Téléchargement gratuit : Méditations de l’Avent 2023

Des éditeurs et contributeurs de Christianity Today, Le Roi éternel arrive propose 4 semaines de méditations pour l’Avent. Individuellement, en famille ou en groupe.

Christianity Today November 21, 2023
Books

Cherche 100 000 réemplois pour églises désaffectées

Avec un nombre record d’assemblées risquant de fermer leurs portes d’ici 2025 aux États-Unis, le futur de communautés en perte de vitesse et de bâtiments vides pourrait se trouver dans la polyvalence.

Christianity Today November 14, 2023
Image : Illustration par Christianity Today/Images sources : Pexels

Il y a quelques années, l’avenir de l’église St Peter de l’United Church of Christ (UCC) semblait compromis. Installée à Louisville, dans l’État du Kentucky, au sein d’un quartier pauvre à prédominance noire, l’assemblée était réduite à une douzaine d’Américains âgés d’origine allemande. Le bâtiment tombait en ruine.

Malgré la façade de vitraux et les clochers majestueux, tout était défaillant, y compris la plomberie, l’électricité et le chauffage. Le plâtre se détachait des murs et des plafonds et la ville a fini par interdire l’accès au bâtiment en raison de la dangerosité de la peinture au plomb.

Mais grâce à la vision du pasteur Jamesetta Ferguson et à un partenariat avec un fonds de soutien immobilier aux églises, le Church Building and Loan Fund de l’UCC, le site de l’église abrite aujourd’hui un complexe polyvalent florissant connu sous le nom de The Village at West Jefferson. Ce projet a revivifié l’économie locale et l’église autrefois moribonde.

Avec l’aide de fonds issus de plusieurs grandes dénominations, d’investisseurs privés, de la ville de Louisville et du Gouvernement fédéral, St Peter’s a pu construire un complexe comprenant un café, une caisse d’épargne et de crédit, une garderie, des services de santé et bien d’autres choses encore. Des centaines de personnes fréquentent l’endroit chaque semaine. Et aujourd’hui l’église compte 160 membres issus de cultures et générations différentes.

« La communauté a vraiment été renouvelée à bien des égards », nous déclare Patrick Duggan, directeur général du Church Building and Loan Fund. « St Peter’s s’est mise au service des pauvres. Et dans le même temps, elle a créé une centaine d’emplois. Elle n’a pas fait que de beaux discours, elle est passée à l’action ».

Des projets polyvalents similaires voient le jour un peu partout en Amérique du Nord sur les terrains d’Églises autrefois moribondes, la plupart d’entre elles appartenant à des confessions protestantes traditionnelles.

Une Église anglicane de Montréal partage notamment ses locaux avec, entre autres associations, une troupe de cirque à but non lucratif et un groupe de soutien aux réfugiés. De son côté, le projet à usage mixte de l’Emory Fellowship à Washington DC propose des logements abordables. Il en va de même pour le projet de l’Église presbytérienne d’Arlington, en Virginie.

Le problème du déclin d’assemblées possédant de grands bâtiments n’est pas près de disparaître. Selon l’agence Lifeway Research, chaque année, les fermetures d’églises dépassent de 50 % le nombre de nouvelles communautés créées aux États-Unis. En 2019, avant la pandémie, environ 3 000 nouvelles églises ont ouvert leurs portes, mais 4 500 ont fermé. Cinq ans plus tôt, l’analyse de Lifeway montrait que les ouvertures d’églises dépassaient encore largement les fermetures.

Ces fermetures d’églises devraient faire boule de neige. En 2021, selon l’organisation Gallup, le pourcentage d’Américains membres d’une assemblée cultuelle est passé sous la barre des 50 % pour la première fois de l’histoire. En 2020, la taille médiane des églises était tombée à moins de la moitié de ce qu’elle était en 2000, passant de 137 à 65.

Ces informations ont donné lieu à une terrible prédiction de la chercheuse presbytérienne Eileen Lindner : d’ici 2025, 100 000 églises nord-américaines pourraient fermer leurs portes.

« À maintes reprises, j’ai vu des assemblées de 10, 50 ou peut-être 100 personnes dans des bâtiments pouvant accueillir 500 ou 1 000 personnes », rapporte Rick Reinhard, consultant principal du Niagara Consulting Group. « C’est bien de prier. C’est bien d’engager des pasteurs charismatiques. Mais la plupart de ces Églises ne redémarreront pas. »

Dans le cas des églises en déclin, le problème n’est pas que certaines parties des bâtiments soient utilisées et d’autres pas. C’est l’ensemble des bâtiments qui est sous-exploité ou inutilisé, explique Reinhard. « Les 70 à 100 dollars par mètre carré et par an que coûte l’exploitation des propriétés d’Églises font sombrer la plupart des assemblées qui ont de grands bâtiments et peu de monde. »

Par exemple, une Église qui rassemblait 500 personnes dans ses locaux de 4500 mètres carrés en 1970 peut n’en compter plus que 30 aujourd’hui. Le seul fonctionnement du bâtiment nécessiterait des dons annuels de près de 15 000 dollars par personne. Ça ne peut pas marcher.

Mais la transformation d’un bâtiment d’église en un centre de développement communautaire est-elle un moyen valable d’accomplir le mandat missionnaire donné par Jésus ? Oui, répond Shannon Hopkins de Rooted Good, un groupe qui aide les organisations confessionnelles à aligner leurs finances sur leur mission. Hopkins craint que si les églises en déclin se contentent de vendre leurs bâtiments au lieu de les réaffecter, l’Amérique ne passe à côté de grandes possibilités d’influence missionnaire.

Les fermetures de lieux de culte dans les décennies à venir pourraient donner lieu à « la plus grande restructuration des villes américaines depuis le GI Bill [qui avait accordé d’important avantages pour le relogement de soldats démobilisés de la Seconde Guerre mondiale] », poursuit-elle. « Nous vivons une période d’espoir. Alors que l’on parle souvent de déclin », le présent « offre des opportunités uniques en leur genre ».

Ces opportunités, des églises les saisissent dans tout le pays. Des assemblées rurales et urbaines se reconvertissent partout, selon leur spécificité. Des églises urbaines en déclin peuvent se reconvertir en logements abordables. Des églises rurales connaîtront d’autres réaffectations. La ville d’Ottumwa, dans l’Iowa, par exemple, a vu huit de ses églises fermer au cours des dernières années. Trois d’entre elles ont été respectivement reconverties en espace d’arts créatifs, en cabinet médical et en résidence.

Parmi les assemblées soutenues par Rooted Good, une église de l’Alabama est en train de démarrer une zone de développement économique à partir de l’un de ses bâtiments. À San Antonio, une église en déclin rêve de transformer ses locaux en parc et en amphithéâtre extérieur, tout en vivant son culte dominical dans un cadre non traditionnel, autour d’un repas plutôt que dans un sanctuaire.

Au cours des 50 prochaines années, près de la moitié des églises américaines réaffecteront leurs bâtiments, déclare Hopkins.

Mark Clifton, lui, n’est pas sûr qu’il s’agisse d’une bonne idée. En tant que responsable pour la réimplantation au sein de la mission de la Convention baptiste du Sud (SBC) en Amérique du Nord, il souhaite que les bâtiments ecclésiaux restent des bâtiments ecclésiaux qui abritent des assemblées réimplantées et revitalisées. Son approche va à l’encontre de la stratégie de réaffectation prônée par plusieurs dénominations importantes du pays.

La fermeture des églises « prive Dieu de sa gloire », déclare Clifton. « Qu’est-ce qui, dans une église qui meurt, montre que notre Dieu est grand et que son Évangile est puissant ? » L’église « n’est pas un magasin. Ce n’est pas un restaurant. Ce n’est pas un centre commercial. L’Église est l’épouse du Christ. Cela vaut la peine de se battre et de lutter pour que ces églises continuent à exister, afin de témoigner de la puissance de l’Évangile. »

Lorsqu’une Église en déclin demande de l’aide à Clifton, celui-ci l’aide à choisir entre trois options :

  • Une nouvelle implantation d’église pourrait adopter le bâtiment de l’ancienne église et intégrer ses anciens membres parmi les siens.
  • Une église plus saine pourrait adopter l’église déclinante et travailler à l’implantation d’une nouvelle assemblée dans son bâtiment.
  • L’église en déclin pourrait engager un pasteur formé pour la revivifier de l’intérieur. Ce pasteur guiderait les membres restants pour les aider à redynamiser leur vie d’église.

Clifton met en pratique ce qu’il prêche. Il y a trois ans, il est devenu pasteur de l’église baptiste de Linwood, qui compte trois membres et se trouve à 55 kilomètres de Kansas City. Les membres voulaient vendre le bâtiment et fermer, mais Clifton les a convaincus d’essayer quelque chose de différent. Aujourd’hui, l’église compte 115 fidèles et a baptisé plus de 20 nouveaux croyants au cours des trois dernières années.

Il peut être judicieux de permettre à d’autres organisations d’utiliser le bâtiment d’une église en déclin, dit Clifton, mais plutôt pour tenter de les atteindre que dans le cadre d’une réaffectation ou d’une tentative de rassembler des fonds.

D’autres affirment qu’une réimplantation n’est pas toujours possible. La Cooperative Baptist Fellowship (CBF), un groupe qui s’est formé dans les années 1990 pour protester contre l’orientation conservatrice de la SBC, a étudié comment les églises peuvent utiliser leurs propriétés foncières pour générer des revenus supplémentaires. Ses études de cas présentent, entre autres, des églises pratiquant l’agriculture solaire, développant des parkings payants ou des programmes préscolaires ou encore mettant des espaces extérieurs à la disposition de leur voisinage.

« Souvent par nécessité de mieux gérer leurs biens immobiliers et d’élargir leur base financière, ces églises ont redécouvert une certaine énergie grâce à l’utilisation plus régulière de leurs bâtiments », indique la CBF sur son site web. Les assemblées dont les locaux ont été réaffectés « ont forgé de nouvelles amitiés avec les associations qui les utilisent désormais » et « ont également vu leur situation financière s’améliorer de manière significative grâce aux revenus générés par ces activités créatives ».

Selon Patrick Duggan, de l’UCC, la différence entre les approches conservatrices et progressistes des dénominations à l’égard des églises en déclin se résume à une question de théologie. Les conservateurs pensent généralement que la réaffectation de bâtiments d’église découle d’une approche séculière ou politique particulière, alors qu’eux veulent mettre l’accent sur la prédication de l’Évangile et l’évangélisation. Les progressistes s’inspireraient plutôt de traditions théologiques telles que la théologie de la libération ou la pensée de Walter Brueggemann, qui insistent sur le soutien au développement communautaire et le logement abordable.

« Cela dépend vraiment de notre vision de qui est Jésus et de ce que l’Église est censée être », dit Duggan.

Malgré les divergences d’opinions sur ce qu’il convient de faire des bâtiments des églises en déclin, tout le monde est unanime : une nouvelle stratégie doit voir le jour.

Reinhard conclut : « L’avenir ne se trouve pas dans une église isolée, entourée d’une clôture et séparée de son voisinage. Quelque chose doit changer. »

David Roach est journaliste indépendant pour CT et pasteur de l’église baptiste de Shiloh à Saraland, en Alabama.

Traduit par Anne Haumont

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Renverser une vision du monde fondée sur la malédiction.

Un pasteur nigérian refuse de vivre dans ce cadre de pensée. Il veut aider l’Église africaine à le rejeter également.

Christianity Today November 13, 2023
Adaptations par Christianity Today/Image source : Getty

Godwin Adeboye a découvert quelque chose d’intéressant là où les habitants d’Ibadan, une ville du sud-ouest du Nigeria, jetaient leurs ordures.

À un endroit, le gouvernement avait placé un panneau disant : « Ne déposez pas vos déchets ici. Si vous le faites, le gouvernement vous imposera une amende. »

Ailleurs, quelqu’un avait écrit un message différent : « Si vous mettez vos saletés ici, je vous maudis au nom du dieu de ma famille. »

« Si quelqu’un dit : “Si vous jetez vos déchets ici, vous mourrez jeune, vous perdrez votre fortune ou tous vos enfants en un jour”, personne n’y va, car ils craignent les malédictions », explique Adeboye, pasteur et directeur de recherche au séminaire théologique de l’ECWA (Evangelical Church Winning All) à Igbaja, au Nigéria.

Le poids des malédictions n’est pas seulement une chose qu’Adeboye contemple de loin. Lorsqu’il a vu de nombreux membres de sa famille mourir, apparemment de causes mystérieuses, beaucoup ont suggéré que des malédictions pourraient en être responsables. Ces arguments l’ont conduit à étudier ce phénomène d’un point de vue biblique et à écrire Can a Christian Be Cursed? (« Un chrétien peut-il être maudit ? », Langham, 2023).

« J’ai écrit ce livre à partir de ma propre expérience et de ce que je vois chez mes frères et sœurs africains », explique-t-il. « De nombreux Africains, même chrétiens, croient parfois que leurs échecs financiers, moraux ou conjugaux sont dus à une malédiction “spirituelle” particulière qui les tourmente, au lieu d’en assumer la responsabilité personnelle. »

En outre, Adeboye sentait la nécessité d’aborder cette question importante pour le christianisme africain d’un point de vue chrétien africain.

« J’ai lu de nombreux ouvrages sur le christianisme africain et beaucoup d’auteurs ne sont pas sensibles à l’expérience africaine », estime-t-il. « Pour rendre l’Évangile chrétien concret pour les Africains, nous devons dialoguer avec l’expérience africaine. »

Voici une conversation récente d’Adeboye avec Geethanjali Tupps, notre responsable du suivi des livres à l’international.

Parlez-nous un peu de vos origines nigérianes.

Je viens de l’État de Kwara, dans le centre-nord du Nigeria, où vivent des centaines de groupes ethniques et culturels et plusieurs traditions religieuses, avec de fortes tensions interreligieuses. Les Yorubas constituent un groupe ethnique important au Nigeria. Il existe des réseaux d’églises africaines pentecôtistes et charismatiques profondément religieux, fondés et dirigés par de nombreux Yorubas. La plupart des chrétiens d’origine yoruba, comme moi, ont de profonds antécédents dans les religions traditionnelles africaines.

Le Kwara n’est cependant pas un État uniquement yoruba, mais un État mixte, religieusement et culturellement, composé de groupes ethniques haoussa, peul, nupe et yoruba, ainsi que de musulmans, de chrétiens, de pratiquants des religions traditionnelles et d’autres groupes religieux.

Dans ma communauté, les gens donnent régulièrement des explications métaphysiques à leurs expériences de vie. Parce que j’ai eu le privilège d’accepter le Seigneur à un âge très précoce, j’ai donc une réponse différente aux questions de la vie. Lorsque je suis confronté à des situations difficiles, je ne suis pas l’interprétation traditionnelle qui attribue les défis de la vie à des malédictions ou au diable.

Qu’est-ce qu’une malédiction ? Comment se manifeste-t-elle dans la vie quotidienne des Africains ?

De nombreux Africains interprètent les différentes circonstances de la vie comme l’expression d’une malédiction. Lorsqu’un couple marié ne peut pas avoir d’enfant, par exemple, il pense que sa famille ou son mariage est maudit. Ou une personne qui lutte contre l’alcoolisme pourra par exemple croire que ses parents sont maudits. En outre, nombreux sont ceux qui pensent que les noms peuvent être maudits. Ils croient que les malédictions peuvent être générationnelles. Ils changent donc parfois de nom. Les sociétés africaines ont une riche tradition en matière d’attribution de noms. Un nom reflète certaines choses sur son porteur. C’est pour cela que de nombreux Africains pensent que leur nom est une entité spirituelle qui doit être purifiée et bénie. Lorsque certaines personnes deviennent chrétiennes, par exemple, elles changent le nom que leur avaient donné leurs « parents non chrétiens ». De nombreux chrétiens craignent que les malédictions soient transmises par le biais des noms de famille.

Dans la culture indigène africaine, beaucoup de choses peuvent être maudites : une famille, un mariage, une terre, un bâtiment, un lieu de travail, voire une église.

Les chrétiens africains sont parfois désorientés. La Bible leur enseigne qu’ils sont de nouvelles créatures, mais lorsqu’ils vivent des situations difficiles, ils se demandent si ce qui est arrivé à leurs parents avant qu’ils ne deviennent chrétiens n’a pas tout de même un impact négatif sur leur vie.

Comment la Bible traite-t-elle des malédictions ?

Pour les chrétiens, la réponse aux malédictions doit être christologique. La croix du Christ a payé toutes les dettes. Cependant, la Bible nous montre clairement que la grâce pour l’humanité et le libre arbitre individuel sont tous deux essentiels à la finalité humaine, c’est-à-dire que la façon dont les choses se dérouleront pour les êtres humains est déterminée par la grâce de Dieu et la réponse de l’être humain. Lorsque les humains acceptent le Christ, ils sont purifiés des malédictions ou des dettes générationnelles.

La première étape de la délivrance des malédictions générationnelles ou ancestrales consiste à vivre une vie transformée, modelée par la Parole de Dieu. Mais le phénomène des malédictions peut être complexe, et mon livre explique comment traiter certaines questions difficiles liées aux malédictions.

Quel est le lien entre les malédictions et la famille ?

Les malédictions générationnelles, ou malédictions héréditaires relèvent d’une croyance selon laquelle les choses négatives qui sont arrivées aux ancêtres d’une personne peuvent également arriver aux membres de la famille (comme la mort soudaine, la pauvreté, les accidents, l’absence d’emploi, l’instabilité financière, l’éclatement de la famille).

J’ai interrogé des collègues du Zimbabwe, du Kenya, du Malawi, du Mozambique, du Ghana, de la République du Bénin, du Nigeria et du Congo, et j’ai constaté que, dans toute l’Afrique, les gens craignent les malédictions, et que de nombreux chrétiens pensent qu’ils sont affectés par des malédictions héréditaires.

En Afrique, la famille n’est pas seulement une institution sociale, c’est aussi une institution spirituelle. Le mariage aussi est une institution spirituelle. Il existe un lien spirituel entre le père et l’enfant, entre la mère et l’enfant, et les gens pensent que si quelque chose arrive au père, cela pourrait aussi arriver à l’enfant, parce qu’ils sont liés spirituellement.

Les malédictions générationnelles existent bel et bien, mais seulement pour ceux qui n’ont pas accepté le Seigneur Jésus. Si une personne est en Christ, elle est une nouvelle créature. Cette liberté en Christ n’annule pas la responsabilité morale du chrétien. Lorsqu’un véritable enfant de Dieu, né de nouveau, traverse des épreuves dans sa vie, ce n’est pas à cause d’une malédiction, mais pour la gloire du Seigneur et sa croissance spirituelle.

Quelle place ont les sorcières ?

En général, pour que les malédictions soient efficaces, la plupart des Africains pensent que le « maudit » doit avoir offensé le « maudisseur ». Cependant, les sorcières sont des personnes dont les malédictions peuvent entrer en action sans qu’il y ait eu aucune offense. Naturellement, les gens les craignent.

La peur des malédictions des sorcières n’est pas seulement due au fait qu’elles sont des sorcières. De nombreux Africains craignent également les paroles négatives de n’importe quel chef religieux. Les chrétiens africains craignent que leurs pasteurs les maudissent dans leurs prières. En outre, dans les prières de nombreuses églises d’Afrique, les malédictions contre les ennemis ont une grande importance. C’est ce que j’appelle « guérir les malédictions par les malédictions » dans mon livre.

Dans l’Ancien Testament, on voit souvent Dieu proclamer des bénédictions ou des malédictions sur les générations futures. Comment conciliez-vous les croyances de vos compatriotes africains avec les paroles de Dieu dans l’Ancien Testament ?

À première vue, la compréhension africaine des malédictions est analogue aux situations de l’Ancien Testament (AT) où Dieu impose des malédictions aux gens. Mais un examen plus approfondi révèle des différences essentielles. Les malédictions de Yahweh dans l’AT sont en grande partie des malédictions conditionnelles et liées à la sainteté de Dieu. Mais en Afrique, la majorité des malédictions sont inconditionnelles. Dans mon livre, je soutiens que Dieu ne maudit pas ses enfants, même dans l’Ancien Testament. Les fameuses malédictions de Genèse 3, par exemple, ne sont pas des malédictions, mais des sanctions. Dieu n’a pas maudit Adam ou Eve. Il a maudit le sol, le travail humain et l’accouchement. Et dans l’annonce même du châtiment se trouve la promesse de la bénédiction la plus importante : la promesse de la venue du Christ.

Mon livre soutient que les malédictions et les bénédictions de Yahweh dans l’AT ne sont pas automatiques ou inconditionnelles ; elles font appel à la responsabilité morale, à la justice et à la sainteté divine. Les malédictions de Yahweh dans l’AT ne doivent pas nous faire voir Dieu comme un être terrifiant, mais comme un Dieu juste. Elles montrent que les actions humaines ont des conséquences sur ce qui arrive. La société africaine a besoin d’une libération mentale sur ce point, car beaucoup pensent que même lorsque la personne devient chrétienne les malédictions familiales continuent d’opérer.

Croyez-vous que les bénédictions générationnelles existent aussi ?

Partout sur le continent, j’ai vu des montagnes de prières, des centres de prières et des maisons de prières, tous nommés d’après des malédictions. Au Nigeria, l’Église passe pour un centre de délivrance des malédictions. J’ai été témoin de programmes d’église où, au lieu de prêcher la parole de Dieu, le prédicateur demande aux membres de se laver la tête avec de l’eau afin d’être délivrés des malédictions.

Beaucoup de chrétiens africains prient de manière négative et non positive. Ce n’est pas comme en Occident, où l’on dit « Que Dieu vous bénisse. Que Dieu subvienne à vos besoins. » Au contraire, les Africains prient en maudissant l’ennemi, en disant par exemple : « Mon Dieu, que mes ennemis meurent. Dieu, fais que mes ennemis s’endorment et ne se réveillent jamais. »

Je pose donc une question dans mon livre : est-il bon d’utiliser des malédictions pour résoudre les malédictions ? Ma réponse est non ; nous préférons utiliser la Parole de Dieu pour expliquer et connaître Dieu et sa Parole.

Que pensez-vous des prières imprécatoires de la Bible ?

À bien des égards, les chrétiens africains sont particulièrement intéressés par l’utilisation des psaumes imprécatoires pour réfléchir et répondre aux défis de la vie. Ces psaumes reviennent fréquemment dans la liturgie, les sermons et les livres de prières de nombreuses confessions religieuses, en particulier dans les églises africaines autochtones. Ces psaumes constituent une ressource biblique importante pour la réflexion sur l’expérience existentielle et les défis de la vie pour de nombreux chrétiens africains.

Cependant, nombre de ces psaumes sont souvent lus, appliqués et interprétés sans tenir compte de leur contexte historique et théologique. Ces psaumes ne sont pas de simples « déclarations négatives », mais des réflexions personnelles des psalmistes sur la justice divine à l’encontre de ceux qu’ils considèrent comme des ennemis de Dieu.

Cependant, de nombreux Africains utilisent ces psaumes comme moyen de vengeance personnelle, par exemple en invoquant le nom de leurs ennemis humains tout en récitant un psaume imprécatoire spécifique (par exemple, le psaume 35) pendant un certain nombre de fois prescrites. Il n’est pas rare de voir un Africain en conflit avec un collègue choisir des psaumes imprécatoires pour maudire son adversaire.

C’est ce que j’appelle « guérir les malédictions par les malédictions. » Dans leur tentative de gérer la peur des malédictions, ils maudissent leurs maudisseurs. Les livres de prières de nombreuses églises autochtones africaines contiennent des prières consacrées à la malédiction des ennemis plutôt qu’à l’invocation de la bénédiction de Dieu.

Les théologiens chrétiens africains ont beaucoup conceptualisé la pertinence des psaumes imprécatoires pour réfléchir à l’expérience contextuelle africaine, mais les guides pratiques sur la manière d’utiliser correctement ces psaumes sont rares. Mon livre comble des lacunes de la théologie chrétienne africaine en fournissant des conseils théologiques et pratiques et comporte une section avec des étapes pratiques et des exemples sur la façon d’interpréter et d’appliquer correctement les psaumes imprécatoires.

Comment voyez-vous l’idée de malédiction dans un contexte occidental ?

Le phénomène des malédictions ne se limite pas au contexte africain. Premièrement, le contexte occidental n’est plus purement occidental en raison de l’immigration et des interactions interculturelles. Deuxièmement, les croyances religieuses institutionnelles occidentales ne définissent peut-être pas clairement le concept de malédiction, mais l’idée de malédiction et la crainte qu’elle suscite sont perceptibles dans les expériences vécues par certaines personnes en Occident. L’hypothèse de la sécularisation, selon laquelle les humains deviennent moins religieux à mesure que les sociétés progressent sur le plan technologique, a échoué. Être occidental ne signifie pas nécessairement être moins religieux ou moins spirituel.

Je veux encore étudier et comparer les notions occidentales de malédiction par rapport au contexte africain.

Comment surmonter ce genre de malédiction, en particulier dans votre propre culture ?

Tout d’abord, nous devons croire en la Parole de Dieu et nous engager envers elle. Le christianisme se développe en Afrique. Certains prédisent que dans les prochaines décennies, le centre du christianisme sera sur notre continent. Mais j’ai des inquiétudes.

Le christianisme africain augmente en nombre, mais pas en qualité. La croissance quantitative du christianisme africain doit être soutenue par une croissance qualitative : la connaissance de la Parole de Dieu.

Dans le christianisme africain, les dirigeants se placent parfois au-dessus de la parole de Dieu. Les membres de l’église sont ainsi désorientés. Nous devons donner la primauté à la Parole de Dieu, non seulement en théorie, mais aussi en pratique dans notre liturgie, dans nos programmes d’accompagnement, dans les autres activités et dans l’étude personnelle.

Deuxièmement, nous devons mettre l’accent sur la doctrine de l’expiation. Il faut rappeler aux chrétiens africains que l’expiation du Christ est définitive et absolue. Ils doivent être centrés sur la croix et sur le Christ.

De plus, Jésus a dit à ses disciples qu’ils devaient porter leur croix et le suivre. La souffrance et la pauvreté peuvent faire partie de notre croix ; par conséquent, lorsque les chrétiens africains rencontrent des difficultés, celles-ci peuvent être une croix qu’ils doivent porter, et non une malédiction.

Troisièmement, les responsables africains doivent mettre l’accent sur le contact personnel et l’expérience confessionnelle. Si un individu est vraiment régénéré par le Saint-Esprit, il ne devrait en principe pas être tourmenté par des malédictions.

Enfin, les responsables des églises chrétiennes africaines doivent mettre l’accent sur la mission, l’évangélisation et la formation des disciples. Nous devons nous efforcer de faire des disciples des nouveaux chrétiens. Si nous faisons cela, les chrétiens africains seront équipés pour faire face à la peur des malédictions.

Un chrétien peut-il être maudit ?

S’il s’engage à suivre une formation spirituelle biblique et à assumer ses responsabilités chrétiennes, un chrétien ne peut pas être maudit. La formation spirituelle biblique comprend la connaissance, l’appréciation, l’acceptation et la reconnaissance continues de l’œuvre de salut de Christ.

La victoire chrétienne sur les malédictions, qu’elles soient héréditaires, familiales ou personnelles, repose sur Christ, car Christ est la solution à tous nos défis individuels et collectifs. Cependant, nous avons un rôle à jouer dans notre vie chrétienne personnelle et collective pour nous approprier notre victoire en Christ. C’est pour cela qu’il faut comprendre et s’approprier la compréhension chrétienne de la responsabilité morale.

La théologie de la responsabilité morale n’est pas suffisamment ancrée dans le christianisme contemporain. La responsabilité morale implique que nous sachions que nous devons approfondir notre vie spirituelle en suivant le Christ. La Bible est claire sur les mécanismes de récompense et de punition pour les chrétiens. Nous ne devons pas faire certaines choses ; si nous les faisons, il pourrait y avoir des répercussions négatives. Ces répercussions sont parfois qualifiées de malédictions.

Les chrétiens ne peuvent pas être maudits parce que le Christ a été fait malédiction pour nous. Mais si nous transgressons les lignes établies par les préceptes du Christ, nous risquons d’en subir les conséquences. La vie chrétienne a des exigences, et les chrétiens doivent les respecter.

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Books

Des pasteurs s’interrogent à propos des membres qui ne sont pas revenus après la pandémie.

Une nouvelle étude montre que les divergences quant à la gestion du COVID-19 ont affecté la fréquentation des églises. Mais « beaucoup de choses restent mystérieuses ».

laterna magica / Lightstock

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Christianity Today November 10, 2023

Après quelques années difficiles marquées par la pandémie, Paul Seay est heureux de constater que les deux Églises méthodistes dont il est le pasteur à Abingdon, en Virginie, se remplissent de plus en plus.

Pourtant, il ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il est advenu des personnes qui ne sont jamais revenues.

« Certains étaient très impliqués et ils ont tout simplement disparu », déclare Seay, qui conduit l’église méthodiste unie Charles Wesley, une assemblée historiquement noire, et l’église méthodiste unie d’Abingdon, grande église en briques rouges située un peu plus bas dans la rue.

À un moment donné, l’église Charles Wesley ne comptait plus que six personnes. La situation n’a pas atteint ce point critique à Abingdon, qui comptait environ 180 personnes avant la pandémie. Mais elle a également été mise en difficulté par le COVID-19.

Les deux n’étaient pas seule dans ce cas. Selon une nouvelle étude sur l’impact du COVID-19 sur l’Église américaine réalisée par Arbor Reseaerch et ChurchSalary, une publication sœur de Christianity Today, plus d’une église sur trois a vu sa fréquentation diminuer entre 2020 et 2022. Et bien que de nombreuses églises, comme celles de Seay, aient repris des couleurs depuis les jours les plus sombres, il leur manque encore des fidèles.

« Il n’est pas rare, lors des entretiens avec les pasteurs, d’entendre dire que 20 %, un tiers, ou même la moitié de leurs fidèles ne sont pas revenus après la réouverture des portes », relatent les chercheurs.

Les « bons dimanches », l’église Charles Wesley compte aujourd’hui une vingtaine de personnes et Abingdon environ 200. Mais Seay remarque toujours que certains ne sont plus là.

« La pandémie », nous déclare-t-il, « a vraiment mis à mal l’assemblée. »

Il semblerait que cette situation ait des causes multiples. L’enquête menée auprès de 1 164 pasteurs protestants, suivie de 17 groupes de discussion et de neuf études de cas personnels, en a soulevé plusieurs, complexes et variées. Selon des pasteurs issus de 42 confessions différentes dans tous les États-Unis, les raisons de départ des fidèles seraient notamment des désaccords sur les politiques de santé, d’autres sujets de discorde ou des déménagements. Mais parfois, il n’y a pas d’explication.

« En fin de compte, il s’agit en grande partie d’un mystère », estime Seay. « Nous sommes en territoire inconnu. »

Selon l’étude, les églises des grandes villes et des banlieues sont les plus susceptibles de connaître une baisse de fréquentation ; les églises rurales connaissent moins de changements. Les assemblées à majorité noire ont été les plus durement touchées, 64 % d’entre elles faisant état d’une baisse de fréquentation depuis 2020.

Le rapport montre que la fréquentation des églises a surtout été influencée par les réactions face aux restrictions imposées par la pandémie. Les églises qui ont réagi au COVID-19 en fermant leurs portes longtemps, en limitant la fréquentation et en exigeant le port du masque pendant de longues périodes ont parfois perdu des membres qui souhaitaient revenir plus rapidement à la « normale ». Mais, d’autre part, les églises qui ont imposé des restrictions moins strictes ont parfois perdu des membres qui étaient plus prudents ou qui avaient des problèmes de santé.

Perry Hunter qui a quitté son assemblée de l’Église du Christ de Borden, dans l’Indiana se sent toujours partagé. Cette église rurale et plus âgée est restée longtemps fermée pendant la pandémie, si bien que Hunter, qui était diacre, a décidé de se rendre dans une église plus importante, située à environ 25 kilomètres au sud.

« Je sentais que nous devions aller dans une église plus grande pour les enfants et pour avoir plus d’activités sans que je doive en être responsable », explique-t-il. « Je n’ai rien contre mon ancienne église, mais le temps passé dans la nouvelle assemblée a conquis mes enfants et mon épouse. »

Hunter continue à soutenir financièrement son ancienne église, mais a fini par fréquenter la nouvelle, l’église indépendante de Northside.

D’autres, qui ont quitté leur église pendant la pandémie, ont l’impression qu’on ne leur a pas assez prêté attention. Une dame nous raconte sous couvert d’anonymat qu’elle sert toujours comme administratrice dans son église de taille moyenne, mais qu’elle a cessé d’assister aux cultes. Les responsables n’avaient pas assez pris au sérieux ses préoccupations de santé. « Je suis encore choquée que le corps du Christ n’ait pas fait preuve de plus de compassion pour empêcher la propagation du COVID », dit-elle.

Elle ne sait ni quand, ni si elle retournera au culte.

Pour de nombreux responsables d’église, décider quand et comment reprendre les réunions en présentiel relevait souvent du casse-tête. Il semblait que quoi qu’ils fassent, quoi qu’ils disent, quelle que soit la manière dont ils répondraient aux recommandations sanitaires, il y aurait toujours quelqu’un qui serait contrarié ou en colère et s’en irait.

« C’est un fait que toute la pandémie a été fortement politisée », déclare Drew McCallie, pasteur de l’Église méthodiste unie à Farragut, dans l’est du Tennessee.

À Farragut, l’assistance est passée de 220 personnes par dimanche à environ 80. Outre la pandémie, l’église a également connu des changements dans son personnel et a mis fin à l’un de ses cultes réguliers.

Mais aujourd’hui, l’église compte à nouveau une centaine de fidèles, et sa fréquentation ne cesse de croître. Le pasteur McCallie explique que l’assemblée qu’il conduit depuis quelques mois dispose d’une base très solide de membres engagés, ce dont il est reconnaissant. Mais lui et d’autres pasteurs avec lesquels il s’est entretenu ont remarqué que certains membres qui sont revenus ne sont plus aussi engagés qu’auparavant.

Certains membres qui avaient pris du recul se sont rendu compte qu’ils se donnaient tellement qu’ils s’épuisaient. Ils ont apprécié d’avoir un peu plus de temps libre.

D’autres responsables d’église ont dû se faire à l’idée qu’ils n’auraient rien pu faire pour garder les gens. Des fidèles autrefois engagés quittent les églises parce qu’ils quittent la région. La pandémie a provoqué une vague de déménagements et de changements d’emploi, ce qui a eu un impact sur les lieux de culte.

« Nous avons perdu presque toutes les jeunes familles de l’église, sauf la mienne », nous dit Jeff Schoch, pasteur principal de l’église Crossroads Bible Church à San Jose, en Californie.

Les restrictions liées à la pandémie et le coût élevé de la vie ont rendu la Californie peu attrayante pour elles. Même si ces familles ne sont pas parties fâchées avec l’église, le pasteur ressent une impression de gâchis.

« C’était un coup dur pour moi. J’ai passé tellement de temps à créer un lien avec ces familles pour les intégrer et elles ont toutes déménagé à Boise. »

Pour d’autres églises, en revanche, les déplacements liés à la pandémie ont entraîné une nouvelle croissance. À l’église Crossover de Tampa, en Floride, le pasteur Christopher Harris affirme que tous les indicateurs de l’église se sont améliorés pendant la pandémie : la fréquentation, les dons et les baptêmes. L’église, que son site web décrit comme multiethnique, multigénérationnelle et centrée sur le Christ, accueille en moyenne 35 à 40 nouvelles familles chaque semaine.

« Nous sommes dans l’une de ces villes des États-Unis qui connaissent une croissance démographique explosive », dit Harris. « La croissance et le développement apportent leur lot de problèmes, soit, mais au moins beaucoup de nouvelles personnes viennent dans notre église. »

Cependant, même les églises comme Crossover, qui ont connu une croissance tout au long de la pandémie, peuvent avoir du mal à impliquer les gens de manière stable — un constat confirmé par le rapport de ChurchSalary. Selon les nombreux pasteurs interrogés, de plus en plus de personnes considèrent la fréquentation de l’église comme facultative.

« S’il y a un problème à soulever, c’est probablement que nous, les responsables, sommes frustrés par l’évolution du niveau d’engagement des fidèles. Vous savez, de manière générale, les gens ne vont plus à l’église toutes les semaines », dit Harris. « Aujourd'hui, la concurrence d'une église n'a rien à voir avec les autres églises. Elle a à voir avec les programmes sportifs de vos enfants, vos horaires de travail, vos intérêts personnels en matière de voyages, et toutes sortes d'autres choses. Les gens considèrent donc souvent que la foi est facultative. »

Mais, au cours de l’histoire, les assemblées ont toujours dû s’adapter. Selon Harris, pour aller de l’avant, les chrétiens doivent être fidèles aux exemples issus du passé de l’église en « préservant son message tout en changeant ses méthodes ».

Le pasteur Seay partage cet avis. Même si les chiffres de fréquentation et de régularité ne sont pas aussi élevés que le souhaiteraient de nombreux pasteurs, il y a des points positifs à souligner.

De nombreuses assemblées locales sont plus unies. Elles ont tiré les leçons des difficultés rencontrées lors de la pandémie et se concentrent davantage sur ce qui est essentiel.

Seay est donc prudemment optimiste. Il est satisfait de la croissance numérique qu’ont connu les églises qu’il sert, mais il est encore plus satisfait de leur croissance spirituelle.

« Ce n’est pas une question d’ego de ma part, ou de prétendre que nous vivrions une success-story post-COVID », dit-il. « Il s'agit vraiment d'essayer de former une culture d'église qui soit vraiment, vraiment une culture fidèle de vie de disciple – un endroit où […] les gens se passionnent pour Jésus et se passionnent pour l'Église. »

Traduit par Anne Haumont

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J’ai promis à Dieu de revenir en Haïti. La promesse est difficile à tenir.

Je suis revenu après le tremblement de terre et suis déterminé à rester, même si la situation de mon pays est plus préoccupante que jamais.

Des migrants, pour la plupart originaires d’Haïti, traversent à gué l’une des nombreuses rivières qu’ils franchissent au cours de leur périple d’Amérique centrale vers les États-Unis.

Des migrants, pour la plupart originaires d’Haïti, traversent à gué l’une des nombreuses rivières qu’ils franchissent au cours de leur périple d’Amérique centrale vers les États-Unis.

Christianity Today November 10, 2023
John Moore / Getty Images

Lorsque ma femme et moi avons décidé de nous installer en Haïti en 2010, après un tremblement de terre dévastateur de magnitude 7,0, nous savions que nous arrivions sur un champ de bataille.

Nous étions de jeunes mariés pleins d’énergie et convaincus que nous pouvions changer le monde. Nous avons fait nos valises et quitté Jackson, dans le Mississippi, pour Cap-Haïtien, sans même savoir dans quelle maison nous pourrions emménager. Certains de nos amis nous ont traités de fous : « Tout le monde essaie de s’échapper de ce lieu de désespoir, sauf vous. »

Revenir dans mon pays d’origine après la catastrophe qui avait dévasté le pays était comme nager à contre-courant. Mais j’essayais seulement d’obéir à l’appel de Dieu.

J’étais le seul enfant parmi mes neuf frères et sœurs à avoir terminé l’école secondaire. Après avoir obtenu mon diplôme en 1995, j’ai passé cinq ans à supplier Dieu de m’envoyer à l’université. Mais j’avais toujours voulu étudier à l’étranger et en anglais, un rêve très ambitieux qui me faisait passer pour ridicule aux yeux de beaucoup de mes amis et de ma famille.

Un jour de janvier 2001, alors que je pleurais à genoux devant le Seigneur, il m’a finalement répondu, mais avec une direction claire et sans équivoque. Dans mon esprit, j’entendais nettement la voix du Seigneur qui me disait : « Où que je t’envoie dans le monde, j’ai besoin que tu reviennes me servir en Haïti. » J’ai accepté le contrat. Je n’avais pas d’autre choix !

Par la suite, le Seigneur m’a envoyé dans de nombreux pays riches et magnifiques à travers le monde. J’ai commencé mes études en Jamaïque, où j’ai rencontré ma femme. J’ai ensuite déménagé au Canada pour obtenir mon premier diplôme, puis aux États-Unis et au Royaume-Uni pour ma maîtrise et mon doctorat.

Depuis notre retour en Haïti, les épidémies, les catastrophes naturelles et les bouleversements politiques font partie du quotidien. Notre foi, notre espérance et notre résilience ont été sérieusement mises à l’épreuve. Quelques mois après mon retour, en décembre 2011, j’étais sur le point de faire mes valises et de migrer définitivement vers l’Amérique du Nord.

Nous pouvions à peine trouver de quoi nous nourrir. Nous avions du mal à payer notre loyer. Notre voiture avait été volée par un convoyeur. Une pandémie de choléra sévissait. Nous n’avions pas d’électricité. Nous nous sommes sentis abandonnés par Dieu et avons commencé à remettre en question notre décision de retourner en Haïti.

Mais nous avons trouvé la force et l’encouragement dans des textes bibliques comme Jacques 1.2-4 : « Mes frères et sœurs, considérez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que la mise à l’épreuve de votre foi produit la persévérance. Mais il faut que la persévérance accomplisse parfaitement sa tâche afin que vous soyez parfaitement qualifiés, sans défaut, et qu’il ne vous manque rien. »

C’est la raison pour laquelle nous sommes encore ici pour mener le bon combat. Mais le champ de bataille n’a jamais été aussi dur qu’aujourd’hui.

Depuis l’assassinat de notre président en 2021, le pays s’est enfoncé dans un gouffre obscur où il est malmené et enveloppé de troubles de toutes sortes. Nous avons été physiquement épuisés. Nous avons été mentalement épuisés. Nous avons été économiquement épuisés. En tant qu’Église, nous avons été spirituellement assaillis. La bataille n’a jamais été aussi féroce.

Tandis que les défis se sont intensifiés, il a été de plus en plus difficile de partager la charge. L’année dernière, l’administration américaine a facilité la vie et le travail des Haïtiens aux États-Unis. En l’espace de six mois, 70 % des membres du conseil de mon église ont émigré aux États-Unis. Fin septembre 2023, plus de 85 000 Haïtiens étaient arrivés aux États-Unis.

Ce programme a été une bénédiction pour les personnes et les familles qui ont eu la possibilité d’entreprendre une vie meilleure là-bas. Mais c’est une malédiction pour mon pays, dépouillant rapidement Haïti de ses éléments les plus brillants et les plus intègres. Ce programme renforce la mentalité de recherche d’échappatoires qui asservit tant d’Haïtiens et étouffe notre désir de lutter pour un changement durable dans notre pays. Il représente un veau d’or qui incite les croyants les plus fidèles à faire confiance à l’homme, plutôt qu’à Dieu, pour subvenir à leurs besoins.

Alors que je luttais face à la perte de ma communauté, bien des questions m’empêchaient de dormir. Comment réconforter l’église après la mort inattendue de notre batteur et chauffeur de bus, un jeune homme de 28 ans ? Comment répondre aux appels de tant de personnes en manque de nourriture, de fournitures scolaires pour leurs enfants, de médicaments, d’un abri ou de libération spirituelle ?

En tant que responsable de ma communauté, que dois-je dire lorsque ceux qui devraient être en prison emprisonnent des gens à Port-au-Prince ? Comment formuler une réponse théologique aux gangs qui interrompent à volonté les services religieux dans la capitale ? Que dois-je dire aux gens lorsque des membres de gangs entrent dans leurs villages et prennent leurs terres, leurs maisons et leurs biens ?

Maintenant qu’un différend au sujet d’un canal a entraîné la fermeture de la frontière entre Haïti et la République dominicaine, comment puis-je encourager ceux dont les moyens de subsistance ont toujours été liés au commerce binational entre les deux pays ?

En tant que président de l’Emmaus University, comment annoncer à mes étudiants que nous ne pourrons bientôt plus les nourrir en raison de la flambée des prix des denrées alimentaires ? Comment préparer la prochaine génération de responsables haïtiens qui se forment ici à interrompre leur formation pendant cette période de désespoir parce que nous ne pouvons tout simplement pas continuer à assumer les charges financières ?

Comment faire face à la réalité qu’Haïti a désespérément besoin de responsables chrétiens intègres alors que je me débats avec les défis de la collecte de fonds pour une bibliothèque, des salles de classe et des bourses d’études ?

C’est la réalité quotidienne du champ de bataille, et je suis submergé. Que devrais-je faire ? Dois-je m’enfuir pour sauver ma vie et tout laisser derrière moi ?

Si mon corps peut être physiquement en sécurité ailleurs, je sais que quitter Haïti ferait languir mon âme. Je préfère mourir à genoux sur le champ de bataille, le cœur en paix, plutôt que de profiter du confort de cette vie avec un esprit brisé.

La bataille fait rage. Puissé-je accomplir ma vocation, jusqu’à ce que mon Seigneur Jésus dise qu’il est temps pour moi de recevoir ma couronne. Nous vaincrons en nous appuyant sur les paroles que l’apôtre Paul adressait il y a bien longtemps à l’église de Corinthe : « Nous sommes pressés de toutes parts, mais non écrasés ; inquiets, mais non désespérés ; persécutés, mais non abandonnés ; abattus, mais non anéantis. » (2 Co 4.8-9)

La réalité présente pourrait bientôt changer. Mais à l’heure actuelle, la pression est extrêmement forte. À notre famille ecclésiale dans le monde entier, priez pour nous et tenez-vous à nos côtés, nous qui restons en Haïti pour accomplir notre course.

Guenson Charlot est président de l’Emmaus University à Acul-du-Nord, en Haïti. Vous pourrez en apprendre plus dans le livre de sa femme Claudia, Haiti : The Black Sheep?. Guenson peut-être contacté par courrier électronique à l’adresse suivante guenson.charlot@emmaus.edu.ht

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Une bible abolitionniste exposée au public

Et autres nouvelles des chrétiens à travers le monde.

Sur l’une des premières pages de sa Bible, William Turpin a conservé une liste manuscrite des noms des esclaves qu’il a libérés entre 1807 et 1826.

Sur l’une des premières pages de sa Bible, William Turpin a conservé une liste manuscrite des noms des esclaves qu’il a libérés entre 1807 et 1826.

Christianity Today November 7, 2023
Musée d’État de Caroline du Sud

Une bible contenant un rare témoignage de l’opposition des chrétiens à l’esclavage est exposée pour la première fois au musée d’État de Caroline du Sud, à Columbia. La Bible a appartenu à William Turpin, qui, avec son associé Thomas Wadsworth, prenait part au commerce d’êtres humains à la fin du 18e siècle. Les deux hommes ont alors acquis la conviction que l’esclavage était immoral et ont libérés leurs esclaves. Turpin a consigné dans sa Bible les noms de 31 d’entre eux.

États-Unis : légère scission sur la question des femmes dans le ministère

Au moins huit communautés ont quitté la Christian and Missionary Alliance (CMA) aux États-Unis autour de la question de la place des femmes dans le ministère. En juin, après plusieurs années de discussions, la dénomination a décidé que les femmes pourraient être ordonnées et porter le titre de « pasteur » à la discrétion des églises locales, tandis que la fonction d’ancien, dont sont les pasteurs principaux, resterait réservée aux hommes. Selon la CMA, la nouvelle position reconnaît que des personnes également attachées à l’autorité des Écritures interprètent différemment les passages clés concernant les femmes dans les responsabilités ecclésiastiques. Cependant, certains des sortants affirment qu’il s’agit d’un « pas important vers l’égalitarisme ». Les églises sortantes n’ont pas indiqué si elles allaient former une nouvelle dénomination.

Canada : la Cour n’entendra pas la plainte des églises en lien avec le COVID-19.

La Cour suprême du Canada a refusé d’entendre l’argumentaire d’un groupe d’églises de Colombie-Britannique selon lequel les restrictions imposées par le COVID-19 violaient leurs droits constitutionnels. Une juridiction inférieure a jugé que les restrictions imposées en cas de pandémie étaient peut-être contraires aux droits garantis par la Charte, mais qu’elles étaient néanmoins admissibles, car le gouvernement devait trouver un équilibre entre ces garanties et le mandat légal du département provincial de la santé. La juridiction inférieure a également noté que les restrictions étaient limitées dans le temps, qu’elles étaient spécifiques à l’environnement concerné et qu’elles suivaient les meilleurs avis scientifiques disponibles. Des recours similaires ont été rejetés dans d’autres provinces.

Haïti : des membres de l’église meurent en attaquant des gangs.

Sept évangéliques sont morts lors d’une confrontation avec les gangs qui ont pris le contrôle de la majeure partie de la capitale haïtienne, Port-au-Prince. Le pasteur Marcorel Zidor aurait dit aux membres de son église que leur foi les mettrait à l’abri des balles. Les membres de l’église ont défilé avec des bâtons et des machettes et ont attaqué les bandes armées. Haïti est en crise depuis l’assassinat de son président en 2021.

Royaume-Uni : le « chêne de Wycliffe » en lice pour un prix arboricole

Un vieux chêne dont on pense qu’il offrit son ombre au réformateur John Wycliffe lorsqu’il prêcha dans le Surrey, en Angleterre, a été sélectionné pour le concours de l’arbre de l’année organisé par une organisation caritative de protection de l’environnement. L’arbre est âgé d’environ 800 ans et son tronc mesure plus de 7 mètres de diamètre. Wycliffe y aurait prêché en 1370. Le baptiste Charles Spurgeon a prêché sous ses branches en 1872.

Suisse : l’AEM critiquée pour sa rencontre avec des Iraniens

L’Alliance évangélique mondiale (AEM) a accepté une invitation controversée à un forum sur la religion et les droits de l’homme organisé par l’Iran. Le pays est classé huitième sur l’Index mondial de persécution de Portes Ouvertes, et certains évangéliques ont vivement critiqué l’AEM pour avoir accepté de rencontrer les Iraniens. Johnnie Moore, qui a déjà siégé à la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale, a déclaré que l’AEM « devient une partie du problème », et le responsable d’Iran Alive Ministries a affirmé que l’organisation faisait preuve d’une dangereuse naïveté. Le secrétaire général de l’AEM, Thomas Schirrmacher, a toutefois défendu la rencontre. Selon lui, il est bon que les chrétiens soient considérés comme des interlocuteurs par des pays qui ne les considèrent généralement que comme des fauteurs de troubles. « Ils nous ont demandé de nous expliquer : quelle contribution les évangéliques peuvent-ils apporter au bien de la société ? » « J’aurais mauvaise conscience si nous ne profitions pas de ces occasions pour témoigner devant le tribunal du monde. » Les autorités iraniennes ont arrêté 134 chrétiens l’année dernière, selon les meilleures informations disponibles. Près de 50 ont été torturés.

Rwanda : augmentation du prix des bibles

La Société biblique du Rwanda a augmenté le prix des bibles d’environ 200 % après avoir constaté une forte baisse des dons. Antoine Kambanda, le cardinal catholique qui dirige l’organisation multiconfessionnelle, a déclaré que la société biblique était devenue trop dépendante des fonds étrangers, comptant sur les chrétiens à l’extérieur du pays pour couvrir environ 85 % des frais de publication. « Il est grand temps que les Rwandais commencent à contribuer à ce travail de publication des Écritures », a-t-il déclaré. L’organisation vend aujourd’hui des bibles pour environ 8 000 francs rwandais (l’équivalent d’environ 7 dollars américains).

Chine : la croissance de l’Église stagnerait.

Selon une nouvelle étude du Pew Research Center à partir d’enquêtes universitaires et gouvernementales chinoises, la croissance du christianisme dans le pays marque le pas. Selon la formulation de la question de l’enquête, entre 2 et 3 % des adultes se sont déclarés chrétiens. Cela correspond à environ 18 millions de protestants. Si les églises enregistrent de nouvelles conversions, de nombreux chrétiens quittent également la foi. Sur une période de quatre ans, les chercheurs ont constaté qu’environ un quart des croyants ont cessé de s’identifier comme chrétiens. Les données les plus récentes évaluées par Pew datent de 2018.

Japon : des missionnaires reçoivent une nouvelle appellation.

A3, une organisation évangélique qui a débuté dans les années 1960 avec des missionnaires à court terme enseignant l’anglais au Japon, a décidé de ne plus utiliser le mot « missionnaire ». Les chrétiens envoyés pour travailler dans des contextes interculturels seront désormais appelés « partenaires missionnels ». A3, anciennement connu sous le nom d’Asian Access, est dirigé par des chrétiens japonais depuis 2022. Ils ont estimé que missionnaire sonnait trop occidental. D’autres chrétiens exerçant un ministère interculturel affirment également que ce mot n’est pas biblique et a perdu son utilité, empêchant même les gens de répondre à l’appel à la mission. Aujourd’hui, A3 envoie des personnes dans 18 pays d’Asie, ainsi qu’au Moyen-Orient et en Amérique centrale, pour établir des cohortes d’apprentissage formant des responsables chrétiens.

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Les évangéliques américains se divisent sur l’Ukraine

Les candidats républicains à la présidence présentent des arguments contradictoires à leurs potentiels électeurs.

Christianity Today November 7, 2023
Illustration by Mark Harris

Des prêtres détenus par la police. Un service secret qui fouille des lieux de culte, interroge le clergé au détecteur de mensonges et assigne des responsables d’église à résidence. Un président qui menace d’interdire toute organisation religieuse ayant des liens avec un pays voisin.

Pour des évangéliques soucieux de liberté religieuse dans le monde, ces éléments suffiraient à s’inquiéter pour n’importe quel pays. Mais ces choses sont encore plus alarmantes lorsqu’elles proviennent d’un pays que leur gouvernement soutient dans une guerre.

C’est probablement le genre de choses que Tucker Carlson, ancien commentateur de Fox News, avait à l’esprit en juillet lorsqu’il a demandé à l’ancien vice-président américain Mike Pence si les électeurs chrétiens pouvaient, en toute conscience, continuer à soutenir l’Ukraine et Volodymyr Zelensky dans la guerre avec la Russie.

« Le gouvernement Zelensky a effectué des descentes dans des couvents, arrêté des prêtres et interdit de fait une confession chrétienne », s’exclamait Carlson en référence aux mesures prises à l’encontre de la partie de l’Église orthodoxe ukrainienne rattachée au patriarcat de Moscou.

L’échange, qui a eu lieu lors d’un rassemblement de chrétiens conservateurs dans l’Iowa, a rapidement dégénéré. Carlson a été vivement critiqué par les partisans du soutien à l’Ukraine. L’Orthodox Public Affairs Committee, un groupe basé aux États-Unis, a accusé le commentateur de faire de la « propagande russe ».

Mais un nombre croissant d’électeurs évangéliques américains semblent se poser les mêmes questions que lui. Nombreux sont ceux qui expriment des doutes croissants quant au soutien des États-Unis à la guerre.

Les évangéliques américains ont soutenu l’Ukraine de manière assez vigoureuse dès le départ. Lorsque la Russie a envahi l’Ukraine, ils étaient même plus enclins que les autres Américains à soutenir l’Ukraine. Selon un sondageEconomist/YouGov réalisé en mars 2022, 77 % des évangéliques américains se déclaraient favorables à l’Ukraine, aux côtés de 73 % de l’ensemble de la population américaine.

Le soutien de certains Américains est resté aussi fort que par le passé. Brent Hobbs, pasteur baptiste de Virginia Beach, en Virginie, considère cette question comme un critère décisif pour savoir pour qui il votera lors d’une élection. Pour lui, c’est une question de bien et de mal. En raison de ses implications géopolitiques, cette guerre est pour lui le problème numéro un des États-Unis.

« Je ne soutiendrais pas quelqu’un qui dirait : “Nous soutenons trop l’Ukraine” ou “Nous devons arrêter de financer la guerre” — c’est hors de question », dit Hobbs.

D’autres, en revanche, semblent avoir quelques doutes. À la fin du mois de juillet 2023, 55 % d’Américains sondés ont déclaré à CNN qu’ils pensaient que le Congrès ne devrait pas autoriser un financement supplémentaire pour l’Ukraine. Le nombre exact d’évangéliques n’est pas précisé, mais parmi les républicains, plus de 70 % estiment que trop d’argent a déjà été consacré à ce conflit.

Il y a d’autres signes d’un changement radical. Lors d’un événement organisé en juillet par Turning Point USA, l’organisation politique conservatrice a demandé aux 6 000 personnes venues voir l’ancien président Donald Trump ce qu’elles pensaient de l’Ukraine. Les États-Unis devraient-ils continuer à s’impliquer ? 96 % ont répondu par la négative. On ne sait pas exactement combien de personnes présentes étaient évangéliques, mais le groupe a organisé de nombreux événements dans des églises et cible spécifiquement les évangéliques dans sa vision politique.

Le fondateur de Turning Point USA, Charlie Kirk, qui s’identifie comme évangélique, a lu les résultats sur scène et a exhorté les candidats républicains à y prêter attention :

« Quand les hommes politiques apprendront-ils qu’on ne peut pas dire aux électeurs ce qu’ils doivent croire ? »

L’opinion à propos du président russe Vladimir Poutine semble également évoluer. Les évangéliques, comme la plupart des Américains, ont eu une vision largement négative de la Russie dans ce conflit, mais certains expriment des sentiments plus chaleureux à l’égard de Poutine, qui s’est positionné comme un défenseur des valeurs familiales traditionnelles. Une enquête récente a montré que les personnes qui pensent que les États-Unis devraient être une nation chrétienne sont plus susceptibles de le soutenir.

Les attentes eschatologiques peuvent également inciter certains évangéliques à ne pas vouloir s’impliquer dans le conflit. Avant sa mort, le télévangéliste Pat Robertson avait déclaré que Poutine était « contraint par Dieu » d’envahir l’Ukraine pour préparer une guerre contre Israël, ce qui, selon certains, serait un événement déclencheur de la fin des temps annoncé par le prophète Ézéchiel. Les populaires prédicateurs américains Greg Laurie et Tony Evans ont tenu des propos similaires.

Mais les regards évangéliques sur l’Ukraine semblent refléter surtout l’évolution de certains hommes politiques.

Certains républicains, comme Mike Pence, ont clairement encouragé le soutien à l’Ukraine. D’autres, notamment Donald Trump, qui a déjà qualifié Poutine de « génie », expriment un scepticisme croissant. Les candidats à la présidence de 2024 Ron DeSantis et Vivek Ramaswamy ont déclaré qu’ils cesseraient d’envoyer de l’argent à l’Ukraine.

Selon le sondage CNN, la plupart des Américains pensent que les États-Unis ont envoyé suffisamment d’aide. Et au moins certains semblent préoccupés par les informations selon lesquelles le gouvernement ukrainien prendrait des mesures sévères à l’encontre de l’Église orthodoxe ukrainienne.

L’année dernière, cette Église a voté en faveur d’une rupture des liens avec Moscou, bien que cette rupture n’ait pas été nette en raison des complexités du droit canonique. Tetiana Kalenychenko, sociologue qui a rédigé sa thèse de doctorat sur les aspects religieux de la guerre en Ukraine, explique que l’Église s’est divisée en trois factions. Zelensky a proposé une loi qui criminaliserait celle qui maintient une affiliation à Moscou.

« Ces actions ne sont pas dignes d’une démocratie telle que de nombreux médias internationaux ont tenté de dépeindre l’Ukraine », a déclaré James Lasher, rédacteur en chef du magazine Charisma. « Au contraire, ces actions rappellent celles de Vladimir Poutine, connu pour sa répression de l’opposition politique et religieuse et dont la soif de pouvoir a conduit au conflit entre la Russie et l’Ukraine. »

Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a également averti que la loi violerait des libertés protégées. Le projet de loi a tout de même été présenté.

Les autorités ukrainiennes insistent toutefois sur le fait qu’elle ne s’oppose pas aux prêtres orthodoxes, mais aux personnes qui, à l’intérieur de l’Ukraine, utilisent la religion comme couverture pour appuyer l’invasion et soutenir la Russie. Certains prêtres ont été accusés d’espionnage, ayant envoyé des coordonnées géographiques de troupes à l’armée russe. Les services secrets ukrainiens ont effectué des descentes dans des églises et des monastères et y ont trouvé de la propagande russe.

Taras Dyatlik, directeur régional du Conseil d’outre-mer de la United World Mission, estime que certaines des accusations pourraient être valables, mais que les personnes vivant en dehors de l’Ukraine ne devraient pas juger trop rapidement ceux qui vivent dans une zone de guerre et sont confrontées à une menace existentielle. Les détails sont compliqués. Il y a des circonstances atténuantes.

« Les médias occidentaux essaient de juger et d’évaluer la situation religieuse en Ukraine à l’aune de leur normalité, sous un ciel paisible où il n’y a pas de guerre à grande échelle en cours et où vous êtes protégés par l’OTAN et les armes nucléaires », dit-il, « mais vivre dans le pays au sein de cette guerre vous donne une vision différente. »

Les électeurs américains devront toutefois se prononcer dans un sens ou dans l’autre. Les candidats républicains font valoir leurs divers arguments dans la primaire en cours. Devant un public de 2 000 évangéliques réunis au Family Leadership Summit dans l’Iowa, Pence [qui a depuis retiré sa candidature] déclarait que le soutien à l’Ukraine était dans l’intérêt des États-Unis.

« Quiconque affirme que nous ne pouvons pas être le leader du monde libre et résoudre les problèmes à l’intérieur de nos frontières n’a qu’une vision très limitée de la plus grande nation du monde », disait-il. « Si Vladimir Poutine triomphe de l’Ukraine, je ne doute pas que les militaires russes franchiront les frontières d’un pays de l’OTAN que nos militaires devront alors défendre. »

Le rassemblement de l’Iowa a été ponctué de quelques applaudissements. Mais il y a aussi eu des huées, et il est encore difficile de dire lesquels ont été les plus retentissants.

Jonny Williams est un journaliste basé à Rhode Island.

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Books

La famille d’un pasteur piégée à Gaza pleure ses proches tués à l’église.

L’ancien pasteur de l’église baptiste de Gaza, coincé en Égypte depuis le début de la guerre, se démène pour évacuer sa femme et ses enfants, qui luttent pour survivre à l’église orthodoxe Saint-Porphyre.

Des proches assistent aux funérailles de chrétiens gazaouis tués par une frappe aérienne israélienne près de l’église orthodoxe Saint-Porphyre.

Des proches assistent aux funérailles de chrétiens gazaouis tués par une frappe aérienne israélienne près de l’église orthodoxe Saint-Porphyre.

Christianity Today November 6, 2023
Abed Khaled/AP Images

Piégée à Gaza, Janet Maher n’a pas pris de douche depuis deux semaines. Elle nourrit ses trois enfants à raison d’un repas par jour, qui se résume souvent à du pain et du fromage.

Son cousin a péri à la suite des dégâts causés par un missile israélien, alors qu’il protégeait ses garçons de sept et cinq ans de l’effondrement du mur de l’église orthodoxe Saint-Porphyre. Les deux familles s’étaient réfugiées ensemble, et le plus jeune garçon était ami avec son fils à l’école maternelle.

Mais parmi les horreurs de la vie en état de siège, le pire pour eux est peut-être ceci : le mari de Janet est coincé en Égypte.

« Je me sens comme la mère et la sœur de Moïse après qu’elles l’ont déposé entre les joncs », dit Hanna Maher, ancien pasteur de l’église baptiste de Gaza. « Tout ce que je peux faire, c’est regarder de loin. »

Né à Sohag en Haute-Égypte, Maher a été pasteur de la communauté évangélique de 2012 à 2020. Célibataire à son arrivée, il a épousé Janet, de père orthodoxe et de mère baptiste, au cours de sa première année de service à Gaza. Bien qu’il ait été appelé par Dieu à servir dans « les endroits difficiles », le ministère était éprouvant, tout comme le fait de devoir continuellement obtenir des autorisations pour des procédures d’entrée et de sortie compliquées sous l’occupation israélienne.

Depuis 2007, Israël et l’Égypte imposent un blocus à la bande côtière de 360 kilomètres carrés.

Chaque fois que la famille partait en vacances en Égypte, elle se disait qu’elle ne devrait pas retourner à Gaza. Mais jusqu’en 2020, chaque voyage s’est terminé par un engagement renouvelé d’Hanna Maher envers sa mission. Cette année-là, il accepte le poste de pasteur de l’église presbytérienne de Beni Suef, à 140 kilomètres au sud du Caire. Janet, qui a toujours espéré rester proche de sa famille élargie, se sent en paix.

Mais pas son mari. Trois ans plus tard, avec la bénédiction de Janet pour suivre à nouveau cet appel, il démissionne de son poste et, en mai dernier, la famille retourne à Gaza. N’étant plus soutenu comme missionnaire, il profite de ce voyage de prospection pour explorer les possibilités de service en dehors de la chaire. Envisageant la création d’un centre éducatif ou d’un centre de développement des petites entreprises, il retourne seul en Égypte le 28 septembre en quête d’éventuels partenaires dénominationnels.

Moins de deux semaines plus tard, la guerre commence et plus personne n’est autorisé à entrer ou sortir de la zone.

« Je ne peux pas me concentrer, je n’ai pas d’énergie et je n’ai pas pu dormir après l’attaque de l’église », rapporte Hanna Maher. « Je me contente de regarder les nouvelles et de prier pour ma famille. »

Il consacre une grande partie de sa journée à essayer de les contacter. Du matin au soir, il appelle le téléphone portable de Janet, mais les réseaux de communication ayant été endommagés par les bombardements, il faut des heures pour obtenir une connexion. Dans le meilleur des cas, ils peuvent avoir une conversation de cinq minutes, mais ils sont généralement interrompus au bout de 60 secondes.

Son fils a tenté un jour d’injecter un peu d’humour : C’est fantastique, papa, il n’y a pas d’école.

Des proches disparus après une frappe aérienne israélienne près de l’église Saint-Porphyre à Gaza.Adaptations par CT/Image source : fournie par Hanna Maher.
Des proches disparus après une frappe aérienne israélienne près de l’église Saint-Porphyre à Gaza.

Le sourire de Maher disparaît rapidement face aux statistiques de la guerre. Plus de 8 000 personnes auraient été tuées à Gaza, dont au moins 3 324 enfants, et 6 000 autres enfants auraient été blessés. Le ministère des Travaux publics a indiqué que 43 % des logements ont été détruits ou endommagés, et que plus de 1,4 million de personnes, sur une population de 2,2 millions d’habitants, ont été déplacées.

Avant qu’Israël ne rétablisse la deuxième des trois principales conduites d’eau, la quantité d’eau disponible pour pouvoir boire, cuisiner et se laver était estimée à 3 litres par jour et par personne, ce qui est bien inférieur aux 100 litres recommandés par l’Organisation mondiale de la Santé.

Le quartier de Tel al-Hawa, dans la ville de Gaza, où habite Maher, a subi d’importants bombardements israéliens. Vivant près de l’hôpital al-Quds — accusé d’être un repaire du Hamas — où environ 10 000 personnes déplacées de Gaza ont trouvé refuge, Janet n’a pas pu trouver de nourriture dans les rayons de l’épicerie locale.

Israël a accusé le Hamas de stocker de l’eau, de la nourriture et du carburant.

Janet est partie se réfugier à l’église orthodoxe grecque cinq jours après le début de la guerre, lorsqu’un ami musulman a été tué par une frappe israélienne sur l’immeuble voisin. Au début, elle et les enfants avaient toute la salle des funérailles pour eux seuls. Aujourd’hui, entre 400 et 500 personnes dorment côte à côte sur des matelas dans l’ensemble du complexe et partagent trois salles de bains.

La chapelle Saint-Porphyre, construite au 12e siècle sur un site chrétien remontant aux alentours de 425 apr. J.-C., porte le nom de l’évêque local qui a évangélisé la région. Le Conseil des Églises du Moyen-Orient a estimé qu’environ 380 chrétiens y trouvaient abri. Les autres sont des musulmans, et tous sont répartis dans les sept bâtiments du complexe.

Après le bombardement du 19 octobre, qui, selon les forces de défense israéliennes, visait un centre de commandement du Hamas situé à proximité, deux musulmans ont été recensés parmi les morts aux côtés de 18 chrétiens.

Outre le cousin de Janet, on compte parmi les victimes une de ses amies proches, la sœur d’un ancien de l’église baptiste, le bibliothécaire baptiste, sa femme et sa petite-fille, ainsi que de trois enfants qui fréquentaient régulièrement l’école du dimanche chez les baptistes.

Avant le bombardement, Janet lisait la Bible et priait avec de nombreuses personnes.

« Elle encourageait les autres dans le refuge », raconte son mari. « Maintenant, elle a besoin de quelqu’un pour l’encourager. »

Les victimes étaient également liées à des évangéliques en Cisjordanie et en Jordanie. Un autre ancien pasteur de l’église baptiste de Gaza, Hanna Massad, a perdu sa tante, tandis que Munir Kakish, président du Conseil des églises évangéliques locales en Terre sainte, a perdu la femme et les deux enfants de son fils adoptif. Aux États-Unis, dans le Michigan, Justin Amash, ancien républicain du Tea Party et premier Palestinien américain élu au Congrès, a perdu plusieurs membres de sa famille chrétienne élargie, dont deux jeunes femmes.

Mais à Gaza, il peut s’avérer difficile de trouver des encouragements pour Janet.

La population chrétienne locale était d’environ 7 000 personnes lorsque le Hamas a pris le contrôle de l’enclave en 2007. Ce nombre était tombé à environ 3 000 au moment où Maher est devenu pasteur. Mais il précise que les chrétiens, qui seraient aujourd’hui moins de 1 000, fréquentent rarement l’église. Les mêmes 100 personnes — souvent à la recherche d’aide — constituent l’essentiel de l’assistance des trois églises de Gaza.

Il prie pour que cette guerre les pousse à invoquer Dieu, mais la vie en état de siège n’a pas encore suscité de réveil. Au contraire, certains sont convaincus que Dieu les a abandonnés, voyant pour leur génération l’accomplissement de Sophonie 2.4 : « Gaza sera abandonnée. »

« Pendant huit ans, en tant que pasteur, je leur ai répété que ce n’était pas le cas », raconte Maher. « Mais si je me mets à leur place maintenant, il est difficile de leur demander de faire confiance à Dieu. »

Mais Janet et les autres n’ont guère d’autre choix. La famille reste à l’église orthodoxe, malgré les appels frénétiques de son mari à trouver un endroit plus sûr après le bombardement.

« Elle m’a demandé : “Où pourrions-nous aller ?” »

À l’église catholique ? — Elle est pleine.

Retourner à notre appartement ? — Il n’y a pas de nourriture.

Au sud ? — Maher savait déjà que cela ne fonctionnerait pas.

Il a été en contact avec un croyant qui a répondu aux appels d’Israël pour l’évacuation totale des civils de la ville de Gaza et du nord. Plus de 800 000 personnes ont fui leur domicile.

Mais il n’a pas trouvé d’abri, et moins de nourriture que là d’où il venait.

La famille MaherImage : fournie par Hanna Maher
La famille Maher

La campagne de bombardements n’a fait que s’intensifier dans le sud, le ministère de la Santé de Gaza ayant indiqué que les deux tiers des frappes effectuées au cours de la deuxième semaine de la campagne visaient la région la moins urbanisée. L’histoire de ce croyant faisant finalement du stop pour rentrer chez lui s’ajoute à d’autres récits similaires d’habitants de Gaza qui se demandent où l’on pourrait réinstaller une telle quantité de gens.

De nombreux analystes, en particulier en Égypte, craignent qu’ils ne soient chassés plus loin.

Après la guerre de 1967, certains responsables israéliens avaient proposé de transférer les Palestiniens de Gaza dans la péninsule du Sinaï. Le ministère israélien du renseignement a reconnu la présence de la même idée dans un « document de réflexion » actuel, tandis que l’ancien premier ministre Naftali Bennett a proposé que l’Égypte, la Turquie et l’Écosse accueillent « temporairement » les réfugiés de Gaza. La demande de financement pour Israël [adressée à la chambre des représentants] par la Maison-Blanche comprend des dispositions humanitaires pour « répondre aux besoins potentiels des habitants de Gaza fuyant vers les pays voisins ».

Des dizaines de blessés ont été évacués par la frontière de Rafah, ainsi que des centaines de détenteurs de passeports étrangers. Hanna Maher s’est désespérément adressé aux autorités religieuses en Égypte et à son ambassade en Cisjordanie, afin d’ajouter sa famille à la liste.

Ses enfants possèdent la nationalité égyptienne, mais pas Janet.

« J’ai l’impression que ma tête va exploser », dit-il. « Ils n’ont pas de carburant pour atteindre la frontière, et la seule autre option est de rester au milieu des combats. »

La plupart des chrétiens de Gaza vivent dans la vieille ville de la capitale de l’enclave. L’hôpital anglican al-Ahli, où se trouve l’église baptiste, n’est qu’à cinq minutes de marche de l’enceinte orthodoxe. Selon les informations disponibles, la majorité des habitants restent sur place malgré l’avis d’évacuation. Beaucoup ont trouvé abri dans les églises. La semaine dernière, neuf bébés ont été baptisés par « peur que quelque chose de grave n’arrive » à nouveau.

« Que pouvons-nous faire d’autre ? » demande Kamel Ayyad, responsable de la communication pour l’église Saint Porphyre. « Nous voulons que l’Église vivante poursuive son témoignage à Gaza. »

Maher s’adresse à toutes les confessions dans ses courtes conversations téléphoniques.

« Ils pensaient qu’ils seraient en sécurité », dit-il. « Mais maintenant, ils me le disent tous : Nous n’avons aucun espoir, nous allons mourir, ils nous exterminent. »

Comme de nombreux Palestiniens de Gaza, les chrétiens locaux n’ont pas d’amour particulier pour le Hamas. Selon un sondage réalisé en juillet, 70 % de la population est favorable au régime de l’Autorité palestinienne (AP) et 62 % au maintien du cessez-le-feu. La moitié des sondés déclarent que le Hamas devrait cesser d’appeler à la destruction d’Israël et accepter une solution à deux États. Près des trois quarts qualifient le Hamas de « corrompu ».

Pourtant, les Palestiniens ne disposent que de peu d’alternatives pour surmonter le siège. Environ trois quarts d’entre eux soutiendraient le Jihad islamique, rival du Hamas, tandis qu’un autre sondage a révélé que 79 % des habitants de Gaza étaient favorables à la résistance armée contre l’occupation israélienne du territoire palestinien.

Des proches disparus après une frappe aérienne israélienne près de l’église Saint-Porphyre à Gaza.Adaptations par CT/Image source : fournie par Hanna Maher
Des proches disparus après une frappe aérienne israélienne près de l’église Saint-Porphyre à Gaza.

Dans un sondage réalisé en 2020 auprès des chrétiens de Cisjordanie et de Gaza, seuls 66 % d’entre eux exprimaient leur confiance dans l’Autorité palestinienne, tandis que 69 % s’inquiétaient de l’existence de factions armées analogues au Hamas. Une majorité (61 %) serait favorable à la solution d’un État unique.

Le chef du Hamas, Ismail Haniyeh a toutefois déclaré que ses actions représentaient l’ensemble de la société gazaouie. Le président israélien Isaac Herzog a abondé dans ce sens, déclarant que les habitants de Gaza portaient une responsabilité collective.

Maher, quant à lui, est fatigué de ces rhétoriques politiques. Il a été stupéfait d’entendre un pasteur américain déclarer sur Facebook que « tous les habitants de Gaza sont des terroristes ». Il ne s’agissait pas pour lui d’une simple connaissance. Maher avait déjà aidé ce pasteur à mettre au point un programme en direction des Arabes de sa communauté. Après plusieurs échanges, le pasteur dit maintenant qu’il prie pour les innocents des deux côtés.

C’est un progrès, dit Maher.

Mais d’une manière générale, il est en colère — contre le Hamas, contre Israël et contre l’approche occidentale de cette guerre. Pendant que le monde débat de la légitimité de la campagne de bombardements menée par Israël pour éradiquer le terrorisme implanté dans l’une des zones urbaines les plus densément peuplées du monde, sa femme et ses enfants incarnent dans leur propre chair les dommages collatéraux que beaucoup négligent dans leurs prises de position politiques.

Comme ils incarnent aussi le corps du Christ.

Soucieux d’être bien compris, Hanna Maher choisit ses mots avec soin. Mais il a un message qui va au-delà de sa demande de prière pour la sécurité et la paix, malgré le deuil de ses proches et de ses anciens paroissiens.

« Soyez humains », dit-il. « Souvenez-vous des enfants tués dans cette guerre et ayez de l’empathie. »

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Books

16 alliances évangéliques demandent un cessez-le-feu à Gaza et condamnent le Hamas.

La déclaration publiée par les associations régionales et nationales en faveur d’une « paix juste » va plus loin d’un point de vue biblique que d’autres appels analogues.

Église orthodoxe grecque Saint-Porphyre à Gaza.

Église orthodoxe grecque Saint-Porphyre à Gaza.

Christianity Today November 6, 2023
Agence Anadolu/Contributeur/Getty

Alors que les victimes civiles de la guerre entre Israël et le Hamas se multiplient à Gaza, 16 alliances et associations évangéliques appellent à un cessez-le-feu humanitaire immédiat.

Mais leur déclaration de lamentation, de repentir et de condamnation du 1er novembre va plus loin.

« Nous appelons l’Église et les croyants à accroître et intensifier dans la région un travail d’établissement d’une paix juste et promotrice une justice réparatrice, et à le faire en faisant preuve d’empathie et d’humilité », déclarent les signataires. « La paix ne peut être atteinte que lorsque les cycles de la violence sont brisés et que les auteurs et les victimes sont libérés de leur désir de vengeance. »

Au nombre des associations régionales de l’Alliance évangélique mondiale (AEM) au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique latine signataires du texte, on trouve des organismes représentatifs d’Algérie, d’Égypte, d’Éthiopie, d’Inde, d’Irak, de Jordanie, du Kenya, du Kurdistan, du Népal, du Qatar, d’Afrique du Sud et du Sri Lanka, ainsi qu’une alliance arabophone d’Europe.

Reconnaissant leur compréhension « incomplète » de la complexité géopolitique de la situation et des desseins eschatologiques de Dieu, la déclaration déplore la perte tragique de vies humaines, se repent du soutien insuffisant apporté au rétablissement de la paix et dénonce le fait que la communauté mondiale n’a pas su « assurer le respect » du droit humanitaire international.

Mais l’appel commun, relayé notamment par les affiliés de l’AEM en Inde et en Amérique latine, est également plus clair dans des domaines où d’autres déclarations chrétiennes sur la guerre ont été accusées de ne pas être à la hauteur.

Les alliances condamnent toutes les formes d’antisémitisme, appellent le Hamas à libérer tous les otages et qualifient de « déplorable et méprisable » le « plus grand massacre de civils juifs en un seul jour depuis l’Holocauste ».

Cependant, le texte affirme également qu’« Israël, dans sa poursuite du Hamas, a causé davantage de morts parmi les civils ». Il situe ces violences dans le cadre d’un conflit qui dure depuis des décennies et dans lequel, « sans garantir la justice, l’égalité et l’épanouissement de tous en Terre sainte, aucun groupe de population n’obtiendra la sécurité ».

Ce message, de l’avis de beaucoup, est la raison pour laquelle d’autres déclarations restaient insatisfaisantes.

« Nous nous sommes associés à cet effort pour attirer l’attention sur les différentes perspectives au sein de la communauté évangélique mondiale », rapporte Vijayesh Lal, secrétaire général de l’Alliance évangélique indienne, membre fondateur de l’AEM. « Tout d’abord pour une bonne compréhension, mais aussi pour promouvoir la paix, il est nécessaire de présenter divers points de vue autres que ceux qui sont normalement étiquetés comme “la position évangélique”. »

L’alliance sud-africaine a déclaré qu’elle ne voulait pas répéter les erreurs du passé.

« Au plus fort de l’apartheid, la voix évangélique dans le monde était largement inexistante ou, au mieux, cherchait à adopter une position neutre face à nos souffrances », dit Moss Nthla, son secrétaire général. « Nous avons estimé qu’il se passait la même chose avec la guerre d’Israël contre Gaza. »

L’alliance du Kenya voulait une condamnation claire des atrocités commises contre les citoyens d’Israël. Elle souligne également le plus grand nombre de morts parmi les Palestiniens, tout en estimant que le Hamas est passé maître dans l’utilisation de boucliers humains.

Et des évangéliques font partie de ceux qui souffrent à Gaza, note l’alliance en lançant un appel à tous pour un « état d’esprit humanitaire ».

« Nous nous adressons à la communauté internationale : n’ignorez pas le sort des civils qui souffrent », déclare Nelson Makanda, secrétaire général de l’Alliance évangélique du Kenya. « C’est notre devoir de chrétien. »

Cette déclaration s’inscrit dans le cadre d’une récente série d’appels internationaux à l’arrêt des combats.

« Cessez le feu, cessez le feu. Frères et sœurs, arrêtez ! » appelait le pape François. « La guerre est toujours une défaite, toujours. »

Le Conseil œcuménique des Églises et les Églises pour la paix au Moyen-Orient ont également soutenu un cessez-le-feu. La communion anglicane, cependant, faisait face à un désaccord interne dans les termes à adopter.

À la suite des décès causés par une frappe aérienne israélienne à proximité de l’église orthodoxe Saint-Porphyre, l’archevêque de Canterbury Justin Welby s’est joint aux patriarches et aux chefs des Églises de Jérusalem pour appeler à un cessez-le-feu humanitaire immédiat.

Citant Matthieu 25.35 — j’avais faim et vous m’avez donné à manger — les religieux ont insisté sur la livraison de biens de première nécessité aux agences humanitaires, y compris la leur.

« Même face aux demandes incessantes de l’armée d’évacuer nos institutions caritatives et nos lieux de culte, nous n’abandonnerons pas cette mission chrétienne. »

L’Église d’Angleterre que dirige Welby a toutefois publié une déclaration légèrement différente.

Citant Ésaïe 2.4 — ils n’apprendront plus la guerre — elle affirme le droit d’Israël à l’autodéfense tout en appelant à des « pauses » humanitaires immédiates.

La sémantique est importante dans la diplomatie internationale, et la question de la formulation divise également les Nations unies. Après avoir échoué quatre fois au Conseil de sécurité des 15 membres — une fois à cause du veto des États-Unis, une fois à cause du veto de la Russie et de la Chine — l’Assemblée générale a adopté une troisième approche dans son appel non contraignant à une « trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue ». La mesure a été adoptée par 120 voix contre 14.

Le Royaume-Uni fait partie des 45 pays qui se sont abstenus. L’amendement du Canada visant à dénoncer le Hamas a été rejeté. Les États-Unis ont voté contre la résolution. Ils soutiennent une « pause », mais estiment qu’un cessez-le-feu n’est pas approprié « à ce stade ».

Israël a vivement critiqué le fait que le Hamas n’ait pas été condamné.

« Pourquoi les besoins humanitaires des habitants de Gaza sont-ils […] la seule question sur laquelle vous vous concentrez ? », a demandé son ambassadeur auprès des Nations unies.

Tony Perkins, président du Family Research Council, [une organisation américaine de lobbying chrétien], note que la résolution de l’ONU est intervenue au moment où Israël était prêt à entamer sa campagne terrestre.

« L’entrée dans la bande de Gaza », analyse-t-il, « suscite des réactions négatives de la part des sympathisants des Palestiniens au sein des Nations unies et dans le monde entier. »

Le Philos Project [une association chrétienne engagée pour la paix au Proche-Orient] a déclaré qu’un cessez-le-feu était la « mauvaise solution ».

« Il n’est pas possible de négocier la paix avec un parti qui la rejette par principe », a-t-il déclaré, citant l’article 13 de la charte du Hamas. « Le Hamas poursuivra son cycle violent d’attaques contre Israël, Israël ripostant en légitime défense, les Palestiniens mourants et le monde blâmant Israël. L’éradication du Hamas est la seule voie vers une solution à deux États, et un cessez-le-feu ne fera que perpétuer les effusions de sang. »

Le Hamas lui-même l’admet.

« Le déluge d’Al-Aqsa n’est qu’une première, et il y aura une deuxième, une troisième, une quatrième, parce que nous avons la détermination, la volonté et les capacités de nous battre », a déclaré Ghazi Hamad, membre du bureau politique de l’organisation. « Devrons-nous en payer le prix ? Oui, et nous sommes prêts à le payer. »

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s’est joint à ceux qui citent les Écritures à propos du conflit.

« Il y a un temps pour la paix et un temps pour la guerre. L’heure est à la guerre, une guerre pour notre avenir commun », a-t-il déclaré en se référant à Ecclésiaste 3.8. « Chacun doit maintenant choisir de quel côté il veut se tenir. »

La seule référence biblique explicite de la déclaration des 16 alliances évangéliques renvoie à un prophète égaré.

« Nous demandons humblement à Dieu de nous guider dans nos prières pour le Moyen-Orient, afin que nous ne soyons pas insensibles comme Jonas et déconnectés des plans de Dieu visant à réconcilier tous les peuples avec lui-même. »

L’impulsion est venue de l’extérieur du monde arabe, à l’initiative d’alliances en Afrique du Sud et au Kenya, rapporte Jack Sara, secrétaire général de l’Alliance évangélique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Ces alliances voulaient selon lui « laver leur nom et leur témoignage » face à l’opinion publique mondiale.

Mais elles voulaient aussi un soutien aussi large que possible.

À la recherche d’un consensus au sein de l’AEM, Sara explique que le soutien officiel de l’organisation dépendait de l’accord de son alliance israélienne.

« L’AEM a travaillé avec les alliances nationales de la région pour parvenir à un accord sur une déclaration commune qui ferait suite à la déclaration initiale que nous avons publiée », raconte Janet Epp Buckingham, directrice du plaidoyer international pour l’AEM, « mais cela s’est avéré très difficile ».

Danny Kopp, secrétaire général de l’Alliance évangélique d’Israël, estime qu’il y avait « beaucoup de choses à approuver » dans la déclaration. Mais il n’a pas pu y apposer sa signature.

« Je suis tout à fait d’accord pour dire que nous sommes avant tout appelés à être des artisans de la paix et qu’une déclaration commune enverrait un message fort », dit-il. mais qu’entendent les signataires de cette déclaration par « paix » ?

Il évoque Jérémie 6.14 : « Ils pansent à la légère la plaie de la fille de mon peuple : Paix ! paix ! Disent-ils ; et il n’y a point de paix. » (NEG)

Kopp critique cette déclaration pour trois raisons.

Tout d’abord, elle ne laisse pas à Israël la possibilité de se défendre. Deuxièmement, elle blâme Israël pour la mort des civils que le Hamas utilise comme boucliers humains. Et troisièmement, elle rend Israël responsable d’un nombre disproportionné de victimes qu’il n’a pas pu éviter.

Israël n’a pas de « permis général » de tuer, dit-il. Mais le pays a le devoir d’utiliser la « force violente ». Si l’initiative conjointe avait répondu à ces préoccupations, il aurait été disposé à y participer.

« La déclaration, telle qu’elle est formulée aujourd’hui, va à l’encontre de la recherche de la paix », estime Kopp. « Il s’agit d’une capitulation pacifiste face à des meurtres de masse qui n’est ni morale ni chrétienne. »

De quelque manière qu’on les interprète, les victimes sont de plus en plus nombreuses.

L’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens a déclaré qu’un cessez-le-feu humanitaire immédiat était désormais « une question de vie ou de mort ». Près de 1,5 million de personnes sont déplacées, un tiers des hôpitaux ne fonctionnent plus, et les pompes à eau et les usines de dessalement dans le sud de la bande se sont presque complètement arrêtés en raison du manque de carburant. Le directeur de l’Agence, Philippe Lazzarini, a accusé Israël d’infliger une « punition collective » aux citoyens de Gaza, déclarant que la « poignée de convois » autorisés à entrer ne permettra pas de répondre aux besoins de deux millions de personnes.

L’idée d’un cessez-le-feu est soutenue par des organisations humanitaires telles que Caritas, Christian Aid, le Comité central mennonite et Oxfam. World Vision « exhorte toutes les parties à assurer d’urgence l’acheminement de l’aide essentielle », tandis que Samaritan’s Purse a déclaré que « pour l’instant, l’accès humanitaire à Gaza n’est pas possible », mais que l’association « se tient prête » à apporter son aide et a proposé son assistance aux autorités israéliennes.

Cependant, quelle que soit l’ampleur de l’aide nécessaire dans les deux pays, la déclaration commune des 16 alliances évangéliques s’achève en attirant l’attention des lecteurs sur des problèmes qui se posent aussi ailleurs dans le monde. Elle rappelle notamment les conflits armés et leurs conséquences au Soudan, en Azerbaïdjan-Arménie, au Yémen, en Ukraine-Russie et au Myanmar.

Elle appelle à prier pour « la paix, la justice, la guérison et la réconciliation ».

« L’escalade militaire et le bombardement de civils ne pourront jamais favoriser la paix », dit Vijayesh Lal. « Il y a certes la paix du cimetière, mais est-ce la direction que nous devons prendre ? »

Il est difficile de trouver la paix, dit le dirigeant évangélique indien, et plus difficile encore pour certains en raison de problèmes historiques. Cependant, la déclaration commune cherche à « transcender » une approche souvent limitée aux perspectives du Moyen-Orient et de l’Occident en incluant des nuances d’autres origines culturelles et régionales.

« Les évangéliques d’Afrique et d’Asie ont montré qu’ils comprenaient le conflit et qu’ils étaient capables de s’engager de manière empathique dans la recherche de la paix », dit Lal. « Je pense que c’est très utile. »

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Guerre en Israël : le complexe exercice de positionnement des évangéliques arabes.

Les chrétiens du Moyen-Orient rejettent la violence tout en exprimant leur frustration face au manque de reconnaissance occidental de la réalité de l’occupation et des dommages collatéraux des bombardements.

Opérations de recherche et de sauvetage dans l’église orthodoxe grecque historique Saint-Porphyre après une frappe aérienne israélienne à Gaza.

Opérations de recherche et de sauvetage dans l’église orthodoxe grecque historique Saint-Porphyre après une frappe aérienne israélienne à Gaza.

Christianity Today October 30, 2023
Ali Jadallah/Anadolu/Getty Images

Depuis le déclenchement de la guerre après les attaques terroristes sans précédent du Hamas contre Israël, diverses Églises, comités et responsables du Moyen-Orient ont exprimé leur indignation face au massacre de milliers de civils innocents.

De nombreux groupes chrétiens arabes ont fait des déclarations publiques. La plupart d’entre elles insistent sur l’appel des chrétiens à être des artisans de paix. Plusieurs ont cependant été critiquées pour ce que certains considèrent comme un manque d’attention à la souffrance des civils juifs ciblés par les terroristes.

Issues de Palestine, d’Égypte, de Jordanie et du Liban — beaucoup ayant été suscitées par le tragique bombardement de l’hôpital anglican de Gaza — les déclarations publiques varient en termes d’approche et d’intensité. Certains affirment que la communauté internationale néglige le contexte de l’occupation par l’État israélien ; d’autres rappellent à l’Église mondiale la présence continue des chrétiens sur le territoire.

Nous avons examiné les textes de neuf organisations arabes et de quatre organisations occidentales, la plupart de conviction évangélique, et sollicité le point de vue d’un juif messianique israélien et d’un évangélique arménien libanais. L’examen a révélé que peu de déclarations du Moyen-Orient désignaient le Hamas comme acteur terroriste, alors que nombre d’entre elles critiquaient spécifiquement Israël lui-même.

L’une des déclarations les plus récentes est celle de l’organisation Musalaha, qui cite les deux acteurs du conflit.

Ce ministère de réconciliation, basé à Jérusalem, travaille avec des Israéliens et des Palestiniens de diverses origines religieuses en utilisant des principes bibliques pour aborder les questions qui les divisent dans le but de parvenir à la paix. Après deux semaines passées à observer dans la douleur le carnage généralisé, sa déclaration publique s’est concentrée sur la « lamentation » et appelle à une réponse réconciliatrice.

« Nous déplorons que des personnes, au nom de la justice, aient permis à la rage de perpétuer le cycle de la déshumanisation et d’excuser l’effusion de sang, comme en témoignent les attaques du Hamas et la réponse de l’armée israélienne », dit le communiqué. « Nous invitons les Palestiniens et les Israéliens à voir la dignité et l’humanité de l’autre en résistant ensemble de manière non violente pour un avenir meilleur. »

L’organisation chrétienne la plus représentative de la région s’est toutefois exprimée sans détour sur les souffrances que l’État juif impose selon elle à Gaza.

« Ce à quoi le peuple palestinien est exposé à Gaza n’est pas une réaction militaire à une action militaire », a déclaré le Conseil des Églises du Moyen-Orient (CEMO), « mais plutôt un génocide et un nettoyage ethnique, visant les détenus de la plus grande prison de l’histoire de l’humanité — et avec préméditation. »

Cette déclaration, la plus sévère des neuf déclarations arabes étudiées, qualifie la guerre de « guerre d’extermination » et appelle « toutes les personnes honorables » à intervenir.

Michel Abs, secrétaire général du CEMO, reconnaît que ce qu’il appelle « l’entité sioniste » a été attaquée et a réagi, mais estime qu’elle aurait dû s’arrêter là.

Le CEMO s’est concentré sur la dénonciation d’Israël pour la coupure d’eau dans la bande côtière densément peuplée de Gaza, la destruction des infrastructures médicales et les morts collatérales de citoyens sans défense. Il a appelé à l’arrêt de l’agression, à la levée du siège de Gaza et à ce que soient demandés des comptes à ce qu’Abs appelle « les forces d’occupation ».

Les membres du CEMO comprennent des Églises catholiques, orthodoxes et de nombreuses dénominations protestantes, dont la plupart sont désignées comme « évangéliques » dans l’usage local. Cependant, même si les différences entre courants chrétiens dans le paysage occidental ne sont pas aussi marquées dans le monde arabe, l’Alliance évangélique mondiale (AEM) intègre des organes qui ne sont pas représentés au sein du CEMO.

« Nous sommes globalement d’accord [avec la déclaration du CEMO], sans nécessairement adhérer à chaque mot », déclare Paul Haidostian, président par intérim de l’Union des Églises évangéliques arméniennes du Proche-Orient, une Église réformée d’expression piétiste non affiliée à l’AEM. « Mais est-ce qu’il y a des éléments d’extermination dans la guerre actuelle ? Je pense que oui. »

Jack Sara, secrétaire général de l’Alliance évangélique régionale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, a contribué à l’élaboration de la réponse officielle de l’AEM au « conflit en Terre sainte ». Mais il est également d’accord avec la déclaration du CEMO.

« Avec des milliers de Palestiniens qui meurent sans arrêt, elle décrit clairement les faits sur le terrain », estime-t-il. « À la limite, elle manque simplement d’implorer le monde d’intervenir. »

Les analystes observent que le Hamas s’installe dans des zones peuplées de civils et que les Forces de défense israéliennes (FDI) émettent souvent des avertissements avant de frapper des structures résidentielles. En prévision d’une invasion terrestre, les FDI ont demandé aux non-combattants d’évacuer le nord de la bande de Gaza ; le Hamas leur a demandé de rester sur place.

Les Nations unies ont cependant déclaré que Gaza représentait déjà une catastrophe humanitaire, avec plus de 6 500 morts et un million de personnes déplacées au 26 octobre, selon le ministère palestinien de la santé dirigé par le Hamas. Face au terrorisme du Hamas et à l’assassinat de 1 400 personnes, des civils pour la plupart, Israël est confronté à un dilemme de taille : la guerre urbaine nécessaire pour poursuivre les chefs terroristes à Gaza ne fera qu’aggraver la situation locale et enflammera de plus en plus l’opinion mondiale.

Mais alors que de nombreux évangéliques aux États-Unis et dans le monde soutiennent Israël, le Bethlehem Bible College (BBC) de Jack Sara a cosigné une déclaration chrétienne palestinienne d’une grande sévérité, appelant « les responsables d’églises et les théologiens occidentaux » à la repentance.

La déclaration s’ouvre sur une citation du prophète Ésaïe : Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, protégez l’opprimé ! (1.17)

« Les attitudes occidentales à l’égard de la Palestine-Israël souffrent d’un double standard flagrant qui humanise les Juifs israéliens tout en appuyant la déshumanisation des Palestiniens et le camouflage de leurs souffrances », peut-on lire dans le texte. « Le cœur brisé, nous considérons que certains auront à rendre compte de leur complicité théologique et politique. »

Tout en déplorant la « reprise du cycle de violence » et en condamnant « toutes les attaques contre les civils », le document reproche aux responsables chrétiens de ne pas évoquer le « contexte plus large et les causes profondes » de la guerre, notamment l’occupation en cours et le blocus de Gaza qui dure depuis 17 ans. Il rappelle que les trois quarts de la population de Gaza sont des descendants de Palestiniens déplacés lors du conflit qui a suivi la création d’Israël en 1948, qui leur refuse le droit au retour censé être le leur.

Jack Sara déplore que, dans les mois précédant la guerre, des juifs extrémistes et des colons israéliens aient multiplié les attaques contre les églises locales, crachant sur les prêtres tandis que les chrétiens du reste du monde restaient silencieux. Les croyants locaux ont souvent l’impression d’être une « nuisance » pour les tenants occidentaux de certaines théologies de la fin des temps, ou encore pour le discours de leurs gouvernements sur la région.

« Nous prions pour que l’Église soit l’Église, et non un organe politique qui prend parti », déclare Jack Sara dans un message sur YouTube. « Ce n’est plus l’origine ethnique qui compte pour Dieu — Jésus n’est plus seulement un Juif, il est tout pour tout le monde. »

Un responsable juif messianique a qualifié cette déclaration commune de « répréhensible ».

Non seulement les chrétiens palestiniens ne dénoncent pas ni ne mentionnent le Hamas ou le terrorisme, dit Michael Brown, animateur de l’émission de radio américaine Line of Fire, mais leur déclaration répète des « affirmations diffamatoires » selon lesquelles Israël aurait intentionnellement bombardé l’hôpital arabe al-Ahli le 17 octobre ainsi que l’église orthodoxe grecque Saint-Porphyre le 19 octobre. (Les FDI ont affirmé que les morts de l’hôpital avaient été victimes d’une roquette mal tirée par des militants du Jihad islamique, mais ont reconnu que les morts de l’église avaient été touchés par l’un de leurs missiles visant un bâtiment voisin.)

En outre, Brown critique une déclaration qui reprendrait des « clichés habituels de la gauche » qui assimilent le retour des Juifs dans leur antique patrie à un colonialisme de peuplement.

« Nous voulons nous montrer solidaires en tant que frères et sœurs en Jésus », dit Brown, qui a participé aux conférences « Christ at the Checkpoint » du Bethleem Bible College. « Mais repentez-vous de cet appel à la repentance profondément déficient afin qu’ensemble, nous puissions poursuivre la justice, la bonté, l’équité et la miséricorde. »

Le président de l’Alliance évangélique d’Israël compare les signataires à une femme battue.

« La plupart des chrétiens du Moyen-Orient n’ont pas la liberté de s’exprimer et de condamner la violence islamiste », dit Danny Kopp. « Le coût social, et souvent physique, est tout simplement trop élevé pour être envisagé. »

Au lieu de cela, ils se tairaient, se défileraient ou rejetteraient la faute sur les autres. Les abus traumatiques altèrent la capacité de jugement moral, dit-il. Mais après avoir assisté au « pire massacre de Juifs en un seul jour depuis l’Holocauste », les croyants arabes se trouvent à un moment crucial.

« Au moment même où les chrétiens auraient pu offrir une rare étincelle de vérité, l’Église s’est largement confinée dans un état de décadence morale et d’insignifiance », dit le responsable israélien.

Les évangéliques égyptiens — quoi que l’on pense de leur position — se sont exprimés dès le début.

La présidence des Églises protestantes d’Égypte (EPC), membre du CEMO et de l’AEM, a été l’un des premiers organismes régionaux à publier une déclaration. Un jour seulement après le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre, elle publiait une condamnation non spécifique de « toutes les formes de violence et de conflit armé entre Palestiniens et Israéliens », mentionnant notamment les attaques contre des civils innocents.

Une deuxième déclaration serait venue soutenir la politique du gouvernement égyptien en matière d’apport d’aide humanitaire. Mais trois déclarations lui ont rapidement succédé, déplaçant l’attention sur les abus israéliens. Les EPC ont condamné le bombardement de l’hôpital de Gaza, puis ont désapprouvé l’idée de traiter le dossier palestinien avec des instruments militaires. Suite au bombardement qui a partiellement détruit l’église de Gaza, elles ont exprimé leur « profonde inquiétude face à la violence dirigée contre les zones résidentielles, depuis le tout début des événements ».

L’Égypte a été le premier pays arabe à conclure un traité de paix avec Israël. Les critiques d’Israël dans d’autres pays pourraient avoir fait évoluer certaines déclarations.

Ce qui a révolté de nombreux chrétiens arabes, c’est que le bombardement de l’hôpital a eu lieu le jour que les patriarches et les chefs des Églises de Jérusalem avaient appelé à consacrer au jeûne et à la prière. Deux jours auparavant, en réponse à l’appel d’Israël à évacuer le nord de la bande de Gaza, ces responsables exprimaient leur conscience de la colère des Israéliens en mettant en garde contre un « nouveau cycle de violence » qui avait commencé « par une attaque injustifiable contre des civils en Israël ».

Les responsables chrétiens de Jérusalem n’y dénonçaient ou ne mentionnaient toujours pas le Hamas, mais cette déclaration changeait tout de même par rapport à leur première réaction le jour des atrocités terroristes. Alors qu’Israël était encore sous le choc de la journée la plus meurtrière pour les Juifs depuis l’Holocauste, ces responsables s’étaient d’abord prononcés contre toute atteinte aux « civils palestiniens et israéliens ».

L’envoyé d’Israël au Vatican s’était alors indigné de cette « ambiguïté linguistique immorale ».

Qu’en est-il des évangéliques de Jordanie ?

Le 14 octobre, l’Alliance évangélique jordanienne (AEJ), membre de l’AEM, mais pas du CEMO, a publié une déclaration approuvant l’invitation à la prière des patriarches et responsables des Églises de Jérusalem. Reflétant la volonté de ses cinq églises membres, l’assemblée générale de l’alliance jordanienne a cependant voté pour éviter toute mention spécifique d’Israël ou du Hamas.

Une forte minorité souhaitait nommer Israël.

Selon Nabeeh Abbassi, président de la Convention baptiste jordanienne, une dénomination membre de l’AEJ, le Hamas est considéré comme un « libérateur » par de nombreux Palestiniens de Jordanie, qui représentent un pourcentage important, mais contesté, de la population du royaume. Souhaitant ne pas être perçue comme allant à l’encontre de ce sentiment, l’Alliance évangélique a choisi de « ne pas faire de politique » et de se concentrer sur une humanité commune.

La déclaration de l’AEJ condamne le « cycle actuel de violence et de contre-violence », tout en mentionnant une « agression contre le peuple palestinien ». Néanmoins, le Sermon sur la Montagne encourage ces croyants à être des artisans de paix, le dialogue et la négociation étant vus comme les moyens nécessaires pour mettre fin à une politique israélienne d’expansion des colonies qui n’est pas nommée.

« La violence engendre la violence », déclare l’AEJ, « l’occupation crée la résistance et le siège aboutit à l’explosion ».

Cette formule est une explication, dit Abbassi, et non une justification.

« Le Hamas est à l’origine des troubles. » « Israël a le droit de se défendre. Mais il a ensuite fait bien pire. »

Nabeeh Abbassi estime que trop de chrétiens occidentaux soutiennent Israël en raison d’une compréhension erronée de la théologie. Bien que lui-même dispensationaliste, le pasteur jordanien estime qu’il n’appartient pas aux croyants de hâter le calendrier eschatologique de Dieu.

Il renvoie à Actes 1.6-8, où les disciples demandent à Jésus ressuscité s’il va restaurer le royaume d’Israël. Il rappelle que Jésus refuse de répondre à la question, appelant plutôt les croyants à être ses témoins.

« Si nous voulons aider Dieu, c’est cela que nous devons faire. » « Ne pas prendre parti, mais aimer les uns et les autres et partager l’Évangile avec tous. »

Mais à la suite de ce qu’il a qualifié de « raid brutal » contre l’hôpital anglican, Nabeeh Abbassi rapporte que sa dénomination s’était sentie obligée de publier sa propre déclaration, et qu’elle avait ensuite été encore affligée par la frappe contre l’église orthodoxe grecque. Il blâme la politique de la « machine de guerre » israélienne qui prend pour cible aussi bien les musulmans que les chrétiens, sans faire de différence entre les civils et le personnel militaire.

« Le Hamas est un groupe, Israël est un État », dit Abbassi. « On peut attendre du Hamas qu’il fasse n’importe quoi, mais j’attends d’Israël qu’il fasse ce qui est juste. »

La déclaration de sa dénomination en Jordanie est associée à un rare moment de reconnaissance dans le pays. Presque tous les médias jordaniens ont qualifié l’hôpital de Gaza de « baptiste », reflétant ainsi la perception populaire installée par son administration baptiste pendant la guerre de 1967.

C’était l’occasion de « montrer notre cœur » au Jordanien moyen — Abbassi a donné trois interviews télévisées après la veillée de prière — ainsi que l’accord des chrétiens locaux avec une politique gouvernementale qui défend les droits des Palestiniens tout en préservant la paix avec Israël, le royaume hachémite du roi Abdallah étant le gardien historique des sites religieux musulmans et chrétiens de Jérusalem.

Les évangéliques libanais avaient des objectifs variés.

« Certains voulaient une déclaration à montrer au gouvernement, d’autres à montrer aux musulmans », rapporte Joseph Kassab, président du Conseil suprême de la communauté évangélique en Syrie et au Liban. « Mais je voulais qu’elle reflète simplement notre foi et notre théologie. »

Encouragé par plusieurs dirigeants locaux à s’exprimer après l’explosion de l’hôpital, le document libanais fait référence à la loi du talion que Jésus invite à dépasser, mais qui reste présente selon Kassab chez les juifs et les musulmans. Selon cette logique, le terrorisme du Hamas mériterait une réponse égale, mais pas double. Cependant, dit-il, Israël a décuplé la rétribution.

Alors que la dissuasion par une réponse écrasante fait partie des fondements de la stratégie militaire israélienne, Joseph Kassab estime que les chrétiens devraient employer une métrique différente.

« On ne peut pas travailler pour la paix et la réconciliation et donner son soutien inconditionnel à qui que ce soit. »

Au contraire, en cherchant à se concentrer sur la nécessité d’une solution juste pour l’ensemble du conflit israélo-palestinien, la déclaration libanaise n’a désigné ni Israël ni le Hamas comme adversaires.

Que se passerait-il si l’Iran entrait en guerre, ou les États-Unis ?

Estimant que les actions « tristes et malheureuses » du Hamas visaient à perturber les récents efforts de normalisation arabe avec Israël, connus sous le nom d’accords d’Abraham, Joseph Kassab considère clairement que ni la Palestine ni la région n’ont d’avenir si l’idéologie islamiste parvenait à s’imposer.

Israël, cependant, a à ses yeux multiplié les atrocités. Il mentionne les milliers d’immeubles d’habitation détruits à Gaza et l’appel aux réfugiés — plus tard révisé — à « sortir » et à fuir par la frontière méridionale de la bande de Gaza vers l’Égypte. Les déplacements de Palestiniens en 1948 et 1967 sont devenus des installations permanentes.

Malgré cela, il estime que la déclaration du CEMO n’était pas entièrement justifiée.

« Israël n’a peut-être pas une intention exterminatrice, mais s’il continue à agir de la sorte, c’est à cela que les choses aboutiront », dit Kassab. « Si vous n’aimez pas le mot, remplacez-le par un autre, mais cela ne changera pas l’ampleur de la violence. »

Munir Kakish, président du Conseil des églises évangéliques locales de Terre sainte, affilié à l’AEM, a pris ses distances par rapport à la déclaration du CEMO :

« Lorsque nous serons invités à leurs réunions, je pourrai alors exprimer mon opinion, »

Soulignant l’appel à être un pont pour la paix et la réconciliation, sa déclaration du 18 octobre n’était pas dirigée contre un parti ou l’autre. Centrée sur la seule bande de Gaza, elle ne mentionne ni le Hamas ni Israël et appelle à une aide humanitaire immédiate et à un traité de paix global.

« Ce qui est arrivé aux hôpitaux et aux écoles de Gaza est inacceptable au regard de toutes les lois et conventions internationales », a déclaré ce Conseil, qui s’est ensuite fait l’écho de 1 Timothée 2.2. « Nous lançons un appel à toutes les parties pour une cessation immédiate de la guerre […] afin que nous puissions vivre une vie paisible dans la piété et la dignité. »

Mais aussi pour prêcher l’Évangile. Pour Kakish, les événements actuels font partie des « guerres et rumeurs de guerres » que Jésus a prédites avant la fin des temps. Le mal augmente comme à l’époque de Noé, dit-il, et la porte de l’arche sera bientôt fermée.

« Il est temps pour l’Église de se réveiller et d’accomplir son mandat missionnaire au lieu de se laisser distraire par d’autres choses. »

Les chrétiens arabes ne sont bien sûr pas seuls à faire des déclarations.

Contrairement à leurs homologues du Moyen-Orient, la Commission pour l’éthique et la liberté religieuse (ERLC) de la Convention baptiste du Sud aux États-Unis, l’Association nationale des évangéliques (NAE) américains et l’Alliance évangélique mondiale ont rapidement et nommément condamné le Hamas.

L’ERLC a émis la déclaration pro-israélienne la plus forte.

Reconnaissant les différentes positions théologiques sur la relation entre Israël et l’Église, la déclaration des baptistes du Sud rappelle que le peuple juif a « longtemps enduré des tentatives génocidaires visant à l’éradiquer et à détruire [son] État ». Citant Israël comme un « rare exemple de démocratie » dans la région, l’ERLC se réfère à Romains 13 pour soutenir le droit du gouvernement israélien à « porter l’épée » contre les actes de malveillance à l’égard de la vie innocente.

En outre, la déclaration de l’ERLC affirme « la dignité et le caractère personnel de toutes les personnes vivant au Moyen-Orient » et prie pour « le difficile ministère des croyants juifs et palestiniens qui œuvrent pour l’Évangile ».

[Note au lecteur : Le rédacteur en chef de notre magazine, Russell Moore, ancien président de l’ERLC, a signé la déclaration aux côtés de 2 000 autres responsables.]

Ses homologues de l’Alliance baptiste mondiale (ABM) se sont concentrés sur la Palestine, notant l’héritage baptiste du sud de l’hôpital Al-Ahli tout en « plaidant pour la protection de tous les citoyens et l’établissement d’une paix véritable ».

Comptant 17 églises baptistes en Israël et 13 dans les territoires palestiniens — dont une à Gaza — l’ABM a appelé à « des voies d’apaisement qui rejettent sans équivoque le terrorisme ». « Au milieu de la complexité », elle exhorte à la « poursuite de la justice réparatrice et de la paix ».

Le secrétaire général Elijah Brown a donné l’exemple du guide de prière de l’ABM.

« Convaincus qu’en tant qu’ambassadeurs de la paix, nous ne devons pas mettre l’accent sur des approches créatrices d’antagonisme politique », nous a-t-il déclaré, « nous devons nous efforcer de façonner une voix partagée d’engagement commun. »

L’Alliance évangélique aux États-Unis (NAE) a également reconnu le droit d’Israël à se défendre. Mais elle a toutefois mis en garde Israël contre le risque de compromettre sa propre sécurité en allant au-delà pour « se venger » et infliger de nouvelles souffrances à des civils innocents. L’AEM a exprimé sa « stupéfaction » face aux manifestations qui semblaient se réjouir des premiers meurtres, tout en encourageant tous les efforts de désescalade de la violence.

Tous deux ont appelé à une paix juste — une expression qui n’est pas utilisée par l’ERLC — mais aucun des deux organismes n’a publié de déclaration évaluant ce qu’il en est depuis lors. Étant donné que la NAE a réaffirmé le rôle des évangéliques pour « critiquer de manière constructive les responsables gouvernementaux », serait-ce nécessaire aujourd’hui ?

« La doctrine de la guerre juste, de par sa nature même, comporte un cadre avec des limites sur la manière dont la guerre peut être menée, notamment l’interdiction de cibler des civils innocents », nous rappelle le président de l’ERLC, Brent Leatherwood. « Notre préoccupation pour les personnes vulnérables ne connaît pas de frontières, mais nous devons rester lucides quant aux responsables de ce conflit. »

Le président de la NAE, Walter Kim, a également cité la tradition chrétienne.

« La plupart des évangéliques s’appuient sur les principes classiques de la guerre juste pour rechercher la justice tout en limitant la violence. Israël a le droit de se défendre contre le Hamas, qui poursuit ses attaques », dit-il. « Les autres principes de la guerre juste comprennent l’intention juste, la rétribution limitée, la recherche de la paix à long terme et la protection des innocents. »

Il laisse au lecteur le soin de juger ce qu’il en est.

Thomas Schirrmacher, secrétaire général de l’AEM, a déjà son avis.

« Israël est toujours dans une situation d’autodéfense », estime-t-il. « Comme l’indiquent clairement ces attentats, ces personnes veulent tuer tous les Juifs et rayer Israël de la carte. »

Soulevant de sérieux doutes quant à la culpabilité d’Israël dans le bombardement contre l’hôpital, Schirrmacher accuse les responsables palestiniens — en Cisjordanie, gouvernée par l’Autorité palestinienne, ainsi qu’à Gaza, contrôlée par le Hamas — d’avoir échoué à construire un État fonctionnel. Le Hamas s’étant engagé dans la voie du terrorisme, la chose est impossible pour Gaza en tout cas.

Il souligne toutefois que tous ses commentaires sont formulés à titre personnel. L’AEM représente des alliances et des partenariats nationaux dans 173 pays, dont celles dirigées par Munir Kakish, Danny Kopp et une autre axée sur les citoyens arabes d’Israël.

L’alliance régionale du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord est en désaccord avec l’alliance régionale européenne de l’AEM sur les spécificités d’une définition de l’antisémitisme, rapporte Schirrmacher, tandis qu’une alliance évangélique en Azerbaïdjan est embarrassée par la condamnation par l’AEM des violations des droits de l’homme commises par ce pays du Caucase à l’encontre des Arméniens dans le Haut-Karabagh.

Il s’efforce également de trouver un équilibre entre les croyants d’Ukraine et de Russie.

L’aide fournie vise aussi l’équilibre. L’AEM travaille par l’intermédiaire de son alliance en Israël pour fournir des abris à Ashdod et Ashkelon, près de la frontière de Gaza. En partenariat avec le Synode du Nil qui lui est affilié en Égypte, une aide sera apportée au point de passage de Rafah. Avec son alliance palestinienne, une aide financière est apportée à la reconstruction de l’hôpital anglican de Gaza.

« Avant de parler, nous dialoguons avec toutes les parties », dit Thomas Schirrmacher. « Cela signifie que nous sommes lents, mais plus à même de contribuer à la paix et au changement positif qu’à publier rapidement une déclaration qui devrait être révisée par la suite. »

« Faire des déclarations n’est pas la tâche la plus importante de l’Église », dit Paul Haidostian, dont l’union évangélique arménienne n’a pas fait de commentaires officiels sur la guerre. « Il est plus important d’éduquer à la paix, à la justice et aux revendications historiques, et pas seulement aux affaires en cours. »

Selon lui, les chrétiens arabes élaborent leurs déclarations à partir de deux préoccupations principales.

Tout d’abord, ils cherchent à établir à une relation de confiance avec des partenaires internationaux en Occident, afin de contrer « l’opinion déséquilibrée et inconditionnellement favorable » à Israël souvent véhiculée par certains médias grand public.

Et deuxièmement, ils veulent montrer à la région qu’ils ne sont pas de simples spectateurs. Le responsable arménien reconnaît qu’ils peuvent être confrontés à des pressions locales de la part de musulmans ou de juifs, ajoutant qu’ils éprouvent souvent un sentiment de désespoir existentiel face à l’affaiblissement de leurs communautés chrétiennes.

Mais leurs déclarations affirment qu’ils ne sont pas, tout comme les Palestiniens, des enfants illégitimes de la terre ou des étrangers.

« Les chrétiens arabes sont aussi souvent des victimes », dit Paul Haidostian. « Les accuser de partialité est simpliste. »

Bien qu’il ait une opinion bien arrêtée sur le conflit actuel, le dirigeant arménien invite les chrétiens à ne pas considérer la région de manière monolithique : les croyants doivent veiller à ne pas confondre l’Israël biblique avec l’État moderne d’Israël et à ne pas laisser la rhétorique des gouvernements et des médias diriger leurs positionnements dans la foi.

Qu’est-ce que le Christ veut de nous maintenant ? demande-t-il. Si la Terre sainte est le berceau de la foi chrétienne, Jésus a clairement indiqué en Jean 17 que son regard s’étendait bien au-delà.

« La paix dans n’importe quelle partie du monde dépend de la paix partout ailleurs », dit Paul Haidostian. « La vitalité de l’Église au Moyen-Orient est essentielle à l’unité mondiale du corps du Christ. »

Reportage additionnel de Jeremy Weber.

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