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Parcours de vie : Loren Cunningham, catalyseur de millions de missionnaires à court terme.

Le fondateur de JEM voyait des « vagues » de jeunes porter l’Évangile dans tous les pays.

Christianity Today October 10, 2023
Courtesy of Youth With a Mission / edits by Rick Szuecs

Loren Cunningham, le visionnaire charismatique à l’origine de Jeunesse en Mission (JEM), qui a mobilisé des millions de jeunes pour des voyages missionnaires de courte durée, est décédé ce vendredi 6 octobre. Il avait 88 ans.

Alors qu’il n’avait encore que 20 ans, Cunningham vit dans la prière l’image d’une carte en mouvement. Des vagues s’abattaient sur les rivages de tous les continents, se retiraient, puis s’abattaient à nouveau. L’image lui apparut comme « un film dans son esprit », dira-t-il plus tard. En y regardant de plus près, ces vagues étaient constituées de jeunes, « des jeunes de mon âge et même plus jeunes », accomplissant la grande mission d’aller « dans le monde entier proclamer la bonne nouvelle à toute la création » (Mc 16.15).

Cette vision est devenue l’idée maîtresse de JEM. L’organisation la décrit comme une « alliance fondatrice initiée par Dieu, définissant une destinée, pour donner naissance à un nouveau mouvement missionnaire ».

Cunningham, racontera qu’il lui fallut quelques années pour comprendre ce qu’il avait vu. Mais cela lui a finalement permis de « déréguler » les missions, en envoyant plus de personnes, plus rapidement, dans plus d’endroits afin de « proclamer la vérité de Dieu et de manifester son amour ».

JEM (en anglais YWAM pour Youth With a Mission) opère actuellement dans plus de 2 000 endroits dans près de 200 pays. L’organisation a cessé de compter le nombre de jeunes qu’elle avait envoyé en mission de courte durée en 2010, alors que le nombre total s’élevait à environ 4,5 millions.

« Ce que j’aime dans l’esprit JEM, c’est le fait d’être prêt à charger l’enfer avec un pistolet à eau », nous racontait Steve Douglass quelques années avant sa mort, alors qu’il était président de Campus Crusade for Christ International (aujourd’hui Cru).

Kris Vallotton, l’un des principaux responsables de la célèbre église charismatique Bethel à Redding, en Californie, a déclaré vendredi que JEM était « probablement la plus grande organisation missionnaire de l’histoire du monde ». Il voit en Cunningham « l’un des plus grands héros de la foi de l’histoire moderne ».

L’évangéliste Franklin Graham le rejoint dans cette évaluation. « Quelle vie incroyable a vécu cet homme », écrivait le président de Samaritan’s Purse sur les réseaux sociaux. « Loren a permis à Dieu de l’utiliser et il a été une force pour l’Évangile pendant des décennies. »

Loren Cunningham était né le 30 juin 1935 à Taft, en Californie, mais ses premiers souvenirs remontent à une tente quelque part en Arizona. Lui, ses parents et sa sœur aînée fabriquaient à la main des briques d’adobe pour construire une petite église pentecôtiste.

Entendre la voix de Dieu

Tom et Jewell Cunningham étaient tous deux ministres ordonnés des Assemblées de Dieu et évangélistes pentecôtistes de deuxième génération. Jewell avait appris à prêcher lorsqu’elle était enfant et qu’elle voyageait d’un auvent de fortune à l’autre dans l’Oklahoma, le Texas et l’Arkansas. Après leur mariage, le couple vivait dans sa voiture et prêchait dans les rues de Tyler, au Texas.

Le couple apprit à ses trois enfants à sacrifier leur confort personnel au nom de l’Évangile et à écouter Dieu personnellement. Dans les dernières années de sa vie, Loren Cunningham se souviendra avoir alors appris que la direction de l’Esprit pouvait être une question de vie ou de mort. Un jour, son père prêchait dans la rue dans une ville du sud de la Californie lorsque sa mère a soudain déclaré : « Nous devons partir maintenant. Dieu a dit que nous devions partir maintenant ! »

Alors que la famille s’éloigne, un tremblement de terre secoue la ville et un tas de briques tombe sur le trottoir où ils se trouvaient.

« Si Dieu a quelque chose d’important à vous dire », disait Jewell Cunningham, « il vous parlera directement. »

Le jeune Loren entendit Dieu pour la première fois à l’âge de six ans et se remémorera plus tard qu’il s’agissait d’une expérience régulière, parfois quotidienne, à l’âge de neuf ans. À l’âge de 13 ans, il reçoit un appel au ministère alors qu’il priait sous une tonnelle faite de broussailles en Arkansas avec plusieurs cousins. Ils prièrent pendant plusieurs heures un lundi soir, et Cunningham eut l’impression d’être touché par Dieu.

« Dieu a simplement fait irruption et m’a fait comprendre clairement son appel pour moi », racontera-t-il. « Je n’avais aucun doute sur le fait que j’étais appelé à prêcher. »

Pour fêter l’événement, sa mère l’emmène en ville et lui achète de nouvelles chaussures, citant Romains 10.15 : « Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles. » Ce jeudi-là, Cunningham prononce son premier sermon dans l’église de son oncle.

Il vit sa première expérience missionnaire à l’âge de 18 ans, en se rendant au Mexique à Pâques avec un groupe de jeunes hommes pour faire du porte-à-porte et prêcher dans la rue dans ce pays majoritairement catholique. Cunningham termine le voyage à l’hôpital avec la dysenterie, mais il y voit un succès puisque 20 personnes s’étaient agenouillées dans la rue pour professer que Jésus-Christ est le Seigneur.

L’année suivante, Cunningham fréquente le Central Bible College, une école des Assemblées de Dieu à Springfield, dans le Missouri. Avec trois autres étudiants, il forme un quatuor de gospel appelé The Liberators et parcourt le pays en chantant et en prêchant. Lors d’un voyage aux Caraïbes en 1956, quelques jours avant son 21e anniversaire, il reçoit sa vision de ces vagues de jeunes déferlant sur le monde.

« Dieu s’adresse à vous dans votre langue », dira-t-il en plaisantant avec le télévangéliste Pat Robertson en 2022, « et je surfais quand j’étais adolescent en Californie et j’ai vu ces vagues ».

Cunningham pense d’abord que la vision signifie peut-être qu’il doit s’impliquer dans l’enseignement ou la formation des enseignants. Il termine l’école biblique en 1957 avec des diplômes en Bible et en éducation chrétienne et se rend à l’Université de Californie du Sud pour obtenir une maîtrise en éducation.

L’échec des écoles bibliques

Cependant, alors qu’il travaille sur un mémoire à propos des écoles bibliques, Cunningham fait face à la désillusion. Il examine 72 institutions dans le monde et constate que peu d’entre elles, voire aucune, ont un impact significatif sur l’évangélisation mondiale. La majorité des diplômés ne se dirigent même pas vers le ministère, et encore moins vers le type de travail missionnaire qui pourrait porter l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre.

À la même époque, Cunningham commence à s’occuper des jeunes dans les Assemblées de Dieu en Californie du Sud, où son père était devenu surintendant adjoint et s’occupait plus particulièrement de l’implantation d’églises et de la mission. Mais Cunningham voit aussi là se briser ses illusions.

« Les jeunes étaient tous si brillants et enthousiastes », racontera-t-il au magazine Charisma en 1985. « Mais je dois admettre que la plupart des activités que je prévoyais pour eux rencontraient peu de succès. Elles manquaient le cœur des jeunes parce qu’elles ne proposaient pas de défi à relever. C’est ce à quoi nous aspirons tous, surtout à l’adolescence et au début de la vingtaine. Un grand défi. »

Cunningham se rend compte qu’il est doué pour stimuler les jeunes et les convaincre de faire des choses audacieuses pour l’Évangile, mais qu’il n’avait rien de concret à leur proposer. Les Assemblées de Dieu disaient que s’ils voulaient être missionnaires, ils devaient aller à l’école et suivre une formation d’environ sept ans.

« D’ici là », déplore Cunningham, « la plupart auront oublié leur zèle ardent. »

Il commence à expérimenter des missions à court terme en emmenant une centaine de jeunes pentecôtistes à Hawaï pendant les vacances de printemps en 1960. Il y rencontre des difficultés — beaucoup de jeunes envisagent le voyage comme de simples vacances de printemps — mais Cunningham est convaincu qu’il s’agit du nouveau modèle pour l’évangélisation mondiale. Des jeunes embrasés de zèle partiraient pour de courts voyages, en payant eux-mêmes leur voyage ou en collectant des fonds, et parleraient de Jésus à tous les habitants du monde.

Cet été-là, Cunningham part pour repérer des sites où de jeunes missionnaires pourraient se rendre. Il voyage au Japon, à Hong Kong, en Thaïlande, au Cambodge, en Inde, au Pakistan, en Égypte, au Liban, en Jordanie, en Israël, en Turquie, en Grèce, en Scandinavie et en Grande-Bretagne. Il commence à faire de grands projets pour 1961.

Les responsables des Assemblées de Dieu estiment cependant que ses projets sont trop ambitieux. La dénomination lui propose de le salarier pour lancer un programme de missions pour les jeunes, mais elle souhaite commencer plus modestement.

Cunningham se remémorera plus tard une conversation de cette époque. On lui a dit : « Tu peux poursuivre ta vision, Loren, mais tu dois prendre en charge un nombre plus gérable de jeunes, disons 10 ou 20 par an. »

Il proteste en disant que sa vision est « beaucoup, beaucoup plus grande que 20 personnes par an et beaucoup plus grande que n’importe quelle dénomination. » Se souvenant de ce que ses parents lui avaient appris sur la nécessité d’écouter personnellement la voix de Dieu, Cunningham décide de quitter les Assemblées de Dieu et de voler de ses propres ailes. JEM est officiellement constitué en société dans l’État de Californie en février 1961.

Cependant, au cours des premières années, JEM ne parvient pas à envoyer 20 jeunes par an en mission à court terme, ni même 10.

Darlene Cunningham met en œuvre la vision

Lorsque Loren Cunningham rencontre une jeune femme nommée Darlene Scratch en 1962, l’organisation missionnaire en difficulté envoie environ cinq personnes par an. Mais Darlene, qui rêvait elle-même d’un ministère interculturel après que son oncle eut été emprisonné pour son travail missionnaire en Chine communiste, voit des possibilités de mettre en œuvre concrètement la vision de JEM. Loren l’épouse l’année suivante et la décrira toujours comme cofondatrice :

« Il n’y aurait jamais rien eu de durable sans Darlene. »

En 1964, elle organise un « été de service » aux Bahamas et en République dominicaine. Près de 150 jeunes chrétiens américains s’inscrivent. Lorsqu’ils rentrent aux États-Unis à temps pour la rentrée scolaire de l’automne, ils font état de milliers de conversions et de guérisons miraculeuses.

JEM organise ensuite des voyages au Mexique, à Porto Rico et dans les îles Vierges. Puis, en 1966, l’organisation envoie 90 personnes réparties en 17 équipes aux Caraïbes et 25 autres dans cinq grands camions postaux traversant le Mexique, le Guatemala, le Nicaragua et le Honduras. Tous les missionnaires étaient jeunes, collectaient leurs propres fonds et ne se laissaient pas décourager par les exigences de la formation.

Bien entendu, ces premières années sont marquées par de nombreux défis et de nombreuses erreurs fondamentales. Plus d’un véhicule s’enlise dans la boue sur une route impraticable. Un des premiers dépliants contient une erreur sur le nom de Christ, et invite les jeunes à consacrer leur été à représenter « Chist ». Les missionnaires de JEM apprennent à faire confiance à Dieu, à prier et à se débrouiller.

Et les comptes-rendus de leurs défis attirent davantage de jeunes.

« Vous allez dormir à même le sol, manger une nourriture différente, souffrir d’un climat chaud et poisseux et être entourés de moustiques », leur explique Cunningham. « Vous en ressortirez vidés émotionnellement et attaqués spirituellement. Mais cela fait partie de notre croissance dans le Seigneur. »

Un laboratoire pour l’évangélisation

En 1968, JEM compte 30 employés à temps plein et 1 200 missionnaires à court terme. L’organisation décide qu’une petite formation serait utile et installe une école dans un hôtel en Suisse. Parmi les premiers enseignants, on trouve les parents de Cunningham, l’apologiste évangélique Francis Schaeffer, l’ingénieur mécanicien et théologien laïc Harry Conn et l’évangéliste écossais Duncan Campbell.

« Il ne s’agit pas d’une école biblique », explique alors Cunningham, « mais d’un laboratoire d’évangélisation. »

JEM lance d’autres écoles, jusqu’à mettre en place l’Université des Nations en plus de 600 endroits. Un responsable décrit ces formations comme la « machine à vagues » produisant les vagues de jeunes que Cunningham avait vues dans sa vision. Les écoles proposent une formation à l’évangélisation, mais aussi des diplômes dans les domaines du sport et de la remise en forme, des sciences et de la technologie, de l’éducation, de la communication et de l’art.

Cunningham rapporte avoir eu une révélation de sept salles de classe, chacune correspondant aux sept sphères de la société sur lesquelles les chrétiens devaient avoir un impact pour provoquer un changement.

Il part raconter cette révélation à son ami Bill Bright, fondateur de Cru, en 1975. Mais avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, Bright lui annonce qu’il a eu une révélation dont il a tiré une liste pratiquement identique de sept sphères d’action. Quelques semaines plus tard, Cunningham entend Schaeffer présenter un exposé très similaire concernant la domination du Christ sur ces sept domaines différents : la famille, la religion, l’éducation, les médias, l’art, l’économie et le gouvernement.

L’idée sera plus tard popularisée par le pasteur de Bethel, Bill Johnson, et d’autres, avec l’idée des « sept montagnes ». Celle-ci deviendra la base théologique sur laquelle de nombreux charismatiques américains s’appuient pour soutenir Donald Trump.

Cependant, Cunningham, lui, ne s’implique pas dans la politique. Il considère les sept sphères comme un cadre pour l’évangélisation et l’élaboration de stratégies pour l’accomplissement du « mandat missionnaire ».

Aux 50 ans de Cunningham en 1985, JEM envoie chaque année plus de 15 000 jeunes en voyage de courte durée. Le ministère opère dans 1 100 lieux répartis dans 170 pays. Pourtant, le leader visionnaire est convaincu, comme il l’avait écrit dans son premier livre, que ces jeunes ne représentent « qu’une fraction d’une fraction de ce qui était nécessaire » et que « les ouvriers étaient encore peu nombreux, très peu nombreux. »

Il continue à se concentrer sur la croissance, l’expansion et l’innovation.

Accusations d’abus spirituel

JEM a été critiqué pour la manière dont l’organisation traitait ces « vagues » de jeunes. Dans les années 1980, Gregory Robertson, un membre chevronné du personnel, déclare que le ministère était abusif et manipulateur. Les personnes qui n’étaient pas d’accord avec leurs responsables s’entendaient dire qu’elles se rebellaient contre Dieu ou qu’elles étaient même possédées par des démons.

Plus récemment, d’anciens membres de JEM ont publié sur les réseaux sociaux des vidéos dans lesquelles ils affirment avoir été victimes d’abus spirituels.

« Ces choses se produisent dans toutes les bases », raconte une femme. « Leur capacité à “entendre la voix de Dieu” l’emporte toujours sur votre propre connexion avec le Saint-Esprit. »

JEM n’a pas répondu officiellement aux accusations, mais un responsable britannique a déclaré que certains jeunes responsables avaient probablement agi de manière inappropriée.

« Ce genre de choses se produisent lorsque l’on s’engage à mobiliser les jeunes dans le monde entier », déclarait alors ce responsable. « Ils vont commettre certaines des erreurs que j’ai commises lorsque j’avais 18, 19 et 20 ans. »

Il observe également que les abus se produisent dans de nombreux contextes et estime que le bilan de JEM était meilleur que celui de la plupart des autres organisations.

Le modèle décentralisé de JEM laisse toute supervision aux responsables locaux. Les plaintes ne touchaient pas directement Cunningham, car il ne gérait pas la formation ou les opérations sur le terrain, mais se concentrait sur la stratégie d’ensemble. Son travail, tel qu’il le concevait, consistait à ouvrir les vannes pour les missionnaires potentiels.

En 1999, Cunningham voyage en Libye et devient le premier missionnaire à s’être rendu dans tous les pays du monde, ainsi que dans 150 îles et territoires.

Lorsque le COVID-19 puis le cancer ont limité ses déplacements au cours des dernières années de sa vie, Cunningham a commencé à utiliser Zoom pour s’adresser à des personnes sur tous les continents. Il abordait souvent la nécessité de traduire la Bible dans un plus grand nombre de langues et exhortait les gens à « vivre pleinement pour Jésus ».

« Ça a été une vie formidable », témoignait-il. « Je dirais à tout le monde […] d’avoir un but. Suivez un appel. Assurez-vous que vous le faites pour Dieu et pour ses objectifs. Il est amour et vous devez montrer son amour. »

Cunningham laisse derrière lui sa femme Darlene et leurs enfants Karen et David. Un service commémoratif est prévu à Hawaï le 4 novembre.

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