Pâques au quotidien

Notre série de méditations en chemin vers Pâques 2024

Christianity Today February 11, 2024
Zatelepina / Getty

Ensemble nous voulons vous inviter à nous préparer pendant cette période qui nous mène à Pâques, et au-delà. Les événements survenus il y a plus de 2 000 ans se répercutent encore aujourd’hui dans notre chair et notre cœur.

La mort et la résurrection de Jésus sont la réalité la plus grandiose et la plus marquante de l’histoire, et cette vérité est appelée à trouver sa place dans notre vie quotidienne. Pour cette raison, nous voulons prendre le temps de nous souvenir et de méditer ces choses pour marcher jour après jour selon l’amour du Christ pour nous, révélé dans l’humilité et la puissance, la crise et la victoire, le désespoir et une joie débordante. Il est mort et il est ressuscité, et cela change tout, même les choses les plus ordinaires. Pour y méditer, cette série de textes vous invite à un voyage à travers les différentes étapes et émotions du carême et de Pâques, à la redécouverte des vérités théologiques liées à la mort, à la vie et à tout ce qui se trouve entre les deux.

Première partie – Carême
L’humilité de l’humanité
– Mercredi des Cendres (14 février)
– Dimanche de carême 1 (18 février)
– Dimanche de carême 2 (25 février)
– Dimanche de carême 3 (3 mars)
– Dimanche de carême 4 (10 mars)
– Dimanche de carême 5 (17 mars)

Deuxième partie – Semaine sainte
L’attente de notre espérance
– Dimanche des Rameaux (24 mars)
– Mardi saint (26 mars)
– Mercredi saint (27 mars)
– Jeudi saint (28 mars)

Troisième partie – Pâques
Les passions de l’amour
– Vendredi saint (29 mars)
– Samedi saint (30 mars)
– Dimanche de Pâques (31 mars)
– Lundi de Pâques (1er avril)
– Ascension (9 mai)

Pâques au quotidien est divisé en trois parties, chacune s’arrêtant sur une facette différente du chemin menant à Pâques. La première partie nous conduit à travers la période du carême, où nous nous confrontons à l’humilité de notre condition humaine, contemplons les limites de notre état charnel et embrassons l’appel à une vie sacrificielle, au jeûne et au renoncement à soi. La deuxième partie nous conduira à travers la Semaine sainte et nous préparera à Pâques, en nous plongeant dans l’attente de l’accomplissement de notre espérance. Enfin, nous nous immergerons dans les turbulences et les émotions de la trahison de Jésus, de sa crucifixion, de sa résurrection et de ses retrouvailles avec les siens. C’est tout au long de ce parcours que l’amour et l’adoration ont triomphé de la douleur et de la mort sur la scène éternelle, ainsi que pour nos petites vies qui seront un jour emportées dans la gloire.

Première partie : Carême – L’humilité de l’humanité

Deuxième partie : Semaine sainte – L’attente de notre espérance

Troisième partie : Pâques – Les passions de l’amour

Cet article fait partie de Pâques au quotidien, notre série de méditations pour vous accompagner personnellement, en petit groupe ou en famille durant le carême et les fêtes de Pâques 2024.

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Être aimants auprès de ceux qui meurent

Les décisions concernant la fin de vie sont déchirantes et médicalement de plus en plus complexes. Comment honorer à la fois Dieu et nos proches ?

Christianity Today February 9, 2024
Illustration de Mallory Rentsch/Images sources : Unsplash/Getty

Lorsque Roger, un homme de plus de 80 ans, est arrivé à l’unité de soins intensifs, il souffrait déjà des effets de plusieurs affections en phase terminale. Sa santé s’était tellement dégradée que même la lecture de la Bible lui était devenue difficile. Déjà épuisé par la maladie, il avait accepté une tentative de résection de son cancer pour faire plaisir à sa famille, mais avait insisté auprès de sa femme pour qu’elle n’autorise pas une réanimation cardio-pulmonaire ou la mise en place d’un respirateur si son état s’aggravait après l’opération. « Je veux que tu me laisses être avec Dieu quand il m’appellera », lui avait-il dit.

Après l’opération, ses poumons ont tragiquement défailli. Conformément à ses souhaits, plutôt que d’installer un respirateur, ses soins ont été axés sur le confort. Sa femme a passé la soirée à ses côtés, lui caressant la main, priant pour lui et chantant doucement à ses côtés.

Mais plus tard dans la nuit, le fils du couple, qui était éloigné d’eux, est entré en trombe dans l’unité de soins intensifs. « Vous n’allez pas tuer mon père ! », criait-il au personnel. « Je connais mon père. C’était un homme craignant Dieu qui, jusqu’à il y a six mois, allait à l’église tous les dimanches. Il ne serait pas d’accord avec ça ! »

La situation déchirante de cette famille est terriblement commune. Les technologies médicales disponibles confrontent de plus en plus les familles à de terribles dilemmes au sujet des soins à apporter à leurs proches mourants. Jusqu’à 70 % des personnes ne peuvent s’exprimer elles-mêmes en fin de vie. La charge de la décision incombe alors aux proches, dont beaucoup sont déjà sous le coup de la peur et du chagrin. Le tribut payé par les familles est lourd : les proches souffrent souvent de dépression, d’anxiété, voire de syndromes de stress post-traumatique pendant une période pouvant aller jusqu’à un an après avoir pris ces décisions liées à la fin de vie.

Aux États-Unis, seul un tiers des Américains ont établi des directives préalables. La plupart des familles traversent donc ces épreuves sans direction claire. Ceux d’entre nous qui suivent le Christ s’appuient instinctivement sur leur foi pour trouver leur chemin dans de telles tempêtes, mais le paysage de la mort à l’hôpital nous est souvent si étranger que, comme pour la famille de Roger, nous pouvons avoir du mal à appliquer les vérités que nous proclamons chaque dimanche aux dures réalités du chevet du malade.

Comment honorer à la fois Dieu et nos proches dans les décisions de fin de vie, lorsque chaque chemin semble semé d’embûches ?

La Bible ne mentionne pas les respirateurs ou la réanimation cardio-pulmonaire, mais elle reste une lampe à nos pieds et une lumière sur notre sentier (Ps 119 105). Penser les soins en fin de vie dans une optique chrétienne nécessite à mes yeux de prendre en compte les principes clés suivants :

1. Le caractère sacré de la vie humaine

En tant qu’êtres créés à l’image de Dieu, nous possédons tous une valeur irrévocable. Le Seigneur nous confie la vie et nous ordonne de la chérir (Ge 1.26-28 ; Ex 20.13 ; 1 Co 6.19-20). Le caractère sacré de la vie humaine nécessite que nous défendions les enfants à naître et que nous nous opposions au suicide médicalement assisté. Lorsque nous sommes confrontés à une série de décisions concernant les mesures de maintien en vie, nous devrions, par souci de la vie, prendre au sérieux tous les traitements susceptibles d’apporter la guérison.

2. L’autorité de Dieu sur la vie et la mort

La mort persiste ici-bas comme salaire de notre péché (Rm 6.23). Jusqu’au retour du Christ, elle nous rattrapera tous (Es 40.6-8 ; Rm 5.12). Lorsque nous nous aveuglons sur notre propre mortalité, nous risquons d’ignorer pour notre vie la puissance de la grâce de Dieu manifestée à la résurrection de Christ. Le caractère sacré de notre vie humaine n’empêche pas le caractère inéluctable de la mort ni l’action de Dieu à travers elle et son autorité sur elle.

3. La miséricorde et la compassion

En tant que chrétiens qui s’appuient sur la grâce de Dieu envers nous en Christ, nous devons faire preuve de miséricorde envers les opprimés et les affligés (Jn 13.34 ; 1 Jn 3.16-17 ; Lc 6.36). Si les respirateurs et la réanimation cardio-pulmonaire peuvent sauver des personnes atteintes d’une maladie réversible, en fin de vie, ces mesures risquent aussi de prolonger des souffrances sans pour autant restaurer la vie. La miséricorde ne justifie pas l’euthanasie active ou le suicide médicalement assisté, mais elle nous conduira à éviter des interventions invasives et douloureuses si ces mesures sont inutiles.

4. Notre espérance en Christ

L’amour de Dieu pour nous en Christ est si grand que rien — pas même la mort — ne peut nous arracher à lui. Même dans la souffrance, nous trouvons appui sur la promesse de la résurrection du corps et l’espérance d’une union éternelle avec Dieu (Jn 11.25-26 ; 1 Th 4.14). En Christ, plutôt que le dernier ennemi à craindre à tout prix, la mort est la fin de notre vie dans le péché et notre entrée dans l’éternité. Même si nous mourons, nous restons vivants en Christ.

En résumé, dans les dilemmes de fin de vie, la Bible nous exhorte à :

  1. chercher à guérir lorsque la guérison est possible,
  2. accepter la mort quand elle arrive,
  3. nous préoccuper de ceux qui souffrent,
  4. tout cela en restant attachés à notre espérance en Christ, qui transforme la mort.

Ces principes peuvent paraître assez clairs sur le papier, mais les choses se compliquent cependant souvent au chevet du patient. Une question clé me semble pouvoir nous aider : Le processus menaçant la vie de cet être cher est-il réversible ? En d’autres termes, le traitement laisse-t-il espérer la préservation de la vie ou la prolongation de la souffrance pour aboutir à la mort ?

Il est essentiel de préciser que les mesures de maintien en vie sont des mesures de soutien et non des mesures curatives. Les respirateurs, la réanimation cardio-pulmonaire et autres interventions similaires ne guérissent pas les maladies, mais permettent de gagner du temps en soutenant le fonctionnement des organes pendant que les médecins s’efforcent de traiter le problème. Pour permettre de discerner et déterminer si les mesures envisagées sont plus susceptibles de sauver la vie ou de prolonger sa fin, posez les questions suivantes à l’équipe médicale :

  • Quelle est la maladie qui menace la vie de ce proche ?
  • Comment menace-t-elle sa vie ?
  • Quelles sont les chances de rétablissement ?
  • Qu’est-ce qui, dans les antécédents médicaux de mon proche, influe sur ses chances de guérison ?
  • Les traitements disponibles peuvent-ils apporter la guérison ?
  • Les traitements disponibles risquent-ils d’aggraver la souffrance sans grand espoir de réel bénéfice ?

Lorsque la guérison est possible, il convient de poursuivre le traitement. En revanche, lorsqu’une maladie ne peut être guérie ou même atténuée, certaines mesures invasives peuvent prolonger l’agonie et infliger des souffrances inutiles.

Lorsque l’efficacité du traitement est ambiguë, la tâche est encore plus difficile. La question clé à se poser est peut-être la suivante : que dirait mon proche des options proposées ? Une telle approche exige que nous considérions la personne aimée comme Dieu la voit : chérie, pardonnée, merveilleusement faite et unique, sans véritable équivalent sur terre (Ps 139.13-14 ; Ep 1.7). Avec cette responsabilité en tête, une autre série de questions pourrait nous aider :

  • Qu’est-ce qui compte le plus pour cette personne que j’aime ? Qu’est-ce qui la motive dans la vie ?
  • S’est-elle exprimée par le passé à propos de ses soins en fin de vie ?
  • Quels sont ses objectifs à court terme ? Pour sa vie en général ?
  • Qu’est-elle prête à endurer pour atteindre ces objectifs ? Qu’est-ce qu’elle ne voudrait pas affronter ?
  • Dans quelle mesure mon proche a-t-il supporté la douleur par le passé ? La dépendance ? Le handicap ? La peur ?
  • S’il pouvait parler pour lui-même, que dirait-il de la situation actuelle ?

Ces questions visent à aider à remettre en lumière la personnalité, les expériences et les valeurs de l’être cher afin de pouvoir davantage parler en son nom qu’en votre nom propre lorsque vous devrez prendre de lourdes décisions.

Même si vous êtes aux prises avec le chagrin et l’incertitude, en donnant la parole à votre proche mourant, vous lui offrez un cadeau de départ. Vous l’honorez comme étant digne d’amour et, ce faisant, vous êtes aussi un instrument entre les mains du Christ auprès de lui (Jn 13.34-35). Rappelez-vous que vous servez celui qui a déjà englouti la mort dans la victoire (1 Co 15.54). Et bien que nous gémissions encore pour l’instant (Rm 8.22), lui est en train de renouveler toutes choses (Ap 21.4-5).

Kathryn Butler, docteure en médecine, a interrompu sa carrière de chirurgienne en traumatologie pour faire l’école à la maison pour ses enfants. Elle est l’autrice de plusieurs livres, dont Between Life and Death: A Gospel-Centered Guide to End-of-Life Medical Care et Glimmers of Grace: A Doctor’s Reflections on Faith, Suffering, and the Goodness of God.

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Le sabbat n’est pas un produit de luxe.

Dieu a sanctifié le repos hebdomadaire pour tous, et pas seulement pour les plus économiquement stables.

Christianity Today February 9, 2024
Deutsche Fotothek/WikiMedia Commons/Edits by CT

Où que nous regardions, le paysage est envahi de gens qui se poussent eux-mêmes — leur corps, leur esprit et leur capacité à persévérer et à porter du fruit — jusqu’à leurs limites. D’une manière générale, la société encourage ce mode de vie « à la limite » : si vous voulez progresser, c’est le prix à payer.

Mais il y a certaines circonstances où elle fait plus que l’encourager : elle l’exige. Les personnes situées au bas de l’échelle socio-économique le ressentent de la manière la plus aiguë, mais personne n’est à l’abri. Quelle qu’en soit la raison, nous sommes piégés par nos systèmes de productivité et nous investissons tout ce que nous pouvons de nous-mêmes, brûlant la proverbiale chandelle par les deux bouts.

Si vous vous êtes déjà dit « ça suffit », protestant silencieusement contre des exigences auxquelles votre corps ne peut plus répondre, vous n’êtes assurément pas seul. Je me débats régulièrement avec ces sentiments, tentant de faire le tri dans mes valeurs et mes priorités, me demandant si je ne suis pas en train de délaisser une vie heureuse et équilibrée pour les aspirations superficielles d’une implacable société de consommation.

C’est pour cela que je suis reconnaissant pour le don du sabbat. Le sabbat est la façon dont Dieu dit : « Ça suffit. »

Cette pratique est une invitation à orienter notre vie vers un rythme différent, reconnaissant une limite morale à ce que nous devons attendre de notre corps et de notre vie et au potentiel profit que nous serions censés tirer de nous-mêmes et des autres.

Le théologien Walter Brueggemann nous rappelle que le sabbat est façonné par les récits de la Création et de l’Exode. Les Écritures décrivent d’abord le septième jour comme celui où Dieu se repose de son travail de création (Ge 1). Est-ce parce que Dieu n’a pas la capacité de continuer ? Certainement pas. Dieu exprime ainsi pour toute la création l’idée qu’il existe une limite morale aux exigences de productivité. Dieu invite les êtres humains à se joindre à son repos pour se réjouir de la création. Ce septième jour se veut un rappel régulier de la générosité de Dieu. Il s’agit d’une invitation à la fête.

Les Écritures présentent également le sabbat comme une réponse directe à la libération du peuple esclave en Égypte par Dieu (Dt 5). Dans le contexte de générations d’exploitation économique, où les membres du peuple de Dieu étaient comptés comme des unités de production au service de l’entreposage de la richesse du Pharaon, le sabbat est également l’invitation de Dieu à faire l’expérience de la liberté et de la restauration des effets d’une utilisation immorale des ressources et de l’exploitation injuste des personnes.

Le sabbat trouve son sens dans le pouvoir libérateur et restaurateur de Dieu. C’est peut-être la raison pour laquelle le commandement d’Exode 20.8 dit : « Souviens-toi de faire du jour du repos un jour saint. » Le caractère sacré du sabbat vise à offrir un rappel constant de la grande histoire de Dieu et de l’invitation qu’il nous adresse à y participer.

Pratiquer le sabbat induit des modes de vie fondés sur la joie de la générosité de Dieu et nous replace dans le grand courant de la restauration divine. Cette pratique spirituelle du sabbat un jour sur sept nous aide à nous éloigner des exigences de la productivité et à favoriser une vie de célébration et de restauration.

Mais ce n’est pas tout, car le sabbat n’est pas seulement pour les personnes ; le sabbat est pour le peuple.

Le sabbat n’a pas été conçu par Dieu pour des individus isolés, mais comme une forme de remise à zéro pour l’ensemble de la communauté. Au-delà des lois régissant le jour de repos hebdomadaire, la pratique scripturaire du sabbat incluait un rythme régulier de réparation des injustices économiques à l’échelle de la société.

Tous les sept ans, Dieu exigeait que les dettes soient remises, afin de s’assurer que les pauvres ne soient pas exploités. Plus encore, Dieu exigeait que les dettes ne soient pas seulement effacées, mais, puisque celles-ci étaient souvent le fait d’une catastrophe économique personnelle, qu’on ajoute de riches dons aux anciens débiteurs. Ces dons étaient des célébrations de l’abondance (il y en a plus qu’assez pour tout le monde) et des moyens simples de s’assurer que les personnes économiquement vulnérables soient rétablies pour prendre pleinement part à la vie économique de la société.

Au-delà des dettes, les personnes asservies devaient aussi être libérées, ce qui limitait le profit que l’on pouvait tirer d’elles. Enfin, la terre devait bénéficier d’un repos d’un an : un rappel que Dieu donne plus qu’il n’en faut dans la création et une saison pour que la terre se remette de sa mauvaise utilisation et de la surexploitation accumulée au cours des six années précédentes. Face à toutes les façons dont une société peut tirer profit des nécessités économiques des pauvres et des personnes vulnérables, le sabbat était la manière dont Dieu donnait la priorité à la liberté et à la restauration pour tous les membres de la société.

Je me demande dans quelle mesure cette nature communautaire du sabbat se retrouve dans notre pratique contemporaine. Certes, certains de nos principaux guides sur la nature et la pratique du sabbat, comme Walter Brueggemann, Dorothy Bass et bien d’autres, sont désireux de souligner les implications communautaires du sabbat et la manière dont le sabbat appelle à rendre des comptes quant à l’injustice dans notre société (et dans l’Église).

Mais à moins que notre pratique ne s’étende au-delà de l’aspect personnel et n’imagine, puis ose mettre en œuvre, des moyens d’étendre la générosité et la restauration de Dieu aux personnes les plus vulnérables sur le plan économique — et les plus facilement exploitées — dans nos sociétés, je crains que nous ne passions à côté de la plénitude des intentions de Dieu pour le sabbat.

Nous avons beaucoup à apprendre de ceux qui, par leur travail, éveillent notre conscience collective à l’expérience des plus pauvres et à la nature interdépendante de nos vies dans une société commune. Comme l’écrivait Martin Luther King, « notre destinée commune est un vêtement sans couture ». Ou comme le formule l’autrice Melba Padilla Maggay, « les privations d’une personne sont une marque de culpabilité et d’humiliation pour tous ». On retrouve là les propos du prophète Jérémie au peuple de Dieu en exil à Babylone : l’épanouissement humain est une responsabilité partagée (Jr 29.7). La souffrance de certains s’étend à nous tous, en particulier lorsque cette souffrance est due à la participation à une société qui exploite et abuse.

Le sabbat est un moyen pour tout le peuple de se délecter de l’abondance divine. Il ne s’agit pas simplement d’un « non » à des pratiques injustes et malsaines, mais d’une réorientation de la manière dont nous disons « oui » et de ce à quoi nous disons « oui ».

Qu’est-ce qui changerait dans notre témoignage et notre pratique chrétienne si nous nous orientions vers un mode de vie fondé sur la générosité de Dieu et l’expérience de la restauration, en prêtant particulièrement attention à ceux qui se trouvent aux marges économiques de notre société ? Comment notre pratique du repos du sabbat pourrait-elle favoriser une sorte de sainte agitation face à l’exploitation des personnes et des lieux et aux obstacles qui empêchent tant de gens de faire l’expérience de l’abondance de Dieu dans leur vie ?

Prendre le sabbat suffisamment au sérieux pour tenir compte de ses implications économiques dans notre vie et notre témoignage en tant que chrétiens pourrait impliquer de se demander ce que signifie le fait que Jésus soit « Seigneur du sabbat » (Lc 6.5). Jésus semble faire ici ce qu’il fait avec d’autres thèmes de l’Ancien Testament : non pas abolir la loi, mais l’accomplir (Mt 5.17). Il ne prétend pas supprimer ces anciennes pratiques. Au contraire, Jésus les habite d’une manière nouvelle. Au lieu de simplement mettre en œuvre une pratique rituelle, Jésus incarne l’éthique du sabbat et inaugure un nouveau type de royaume marqué par l’esprit et l’objectif du sabbat.

Jésus crée un monde où les intentions originelles du sabbat prennent corps : une joie perpétuelle dans l’abondance de Dieu, la restauration durable des exploités et l’inclusion des marginaux dans la pleine participation à la communauté. Telles sont censées être les caractéristiques du mode de vie du peuple de Dieu dans le monde.

Nous voyons des exemples positifs de cette éthique du sabbat mise en œuvre concrètement dans le livre des Actes des Apôtres et à d’autres endroits de l’Écriture. Les premiers chrétiens créent des réserves communes de ressources afin que tous puissent avoir part à leur abondance collective (Ac 2.42-47). Ils adaptent les systèmes et les structures pour prendre en compte les soins et l’épanouissement des pauvres et des personnes économiquement plus vulnérables (Ac 6.1-7). Ils prennent en compte comment, dans le cas de Philémon, la réalité du Christ fait que l’esclavage d’Onésime est en contradiction avec l’éthique du royaume établi par Jésus.

À l’opposé, Paul a des mots très durs pour l’église de Corinthe concernant la corruption de leur communauté par l’exclusion des pauvres et des membres de la classe ouvrière alors que les riches festoient dans l’abondance (1 Co 11.17-22). Cette communauté mettait en œuvre une version de l’éthique du sabbat qui sapait la nouvelle réalité de la vie que Jésus avait inaugurée.

Le monde que Jésus met en œuvre ici-bas vaut la peine que nous nous y investissions de tout notre cœur, et les bénéfices sont abondants. L’éthique économique du sabbat est une invitation à contribuer à la création d’une communauté où chacun, en particulier les plus vulnérables, peut goûter et voir cette abondance et faire l’expérience de l’œuvre réparatrice de Dieu.

L’invitation au repos hebdomadaire ne consiste pas seulement à s’arrêter et se reposer. Il s’agit d’habiter notre terre avec une imagination de sabbat, en osant construire un monde où, comme le dit la théologienne Dorothy Bass, « l’injustice n’existerait pas ». Quels que soient les rythmes et pratiques que nous mettons en place pour notre propre vie, Jésus veut que de ceux-ci jaillisse un sabbat à travers lequel nous soyons capables, avec Dieu, de dire « Ça suffit ».

Adam Gustine est l’auteur de Becoming a Just Church: Cultivating Communities of God’s Shalom et co-auteur de Ecosystems of Jubilee: Economic Ethics for the Neighborhood. Il travaille à l’Institute for Advanced Study de l’Université de Notre Dame, où il se consacre à l’étude de l’éthique et à la promotion de l’épanouissement humain et du bien commun.

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History

Nos demi-vérités à propos de Martin Luther King

Dans les années 60, les évangéliques blancs désavouaient Martin Luther King Jr. Dans les années 80, tout le monde le portait aux nues. Comment finalement nous souvenir de lui aujourd’hui ?

Christianity Today January 30, 2024
Illustration par Elizabeth Kaye/Source Images : Wikimedia Commons

À l’été 1964, les éditeurs blancs de CT ne semblaient pas fort impressionnés par la désobéissance civile non violente initiée par Martin Luther King Jr au nom des droits civiques. « Les prédicateurs qui affirment que la “désobéissance civile” est justifiée contribuent à encourager ceux qui pourraient avoir recours à la violence », déclaraient-ils en août de cette année-là.

Un demi-siècle plus tard, CT présentait des excuses officielles pour son opposition à King et au mouvement des droits civiques. Entre-temps, le magazine avait publié de nombreux articles faisant l’apologie de King comme un exemple d’amour chrétien. Ses paroles et actions étaient alors considérées comme un appel à la repentance pour les évangéliques blancs.

Mais King a gardé quelque chose d’un peu embarrassant pour ceux d’entre nous qui sont à la fois blancs et évangéliques, deux caractéristiques que King ne partageait pas. Beaucoup d’entre nous aimeraient voir en lui un prophète. Mais ce faisant, nous risquons de le récupérer à nos propres fins plutôt que de le comprendre tel qu’il était réellement.

Les évangéliques blancs américains ont généralement réagi de trois manières différentes à l’égard de King : (1) en traitant sa pratique chrétienne d’hérétique ou hypocrite ; (2) en le présentant comme un prophète de l’amour dont les enseignements pourraient guérir nos divisions raciales et nous purifier du racisme ; (3) en soulignant son engagement en faveur de la non-violence et d’un supposé idéal américain d’absence de distinction entre les couleurs comme alternative à des formes plus militantes de nationalisme noir.

Il y a au moins une part de vérité dans chacune de ces trois réactions à l’égard de King, mais dans chaque cas de figure, les évangéliques blancs sont allés trop loin. Trop souvent, ils ont essayé de faire correspondre King à leurs critères évangéliques au lieu de le comprendre selon les siens.

La théologie chrétienne non évangélique de King

King n’était pas un évangélique. Les évangéliques ont toujours considéré que la réponse au problème du péché résidait principalement dans la conversion individuelle. Tel était le message des revivalistes des 18e et 19e siècles, et tel était le message de Billy Graham au 20e siècle.

Mais King comprenait le péché principalement en termes structurels. Depuis sa prise de conscience du monde qui l’entourait jusqu’au jour de sa mort, la vie de King a été façonnée par la réalité structurelle de la ségrégation raciale — un système juridique, social et culturel qui refusait de reconnaître sa pleine dignité humaine, simplement en raison de la couleur de sa peau. King considérait son appel au ministère non pas comme un appel à sauver des âmes pour l’au-delà, mais comme un appel à mettre en pratique le royaume de Dieu pour évincer le mal d’une société qui ne traitait pas tous les individus comme des personnes.

Le moyen ultime de vaincre ce mal était le pouvoir de la croix — pas la croix de l’expiation par le Christ, comme le croyaient les évangéliques blancs, mais la croix de la « souffrance (collective) imméritée ». L’activisme non violent avait, selon King, le pouvoir d’exposer l’injustice structurelle et de provoquer une repentance nationale. Car le grand public ne pouvait pas ne pas s’émouvoir face aux opprimés manifestant de l’amour à l’égard de leurs oppresseurs.

King n’était ni le premier ni le dernier à prêcher ce message, mais il a été plus efficace que la plupart des autres, en partie parce que sa vision du christianisme et de la démocratie américaine plaisait non seulement aux chrétiens afro-américains, mais aussi à de nombreux libéraux blancs. Contrairement à Marcus Garvey, nationaliste noir du début du 20e siècle, ou au contemporain de King, Malcolm X, King fondait ses appels à la justice raciale sur les documents fondateurs de la nation, à savoir l’affirmation de la Déclaration d’indépendance selon laquelle « tous les hommes sont créés égaux » et les droits garantis par la Constitution.

Ses principes d’égalité raciale, de dignité humaine et d’activisme non violent contre l’injustice, King les fondait aussi sur les parties de la Bible les plus appréciées par les protestants libéraux blancs : le Sermon sur la montagne, la parabole du bon Samaritain, la règle d’or et la tradition prophétique biblique.

Pour nombre de ces chrétiens-là, le message d’amour et de justice de King — particulièrement appuyé par son courage de faire face à la prison et de risquer sa vie pour ses convictions — apparaissait comme le reflet parfait de la version de l’évangile social et des principes de la démocratie américaine auxquels ils croyaient déjà. Même si, de leur côté, ils manquaient de cohérence dans l’application de ces principes quant aux questions raciales, ils faisaient l’éloge de King comme d’un prophète moderne. Le pasteur fut même nommé parmi les contributeurs réguliers du Christian Century, qui était à l’époque le principal magazine protestant libéral.

En revanche, pour beaucoup de chrétiens évangéliques blancs, le message de King était choquant. Son approche de la Bible, de la conversion et de l’expiation ne correspondait pas à leur théologie. Ses opinions politiques ne coïncidaient pas non plus avec les leurs. Pour la plupart des évangéliques blancs, le communisme international était l’une des plus grandes menaces pour la liberté religieuse. Ils soutenaient donc la guerre du Vietnam et l’engagement de leur pays dans la guerre froide.

En tant que pacifiste et socialiste chrétien souvent critique à l’égard du gouvernement américain, King, lui, s’est opposé à la guerre du Vietnam et s’est engagé dans une campagne de désobéissance civile non violente. À l’époque, celle-ci fut dénoncée par notre magazine et Billy Graham. Pour eux, elle risquait de compromettre la mission anticommuniste de l’Amérique et elle violait l’obligation donnée aux chrétiens dans le Nouveau Testament de se soumettre aux autorités dirigeantes.

Le repentir des évangéliques blancs

Il a fallu beaucoup de temps après la mort de King pour que la plupart des évangéliques blancs fassent pleinement la paix avec lui. À la fin des années 1960 et dans les années 1970, certains jeunes progressistes évangéliques, qui désiraient faire de la réconciliation raciale une priorité du mouvement évangélique, vénéraient King. Mais de nombreux évangéliques conservateurs l’ignoraient. Ce n’est qu’à la fin des années 1980 que Christianity Today commença à publier régulièrement des rétrospectives hagiographiques sur lui.

Et vers la fin du 20e siècle, les chrétiens conservateurs commencèrent à utiliser le souvenir historique de King pour appeler les évangéliques blancs à se repentir du péché de racisme individuel. Selon eux, si les évangéliques blancs (y compris eux-mêmes) s’étaient opposés à King dans les années 1960, c’est parce qu’ils étaient racistes. À présent, ils avaient compris et réalisé que King était le vrai chrétien alors qu’eux-mêmes avaient agi comme des pécheurs pharisiens.

Cette repentance était sans aucun doute sincère et cruellement nécessaire, mais elle reposait également sur une incompréhension au moins partielle du message de King. Celui-ci était avant tout social plutôt qu’individuel. L’objectif de King était de transformer la démocratie américaine et de conduire les Afro-Américains vers la terre promise. Sa mission ne consistait donc pas simplement à guérir les cœurs des chrétiens blancs pour qu’ils pratiquent un jour leur culte dans des églises multiraciales.

Certains des chrétiens blancs qui, à cette période, portaient King aux nues — comme Jerry Falwell qui, en 1988, l’avait qualifié de « héros américain de tout un chacun » — soutenaient également le renforcement de l’arsenal nucléaire de la guerre froide mené par le président Reagan et s’opposaient à la campagne présidentielle de Jesse Jackson, leader des droits civiques et ancien associé de King. Il est très peu probable que King aurait approuvé les positions politiques de ces évangéliques blancs s’il avait vécu assez longtemps pour les entendre. Et les évangéliques blancs auraient probablement beaucoup moins approuvé King s’il avait encore été en vie à la fin des années 1980 et avait défendu des causes similaires à celles soutenues par Jackson.

En attribuant leur rejet antérieur du pasteur militant à des péchés racistes passés dont ils s’étaient maintenant repentis, certains évangéliques blancs, voyant en lui un héros prophétique, n’ont pas réussi à saisir pleinement la distance théologique entre son message et le leur.

Ce n’est pas seulement la haine des noirs ou l’opposition à l’intégration raciale qui avait poussé les évangéliques des années 1960 à répudier King, mais de profondes différences d’orientation théologique et politique. Ces différences étaient toujours aussi importantes dans les années 1980 et 1990. Mais King était mort et il était plus facile pour les évangéliques blancs de les ignorer.

Le King qu’ils promouvaient désormais était un King mythique, bien plus évangélique et conservateur qu’il ne l’avait jamais été dans la vie réelle.

King, héros conservateur

Mais au moment même où les évangéliques blancs commençaient à redécouvrir King, de nombreux jeunes afro-américains et libéraux blancs prenaient leurs distances par rapport à lui. C’est la période où la sortie du film Malcom X de Spike Lee déclencha la ferveur de la jeune génération d’Afro-Américains envers son nationalisme noir. Tous ces jeunes étaient fatigués de voir comment les blancs s’appropriaient King comme représentant de la passivité non violente des noirs.

Le point culminant des représentations hagiographiques de King par les historiens américains fut d’une part la série documentaire historique Eyes on the Prize (1987) de la télévision publique PBS et d’autre part le livre de Taylor Branch, Parting the Waters: America in the King Years, 1954-63 (1988) qui remporta le prix Pulitzer.

Après la fin des années 1980, les historiens devinrent plus critiques envers le pasteur. Ils tendaient plus à relever sa condescendance (voire ses comportements abusifs) envers les femmes et ses conflits avec les jeunes militants. Ces nouveaux récits suggéraient que les personnes les plus courageuses dans la lutte étaient en fait des activistes locaux tels que Fannie Lou Hamer et Bob Moses ou des défenseurs du Black Power comme Stokely Carmichael.

Dans ce contexte, les évangéliques conservateurs blancs redoublèrent d’efforts pour s’approprier King, le célébrant non seulement comme chrétien engagé (contrairement aux radicaux du Black Power qui ne l’étaient pas), mais aussi comme promoteur conservateur d’une forme de cécité raciale. Son rêve d'un monde où les gens « ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau mais sur la réalité de leur caractère » était employé comme une critique implicite de la discrimination positive. Le fait que King ait soutenu celle-ci ainsi que le socialisme démocratique au cours des dernières années de sa vie échappa à ceux qui le réduisirent à son « I Have a Dream ».

Comprendre King aujourd’hui

Lorsque je réfléchis à King en tant que chrétien évangélique blanc et historien, je suis confronté à trois questions : (1) Comment dois-je comprendre King en tant que personnage historique, dans le contexte de son époque et de son lieu ? (2) Comment ma compréhension de King devrait-elle affecter ma propre compréhension de la théologie chrétienne et de la Bible ? (3) Comment ma compréhension de King et de la théologie chrétienne devrait-elle affecter ma réponse aux questions de justice raciale aujourd’hui ?

La première question est celle à laquelle il est le plus facile de répondre : King était un personnage complexe, mais il semble évident que ses opinions théologiques et politiques différaient considérablement de celles des évangéliques blancs, tant à son époque qu’aujourd’hui. Pour comprendre les positions de King, nous devons notamment comprendre l’histoire de l’évangile social noir, comme l’affirme Gary Dorrien, historien de la théologie.

La seconde question est plus inconfortable : la résistance de l’évangélisme blanc à l’éthique de King montre-t-elle que nous nous sommes trompés dans notre théologie et que nous devrions donc nous convertir à l’évangile social noir ?

Notre théologie chrétienne doit être établie en fonction de notre compréhension de la vérité biblique et non pas simplement en fonction de notre attirance pour un mode de vie particulier ou de notre admiration pour un principe chrétien mis en œuvre. Mais chaque fois que nous constatons que notre propre tradition théologique n’a pas rejeté de manière adéquate un péché donné, comme le racisme, nous sommes appelés à identifier les angles morts théologiques qui l’ont empêchée de voir ce mal. Nous devrions donc adopter un correctif théologique partant de notre propre compréhension de la Bible, mais y incluant aussi toutes les vérités bibliques que nous trouvons dans d’autres traditions chrétiennes, y compris la théologie de King et celle d’autres chrétiens noirs.

Quelle que soit notre compréhension de King, nous devons finalement également répondre à la question de savoir comment réagir face à l’injustice raciale aujourd’hui. Il faut aussi déterminer si, pour ce faire, nous devrions en appeler aux paroles de King. Il est facile de le citer de manière sélective ou hors contexte. Nous devons donc être prudents lorsque nous l’utilisons pour peser sur les débats politiques actuels, en particulier si nous sommes tentés d’utiliser ses discours pour argumenter contre une forme particulière d’activisme noir.

En même temps, l’exemple de résistance active au mal par l’amour non violent qu’a donné King est toujours aussi inspirant qu’il l’était de son vivant. King peut toujours nous convaincre et nous inspirer, même si nous ne rejoignons pas toutes ses opinions théologiques. J’apprécie sincèrement l’humilité des chrétiens blancs de la fin du 20e siècle qui ont reconnu que les attitudes de King étaient bien plus proches de celles du Christ que les leurs et qui ont trouvé en King un encouragement à se repentir. Leur compréhension historique de King était peut-être incomplète à certains égards, mais leur humilité était estimable.

95 ans après sa naissance, je pense que nous devrions aborder King avec la même humilité. Son histoire n’est pas la nôtre et sa conception de la foi chrétienne était probablement aussi différente. C’était un homme qui avait à la fois de gros défauts et de profondes intuitions. Il n’était pas le seul héros des droits civiques, ni même le meilleur.

Mais il était profondément engagé dans la poursuite chrétienne de la justice et de la réconciliation. Nous avons encore beaucoup à apprendre de sa vie telle qu’elle était, et pas telle que nous pourrions l’imaginer ou la souhaiter.

Daniel K. Williams enseigne l’histoire américaine à l’Ashland University et est l’auteur de The Politics of the Cross: A Christian Alternative to Partisanship.

Traduit par Anne Haumont

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Books

Comment la Colombie est devenue le pays d’Amérique du Sud où il est le plus difficile d’être chrétien.

Officiellement, la Colombie protège mieux les libertés religieuses que la plupart des autres pays de la région. Sur le terrain, la situation est plus compliquée.

Des rebelles de l’Armée de libération nationale patrouillent près de la rivière Baudo en Colombie.

Des rebelles de l’Armée de libération nationale patrouillent près de la rivière Baudo en Colombie.

Christianity Today January 30, 2024
Daniel Munoz/Contributeur/Getty

Rodrigo est un pêcheur chrétien. Il vit avec sa famille dans le département du Chocó, une région de la jungle proche de la frontière que la Colombie partage avec le Panama et l’un des endroits les plus humides de la planète.

En raison de son isolement, la ville où il habite n’a pas de rues pavées et la présence de la police ainsi que des autres autorités colombiennes y est rare. Pour se déplacer, les habitants empruntent principalement les puissants fleuves Atrato, Baudó et San Juan en bateau à moteur. Rodrigo subvient aussi aux besoins de sa famille en vendant de l’essence. C’est ce que nous rapporte Portes Ouvertes, première organisation à nous raconter son histoire.

Malgré l’apparente importance de son activité, Rodrigo et sa famille sont isolés. La communauté autochtone, majoritaire dans la région où ils vivent, les a rejetés en raison de leur foi. Ils sont exclus socialement et économiquement parce qu’ils refusent de participer aux rituels animistes qui sont courants chez les autochtones. Cet isolement a également fait de Rodrigo une proie facile pour la guérilla et les groupes paramilitaires qui dominent la région. Ceux-ci le menacent régulièrement de fermer son entreprise s’il ne leur verse pas des sommes d’argent. Tout le pays pâtit de ces pratiques criminelles, mais ce sont les chrétiens qui sont les plus touchés.

L’histoire de Rodrigo réunit deux des principales raisons pour lesquelles la Colombie a été, selon l’Index mondial de persécution établi par Portes Ouvertes, le pays le plus dangereux d’Amérique du Sud pour les chrétiens, au cours des cinq dernières années. Dans l’Index de cette année, la Colombie se classe au 34e rang mondial des endroits où les chrétiens éprouvent le plus de difficultés à vivre. Comment cette nation ayant une longue tradition démocratique et une majorité de population catholique a-t-elle pu devenir l’un des endroits les plus hostiles pour les croyants de l’hémisphère ouest ?

Une grande partie de la violence notoire en Colombie remonte à 1948, année de l’assassinat du candidat présidentiel libéral Jorge Eliécer Gaitán. Cet événement déclencha, en effet, une tragédie nationale connue sous le nom de « El Bogotazo » et une recrudescence de la violence politique. À la suite de cela, plusieurs groupes de guérilla, alimentés par l’idéologie communiste de la révolution cubaine, ont commencé à semer la terreur dans les zones rurales.

Dans les années 1980, le trafic de drogue étant en plein essor, ces groupes de guérilleros se sont alliés aux trafiquants. Mais après la chute de barons de la drogue comme Pablo Escobar dans les années 1990, ces groupes et leurs adversaires, les groupes paramilitaires, ont repris le contrôle de leur trafic criminel. À cette époque, il n’était pas rare que des responsables chrétiens soient victimes d’enlèvements, de meurtres et de déplacements. Ces faits étaient déjà relatés dans Christianity Today en 1998.

« La Colombie est un pays où il existe deux réalités. D’une part, les grandes villes connaissent beaucoup de libertés et les chrétiens qui y vivent ne se rendent pas compte de la persécution qui sévit dans les zones rurales du pays », nous dit Ted Blake, directeur de Portes Ouvertes en Espagne. « [Mais] dans ces zones rurales, il y a des groupes armés — guérillas ou paramilitaires — qui ne permettent rien sans leur approbation, que vous obtenez en les payant. »

Selon Portes Ouvertes, la deuxième forme de persécution dans les zones rurales de Colombie est le fait de groupes indigènes qui sont libres d’établir leurs propres règles dans les territoires qui leur ont été confiés. Souvent, ces règles interdisent la conversion à la foi chrétienne qui est punie par l’expulsion de la communauté, l’expropriation des terres ou l’exclusion économique.

C’est dans le département de Cauca, au sud du pays, près de l’Équateur, que la persécution des chrétiens par les communautés indigènes est la plus évidente. Dans cette région, la population indigène majoritaire dépasse les 200 000 personnes. Ceux qui ont osé embrasser la foi chrétienne, estimés à 14 000, ont été licenciés, déplacés et victimes d’autres formes d’exclusion sociale. « Comme nous ne mâchons pas la feuille de coca, que nous ne participons pas aux barrages routiers organisés pour protester contre le gouvernement colombien et que nous ne jetons pas de sorts avec des herbes magiques, ils nous déplacent », expliquait Rogelio Yonda Trochez, un pasteur évangélique, à la BBC en 2012.

La violence exercée par les groupes de trafiquants de drogue et l’oppression due aux communautés indigènes ne sont toutefois pas les seules causes de l’environnement toxique dans lequel vivent les chrétiens colombiens. Selon Portes Ouvertes, l’intolérance séculière a augmenté et empêche certains chrétiens de partager leurs convictions sur l’avortement, le mariage et la liberté religieuse.

En 2021, des milliers de Colombiens sont descendus dans la rue pour protester contre des hausses d’impôts et un retard dans la distribution du vaccin COVID-19. Lorsque les dirigeants chrétiens ont refusé de manifester ou se sont exprimés contre eux, certains manifestants ont vandalisé des églises, notamment la grande église évangélique de Bogota, El Lugar de Su Presencia.

Des « incohérences dans la méthodologie » ?

Depuis 1991, la Colombie est l’un des pays les plus avancés de la région en matière de liberté religieuse. C’est l’année où la Constitution a reconnu pour la première fois les libertés de religion, de conscience et de culte comme des droits fondamentaux dans ce pays historiquement catholique.

En conséquence, c’est avec scepticisme que les autorités colombiennes ont accueilli les rapports les plus récents de Portes Ouvertes.

« La violence en Colombie a touché de nombreuses églises et croyants », nous explique Lorena Ríos, ancienne directrice du Bureau des affaires religieuses du ministère de l’Intérieur et aujourd’hui sénatrice du parti chrétien Colombia Justa Libres. « Cependant, la violence n’a pas toujours été causée par des questions de foi, mais plutôt par ce qui gravite autour, comme des questions politiques (participation politique ou soutien à un candidat), l’engagement social (pasteurs qui dénoncent la corruption ou les menaces de divers groupes), ou des situations plus personnelles (commerce et dettes). Ce n’est donc pas toujours directement parce qu’ils sont chrétiens que les chrétiens sont persécutés. »

En 2021, sous la conduite de Lorena Ríos, le Bureau des affaires religieuses publiait ainsi une réfutation formelle des affirmations de Portes Ouvertes. Le Bureau exprimait alors ses préoccupations sur ce qu’il décrivait comme des « incohérences dans la méthodologie » de Portes Ouvertes au niveau de son évaluation des niveaux de persécution religieuse en Colombie. Dans ce rapport, le gouvernement colombien s’interrogeait sur les raisons pour lesquelles le pays était passé de la 41e à la 30e place dans l’Index mondial de la persécution de 2021.

« Cette brusque variation n’avait pas de sens, car en 2020, en raison de la pandémie, il y a eu moins d’attaques contre les chrétiens dans le pays », explique Ríos, ajoutant que « même [Portes Ouvertes] avait admis qu’en raison des restrictions imposées par le COVID-19, 2020 n’avait pas été une année représentative pour la collecte de données. »

La méthodologie de travail de Portes Ouvertes a évolué depuis 1993, date du début du classement. Elle est actuellement basée sur une série de questionnaires appliqués aux populations chrétiennes et non chrétiennes de chaque pays. Les informations sont ensuite notées sur une échelle de 100 points en fonction des niveaux de persécution et font l’objet d’un audit indépendant par l’Institut international pour la liberté religieuse (IIRF).

« Nous mesurons les niveaux d’oppression des chrétiens dans cinq domaines : la vie privée, la sphère familiale, la sphère sociale, la sphère nationale et la sphère ecclésiastique. Nous prenons également en compte les violences physiques ou matérielles subies par les chrétiens », rapporte Ted Blake.

La Colombie ne figure cependant pas sur l’Index à cause de ses lois. Elle y figure parce que des chrétiens ont été assassinés à cause de leur foi et que des églises ont été attaquées.

La persécution en Amérique latine

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Après être entrée dans le top 50 en 2019 (à la 47e place), la Colombie est tombée jusqu’à la 22e place de l’Index 2023. L’année dernière, elle était donc la nation la plus dangereuse pour les chrétiens dans toute l’Amérique latine. Bien que le pays soit remonté à la 34e place cette année-ci, son score de points sur 100 n’est passé que de 71 en 2023 à 68 en 2024.

À présent, le premier pays latino-américain de l’Index 2024 est Cuba (22e place, score de 73), suivi du Nicaragua (30e place, score de 70) en raison de l’obsession du dictateur Daniel Ortega à l’encontre de l’Église catholique, dont il considère les dirigeants comme opposants à son régime. Après la Colombie vient le Mexique (37e place, score de 68).

« Les formes de persécution en Colombie et au Mexique sont très similaires », nous dit Ted Blake. « Les groupes de narcotrafiquants extorquent, enlèvent et assassinent des responsables chrétiens dans les deux pays, tandis que les groupes autochtones exercent une pression en excluant les chrétiens sur le plan économique et social. »

Le Venezuela (67e place, score de 53) n’est plus dans le top 50, même si les observateurs étrangers se doutent bien que la liberté de professer la foi chrétienne y est entravée par son gouvernement autoritaire.

Que peut faire l’Église mondiale face aux persécutions qui se multiplient, même dans les pays historiquement chrétiens ?

Il faut s’exprimer, dit Blake.

« Jésus nous a enseigné que quiconque le suivrait serait persécuté. Nous devons nous attendre à ce que cela se produise », rappelle-t-il. « Mais pour éviter cela, élevez votre voix doublement : demandez à Dieu de fortifier les chrétiens pour qu’ils restent fermes face à l’adversité. Et d’autre part, élevez votre voix devant les gouvernants, afin qu’ils interviennent pour défendre les droits des chrétiens qui souffrent de tant d’injustices. »

Hernán Restrepo est un journaliste colombien basé à Bogota. Depuis 2021, il gère les comptes sur les réseaux sociaux de Christianity Today en espagnol.

Traduit par Anne Haumont

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History

Le contraire de l’abus, c’est l’attention à l’autre.

À l’heure des scandales d’abus spirituels, l’Église primitive offre un modèle inspirant d’exercice des responsabilités pastorales.

Christianity Today January 24, 2024
Adaptations par Christianity Today/Image source : WikiMedia Commons

Des millions de livres de développement personnel sont vendus chaque année, mais les enfants de la (post) modernité que nous sommes ne sont pas les premiers à apprécier ce genre. Il était déjà populaire dans l’Antiquité. Les manuels militaires existent depuis au moins le quatrième siècle avant notre ère, prêts à donner des conseils sur la manière de choisir le meilleur cheval pour la bataille ou de mener un siège efficace — ou, à l’inverse, de survivre à un siège. Les anciens proposaient aussi des recommandations sur d’autres sujets, de la cuisine à l’interprétation des rêves, en passant par l’agriculture, l’art oratoire, l’amitié et la manière de bien vivre sa vieillesse.

Mais il y a un sujet sur lequel nos ancêtres païens ne se sont pas attardés : l’attention portée aux autres. J’ai observé cette lacune pour la première fois en étudiant les attitudes courantes à l’égard des femmes, en particulier les mères, dans l’Antiquité et aujourd’hui. Cette recherche fait partie d’un projet de livre examinant les similitudes entre les approches païennes préchrétiennes des questions de vie et les attitudes post-chrétiennes contemporaines à l’égard de ces mêmes sujets.

Cette absence en dit long, tout comme l’essor d’un nouveau sous-genre d’écrits sur les soins pastoraux et pratiques dans les premiers siècles de l’histoire de l’Église. Les historiens étudient logiquement le plus souvent ce qui est présent dans le dossier documentaire dont nous disposons, mais la prise en compte de ses lacunes peut être tout aussi éclairante. C’est le cas ici. Jusqu’à ce que les premiers responsables chrétiens commencent à rédiger des lettres, des traités et des manuels sur les soins à procurer aux femmes seules, aux pauvres, aux malades et aux autres personnes vulnérables, les écrits de ce genre n’existaient pas.

Ces documents englobent une vaste gamme de soins pastoraux, comprenant non seulement le type de soins spirituels et relationnels que le terme recouvre le plus souvent aujourd’hui, mais aussi l’attention aux besoins pratiques. Ces textes témoignent donc du rôle des ministères de compassion et de la manière dont l’Église primitive considérait ces ministères comme essentiels à un sain exercice des responsabilités pastorales.

Les paroles de miséricorde à propos d’œuvres de miséricorde ont encouragé la création de réseaux d’entraide et d’attention mutuelle plus solides. Cette histoire mérite d’être revisitée à une époque où des scandales retentissants d’abus d’autorité pastorale ébranlent la confiance de nombreux chrétiens envers les responsables d’église.

À contre-courant de la culture ambiante, le Nouveau Testament met l’accent sur l’attention portée aux autres. Il n’est donc pas surprenant que ce type d’écrits se soit répandu au fur et à mesure de la croissance de l’Église. Actes 2.44-46, par exemple, nous laisse voir des croyants qui éliminent la pauvreté et répondent aux besoins au sein de l’église naissante de Jérusalem.

Néanmoins, l’apparition de traités plus formels sur les soins pastoraux, à partir du troisième siècle de notre ère, est particulièrement frappante, car il s’agit sans doute de la pire période pour les chrétiens dans l’Empire romain. L’assassinat de l’empereur Sévère Alexandre en 235 de notre ère déclenche la période que les historiens appellent la « crise du troisième siècle ». De cette date jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Dioclétien en 284 de notre ère, les empereurs ont les uns après les autres gravi les échelons militaires, pris le pouvoir, puis se sont fait assassiner.

Dans la même période, plus de 200 ans de dévaluation progressive de la monnaie ont finalement abouti à une inflation incontrôlable. Une mystérieuse épidémie apparaît vers 250 de notre ère et circule pendant deux décennies, laissant dans son sillage un nombre effroyable de morts. Bien qu’il soit impossible de calculer les chiffres pour tout l’Empire, la peste aurait emporté environ 62 % de la population de la ville d’Alexandrie, estime l’historien Kyle Harper. Finalement, la première persécution des chrétiens à l’échelle de l’Empire commence en 251 de notre ère.

Avec toutes ces crises, les pasteurs du troisième siècle exerçaient leur ministère auprès de personnes vivant une époque de bouleversements ressemblant remarquablement à la nôtre. Comment ont-ils fait face à la situation ?

Il est intéressant de noter que les sermons, les traités et les lettres de l’époque ne montrent guère de préoccupation pour l’accumulation de pouvoir par les chrétiens. Ils ne se demandent pas comment ceux-ci pourraient influencer la politique, le gouvernement ou l’économie, et ils ne s’opposent pas à la persécution religieuse, un phénomène que les gens ordinaires avaient de toute façon peu de chances d’influencer. Ces antiques pasteurs ont plutôt mis l’accent sur l’obligation qu’ont les chrétiens d’aimer leur prochain en paroles, en actes et avec leur argent.

Un exemple particulièrement bien documenté en est le ministère de Cyprien de Carthage, de 248 environ à son martyre en 258. Au début de son ministère, Cyprien écrit La bienfaisance et les aumônes, un traité dans lequel il va jusqu’à parler d’exclusion de la table de communion pour ceux qui n’accomplissent pas de tels actes d’amour. Leurs cœurs, selon lui, étaient manifestement inconvertis.

Dans un autre traité, intitulé De la mortalité, qui a peut-être commencé comme un sermon, Cyprien réprimande ceux qui refusent de soigner les malades et les mourants pendant la peste. Sa description des symptômes de la maladie suggère que sa connaissance de celle-ci provient d’une observation de première main dans le cadre des soins apportés aux personnes infectées.

Les lettres de Cyprien à cette époque sont également remplies d’exhortations concernant les soins pastoraux. Un jour, il répond à la demande de conseils d’un autre pasteur concernant un nouveau converti, dont le travail d’acteur et de professeur d’art dramatique était considéré comme scandaleux par la communauté locale. (Cette profession était l’une des plus méprisées du monde romain et, en raison de son association avec les cultes païens, elle était particulièrement mal vue pour un chrétien.)

La réponse de Cyprien ne conseille pas la discipline, mais la prudence : le converti a-t-il d’autres moyens de subsistance ? L’Église, dit-il, devrait s’occuper de lui si ce n’est pas le cas et même proposer de le soutenir financièrement si nécessaire.

Ces mots n’étaient pas seulement fidèles à l’Évangile. L’histoire nous apprend qu’ils étaient également attirants. Le christianisme dans l’Empire romain est passé de moins d’un pour cent de la population en l’an 200 de notre ère à près de dix pour cent un siècle plus tard.

Cette croissance est particulièrement remarquable et, pour être honnête, surprenante compte tenu de la persécution croissante au cours de la même période. Pourquoi, alors qu’ils savaient que la conversion pouvait signifier la mort, les habitants de l’Empire romain ont-ils été plus nombreux que jamais à rejoindre l’Église ? Le sociologue Rodney Stark soutient que c’est le travail d’assistance de l’Église, à la fois pratique et pastoral, qui a attiré les convertis et conduit à cette croissance explosive. Le témoignage de bonnes paroles et de bonnes œuvres a porté de riches fruits.

Pourra-t-on en dire autant de nous ? Si j’étais une historienne vivant des siècles dans le futur et que j’étudiais les documents relatifs aux églises des États-Unis au début du 21e siècle, j’aurais probablement l’impression que les chrétiens de notre époque faisaient principalement deux choses : subir des abus d’autorité spirituelle et gérer les conséquences de ces abus.

Après tout, tels sont les sujets de nombreux livres, articles et reportages. Il est important de faire la lumière sur les abus et de s’efforcer de les prévenir à l’avenir, notamment parce que la justice compte aux yeux d’un Dieu juste. Cependant, que ratons-nous pendant que ces questions occupent tout notre esprit ? Quelle est l’absence marquante dans le dossier documentaire de l’Église contemporaine ? Ce pourrait bien être le manque de travaux solides sur l’utilisation saine du pouvoir dévolu aux responsables pour prendre soin de nos communautés.

L’exemple de l’Église primitive nous rappelle que si nous ne parlons que de ce que l’Église doit éviter — ce que nous ne devons pas être ou faire en tant que chrétiens — nous risquons de passer à côté de conversations sur qui et ce que nous sommes appelés à être. Nous manquons alors des occasions de transformer la culture de l’Église vers un mieux.

L’exercice d’une autorité et d’une attention pastorales saines devraient aujourd’hui constituer une part essentielle de nos réflexions et de nos efforts, tout comme c’était le cas dans les premiers temps du christianisme. Nous ne pouvons pas négliger l’importance de nos paroles — ce dont les pasteurs et autres responsables d’église parlent et écrivent — pour provoquer des changements dans les églises locales et les communautés plus larges.

Certes, nous devons condamner la tendance à confier le micro à des brutes et les appels lancés à l’Église pour qu’elle cherche à s’emparer du pouvoir politique en temps de crise. Cependant, les seuls appels à démasquer les abus et à les combattre ne sont pas suffisants. Nous avons également besoin d’être encouragés par des responsables chrétiens, en chaire et par écrit, sur des questions qui ont toujours fait partie du témoignage contre-culturel de l’Église dans un monde cruel : les soins pratiques et spirituels aux pauvres, aux malades, aux veuves, aux mères célibataires, aux orphelins et aux immigrés (Jc 1.27).

J’ai été témoin de l’effet de ce type d’encouragement dans la communauté de l’Église presbytérienne d’Amérique dont mon mari et moi avons été membres pendant sept ans avant notre récent déménagement à l’autre bout du pays. À l’époque où nous avons rejoint l’église, le pasteur avait décidé de mettre l’accent sur l’adoption et le placement en famille d’accueil en tant que ministères essentiels pour notre église. À l’époque, il y avait très peu de foyers d’accueil dans le comté, et les besoins excédaient de loin les disponibilités.

Le franc-parler du pasteur, qui avait fait de l’attention portée à notre collectivité locale une priorité délibérée, a eu des effets significatifs au sein de la communauté. Le nombre de familles adoptives et de familles d’accueil au sein de celle-ci a augmenté. Un nouveau ministère a organisé des trains de repas tout au long de l’année et d’autres structures de soutien pour aider les familles d’accueil. La conscience qu’avait l’église des besoins de la collectivité locale s’est également accrue, ce qui a donné lieu à de nouvelles opportunités de service. C’est tout le caractère de notre église qui a changé grâce à l’accent mis par notre pasteur sur les soins pastoraux et pratiques.

Le ministère de Cyprien nous rappelle de même que des paroles et des œuvres marquées par l’attention à l’autre ont le pouvoir de provoquer des changements dans les églises locales. Les chrétiens de l’Église primitive n’étaient pas moins pécheurs que nous, ni moins sujets à la faiblesse et à la fatigue spirituelles. Mais grâce à des dirigeants qui orientaient le troupeau vers Jésus par leurs paroles, leurs écrits et leur exemple, ils ont transformé toute leur culture. Il n’en ira pas autrement aujourd’hui.

Nadya Williams est l’autrice de Cultural Christians in the Early Church. Son prochain livre, Priceless, est sous contrat avec IVP Academic. Elle est rédactrice en chef des critiques de livres pour le magazine en ligne Current, où elle gère également le blog « The Arena ».

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Il examine les récits des chrétiens qui ont connu le pire.

Le travail de ce chercheur de Portes Ouvertes en Afrique de l’Est a eu un effet contre-intuitif sur sa foi.

Christianity Today January 24, 2024
Illustration par Christianity Today / Source Images: Pexels

Il y a près de vingt ans, Fikiru rejoignait un groupe de prière et d’étude biblique dans sa ville natale d’Afrique de l’Est, une expérience qui le conduit à accepter le Christ comme son sauveur personnel. Mais Fikiru se rend vite compte que d’autres chrétiens de la région s’opposent farouchement à sa conversion et à celle du reste de sa communauté. Pendant des mois, ces chrétiens accusent les autres de blasphème, forcent leurs épouses à divorcer et leurs familles à couper les liens, et dans certains cas, les battent ou les tuent.

C’est alors qu’un dimanche, à la suite de cette persécution, plusieurs membres de l’équipe de soutien aux chrétiens persécutés de Portes Ouvertes se présentent.

« Nous ne les avions jamais rencontrés », se souvient Fikiru. « Nous n’en avions jamais entendu parler. »

Mais Portes Ouvertes avait entendu parler de son église et de sa souffrance. Ils avaient un message simple pour Fikiru : vous n’êtes pas seul.

Quelques années plus tard, Fikiru (nous utilisons un pseudonyme pour des raisons de sécurité) accepte un travail pour Portes Ouvertes.

« J’essaie de rendre quelque chose de l’amour et de la sollicitude qui m’ont été témoignés alors que j’étais un croyant persécuté », explique cet analyste pour l’Afrique de l’Est, une région qui s’étend de l’Érythrée au Mozambique. « Je joue ce rôle avec passion et enthousiasme. »

Morgan Lee, notre éditrice responsable des contenus internationaux, s’est entretenue avec lui sur la manière dont il vérifie les faits relatifs aux allégations de persécution, l’impact surprenant que ce travail a eu sur sa foi et la manière dont il prend soin des membres du personnel épuisés par ce travail.

Comment aidez-vous vos collaborateurs qui s’épuisent ou sont traumatisés par tous les récits de ravages, de destruction et de violence qu’ils entendent ?

La prière. L’une de nos valeurs fondamentales est que nous sommes des hommes et femmes de prière. Nous savons que nous servons le Seigneur et ces personnes souffrent pour leur foi. Elles ne marchent pas seules et notre Seigneur sera toujours avec elles. Connaître cette vérité nous encouragera toujours à continuer à avancer. Nous lui confions tous nos fardeaux et nos défis pour qu’il intervienne.

Nous proposons également des séances de débriefing aux employés et les aidons à mettre en place de bonnes pratiques pour prendre soin d’eux-mêmes. Notre personnel de première ligne, qui est en contact direct avec les croyants persécutés, est encouragé quotidiennement à vivre une réelle communion les uns avec les autres au sein du ministère et de nos bureaux. Il est important d’avoir autour de soi des personnes qui comprennent et partagent les fardeaux que nous portons au nom de l’Église persécutée, car peu de gens comprennent ou partagent ces fardeaux.

Des temps réguliers de méditation dans les bureaux et les divers départements et des moments de prière réguliers soutiennent également le personnel qui peut être confronté à un événement ou à un incident lié à la persécution. On ne peut pas faire ce travail sans poser des questions difficiles à Dieu, mais heureusement, il est patient et bienveillant envers nous. À mesure qu’il nous révèle comment il fait concourir toutes choses au bien, notre foi et notre relation avec Dieu se renforcent.

Qu’est-ce qui, dans votre travail, a ébranlé votre foi ?

En entendant les souffrances sans fin de nos frères et sœurs, il se peut que nous soyons parfois émotionnellement meurtris. (Parmi les cas les plus graves, on peut citer les violences sexuelles à l’encontre de jeunes femmes et les mauvais traitements infligés à des personnes âgées vulnérables.) Mais il ne s’agit pas de nous. Il s’agit de l’Église souffrante. Nous pouvons parfois avoir l’impression que le traitement injuste infligé aux autres chrétiens est simplement trop. Mais nous savons qu’ils sont forts et fidèles. Leur résilience nous encourage à continuer à marcher avec eux.

Comment votre travail contribue-t-il à la l’Index mondial de Portes Ouvertes ?

Chaque année, nous recueillons des données sur la persécution dans tous les pays de notre région et nous les analysons en recoupant ces rapports avec la vision de différents responsables et experts de tout le pays. Nous évaluons chaque pays sur la base d’un certain nombre de catégories, puis nous envoyons les résultats au centre mondial, qui utilise notre analyse pour attribuer à chaque pays une note finale. [Note de l’éditeur : Pour en savoir plus sur la méthodologie de Portes Ouvertes, cliquez ici]

Lorsque nous recueillons des données, nous essayons d’obtenir des informations provenant de plusieurs sources. Nous voulons que nos contributeurs nous communiquent des données concernant la persécution à partir de contextes spécifiques dans l’ensemble du pays et qu’ils ne se contentent pas de s’appuyer sur une ou deux personnes. Bien entendu, le nombre de contributeurs variera selon qu’il s’agit de l’Éthiopie, qui compte 120 millions d’habitants, de Djibouti (976 000) ou des Comores (888 000). Nombre d’entre nos contributeurs sont des responsables d’église, divers professionnels ou des personnes qui ont de l’expérience sur un large éventail de questions dans le pays.

Après avoir recueilli les données et les informations, nous ne disparaissons pas. Nous allons vers ceux qui sont touchés par la persécution et nous leur disons : « Voici ce que la Bible nous dit, et voici comment nous y répondons. Et vous n’êtes pas seul. » Nous ne voulons pas que l’ennemi les décourage et les fasse revenir sur leur foi.

Comment vérifiez-vous vos données ?

Deux choses sont importantes pour nous à Portes Ouvertes : tout d’abord, nous voulons montrer notre amour, notre engagement et notre souci pour les croyants qui souffrent. Deuxièmement, nous voulons nous assurer que nos informations sont exactes et pertinentes.

Lorsqu’il s’agit d’incidents spécifiques, nous devons déterminer s’ils ont réellement été commis dans le but d’attaquer ou de nier les droits des chrétiens à vivre sur un pied d’égalité avec leurs concitoyens.

Ainsi, comme je l’ai dit précédemment, nous essaierons de recouper et de diversifier nos sources. Nous examinons les recherches existantes sur un pays, y compris les sources primaires et secondaires. Nous nous adressons à nos contributeurs. Il arrive qu’ils nous fassent découvrir de nouvelles informations ou un nouveau contexte dans un pays donné. Nous ne nous précipitons pas. Nous essayons de comprendre ce qui s’est passé et pourquoi.

Il s’agit d’un défi, car les gouvernements et autres auteurs de persécutions tentent de jeter le doute sur les informations en disant que nous ne connaissons pas le contexte. Bien entendu, la plupart des persécuteurs ne diront pas qu’ils persécutent les chrétiens en raison de leur foi. Nous avons besoin de pouvoir examiner une situation sous de nombreux angles. Nous voulons être précis, et nous voulons nous assurer qu’il s’agit de quelque chose qui s’est produit à cause de la foi en Christ. Nous ne pouvons pas dire que le pays traite ses citoyens chrétiens de telle ou telle manière si nous n’avons pas procédé à une évaluation approfondie.

Tout en mettant l’accent sur l’exactitude et la qualité de l’information, nous essayons également d’agir de manière pastorale envers ces personnes qui souffrent bel et bien de la persécution, et nous essayons de leur témoigner de l’amour.

Quelle est la partie la plus difficile de votre travail lorsqu’il s’agit de recueillir et de vérifier des informations ?

La sûreté et la sécurité de nos sources constituent un réel défi. Nous voulons disposer d’un maximum d’informations et nous voulons qu’elles soient corroborées par diverses sources. Mais ces objectifs s’accompagnent également du risque d’exposer des personnes.

En fin de compte, [dans certains pays,] beaucoup de données sont disponibles pour aider à analyser la situation, mais il est trop dangereux de rendre publics les détails de tel ou tel incident. Dans certains contextes, il se peut que nous soyons très discrets et que nous n’entrions pas dans les détails parce que nous sommes inquiets pour nos sources.

Nous aimerions rapporter les témoignages de ces croyants qui nous ont raconté leur histoire dans les larmes et nous partagent quelque chose que nous serions portés à transmettre au reste du monde. Mais si nous le faisions, nous risquerions de leur infliger des souffrances supplémentaires.

Ce que je veux que les lecteurs comprennent en lisant ce rapport, c’est que ces chiffres concernent bien tous des chrétiens : des mères, des frères, des pères et des enfants qui font face à l’incertitude dans leur vie de tous les jours. Ces chiffres vous parlent des larmes de votre frère ou de votre sœur dans une partie du monde où l’on n’a pas le droit d’exercer simplement sa propre foi. J’encourage les gens à penser à eux, à en parler et à prier pour eux.

Quel type d’impact votre travail a-t-il eu sur votre foi ?

L’encouragement. Les gens nous posent souvent cette question, à moi et à mes collègues, parce que nous étudions et entendons des histoires tristes de nos frères et sœurs.

Lorsque nous rencontrons ces hommes et femmes de Dieu courageux qui sont persécutés simplement pour leur foi, simplement parce qu’ils se sont identifiés à une autre forme de foi en dehors du groupe confessionnel dominant, lorsqu’ils nous racontent histoire après histoire, et lorsqu’ils finissent par nous dire, malgré tout cela, « Nous sommes heureux de connaître le Christ et nous continuerons à l’adorer, même si on nous refuse nos droits, si on nous attaque physiquement ou si on nous tue, si nos biens sont confisqués ou détruits, et tout cela nous rendra plus forts. Nous ne renions pas notre foi », nous retrouvons du courage et de la motivation dans notre vie personnelle et dans notre ministère.

Parfois, nous pensons que nous sommes dans une meilleure situation, mais ces personnes, dans ce contexte, sont très fortes. Nous avons beaucoup à apprendre d’elles.

Quels sont les cas de persécution chrétienne dans votre région d’Afrique de l’Est que vous aimeriez porter à notre attention ?

Je commencerai par le Mozambique, où les chrétiens sont quotidiennement menacés par l’extrémisme islamique. Un groupe voudrait établir un État islamique dans la partie nord du pays et a pris pour cible le gouvernement, les soldats et même les musulmans modérés.

Les chrétiens sont des cibles, car lorsqu’il attaque, l’État islamique questionne d’abord votre foi. S’ils savent que vous êtes chrétien, vous serez plus sévèrement exposé. Cette situation a rendu difficile la vie normale des chrétiens et beaucoup d’entre eux ont été déplacés. Comme ils savent que l’insurrection les attaquera, beaucoup sont partis en masse. Des milliers et des milliers de chrétiens ont fui, ainsi que des musulmans modérés.

En Érythrée, depuis plus de 20 ans, les chrétiens sont confrontés à de graves persécutions. Les chrétiens érythréens ne peuvent pas se réunir pour prier ; ils ne peuvent pas confesser ouvertement leur décision de suivre le Christ. S’ils sont jetés en prison, ils ne peuvent pas bénéficier d’un procès en bonne et due forme. La prison peut signifier vivre dans un conteneur ou une petite cellule pendant de nombreuses années sans jugement.

Il y a quelques jours, le gouvernement érythréen a de nouveau arrêté des chrétiens. S’ils les trouvent en train de prier ensemble, ils les rassemblent et les envoient en prison. Mais pour la famille de la personne arrêtée, personne ne leur dira ce qui s’est passé et pourquoi.

Enfin, le Soudan. L’année dernière, en avril, la guerre a éclaté au Soudan. Avant cette guerre, les observateurs et certains citoyens étaient enthousiastes et espéraient que le pays deviendrait un jour un meilleur endroit pour l’exercice de la liberté de religion et des droits.

Depuis le début de la guerre, de nombreuses églises ont été attaquées, bombardées et brûlées. [Il y a deux semaines], le 12 janvier, une église de la grande ville de Wad Madani a été bombardée. Le groupe armé soupçonné a confisqué tout ce qui se trouvait dans l’enceinte, puis y a mis le feu.

Bien entendu, l’affrontement entre les deux partis n’est pas ouvertement religieux. De part et d’autre ce sont des militants islamiques. D’un côté, il y a l’armée et de l’autre, les Forces de soutien rapide, des personnes qui travaillaient sous le régime de Bashir, l’ancien régime.

Les chrétiens qui souffrent déjà en raison de leur foi sont d’autant plus désavantagés que leurs proches qui ne sont pas chrétiens peuvent les avoir rejetés et qu’il est difficile de trouver de la nourriture et une protection dans un pays en guerre. De nombreuses personnes ont été déplacées et les pasteurs déplacés ne sont plus en mesure de s’occuper de leurs communautés. Ils fuient également pour leur vie et leur sécurité.

Y a-t-il une conversation que vous avez eue avec un chrétien persécuté qui vous a particulièrement inspiré ?

J’ai parlé à un pasteur soudanais qui a survécu de justesse au bombardement de son église à Khartoum, la capitale. Il a exercé son ministère pendant de nombreuses années et a payé cher sa décision de déclarer publiquement sa foi et son engagement dans le service. Mais lorsque l’attentat a eu lieu, il était vraiment triste. Il s’est senti impuissant ; il n’était pas en mesure d’aider sa communauté ou de protéger sa famille, et sa vie.

Je le connais depuis de nombreuses années et nous sommes régulièrement en contact pour la prière. Il m’a dit : « Fikiru, je ne peux que te demander de prier pour moi et pour les gens que je sers. Je ne peux pas dire combien de temps je resterai en vie ou en sécurité. La situation s’aggrave. » Ce qui m’a touché, c’est que pendant toutes les années où j’ai été en contact avec lui, il n’avait pratiquement pas parlé de prier pour lui-même ; il a toujours prié pour les personnes qu’il servait. C’est dire la pression qui pèse sur les épaules des pasteurs et des responsables.

Une autre histoire concerne la Tanzanie, un pays où l’influence de l’islam se fait de plus en plus sentir dans certaines parties du pays. Actuellement, chaque fois qu’une personne d’origine musulmane décide de devenir croyante, ses parents et sa famille la persécutent. Une femme nous a dit qu’elle était l’un des membres préférés de la famille, que son père l’aimait vraiment et qu’elle était soutenue par sa mère et ses proches jusqu’à ce qu’elle décide de suivre le Christ.

Dès qu’ils ont appris sa décision, ils ont commencé à la battre et à l’attaquer. Lorsque je lui ai rendu visite, ses bras étaient couverts de blessures causées par des attaques à la machette. Leur intention était de la tuer.

« Fikiru, m’a-t-elle dit, ils l’ont fait pour m’arrêter. Mais même si je perds leur soutien et que je perds ma vie, je continuerai à adorer et à servir le Seigneur. »

Cette histoire m’a profondément ému : même s’il y a beaucoup d’histoires tristes sur les chrétiens persécutés dans notre région, il y a aussi un côté encourageant, car ces personnes ont décidé qu’elles étaient prêtes à payer ce prix.

En tant que chrétiens, nous devrions prier pour ces personnes, leur dire qu’elles ne sont pas seules, puis parler en leur nom à tout endroit susceptible d’influencer leurs persécuteurs, qu’il s’agisse du gouvernement ou d’acteurs non étatiques, et leur demander de les laisser tranquilles et de leur permettre de mener décemment leur vie.

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J’ai trébuché dans les pas du bon samaritain.

Lorsque nous nous imaginons en héros, nous oublions souvent notre humanité.

Christianity Today January 24, 2024
Illustration de Hokyoung Kim

Il me semble que beaucoup d’entre nous lisent la parabole du bon Samaritain en pensant que son message fondamental pourrait se résumer ainsi : « Pour l’amour du ciel, ne soyez pas un abruti. »

Le scénario de l’école du dimanche se déroule ainsi dans notre esprit. Un pauvre innocent a été brutalement battu et toute personne raisonnablement morale serait horrifiée. Le prêtre et le lévite le voient et passent de l’autre côté de la route. Nous sommes étonnés par leur comportement insensible. Voilà qui n’est certainement pas ce qu’un être humain digne de ce nom ferait ! Comment peuvent-ils supporter de laisser le pauvre homme étendu sur le bord de la route ? Sans trop réfléchir, nous nous intégrons dans l’histoire avec le costume du bon Samaritain, certains que si un tel événement se présentait un jour dans notre vie quotidienne, nous ferions évidemment ce qu’il faut.

Pour ma part, vivre cette parabole m’a révélé une réalité très différente.

Je suis en train de rentrer chez moi, dans l’intérieur des terres rurales du Burundi, pays d’Afrique de l’Est, où je vis et travaille comme médecin missionnaire. Ces derniers jours ont été un marathon de réunions interculturelles et multilingues très stressantes concernant l’accréditation internationale de notre école de médecine. Je me prépare à faire un voyage de trois heures pour rentrer chez moi et je suis complètement épuisé. Je ne souhaite rien de plus que de voir ma famille et de partager le plat à emporter qui se trouve actuellement sur le plancher devant mon siège passager.

Ma voiture serpente sur les petites routes de montagne bordées de bananiers et de palmiers. Ce trajet dangereux, avec ses pentes abruptes et sa visibilité limitée, a été une terreur pendant les premières années où j’ai vécu ici, mais il est maintenant devenu plus ou moins banal. Tout en conduisant, je prie pour que les heures du voyage m’allègent un peu du poids que je ressens.

Au sortir d’un nouveau tournant, de l’agitation se dévoile soudain à mes yeux : des éclats de verre, une moto démolie et un mouvement chaotique de personnes sur le bord de la route. Deux jeunes hommes traînent un corps loin de la moto sur le macadam, l’un tenant une jambe et l’autre un bras, jusqu’à l’étroit accotement de gravier de la route qui surplombe un ravin escarpé.

Je réalise que cet accident s’est produit il y a quelques instants. Je vis une tempête soudaine entre conviction et indécision. J’ai tellement envie de continuer à rouler. Après tout, personne sur place ne connaît l’obligation que j’ai d’aider. Pour moi aussi, les enjeux sont importants. Je dois rentrer chez moi avant que la nuit ne rende la conduite dangereuse. S’impliquer peut conduire à se faire extorquer ou même accuser d’être responsable de l’accident. La seule chose qui me pousse à m’arrêter, c’est le serment que j’ai prêté lorsque je suis devenu médecin, et le fait que passer à côté avec ma voiture rendrait ce serment pratiquement caduc. Je connais intimement l’absence de services d’urgence dans cette région et je sais qu’il n’y a pas d’autre aide à attendre.

Je m’arrête et je sors. « Je suis médecin », dis-je dans un kirundi hésitant. Je m’agenouille près de l’homme inconscient, qui présente une large blessure à la tête et dont le sang épais forme une traînée jusqu’à l’endroit où il était allongé sur la route. Je constate qu’il respire, que ses pupilles réagissent à la lumière et que son pouls est bon. Il pourrait s’en sortir s’il parvient à l’hôpital.

« Quelqu’un parle-t-il français ici ? » J’interroge les jeunes hommes à côté de moi. Quelques secondes plus tard, un autre homme émerge de la foule et me salue en français. Je l’interroge : « Quelqu’un d’autre est blessé ? »

Alors qu’il désigne un petit attroupement à 20 mètres de là, je m’étonne de ne pas avoir encore remarqué les gémissements qui proviennent de cette direction. Je vais voir. Une jeune femme hurle alors que j’inspecte sa large fracture ouverte du tibia. La blessure à la jambe est grave, mais elle est manifestement consciente et respire bien.

J’ai fait tout ce qu’il était possible de faire sur le bord de la route. « Qu’allez-vous faire ? », interrogé-je le jeune francophone. Son visage présente l’air trop familier de l’impuissance — pas de moyen de transport, pas d’argent, et personne vers qui se tourner parce que tout le monde autour de vous est dans la même situation.

Je réalise à nouveau qu’ils ne peuvent pas compter sur un quelconque service d’urgence. Ils espèrent peut-être qu’un taxi emmènera quelqu’un quelque part dans les six prochaines heures, mais cela pourrait bien être trop tard, surtout pour l’homme inconscient.

« J’ai de la place pour emmener l’un d’entre eux à l’hôpital situé un peu plus loin », proposé-je.

L’homme à côté de moi répond immédiatement : « Prends la fille ! »

« Le type est en plus mauvais état », rétorqué-je.

« Il est déjà mort. »

C’est si manifestement faux que je commence à m’énerver. « Il respire ! », m’exclamé-je.

L’homme regarde le corps abandonné sur la route, comme s’il le considérait pour la première fois. Je soupçonne que le conducteur de la moto est un inconnu pour les passants tandis que la femme blessée (mais dans un état moins critique) est une amie, peut-être même un membre de la famille.

Je soupire. « Écoutez, laissez-moi essayer de mettre les sièges bien à plat dans ma voiture. Peut-être que je peux les prendre tous les deux. » Je me débats avec mes sacs et les sièges de mon RAV4. Il y a juste assez de place pour que les deux blessés puissent s’allonger et qu’un parent puisse s’accroupir à côté de la femme blessée. Nous sommes tous les quatre prêts à partir.

À ce stade, la police locale est arrivée sur les lieux. J’essaie d’expliquer l’urgence d’amener les blessés à l’hôpital. Mais les officiers veulent que je reste sur place pour faire une déclaration et transmettre mes coordonnées. Je n’ai aucune envie d’être mêlé à une affaire de police locale. Finalement, je les persuade de me laisser partir et je me m’apprête à poursuivre ma route avec ma voiture pleine de corps.

Le francophone m’arrête. « N’allez pas à l’hôpital le plus proche. S’il vous plaît. S’il vous plaît, ramenez-les en ville dans un meilleur hôpital. » Faire demi-tour jusqu’à la ville signifie que je ne pourrai pas rentrer à la maison avant le coucher du soleil comme prévu. Mais je sais qu’il a raison. J’ai été à l’hôpital le plus proche et il ne pourra pas aider. Il me dit dans quel hôpital les emmener. Je connais l’endroit et je suis d’accord.

C’est sur la route que je commence à réaliser que nous sommes en train de rejouer la parabole du bon Samaritain. Il y avait des blessés sur le bord de la route, et je devais prendre la décision de passer comme tout le monde ou de les emmener à l’hôpital. Les similitudes sont frappantes, alors pourquoi ne les ai-je pas remarquées plus tôt ?

Le fait est que la situation ne ressemble pas du tout à ce que j’avais imaginé. Je suis tellement en colère, effrayé et fatigué. La femme à l’arrière n’arrête pas de crier « Je meurs ! » en kirundi, et j’ai envie de lui hurler que ses cris ne servent à rien.

Pourquoi aujourd’hui ? J’étais déjà tellement épuisée. Dans mon esprit, le bon Samaritain a toujours été une sorte d’ardoise vierge, sans fardeau préexistant et, à en juger par la façon dont il a mis tout cela de côté, sans besoin urgent de s’occuper de ses propres affaires. J’ai vu sa générosité, mais j’ai pensé qu’elle provenait d’une marge que je n’ai pas. Si je disposais d’une telle marge, je réagirais aussi gracieusement que lui. Mais arrive-t-il qu’une personne réelle se trouve vraiment dans cette situation ?

Peut-être que suivre le bon Samaritain signifie reconnaître que nos propres fardeaux, notre propre fatigue et même nos propres besoins nous accompagnent jusque dans ce récit.

La descente de la montagne est éprouvante. J’ai sur mon siège arrière des étrangers gravement blessés pour lesquels le temps est compté. J’ai aussi une route dangereusement sinueuse avec des accotements étroits, de nombreux nids-de-poule, des foules de piétons et de vélos qui se partagent les voies, et des camions qui « dévalent » la montagne à dix kilomètres à l’heure. Se hâter sur cette route porterait une conduite normalement risquée à un niveau de folie que je dois consciemment éviter. À un moment donné, je freine brusquement et le capot de ma voiture s’arrête tout juste sous l’arrière d’un semi-remorque en surplomb. Je respire profondément et commence à prier à haute voix pour étouffer les cris de la femme à l’arrière.

Je pense aux risques. Partir avec ces personnes dans ma voiture pourrait encore signifier avoir affaire à la police locale, ce qui m’est déjà arrivé et que j’aimerais vraiment éviter. Descendre rapidement de la montagne pourrait mettre ma propre vie en danger. L’un de mes amis m’a raconté qu’il s’était rendu à l’aéroport en voiture, la nuit, et qu’il avait vu un corps allongé sur le bord de la route. Alors qu’il se demandait s’il devait s’arrêter, il s’est souvenu d’histoires dans lesquelles un tel corps était une ruse pour inciter les gens à s’arrêter afin qu’ils puissent être attaqués et volés. Il a poursuivi sa route. Je comprends parfaitement.

Chacune de ces possibilités trouve facilement sa place dans la parabole. Le Samaritain craignait-il une escroquerie ? Cela n’aurait pas été déraisonnable. Allait-il s’attirer les foudres des forces de l’ordre locales en essayant d’aider ? J’ai toujours supposé que l’auberge se trouvait plus loin sur la même route, mais peut-être que le Samaritain a dû faire marche arrière comme moi et s’exposer ainsi aux dangers non négligeables du voyage de nuit.

Ma vie ici au Burundi me donne de nombreuses possibilités pour apprécier la situation. Que pourrait-il m’arriver ou arriver à d’autres personnes si je m’implique ? Quel est le bénéfice probable si je plonge les mains dans le cambouis ? Il est sage de prendre les risques en considération, mais le risque en soi ne signifie pas que nous ne sommes pas appelés à entrer dans cette histoire. Peut-être que suivre le bon Samaritain signifie aussi accepter qu’un certain risque — pas seulement un coût ou un désagrément, s’ensuive inévitablement.

C’est avec soulagement que j’arrive en ville et que je me dirige vers l’hôpital. J’entre dans la propriété par un portail et je finis par trouver la zone d’urgence. Je gare la voiture et saute dehors, arrêtant le premier type en blouse que je vois.

« J’ai deux patients en traumatologie dans ma voiture. Un homme inconscient avec une blessure à la tête et une femme avec une fracture ouverte du tibia. »

Il me regarde fixement. J’essaie à nouveau, mais en vain. Après quelques minutes, le médecin qui semble être le responsable sort. Je le conduis rapidement à la voiture et ouvre le hayon arrière. L’homme est toujours inconscient. La femme est plus calme pendant un moment, s’appuyant sur son parent accroupi à côté d’elle. Je cherche un brancard ou un fauteuil roulant. Je ne comprends pas pourquoi, alors que j’ai risqué ma vie en dévalant la montagne, personne n’agit.

Le médecin commence à discuter calmement avec les personnes conscientes qui se trouvent dans ma voiture. Je peux comprendre qu’il demande de l’argent. Il fait claquer sa langue avec regret et se tourne vers moi. « Ah, vous voyez, il y a un problème. Ils n’ont pas d’argent. Nous ne pouvons pas nous occuper d’eux. »

Il s’agit effectivement d’un hôpital privé, et je comprends qu’un hôpital ne puisse rester solvable sans un certain nombre de revenus pour couvrir ses services. Qu’un paiement soit envisageable ou non, je n’avais cependant jamais imaginé qu’un médecin puisse manquer de motivation pour soigner dans une situation d’urgence comme celle-ci. Je comprends maintenant pourquoi personne n’a sorti les blessés de ma voiture. L’hôpital veut s’assurer que je les reprendrai.

Je tente de faire face. Je lui explique mon rôle de responsable médical dans la région et lui demande s’il est d’accord pour que j’appelle son supérieur et que je lui rapporte ses propos. Il me regarde avec le regard trop calme de quelqu’un qui a cette conversation tous les jours. « Absolument », dit-il.

« Eh bien, où puis-je les emmener ? »

« Je ne sais pas. »

« Puis-je les emmener à l’autre hôpital situé juste en bas de la route ? »

« Je ne sais pas. »

Je claque le coffre, monte dans ma voiture et sors sans un mot de plus.

Ce n’est pas pour cela que j’ai signé. Mon travail consistait à amener ces personnes à l’hôpital, où ma générosité serait appréciée et où quelqu’un d’autre s’en chargerait. À présent, il me faut continuer : pas parce que j’ai le choix, mais parce que je suis coincé.

Cela aurait-il pu arriver au bon Samaritain ? J’ai toujours imaginé l’aubergiste souriant pour l’accueillir, mais qui voudrait d’un inconnu à moitié mort dans son établissement, même si ses frais sont couverts ? Cette auberge était-elle la première que le bon Samaritain a rencontrée, ou a-t-il dû faire des recherches et quémander pendant un certain temps ? Et s’il avait essayé d’autres auberges et découvert qu’elles ne voulaient pas d’un homme ensanglanté et inconscient qui risquait d’effrayer leur meilleure clientèle (comme les prêtres et les lévites) ? Et si personne d’autre que le Samaritain ne se souciait de savoir si l’homme blessé vivrait ou mourrait ?

Au fur et à mesure que les complexités de la parabole se déploient, je réalise de plus en plus que suivre le bon Samaritain peut signifier s’impliquer plus en profondeur et être plus seul que je ne l’imaginais.

Au bout de la route, je me gare dans l’autre hôpital. Je ne peux même pas trouver les urgences sans une aide conséquente. Il s’agit d’un petit bâtiment situé derrière le reste du campus, comme s’il avait été pensé 30 ans plus tard. Je me gare en me demandant quelle sera la réception. J’entre aux urgences et demande qu’une infirmière vienne à ma voiture. J’explique la situation alors qu’une petite foule se forme. L’infirmière regarde à l’arrière de la voiture et disparaît dans les urgences sans un mot de plus. Je ne sais pas trop ce qui se passe.

Au moins 10 minutes plus tard, une civière apparaît et la femme blessée y monte. Elle disparaît à l’intérieur de l’hôpital avec le membre de la famille qui l’accompagnait. Il ne reste plus que l’homme encore inconscient. Il respire encore, et je suis heureux de voir qu’il commence à gémir un peu. C’est embarrassant, mais je n’arrête pas de penser que je suis sur le point de retrouver ma voiture.

Une dame se trouvant à proximité demande : « Comment connaissez-vous ces personnes ? »

« Je ne les connais pas. Je passais juste en voiture, et ils avaient besoin d’aller à l’hôpital. »

« Que Dieu vous bénisse »

J’ai juste envie de pleurer.

Après le retour de la civière et l’embarquement de l’homme, je demande à voir le membre de la famille qui a fait la route avec moi. Je veux lui donner un peu d’argent discrètement pour couvrir quelques dépenses initiales, mais je crains qu’il ne l’utilise entièrement pour sa parente et qu’il ne néglige l’homme.

Je décide d’échanger la discrétion contre la redevabilité et d’éviter une longue discussion sur le montant d’argent dont il a besoin. Je m’installe d’abord sur le siège du conducteur pour sécuriser ma fuite, puis je baisse la vitre. Je montre l’argent au membre de la famille et à la foule omniprésente qui l’entoure. « La moitié est pour ta parente, mais l’autre moitié est pour l’autre gars. » Une personne choisie au hasard dans la foule confirme qu’elle comprend et que tout le monde ici voit que cet homme doit dépenser la moitié de l’argent pour le motocycliste. Je fais un bref signe de tête, remets l’argent à l’homme et démarre.

Je me remémore que le bon Samaritain a promis de revenir et de couvrir toutes les dépenses supplémentaires. J’habite à trois heures de route et j’ai mon propre hôpital plein de patients. J’imagine que le bon Samaritain pourrait aussi avoir eu ce genre de niveau de responsabilité. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas l’intention de revenir.

Le trajet du retour à la tombée de la nuit est stressant, mais heureusement sans incident. En passant devant le lieu de l’accident, j’essaie de me cacher le visage. Je pense que la foule (qui est toujours là) m’a peut-être reconnu, mais je continue.

Tard dans la nuit, j’arrive chez moi. Je m’effondre sur le canapé. J’ai envie de pleurer, mais je me sens trop accablé. Que s’est-il passé ? Je n’en suis pas vraiment sûr. D’après mon évaluation médicale, la vie de deux personnes a peut-être été transformée, mais essayer de suivre le bon Samaritain s’est révélé totalement différent de ce que j’avais imaginé.

« Qui est mon prochain ? », demandait l’homme à qui Jésus a raconté cette histoire. Va et sois un prochain, conclut Jésus (Lc 10.25-37).

Cette histoire m’a fait mal. Mon réservoir émotionnel était presque vide lorsque toute cette affaire a commencé, et j’ai fini par gratter son fond asséché à plusieurs reprises. J’avais décidé de m’engager jusqu’à un certain point, et chaque fois que j’atteignais ce point, on me demandait d’aller plus loin, encore et encore.

Mais comme Martin Luther King Jr le formulait dans son discours intitulé « Je suis allé au sommet de la montagne », le prêtre et le lévite se demandent : « Si je m’arrête pour aider cet homme, que m’arrivera-t-il ? » Le Samaritain, lui, se demande : « Si je ne m’arrête pas pour aider cet homme, que lui arrivera-t-il ? » La parabole nous appelle à sortir de nous-mêmes et à nous sacrifier pour les autres. Aimer, c’est se sacrifier, et le sacrifice fait mal.

Il n’y a pas eu d’action héroïque. Tout ce qu’il y a eu, c’est le désordre : un mélange de mes propres fardeaux et des fardeaux inattendus des autres. Le risque irréductible lié à l’entrée dans une situation de douleur et de besoin. Une expérience solitaire qui m’a coûté bien plus que ce que j’avais prévu.

C’est pourtant à cela que pourrait ressembler la parabole. Avant cette expérience, si vous m’aviez demandé de répondre à l’appel de la parabole du bon Samaritain, je pense que j’y aurais consenti, malgré quelques hésitations.

Mais je comprends à présent les présupposés qui étaient les miens. Je supposais qu’une telle occasion de sacrifice se présenterait à un moment qui serait, si ce n’est parfait pour moi, un peu meilleur ou au moins moins difficile. Je supposais que l’aubergiste m’accueillerait avec un sourire et que d’autres se rallieraient à moi pour collaborer. Je pensais que le coût serait plus financier qu’émotionnel. Je pensais que le fait d’obéir, même si c’était difficile, aboutirait à un sentiment de satisfaction, comme la respiration lourde et la sueur qui viennent à la fin d’une bonne séance d’entraînement.

Mais ce n’est pas comme cela que les choses se passent. En tant que formateur médical dans l’un des pays les plus pauvres du monde, je peux dire que les coûts émotionnels sont toujours élevés, qu’il s’agisse d’aider une ou deux personnes sur le bord de la route ou de s’attaquer aux problèmes systémiques qui font que des personnes restent blessées sur le bord de la route. S’efforcer de modifier le système en amont est sage, mais aussi complexe.

Les crises surviennent lorsque nous prions pour qu’elles n’arrivent pas, et les risques et les coûts peuvent s’accroître bien au-delà de ce que nous avions prévu, alors que nous sommes entraînés de plus en plus loin dans la mêlée.

Ces coûts me reviennent souvent à l’esprit lorsque je vois le sang séché que je n’ai pas réussi à enlever des tissus de notre RAV4. Mais c’est dans ce désordre et cette douleur que se déroule la parabole.

Si je pouvais revenir en arrière et recommencer, je me rappellerais d’autres paroles de Jésus qui ne m’ont pas effleuré l’esprit ce jour-là. En Matthieu 25.40, Jésus nous dit que servir ceux qui sont dans le besoin, c’est le servir. Il était présent dans mon coffre, inconscient. Il était présent dans cette femme qui hurlait.

Mon sacrifice était en fait une occasion de transporter mon Seigneur à travers la ville jusqu’à ce qu’il trouve un endroit convenable.

N’attendons pas un moment imaginaire où les circonstances et les humeurs s’alignent idéalement. Accueillons les blessures inévitables de notre monde déchu comme les opportunités douloureuses, mais bénies, qu’elles sont.

Évaluons ensemble les risques de l’amour chrétien et soutenons-nous les uns les autres dans notre douleur. Souvenons-nous que notre Seigneur est présent dans ceux qui sont dans le besoin — et en nous, malgré notre propre insuffisance.

Eric McLaughlin est médecin missionnaire au Burundi et auteur de Promises in the Dark: Walking with Those in Need Without Losing Heart.

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Illustration by Kumé Pather

Plus de 5 000 chrétiens ont été tués pour leur foi l’année dernière. Près de 4 000 ont été enlevés.

Près de 15 000 églises ont été attaquées ou fermées.

Et plus de 295 000 chrétiens ont été déplacés de force de leur foyer en raison de leur foi.

Selon l’Index mondial 2024 de l’organisation Portes Ouvertes, l’Afrique subsaharienne, épicentre du christianisme mondial, reste aussi l’épicentre de la violence contre les disciples de Jésus. Son rapport annuel met en lumière les 50 pays où il est le plus dangereux et le plus difficile d’être chrétien.

Cette année, le nombre de meurtres de chrétiens et d’enlèvements est inférieur à celui recensé l’année dernière . Portes Ouvertes souligne cependant le fait que ces chiffres représentent des « minimales absolues ». L’organisation attribue ces baisses à la période de calme qui a précédé les dernières élections présidentielles au Nigeria. Le Nigeria rejoint cependant la Chine, l’Inde, le Nicaragua et l’Éthiopie au nombre des pays à l’origine de l’augmentation significative du nombre d’attaques contre les églises.

Dans l’ensemble, 365 millions de chrétiens vivent dans des pays où les niveaux de persécution ou de discrimination sont élevés. Cela correspond à un chrétien sur sept dans le monde, dont un sur cinq en Afrique, deux sur cinq en Asie et un sur seize en Amérique latine.

Et pour la quatrième fois seulement en trois décennies de suivi, les 50 pays ont obtenu des résultats suffisamment préoccupants pour être classés comme présentant un niveau « très élevé de persécution dans le classement établi sur la base de 84 questions. Il en va de même pour sept autres nations classées juste au-delà de la limite. La Syrie et l’Arabie saoudite, quant à elles, sont entrées dans la catégorie des persécutions « extrêmes », portant le total de cette catégorie à treize pays.

L’objectif de l’Index annuel est de guider les prières et de susciter une indignation qui conduise à l’action tout en montrant aux croyants persécutés qu’ils ne sont pas oubliés.

La version 2024 couvre la période du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023 et a été compilée à partir des rapports de terrain de collaborateurs de Portes Ouvertes installés dans 25 bases nationales et soutenant le travail dans plus de 70 pays. La méthodologie est vérifiée par l’Institut international pour la liberté religieuse.

Lorsque la liste avait été publiée pour la première fois en 1993, seuls 40 pays obtenaient un score suffisamment élevé pour justifier un suivi. Cette année, 78 pays se sont qualifiés.

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Où les chrétiens sont-ils le plus persécutés aujourd’hui ?

La Corée du Nord reste classée au premier rang, comme chaque année à l’exception de 2022 où l’Afghanistan l’avait brièvement supplantée. Le reste du top 10 a été remanié, mais resté inchangé dans sa composition : Somalie (2), Libye (3), Érythrée (4), Yémen (5), Nigeria (6), Pakistan (7), Soudan (8), Iran (9) et Afghanistan (10).

Le pays le plus meurtrier pour les chrétiens est le Nigeria, avec plus de 4 100 chrétiens tués pour leur foi, soit 82 % du total mondial. Sur l'ensemble, 15 pays subsahariens ont obtenu un score « extrêmement élevé » pour l'indicateur de violence de Portes Ouvertes. Au Mali (14) et au Burkina Faso (20), le rapport pointe les failles dans le maintien de la sécurité par le gouvernement qu’exploitent les djihadistes, tandis qu’en Éthiopie (32) les attaques contre les églises ont fortement augmenté.

Portes Ouvertes évalue chaque pays sur une échelle de 100 points. Des augmentations de plus de 4 points ont été enregistrées à Oman (4,2), au Burkina Faso (4,8), au Nicaragua (5,3), en Algérie (6,1) et au Laos (6,6). Oman est passé de la 47e à la 31e place, bien que les détails des statistiques sur la violence dans le pays soient tenus secrets pour des raisons de sécurité. Pour sa deuxième année sur la liste, le Nicaragua est passé de la 50e à la 30e place en raison de l’hostilité ouverte du gouvernement à l’égard de l’Église. L’Algérie est passée du 19e au 15e rang, les autorités ayant intensifié leur campagne contre l’Église protestante, dont seules 4 des 46 églises restent ouvertes.

Pays où il est le plus difficile de suivre Jésus :



1. Corée du Nord
2. Somalie
3. Libye
4. Érythrée
5. Yémen
6. Nigeria
7. Pakistan
8. Soudan
9. Iran
10. Afghanistan
11. Inde

En revanche, le Laos, qui est passé de la 31e à la 21e place, est aussi cité comme source de réjouissance.

« Je n’ai jamais vu de lien plus clair entre croissance de l’Église et croissance de l’opposition, ce qui se traduit par des scores plus élevés », explique un chercheur de Portes Ouvertes. « Je trouve réconfortant que les versets bibliques prédisant ce lien soient toujours d’actualité. »

La Colombie est le seul pays du top 50 à enregistrer une baisse d’au moins 2 points (2,5), passant de la 22e à la 34e place. Des améliorations significatives ont également été observées au Vietnam (qui est passé du 25e au 35e rang), en Indonésie (du 33e au 42e rang) et en Turquie (du 41e au 50e rang).

D’autres signes d’espoir ont été observés au Mali, où les citoyens ont approuvé une nouvelle constitution qui reconnaît clairement la minorité chrétienne et pourrait conduire à un retour à un régime civil. Dans l’État indien du Karnataka, un parti d’opposition a délogé le parti nationaliste hindou BJP en s’engageant à revenir sur des lois locales anti-conversion.

Pays où les chrétiens sont confrontés à la plus grande violence :



1. Nigeria
2. Pakistan
3. Inde
4. Nom non divulgué
5. Érythrée
6. Mali
7. Myanmar
8. Bangladesh
9. République Centrafricaine
10. République Démocratique du Congo (RDC)

Période de référence de Portes Ouvertes : 1er octobre 2022 – 30 septembre 2023

Mais dans l’ensemble, l’Inde conserve sa place de numéro 11, car les attaques contre les maisons de chrétiens ont doublé pour atteindre 180, les décès de chrétiens ont été multipliés par neuf pour atteindre 160, et les attaques contre les églises et les écoles chrétiennes sont passées de 67 à 2 228. Si l’on y ajoute les 10 000 fermetures d’églises estimées en Chine (19), ces deux pays totalisent près de 83 % de tous les incidents violents survenus contre les églises en 2023.

Pourtant, c’est l’augmentation de 8,3 % du score global du Nicaragua qui représente l’évolution la plus rapide de toutes les nations de l’Index. Plutôt que de voir là une nouvelle tendance, Portes Ouvertes estime que les restrictions législatives « sur mesure » à la liberté religieuse dans ce pays d’Amérique centrale, la saisie de biens chrétiens et l’arrestation ou l’exil de dirigeants religieux sont la preuve que le Nicaragua « s’aligne » de plus en plus sur la Cuba communiste (passée de n° 27 à n° 22).

Les tentations autoritaires se manifestent ailleurs également, la Chine et la Russie (non classée, mais suivies par Portes Ouvertes) étendant leur influence notamment en Afrique. Le Nigeria est le plus important de nombreux investisseurs dans les technologies de surveillance exportées par Pékin, tandis que le groupe russe Wagner a fait des percées sur le continent en apportant une assistance en matière de sécurité au Burkina Faso, au Mali, à la République centrafricaine (n° 28) et au Mozambique (n° 39).

Il n’y a pas de nouveaux pays dans le top 50 de cette année.

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De quelles manières les chrétiens sont-ils persécutés dans ces pays ?

Portes Ouvertes suit la persécution dans six catégories, notamment la pression sociale et gouvernementale sur les individus, les familles et les communautés, et s’intéresse aussi particulièrement aux femmes.

Lorsque l’on se concentre sur la catégorie des violences contre les personnes, les dix premiers persécuteurs changent radicalement et seul le Nigeria reste en place (voir ci-contre).

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Le nombre de martyrs a diminué de plus de 600 par rapport à l’année précédente, puisque Portes Ouvertes a recensé 4 998 chrétiens tués pour leur foi au cours de la période considérée. Représentant une baisse de 11 %, ce bilan reste le deuxième plus élevé depuis le record de 2016, qui était de 7 106 décès. Le Nigeria représentait 82 % du total. La République démocratique du Congo arrive en deuxième position avec 261 chrétiens tués, et l’Inde en troisième position avec 160.

Pays où le plus grand nombre de chrétiens ont été martyrisés :



1. Nigeria : 4118
2. République démocratique du Congo : 261
3. Inde : 160
4. Nom non divulgué : 100*
5. Ouganda : 55
6. Myanmar : 34
7. Burkina Faso : 31
8. Cameroun : 24
9. République centrafricaine : 23
10. Colombie : 16

*Estimation | Période de référence de Portes Ouvertes : 1er octobre 2022 – 30 septembre 2023

Portes Ouvertes est connue pour favoriser une estimation plus prudente que d’autres organisations, qui évaluent souvent le nombre de martyrs à 100 000 par an.

Lorsque les chiffres ne peuvent être vérifiés, les estimations sont données en chiffres ronds de 10, 100, 1 000 ou 10 000, la réalité étant supposée être plus élevée. Dans certains cas, les données nationales ne peuvent pas être fournies pour des raisons de sécurité, ce qui entraîne la désignation « NN » pour l’Afghanistan, les Maldives, la Corée du Nord, la Somalie et le Yémen.

Dans cette rubrique, un pays non nommé se classe quatrième, suivi de l’Ouganda avec 55 meurtres enregistrés, du Myanmar avec 34, du Burkina Faso avec 31, du Cameroun avec 24, de la République centrafricaine avec 23 et de la Colombie avec 16.

Une deuxième catégorie recense les attaques contre les églises et autres bâtiments chrétiens tels que les hôpitaux, les écoles et les cimetières, qu’ils soient détruits, fermés ou confisqués. La Chine et l’Inde sont les principaux responsables de la multiplication par sept du nombre d’incidents, qui atteint 14 766, dépassant ainsi le sommet de 9 488 incidents enregistrés dans le rapport 2020. Le Nigeria (750 incidents), le Nicaragua (347), l’Éthiopie (284) et le Rwanda (120) suivent, tandis que le Soudan, le Burkina Faso, le Niger et l’Angola se sont vus symboliquement imputer une centaine d’incidents.

La catégorie des chrétiens détenus sans procès, arrêtés, condamnés et emprisonnés est passée à 4 125, ce qui représente une baisse d’un quart par rapport au chiffre record de 6 175 enregistré dans le rapport de 2022, mais reste le troisième chiffre le plus élevé depuis que cette catégorie fait l’objet d’un suivi.

Portes Ouvertes divise ce chiffre en deux sous-catégories, avec d’abord 3 329 croyants détenus sans procès, soit une diminution de 6 %. L’Inde arrive en tête avec 2 085 cas, suivie de l’Érythrée avec 322 cas et de l’Iran avec 122 cas. Une nation non nommée, le Pakistan et la Chine présentent un score symbolique de 100 chacun, tandis que le Laos avec 65, Cuba avec 45, le Nicaragua avec 38 et la Libye avec 31 complètent le top 10.

Pays où les églises ont été le plus attaquées ou fermées :



1. Chine : 10000*
2. Inde : 2228
3. Nigeria : 750
4. Nicaragua : 347
5. Éthiopie : 284
6. Rwanda : 120
7. Soudan : 100*
8. Burkina Faso : 100*
9. Niger : 100*
10. Angola : 100*
11. Myanmar : 100*

*Estimation | Période de référence de Portes Ouvertes : 1er octobre 2022 – 30 septembre 2023

Le chiffre de 796 croyants emprisonnés représente lui une baisse de 43 % par rapport aux 1 388 cas déclarés au cours de la période précédente. L’Inde arrive en tête avec 247, tandis qu’un pays non nommé, l’Érythrée, le Pakistan et la Chine ont chacun reçu un total symbolique de 100.

Le nombre de chrétiens enlevés a diminué, passant de 5 259 à 3 906, mais représente toujours le deuxième total le plus élevé depuis que cette catégorie est suivie. Le Nigeria représentait 83 % de l’ensemble, soit 3 300 cas, tandis que le Pakistan, la République centrafricaine et le Congo enregistraient un total symbolique de 100 cas.

La catégorie la plus conséquente, et de loin, est celle des déplacés, avec 278 716 chrétiens contraints de quitter leur foyer ou de se cacher pour des raisons liées à leur foi. On a là plus du double des 124 310 de l’an dernier. En outre, 16 404 chrétiens ont été contraints de quitter leur pays, contre 14 997 l’année dernière. Le Myanmar et le Nigeria arrivent en tête avec 100 000 déplacements internes symboliques, suivis par l’Inde avec 62 119. Le Myanmar est également en tête pour les réfugiés à l’étranger avec un nombre symbolique de 10 000, suivi du Nigeria, de l’Iran, d’un pays non nommé, du Bangladesh et du Congo avec un nombre symbolique de 1 000 réfugiés.

Portes Ouvertes explique que plusieurs catégories sont particulièrement difficiles à décompter avec précision, la plus notable étant les 42 849 cas d’abus physiques et mentaux, y compris les coups et les menaces de mort. (Le décompte de l’année dernière était de 29 411 incidents.) Sur les 75 nations évaluées, 48 se sont vues attribuer un chiffre symbolique. Le Nigeria, le Pakistan et l’Inde reçoivent chacun un total symbolique de 10 000. Une nation anonyme, l’Érythrée, le Mali, le Myanmar, le Bangladesh, la République centrafricaine et le Congo (RDC) complètent le top 10 avec un total symbolique de 1 000 chacun.

On estime que 21 431 maisons et propriétés chrétiennes ont été attaquées en 2023, ainsi que 5 740 magasins et entreprises. Pour ces derniers, seuls 17 pays sur 42 ont enregistré des chiffres précis, les 1 572 cas de l’Inde étant suivis d’un nombre symbolique de 1 000 pour le Nigeria, le Burkina Faso et la République centrafricaine. En ce qui concerne les foyers chrétiens, le nombre symbolique de 10 000 pour le Nigeria est suivi par le nombre spécifique de 5 878 pour l’Inde, et le nombre symbolique de 1 000 pour le Pakistan, le Myanmar, la République centrafricaine et le Congo.

Les catégories spécifiques aux femmes sont également difficiles à suivre avec précision pour les chercheurs de Portes Ouvertes. Les cas de viols et de harcèlement sexuel ont augmenté, passant de 2 126 à 2 622, avec en tête le Nigeria avec en tête le Nigeria (1 000 cas symboliques) suivi de la Syrie (500 cas). Les mariages forcés avec des non-chrétiens sont passés de 717 à 609, avec en tête le Pakistan, l’Iran et un pays non nommé, avec des totaux symboliques de 100 chacun.

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Pourquoi les chrétiens sont-ils persécutés dans ces pays ?

Les principales motivations varient d’un pays à l’autre, et une meilleure compréhension des différences entre elles peut aider les chrétiens d’autres pays à prier et à soutenir plus efficacement leurs frères et sœurs en Christ malmenés.

Portes Ouvertes classe les principales sources de persécution des chrétiens en huit groupes :

Oppression islamiste (30 pays) : Il s’agit de la principale source de persécution à laquelle les chrétiens sont confrontés dans plus de la moitié des pays figurant dans l’Index, dont sept des dix premiers. La plupart de ces 30 pays sont officiellement des nations musulmanes ou à majorité musulmane ; toutefois, six d’entre eux comptent en fait une majorité de chrétiens : le Nigeria (6), la République centrafricaine (28), l’Éthiopie (32), le Mozambique (39), la RDC (41) et le Cameroun (43).

Paranoïa autoritaire (11 pays) : C’est la principale source de persécution à laquelle les chrétiens sont confrontés dans onze pays, principalement dans des nations à majorité musulmane — la Syrie (12), l’Ouzbékistan (25), le Bangladesh (26), le Turkménistan (29), le Tadjikistan (46) et le Kazakhstan (47) — mais aussi en Corée du Nord (1), en Érythrée (4), au Myanmar (17), à Cuba (22) et au Nicaragua (30).

Oppression communiste et postcommuniste (3 pays) : Cette source de persécution des chrétiens est la principale dans trois pays, tous situés en Asie : la Chine (19), le Laos (21) et le Vietnam (35).

Nationalisme religieux (2 pays) : Cette source de persécution apparaît en premier dans deux autres pays également situés en Asie. Les chrétiens sont principalement visés par les nationalistes hindous en Inde (11) et par les nationalistes bouddhistes au Bhoutan (36).

Crime organisé et corruption (2 pays) : C’est la principale source de persécution à laquelle les chrétiens sont confrontés en Colombie (34) et au Mexique (37).

Oppression clanique (2 pays) : C’est la principale source de persécution à laquelle les chrétiens sont confrontés au Yémen (5) et en Jordanie (48).

Intolérance laïque (0 pays) et protectionnisme confessionnel chrétien (0 pays) : Portes Ouvertes analyse ces sources de persécution, mais aucune n’est la source principale dans l’un des 50 pays de l’Index 2024.

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Comment l’Index de Portes Ouvertes se situe-t-il par rapport aux autres rapports sur la persécution religieuse ?

Portes Ouvertes estime qu’il est raisonnable de qualifier le christianisme de religion la plus sévèrement persécutée au monde . Dans le même temps, l’association note qu’il n’existe pas de suivi comparable pour la population musulmane mondiale .

D’autres évaluations de la liberté de religion dans le monde corroborent bon nombre des conclusions de Portes Ouvertes. Par exemple, la dernière analyse du Pew Research Center américain sur les oppositions gouvernementales et sociétales à l’égard de la religion révélait que les chrétiens ont été mis en difficulté dans 155 pays en 2020, soit plus que tout autre groupe religieux. Les musulmans ont eux connu des difficultés dans 145 pays, suivis par les juifs dans 94 pays.

La répartition correspond aux données de Portes Ouvertes. La Chine, l’Érythrée et l’Iran se sont classés dans le top 10 des pays où Pew observe une persécution gouvernementale, tandis que l’Inde, le Nigeria et le Pakistan se classent dans le top 10 des pays où règne une hostilité de la société à l’égard des chrétiens. L’Afghanistan et l’Égypte sont listés dans les deux catégories.

La plupart des pays repris sur la liste de Portes Ouvertes figurent également sur la liste annuelle du département d’État américain, qui nomme et dénonce les gouvernements qui ont « commis ou toléré des violations systématiques, continues et flagrantes de la liberté de religion ».

Sa liste des pays particulièrement préoccupants (CPC) comprend le Myanmar (n° 17 dans l’Index 2024 de Portes Ouvertes), la Chine (19), Cuba (22), l’Érythrée (4), l’Iran (9), la Corée du Nord (1), le Nicaragua (30), le Pakistan (7), la Russie (qui a quitté l’Index en 2022), l’Arabie saoudite (13), le Tadjikistan (46) et le Turkménistan (29). Sa liste de surveillance spéciale de deuxième niveau intègre l’Algérie (15), l’Azerbaïdjan (non classé dans les cinquante premiers, mais suivi par Portes Ouvertes), la République centrafricaine (28), les Comores (45) et le Vietnam (35).

Le département d’État américain dresse également la liste des entités particulièrement préoccupantes, ou acteurs non gouvernementaux source de persécutions, qui sont tous actifs dans les pays figurant sur la liste de Portes Ouvertes. Il s’agit notamment de Boko Haram et d’ISWAP au Nigeria (n° 6 dans l’Index 2024), des talibans en Afghanistan (10), des shebabs en Somalie (2), de Hayat Tahrir al-Sham en Syrie (n° 12), des houthis au Yémen (n° 5), du Groupe Wagner pour ses activités en République centrafricaine (n° 28), de l’État islamique dans le Grand Sahara et du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans au Sahel.

Parallèlement, la Commission américaine pour la liberté religieuse dans le monde (USCIRF), dans son rapport 2023, a recommandé le maintien des mêmes nations pour la liste des pays particulièrement préoccupants, avec l’ajout du Nigeria (6), de l’Inde (11), de la Syrie (12) et du Vietnam (35). Pour la liste de surveillance de deuxième niveau du Département d’État, l’USCIRF a recommandé les mêmes nations à l’exception des Comores, avec l’ajout de l’Égypte (38), l’Indonésie (42), l’Irak (16), le Kazakhstan (47), la Malaisie (49), le Sri Lanka (non classé, mais surveillé par Portes Ouvertes), la Turquie (50) et l’Ouzbékistan (25).

Toutes les nations du monde sont suivies par les chercheurs et le personnel de terrain de Portes Ouvertes, mais une attention approfondie est accordée à 100 nations et une attention toute particulière est accordée aux 78 qui enregistrent des niveaux « élevés » de persécution (scores de plus de 40 sur l’échelle de 100 points de Portes Ouvertes).

Vous pouvez retrouver notre rapport en français pour l’Index en 2023, 2022 et 2021 et en anglais pour 2020, 2019, 2018, 2017, 2016, 2015, 2014, 2013 et 2012 ainsi qu’un coup de projecteur sur les lieux où il est le plus difficile de croire.

Au cours de l’année passée, nous avons également rendu compte sous divers angles de la situation délicate des chrétiens au Congo, au Haut-Karabagh, en Ukraine, en Turquie, au Soudan, au Pakistan, au Niger, en Haïti, au Maroc, en Russie, au Liban et à Gaza.

Toutes les informations de Portes ouvertes sur l’Index mondial de persécution 2024 peuvent être retrouvées en français sur les sites de Portes Ouvertes France ou Suisse.

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Books

L’Azerbaïdjan ajouté à la liste américaine des contrevenants à la liberté de religion

L’inclusion de la nation islamique — le seul changement apporté par le département d’État américain cette année — est-elle motivée par la façon dont celle-ci traite les chrétiens, les musulmans ou les Arméniens déplacés de l’enclave de l’Artsakh ?

Le bâtiment de l’Assemblée nationale d’Azerbaïdjan.

Le bâtiment de l’Assemblée nationale d’Azerbaïdjan.

Christianity Today January 16, 2024
Mozar / Getty / Edits by CT

Pour la première fois, les États-Unis ont estimé que l’Azerbaïdjan contrevenait à la liberté de religion.

Son inscription sur la liste de surveillance spéciale (SWL) de deuxième niveau du département d’État américain expose ce pays à majorité musulmane chiite et riche en pétrole à la possibilité de sanctions économiques.

Depuis 2013, la Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde (USCIRF) appelait chaque année à la condamnation de ce pays du Caucase. Créé par la loi de 1998 sur la liberté religieuse internationale (IRFA), le rapport annuel bipartisan de l’USCIRF évalue les violations « systématiques, continues et flagrantes » indépendamment des préoccupations de politique étrangère des États-Unis et suit la mise en œuvre de ses recommandations par les gouvernements.

L’application d’éventuelles sanctions sera cependant compliquée par le fait que l’Azerbaïdjan s’aligne sur la politique étrangère des États-Unis dans certains domaines : le pays coopère étroitement avec Israël, s’aligne contre l’Iran et a accepté d’augmenter ses exportations de pétrole vers l’Europe à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Dans une brève déclaration, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a maintenu inchangés tous les autres statuts de pays établis en 2022 conformément à l’IRFA. L’Azerbaïdjan rejoint l’Algérie, la République centrafricaine, les Comores et le Vietnam sur la liste de surveillance des pays épinglés pour avoir « commis ou toléré de graves violations de la liberté de religion ».

Douze pays — la Chine, Cuba, l’Érythrée, l’Iran, le Myanmar, le Nicaragua, la Corée du Nord, le Pakistan, la Russie, l’Arabie saoudite, le Tadjikistan et le Turkménistan — ont à nouveau été repris sur la liste de premier niveau établissant les pays particulièrement préoccupants (CPC).

L’USCIRF a accueilli favorablement le nouveau statut de l’Azerbaïdjan. Toutefois, la commission a déclaré que rien ne justifiait le fait de que ne soit pas suivie sa recommandation d’intégrer l’Inde et le Nigeria à la liste de premier niveau des CPC.

L’Inde avait été recommandée pour la première fois pour la liste de premier niveau de 2002 à 2004, pour la liste de deuxième niveau (SWL) de 2010 à 2019, puis à nouveau pour la liste de premier niveau à partir de 2020. Le Nigeria a été recommandé pour la SWL de 2003 à 2008, et en tant que CPC depuis 2009.

L’Inde n’a jamais été intégrée dans ces listes, mais l’ancien président Donald Trump avait inscrit le Nigeria sur la SWL en 2019 et en tant que pays particulièrement préoccupant en 2020. Le président Joe Biden l’a entièrement supprimé des deux listes l’année suivante.

L’USCIRF a demandé une audition au Congrès sur ces omissions et a également critiqué le Département d’État pour avoir instauré des dérogations aux sanctions contre le Pakistan, l’Arabie Saoudite, le Tadjikistan et le Turkménistan inscrits parmi les CPC.

Dans une déclaration à notre magazine, Lilieth Whyte, responsable des relations publiques du Bureau de la liberté religieuse internationale du département d’État, a cité trois facteurs principaux pour ce nouveau statut de l’Azerbaïdjan.

La législation du pays impose aux groupes religieux des « exigences onéreuses en matière d’enregistrement » au niveau national, ce qui restreint encore davantage leur droit de pratiquer librement leur culte et de choisir leur propre clergé. Le gouvernement maltraite physiquement, arrête et emprisonne les militants religieux, a-t-elle ajouté, tandis que les objecteurs de conscience ne sont pas autorisés à servir leur pays conformément à leurs croyances.

Elle ne mentionne pas le blocus de plusieurs mois établi par l’Azerbaïdjan contre l’enclave du Haut-Karabakh, ou Artsakh en arménien, peuplée d’Arméniens. La situation avait abouti à l’invasion du territoire en septembre dernier, déplaçant plus de 100 000 Arméniens.

À l’époque, le secrétaire d’État américain avait « exhorté » le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev à « cesser immédiatement les actions militaires ». En novembre, son adjoint James O’Brien avait déclaré devant une commission du Congrès que les relations des États-Unis avec le pays ne pouvaient pas se poursuivre comme si de rien n’était.

Mais en décembre dernier, le service de presse du département d’État a précisé que l’arrêt des échanges avec l’Azerbaïdjan serait « contraire à nos intérêts ». Au lieu de cela, la politique américaine continuerait à faire pression sur le pays pour qu’il respecte davantage les « droits de l’homme et les libertés fondamentales » et pour qu’il conclue un accord de paix durable avec l’Arménie.

Peu de temps après, les deux pays ont procédé à un échange de prisonniers de guerre, annoncé comme une « mesure tangible visant à restaurer la confiance » en vue d’un accord de paix. L’Azerbaïdjan a déclaré en décembre qu’un accord était proche.

Zaven Khanjian, directeur exécutif de l’Armenian Missionary Association of America, s’est félicité de cette nouvelle désignation par le Département d’État. Considérant le déplacement de population du Haut-Karabakh comme un exemple de « nettoyage ethnique », il a également mentionné l’effacement du patrimoine arménien dans les zones contrôlées par l’Azerbaïdjan.

Il souhaite que la pression exercée par les États-Unis aille au-delà d’une simple inscription sur cette liste de surveillance.

« Les Arméniens ne peuvent pas attendre que les champs de pétrole de Bakou soient asséchés pour que Washington prenne des mesures punitives. »

De nombreux Arméniens se méfient toutefois des pourparlers de paix. Zaven Khanjian y est favorable, mais sceptique. Son hésitation s’explique par sa méfiance à l’égard d’un Azerbaïdjan autocratique, et il estime qu’il faudra également que s’alignent les intérêts russes et américains. Il continue à prier pour ces négociations.

L’un des enjeux est le retour des Arméniens dans le Haut-Karabakh. Mais l’Azerbaïdjan rétorque que les Azéris ethniques déplacés d’Arménie lors de conflits antérieurs devraient également voir leurs droits reconnus. Dans des lettres envoyées aux Nations Unies, cela inclurait également un droit de retour vers l’ouest, en Arménie.

Cette inscription de l’Azerbaïdjan dans la liste de second niveau par Blinken a été sèchement accueillie dans le pays, non pas par l’administration d’Aliyev, mais par une association représentant les personnes déplacées, anciennement appelée Azerbaijan Refugee Society (Société des réfugiés d’Azerbaïdjan). Un mois avant l’invasion du Haut-Karabakh, le groupe a changé de nom pour devenir la Communauté de l’Azerbaïdjan occidental (WAC), dont le site web affiche une carte de ce territoire recouvrant le territoire de l’Arménie.

« La liste américaine sur la liberté religieuse n’a aucune force, aucun poids, et nous la rejetons catégoriquement », a déclaré la WAC, qui y voit un exemple « arrogant » de l’hostilité américaine.

Le président Aliyev a déjà déclaré que l’Azerbaïdjan retournerait sur ces « terres historiques », mais en des termes vagues, les autorités précisant qu’il ne s’agissait pas de revendications territoriales.

Tant que ces menaces voilées persisteront, estime Craig Simonian, coordinateur pour la région du Caucase du réseau pour la paix et la réconciliation de l’Alliance évangélique mondiale, il très incertain que les négociations de paix puissent être fructueuses. L’Azerbaïdjan continue également de détenir des dirigeants politiques et des prisonniers de guerre arméniens de l’Artsakh, tandis que ses troupes sont déployées sur la frontière encore en place.

Le vocabulaire de l’« Azerbaïdjan occidental » est « extrêmement agressif » à ses yeux et rejeté par les principaux chercheurs. Mais malgré tout, et en dépit de tout ce qui s’est passé, les deux nations se parlent au moins.

« La réconciliation est possible », dit Simonian. « Peut-être pas entre les gouvernements — du moins pas rapidement — mais entre ceux qui choisissent de suivre le Christ. »

Après le placement de son pays sur la SWL, Aliyev s’est entretenu directement avec certains d’entre eux.

Noël est un symbole de bonté, a-t-il déclaré aux citoyens orthodoxes de l’Azerbaïdjan en présentant ses vœux à cette communauté d’origine majoritairement russe et qui suit le calendrier oriental.

« Il est louable que nos compatriotes chrétiens, profitant des vastes possibilités créées par les relations exemplaires entre l’État et la religion, maintiennent vivantes leurs traditions, leur langue et leur culture uniques », a déclaré le président. « La diversité ethnique et religieuse […] est l’une des qualités prédominantes de notre société. »

Les chrétiens représentent environ 3 % de la population de l’Azerbaïdjan. En 2022, l’USCIRF dénonçait le caractère d’« investisseurs majeurs » du Bahreïn, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis dans la promotion d’une tolérance religieuse qui « occulte la responsabilité de l’État et son incapacité à protéger et à promouvoir la liberté de religion ou de croyance pour tous ».

La dernière mise à jour de l’USCIRF indique que si l’Azerbaïdjan a mis fin à certaines pratiques problématiques, les protestants continuent de se heurter à des obstacles en matière d’enregistrement. Aucune communauté non musulmane n’a été approuvée au cours des trois dernières années.

Ce n’est pas si grave, nous explique un responsable chrétien azerbaïdjanais.

« En tant que membre du petit cercle des évangéliques, je ne vois pas de changements majeurs dans les églises », déclare-t-il sous couvert d’anonymat. « Nous avons encore de la liberté et je considère plutôt cette désignation comme un changement dans la politique américaine. »

Les protestants d’Azerbaïdjan sont principalement d’origine musulmane.

Il y a une légitimité, ajoute notre source, dans certaines politiques de régulation de la religion islamique. Les autorités religieuses officielles maintiennent leur contrôle sur les mosquées chiites, et des centaines de mollahs ont été arrêtés pour leur soutien à l’Iran. Méfiant à l’égard de l’extrémisme, le gouvernement laïque surveille de près les prédicateurs étrangers de toute religion et exige l’approbation de toute littérature spirituelle diffusée.

Ce chrétien azerbaïdjanais nous rapporte quelques anecdotes révélant une attitude inégale à l’égard du christianisme.

Une église reçoit régulièrement l’autorisation de recevoir des pasteurs américains en visite, après en avoir informé les services de sécurité. Cependant, deux chrétiens étrangers se sont vu refuser leur visa de résidence en raison de soupçons d’évangélisation non déclarée.

Une communauté composée essentiellement de convertis musulmans souhaitait célébrer son dixième anniversaire dans une grande salle publique. Le gouvernement a refusé le permis, leur demandant de célébrer en privé dans l’église. Le pasteur a insisté, proposant que lui soit retirée son autorisation officielle et menaçant par là que les autorités perdent le contact avec son réseau d’églises de maison. Les autorités ont alors cédé et la fête a pu avoir lieu.

Un ancien voyou est devenu chrétien et a commencé à évangéliser dans une région où vivent des minorités ethniques musulmanes. Lorsque des habitants se sont plaints, il a été convoqué par la police et, au cours de l’interrogatoire, il a fait part de tout son parcours spirituel. Par la suite, l’officier lui a dit qu’il était libre de continuer et qu’il pouvait les prévenir si quelqu’un lui posait encore des problèmes.

Dans un épisode assez humoristique, un prédicateur de petite taille avait implanté une église dans un territoire frontalier éloigné de Bakou. Les autorités locales l’ont arrêté, mais, en l’absence d’une loi interdisant l’évangélisation qu’il pratiquait, l’ont plutôt accusé d’agression contre les officiers qui l’avaient arrêté, nettement plus costauds que lui. Le juge a demandé comment cela avait pu se produire.

L’évangéliste a répondu : C’était facile, monsieur. Ma femme les a retenus.

En riant, le juge a abandonné toutes les charges.

Pourquoi alors notre interlocuteur chrétien reste-t-il anonyme ?

« Tout ce qui est politique, à moins de soutenir le gouvernement à 100 %, pourrait être utilisé contre moi. » « Tant que les chrétiens sont en paix avec les autorités, je ne veux pas rompre l’équilibre. »

L’organisation américaine Freedom House qualifie l’Azerbaïdjan de pays « non libre », classé au treizième rang dans son rapport annuel sur la liberté dans le monde. Mais le pays n’est pas actuellement classé dans l’Index mondial de persécution de Portes Ouvertes recensant les 50 pays où il est le plus difficile de suivre Jésus, bien qu’il ait atteint la 34e place en 2016.

Pourtant, pour la première fois, les États-Unis ont donc mis l’Azerbaïdjan au rang de quatre autres pays surveillés, suivant les 12 autres faisant l’objet d’une attention toute particulière. Ce nouveau statut se traduira-t-il par une amélioration pour tous ?

« Les défis posés à la liberté religieuse dans le monde sont structurels, systémiques et profondément enracinés », a estimé Antony Blinken. « Mais grâce à l’engagement réfléchi et soutenu de ceux qui ne veulent pas accepter un statu quo fait de haine, d’intolérance et de persécution, nous verrons un jour un monde où tous les peuples vivront dans la dignité et l’égalité. »

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