Dans la charmante ville de Houlgate, sur la côte normande à deux heures de Paris, le temple protestant désaffecté et ses briques rouges datant des années 1950 bénéficie d’un emplacement idéal. Surplombant la plage, il est visible dès l’entrée de la ville pour ceux qu’attire la perspective d’une escapade loin de la trépidante vie parisienne.
Houlgate compte 1 711 habitants à l’année, mais la saison estivale peut amener près de 15 fois plus de monde dans la petite ville. Cette situation complique la circulation et allonge les files d’attente à la boulangerie, mais elle accroît aussi la fréquentation de l’Église évangélique de la Côte Fleurie qui occupait le temple jusqu’à il y a quelque temps.
Parmi les touristes affluant sur la côte, certains rejoignent ainsi pour un dimanche la communauté qui se réunit actuellement en périphérie d’Houlgate. « Nous constatons une augmentation pendant la saison estivale, grâce aux touristes », explique Cyril Poly, membre de longue date.
En France, les vacances d’été sont prises très au sérieux. Non seulement les gens ont plus de possibilités de voyager pendant les mois de juillet et août, mais la chose est vue favorablement dans la culture. Comme dans bon nombre d’autres pays Européens, les Églises de toute la France doivent adapter leur rythme à cette tradition culturelle.
Les 25 jours de congés payés annuels que la France accorde à la plupart des employés peuvent avoir de quoi étonner outre-Atlantique. Les entreprises sont parfois fermées pendant des semaines, voire des mois, au cours de la saison estivale, et les employés administratifs envoient couramment des courriels automatiques informant de leur indisponibilité jusqu’à la rentrée de septembre. Il n’est donc pas surprenant que la fréquentation des Églises fluctue fortement : certaines Églises vont jusqu’à fermer leurs portes pendant l’été, tandis que d’autres ont une assemblée complètement différente pendant cette saison.
Toutes les zones côtières n’attirent cependant pas les touristes. Romaric Lacroix, l’un des quatre pasteurs du Centre évangélique protestant (CEP) de la ville de Marseille, estime que la fréquentation de l’Église se situe entre 150 et 200 personnes pendant la majeure partie de l’année. Mais ce nombre tombe à environ 70 personnes pendant les mois d’été.
« Nous nous adaptons », explique-t-il. « Nous avons moins de personnes disponibles. Nous suspendons toutes les rencontres en semaine et nous adaptons également les cultes le dimanche parce qu’il fait très chaud ! » Des prédications ou des cultes plus courts permettent de lutter contre la chaleur dans des locaux d’Église souvent dépourvus de climatisation.
Cette période de ralentissement des activités permet aux pasteurs un peu de détente avant le début de la nouvelle saison, à côté du temps consacré à faire le point sur les activités de l’Église.
Tina Raveloson, une expatriée canadienne vivant à Paris, qui fréquente l’Église C3 NYC de la ville, vit une situation différente. « Il y a naturellement moins de personnes en été, car la plupart sont parties en vacances. » « [Mais] le programme reste tout de même le même avec quelques pique-niques additionnels. Les pasteurs peuvent prendre des vacances quand ils le désirent. Nous avons une équipe pastorale alors si le ou la pasteur principal est en congé, il y a toujours quelqu’un pour apporter la prédication le dimanche. »
Les pasteurs et les Églises françaises sont attentifs aux moyens d’être présents en cas de besoin et gardent leurs Églises ouvertes pendant l’été, malgré la faible fréquentation dans certaines régions.
Les protestants ne représentent que 3 % de la population française, les occasions d’atteindre les gens pendant l’été sont donc précieuses. « C’est fondamental de ne pas fermer [pendant l’été] », estime Romaric Lacroix.
Le fait de rester ouvert et de maintenir des cultes dominicaux réguliers permet à l’Église d’atteindre de nouvelles personnes. « Il y a des gens qui viennent [pour la première fois], c’est donc un bon moment pour entrer en contact. »
Le journaliste français David Métreau, ancien rédacteur en chef du magazine Christianisme Aujourd’hui, se fait l’écho de ce sentiment après avoir fait l’expérience de la vie ecclésiale autour de Paris et dans la Drôme, une région du sud-est de la France. « Même si les gens ne partent pas nécessairement en vacances, tout est ralenti pendant la saison estivale, ce qui peut être une difficulté », estime-t-il. Ceux qui ont moins d’occasions de partir peuvent ressentir une forme de solitude.
S’il existe divers programmes d’animations bibliques d’été en France, ceux-ci sont moins populaires que les colonies de vacances chrétiennes. Ces camps d’été accueillent des enfants voire des familles de toutes les régions du pays pour une semaine ou deux de communion avec d’autres croyants.
Créées à la fin du 19e siècle pour sortir les enfants des classes populaires de la pauvreté et de la pollution, les colonies de vacances sont devenues partie intégrante de la culture française. Dans les années 1950 et 1960, la France a connu un pic d’affluence dans les colonies de vacances, avec plus de quatre millions d’enfants passant une partie de leur été « en colo ».
La popularité des colonies de vacances est cependant en baisse depuis les années 1990. On comptait à peine un million de participants en 2017. Pour faire face à cette apparente perte d’intérêt, ces camps se refont une image, notamment en proposant des séjours plus courts et des activités spéciales pour attirer les jeunes générations.
Parmi les générations Y et Z, de nouvelles formes de rassemblements chrétiens s’organisent également. En mai dernier, plus de 6 000 adolescents étaient rassemblés à quelques heures de Lyon pour le congrès ECHO, un événement organisé par les Assemblées de Dieu.
Les festivals sont aussi de plus en plus populaires auprès des jeunes générations. Christ en Scène, un nouveau festival de musique chrétienne en Seine-et-Marne, profite de la saison estivale française pour lancer un festival de musique avec des artistes comme Hillsong Youth France. Pour le dernier week-end d’août, le festival a proposé des concerts, des temps de prière, des témoignages, des ateliers, des jeux et de la musique.
Dans un pays où l’expression religieuse n’est pas toujours bien vue, ces festivals et rassemblements permettent aux jeunes et aux familles de nouer de nouveaux liens avec d’autres croyants.
Tandis que la France ralentit ses activités pour l’été, des touristes du monde entier continuent cependant d’affluer vers Paris pour profiter des beautés de la ville. Les grandes églises qui contribuent à sa renommée restent évidemment ouvertes, même s’il devrait falloir attendre l’année prochaine pour pouvoir à nouveau visiter la plus célèbre d’entre elles, Notre-Dame, ravagée en 2019 par un incendie.
Mais pour ceux qui travaillent avec les Églises françaises depuis un pays où les longs congés payés ne sont pas la norme, les mois d’été peuvent être un réel défi, explique David Broussard, fondateur d’Impact France, un ministère qui met en relation des donateurs américains et des projets missionnaires en France. Par conséquent, le ministère réorganise son calendrier en fonction des vacances françaises, ce qui signifie que les projets d’été s’arrêtent en juin et reprennent en septembre.
« La communication avec nos partenaires [en France] est inexistante pendant le mois d’août », rapporte David Broussard.
Et tout le monde s’adapte.
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