. Les mêmes 100 personnes — souvent à la recherche d’aide — constituent l’essentiel de l’assistance des trois églises de Gaza.

Il prie pour que cette guerre les pousse à invoquer Dieu, mais la vie en état de siège n’a pas encore suscité de réveil. Au contraire, certains sont convaincus que Dieu les a abandonnés, voyant pour leur génération l’accomplissement de Sophonie 2.4 : « Gaza sera abandonnée. »

« Pendant huit ans, en tant que pasteur, je leur ai répété que ce n’était pas le cas », raconte Maher. « Mais si je me mets à leur place maintenant, il est difficile de leur demander de faire confiance à Dieu. »

Mais Janet et les autres n’ont guère d’autre choix. La famille reste à l’église orthodoxe, malgré les appels frénétiques de son mari à trouver un endroit plus sûr après le bombardement.

« Elle m’a demandé : “Où pourrions-nous aller ?” »

À l’église catholique ? — Elle est pleine.

Retourner à notre appartement ? — Il n’y a pas de nourriture.

Au sud ? — Maher savait déjà que cela ne fonctionnerait pas.

Il a été en contact avec un croyant qui a répondu aux appels d’Israël pour l’évacuation totale des civils de la ville de Gaza et du nord. Plus de 800 000 personnes ont fui leur domicile.

Mais il n’a pas trouvé d’abri, et moins de nourriture que là d’où il venait.

La famille MaherImage : fournie par Hanna Maher
La famille Maher

La campagne de bombardements n’a fait que s’intensifier dans le sud, le ministère de la Santé de Gaza ayant indiqué que les deux tiers des frappes effectuées au cours de la deuxième semaine de la campagne visaient la région la moins urbanisée. L’histoire de ce croyant faisant finalement du stop pour rentrer chez lui s’ajoute à d’autres récits similaires d’habitants de Gaza qui se demandent où l’on pourrait réinstaller une telle quantité de gens.

De nombreux analystes, en particulier en Égypte, craignent qu’ils ne soient chassés plus loin.

Après la guerre de 1967, certains responsables israéliens avaient proposé de transférer les Palestiniens de Gaza dans la péninsule du Sinaï. Le ministère israélien du renseignement a reconnu la présence de la même idée dans un « document de réflexion » actuel, tandis que l’ancien premier ministre Naftali Bennett a proposé que l’Égypte, la Turquie et l’Écosse accueillent « temporairement » les réfugiés de Gaza. La demande de financement pour Israël [adressée à la chambre des représentants] par la Maison-Blanche comprend des dispositions humanitaires pour « répondre aux besoins potentiels des habitants de Gaza fuyant vers les pays voisins ».

Des dizaines de blessés ont été évacués par la frontière de Rafah, ainsi que des centaines de détenteurs de passeports étrangers. Hanna Maher s’est désespérément adressé aux autorités religieuses en Égypte et à son ambassade en Cisjordanie, afin d’ajouter sa famille à la liste.

Ses enfants possèdent la nationalité égyptienne, mais pas Janet.

« J’ai l’impression que ma tête va exploser », dit-il. « Ils n’ont pas de carburant pour atteindre la frontière, et la seule autre option est de rester au milieu des combats. »

La plupart des chrétiens de Gaza vivent dans la vieille ville de la capitale de l’enclave. L’hôpital anglican al-Ahli, où se trouve l’église baptiste, n’est qu’à cinq minutes de marche de l’enceinte orthodoxe. Selon les informations disponibles, la majorité des habitants restent sur place malgré l’avis d’évacuation. Beaucoup ont trouvé abri dans les églises. La semaine dernière, neuf bébés ont été baptisés par « peur que quelque chose de grave n’arrive » à nouveau.

« Que pouvons-nous faire d’autre ? » demande Kamel Ayyad, responsable de la communication pour l’église Saint Porphyre. « Nous voulons que l’Église vivante poursuive son témoignage à Gaza. »

Maher s’adresse à toutes les confessions dans ses courtes conversations téléphoniques.

« Ils pensaient qu’ils seraient en sécurité », dit-il. « Mais maintenant, ils me le disent tous : Nous n’avons aucun espoir, nous allons mourir, ils nous exterminent. »

Comme de nombreux Palestiniens de Gaza, les chrétiens locaux n’ont pas d’amour particulier pour le Hamas. Selon un sondage réalisé en juillet, 70 % de la population est favorable au régime de l’Autorité palestinienne (AP) et 62 % au maintien du cessez-le-feu. La moitié des sondés déclarent que le Hamas devrait cesser d’appeler à la destruction d’Israël et accepter une solution à deux États. Près des trois quarts qualifient le Hamas de « corrompu ».

Pourtant, les Palestiniens ne disposent que de peu d’alternatives pour surmonter le siège. Environ trois quarts d’entre eux soutiendraient le Jihad islamique, rival du Hamas, tandis qu’un autre sondage a révélé que 79 % des habitants de Gaza étaient favorables à la résistance armée contre l’occupation israélienne du territoire palestinien.

Des proches disparus après une frappe aérienne israélienne près de l’église Saint-Porphyre à Gaza.Adaptations par CT/Image source : fournie par Hanna Maher
Des proches disparus après une frappe aérienne israélienne près de l’église Saint-Porphyre à Gaza.

Dans un sondage réalisé en 2020 auprès des chrétiens de Cisjordanie et de Gaza, seuls 66 % d’entre eux exprimaient leur confiance dans l’Autorité palestinienne, tandis que 69 % s’inquiétaient de l’existence de factions armées analogues au Hamas. Une majorité (61 %) serait favorable à la solution d’un État unique.

Le chef du Hamas, Ismail Haniyeh a toutefois déclaré que ses actions représentaient l’ensemble de la société gazaouie. Le président israélien Isaac Herzog a abondé dans ce sens, déclarant que les habitants de Gaza portaient une responsabilité collective.

Maher, quant à lui, est fatigué de ces rhétoriques politiques. Il a été stupéfait d’entendre un pasteur américain déclarer sur Facebook que « tous les habitants de Gaza sont des terroristes ». Il ne s’agissait pas pour lui d’une simple connaissance. Maher avait déjà aidé ce pasteur à mettre au point un programme en direction des Arabes de sa communauté. Après plusieurs échanges, le pasteur dit maintenant qu’il prie pour les innocents des deux côtés.

C’est un progrès, dit Maher.

Mais d’une manière générale, il est en colère — contre le Hamas, contre Israël et contre l’approche occidentale de cette guerre. Pendant que le monde débat de la légitimité de la campagne de bombardements menée par Israël pour éradiquer le terrorisme implanté dans l’une des zones urbaines les plus densément peuplées du monde, sa femme et ses enfants incarnent dans leur propre chair les dommages collatéraux que beaucoup négligent dans leurs prises de position politiques.

Comme ils incarnent aussi le corps du Christ.

Soucieux d’être bien compris, Hanna Maher choisit ses mots avec soin. Mais il a un message qui va au-delà de sa demande de prière pour la sécurité et la paix, malgré le deuil de ses proches et de ses anciens paroissiens.

« Soyez humains », dit-il. « Souvenez-vous des enfants tués dans cette guerre et ayez de l’empathie. »

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