La politique de Poutine menace le témoignage de l’Église

Nous avons à apprendre de la Russie : ne traitons pas la religion comme un outil de préservation du pouvoir.

Christianity Today February 17, 2022
Alexei Nikolsky / AP Images

Cet article a été adapté de la lettre de nouvelles de Russell Moore (en anglais).

Alors que la Russie de Vladimir Poutine tente d’écarter la possibilité d’une Ukraine libre de son influence, il serait facile pour les évangéliques du reste du monde de conclure qu’il ne s’agit là que d’une plus ou moins lointaine question de politique étrangère.

Cependant, le « poutinisme » est bien plus qu’une menace géopolitique ; la menace est aussi religieuse. La question qui se pose aux chrétiens évangéliques est de savoir si les Églises d’autres pays emprunteront la voie de Vladimir Poutine.

La menace qui pèse sur l’Ukraine ne concerne pas seulement le peuple ukrainien. L’OTAN s’inquiète de la stabilité de l’ordre européen. Le département d’État américain s’inquiète pour les Américains sur place. Les Allemands se demandent si leur dépendance à l’égard du gaz naturel russe n’entraînera pas une crise énergétique. Et le monde entier s’inquiète de savoir si cette décision va encourager la Chine à envahir Taïwan.

Dans tout cela, une autre personnalité mondiale réfléchit au prochain geste à poser : le pape.

L’indépendance de l’Église orthodoxe ukrainienne par rapport à l’Église orthodoxe russe est à l’origine de nombreuses controverses depuis 2018. Dans le magazine The Pillar, JD Flynn et Ed Condon expliquent que les dirigeants catholiques et orthodoxes ukrainiens accusent l’Église orthodoxe russe d’être complice de la posture belliqueuse de Poutine envers l’Ukraine et son peuple.

La question maintenant, notent les auteurs, est de savoir si le pape François rencontrera bientôt le patriarche de l’Église orthodoxe russe. S’il le faisait, cela serait perçu comme une forme de tolérance à l’égard de l’assujettissement potentiel de l’Ukraine et de son Église nationale.

De vraies questions se posent également pour les évangéliques du monde entier, non seulement sur la façon dont nous réagissons à l’utilisation de la religion par Poutine à des fins politiques, mais aussi sur la question de savoir si nous allons l’imiter.

Il y a plusieurs années, avant le tumulte de l’ère Trump aux États-Unis, je participais avec d’autres évangéliques à une émission diffusée le matin de Pâques sur une chaîne nationale séculière. En un sens, ce week-end-là, nous étions tous unis, affirmant ensemble la vérité la plus importante du cosmos : la résurrection corporelle de Jésus d’entre les morts.

Mais nous ne partagions pas le même avis à propos de Vladimir Poutine. Je le voyais alors de la même façon que je le vois maintenant : comme un ennemi. D’autres cependant soutenaient cet homme fort autoritaire en qui ils voyaient un défenseur des valeurs chrétiennes.

À l’époque, je pensais que notre désaccord portait simplement sur une question de politique étrangère. Mais avec le recul, je me rends compte aujourd’hui que, pour certains évangéliques au moins, il existait un désaccord plus large dont nous ignorions encore l’existence : la question de savoir ce que sont véritablement les « valeurs chrétiennes ».

Prenez la question de l’avortement. Non seulement le taux d’avortement est élevé en Russie, mais même lorsque des acteurs favorables au gouvernement expriment quelque chose qui ressemblerait à un point de vue « pro-vie », c’est généralement en termes de limitation du déclin démographique, plutôt que de protection de vies humaines vulnérables.

Le principe moteur n’est pas « chaque vie est précieuse », mais « rendre à la Russie sa grandeur ». Ce principe est encore plus marqué dans la façon dont le gouvernement russe traite les enfants qui remplissent les orphelinats et les « hôpitaux pour bébés » du pays.

En l’absence d’une culture d’adoption dynamique dans l’ancienne Union soviétique, beaucoup de ces enfants sortent du système et entrent très vite dans une existence terrifiante faite de toxicomanie, d’exploitation sexuelle et de suicide. Mais cela n’a pas empêché Poutine de faire tout ce qu’il pouvait pour mettre fin à l’adoption de ces orphelins par les Américains et d’autres — tout cela pour apaiser la fierté nationale russe blessée et garder la tête haute dans le jeu géopolitique.

La situation est encore pire si l’on considère la réponse de Poutine à l’Évangile lui-même. Il a soigneusement entretenu ses liens avec l’Église orthodoxe russe, allant même jusqu’à approuver l’installation de mosaïques le représentant, ainsi que Staline et l’invasion de la Crimée, dans une cathédrale orthodoxe russe dédiée aux soldats.

En parallèle, le régime russe s’est acharné à étouffer les libertés des religions minoritaires — en particulier celles du relativement faible nombre d’évangéliques et de missionnaires évangéliques étrangers.

Pourquoi Poutine — un ancien fonctionnaire du KGB qui a déclaré que la fin de l’Union soviétique était un terrible désastre — voudrait-il s’associer à une Église ? Cela pourrait bien être parce qu’il croit, comme Karl Marx, que la religion peut être un outil intéressant pour maintenir son pouvoir politique.

Et en effet, les religions sont très utiles aux gouvernements lorsqu’elles se focalisent sur le soutien du sentiment et de l’honneur national. Les religions peuvent transformer des élans déjà passionnés de tribalisme et de ressentiment envers les étrangers en sentiments transcendants et indiscutables. Dans une perspective machiavélique, tout cela est parfaitement logique — à moins bien sûr que Jésus ne soit ressuscité des morts.

Si cette tendance se limitait à l’ex-Union soviétique, nous pourrions nous offrir le luxe de l’ignorer. Mais il nous faut prendre conscience que plus d’un regardent derrière l’ancien rideau de fer pour envisager leur avenir.

Même aux États-Unis, de nombreux conservateurs religieux — surtout des catholiques romains, mais aussi des protestants évangéliques — se trouvent des sympathies pour l’homme fort autoritaire de Hongrie, Viktor Orbán. Comme le note le commentateur libertaire Matt Welch, le Premier ministre hongrois « constitue un étrange champion pour la chrétienté à l’américaine ».

« L’avortement légal ne fait l’objet d’aucune contestation en Hongrie, la population n’est pas particulièrement religieuse et le gouvernement corrompu d’Orbán cherche à contrôler les Églises qui osent s’opposer à sa politique », affirme Welch. La principale raison d’un certain attrait pour les hommes forts d’Europe de l’Est, conclut Welch, est qu’ils combattent les bons ennemis et « gagnent ».

S’il ne s’agissait que d’une escarmouche entre les tenants de la démocratie libérale et ceux qui la jugent inutile, ce serait une chose. Mais l’autre problème, plus vaste, de cette tentation autoritaire est l’Évangile lui-même.

Si l’Église n’est que le support culturel de la stabilité et de la fierté nationales, on ne peut guère s’attendre à ce que les dictateurs fassent autre chose que de la manipuler. Mais si l’Église est composée, comme le dit la Bible, de « pierres vivantes » au cœur régénéré par la foi personnelle en Jésus-Christ (1 P 2.4-5), alors la conformité extérieure à un ensemble de valeurs civilisationnelles est bien loin du véritable christianisme.

L’enjeu serait réel même dans un lieu qui ne prônerait que des valeurs plus ou moins chrétiennes, mais il est d’autant plus crucial lorsque l’Église bénit un dirigeant autoritaire comme Poutine, qui est connu par son propre peuple pour empoisonner ses ennemis.

Si nous sommes bien dans le second cas, c’est le témoignage de l’Église elle-même qui est en jeu : une religion qui fait fi des comportements sanguinaires ne croit même pas à ses propres enseignements sur la moralité objective, et encore moins à l’avènement du jugement du Christ. Pourquoi quelqu’un écouterait-il une telle religion sur la façon de trouver la paix avec Dieu et de gagner l’entrée dans la vie à venir ?

Les chrétiens évangéliques devraient se garder de la voie de Poutine, et nous devrions la reconnaître chaque fois qu’il nous est dit que nous avons besoin d’un Pharaon, d’un Barabbas ou d’un César pour nous protéger de nos ennemis, réels ou supposés.

Chaque fois que cela se produit, il nous faut nous rappeler notre responsabilité de dire « niet », quelle que soit notre langue.

Russell Moore dirige le programme de théologie publique de Christianity Today.

Traduit par Léo Lehmann

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Le catéchisme du célibataire

21 questions et réponses pour aider le chrétien non marié à développer une théologie du célibat

Christianity Today February 9, 2022
Image: Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Emma Bauso / Pexels

Je suis une afro-américaine de 38 ans. J’ai reçu mon premier (et dernier) baiser quelques jours après mes 34 ans. Et je ne suis pas la seule dans ce genre de situation. Au fil des ans, bien des amis m’ont confié la solitude, les chagrins et les doutes qui tourmentaient leur célibat.

En développant un catéchisme, j’ai été encouragée à méditer sur la bonté de Dieu et sur sa Parole au long des jours heureux comme des jours tristes. J’espère que ces lignes seront lues comme le bras de Dieu entourant des épaules abattues et offriront soutien et réconfort à ceux qui se sentent accablés.

Section I : La souveraineté de Dieu sur mon statut relationnel

Q1 : Quelle est le but principal de mon célibat ?

R : Que mon âme soit consumée par le plaisir d’aimer et d’être aimée par Dieu et accaparée par sa pleine suffisance pour répondre à ma profonde soif d’amour, d’acceptation, d’appartenance et d’importance, de telle sorte que je témoigne devant le monde de l’excellence inégalable de Dieu comme Seigneur, bien-aimé et ami.

Psaumes 27.4 ; 63.3 ; 73.25–26 ; Esaïe 29.13 ; 54.5–6 ; Jérémie 29.13 ; Psaumes 37.4

Q2 : Quel est notre seul véritable gain dans le célibat ou le mariage ?

R : Pouvoir mieux connaître Christ. Je n’ai rien de mieux à espérer. Sans la suprématie de Christ, la liberté du célibat et l’intimité du mariage vont à la dérive. Les deux s’épanouissent ou font naufrage à la mesure où Christ est connu à travers eux.

Psaume 16 ; Philippiens 3.7–11

Q3 : Quelle est notre vocation certaine ?

R : Nous avons la grâce d’être appelés à ce qui comble aussi notre désir le plus profond : ne pas avoir d’autres dieux que Dieu et l’aimer de tout notre cœur, notre âme, notre esprit et notre force. N’avoir aucune allégeance plus élevée qu’au Dieu Très-Haut, ne chercher d’autre fin à toutes nos actions que de faire voir sa gloire, et n’avoir aucune affection plus profonde que pour le Christ qui est notre vie. Quelle que soit notre situation, nous avons tout ce dont nous avons besoin pour remplir cet appel grâce à notre connaissance de celui qui nous a appelés par sa gloire et sa bonté.

Et notre seconde vocation est semblable : aimer notre prochain comme nous-même.

Exode 20.3 ; Matthieu 22.39 ; Luc 10.27 ; 1 Corinthiens 10.31 ; 1 Pierre 1.6-7 ; 2 Pierre 1.3 ; Colossiens 3.4 ; Matthieu 5.16

Q4 : Que se passe-t-il lorsque nous idolâtrons le mariage ?

R : Nous sommes esclaves de notre désir de mariage lorsque nous ne pouvons concevoir aucun bien en dehors de celui-ci, si nous sommes prêts à aller délibérément contre la volonté de Dieu pour l’obtenir pour nous-mêmes, ou si nous l’utilisons ou utilisons la recherche de mariage pour servir notre gloire plutôt que la sienne. Ce faisant, nous attristons notre Bien-Aimé, qui est jaloux de nos cœurs, et nous nous exposons à des déceptions inutiles, car les chagrins se multiplient pour ceux qui courent après d’autres dieux. Mais l’une des plus grandes grâces que Dieu puisse nous faire est de nous apprendre la différence entre Dieu et tout ce qui n’est pas Dieu et ainsi faire de nous des connaisseurs du divin, attachés à ce qui est éternel.

Psaumes 96.7 ; Esaïe 41 ; 44.9 ; 57 ; Jérémie 8.19 ; Psaumes 16.3 ; Luc 12.7 ; Jacques 1.14 ; 1 Corinthiens 6.12

Q5 : Comment puis-je croître sans partenaire ?

R : La beauté du salut et de notre croissance est qu’ils dépendent tous deux d’un seul homme : Christ. L’avoir, c’est avoir tout ce qui nous est nécessaire. En tant que membre de son Église, j’ai été promise à celui qui a payé ma dot à un coût effarant pour lui-même, pour que je sois sanctifiée et purifiée par sa parole. Son zèle et son engagement pour que je grandisse dépassent même le mien, et son amour ne laisse aucun outil — y compris le célibat — inutilisé pour me présenter à lui-même glorieuse, sans tache ni défaut.

Galates 3.3 ; Éphésiens 5.27

Section II : La souveraineté de Dieu sur ma valeur personnelle

Q6 : Quelle est ma vraie valeur ?

R : Je suis créée à l’image de Dieu, rachetée par le sang parfait de Christ, et je suis la demeure présente du Saint-Esprit de Dieu. J’ai été adoptée dans la famille royale des familles royales, j’ai été recherchée et ramenée au troupeau par le Bon Pasteur, et je jouis de la communion de l’Esprit de consolation, de liberté et de vérité. Je peux être rejetée par les autres, pourtant je suis choisie et précieuse aux yeux de Dieu, cohéritière avec Christ, régnant dans cette vie et dans la mort. Je suis couronnée de gloire et d’honneur et tenue comme un diadème royal dans la paume de mon Dieu.

Genèse 1.26 ; Éphésiens 1.5–7 ; 1 Corinthiens 3.16 ; 6.19-20 ; Luc 15.4 ; Psaume 8.5 ; Romains 8.17 ; Jean 14.16 ; 2 Corinthiens 3.17 ; Jean 16.13 ; Esaïe 62.3-5

Q7 : Suis-je vue ?

R : Tandis que, l’âme fatiguée, nous crions : « Prêtez attention à moi ! Regardez-moi ! Aimez-moi ! » Dieu se penche, nous couvre du pan de son vêtement, se rapproche et murmure tendrement : « Je le fais, mon bien-aimé, je le fais. Je suis El Roi, le Dieu qui voit. Mes yeux sont ouverts jour et nuit sur toi, car j’ai mis mon nom sur toi . » Mais il nous arrive souvent, après avoir repris notre souffle sur ses genoux, de repartir en quête de l’attention du monde, comme un enfant courant après des bulles, et de rester sourd à ses appels : « Prête attention à moi ! Regarde-moi ! Aime-moi ! »

Psaumes 18.35 ; Ézéchiel 16.8 ; Psaume 34.18 ; Osée 2.14 ; Genèse 16.13–14 ; 22 ; 29.32 ; 31.42 ; 2 Chroniques 6.20 ; Psaumes 11.4

Q8 : Pourquoi personne ne m’a-t-il choisie ?

R : Non pas parce qu’il me manque quelque chose, mais parce que la sagesse profonde et transcendante de l’auteur de tout don parfait a trouvé que cela valait mieux pour moi. Celui qui compte à la fois les étoiles dans la nuit et les cheveux sur ma tête et devant qui tous mes désirs sont connus est digne de confiance pour m’attribuer une part agréable. J’ai confié mon être à celui qui m’a choisi le premier, plus que tout autre, et dont le livre contient tous mes jours.

1 Pierre 2.9 ; Deutéronome 7.6 ; Psaume 33.12 ; Aggée 2.33 ; Colossiens 3.12 ; 1 Thessaloniciens 1.4 ; Apocalypse 17.14 ; Éphésiens 1.4 ; Psaumes 38.9 ; Jacques 1.17 ; Psaume 139.16

Q9 : Est-ce que je mérite d’être aimée ?

R : Le mariage n’est pas le seul contexte où nous pouvons être aimés. Il est donc peu sage de confondre être aimé et être marié. L’amour des humains ne nous rend jamais dignes ; il est au mieux secondaire. En Christ, nous comprenons la juste articulation de l’amour et du mérite : nous ne méritons pas d’être aimés, mais sommes aimés de la manière la plus méritoire qui soit. Notre valeur repose sur le privilège inaliénable et la réalité inattaquable de ce que nous sommes en Christ. Où pourrait-on trouver un amour aussi émancipateur que celui-ci ?

Romains 5.5-8 ; 1 Jean 3.1 ; Galates 4.7 ; Romains 8.30 ; Éphésiens 2.3, 8 ; Deutéronome 7.6-9 ; 1 Corinthiens 1.26-30 ; Psaumes 8.4

Q10 : Que vaut la louange des êtres humains ?

R : Elle est un piège et une tromperie. Nous sommes nous-mêmes témoins qu’en tant qu’être finis, inconstants et limités, nous louons souvent à tort : nous surévaluons les indignes, sous-évaluons les méritants et louons superficiellement. Nous nous laissons séduire par les apparences et manquons la réalité.

Galates 1.10 ; Proverbes 29.25 ; 1 Samuel 16.7

Q11 : Qu’est-ce qui m’offre la plénitude ?

R : La merveilleuse croix de Christ seule.

Section III : La souveraineté de Dieu sur ma peine

Q12 : Combien de temps, Seigneur ?

A : Même si je devais endurer une nouvelle salve de questions de certains parents bien intentionnés, même si je devais être la dernière personne célibataire parmi mes amis, même si je voyais anéantis mes espoirs d’avoir un enfant, ou même si mon désir poussait ma foi au bord du gouffre, puisse l’Éternel vivifier mon cœur pour qu’il se réjouisse d’autant plus en lui du fond de ces vallées. Il se lèvera pour calmer ma douleur chronique, pour supprimer mon sentiment de honte et pour se tenir à mes côtés dans ma souffrance. Heureux tous ceux qui l’attendent. Tant que le jour et la nuit se succéderont, les grâces nécessaires à chaque jour me seront renouvelées chaque matin.

Psaumes 13 ; 119.22–23 ; Esaïe 54.1 ; Habakuk 3.18 ; Jérémie 33.20 ; Lamentations 3.22-23 ; Esaïe 30.18

Q13 : Comment faire face aux pensées de désespoir ?

R : Le Dieu qui entend chacun de mes cris de détresse et discerne mes pensées de loin me protège non seulement des agressions extérieures mais aussi de celles qui viennent de l’intérieur. Parce qu’il désire que la vérité brille dans les endroits les plus enfouis et que je connaisse son repos, il m’a divinement habilitée à rendre captive toute pensée rebelle qui nie l’espoir, déforme la vérité et obscurcit Dieu, et à l’amener à l’obéissance au Christ, par l’Esprit qui habite en moi, le guide de toute vérité.

Psaumes 51.6 ; 139.2 ; 2 Corinthiens 10.5 ; Psaumes 94.11 ; Jean 16.13 ; Éphésiens 6.16

Q14 : Dieu se soucie-t-il de ma douleur ?

R : Il rarement question d’affliction dans les Écritures sans que Dieu ne le voie ou ne l’entende. En vérité, il connaît notre douleur avant même que nous ne criions à lui. Avant que nous ayons appelé, il répond ; au milieu de notre cri, il tend l’oreille. Il est impossible que Dieu reste indifférent à nos blessures parce qu’elles sont les siennes. Il a porté notre peine et notre affliction avant même que nous ne sachions que nous en avions besoin. Prenons soin de déblayer les débris de tous les autres attachements de notre cœur afin de dégager la voie pour qu’il vienne rapidement à notre aide et nous délivre de notre désespoir et de nos doutes.

Esaïe 65.24

Q15 : Quel pouvoir le péché a-t-il sur nous ?

R : Aucun, sauf celui que nous lui concédons par manque de foi dans le caractère et les promesses de Dieu. Le vainqueur du péché est venu, et en Christ nous sommes de nouvelles créatures. L’ancien est passé. Le péché n’est plus notre maître.

Romains 8 ; Jacques 1.14

Q16 : Que dois-je faire de mes désirs non satisfaits ?

R : L’invitation à remettre nos soucis au Seigneur demeure toujours valable. Ne nous lassons donc pas de les déposer à ses pieds. Si nous pouvons être patients avec un ami qui nous demande sans cesse de prier pour lui, combien plus patient est le Seigneur qui porte nos fardeaux avec nous.

1 Pierre 5.7 ; Philippiens 4.6-7 ; Luc 11.7-8 ; Psaumes 5.3

Q17 : En quoi suis-je bénie ?

R : Christ est mort pour que notre vide puisse être rempli, que nos yeux puissent voir, que nos esprits puissent être éclairés, que nous puissions contempler sa gloire, que nos cœurs puissent être doux et que l’amour pour lui puisse vibrer à travers tout notre être. Notre bénédiction se trouve dans la pauvreté d’esprit, dans le deuil, dans la douceur, dans la faim et la soif de la justice, dans la miséricorde, dans un cœur pur, dans la paix et dans la souffrance endurée pour l’amour de Christ. Si nous n’y trouvons pas de bénédiction, nous n’en trouverons nulle part, car même si Dieu nous a donné toutes choses pour que nous en jouissions, elles pourriront dans notre bouche si notre cœur n’est pas d’abord remplis de lui.

Matthieu 5.3-11 ; 1 Timothée 6.17 ; Nombres 11

Section IV : La souveraineté de Dieu sur mon avenir

Q18 : Où pouvons-nous placer notre espoir pour l’avenir ?

R : Dans le Seigneur qui, voyant tous les jours de ma vie avant qu’un seul d’entre eux n’advienne, dirige mes pas afin que ses bons desseins prévalent. Il assure ma part. Comme il a fourni la manne aux Israélites dans le désert, il me fournira aussi mon pain quotidien. Que je me marie ou non, le Christ m’a promis une vie d’abondance, et sa parole ne revient pas à lui sans effet.

Psaumes 71.3 ; Proverbes 16.9 ; 19.21 ; Esaïe 55.11

Q19 : De quoi puis-je être reconnaissant en attendant ?

R : Dieu a porté Israël comme un père porte son fils à travers le désert après avoir entendu leurs cris de détresse et les a délivrés de l’oppression de l’Égypte à « main forte et bras étendu », avec de grands signes et prodiges. Il les a guidés en toute sécurité avec la nuée le jour et avec la colonne de feu la nuit. Pour étancher leur soif, le Seigneur a rendu douces les eaux amères de Meriba. Pour leur faim, il a ouvert les portes des cieux et a fait pleuvoir sur eux la manne, le grain du ciel. Ils ont mangé le pain des anges. Et ils pleurèrent qu’il n’y avait pas de viande : « Nous ne voyons rien d’autre que cette manne ».

Nombres 11.6 ; 14.11 ; Deutéronome 1.31 ; 26.8 ; Exode 20.2 ; Psaume 78.14, 23–25

Q20 : Le plan de Dieu pour moi peut-il vraiment être bon s’il n’inclut pas le mariage ?

R : Il est bon de rendre grâce lorsque Dieu répond « oui » à notre prière et sage de faire confiance lorsque Dieu nous fait attendre, mais la persévérance dans la louange face à un « non » manifestera avec force la place laissée au Tout-Puissant dans notre cœur. La plus pure confession que nous puissions faire est qu’il n’a pas été fait pour nous mais nous pour lui. Nous l’adorons alors notre coupe semble vide aux yeux du monde, mais nous savons qu’elle déborde. Il est notre merveilleuse part et s’est juré de ne jamais cesser de nous faire du bien.

Genèse 15.1 ; Esaïe 45.9 ; Jérémie 32.40 ; 1 Corinthiens 2.9 ; Matthieu 7.11

Q21 : Puis-je survivre à cela ?

R : Le Seigneur sait comment sauver le fidèle de l’épreuve. C’est lui-même, après un peu de temps, qui me restaurera et me rendra forte. Quand je suis tentée, il peut rediriger mon chemin. Quand je suis fatiguée, il peut rafraîchir mon âme. Quand mon cœur se brise, il peut apporter le remède et mettre un baume sur mes blessures. Même s’il ne changera peut-être pas ma situation, il renforcera mes mains. Le célibat se vit un jour à la fois ; demain aura ses propres problèmes. Aujourd’hui, au milieu de mes aspirations, je peux trinquer à Dieu, la joie de mon cœur.

Mon Sauveur vit, je n’ai rien à craindre
Mes lendemains sont assurés
Entre ses mains, il tient ma vie
Pour ce temps et l’éternité
Je sais qu’il vit.

2 Chroniques 16.9 ; Hébreux 11.6 ; Néhémie 6.9 ; 9.19-21 ; Matthieu 6.13 ; Jérémie 31.25 ; 2 Samuel 22.17–20 ; Hébreux 2.18 ; 1 Pierre 5.10 ; Esaïe 65.14 ; 2 Corinthiens 4.9 ; Colossiens 1.11 ; Esaïe 40.29

Alicia Akins est écrivaine et étudiante au Reformed Theological Seminary , et l’auteur du livre à paraître Invitations to Abundance (mars 2022)

Une version originale de ce catéchisme a été initialement publiée sur le blog de l’auteur, Feet Cry Mercy.

Traduit par Teodora Haiducu

Révisé par Léo Lehmann

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Mon père m’a appris à aimer ceux que l’Église a déçus

Ce qui peut ressembler à un rejet de la foi cache souvent tristesse et déception.

Christianity Today February 8, 2022
Image: Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Zayne Grantham Design / Lightstock

Cet article a été adapté de la lettrede nouvelles de Russell Moore. Vous pouvez vous y abonner ici (en anglais).

Mon père est décédé il y a un peu plus d’un an. Le premier anniversaire de sa mort a été pour moi encore plus douloureux que le jour de l’événement lui-même. Je suppose que c’est parce qu’à ce moment-là je m'étais tout de suite plongé dans les nécessaires activités qui entourent un décès : la rédaction de l’annonce du décès, de l’éloge funèbre, et les divers préparatifs pratiques pour un enterrement.

Un an après, plus aucune de ces choses n’était devant moi. Il n’y avait que le fait que mon père n’était plus là. Avec toutes les réflexions qui ont accompagné cette année de deuil, je me suis rendu compte d’une chose dont je n’avais pas pris conscience auparavant. Mon père m'a appris à aimer ceux que l’on désigne comme « exvangéliques ».

Aux États-Unis, ce terme désigne des personnes qui ont pris leurs distances avec le christianisme évangélique, déçues ou parfois même traumatisées par celui-ci. Le terme est cependant un peu fourre-tout : il peut aussi bien désigner ceux qui rejettent ouvertement leur foi que des pratiquants fidèles qui ne veulent plus être qualifiés d’évangéliques à cause de toutes les absurdités qu’ils ont vues associées à ce nom.

À 21 ans, j’ai dû annoncer à mon père que je pensais que Dieu m’appelait au ministère chrétien. Dans mon esprit, c’était comme avouer à mes parents que j’étais en état d’arrestation ou que j’avais décidé d’exercer mes dons dans le trafic de drogue. Ce fut sans doute un des jours les plus difficiles de ma vie, parce que je savais que mon père n’approuverait pas cette vocation.

Certes, contrairement à plusieurs de mes connaissances, mon père n’était pas contre l’Église ou la religion. Ce n’était pas non plus parce qu’il voulait me pousser à « réussir » ma vie en gagnant beaucoup d’argent — il ne l’a jamais fait. Quand j’ai finalement osé lui en parler — le soir avant que j’en parle à mon Église, si mon souvenir est bon — il ne l’a pas mal pris, mais il m’a dit : « j’aurais aimé que tu ne t’engages pas sur ce chemin ; je n’ai pas envie de te voir blessé ».

Mon père, voyez-vous, était fils de pasteur.

Au fil des ans, un certain christianisme conservateur a été pour moi source de nombreuses déceptions et crises spirituelles, mais l’Église ne l’est pas. Pour moi, l’Église a été un foyer, un lieu auquel j’appartiens et où je suis accepté tel que je suis. Lorsque je retrouve les odeurs qui accompagnaient le moment du café après le culte, l’école du dimanche ou les camps d’enfants, j’en suis immédiatement apaisé. Les hymnes que nous avons chantés ensemble semaine après semaine exercent sur moi, chaque fois que je les entends encore, l’effet inverse d’un traumatisme. Mais à la différence de mon père, je n’ai pas grandi dans un presbytère.

Son père était son héros. Et bien que mon grand-père soit mort quand j’avais cinq ans, j’ai toujours été élevé dans le souvenir de son ministère. Il avait été le pasteur de mon Église d’origine ; la plupart des gens qui m’ont enseigné à l’école du dimanche, qui ont dirigé mon groupe de jeunes ou qui ont chanté dans notre chorale avaient été conduits au Christ par lui, baptisés par lui ou mariés par lui. Tous le révéraient, et personne ne le faisait plus que mon père. Mais il constituait la toile de fond de la relation conflictuelle de mon père avec l’Église.

Ce soir-là, en parlant de ma vocation, il m’a dit : « écoute-moi bien, parce que ce que je vais te dire maintenant je ne te le répéterais pas une deuxième fois. Je te soutiendrai sans réserve, quoi que tu décides de faire. Mais au fond de moi je voudrais que tu ne t’engages pas dans le ministère, parce que je ne veux pas que tu subisses ce que mon père a enduré ».

Je n’ai jamais compris ce désenchantement de mon père vis-à-vis de l’Église. Mon grand-père ne me semblait pas « blessé » par qui que ce soit. J’avais écouté ses sermons sur cassette et écouté les gens autour de moi parler de lui. Il me semblait plutôt plein de vie et d’énergie. Mais mon père n’avait pas en tête de graves problèmes. Il pensait plutôt à 1001 petites choses. Il avait observé de près l’esprit de compétition darwinien et le cynisme machiavélique qui pouvaient se manifester même dans les plus petites Églises. Je ne suis pas sûr que de telles choses aient même affecté mon grand-père. Mais il avait un enfant qui observait.

Mon père a tenu parole. Il ne m’a plus jamais parlé de ses réticences par rapport à mon engagement dans le ministère. Jamais. Il était toujours là quand je ne prêchais pas trop loin de chez lui et il a assisté à mon ordination. À plusieurs occasions, il aurait pu me dire : « Ne t’avais-je pas prévenu ? », mais il ne l’a jamais fait, pas une seule fois.

Cependant, je prends conscience aujourd’hui que j’ai trop vite jugé mon père pour ce que je considérais comme un manque de spiritualité. J’ignorais ce que c’était que de passer par là où il était passé.

Il allait souvent à l’Église, pendant de longues périodes, puis il se faisait plus rare, avant de s’éloigner. L’unique fois — et ce fut vraiment la seule — où je me suis disputé avec lui, c’était quand, jeune adulte, j’ai émis un commentaire ironique sur sa fréquentation irrégulière de l’Église. Disons simplement qu’il n’était pas content, et que j’ai réalisé qu’il y avait une raison pour laquelle je n’avais jamais discuté de cela avec lui (et ne l’ai pas fait depuis lors). Mais je me souviens l’avoir entendu dire quelque chose comme « tu n’as pas vu ce que j’ai vu ». En effet, je n’avais pas vécu son expérience.

Devenu adulte, j’ai demandé à ma grand-mère pourquoi elle avait insisté pour que je l’accompagne à l’église à chaque réunion : école du dimanche, services religieux, cours de formation, réunions missionnaires, réunions de prière du mercredi soir. Elle m’a répondu : « Je voulais que tu deviennes chrétien ». Lorsque j’ai demandé pourquoi elle tenait aussi à ce que nous manquions la réunion du mercredi une fois par mois, avec cette seule explication : « Pas d’Église ce soir. C’est la réunion d’affaires », elle m’a fait la même réponse : « Parce que je voulais que tu deviennes chrétien ». Elle ne voulait pas que j’assiste au genre d’enfantillages qui pouvaient se produire dans une communauté baptiste qui traitait les aspects terre à terre de son fonctionnement.

Mon père, lui, n’a jamais eu l’occasion d’échapper à ce genre de spectacle. Les « réunions d’affaires » venaient à lui. Elles s’invitaient dans son salon, à sa table de cuisine. Et il savait qu’à tout moment une telle réunion pouvait mal tourner et lui faire perdre sa maison, ses amis et son école. Son père devant quitter les lieux, lui se retrouverait alors en terre inconnue. Mais il y avait peut-être pire encore ! Mon père voyait la personne qu’il admirait le plus supporter avec le sourire les critiques acerbes de ses paroissiens, ces mêmes paroissiens qu’il visiterait plus tard à l’hôpital et dont il consolerait la famille au moment de leur décès. Je n’ai jamais eu à vivre ce genre d’expérience.

Je n’avais jamais pensé à tout cela jusqu’à ce que, au début de l’année 2021, mon fils de 15 ans demande à ma femme si j’avais commis une faute grave puisque j’étais accusé de libéralisme pour ne pas avoir soutenu un politicien que je pensais incompétent, qu’on me reprochait d’être un partisan de la théorie critique de la race pour avoir affirmé que les Afro-Américains disent la vérité lorsqu’ils déclarent que l’injustice raciale pose toujours des problèmes aujourd’hui, ou d’être probablement financé par le milliardaire libéral George Soros puisque je pensais que le système d’immigration devait être amélioré. Et ainsi de suite

J’ai invité mon fils à m’accompagner à l’une de ces « réunions d’affaires » où devaient être exprimés certains griefs contre moi. Quand nous sommes sortis, je lui ai demandé : « Qu’est-ce que tu en penses ? » Et il m’a répondu : « Toute cette réunion était tellement malveillante et stupide. Pourquoi est-ce que nous tenons à faire partie de tout ça ? »

Je n’avais pas de bonne réponse à offrir. Mais en regardant mon fils dans les yeux, j’ai compris deux choses. La première était qu’il n’aurait plus jamais à me demander si j’avais échoué moralement à cause des machinations de certaines personnes. La seconde était que j’allais autant que possible m’assurer qu’il n’ait jamais à percevoir l’Église comme mon père avait dû le faire.

Ce n’est qu’au cours de ces derniers mois que j’ai compris combien j’avais jugé mon père malgré mon amour pour lui et l’admiration que je lui portais. J’avais attribué à une spiritualité déficiente ce qui était essentiellement le résultat d’une souffrance. Ce n’était pas que mon père avait une piètre opinion de l’Église. Mais il avait une haute opinion de son propre père.

Récemment, j’ai eu plusieurs entretiens avec des personnes qui ont grandi dans des Églises évangéliques. Certaines avaient été très engagées et dévouées, mais ont été blessées. Elles ont vu l’Église se retourner contre elles parce qu’elles n’adoptaient pas comme « parole d’Évangile » une idéologie politique particulière ou qu’elles rejetaient le culte de la personnalité. Certaines avaient vu des membres de leur Église en qui ils avaient pleinement confiance se révéler être des hypocrites, voire des prédateurs.

Aucun de ces chrétiens n’est parti parce qu’il voulait s’attirer les faveurs du monde ou par amour de la rébellion. Au contraire, l’attitude de beaucoup d’entre eux n’était pas tant celle du fils prodigue parti dans le pays lointain que celle de son père. Ils attendaient le retour du fils prodigue qu’ils aimaient et voulaient à nouveau embrasser : leur Église.

Ce que je leur ai recommandé était différent de ce que j’aurais à recommander à beaucoup d’entre nous. Je leur ai parlé des dangers du cynisme et de la manière de faire la différence entre l’échec d’une institution et l’échec de celui que cette institution est censée adorer.

À l’un d’eux, j’ai dit : « C’est une chose de regarder à Jésus et aux Évangiles et de décider ne plus pouvoir le suivre. Mais il serait dommage pour toi de ne même plus vouloir prendre en considération les affirmations de l’Évangile sous prétexte qu’une Église qui t’a blessé y croit. D’autant plus quand ton problème est justement que les membres de cette Église ne semblent pas croire ce qu’ils disent croire. Et plus encore lorsque Jésus t’avertit — en Matthieu 24, Marc 13 et Apocalypse 1-3, et par l’Esprit saint dans les lettres de Paul, Pierre, Jean et Jude — que de telles choses arriveraient, et arriveraient en son Nom. »

Mais à vous — à nous — voici ce que je recommanderais : ayons suffisamment confiance en Jésus pour supporter patiemment ceux qui sont blessés, et en particulier ceux qui sont blessés par l’Église. Ne présumons pas que ceux qui sont déçus, en colère ou sur le point de s’éloigner de l’Église le sont toujours parce qu’ils ont une vision erronée du monde ou parce qu’ils voudraient s’engager sur un chemin d’immoralité. Certes, à toutes les époques, il y a des gens à qui ce diagnostic s’applique parfaitement. Mais beaucoup, — peut-être la plupart d’entre eux — ne sont pas comme Judas cherchant à s’enfuir dans la nuit. Ils ressemblent plutôt à Simon Pierre au bord de la mer, demandant : « À qui irions-nous ? » (Jn 6.68) Et comme Pierre ils concluront : « Tu as les paroles de la vie éternelle. Et nous, nous croyons et nous savons que tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant » (Jn 6.68-69). À beaucoup d’entre eux, Jésus dira, comme il l’a aussi dit à Pierre : « j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne disparaisse pas ; et toi, quand tu seras revenu à moi, affermis tes frères » (Lc 22.32).

Ne confondons pas blessure et rébellion, traumatisme et infidélité, cœur brisé et âme sans vie. Si nous voulons convaincre les gens de ne pas abandonner l’Église, nous devons aussi refuser de les abandonner.

Jésus n’a pas besoin de nous pour faire des relations publiques avec les 99 brebis restées dans le pâturage ; il nous veut pour partir à la recherche de celle qui est perdue dans les bois. À un moment ou un autre, cela peut être chacun de nous. Nous serons alors bien heureux de compter sur une Église suffisamment aimante pour nous envoyer quelqu’un qui soit animé d’un esprit de patience, de bienveillance et d’amour et non d’un esprit de jugement, autoritaire et cassant.

Et il se pourrait même que celui qui viendra vous aider dans cette sombre phase de votre vie soit aujourd’hui un exvangélique !

En attendant, manifestons un amour sincère pour ces personnes. Et entretenons le genre de communauté capable d’autre chose que les réunions d’affaires.

Cela a pris 50 ans, mais mon père m’a appris ça.

Russell Moore dirige le programme de théologie publique de Christianity Today.

Traduit par Jacques Lemaire

Révisé par Léo Lehmann

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Distinguer entre ces deux mots m’a aidée face à la pandémie

En cette période d’incertitude, voici ce que je retiens de l’espoir et de l’espérance.

Christianity Today January 31, 2022
Illustration by Rick Szuecs / Source images: Ninno JackJr / William Rouse / Sven Mieke / Unsplash / peeterv / Getty

L'année dernière, nous vous annoncions un concours d’écriture destiné aux chrétiens francophones du monde entier. Un grand merci à tous ceux qui nous ont proposé leurs textes !

Nous avons soigneusement examiné les textes reçus et les avons fait évaluer anonymement par une équipe de trois juges :

• Maxime Pierre-Pierre, Haïti : Pasteur et enseignant, Séminaire de Théologie Évangélique de Port-au-Prince.
• Alphonse Teyabe, Cameroun : Pasteur, chercheur et consultant en communication.
• Marie-Noëlle Yoder, Suisse : Pasteure, enseignante et directrice de la section francophone du Centre de Formation du Bienenberg.

Nous les remercions chaleureusement pour leur précieuse contribution !

Aujourd'hui, nous sommes ravis de faire découvrir l'article gagnant à nos lecteurs francophones et anglophones. Toutes nos félicitations à Syntyche Dahou, du Bénin !

Pour en savoir plus sur la possibilité d'écrire pour nous, vous pouvez nous envoyer un courriel à l'adresse suivante : LLehmann@christianitytoday.com.

Morgan Lee, global media manager, États-Unis (Hawaï)
Léo Lehmann, directeur éditorial pour le français, Belgique

De mes derniers échanges avec un collègue que je connaissais comme assez ambitieux, il m’est resté ces mots : « Je ferais mieux de bien vivre le présent difficile avec mes économies que de continuer à faire des économies pour un avenir incertain ! Qui sait ? À l’allure où vont les choses, le monde prendra peut-être fin d’ici demain ».

La pandémie de Covid-19 dont nous ne savons jusqu’à présent ni comment elle a commencé, ni comment elle prendra fin, et qui s’ajoute à bien d’autres inquiétudes pour notre temps, a conduit beaucoup à penser qu’il est difficile, voire impossible, de continuer à rêver et à croire à un avenir meilleur.

À l’image de mon collègue, nous voyons autour de nous beaucoup de personnes renoncer à leurs projets. Beaucoup sont touchés par diverses formes de dépression qui barrent leur horizon ; certains en sont même venus au suicide faute de perspectives, ou parce qu’ils ne s’imaginaient pas vivre sans leurs proches parents tragiquement emportés par le virus. De nombreux espoirs se sont effondrés.

Dans mon pays, au Bénin, plusieurs organisations se sont retrouvées dans l'obligation de réduire les heures de travail et, par conséquent, le nombre du personnel. Certaines familles rencontrent des difficultés à subvenir à leurs besoins élémentaires. Certains produits qui sont désormais difficiles d'accès.

Et ce n’est pas fini. « Le chômage mondial passera au-dessus de la barre des 200 millions en 2022 », annonçait l’an dernier l’Organisation Internationale du Travail. Comment ne pas désespérer face à tout cela ?

Espoir ou espérance ?

Le français a la particularité d’avoir deux mots qui dérivent du verbe « espérer » : « espoir » et « espérance ». Les deux peuvent renvoyer à l’objet espéré. Dans ce sens, le mot « espoir » se rattache généralement à un objet incertain. Celui qui a l’espoir que quelque chose se produise n’en est pas sûr (« j’espère qu’il fera beau demain »). « Espérance », en revanche, décrit plutôt ce qui, à tort ou à raison, est espéré ou attendu avec certitude. Elle renvoie souvent à un objet philosophique ou eschatologique (« j’espère en la bonté de l’être humain » ; « j’espère le retour de Jésus-Christ »).

Lorsque l’on parle d’espoir ou d’espérance, on a donc en vue des types différents d’objets espérés. La différence est importante, car les deux termes se rapportent aussi couramment à l’état d’esprit qui caractérise celui qui espère. Et cet état d’esprit sera différent en fonction de l’objet espéré.

Être plein d’espoir en cette période difficile peut-être une bonne chose, mais cela ne suffit pas ; l’espoir peut être déçu et s’estompe facilement quand nos souhaits et nos attentes (nos espoirs) ne se concrétisent pas. L’espérance, elle, est plus profonde qu’une capacité à désirer et souhaiter la fin d’une crise ou un futur sans souffrance ni peine. Pour faire face aux épreuves de la vie, nous avons besoin dans nos cœurs de la paix et de la joie qui découlent du fait que nous attendons un bonheur certain. C’est cela, l’espérance : une disposition stable et profonde que confère la foi en l’avènement de ce que nous attendons.

Si nous avons cru au Fils du Dieu vivant, nous avons une telle espérance qui repose sur les promesses infaillibles de notre Dieu, qui connaît les projets qu’il a formés sur nous ses enfants, des projets de paix et non de malheur, afin de nous donner un avenir et de l’espérance (Jérémie 29.11). En jouant sur les deux sens du terme, nous pourrions dire que l’espérance que constitue la réalisation de ses promesses (l’objet espéré) nous remplit d’espérance (état d’esprit). Dieu est la source de notre espérance. Voilà qui est rassurant ! Mais comment vivre cette espérance dans l’épreuve ?

L’espérance, un mode de vie

Il y a plusieurs mois, ma sœur venait de suivre une formation dans un pays où le nombre de victimes de la pandémie augmentait sans cesse. Elle s’apprêtait à rentrer quand plusieurs gouvernements ont décidé de la fermeture des aéroports. Exilée en terre étrangère, dans un pays sous la pression de la pandémie, malgré les inquiétudes qui pouvaient naître, les projets mis à mal, elle décida de se confier en Dieu.

« Un inconnu m’a aidée à joindre l'un des organisateurs de la formation à laquelle j’avais participé. Celui-ci m’a mise en contact avec un homme de Dieu qui m'a ensuite hébergée. Les temps de méditation, de prière et de partage, avec ma sœur à distance et avec ma famille d'accueil, m’ont été un véritable soutien pendant ces moments de panique générale. » a-t-elle témoigné après son retour.

Je vis avec ma sœur depuis bientôt six ans. Nous avons fait face ensemble à de nombreuses situations. Les soucis de l'une deviennent systématiquement les sujets de prières de l'autre. Elle a finalement pu rentrer et retrouver son travail, mais les cinq mois de son absence pour cette formation puis son confinement à l’étranger, avec toutes les incertitudes de ces moments, ont été pour moi aussi un véritable moment d'épreuve de foi. Mais avec notre espérance dans le Seigneur, j'ai pu surmonter la solitude et nous avons tenu ferme malgré des défis financiers et professionnels bien réels.

En prêtant attention à la fidélité de Dieu, en temps de joie ou de difficultés, nous apprenons à faire de l’espérance notre mode de vie. Et cela nous prépare. Nous avons chacun nos épreuves, d’intensité diverse. Nombreux sont ceux qui ont été bien plus lourdement éprouvés que nous durant cette crise, qui ont vu leurs espoirs s’effondrer. Mais ce que nous avons vécu à notre échelle a attiré mon attention sur l’importance cruciale de l’espérance.

Dans un article de CT intitulé « Notre nostalgie est spirituellement dangereuse », Jeremy Sabella souligne ceci : « L’espérance, dans son sens biblique complet, naît de l’épreuve : “La détresse produit la persévérance, la persévérance conduit à une fidélité éprouvée, et la fidélité éprouvée nourrit l’espérance” (Romains 5.3-4). Cette espérance perdure précisément parce qu’elle est l’œuvre de l’Esprit : “notre espérance ne risque pas de tourner à notre confusion, car Dieu a versé son amour dans notre cœur par l’Esprit Saint qu’il nous a donné” (Romains 5.5). L’espérance prend racine lorsque le peuple de Dieu suit l’incitation de l’Esprit à affronter l’épreuve présente.»

L’espérance manifeste sa profondeur lorsqu’elle reste active au milieu des épreuves. L’espérance dont parle la Bible, celle que le Christ a mise dans notre cœur par l’Esprit Saint, est un appui constant qui ne faillira jamais.

Des témoins de l’espérance dans l’épreuve

L’espérance ne nous met pas à l’abri des épreuves et difficultés de la vie, mais c’est elle qui nous aide à les surmonter avec sérénité et joie. L’Écriture nous le rappelle également.

Abraham, « espérant contre toute espérance, […] a cru et est ainsi devenu le père d'un grand nombre de nations » (Romains 4.18). Qui pouvait encore espérer concevoir un enfant à l’âge de 100 ans avec une épouse de 90 ans ? Abraham l’a fait ! Qui peut encore espérer un avenir sans douleur et souffrance ? Nous pouvons le faire ! Pour un chrétien, espérer en temps de difficultés témoigne de sa pleine confiance en celui qui a promis de faire toutes choses nouvelles : Dieu.

Job, ayant tout perdu et vivant dans une situation presque indescriptible, a exprimé avec confiance et persévérance son espérance véritable lorsqu’il dit : « Mais je sais que mon rédempteur est vivant, et qu’il se lèvera le dernier sur la terre » (Job 19.25). La suite de l’histoire de Job montre comment son espérance a été récompensée (Job 42.10)

Au milieu des tempêtes les plus féroces que nous puissions imaginer (rejet, persécution, etc.), l’apôtre Paul ne perd pas non plus son espérance. Que les situations soient favorables ou non, il croit et s’attend avec patience et dans la joie au futur glorieux qui lui est réservé. C’est aussi au milieu de ces souffrances qu’il écrit plusieurs lettres aux chrétiens de différentes villes pour les encourager à garder et développer leur espérance dans le Seigneur. Soulignons cet extrait adressé aux chrétiens de Rome qui, eux aussi, traversaient des moments difficiles : « Que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi, afin que vous abondiez en espérance, par la puissance du Saint-Esprit ! » (Romains 15.13).

Espérer ensemble

Chez nous comme dans bien d’autres pays, les moments de confinement ont favorisé des rencontres chrétiennes en ligne en vue de l’exhortation et de l'encouragement. À la question de savoir à quoi ressemble une communauté chrétienne qui espère collectivement, une sœur en Christ m’a répondu : « Elle ressemble à une tour forte, à une armée inébranlable ! ».

Oui, une communauté remplie d’espérance constitue un véritable soutien pour le monde face aux épreuves et aux difficultés. Elle offre une résistance face au désespoir et au découragement. Elle est une lumière qui brille dans les ténèbres.

Je me réjouis de voir, à l’instar de l’apôtre Paul, beaucoup de communautés chrétiennes engagées à partager encore le message réconfortant de l’espérance, malgré les contraintes auxquelles elles font face. Je suis reconnaissante d’avoir lu au fil de cette crise des chrétiens comme Jay Y. Kim, Anne Lécu, Kelli B. Trujillo et bien d’autres qui ont pris la plume pour faire parvenir au monde leur message d’espérance. La lignée des témoins de l’espérance n’est pas éteinte.

Nous faisons tous face à cette crise mondiale, sans oublier nos difficultés personnelles et quotidiennes. Nous sommes tous affectés d’une manière ou d’une autre, et certains de manière réellement tragique. Mais notre attitude face à cela est déterminante.

Ma prière est que, quelles que soient les ténèbres que nous traversons et traverserons encore, notre espérance dans le Seigneur Jésus-Christ demeure toujours vivante, active et pratique. Cela ne sera peut-être pas facile mais, ensemble, « retenons fermement la profession de notre espérance, car Celui qui a fait la promesse est fidèle » (Hébreux 10.23).

Syntyche D. Dahou est assistante administrative de profession. Elle est engagée dans le Groupe Biblique des Elèves et Etudiants du Bénin (GBEEB), mouvement membre de l'IFES (International Fellowship of Evangelical Students). Elle est passionnée par la littérature chrétienne et porte un grand intérêt au ministère à travers les publications chrétiennes.

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Books
Review

Non, tous les signes ne pointent pas vers une dictature woke en Amérique

À propos du dernier livre de Rod Dreher : ce qu’il discerne et ce qu’il manque.

Christianity Today January 28, 2022
Image: Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: WikiMedia Commons / Ciocan Ciprian / Marjan Blan / Unsplash

Il y a dans le dernier livre de Rod Dreher, Résister au mensonge. Vivre en chrétiens dissidents, beaucoup de vérité, de perspicacité et d’éléments appelant à une sérieuse réflexion.

Live Not by Lies: A Manual for Christian Dissidents

Live Not by Lies: A Manual for Christian Dissidents

Penguin

256 pages

$12.99

À son meilleur, le livre force une Église chrétienne de plus en plus fragile et polarisée à répondre de son apathie morale et politique. Toutefois, il manque quelque chose à l’ouvrage de Dreher : une connaissance de soi, une sobriété prudente, une conscience que même ceux qui sont du bon côté peuvent involontairement devenir ce qu’ils cherchent à détruire.

Dreher, chroniqueur pour The American Conservative et sans doute le blogueur conservateur le plus lu sur Internet, ne manque ni d’éloquence ni de sagesse. Il a montré la qualité de sa réflexion dans son livre de 2017, Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus. Le pari bénédictin, un manifeste largement diffusé appelant les chrétiens occidentaux à réinvestir consciemment dans la construction de leurs propres « communautés de vertu » au lieu d’essayer de gagner une « guerre culturelle » (culture war) par la politique. Le pari bénédictin est un ouvrage poignant qui s’adresse avec force à une Église à la croisée des chemins. Il a trouvé écho auprès de chrétiens avides d’un engagement plus sain envers leur culture.

Malheureusement, la sensibilité spirituelle de ce précédent livre fait souvent défaut dans Résister au mensonge. En fait, l’essentiel du livre n’est pas du tout didactique ou contemporain, mais constitue plutôt une plongée dans le christianisme vécu sous le totalitarisme soviétique. Les rencontres et les conversations de Dreher avec des survivants de l’oppression soviétique et leurs descendants occupent la majeure partie de l’ouvrage. De fait, Dreher attribue son désir de l’écrire à un appel téléphonique reçu d’une famille tchèque, extrêmement préoccupée de la ressemblance des attaques contre la liberté religieuse aux États-Unis avec leur expérience des régimes communistes du 20e siècle.

Deux livres en un

De ses voyages et conversations, Dreher en arrive à un diagnostic sévère : les États-Unis sont déjà soumis de plein gré à un « totalitarisme doux » (soft totalitarianism) par les ennemis des idées religieuses et conservatrices traditionnelles. Il écrit : « Un militantisme progressiste – et profondément anti-chrétien – conquiert peu à peu notre société ; le pape Benoît XVI le décrit comme une “dictature mondiale d’idéologies apparemment humanistes” qui exclut les dissidents et les pousse aux marges ». Dreher présente sa thèse au moyen d’une approche double : chaque chapitre fait entrer le témoignage historique de survivants du communisme en conversation avec l’Occident contemporain, spécifiquement dans la perspective des grandes questions culturelles de liberté religieuse, de sexualité et de liberté d’expression.

Les lecteurs que pourrait rebuter ce type de résumé doivent savoir que Dreher n’avance pas sans preuve. Le chapitre trois, intitulé « Le progressisme comme religion », met en lumière une convaincante similitude entre l’idéologie matérialiste du communisme et la vision du monde qui prédomine sur un campus universitaire américain moyen. L’inquiétude de Dreher à propos d’un progressisme moderne inquisitorial et punitif n’est pas un délire fébrile de la droite ; la même préoccupation a été maintes fois soulevée par des non-conservateurs tels que Jonathan Haidt et Andrew Sullivan (ce dernier ayant récemment été contraint de démissionner de son poste de chroniqueur au magazine New York). S’appuyant sur les observations du philosophe Roger Scruton, décédé en 2020, à propos des cultures totalitaires, Dreher commente :

Les crimes de pensée […] par leur nature même, faisaient de l’accusation et de la culpabilité une seule et même chose […] La portée du crime de pensée contemporain s’étend constamment — homophobie, islamophobie, transphobie, biphobie, grossophobie, racisme, capacitisme, etc. –, au point qu’on ne sait jamais si le terrain sur lequel on s’aventure est sûr ou bien s’il est miné.

Le propos de Dreher apparaît difficile à contredire dans un monde où une fervente adhérente du libéralisme comme J. K. Rowling peut se retrouver face à une opposition déchaînée du seul fait qu’elle croit qu’un homme ne peut pas être une femme ; où le cadre de Mozilla, Brendan Eich, peut perdre son emploi parce qu’il partage la même perspective sur le mariage entre conjoints de même sexe que Barack Obama en 2008 ; un monde où le rédacteur en chef de la rubrique « opinions » du New York Times peut être contraint de quitter son poste au seul motif d’avoir publié un article — celui du sénateur républicain Tom Cotton appelant au déploiement de troupes fédérales pour calmer les troubles de l’été 2020 – que certains employés progressistes du Times trouvaient inadmissible. Dreher a de bonnes raisons de soupçonner le progressisme américain de pratiquer les tests de pureté idéologique d’une façon qui rappelle les abus des régimes marxistes ; ceux qui en doutent devraient prêter attention à la clameur croissante des inquiétudes, qui s’élève bien au-delà des cercles conservateurs typiques.

Si le propos de Dreher s’arrêtait là, Résister au mensonge serait un livre juste, quoique banal. Mais le message du livre n’est pas simplement que les progressistes sont devenus intolérants. Ce qu’il affirme, c’est que cette intolérance — associée à une décadence culturelle généralisée et à l’avènement du « capitalisme de surveillance » — menace ouvertement la vie et les moyens de subsistance des chrétiens traditionnels. Dreher compare les innovations en matière de « services de localisation » de la Silicon Valley au système de « crédit social » de la Chine communiste, et nous prévient que les survivants des régimes meurtriers reconnaissent le visage de leurs ennemis dans la société américaine telle qu’elle se développe.

Le technocapitalisme, écrit Dreher, « reprod[uit] en réalité l’atomisation et la solitude radicale que les gouvernements communistes totalitaires avaient l’habitude d’imposer à leurs peuples captifs pour les contrôler plus facilement ». Là encore, ce sentiment est soutenu principalement par des histoires : celles de personnes comme Kirill Kaleda, un prêtre russe dont la carrière et les perspectives d’avenir ont été détruites à jamais en raison de ses convictions antisoviétiques, ou comme Yuri Sipko, un baptiste russe qui se souvient de ses professeurs d’école contraints de l’endoctriner.

Il y a en réalité deux livres dans Résister au mensonge. Le premier livre est le témoignage historique d’une remarquable résilience spirituelle face à l’Union soviétique. Le deuxième livre est un plaidoyer passionné pour convaincre les chrétiens occidentaux contemporains de se voir dans le premier livre, de ressentir une continuité entre cette histoire et leur présent, et de se préparer aux pressions, à la persécution, et peut-être plus.

Dreher est un journaliste chevronné qui a une grande expérience dans la couverture des batailles pour la liberté religieuse. Compte tenu de cette expérience, Résister au mensonge constitue une démonstration étonnamment faible de l’imminence du totalitarisme « woke ». L’essentiel du livre paraît assez impressionniste, comme si passer d’un témoignage historique soviétique à une analyse culturelle contemporaine, puis revenir à l’histoire soviétique, constituait en soi une preuve suffisante. Dreher reconnaît que la situation religieuse, sociale et politique de l’Europe de la fin du 19e siècle était passablement différente de celle des États-Unis actuels, mais pour lui, cette différence n’est pas vraiment pertinente. Il a une piètre opinion du christianisme américain – « l’esprit thérapeutique a conquis les églises. […] Relativement peu de chrétiens contemporains sont prêts à souffrir pour la foi » — mais il ne dit presque rien sur les formidables (mais pas imperméables) protections juridiques américaines de la liberté religieuse. En fin de compte, il n’offre aucun scénario plausible montrant comment un pays aux institutions juridiques profondément façonnées par la liberté de conscience et une population historiquement religieuse pourraient basculer dans une terreur « woke ».

Un tel scénario pourrait-il se produire ? Peut-être. Mais il y a des alternatives à considérer, comme celle présentée par un autre intellectuel chrétien, Ross Douthat, dont le livre The Decadent Society soutient que la société américaine est bien plus susceptible de s’engluer dans une stagnation politique paresseuse et des enclaves sous-culturelles immuables que de succomber à quoi que ce soit de véritablement totalitaire. La prophétie reste un art difficile ; des personnes qui ont en commun les plus profondes convictions religieuses et sociales peuvent néanmoins interpréter différemment les éléments en jeu. L’argumentaire de Dreher est énoncé avec passion et n’est pas dépourvu d’appuis, mais il n’emporte finalement pas la conviction.

Deux types de mensonges

Nous arrivons ici à un point de divergence entre Le pari bénédictin et Renoncer au mensonge, qui semble beaucoup moins sensible que son prédécesseur aux tentations particulières qui guettent les chrétiens conservateurs. Alors que Le pari bénédictin décrivait comment la poursuite du pouvoir a desservi les croyants, Résister au mensonge donne l’impression que nous devrions consolider notre pouvoir avant que ce ne soit plus possible. Alors que Le pari bénédictin situait les pierres d’achoppement les plus préoccupantes à l’intérieur de l’Église, Résister au mensonge ne laisse aucun doute sur le fait que le danger provient de l’élitisme « woke » de gauche. Le pari bénédictin me confrontait à la nécessité de me placer du bon côté. Résister au mensonge m’assure que je le suis déjà.

Ces critiques proviennent d’une personne qui se reconnaît profondément dans les engagements théologiques de Dreher. Il a tout à fait raison de dire que la culture dominante méprise les chrétiens traditionnels. Son affirmation que notre espace public, après s’être avachi pendant longtemps dans un nihilisme relativiste, est maintenant vulnérable aux tentations de la solidarité collectiviste est irréfutable. Toutefois, en faisant de Résister au mensonge une jérémiade contre les progressistes, Dreher manque une occasion de prêcher l’engagement envers la vérité tant aux révolutionnaires sécularistes qu’aux réactionnaires de droite. Mis à part une poignée de passages sur les péchés des « deux côtés », Dreher est si résolument focalisé sur l’établissement de parallèles entre les dirigeants communistes et les élites libérales qu’il passe à côté de la nature contre-culturelle et non tribale de la foi et de l’identité chrétiennes.

Les chrétiens qui laissent vraiment leurs engagements envers la vérité absolue et la souveraineté divine sur toutes choses façonner leurs intuitions ne se classent pas aisément sur l’échiquier politique. La même Bible qui célèbre l’humanité de l’enfant à naître condamne aussi les mauvais traitements envers l’immigrant et l’étranger. La même Bible qui commande le soutien aux pauvres et la réconciliation dans les conflits ethniques révèle également le dessein d’un Dieu qui crée « l’homme et la femme ». Le même principe biblique de vérité objective confronte à la fois les discours intersectionnels et les récits conspirationnistes d’« élections volées ». En matière de guerre culturelle, la politique d’équité de l’Évangile n’épargne personne.

Nous devons assurément résister aux mensonges : les mensonges que notre époque séculière nous raconte, mais aussi les mensonges que nous nous racontons nous-mêmes. Dreher a des choses utiles à dire dans la première catégorie. J’aurais aimé qu’il en dise plus sur la deuxième.

Samuel D. James est rédacteur en chef adjoint des acquisitions chez Crossway Books, et il blogue sur Letter and Liturgy.

Traduit par Emilie Nkoy

Révisé et édité par Léo Lehmann

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Nous en avons trop fait à propos du genre

Comment se réapproprier une identité plus significative que sa masculinité ou sa féminité ?

Christianity Today January 25, 2022
Mike Mozart / Flickr

Comment est-ce que je vis en tant que femme dans ce coin retiré du monde ? Je n’aurais pas su que répondre à cette question lorsque je suis arrivée pour la première fois dans la nature sauvage de l’Alaska en tant que jeune épouse d’un pêcheur. En fait, je n’aurais même pas envisagé de me poser la question, principalement parce que je ne me considérais pas en tant que femme. Pas plus que je ne me pensais comme fille.

Je ne pensais pas grand-chose du genre, en partie parce que j’ai grandi dans un foyer non genré, et en partie à cause de la culture elle-même. Dans les années 70, les hommes comme les femmes portaient des pattes d’éléphant, se faisaient une raie au milieu des cheveux et se baladaient sur des chaussures à semelles compensées.

Les experts scientifiques et médiatiques nous disaient que les différences entre les sexes étaient des constructions purement sociales : nous étions tous des produits de notre environnement. Les parents progressistes plaçaient des camions sous le sapin de Noël pour leurs petites filles et les garçons recevaient des poupées. Même des couples d’âge moyen et avancé marchaient main dans la main dans des tenues assorties.

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Mon mari et moi avons tout pris. Dans notre phase idéaliste, nous avons décidé que nous travaillerions ensemble dans la pêche commerciale, puis nous rentrerions à terre préparer le repas et laver la vaisselle ensemble. Je me suis vite réveillée de ce rêve.

Et en tant que société, nous nous sommes aussi éloignés de cette conception du genre qui prévalait dans les années 70. En 2015, nous étions mis face à cette double image de Bruce devenu(e) Caitlyn Jenner : son ancienne version exacerbée de la masculinité exprimée dans des prouesses athlétiques et son hyperféminité actuelle, obtenue grâce à la chirurgie, aux hormones, à beaucoup de maquillage et à une séance photo pour Vanity Fair.

Les progrès de la science, et en particulier des neurosciences, se sont soldés par une série de percées menant à la conclusion que, tenez-vous bien, les hommes et les femmes étaient bel et bien différents : physiquement, dans leur fonctionnement cérébral, en matière de style de communication, de schéma hormonal, et tout cela dès avant leur naissance.

Presque toutes les disciplines scientifiques ont contribué à répertorier les manières étonnantes dont homme et femme se distinguent. Ils étaient si éloignés l’un de l’autre que l’un des livres les plus populaires des années 90 plaçait les hommes sur Mars et les femmes sur Vénus. En moins de deux décennies, les hommes et les femmes étaient passés de la marche main dans la main dans des tenues assorties à l’habitation de différentes planètes.

La neuroscience a été utile, à sa mesure. Nous sommes tout de même soulagés lorsque nous découvrons que certains traits de notre conjoint (ou frère ou sœur) ne sont pas leurs propres aberrations, mais un comportement assez normal parmi leur genre. Je possède une série populaire d’enseignements sur le mariage chrétien qui s’amuse de cette espèce masculine qui ne peut pas effectuer plusieurs tâches en même temps pour sauver sa vie, qui ne prononce que 17 mots par jour (en fait, des études disent 7 000), qui n’a aucune idée de son véritable état émotionnel, etc. Puis vient le pendant féminin : des femmes qui parlent sans arrêt, sautent du coq à l’âne, se focalisent sur des détails, et ainsi de suite.

Ces choses sont désormais considérées comme des lieux communs, en particulier dans certains cercles chrétiens : les hommes sont rationnels ; les femmes sont émotives. Les hommes sont des loups solitaires ; les femmes sont coopératives. Les hommes ne peuvent faire qu’une chose à la fois ; les femmes sont multitâches. Vous pourriez probablement en lister une douzaine d’autres.

Comme on pouvait s’y attendre, nous avons basculé d’un extrême à l’autre, passant du tout-culture au tout-nature, endossant désormais les stéréotypes de genre avec le cachet et la bénédiction de la science. Toutes ces analyses et catalogages des genres, je crois, ont finalement alimenté la crise actuelle à propos de l’identité et de l’expression de genre.

Je ne voudrais pas minimiser la difficulté de la condition de Jenner et d’autres, celle de la dysphorie de genre. Cependant, nous subissons tous les conséquences d’une fixation culturelle sur le genre. Un homme ou une femme, un garçon ou une fille, qui présente des traits considérés comme relevant de l’autre genre peut être conduit à questionner son identité d’une manière bien plus forte qu’il y a quelques décennies.

Les hommes, semble-t-il, sont particulièrement touchés. Les femmes et les jeunes filles bénéficient d’une généreuse latitude qui reconnaît l’athlète, le mannequin, le PDG et la mère comme des expressions également valables de la féminité. De nombreux parents, comme moi, encouragent leurs filles à devenir des lanceuses et des meneuses de jeu (ou encore des pêcheuses) plutôt que des princesses. Mais les attentes culturelles à l’égard de la masculinité sont bien plus avares. Si un homme est doux, compatissant, artistique, empathique, cultive la beauté dans sa vie, parle avec ses mains, apprécie l’amitié des femmes, sa masculinité et son orientation sexuelle sont instantanément remises en question.

Les stéréotypes eux-mêmes ne sont pas non plus équitables entre les sexes. Après avoir subi des générations de sexisme, les femmes s’en sortent mieux que les hommes dans certains contextes. La société loue les femmes pour leur plasticité neuronale ; elles sont flexibles, coopératives, empathiques, honnêtes. Les femmes dépassent les hommes dans l’enseignement supérieur, en termes d’employabilité et dans pas mal d’autres mesures. Au cinéma, elles sont toujours aussi glamour et sexy… mais également tout aussi audacieuses que les hommes.

Et nos homologues masculins ? Ils incarnent toujours des athlètes et des super-héros, mais pas grand-chose d’autre. Pendant plus de 20 ans, des sitcoms nous ont donné à voir des pères incapables et pathétiques. Les écarts moraux des hommes politiques sont devenus la norme. Les hommes sont critiqués pour leur rigidité monolithique. C’est ce qui conduisit Hanna Rosin, observatrice sociale, à son article de couverture de 2010 pour The Atlantic intitulé « The End of Men » (« La fin de l’homme »). À mon époque, beaucoup de filles voulaient être des garçons, moi comprise, parce que les garçons détenaient tout le pouvoir. Plus maintenant. Désormais, ce sont les hommes qui veulent être des femmes : les hommes sont trois fois plus nombreux que les femmes à subir une opération de changement de sexe.

Je ne cherche pas à expliquer la transformation de Jenner à partir de l’avancement des femmes soutenu par les médias à notre époque, bien que cela puisse y avoir contribué. Cette double image de Bruce puis Caitlyn mettait en scène l’écart croissant entre les sexes. Mais encore plus que cela, l’interview de Jenner et la couverture de Vanity Fair soulignaient avec force que notre obsession très sexualisée pour le genre nous égare.

Nous semblons reconnaître que nous avons un problème, mais ne parvenons pas trouver un moyen de le résoudre. Une approche a été de considérer que le problème serait une obsession des « catégories binaires », que l’on a donc tenté de résoudre en développant plus de catégories. Facebook propose toutes sortes de choix d’identification de genre, comme le font de nombreux groupes LGBT. Mais tracer plus de lignes et trier les gens dans des boîtes toujours plus petites ne fait qu’accentuer le problème de fond.

Notre identité et notre personnalité ne sont ni entièrement contenues ni entièrement expliquées par notre masculinité ou notre féminité ou toute catégorie que l’on imaginerait entre les deux. En réalité, nous avons passé tellement de temps à diviser et à définir notre identité sexuelle, même dans l’Église, que nous avons perdu notre identité la plus essentielle, et avec elle, notre sens de l’unité.

Oui, Dieu a fait la femme et l’homme différents, mais ce n’est pas le tout du récit de la création. L’homme a été créé par Dieu, la femme a été tirée de l’homme et l’homme est né de la femme. Dès le début, nous faisons partie l’un de l’autre. Nous aspirons l’un à l’autre. Nous sommes un miroir l’un pour l’autre. Nous reflétons l’image de Dieu l’un pour l’autre. (Mais nous pouvons mal interpréter ces aspirations. Se pourrait-il parfois que notre désir d’union et de connexion avec l’autre créé par Dieu soit confondu avec un désir d’« être » l’autre ?) Et le Nouveau Testament regorge de tout ce que nous partageons dans le royaume de Dieu : nous sommes cohéritiers, co-ouvriers, concitoyens, enfants de Dieu, tous habités par le même Saint-Esprit de Dieu.

Notre préoccupation centrale n’est pas de savoir si nous sommes à la hauteur des notions culturelles actuelles de féminité ou de masculinité ou de quoi que ce soit entre les deux, mais à celle de la personne du Christ. Christ était vraiment un homme. Pourtant, son identité première n’était pas sa masculinité, mais sa relation avec Dieu.

Les Écritures appellent les hommes et les femmes à se conformer non pas au modèle du monde, mais à celui de Christ lui-même (Rm 12.12). Dieu nous commande de vivre comme il l’a fait : aimer Dieu de tout notre être, le laisser « renouveler notre esprit », « être unis dans l’amour », « être en plein accord et d’un même esprit », « aimer notre prochain comme nous-mêmes ».

Notre objectif n’est pas la masculinité ou la féminité, mais la piété, qui comprend la compassion, la gentillesse, la miséricorde, la force, la persévérance, le courage, la soumission et bien d’autres vertus trop longtemps attribuées à un genre ou à l’autre. Depuis près de 40 ans de mariage, lorsque mon mari et moi nous disputons, ce n’est pas notre désignation comme femme ou homme ou même comme mari ou épouse qui nous divise, mais le péché et l’égoïsme. Et, après toutes ces années, nous travaillons finalement ensemble à la pêche puis partageons la vaisselle.

Je n’essaie pas de nous ramener aux extrêmes unisexes — et à la mauvaise mode — des années 70. Nous n’avons pas besoin de prétendre que nous sommes tous pareils, ou que le genre n’a pas d’importance, mais le genre a beaucoup trop compté. Une identité établie en tant qu’homme ou femme, homosexuel ou transsexuel, genderqueer ou toute autre désignation LGBT ne répondra pas à nos aspirations humaines les plus profondes : connaître et être connu, aimer et être aimé par celui à l’image de qui nous sommes faits. Toutes ces définitions du genre ne fournissent pas non plus une voie à suivre pour vivre dans notre humanité partagée au sein de la Création.

Être habité par l’Esprit et avancer vers la ressemblance avec Dieu peut apporter la guérison à la dissonance que nous ressentons en nous-mêmes, ainsi qu’aux différences et aux divisions entre nous. Qui que nous soyons, mon espoir est que nous serons connus non pas pour notre catégorie de genre, mais pour notre miséricorde, notre sagesse, notre gentillesse, notre humilité, notre grâce et notre amour. Si nous permettons au Saint-Esprit de faire cela en nous, nous serons exactement ce pour quoi nous avons été créés, à l’intérieur comme à l’extérieur.

Leslie Leyland Fields vit en Alaska. Elle est autrice de nombreux livres, conférencière et enseignante. Son ouvrage Pardonner son père et sa mère a été traduit en français.

Traduit par Teodora Haiducu

Révisé et édité par Léo Lehmann

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Books

Le corps garde la foi

La vie spirituelle se poursuit malgré la désorientation due à la démence.

Christianity Today January 25, 2022
Image: Courtesy of Tricia Williams / Edits by Rick Szuecs

Le témoignage est important pour de nombreux chrétiens. Que se passe-t-il alors lorsque vous ne pouvez plus vous souvenir de la façon dont vous avez connu Jésus comme votre Sauveur ou des choses que Dieu a faites dans votre vie ? Le psalmiste dit : « Je me rappelle la manière d’agir de l’Éternel. Oui, je veux me souvenir de tes miracles passés » (Psaume 77.11). Qu’arrive-t-il à notre foi lorsque nous ne pouvons plus nous souvenir ?

La théologienne Tricia Williams a posé cette question à des croyants évangéliques atteints de démence dans son livre What Happens to Faith When Christians Get Dementia? (« Qu’advient-il de la foi quand les chrétiens sont touchés par la démence ? ») paru l’an dernier. D’après les réponses reçues, les souvenirs s’effacent, mais pas la foi.

Williams, éditrice de longue date pour Scripture Union, a commencé à s’intéresser à la pastorale des personnes atteintes de démence à la demande d’un collègue qui voulait aider sa femme. Elle a d’abord élaboré des ressources pour la lecture de la Bible et la prière. Elle a poursuivi ses études en Écosse, en vue de l’obtention d’un doctorat à l’université d’Aberdeen, sous la direction de John Swinton, un éminent spécialiste de la théologie de la démence.

Son travail a « toujours un objectif pastoral », dit-elle. Avec ce nouveau livre, elle souhaite aider les chrétiens à mieux s’occuper des personnes atteintes de démence et à voir comment ce que vivent ces croyants peut s’appliquer au cheminement de foi de chacun. Bien que ce livre soit destiné aux universitaires, elle travaille sur un second ouvrage basé sur ses recherches à destination du grand public.

Elle s’est entretenue avec nous au sujet de ses découvertes et de la manière d’accompagner les personnes atteintes de démence.

Tout d’abord, pourriez-vous nous décrire quelques symptômes de la démence ? En quoi ces symptômes soulèvent-ils des inquiétudes pour les chrétiens ?

La démence est un terme générique. En son sein il existe un groupe de maladies qui présentent souvent des symptômes similaires, notamment au début. Dans mes recherches, mes participants souffraient à la fois de la maladie d’Alzheimer et de démence vasculaire. Il existe également d’autres types de démence.

La personne qui vit avec une personne atteinte de démence remarquera que la concentration devient plus difficile et qu’il y a des pertes de la mémoire de court terme. Puis, à mesure de la progression de la maladie, ce qui peut prendre plusieurs années, la mémoire régresse davantage et les comportements sociaux deviennent de plus en plus difficiles à maîtriser.

Lors d’un atelier que j’organisais avec une Église sur le sujet, les participants manifestaient beaucoup de patience, de souci pastoral et de gentillesse. Mais vers la fin de la réunion, une dame qui était restée silencieuse, ne pouvant manifestement plus se retenir, s’est soudain écriée : « C’est très bien, mais en fait je trouve cela extrêmement embarrassant parce que je ne sais pas comment mon père va se comporter quand nous irons à l’église. »

Certaines des questions clés que les gens se posent sont les suivantes : Qui suis-je ? Si votre capacité relationnelle a disparu et que vous ne pouvez plus penser de manière cohérente, existe-t-il encore une identité personnelle ? Qu’est-ce qui fait de moi un être humain ? Ensuite, pour un croyant, se pose la question : Qu’advient-il de ma foi ? Si je ne peux plus me souvenir, si je ne peux plus confesser mes péchés, mon salut est-il toujours assuré ? Certaines personnes se demandent aussi s’il est encore possible de venir à la foi quand on est atteint de démence.

Vous avez interviewé huit personnes à un stade précoce ou modéré de démence. Pouvez-vous les décrire ?

Elles pouvaient encore me parler. Certaines découvraient tout juste ce que signifiait vivre avec une démence. Une ou deux étaient vraiment fragiles et le simple fait d’essayer de communiquer était un véritable combat pour elles.

Au stade où elles en étaient, toutes ces personnes savaient qu’elles étaient atteintes de démence et pouvaient imaginer ce que cela pouvait signifier. Elles étaient toutes conscientes des images stéréotypées que la société associe à la démence et ressentaient toutes une forme d’appel de Dieu pour parler avec moi.

Je vous en dis un peu plus sur deux d’entre elles : Rosemary et Ron. Ce sont des pseudonymes pour protéger leur vie privée et leurs familles.

Rosemary avait été professeure d’anglais. Elle était pleine d’une énergie bouillonnante et voulait désespérément me parler. Sa conversation était tout d’un jet. Elle m’a dit : « L’essentiel, c’est que je veux que tout cela soit à la gloire de Dieu. » Elle semblait à peine respirer tandis qu’elle me parlait, jusqu’à son « Amen » final. Et il y a réellement eu un « Amen ».

Ron, lui, était beaucoup plus fragile. Il avait séjourné en Rhodésie (aujourd’hui le Zimbabwe) et était « né de nouveau » lors d’une croisade de Billy Graham. Il m’a dit : « Je n’ai pas de mémoire, mais j’en ai. » Par ces mots, il voulait dire ceci : même si beaucoup de choses du quotidien ont disparu, je n’oublierai jamais la présence de Dieu à mes côtés.

Comment avez-vous mené les entretiens ? Était-il difficile pour les gens de se souvenir de la question posée ?

Oui, c’était effectivement compliqué. Pour certaines personnes, il était difficile de se souvenir de la raison pour laquelle cette étrangère était dans leur maison pour leur parler. Les gens oubliaient où nous allions. Parfois, ils me racontaient tout un tas de choses que je ne voulais pas forcément savoir parce qu’ils faisaient toutes sortes de détours. Et ce n’était pas un problème, je les ramenais simplement au sujet, gentiment et respectueusement.

Quelqu’un me disait : « Je peux encore conduire à 100 km/h sur l’autoroute. » Dans ma tête, je me suis dit : « Oui, mais devriez-vous le faire ? » Mais comme la personne me disait cela, j’ai tenté de réfléchir à la raison qui la poussait à le faire. En fait ce qu’elle voulait communiquer, c’était : « Je suis au contrôle. Je n’ai pas besoin d’une attention particulière. Je fonctionne comme tout le monde, merci beaucoup ». Lorsque quelque chose est dit en dehors du sujet, je tente de creuser pour entendre pourquoi.

J’étais constamment en train de réorienter la conversation pour la ramener sur le thème de nos échanges. Dans ma tête, mon cadre était : Quelle a été votre expérience de la foi par le passé, quelle est votre expérience de la foi maintenant, et comment pensez-vous qu’elle sera dans le futur ?

Que signifie la démence pour la foi de ces personnes ?

Certains pensent qu’une fois la démence apparue, le chemin de la foi est terminé, alors qu’en réalité mes recherches ont mis en évidence que la foi reste bien vivante. En fait, les gens m’ont même dit qu’elle était plus forte. Alice m’a ainsi rapporté : « J’avais l’habitude de penser que j’étais assez intelligente. » (Elle était médecin.) « Maintenant, je sais que je ne sais pas grand-chose. Mais je sens que là où il y a moins de moi, il y a plus de Dieu. »

J’ai aussi eu des conversations à propos des progrès dans la foi, et cela peut sembler vraiment étrange. Pourtant, cette possibilité de croissance est bien présente. Dans la désorientation, dans la confusion que la démence apporte dans leurs vies, ces personnes pouvaient encore trouver des occasions de réorientation et d’approfondissement de leurs existences.

Alice m’a dit : « Comment puis-je servir Dieu ? Il m’a fait ce don, et je ferai ce que je peux avec les pains et les poissons qu’il m’a donnés. » Elle a un réel souci et une compréhension de certaines des horreurs que vivent les personnes qui entrent dans la démence sans la foi, et elle continue à leur témoigner à partir de sa propre expérience.

Quelles leçons pouvons-nous tirer des personnes atteintes de démence ?

L’une d’entre elles touche à la mémoire. Nous avons tendance à la considérer comme une mémoire autobiographique et linéaire. Or, la mémoire n’est pas seulement une affaire de faits reliés par des neurones dans le cerveau. Elle est liée à l’ensemble de notre corps. J’écris donc beaucoup sur notre mémoire corporelle. C’est l’exemple classique de la madeleine de Proust, qui racontait que le simple goût de ce biscuit lui rappelait soudainement les souvenirs de chez sa tante.

Ce type de souvenir est également observé chez les personnes atteintes de démence. Je peux penser à toutes sortes d’exemples. La façon dont une personne s’habille. La façon dont elle vous parle. Leur histoire passée est inscrite dans leur corps. Leurs manières, leur politesse (ou son absence). Leur compréhension de la foi, des chants et des hymnes. Tout est là, profondément enraciné dans leur mémoire.

Vous semblez dire que nous comprenons mal la mémoire, en pensant qu’il s’agit uniquement d’une cognition mentale ?

Nous nous trompons, en effet. Nous sommes un tout complexe. Le seul fait que les neurones cessent de fonctionner ne fait pas tout à coup disparaître la personne. Non. La personne entière est là et elle a de la valeur. Il se peut qu’elle soit coupée de nous et qu’il faille plus de patience et d’attention pour communiquer. Mais nous pouvons l’inviter à s’ouvrir et commencer à découvrir que cette personne, comme moi, est chrétienne, qu’elle aime Dieu et qu’elle est peut-être en train d’en apprendre davantage que moi sur Dieu et d’avoir plus confiance en lui.

Naomi Feil, une assistante sociale, a développé la théorie de la validation pour communiquer avec les personnes atteintes de démence avancée. Dans un exemple qu’elle cite, elle travaille patiemment, très patiemment avec une femme jusqu’à ce qu’elles arrivent à chanter ensemble « Jésus m’aime, je le sais ». Au fond, aux tréfonds de nous, il y a des vérités enracinées.

Ma grand-mère était atteinte de démence, et je me souviens que des gens ont chanté des hymnes avec elle jusqu’à la fin.

Les participants à ma recherche ne cessaient de citer des textes des Écritures et des paroles de cantiques. Ces mots sont devenus leur langage. Ces choses sont profondément, très profondément ancrées. Parfois, il suffit de solliciter quelqu’un, de l’aider à entrer dans le moment présent. En prenant un peu de temps, vous découvrez qu’il y a là toute une richesse de vécu et d’expériences spirituelles. Ces personnes ne vont certainement pas se lever devant vous et prononcer un sermon cohérent, mais la vie de Dieu est là et c’est un cadeau pour nous. Nous pourrions avoir des choses à apprendre si nous sommes assez patients pour recevoir les dons que cette personne met en œuvre pour nous.

Comment les chrétiens peuvent-ils prendre soin des personnes atteintes de démence ?

Il nous faut accompagner les personnes atteintes de démence. Certains ont mis ce besoin en évidence. L’une des difficultés pour les personnes seules est tout simplement qu’il est devenu très compliqué d’aller au culte ou de participer à des activités de l’Église. Rosemary — la femme pleine d’entrain, qui ne s’arrêtait jamais de parler — voulait continuer à aller à l’Église et trouvait cela très difficile. Elle se rappelle s’être un jour avancée pour recevoir la communion, puis avoir paniqué parce qu’elle ne se souvenait plus où elle était assise. Elle m’a parlé de sa gêne à l’idée que les gens se disent : « Cette idiote ne sait pas d’où elle vient. »

En pratique, c’est une chose qui peut facilement se régler. Si les gens dans la communauté sont au courant de la situation, quelqu’un pourrait simplement décider d’agir en ami de la personne en question et de la guider pendant le culte si elle en a besoin.

Quant aux membres de la famille de personnes atteintes de démence : laissez d’autres personnes partager le fardeau avec vous. Il arrive que la personne atteinte de démence et celui ou celle qui en prend soin cessent de venir à l’église, et que nous ayons tendance à les oublier. Ils ont parfois l’impression que personne ne pourra les comprendre et se retrouvent épuisés par les soins à prodiguer. Mais tant le membre de la famille que la personne atteinte de démence elle-même ont besoin d’autres membres du corps du Christ, pour porter ensemble le fardeau de la maladie.

Traduit par Denis Schultz

Révisé par Léo Lehmann

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Books

Les 50 pays où il est le plus difficile de suivre Jésus en 2022

Trois chrétiens martyrisés sur cinq le sont au Nigeria. Trois églises attaquées sur cinq se trouvent en Chine. L’Afghanistan est désormais pire que la Corée du Nord.

Christianity Today January 19, 2022
Illustration by Mallory Rentsch / Source Image: Benne Ochs / Getty Images

Note de l'éditeur : Portes Ouvertes a maintenant publié la liste de surveillance mondiale 2023 de la persécution des chrétiens.

L’année dernière, mille chrétiens de plus que l’année précédente ont été tués pour leur foi.

Mille chrétiens de plus ont été emprisonnés.

Six cents églises de plus ont été attaquées ou fermées.

L’Afghanistan est le nouveau numéro un de l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens 2022, le dernier rapport annuel de Portes Ouvertes sur les 50 pays où il est le plus dangereux et difficile d’être chrétien.

« Les résultats de cette année indiquent des changements majeurs dans le paysage de la persécution », affirme David Curry, président de Portes Ouvertes aux États-Unis.

Depuis que Portes Ouvertes a commencé son classement en 1992, la Corée du Nord était en tête. Mais depuis la prise de contrôle de l’Afghanistan par les talibans en août dernier, les croyants afghans ont dû quitter leur pays ou se réfugier à l’intérieur de celui-ci. Beaucoup ont perdu tout ce qu’ils possédaient, note le rapport, et les églises de maison ont été fermées.

« Avant les talibans, ce n’était pas génial, mais ça allait encore », raconte un Afghan évacué, requérant l’anonymat dans l’espoir de pouvoir un jour revenir. « [À présent] les chrétiens vivent dans la peur, en secret, dans la clandestinité totale ».

Portes Ouvertes s’empresse de souligner que le passage de la Corée du Nord à la deuxième place ne reflète pas une amélioration de la liberté religieuse dans ce pays. Au contraire, une nouvelle loi sur la pensée anti-réactionnaire a entraîné une augmentation des arrestations de chrétiens et des fermetures d’Églises de maison.

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Au total, 360 millions de chrétiens vivent dans des pays où les niveaux de persécution ou de discrimination sont élevés. Cela représente un chrétien sur sept dans le monde, dont un sur cinq en Afrique, deux sur cinq en Asie et un sur quinze en Amérique latine.

L’année dernière, pour la première fois en 29 ans de suivi, les 50 pays obtenaient un score suffisant pour enregistrer des niveaux de persécution « très forts » dans la grille de 84 critères de Portes Ouvertes. Cette année, les 50 pays se sont à nouveau qualifiés, de même que 5 autres qui ne rentrent pas dans le classement.

Alors que l’extrémisme islamique continue de susciter le plus de persécutions, Portes Ouvertes note que les restrictions liées au COVID-19 « sont devenues un moyen commode de renforcer le contrôle et la surveillance des minorités religieuses et de leurs rassemblements » en Chine et dans d’autres pays. Les chercheurs ont également constaté que les persécutions poussent de plus en plus les chrétiens à s’exiler, des dizaines de milliers d’entre eux, notamment au Myanmar, devenant réfugiés dans d’autres pays.

L’objectif des classements annuels de l’Index Mondial de Persécution — qui témoignent de la concurrence grandissante que rencontre la Corée du Nord au fur et à mesure que la persécution s’aggrave — est de guider les prières et d’aider à transformer l’indignation en action pertinente, tout en montrant aux croyants persécutés qu’ils ne sont pas oubliés.

L’édition 2022 couvre la période du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2021, et est compilée à partir de rapports de terrain rédigés par des travailleurs de Portes Ouvertes dans plus de 60 pays.

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Où les chrétiens sont-ils le plus persécutés aujourd’hui ?

L’Afghanistan ne représente pas le seul changement substantiel dans le classement de cette année. Le Myanmar est passé de la 18e à la 12e place, en raison de l’augmentation de la violence après son coup d’État et de la discrimination en matière de soins de santé. Le Qatar est passé de la 29e à la 18e place, car les Églises de maison auparavant tolérées n’ont pas été autorisées à rouvrir après les fermetures du COVID-19, alors que les mosquées et les quelques Églises officiellement enregistrées ont pu le faire. L’Indonésie est passée de la 47e à la 28e place, en raison de deux attaques islamistes meurtrières contre des églises, malgré la répression gouvernementale contre les terroristes. Enfin, Cuba est passé de la 51e à la 37e place, en raison de l’intensification des mesures prises à l’encontre des dirigeants et des militants chrétiens opposés aux principes communistes.

Dans l’ensemble, les dix premières nations n’ont fait qu’intervertir leurs places par rapport à l’année dernière. La Somalie se maintient à la troisième place, tout comme la Libye à la quatrième, l’Érythrée à la sixième et l’Inde à la dixième. Le Yémen a gagné deux places pour devenir le cinquième pays, remplaçant le Pakistan qui a perdu trois places pour devenir huitième. L’Iran a reculé d’un rang pour se retrouver en neuvième position, et le Nigeria a gagné deux places pour se retrouver en septième position, complétant ainsi les groupe des pires.

Les pays où il est le plus difficile de suivre Jésus :



1. Afghanistan
2. Corée du Nord
3. Somalie
4. Libye
5. Yémen
6. Érythrée
7. Nigeria
8. Pakistan
9. Iran
10. Inde

Étonnamment retiré en novembre de la liste annuelle des pays particulièrement préoccupants du département d’État américain, après avoir été ajouté en 2020, le Nigeria fait l’objet d’une attention particulière dans le rapport de Portes Ouvertes.

« Une fois que vous êtes chrétien au Nigeria, votre vie est toujours en jeu », explique Manga, dont le père a été décapité par Boko Haram. « [Mais] ce n’est pas comme si nous avions un [autre] endroit aller, nous n’avons pas le choix ».

La nation la plus peuplée d’Afrique s’est classée première dans les sous-catégories de l’Index Mondial de Persécution concernant les chrétiens tués, enlevés, harcelés sexuellement, maltraités physiquement ou mentalement, et les maisons et entreprises attaquées pour des raisons religieuses. Elle se classe en deuxième position dans les sous-catégories « attaques d’églises » et « déplacements internes ».

« Il est de plus en plus évident que les chrétiens (et les groupes minoritaires) ne peuvent pas compter sur l’appareil de sécurité pour leur protection », indique le rapport.

Les violations de la liberté religieuse au Nigeria sont liées à une présence islamiste en pleine expansion dans le Sahel africain. Le Mali est passé de la 28e à la 24e place, et Portes Ouvertes craint qu’il ne progresse encore l’année prochaine. Le Burkina Faso est resté stable à la 32e place et le Niger est passé de la 54e à la 33e place. Tout près, la République centrafricaine est passée de la 35e à la 31e place.

« L’épicentre du djihadisme international se trouve désormais dans la région du Sahel », déclare Illia Djadi, analyste principal de Portes Ouvertes pour la liberté de religion et de croyance en Afrique subsaharienne. « Ce terrorisme se déplace vers le sud (…) et des pays majoritairement chrétiens comme le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire sont désormais touchés. » (Aucun ne figure dans l’Index).

Les pays à majorité chrétienne se classent relativement bas dans le top 50. On y trouve la Colombie (n° 30), Cuba (n° 37), l’Éthiopie (n° 38), la République démocratique du Congo (n° 40), le Mozambique (n° 41), le Mexique (n° 43) et le Cameroun (n° 44).

Parmi les 50 premières nations :

  • 11 ont des niveaux de persécution « extrêmes » et 39 des niveaux « très forts ». Cinq autres nations ne figurant pas parmi les 50 premières connaissent également un niveau « très fort » de persécution : le Kenya, le Sri Lanka, les Comores, les Émirats arabes unis et la Tanzanie.
  • 18 sont en Afrique (dont 6 en Afrique du Nord), 29 en Asie, 10 au Moyen-Orient, 4 en Asie centrale et 3 en Amérique latine.
  • 34 ont l’islam comme religion principale, 4 le bouddhisme, 2 l’hindouisme, 1 l’athéisme, 1 l’agnosticisme et 10 le christianisme.

La liste 2022 comprend deux nouveaux pays : Cuba et le Niger. Deux pays ont été retirés de la liste : le Kenya et les Comores.

Parmi les autres remontées notables, citons l’Arabie saoudite, qui passe de la 14e à la 11e place, en raison de la disponibilité d’informations plus spécifiques sur la situation des migrants convertis. Un autre pays du Golfe, Oman, est quant à lui passé de la 44e à la 36e place, suite à une augmentation de la surveillance des chrétiens, en particulier des convertis, dont plusieurs ont été forcés de quitter le pays. En Asie, le Bhoutan est passé de la 43e à la 34e place en raison d’une augmentation de la violence contre les chrétiens dans ce pays bouddhiste traditionnellement non violent.

Les pays où les chrétiens sont confrontés à la plus grande violence :



1. Nigeria
2. Pakistan
3. Inde
4. République Centrafricaine
5. République Démocratique du Congo (RDC)
6. Mozambique
7. Cameroun
8. Afghanistan
9. Mali
10. Soudan du Sud

Période de référence de Portes Ouvertes : 1er octobre 2020 – 30 septembre 2021

Tous les mouvements notables n’ont pas été négatifs. L’Irak et la Syrie ont chacun perdu trois places, passant respectivement à la 14e et à la 15e place, en raison de la diminution du nombre d’églises attaquées et de chrétiens tués. La Tunisie est passée de la 25e à la 35e place, car moins de chrétiens ont été détenus, tandis qu’une baisse de la violence contre les chrétiens a fait passer le Tadjikistan de la 43e à la 45e place. Par ailleurs, la diminution des attaques perpétrées par des groupes hindous radicaux au Népal a fait passer le pays de la 34e à la 48e place.

Portes Ouvertes suggère toutefois que certaines de ces améliorations pourraient être superficielles, en raison d’une baisse de l’activité chrétienne due au COVID-19. L’Égypte est passée de la 16e à la 20e place, et la Turquie de la 35e à la 42e place, en raison de la diminution des attaques contre les églises. Pourtant, en Égypte, la violence à l’encontre des chrétiens individuels est restée élevée, huit croyants ayant été tués, tandis que la Turquie a été le théâtre d’une rhétorique gouvernementale de plus en plus agressive à l’encontre des chrétiens, qui souffrent d’une méfiance sociale croissante.

D’autres nations ont contrebalancé les évolutions positives par des évolutions négatives. Le Soudan est resté à la 13e place car les réformes de la liberté religieuse au niveau national n’ont pas encore été mises en œuvre au niveau local. La Colombie s’est maintenue à la 30e place, car moins de chrétiens ont été tués, mais l’activité criminelle et l’hostilité sociale ont augmenté, en particulier dans les communautés autochtones. Enfin, l’Éthiopie, qui a perdu deux places pour se retrouver au 38e rang, a vu sa baisse de la violence à l’encontre des chrétiens compensée par les pressions communautaires dans un contexte de guerre civile qui rend difficile la distinction entre persécution religieuse et ethnique.

Comment les chrétiens sont-ils persécutés dans ces pays ?

Portes Ouvertes suit la persécution dans six catégories — incluant la pression sociale et gouvernementale sur les individus, les familles et les communautés — et prête une attention particulière aux femmes. Presque toutes les catégories ont connu une augmentation cette année, et certaines ont atteint des sommets.

Lorsque l’on se concentre exclusivement sur la violence, le top 10 des persécuteurs change radicalement — seuls l’Afghanistan, le Nigeria, le Pakistan et l’Inde restent. En fait, 16 pays sont plus meurtriers pour les chrétiens que la Corée du Nord.

Il y a eu plus de 1000 martyrs en plus par rapport à l’année précédente, puisque Portes Ouvertes a recensé 5 898 chrétiens tués pour leur foi au cours de la période considérée. Représentant une augmentation de 24 %, ce bilan reste une amélioration par rapport au pic de 2016 où l’on avait recensé 7 106 morts. Le Nigeria représente 79 % du total, suivi du Pakistan avec 11 %.

Portes Ouvertes établit des listes précises sur la violence dans les nations qui ont obtenu un classement de 41 points ou plus. L’organisation est connue pour favoriser une estimation plus prudente que d’autres groupes, qui évaluent souvent le nombre de martyrs à 100 000 par an.

Les pays où le plus grand nombre de chrétiens ont été martyrisés :



1. Nigeria : 4,650
2. Pakistan : 620
3. Nom non divulgué : 100*
4. Burkina Faso : 100*
5. République démocratique du Congo : 100*
6. Mozambique : 100*
7. République centrafricaine : 29
8. Cameroun : 27
9. Tanzanie : 25
10. Indonésie : 15

*Estimation


Période de référence de Portes Ouvertes : 1er octobre 2020 – 30 septembre 2021

Lorsque les chiffres ne peuvent être vérifiés, les estimations sont données en chiffres ronds de 10, 100, 1 000 ou 10 000, en supposant qu’ils sont plus élevés en réalité. Et certaines données nationales ne peuvent être fournies pour des raisons de sécurité, ce qui se traduit par la mention « NN » pour l’Afghanistan, les Maldives, la Corée du Nord, la Somalie et le Yémen.

Dans cette catégorie, ce sont une nation non nommée, le Burkina Faso, la RDC et le Mozambique qui complètent la liste avec un total symbolique de 100 martyrs.

Une deuxième catégorie recense les attaques contre les églises et autres bâtiments chrétiens tels que les hôpitaux, les écoles et les cimetières, qu’ils soient détruits, fermés ou confisqués. Le chiffre de 5 110 représente une augmentation de 14 % par rapport à l’année dernière, mais ne représente que la moitié du chiffre record de 9 488 enregistré en 2020.

La Chine (n° 17), qui a rejoint le top 20 l’année dernière pour la première fois en dix ans, est en tête avec 59 % des attaques d’églises enregistrées. Le Nigeria était en deuxième position avec 470 incidents, suivi du Bangladesh, du Pakistan et du Qatar. La République centrafricaine, le Burkina Faso, le Mozambique, le Burundi, l’Angola et le Rwanda ont tous reçu l’estimation symbolique de 100 attaques.

La catégorie des chrétiens détenus sans procès, arrêtés, condamnés et emprisonnés a atteint un nouveau record en 2021, avec un total de 6 175, soit environ 1 000 cas de plus que pour la période précédente. Portes Ouvertes divise cette catégorie en deux sous-catégories, avec 4 765 croyants arrêtés, soit une augmentation de 69 %. L’Inde est en tête avec 1 310 cas. Elle et un pays non nommé, avec le Pakistan et la Chine, représentent 90 % du total.

Les pays où les églises ont été le plus attaquées ou fermées :



1. Chine : 3 000
2. Nigeria : 470
3. Bangladesh : 200
4. Pakistan : 183
5. Qatar : 100
6. République centrafricaine : 100*
7. Burkina Faso : 100*
8. Mozambique : 100*
9. Burundi : 100*
10. Angola : 100*

*Estimation


Période de référence de Portes Ouvertes : 1er octobre 2020 – 30 septembre 2021

Le chiffre de 1 410 croyants emprisonnés représente toutefois une diminution de 4 % par rapport à la période précédente. Un pays non identifié, l’Érythrée, la Chine et le Bangladesh constituent 91 % du total.

Le nombre de chrétiens enlevés a atteint un nouveau record, avec un total de 3 829, soit une augmentation de 124 % par rapport à la période précédente. Le Nigéria représente 66 % du total, suivi du Pakistan avec 26 %.

Les déplacements constituent de loin la catégorie la plus importante, avec 218 709 chrétiens contraints de quitter leur foyer ou de se cacher pour des raisons liées à leur foi. En outre, 25 038 chrétiens ont été contraints de quitter leur pays. Le Myanmar représentait 91 % et 80 % de ces deux catégories.

Portes Ouvertes affirme que plusieurs catégories sont particulièrement difficiles à quantifier avec précision, la plus importante étant les 24 678 cas d’abus physiques et mentaux, y compris les coups et les menaces de mort. Sur les 74 nations étudiées, 36 se sont vu attribuer des valeurs symboliques. Le Nigeria est arrivé en tête, suivi de l’Inde, de deux nations non nommées, de l’Érythrée, du Pakistan, du Myanmar, de la Chine, de la République centrafricaine, du Mozambique et de la Malaisie.

On estime que 4 543 maisons et propriétés chrétiennes ont été attaquées en 2021, ainsi que 1 906 magasins et entreprises. Dans cette dernière rubrique, 18 pays sur 36 ont reçu des estimations symboliques, et le Nigeria arrive en tête.

Le Nigeria, le Pakistan et le Mozambique sont les pays auxquels sont attribués le plus grand nombre de cas dans la première rubrique, seuls le Cameroun et le Bangladesh ayant pu enregistrer les cas réels. L’Irak, la Syrie, la Chine, le Burkina Faso et la RDC complètent le top 10, avec chacun un score symbolique de 100 attaques.

Les catégories spécifiques aux femmes ont également été difficiles à mesurer avec précision pour les chercheurs de Portes Ouvertes. Le total se monte à 3 147 cas de viols et de harcèlement sexuel, avec en tête le Nigeria et le Pakistan, et 36 sur 48 pays ayant reçu un score symbolique. En ce qui concerne les mariages forcés avec des non-chrétiens, le rapport estime un total de 1 588 cas, le Pakistan étant au premier rang des estimations attribuées à 25 pays sur 37.

Pourquoi les chrétiens sont-ils persécutés dans ces pays ?

La motivation principale varie d’un pays à l’autre, et une meilleure compréhension des différences peut aider les chrétiens des autres nations à prier et à plaider plus efficacement en faveur de leurs frères et sœurs en Christ persécutés.

Portes Ouvertes classe les principales sources de persécution des chrétiens en huit groupes :

Oppression islamiste (33 pays) : Il s’agit de la principale source de persécution à laquelle les chrétiens sont confrontés dans plus de la moitié des pays de l’Index de Persécution, dont 7 des 10 premiers : Afghanistan (n° 1), Somalie (n° 3), Libye (n° 4), Yémen (n° 5), Nigeria (n° 7), Pakistan (n° 8) et Iran (n° 9). La plupart de ces 33 pays sont officiellement des nations musulmanes ou à majorité musulmane, mais six d’entre eux sont en fait à majorité chrétienne : le Nigeria, la République centrafricaine (n° 31), l’Éthiopie (n° 38), la RDC (n° 40), le Mozambique (n° 41) et le Cameroun (n° 44).

Paranoïa dictatoriale (5 pays) : Il s’agit de la principale source de persécution des chrétiens dans cinq pays à majorité musulmane, principalement en Asie centrale : Ouzbékistan (n° 21), Turkménistan (n° 25), Bangladesh (n° 29), Tadjikistan (n° 45) et Kazakhstan (n° 47).

Oppression communiste et post-communiste (5 pays) : Il s’agit de la principale source de persécution des chrétiens dans cinq pays, principalement en Asie : la Corée du Nord (n° 2), la Chine (n° 17), le Vietnam (n° 19), le Laos (n° 26) et Cuba (n° 37).

Nationalisme religieux (4 pays) : Il s’agit de la principale source de persécution à laquelle les chrétiens sont confrontés dans quatre pays d’Asie. Les chrétiens sont principalement visés par les nationalistes hindous en Inde (n° 10) et au Népal (n° 48), et par les nationalistes bouddhistes au Myanmar (n° 12) et au Bhoutan (n° 34).

Crime organisé et corruption (2 pays) : Il s’agit de la principale source de persécution des chrétiens en Colombie (n° 30) et au Mexique (n° 43).

Exclusivisme confessionnel chrétien (1 pays) : Il s’agit de la principale source de persécution à laquelle les chrétiens sont confrontés en Érythrée (n° 6).

Intolérance séculière (0 pays) et oppression clanique (0 pays) : Portes Ouvertes suit ces sources de persécution, mais aucune n’est la source principale dans un des 50 pays de la liste 2022. Cependant, l’année précédente, l’oppression clanique était la principale source de persécution en Afghanistan, en Somalie, au Laos, au Qatar, au Népal et à Oman.

Comment se situe l’Index Mondial de Persécution par rapport à d’autres travaux sur la persécution religieuse ?

Portes Ouvertes estime qu’il est raisonnable de considérer le christianisme comme la religion la plus sévèrement persécutée au monde. En même temps, elle note qu’il n’existe pas de documentation comparable pour la population musulmane.

D’autres analyses de la liberté de religion dans le monde corroborent bon nombre des conclusions de Portes Ouvertes. Par exemple, la dernière analyse du Pew Research Center sur les hostilités gouvernementales et sociétales envers la religion a révélé que des chrétiens ont été malmenés dans 153 pays en 2019, soit plus que tout autre groupe religieux. Les musulmans ont été malmenés dans 147 pays, suivis par les juifs dans 89 pays.

Si l’on se concentre uniquement sur l’hostilité des gouvernements, les musulmans sont harcelés dans 135 pays et les chrétiens dans 128, selon Pew. Si l’on examine uniquement l’hostilité au sein de la société, les musulmans sont harcelés dans 115 pays et les chrétiens dans 107.

La répartition correspond aux données de Portes Ouvertes. La Chine, le Myanmar, le Soudan et la Syrie ont enregistré plus de 10 000 incidents de harcèlement gouvernemental chacun. Le Sri Lanka, l’Afghanistan et l’Égypte se distinguent par des niveaux élevés d’hostilité sociale.

La plupart des pays figurant sur la liste de Portes Ouvertes figurent également sur la liste annuelle du département d’État américain qui dénonce les gouvernements qui ont « commis ou toléré des violations systématiques, continues et flagrantes de la liberté de religion ».

Sa liste des pays plus préoccupants comprend le Myanmar (n° 12 de l’Index 2022), la Chine (n° 17), l’Érythrée (n° 6), l’Iran (n° 9), la Corée du Nord (n° 2), le Pakistan (n° 8), la Russie (qui a quitté l’Index l’année dernière), l’Arabie saoudite (n° 11), le Tadjikistan (n° 45) et le Turkménistan (n° 25). Sa liste de surveillance spéciale de deuxième niveau comprend l’Algérie (n° 22), les Comores (qui ont quitté l’Index cette année), Cuba (n° 37) et le Nicaragua (non classé mais surveillé par Portes Ouvertes).

Le département d’État américain établit également une liste d’entités particulièrement préoccupantes, ou acteurs non gouvernementaux source de persécutions, qui sont tous actifs dans des pays figurant sur la liste de Portes Ouvertes. Il s’agit notamment de Boko Haram et de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO) au Nigeria (n° 7 de l’Index), des Talibans en Afghanistan (n° 1), d’Al-Shabaab en Somalie (n° 4), de Daech principalement en Irak (n° 14), de Hayat Tahrir al-Sham en Syrie (n° 15), des Houthis au Yémen (n° 5), et de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) et de Jamaat Nasr al-Islam wal Muslimin au Sahel.

Dans son rapport 2021, la Commission américaine pour la liberté religieuse internationale (USCIRF) recommandait les mêmes nations pour la liste des pays les plus préoccupants, avec l’ajout du Nigeria, de l’Inde (n° 10), de la Syrie et du Vietnam (n° 19). Pour la liste de surveillance de deuxième niveau du Département d’État américain, l’USCIRF préconise les mêmes nations, à l’exception des Comores, et a ajouté l’Afghanistan, l’Azerbaïdjan (non classé mais surveillé par Portes Ouvertes), l’Égypte (n° 20), l’Indonésie (n° 28), l’Irak, le Kazakhstan (n° 47), la Malaisie (n° 50), la Turquie (n° 42) et l’Ouzbékistan (n° 21).

Toutes les nations du monde sont suivies par les chercheurs et le personnel de terrain de Portes Ouvertes, mais une attention spécifique est accordée à 100 nations, avec un accent particulier sur les 76 qui enregistrent des niveaux élevés de persécution (scores de plus de 40 sur l’échelle de 100 points de Portes Ouvertes).

Index Mondial de Persécution 2022 de Portes Ouvertes

Rang Pays
1 Afghanistan
2 Corée du Nord
3 Somalie
4 Libye
5 Yémen
6 Érythrée
7 Nigeria
8 Pakistan
9 Iran
10 Inde
11 Arabie Saoudite
12 Birmanie
13 Soudan
14 Irak
15 Syrie
16 Maldives
17 Chine
18 Qatar
19 Viêt Nam
20 Egypte
21 Ouzbékistan
22 Algérie
23 Mauritanie
24 Mali
25 Turkménistan
26 Laos
27 Maroc
28 Indonésie
29 Bangladesh
30 Colombie
31 République centrafricaine
32 Burkina Faso
33 Niger
34 Bhoutan
35 Tunisie
36 Oman
37 Cuba
38 Ethiopie
39 Jordanie
40 République démocratique du Congo
41 Mozambique
42 Turquie
43 Mexique
44 Cameroun
45 Tadjikistan
46 Brunéi
47 Kazakhstan
48 Népal
49 Koweit
50 Malaisie

En français, l’édition 2022 de l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens peut être retrouvée sur le site de Portes Ouvertes France ou Suisse.

Traduit par Léo Lehmann

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L’attaque du Capitole a mis en lumière une Église post-chrétienne.

Les événements de l’an dernier à Washington ont menacé non seulement la démocratie américaine, mais aussi le témoignage évangélique.

Christianity Today January 11, 2022
Edits by Christianity Today / Source Images: Andrew Caballero-Reynolds / Tasos Katopodis / Stringer / Getty

Un an s’est écoulé depuis l’insurrection du 6 janvier contre le Capitole des États-Unis, et deux images hantent encore mon esprit. L’une est celle d’une potence de fortune construite pour menacer de mort le vice-président des États-Unis. L’autre est celle d’une pancarte, tenue au-dessus de cette foule en colère, où avait été inscrit « Jésus sauve ». Que ces deux images puissent coexister dans la même foule témoigne d’une crise que connaît le monde évangélique américain.

Certains pourraient faire abstraction des symboles chrétiens lors de l’insurrection — non seulement des symboles, mais aussi des prières « au nom de Jésus » juste à côté d’un chaman exhibant ses cornes à la tribune du Sénat américain évacué. Quelques-uns pourraient oublier les évangéliques qui ont fallacieusement affirmé dans les jours qui ont suivi qu’il s’agissait d’une foule d’activistes antifascistes, et non de personnes issues du rassemblement au cours duquel le président des États-Unis de l’époque a incité la foule à se diriger vers le Capitole.

Et pourtant, les sondages montrent les uns après les autres que un nombre inquiétant d’évangéliques blancs croient au mensonge derrière cette attaque, à savoir que l’élection de 2020 aurait été volée par une vaste conspiration de gauche qui impliquait d’une manière ou d’une autre les gouverneurs républicains conservateurs et les responsables des élections en Géorgie et en Arizona.

Une grande Église évangélique a récemment accueilli l’ancien président Trump. La foule scandait « USA ! » en réponse au discours politique de l’ancien président. Cette scène semblera peut-être encore un peu excessive à la plupart des évangéliques, mais les sondages montrent qu’il ne s’agit pas d’une aberration. Et ces mêmes sondages montrent que, loin de se calmer après l’ère Trump et l’insurrection, ces personnes estiment que la violence pourrait être justifiée dans les jours à venir.

D’une certaine manière, ce que nous avons vu au cours de l’année écoulée depuis ces événements représente un changement. Un nombre croissant de personnes s’identifient comme « évangéliques » — dont beaucoup ne fréquentent même pas une Église — parce qu’elles y voient la désignation religieuse de leur mouvement politique.

Mais, de manière peut-être encore plus inquiétante, ces tendances traduisent ce qui n’a pas changé du tout.

Dans les jours qui ont précédé l’insurrection, des chrétiens évangéliques se sont rassemblés sur le National Mall pour une « marche de Jéricho », répétant les mêmes contrevérités : l’élection avait été volée et elle devait donc être annulée. Ce type d’affirmation selon laquelle, comme l’a dit Trump, « si vous ne vous battez pas […] vous n’aurez plus de pays », n’est pas nouveau pour de larges secteurs du mouvement évangélique américain.

Certains ont vendu des quantités d’équipement de bunker, littéral ou métaphorique, en prévision de l’effondrement imminent de la civilisation, qui ne devait pas manquer de se produire à cause du bogue de l’an 2000, de la charia, de la décision Obergefell de la Cour suprême (sur la légalisation du mariage homosexuel), de la théorie critique de la race ou encore d’un complot visant à fermer définitivement les églises en raison de la pandémie, etc. De nombreux pans de l’évangélisme sont devenus apocalyptiques à propos de tout, sauf de la véritable Apocalypse.

Comme dans le cas de l’insurrection (et cela s’est produit dans pratiquement tous les mouvements autoritaires de l’histoire), un moment apocalyptique est une situation d’urgence nécessitant des mesures d’urgence. C’est ainsi que s’explique la dissonance cognitive de personnes qui prétendent soutenir la loi et l’ordre (parfois en citant Romains 13) et se retrouvent à frapper des officiers de police et à briser des vitres afin d’empêcher le Congrès de remplir son devoir constitutionnel de compter les votes électoraux. Ce sont ces mêmes personnes qui considéreront comme faibles et naïves les paroles de Jésus-Christ lui-même sur le fait de tendre l’autre joue.

Ce genre d’urgence, nous dit-on, ne peut pas se préoccuper des normes constitutionnelles ou du caractère chrétien. Le raisonnement est que le Sermon sur la Montagne n’est pas un engagement au suicide et que la voie de Jésus ne fonctionne qu’avec des ennemis plus raisonnables que ceux qui nous occupent, comme, je suppose, l’empire romain qui a crucifié celui qui nous a donné cet enseignement.

Tel est le signe non pas d’une culture postchrétienne, mais d’un christianisme postchrétien, non pas d’une société qui se sécularise, mais d’une Église qui se paganise.

Ce serait une chose s’il ne s’agissait que de l’attaque de la foule contre le Capitole ce jour-là. C’en est une autre lorsque certains — y compris de ceux qui soulignent des passages dans leur bible et affichent des sujets de prière sur leur réfrigérateur — considèrent cette attaque comme une simple protestation et estiment que nous devrions « passer à autre chose ». Il ne s’agit pas uniquement d’une menace pour la démocratie américaine — bien que ce soit déjà assez grave — mais d’une menace pour le témoignage de l’Église.

On ne peut pas apporter la Bonne Nouvelle à des gens que l’on pourrait décider de battre ou de tuer si les choses tournaient mal. On ne peut pas faire le bien en faisant le mal. On ne peut pas « défendre la vérité » en employant le mensonge.

Peut-être le 6 janvier était-il une terrible anomalie dans notre histoire, une anomalie qui ne se répétera jamais. Je l’espère. Ou peut-être s’agissait-il, comme le dit le journal The Atlantic, d’un « coup d’essai » pour de nouvelles tentatives de coup d’État ou violences collectives à venir. Je n’en sais rien. Quoi qu’il en soit, je sais ceci : en tant qu’évangéliques américains, nous ne pouvons pas justifier ce qui s’est passé au Capitole il y a un an. Nous ne pouvons pas non plus l’ignorer. Si Jésus est celui qui sauve, alors nous devons aller dans sa direction : vers la mission et non vers le ressentiment, vers l’Évangile et non vers la haine.

Et cela signifie que nous devons choisir entre le chemin de la potence et le chemin de la Croix.

Russell Moore dirige le programme de théologie publique de Christianity Today.

Traduit par Léo Lehmann

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Bien vivre le désaccord sans perdre ses convictions

Toute question ne se ramène pas directement à la Bible. Mais comment discerner ?

Christianity Today January 7, 2022
Illustration by Jared Boggess / Source Images: Ekely / Sanjeri / Mikroman6 / Getty

Quelques jours après l’élection du démocrate Bill Clinton à la présidence des États-Unis en 1992, je (Rick) animais une réunion de responsables de petits groupes d’étude et de partage. L’un d’eux, dont les convictions politiques penchaient nettement en faveur du camp républicain, suggéra que nos petits groupes devraient observer un temps de contrition à la lumière des récentes élections. Quelques-uns opinèrent en faveur de la proposition. Était-ce une bonne idée ?

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Je pensais que non. J’évoquai qu’environ 80 % des évangéliques avaient voté Républicain, un fait que nul ne semblait ignorer. Ensuite, je demandai à chacun des responsables de prendre une feuille de papier et d’écrire les noms de deux ou trois personnes de leur petit groupe susceptibles de voter Démocrate.

Il y eut un silence de plomb. Personne ne prit son stylo.

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Enfin, un responsable prit la parole et déclara qu’il pensait que personne dans son groupe n’avait voté Démocrate. Je fis remarquer que si notre communauté reflétait les moyennes nationales pour les évangéliques, un petit groupe de 12 à 14 personnes compterait trois démocrates. Je leur demandai de s’arrêter et de se demander qui étaient ces personnes et ce qu’elles ressentiraient probablement si nous proposions un moment de contrition comme entrée en matière de notre réunion. Ce fut un moment embarrassant.

Les responsables comprirent qu’ouvrir la réunion par une séance de contrition pourrait être mal accueilli par certains. Ils se rendirent également compte que les temps de prière au cours des dernières semaines précédant l’élection avaient probablement été tout aussi aliénants. Nous avions simplement été aveugles à la diversité des convictions politiques au sein de nos groupes.

La définition courante du dictionnaire pour conviction ressemble à ceci : une croyance inébranlable ou fermement ancrée que l’on n’abandonnera pas de sitôt. Nous possédons cependant des croyances de ce type à propos de l’arithmétique sans les qualifier généralement de convictions. Les convictions ne concernent pas seulement des faits ordinaires, mais se rapportent plutôt à des croyances particulières. Nous pourrions dire que les convictions sont des croyances morales ou religieuses profondément ancrées qui orientent nos croyances, nos actions ou nos choix. Cette définition exclut les croyances en matière de goût (qui ne relève pas de la morale). Elle exclut aussi certaines croyances que nous avons mais que nous négligeons ou ignorons facilement (elles ne guident pas nos actions).

Remarquez que cette définition laisse place à deux types de convictions que nous pourrions appeler convictions absolues et convictions personnelles. Les convictions absolues sont dites absolues non pas tant à cause du zèle que nous y attachons, mais plutôt parce que nous pensons qu’elles devraient s’appliquer « absolument » pour tout le monde. Elles sont universelles. Elles concernent aussi bien nous-mêmes que notre prochain. Les principales doctrines chrétiennes sont des exemples de tels absolus.

Les convictions personnelles, en revanche, sont celles qui nous sont propres. Elles guident notre conduite personnelle sans pour autant être partagées par d’autres, et nous en sommes conscients. Il pourrait s’agir de la conviction de ne pas boire d’alcool à cause d’un membre de la famille tué par un conducteur ivre. Une telle conviction ferme peut se comprendre sans que tout le monde la partage. Les distinctions que nous faisons ici ne sont pas nouvelles, elles reflètent simplement cette célèbre maxime : « Dans les choses essentielles, unité ; dans les choses secondaires, liberté ; en toutes choses, charité ».

Comment alors former des convictions chrétiennes profondes sans diviser l’Église ? Examinons de plus près cette notion de conviction. Les convictions sont comme la lumière : elles se divisent en plusieurs couleurs au travers d’un prisme. Considérez la croyance que Dieu a créé les êtres humains à son image — une vérité théologique intemporelle fondée sur les Écritures (Genèse 1.26). Ce genre de conviction pourrait être appelée croyance confessionnelle — un absolu que tout chrétien devrait partager.

Quelques chapitres plus loin, dans Genèse 9.5-6, cette vérité débouche sur un impératif moral qui interdit de tuer quiconque parce que tout humain est créé à l’image de Dieu. Cet impératif moral peut être élargi à un ensemble de propositions positives qui confèrent efficacement de la valeur à la vie humaine. En prolongeant cette idée, nous découvrons qu’accorder de la valeur à la vie humaine signifie probablement plus que simplement être « pro-vie » dans le sens de s’opposer à l’avortement. Il s’agirait plutôt du développement d’une « éthique de vie cohérente », une expression inventée par le cardinal Joseph Bernardin. Une telle éthique s’éloigne de l’avortement mais aussi de l’euthanasie, de la guerre et de la violence. Elle aurait probablement des implications positives comme la garantie des droits fondamentaux nécessaires à qui porte l’image de Dieu. Ceux-ci incluraient la liberté de culte selon sa conscience et la satisfaction des besoins de base tels que la nourriture et le logement.

Les gens ont tendance à être d’accord sur les valeurs elles-mêmes, mais divergent sur la manière de hiérarchiser ces valeurs .

Ces affirmations de plus en plus précises n’émergent pas parce que nous trouvons de plus en plus d’enseignements explicites dans l’Écriture, mais parce que nous développons de plus en plus les implications de notre confession que les êtres humains portent l’image de Dieu. Ces implications pourraient se résumer à une déclaration fondamentale telle que : « Chaque être humain devrait être protégé contre toute atteinte à la vie et avoir accès aux biens de première nécessité pour mener une vie humaine prospère ».

Nous nous déplaçons à travers un spectre qui se précise au fur et à mesure de notre avancée. Nos croyances confessionnelles et nos impératifs moraux façonnent des valeurs fondamentales dans nos âmes — ils façonnent nos désirs et nos aspirations. Cependant, ces valeurs fondamentales ne sont pas encore assez précises. Ultimement, nous avons besoin de déterminer des lignes de conduite spécifiques. Nous devons par exemple décider si l’interdiction de tuer un être porteur de l’image de Dieu doit nous conduire à nous opposer à la fois à l’avortement et à la peine capitale ou seulement à l’avortement.

Notez qu’à mesure que nous nous déplaçons dans ce spectre, chaque étape rend nos convictions plus spécifiques, mais à mesure qu’elles deviennent plus spécifiques, elles sont également plus contestées. Au départ, les déclarations explicites des Écritures ou les vérités fondamentales de nos confessions de foi suscitent l’unanimité de tous les chrétiens. Les convictions sur ces questions sont absolues et universelles. Cependant, plus nos conclusions sont précises, plus la culture, la prudence, les circonstances historiques et la sagesse pratique les influencent. Par conséquent, nos positions se diversifient.

Il est possible de relier ce spectre à trois types de problèmes différents : les absolus, les sujets discutables faisant partie du spectre, et les affaires de goût qui n’en font pas partie. Le spectre commence par les absolus et aborde progressivement les sujets ouverts à la discussion. À l’extrême opposé des absolus, les questions de goût sont en dehors du spectre car elles ne constituent pas des convictions.

En détail : quatre types de convictions

Croyances confessionnelles. Les croyances confessionnelles délimitent les contours du christianisme et fondent la foi et la pratique de l’Église et des croyants. Elles sont souvent exprimées dans des déclarations telles que le Symbole des apôtres ou le Symbole de Nicée. Les croyances confessionnelles sont fréquemment récitées par l’assemblée lors du culte public. Elles sont généralement formulées de manière collective (« Nous croyons ») plutôt qu’individuelle (« Je crois »).

Ceci implique clairement que tous les membres de la communauté sont censés partager ces convictions. Si quelqu’un niait ces déclarations du credo, ce serait une bonne raison de douter de l’authenticité de sa foi. Ces crédos confessionnels conditionnent nos convictions. Nous pourrions même les appeler convictions chrétiennes par opposition aux convictions personnelles, précisément parce que nous croyons que ces convictions font partie intégrante de la foi chrétienne. Elles ne relèvent pas simplement de la conviction personnelle.

Comme leur nom l’indique, les croyances confessionnelles se rapportent à la croyance, non à l’action. Elles sont en grande partie composées d’assertions théologiques intemporelles sur la nature de Dieu, de l’humanité et du salut. Les Églises et les disciples de Christ doivent ensuite décider ce qu’honorer Jésus en tant que Seigneur exige d’eux dans les temps particuliers et les contextes culturels dans lesquels ils vivent.

Impératifs moraux. Identifier les impératifs moraux et spirituels constitue la première étape pour rendre « opérationnelles » les croyances confessionnelles, c’est-à-dire les traduire en actes. Comme les croyances confessionnelles, les impératifs moraux et spirituels sont universels ou presque parmi les chrétiens. Sur le plan comportemental, ce sont les pendants des doctrines théologiques contenues dans nos confessions de foi. Ils sont inspirés des commandements de l’Écriture, de même que les articles de foi de nos confessions dérivent directement des affirmations théologiques de l’Écriture. « Impératif » renvoie à ces hauts principes qui guident les actions, mais il faut noter que le terme touche à un large éventail de comportements. Certains de ces impératifs traitent de questions spirituelles sur l’adoration et sur la dévotion dues à Dieu. D’autres commandements traitent de questions éthiques sur la façon dont nous traitons nos semblables. Nous utiliserons l’expression « impératifs moraux » comme terme générique couvrant à la fois les questions éthiques et spirituelles.

Valeurs fondamentales. Les impératifs moraux et spirituels réclament presque immédiatement des précisions supplémentaires. Appelons cette prochaine étape de notre spectre de convictions : « valeurs fondamentales », en se référant aux choses qui importent — les choses qui comptent réellement.

Le terme valeurs est couramment utilisé par les psychologues ou les sociologues pour identifier les motivations à l’origine des actions. Les valeurs sont des fins recherchées qui guident les choix et aident à évaluer les actions politiques, les personnes et les événements. Récemment, le socio-psychologue Jonathan Haidt a formulé une « théorie des fondements moraux » qui identifie six valeurs humaines fondamentales : le soin, l’équité, la loyauté, l’autorité, la sainteté et la liberté.

Comment ces valeurs communes peuvent-elles déboucher sur de si différentes orientations pour l’action ? La raison en est que les gens ont tendance à être d’accord sur les valeurs elles-mêmes, mais divergent sur la manière de hiérarchiser ces valeurs . Les questions les plus controversées recoupent plus d’une valeur : une politique qui promeut la liberté, par exemple, peut affaiblir l’équité ou manquer de prendre soin d’un besoin humain fondamental.

Par exemple, lorsqu’on parle d’immigration, on pourra s’entendre sur le fait que les gens devraient se soumettre aux autorités et et sur le fait que les immigrants devraient être considérés avec amour et dignité, mais le désaccord pourra survenir sur le poids à donner à ces choses dans des cas particuliers. De plus, nous n’élaborons pas une hiérarchie de valeurs unique et universelle, mais sommes plutôt enclins à hiérarchiser les valeurs différemment selon la situation. En d’autres termes, nous pourrions peser différemment nos valeurs selon que nous sommes face à des réfugiés syriens ou face à des Centraméricains traversant la frontière sud des États-Unis. En bref, les valeurs sont le lieu où un point de départ commun mène à différents points d’arrivée.

Lignes de conduite. La dernière étape sur le spectre des convictions consiste à tracer les lignes directrices spécifiques pour la conduite à tenir. Ici, les impératifs moraux et les valeurs fondamentales trouvent leur expression dans des décisions politiques factuelles, des réponses aux dilemmes éthiques et des plans d’action dans un contexte culturel particulier. Les lignes de conduite tiennent compte des délais, des lieux et des personnes concernées. Elles répondent à la question : comment puis-je honorer Christ du mieux possible au moment, à l’endroit et dans les circonstances où il m’a placé ?

La sagesse et l’expérience acquises dans la vie jouent un rôle extrêmement important dans la formation de lignes directrices pour sa conduite. Timothy Keller explique que prendre soin des pauvres est un enseignement biblique clair et un impératif moral, mais savoir si la meilleure façon d’y parvenir passe par l’entreprise privée, par la redistribution gouvernementale ou par la combinaison des deux relève de la sagesse pratique. De même, l’amour du prochain et la protection de la vie à l’image de Dieu doivent nous conduire à alléger les souffrances humaines et à prendre soin des affligés. Mais il n’y a pas de solution « chrétienne » unique à cela. Néanmoins, il nous revient de décider que faire. Il n’est pas possible de poursuivre toutes les options à la fois.

Il n’est pas rare que nous ayons de fortes intuitions, presque viscérales, sur les questions morales et politiques. Elles ne sont pas nécessairement mauvaises — la conscience fonctionne souvent de manière intuitive sans que nous ne connaissions les ressorts cachés qui la dirigent. Toutefois, il est précieux d’affiner et d’approfondir nos intuitions par une réflexion raisonnée et éclairée par la sagesse d’autrui. Personne n’est la source autosuffisante de toute vérité.

Jennifer Herdt, éthicienne chrétienne à la Yale Divinity School, note qu’une profonde dépendance vis-à-vis de Dieu est essentielle pour développer « un regard lucide sur son propre caractère et ses capacités [qui] permet d’admettre tout autant sa faiblesse et sa force, son incompétence et sa compétence ».

Nous recherchons la vérité ensemble, en tant que membres d’une communauté. Une partie essentielle de ce processus consiste, comme le dit Jacques, à être « modéré et conciliant, plein de compassion et de bons fruits, sans parti pris et sans hypocrisie ». De telles vertus mènent à une « moisson de justice » (cf. Jacques 3.17-18). Lorsque nous pratiquons une écoute ouverte et sincère vis-à-vis des autres, nous sommes en bien meilleure voie pour poursuivre le projet de Paul d’avoir « une pleine conviction dans notre esprit » (cf. Romains 14.5).

Adapté de Winsome Conviction, de Tim Muehlhoff et Richard Langer. Copyright ©2020 Tim Muehlhoff et Richard Langer. Utilisé avec la permission de InterVarsity Press, P.O. Box 1400, Downers Grove, IL 60515-1426. www.ivpress.com

Traduit par Philippe Kaminski

Révisé par Léo Lehmann

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