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Une forêt enfouie : comment un missionnaire australien redonne vie au Sahel africain

Le « faiseur de forêts » dont ont parlé de nombreux médias autour de la COP27 poursuit un projet où « tout ce qui est nécessaire, Dieu l’a déjà fourni ».

Régénération naturelle gérée par les agriculteurs au Niger

Régénération naturelle gérée par les agriculteurs au Niger

Christianity Today January 16, 2023
Silas Koch / World Vision

Après 18 mois éreintants de lutte contre la désertification au Niger, Tony Rinaudo était au bord du désespoir. En tant que responsable d’un petit projet de reforestation pour la SIM en 1983, il savait que peu des 6 000 arbres que l’agence missionnaire avait plantés chaque année depuis 1977 avaient survécu au climat aride du Sahel.

Les habitants l’avaient surnommé le « fermier blanc fou » et se montraient peu enclins à gaspiller de précieuses terres agricoles pour d’autres tentatives apparemment hasardeuses. Mais, persévérant, il chargea un autre lot de jeunes arbres dans sa camionnette, s’efforçant de réaliser sa prière d’enfant.

Des années plus tôt, dans la vallée de l’Ovens, dans le sud-est de l’Australie, Rinaudo déplorait la destruction au bulldozer de la brousse vallonnée et la mort des poissons empoisonnés par les insecticides pulvérisés sur les cultures de tabac — alors qu’ailleurs des enfants se couchaient le ventre vide.

« Seigneur », s’est-il écrié, « utilise-moi d’une manière ou d’une autre, quelque part, pour faire la différence. »

Peu après, il tomba sur I Planted Trees de Richard St. Barbe Baker. Une ligne marqua Rinaudo et fonda l’œuvre de sa vie.

« Quand les forêts s’en vont, les eaux s’en vont, les poissons et le gibier s’en vont, les troupeaux s’en vont, la fertilité s’en va », lut-il dans le livre du botaniste anglais du 19e siècle. (Cette citation a été attribuée ailleurs au journaliste scientifique écossais Robert Chambers.) « Puis les fantômes séculaires apparaissent furtivement, l’un après l’autre : inondation, sécheresse, incendie, famine, peste. »

En 1981, Tony Rinaudo s’installa à Maradi, à environ 650 km à l’est de Niamey, la capitale du Niger. Le centre économique de la nation ouest-africaine, à la frontière sud avec le Nigeria, accueillait un projet agricole de SIM, un hôpital et une école biblique locale. Présente depuis 1924, la mission — avec les catholiques — a établi la plus grande concentration de chrétiens du Niger, bien qu’ils représentent moins de 1 % de la population totale.

Les colons français et, plus tard, les projets de développement internationaux contribuèrent à la dégradation de l’environnement en pratiquant l’agriculture à grande échelle, en défrichant les arbres pour maximiser le rendement. Les fermiers locaux les abattaient, par pauvreté et par faim, pour vendre le bois, tandis que les femmes faisaient des kilomètres pour trouver du bois d’allumage pour leurs feux de cuisson.

Alors que Rinaudo s’arrêtait pour dégonfler ses pneus afin de traverser le paysage sablonneux pour une livraison, il soupira et invoqua encore Dieu.

« Pardonne-nous d’avoir détruit le don de la création ». « Montre-nous ce qu’il faut faire, ouvre nos yeux. »

En relevant la tête, il aperçut un buisson.

Dans n’importe quelle autre randonnée dans le désert, nous raconte Tony Rinaudo, il serait passé à côté d’arbustes à l’aspect similaire sans y prêter attention. Ceux-ci seraient bientôt consommés par des chèvres errantes. Mais cette fois, en l’examinant de près, il reconnut la petite pousse comme un Philostigma reticulata, un arbre qui peut atteindre plus de 10 mètres de haut. Aujourd’hui, la communauté scientifique reconnaît sa capacité à redistribuer l’humidité du sol en profondeur aux racines des cultures en surface — ce qui fait souvent la différence entre la survie et la disparition des terres asséchées.

Soudain, la ligne de front bougea.

« Tout ce qui est nécessaire, Dieu l’a déjà fourni », s’écria Tony. « De nombreux déserts sont des paysages altérés avec une forêt souterraine qui a juste besoin d’une chance de repousser. »

Les arbres plantés n’ont pas un système racinaire assez développé pour survivre à des températures au sol qui peuvent atteindre 70 degrés au soleil et à des vents de plus de 50 km/h. Mais en taillant doucement la trentaine de pousses qui émergent d’une souche, l’eau est concentrée dans les quelques plus fortes qui se développent ensuite rapidement.

Pionnier de la « régénération naturelle assistée », Rinaudo a ensuite dû convaincre la communauté. Il fallut une famine pour y parvenir.

En 1983, le Niger fut dévasté par la sécheresse, et la SIM lança un projet de « nourriture contre travail » avec des agriculteurs qui accepteraient d’essayer la régénération naturelle sur une partie de leurs terres. Tony Rinaudo raconte que les 12 villages initiaux passèrent à 100, mais qu’après le paiement et la récolte, 75 % des bénéficiaires coupèrent les nouvelles pousses, revenant ainsi à leur pratique traditionnelle.

« Nous en avons fini avec Tony et ses “stupides arbres” ».

Mais les 2 000 agriculteurs qui continuèrent furent suffisants pour former une masse critique de praticiens, qui en influencèrent d’autres. Au cours des 20 années suivantes, le projet de la SIM a permis de régénérer 200 millions d’arbres et de décupler la densité pour atteindre 40 arbres par hectare. Les rendements des cultures se sont améliorés de 30 %, car l’ombre a fait baisser la température de l’air de 10 degrés et celle du sol de 36 degrés.

Les animaux et les oiseaux sont revenus dans les champs, et le fumier et l’urine se sont joints aux feuilles mortes pour nourrir le sol. À l’inverse, chaque augmentation de 1 degré de la température au-dessus de 35 degrés entraîne une perte de 10 % du rendement des cultures.

En 1999, le Niger a décerné à Tony Rinaudo son Ordre du mérite agricole pour avoir lancé la technique qui allait toucher 50 % des terres agricoles nationales. Et aujourd’hui, la régénération naturelle assistée est pratiquée dans 29 pays du monde entier, ayant restauré des forêts sur 17 millions d’hectares.

Deux milliards de plus pourraient être régénérés, soit la taille de l’Amérique du Sud. D’ici 2045, 135 millions de personnes risquent d’être déplacées par la désertification.

« La nature est l’échafaudage dont dépend toute vie sur terre », explique Rinaudo. « Nous jouons au Jenga… en sortant les blocs de construction, un par un. Si nous continuons, la tour va s’effondrer. »

Tony Rinaudo, auteur de The Forest Underground.Silas Koch/World Vision
Tony Rinaudo, auteur de The Forest Underground.

En novembre dernier, les dirigeants mondiaux étaient réunis en Égypte pour consolider les fondations. La ville de Sharm el-Sheikh, sur la mer Rouge, a accueilli la 27e session de la Conférence des parties (COP27) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Tony Rinaudo était là, offrant les conseils qu’il pouvait

Il travaille aujourd’hui pour World Vision en tant que principal conseiller en matière d’action climatique et a offert une présentation lors d’un événement parallèle avec l’agence de développement allemande GIZ et le DFAT (ministère australien des Affaires étrangères et du Commerce). Il cherche à démontrer que la régénération naturelle assistée est une technique bien plus efficace que de dépenser des millions en reboisement.

Une étude portant sur les programmes forestiers de 1975 à 1982 a fait état d’une somme de 8 000 dollars dépensée par hectare pour des arbres jugés en fin de compte « peu performants ». Une autre étude a ramené les dépenses à 400 dollars par hectare. Un projet typique de régénération assistée ne coûte que 40-50 dollars, et parfois même seulement 4 dollars par hectare.

Après la mise en œuvre, le revenu des exploitations associées au Niger a augmenté de 68 dollars par hectare. Des études menées au Ghana et au Sénégal ont respectivement montré des augmentations de 78 % et 84 %.

La valeur d’une âme humaine est bien plus grande, mais Rinaudo rejette toute dichotomie.

« Des gens sont venus au Seigneur, mais j’aimerais réorienter la question. » « Je considère que réparer et prendre soin de la création de Dieu est une œuvre de Dieu à part entière, un acte d’amour. »

La SIM cherche à servir tout le monde, quelle que soit la réponse. Les personnes engagées ont témoigné avec à-propos, et quelques petites Églises ont émergé. Un des amis de Tony, Sule, un musulman fervent, est devenu un employé clé et a souvent engagé le personnel dans des conversations sur la religion, auxquelles son superviseur nigérien a tranquillement répondu. Cependant, respecté dans sa foi, il n’a jamais été pressé d’assister aux temps de méditation ou aux réunions de prière. C’est un simple acte d’hospitalité envers son père — l’héberger alors qu’il devait subir une opération — qui lui a fait la plus forte impression. Sule a prié pour connaître la vérité, et Dieu lui a donné une vision de Jésus.

Comme il était déjà un leader respecté dans la communauté, le changement de vie de Sule a attiré l’attention de beaucoup, y compris celle de Jadi, l’ivrogne du village : Sule était-il sincère, ou s’agissait-il simplement de garder son travail ?

Sule a témoigné de son expérience et a dit à Jadi de chercher Dieu lui-même. Jadi a prié, et a reçu une autre vision : lui-même dans une fosse, entouré de serpents. Il s’est repenti, a cru, et est aujourd’hui un homme transformé.

« Lorsque vous êtes missionnaire avec la SIM, les gens s’attendent à ce que vous soyez un évangéliste », explique Illia Djadi, analyste principal de Portes Ouvertes pour la liberté de religion ou de croyance en Afrique, qui fréquentait la même Église que Tony Rinaudo à Maradi. « Tony n’a pas apporté de bibles ni fondé d’Église, mais il a réellement laissé un héritage. »

Illia Djadi salue l’accent mis sur « l’Évangile tout entier » qui a conduit Tony Rinaudo à vivre dans la ville avec les gens, contrairement à de nombreux missionnaires qui restent dans l’enceinte de la SIM. Il parlait couramment le haoussa et avait inventé un proverbe qu’il répétait constamment : « Celui qui prend soin des arbres n’aura jamais faim. »

Illia Djadi compare Rinaudo à Jean-Baptiste, avec son amour, sa compassion et sa préévangélisation nécessaire pour amener les musulmans à Jésus. Mais l’impact a été plus profond encore.

Dans les années 1990, le fondamentalisme islamique a fait son apparition au Niger. La prédication contre les chrétiens a commencé à démanteler la tolérance religieuse traditionnelle et a radicalisé de nombreux habitants de la plus jeune nation du monde.

Et en 2015, l’affaire des caricatures de Mahomet — qui a suscité l’attaque terroriste de Charlie Hebdo à Paris — a entraîné des centaines d’attaques contre des églises, des écoles, des foyers et même un orphelinat. Mais à Maradi, des voisins musulmans ont entouré les propriétés de la SIM, défendant les « bonnes personnes » qui s’y trouvaient.

« Pour lutter contre l’intolérance, nous avons besoin de relations locales de confiance, pour promouvoir l’idée que les chrétiens travaillent pour le bien des autres », dit Illia Djadi. « Nous n’avons pas besoin de plus d’évangélistes, mais de plus de Tonys. »

Le livre de Tony Rinaudo, The Forest Underground : Hope for a Planet in Crisis, a remporté le prix 2022 du livre chrétien australien de l’année. Son verset clé est le Psaume 104.30 — « Quand tu envoies ton Esprit… tu renouvelles la face du sol »

« Dieu ne travaille pas seulement à restaurer les personnes brisées », dit Rinaudo. « Il travaille aussi à restaurer une terre brisée. »

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