La repentance est aussi horizontale que verticale.

Préparer nos cœurs pour le Seigneur, c’est aussi aimer l’autre.

Christianity Today September 12, 2023
Illustration de John Hendrix

C’est Luc, dans son Évangile, qui nous rapporte le plus d’éléments sur l’enseignement éthique de Jésus. Plus de la moitié des paraboles que nous connaissons sont spécifiques à Luc. On y retrouve des thèmes très pratiques comme la gestion de l’argent, mais aussi l’accueil des gens « différents » que la société a tendance à ignorer : les pauvres, les personnes handicapées et les femmes.

Le point de départ de tout cela, c’est Jésus et sa prédication du royaume de Dieu.

J’ai consacré plus de 40 ans de ma carrière universitaire au service chrétien et à l’étude de l’Évangile de Luc. Plusieurs textes clés de cet Évangile ont été, pour moi, révélateurs d’une dimension de la mission de Jésus dont j’avais rarement entendu parler en tant que jeune chrétien.

Le premier texte se trouve dans le premier chapitre de Luc. L’ange Gabriel y prédit à Zacharie la naissance et l’appel d’un fils : Jean Baptiste. Celui-ci devra préparer le chemin du Messie :

« Il ramènera beaucoup d’Israélites au Seigneur, leur Dieu. Il ira devant lui avec l’esprit et la puissance d’Elie, afin de ramener le cœur des pères vers les enfants et les rebelles à l’intelligence des justes, et de former pour le Seigneur un peuple préparé. » (Lc 1.16-17)

Une des choses que j'ai apprises à propos de la lecture de l'Écriture est qu'il faut en définir les termes en posant des questions au texte. La question qui se pose ici est : « Que signifie être un peuple préparé pour la venue du Seigneur ? » Le texte donne une réponse en deux parties.

La première est assez évidente : Jean ramènera les gens à Dieu. Cela correspond tout à fait à ce que les prophètes sont censés faire.

La deuxième composante de l’appel de Jean pour la préparation des cœurs est celle qui m’avait longtemps échappé. Gabriel annonce que Jean ramènera les gens les uns vers les autres dans deux domaines clés : celui des relations au sein de la famille (« les pères vers les enfants ») et celui des relations dans la société (« les rebelles à l’intelligence des justes »).

Cela met en évidence que la repentance a aussi une dimension horizontale (d’humain à humain), et pas seulement verticale (entre l’homme et Dieu). La repentance n’est pas unidimensionnelle.

Lorsque Jean a reçu son appel à préparer son peuple pour la délivrance, Dieu avait à l’esprit tant notre relation avec lui que notre relation aux autres. Réconciliation et relations étaient au cœur même de ce que Dieu s’apprêtait à réaliser par Jésus.

Le terme biblique évoquant ici l’idée de repentance, littéralement « ramener », pointe vers un double objectif : ramener les cœurs à Dieu tout en restaurant les relations que nous entretenons entre êtres humains.

Ce texte parle donc de vivre et d’agir de manière à reconnecter nos cœurs les uns aux autres, à rechercher l’amour et le bien d’autrui.

Mais comment faire ? Qui doit en prendre l’initiative ? Un autre texte à propos de Jean Baptiste, de son enseignement et de son baptême renforce cette perspective holistique sur la repentance.

En signe de repentance, les gens venaient se faire baptiser par Jean, proclamant par-là leur disposition à accueillir le Seigneur. Voici ce que leur enseignait Jean en Luc 3.8-14 (je translittère le grec pour certains termes afin que le lien entre eux soit plus clair) :

Produisez [poiēsate] donc des fruits dignes du changement radical, et ne commencez pas à vous dire : « Nous avons Abraham pour père ! » Car je vous dis que de ces pierres Dieu peut susciter des enfants à Abraham. Maintenant déjà la hache est prête à attaquer les arbres à la racine : tout arbre donc qui ne produit pas de beau fruit est coupé et jeté au feu. Les foules l’interrogeaient : Que devons-nous donc faire [poiēsōmen] ? Il leur répondait : Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même. Des collecteurs des taxes aussi vinrent pour recevoir le baptême ; ils lui demandèrent : Maître, que devons-nous faire [poiēsōmen] ? Il leur dit : N’exigez rien au-delà de ce qui vous a été ordonné. Des soldats aussi l’interrogeaient : Et nous, que devons-nous faire [poiēsōmen] ? Il leur dit : Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort, et contentez-vous de votre solde.

Le thème de ce texte est le thème par excellence de Jean-Baptiste : la repentance. Les différents groupes de Luc 3.10, 12 et 14 répondent à l'appel de Jean à vivre (faire fructifier) leur repentance. La prophétie sur la vocation de Jean à préparer la venue du Messie prend tout son sens ici.

Les textes de 1.16-17 et 3.10-14 sont propres à Luc. C’est le seul Évangile à donner ces éléments et à établir un lien entre eux. Si l’on supposait que tous les Évangiles disent la même chose sur Jean-Baptiste, nous risquerions de rater cet accent lucanien essentiel.

Les traductions de cette section de Luc 3 occultent couramment la répétition du verbe « poieō » dans l’exhortation de Jean au verset 8 et dans les questions des nouveaux baptisés. Les termes translittérés dans le passage sont tous des conjugaisons de ce verbe, qui signifie « faire » ou « fabriquer » et permet de dire, à chaque groupe, comment mettre en pratique la repentance à laquelle Jean appelle dans la vie de tous les jours. Ce sera essentiel, car le Baptiste prépare ici le terrain pour que Jésus s’appuie sur son message.

De manière frappante, dans chaque réponse de Jean, celui-ci vise notre manière d’agir envers les autres dans la vie de tous les jours. Il ne parle pas de notre manière d’agir vis-à-vis de Dieu.

Nous sommes appelés à être généreux de nos biens (dans le cas de la foule, en partageant vêtements et nourriture) et bienveillants dans le cadre de nos fonctions (dans le cas des collecteurs d’impôts, en ne profitant pas des gens financièrement ; et dans le cas des soldats, en n’abusant pas de leur pouvoir).

Dieu n’est mentionné directement dans aucune des réponses de Jean. La repentance ne concerne pas seulement ma relation avec Dieu, mais aussi la manière dont j’interagis avec les autres.

En me tournant vers Dieu, je me prépare dans la même mesure à me tourner vers les autres. J'entretiens un cœur prêt à prendre l'initiative d'aller vers eux. Telle est notre préparation spirituelle à la venue du royaume que Jésus apporte. Ceux qui sont prêts pour Jésus iront ainsi jusqu'au bout de la repentance.

Cela m’amène au texte suivant de ma séquence : Luc 5.32. Jésus déclare : « Je ne suis pas venu appeler à la repentance des justes, mais des pécheurs. » (LSG)

Le contexte est important (Lc 5.29-32). Jésus dîne avec des collecteurs d’impôts et certains chefs religieux s’en plaignent. Comment peut-il partager un repas avec ces gens infréquentables ?

Jésus répond que, comme un médecin, il soigne ceux qui en ont besoin. Ce qui suscite la question suivante : qui n’a pas besoin de Dieu ?

L’appel de Jésus à la repentance apparaît dans de nombreux textes de Luc (4.16-19 ; 14.7-24). Et par ses actions, Jésus a montré de qui ses disciples devaient se préoccuper. Il a bien révélé ses priorités en exerçant son ministère et en manifestant une attention particulière à l'égard de personnes souvent ignorées.

Nous sommes les témoins d’un Dieu qui veut toucher tous les êtres humains, par notre intermédiaire, en nous conduisant à faire nous-mêmes attention à eux. Jésus, dans son ministère, s’appuie sur ce que Jean disait de la repentance : elle doit produire des fruits. Cela nous appelle à travailler à la restauration des relations.

Mais comment ? C’est peut-être l’histoire de Zachée qui nous montre au mieux cette dimension holistique du repentir (Luc 19.1-10). Elle commence par la rencontre pleine de grâce de Jésus avec ce collecteur d’impôts détesté de tous. Et cette interaction va provoquer un bouleversement dans le cœur de Zachée. Il veut revenir sur ses erreurs et se réconcilier avec sa communauté.

Au centre de cette repentance holistique se trouve la rencontre avec Jésus. La manière dont Jésus accueillait les personnes en besoin de Dieu avait quelque chose qui les attirait vers lui. Il allait ensuite vers elles pour leur témoigner la bienveillance de Dieu, tout en suscitant la réflexion et l’action.

Cette manière d’agir, Jésus nous invite à la reproduire. Nous devons être prêts à faire attention à l’autre et à lui tendre la main de la réconciliation. C’est le cœur même de l’appel du royaume à venir.

Les textes de Luc m’ont transformé. Pas du jour au lendemain, mais peu à peu, les nouvelles ouvertures qui se révélaient à moi devenaient évidentes.

Petit à petit j’ai ouvert les yeux sur la vraie repentance et l’étendue du dessein de Dieu pour le salut et la transformation de chacun. Les passages de l’Évangile de Luc ont révélé pour moi la dimension relationnelle et éthique qui y est liée. Auparavant, la repentance n’était à mes yeux qu’une affaire privée entre mon Dieu et moi.

Le lien que la repentance a avec ma relation aux autres m’a bouleversé. J’ai ouvert les yeux sur tout un champ d’applications dans la vie communautaire, sociale et relationnelle qui m’avaient échappé jusque-là.

Par ces textes, j’ai pu comprendre quelles dispositions de cœur Dieu attend de nous qui recherchons la venue de son Royaume. Un cœur préparé pour le Messie va vers l’autre, même vers celle ou celui qui ne l’attirent pas naturellement.

Étais-je prêt à m’aligner sur le cœur de Dieu dans tous les domaines où il me le demandait ? Avais-je ignoré des choses qu’il m’avait demandées lorsque je me suis tourné vers lui ?

Finalement, ma réponse à l’appel de Dieu avait été très superficielle. Je n’avais pas compris ce que signifiait rechercher son pardon. Ce pardon me mène non seulement à lui, mais aussi à son amour pour tous.

En étudiant Luc, deux autres thématiques associées me sont apparues clairement : comment pardonner comme Dieu nous a pardonné et comment comprendre le plus grand des commandements ?

Dans la prière qu’il laisse à ses disciples, Jésus dit : « pardonne-nous nos péchés, car nous aussi, nous remettons sa dette à quiconque nous doit quelque chose » (11.4). Nous sommes appelés à refléter le pardon de Dieu, un pardon que nous ne méritons pas.

Dans notre monde, où l’on comptabilise souvent ce que l’on nous doit, c’est une idée révolutionnaire. Pardonner aux autres, c’est leur montrer comment Dieu considère chaque être humain. Le pardon de Dieu est multiforme et total. Comprendre cela nous transforme et ne peut que changer notre manière d’agir vis-à-vis des autres.

Le plus grand commandement, ensuite, consiste à aimer Dieu de tout son cœur, de tout son esprit, de toute son âme et de toute sa force et d’aimer son prochain comme soi-même (Luc 10.27). Cela nous ramène au triangle éthique — Dieu, moi et les autres — évoqué dans Luc 1.16-17 et 3.8-14.

Cette idée ne vient pas d’abord du Nouveau Testament. Elle figure également dans les dix commandements, dont le premier groupe de règles est consacré à ma relation avec Dieu et le second à la manière dont je me comporte à l’égard des autres.

Ensemble, ces textes mettent en évidence ce que Dieu veut accomplir dans nos cœurs. Lorsque nous voulons le suivre et refléter qui il est, nous devons non seulement tourner nos cœurs vers lui, mais aussi vers les autres, dans un changement de notre comportement et de la manière dont nous vivons nos relations.

La notion d’amour enseignée par Jésus inclut aussi explicitement l’amour de nos ennemis (Luc 6.27-36). C’est là notre distinction et le signe que nous sommes des enfants de Dieu repentants. Ce genre d’amour absolu rend visible le caractère de Dieu et amène notre repentance à son plein épanouissement.

Selon moi, l’idée de véritable repentance est l’une des plus profondes et des plus révolutionnaires de l’Écriture. C’est là que Dieu cherche à nous emmener quand il transforme nos cœurs et les tourne vers lui, vers nos familles et vers notre prochain.

Un peuple qui veut participer à la venue du Seigneur, et s’y prépare, doit désirer et être capable d’aller jusqu’au bout de cette démarche.

Si l’Église appliquait cet objectif de manière cohérente, elle changerait notre monde et attirerait bien d’autres personnes vers Dieu. L’appel de Dieu à se préparer est un appel à être sage, indulgent et plein d’amour et d’attention envers les autres — même ceux qui, au départ, rejetteraient cet appel.

En nous tournant vers les autres, nous nous tournons également vers Dieu. Ce faisant, nous les inviterons peut-être même à se tourner à nouveau vers Dieu et vers les autres d'une manière qu'ils n'avaient pas imaginée.

Darrell L. Bock est directeur exécutif pour l’interaction avec la culture et professeur principal de recherche sur le Nouveau Testament au Dallas Theological Seminary. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont le plus récent est Cultural Intelligence: Living for God in a Diverse, Pluralistic World.

Traduit par Anne Haumont

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Les jeunes hommes ont besoin de modèles, pas de surhommes.

L’Église ne peut pas rivaliser avec les influenceurs de la « manosphère ». Mais elle n’en a pas besoin.

Christianity Today September 12, 2023
Illustration by Christianity Today / Source Images: Getty / WikiMedia Commons

Le sort des jeunes hommes américains est devenu une préoccupation majeure ces derniers temps. Ils obtiennent moins de diplômes universitaires que les femmes, peinent à s’intégrer sur le marché du travail et meurent plus souvent d’overdose ou de suicide que les femmes. On compte parmi eux de nombreuses dépendances à la pornographie, aux jeux vidéo ou encore aux querelles permanentes en ligne.

Ils « s’essaient à de nouvelles identités, souvent repoussantes, qui témoignent toutes d’un désir d’appartenance », écrivait récemment la chroniqueuse Christine Emba dans un texte incisif publié dans le Washington Post. « On a l’impression d’une crise identitaire généralisée, comme s’ils ne savaient pas comment être. »

Quelle est la cause de tous ces problèmes ? Certains avancent une explication purement matérialiste liée au déclin des emplois dans l’industrie qui fournissaient un revenu stable aux hommes sans diplôme universitaire. D’autres suggèrent que les hommes ne sont que des enfants gâtés, tellement habitués au patriarcat qu’aujourd’hui « l’égalité ressemble à de l’oppression ». D’autres encore, comme l’écrivain Richard Reeves dans The Atlantic, pointent du doigt des problèmes de nos systèmes éducatifs.

L’ampleur du problème a donné naissance à des influenceurs de la « manosphère » qui prodiguent leur vision de la masculinité et les conseils pour parvenir à s’y conformer.

Aaron Renn critique régulièrement une « hyperféminisation » de l’Église, accusant les chrétiens progressistes comme conservateurs de faire preuve d’une « négativité vicieuse à l’égard des hommes et de mettre les femmes sur un piédestal » d’une manière qui « repousse les hommes ». Le célèbre psychologue Jordan Peterson a également exercé une influence très importante dans ces débats depuis des années. Du côté de l’extrême droite, Andrew Tate, ancien champion de kickboxing accusé de trafic sexuel, a établi une présence massive sur les réseaux sociaux sur fond d’hédonisme vulgaire et de matérialisme décomplexé.

Si l’on se fie à l’audience de ces personnages, il est clair que de nombreux jeunes hommes sont attirés par une vision de la masculinité qui s’inspire davantage de Nietzsche que de Jésus-Christ. John Ehrett, collaborateur du site American Reformer, l’appelle le vitalisme.

Certains observateurs avertissent qu’une forme de droite post-chrétienne s’avérera très séduisante pour des jeunes hommes dépourvus de but et à la recherche d’identité. Ils invitent l’Église à adopter un « christianisme masculin » qui appuie la notion d’autorité, le leadership masculin au sein du foyer et de l’Église et l’entretien d’une bonne condition physique, afin d’empêcher que les hommes ne soient attirés par un monde dépravé qui considère les femmes comme des objets sexuels et véhicule une propagande à propos de races supérieures aux relents de nazisme.

Je n’ai rien contre l’idée d’offrir de bons modèles et l’importance de prendre soin de sa santé physique. Mais ces analyses se trompent sur ceci : le christianisme ne pourra jamais rivaliser avec le vitalisme sur le terrain du vitalisme, tout comme, en matière de rock, un culte sera toujours moins attirant qu’un concert de rock.

Si un jeune homme veut une idéologie qui lui permette de traiter les femmes avec mépris et de se considérer comme le « surhomme » de Nietzsche, les gourous des médias sociaux l’emporteront toujours sur les Écritures. Même si vous pouvez organiser une conférence pour hommes avec des feux d’artifice et un char d’assaut en état de marche, la Bible nous montrera toujours que le plus grand homme qui ait jamais vécu s’est soumis à une mort humiliante et nous a enseigné que ce sont les doux qui sont véritablement bénis.

La crise de la masculinité a des conséquences majeures pour l’Église. Il semble plus difficile que jamais pour les jeunes femmes chrétiennes qui veulent se marier et avoir des enfants de trouver des jeunes hommes qui puissent être des maris et des pères convenables. Plus généralement, les communautés souffrent du fait que les jeunes hommes qui pourraient bénir l’Église gaspillent leur vie devant des écrans.

Comment les chrétiens doivent-ils réagir ?

L’Église a toujours été confrontée à un déséquilibre entre les sexes, comme le note le chercheur Lyman Stone. Dès l’époque romaine, les femmes ont été plus nombreuses à fréquenter les Églises, et il n’a jamais été facile de trouver des hommes chrétiens pour se marier.

En outre, les Églises peuvent être très diverses. Aux extrêmes, certains continuent de fonctionner selon une hiérarchie des sexes très rigide, tandis que d’autres vont jusqu’à ignorer toute différence établie par Dieu entre les sexes.

En tant que missionnaire en Afrique de l’Est, je peux vous dire qu’une culture où les différences entre les sexes sont clairement respectées n’attire pas plus d’hommes à l’Église. Ici aussi, les femmes sont toujours plus nombreuses que les hommes. Et l’attachement culturel à une éthique des sexes traditionnelle entraîne de nombreux problèmes, notamment des taux beaucoup plus élevés de violence à l’égard des femmes.

La solution la plus simple pourrait être de cesser d’accentuer les distinctions de genre et d’encourager chaque jeune homme à être simplement « quelqu’un de bien » plutôt qu’un « homme bien ». Il y a une part de vérité dans cette affirmation, car l’Église est le lieu où les hommes se considèrent comme une épouse et où les femmes peuvent se décrire comme plus que vainqueurs. Le fruit de l’Esprit est le même pour les deux sexes.

Cependant, comme l’explique Christine Emba dans un autre article, « les jeunes hommes et les garçons nous disent, souvent littéralement, qu’ils ont désespérément besoin et envie d’une orientation, de normes et de critères sur la façon d’être un homme ».

Théologiquement parlant, nous sommes créés à l’image de Dieu, homme et femme, et cette distinction a des conséquences sur la façon dont nous nous percevons. Lorsqu’un ensemble de courants culturels tente d’effacer complètement ces distinctions en disant aux hommes que leur masculinité n’est ni réelle ni significative, nombre d’entre eux se trouvent simplement découragés dans la recherche de ce qui est bon.

Dans The Toxic War on Masculinity (« La guerre toxique contre la masculinité »), Nancy Pearcey appelle à prêter plus d’attentions aux garçons privés de père, et elle a tout à fait raison. Plutôt que de rivaliser avec les influenceurs de la manosphère qui pensent que les voitures de luxe et les conquêtes sexuelles définissent la masculinité, nous avons besoin que les familles chrétiennes invitent les jeunes hommes dans leur vie et leur foyer. Là, ils pourront apprendre les vertus de la masculinité par l’observation plutôt que par un enseignement formel, et souvent néfaste.

Les personnes seules, les couples âgés et les familles avec enfants peuvent tous participer. Aider à s’occuper des enfants des autres, partager des moments de la vie et parler d’autre chose que de ce qui se passe sur les réseaux sociaux fera bien plus pour les jeunes hommes que n’importe quel blog ou podcast. (Au passage, petit conseil pour les jeunes hommes qui veulent trouver une épouse chrétienne : apprenez à faire la vaisselle après le repas. Faites-moi confiance sur ce point.)

La crise de la masculinité est réelle et l’Église a un rôle à jouer. Plutôt que de nous lamenter du féminisme ou de pasteurs trop « mâle bêta », nous devrions nous lancer dans l’accompagnement et l’établissement de relations de qualité avec les jeunes hommes. Les équipements militaires et les exhortations vides à « être un homme » ne peuvent se substituer à des liens authentiques entre les personnes. L’Église est appelée à célébrer la bonté et la beauté du choix qu’a fait Dieu en nous créant à son image, homme et femme, et c’est dans la communauté que ces identités distinctes se révèlent le mieux.

Face à la crise de la masculinité, nous pouvons tous ouvrir nos portes et faire de la place à nos tables pour empêcher ces garçons désorientés de s’égarer.

Matthew Loftus vit avec sa famille au Kenya, où il enseigne et pratique la médecine familiale. Vous pouvez en savoir plus sur son travail et ses écrits à l’adresse suivante : matthewandmaggie.org.

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Books

Les gangs haïtiens menacent au quotidien. Une Église a pris les armes.

Les évangéliques déplorent la situation de leur pays, mais se distancient de la contre-attaque d’un pasteur syncrétiste.

Des manifestants se rassemblent à Port-au-Prince, en Haïti.

Des manifestants se rassemblent à Port-au-Prince, en Haïti.

Christianity Today September 5, 2023
Odelyn Joseph / AP

Vijonet Déméro n’a guère de sympathie à l’égard du pasteur haïtien qui a entraîné sa communauté dans une confrontation mortelle avec des gangs locaux il y a une dizaine de jours.

« Il s’agissait d’une action absolument insensée », considère Déméro, responsable protestant et secrétaire général de l’Université INUFOCAD à Port-au-Prince, évoquant les paroles de Jésus à propos des aveugles conduisant des aveugles. « Pour moi, le pasteur a oublié son rôle de pasteur. Il n’est pas la police. »

Le pasteur au centre de la controverse s’appelle Marcorel Zidor, également connu sous le nom de Pasteur Marco, qui dirige l’Église Piscine de Bethesda, dans la banlieue nord du quartier de Canaan.

Le 26 août dernier, des membres de gangs ont ouvert le feu, tuant au moins sept personnes à l’aide d’armes automatiques, alors que Zidor et des membres de sa communauté s’approchaient du groupe avec la volonté d’en découdre.

Malgré les critiques des groupes de défense des droits de l’homme et des autres responsables chrétiens, et bien qu’il ait lui-même reconnu avoir subi des préjudices, Marcorel Zidor a défendu son action.

« Quatre-vingt-quinze pour cent de mes fidèles n’ont pas été blessés par les balles, même s’ils ont été touchés », a-t-il déclaré lors d’une interview en début de semaine. « Les personnes décédées sont celles qui ont couru se réfugier dans des maisons. S’ils n’avaient pas perdu la foi et s’ils avaient couru dans la même direction que le gros de la foule [des fidèles], ils ne seraient pas morts. »

Le ministère haïtien des affaires étrangères et des cultes a depuis suspendu la licence de l'Église, notant que de nombreux parents de victimes s'étaient présentés à l'Église Piscine de Bethesda pour exiger des réponses et des réparations. (Le ministère a dans le même temps souligné son engagement en faveur de la liberté religieuse.)

L’initiative de ce pasteur est intervenue dans une période où les Églises de l’ouest d’Haïti luttent pour garder leurs portes ouvertes. Les communautés ont réduit les rencontres du dimanche et les études bibliques et ont annulé des événements en soirée.

« Certains se rapprochent de Dieu parce qu’ils croient que lui seul peut faire quelque chose pour soulager la douleur », disait Samson Doreliens, pasteur d’une Église de 600 personnes, à Baptist Press. « D’autres sont découragés, se demandant pourquoi Dieu laisse toutes ces choses se produire dans le pays : violence, catastrophes naturelles, etc. »

La situation en Haïti est suffisamment grave pour que, même si le théologien haïtien Andrikson Descolines voit en Zidor un « zélote », il comprenne le désir du pasteur d’agir alors que les autorités qui sont censées intervenir ne peuvent ou ne veulent pas le faire.

« Les personnes désespérées prennent des décisions désespérées », dit Descolines, professeur au Séminaire théologique évangélique de Port-au-Prince (STEP). « Ce pasteur est une victime de la situation qui prévaut actuellement en Haïti. […] Les membres de son Église sont chaque jour en danger comme proies et victimes potentielles de membres de gangs, et le gouvernement ne fait rien. Il a pris le problème en main et a essayé de le résoudre en se basant sur sa compréhension des Écritures. »

Andrikson Descolines estime que l’initiative prise par Zidor et sa communauté n’est « ni courageuse ni stupide », mais que le pasteur n’a pas suffisamment réfléchi à son action.

Ni Vijonet Déméro ni Descolines ne décrivent la communauté en question comme évangélique. Ils la considèrent plutôt comme syncrétiste, combinant l’enseignement chrétien et les pratiques vaudou.

« Je suis en Haïti depuis 49 ans et c’est la première fois que je vois ce qui vient de se passer dans ce pays », dit Descolines. « Je n’ai jamais vu une chose pareille, où une bande de gens armés de leur foi et de machettes essayent de prendre l’ascendant sur des gangs équipés d’armes automatiques. »

Quelques jours après l’incident, la police nationale haïtienne a annoncé qu’elle allait ouvrir une enquête sur les responsables du massacre.

Dans un communiqué, Frantz Elbé, directeur général de la police, a décrit comment des centaines de personnes s’étaient rassemblées sur les lieux, dont beaucoup portaient des uniformes et des vêtements au nom de Zidor. Il a déclaré que la police avait créé un périmètre de sécurité, mais n’avait pas réussi à dissuader la foule.

« Les fidèles du pasteur croyaient vraiment à ce qu’il leur disait », a relaté François Vicner, l’un des participants, au New York Times. « Il leur a dit qu’ils étaient à l’épreuve des balles, que ceux qui étaient blessés n’avaient pas la foi. »

Dans une vidéo qui circule actuellement sur les réseaux sociaux haïtiens, le chef du gang, Jeff, interroge l’une des membres de l’Église kidnappées. Elle explique qu’elle attendait des nouvelles du programme d’immigration légale du président américain Biden et qu’elle était allée à l’Église pour prier et jeûner afin d’obtenir une réponse, lorsqu’elle a fini par se joindre à la marche pour affronter le gang.

Alors que la police s’efforce de repousser les bastions de nombreux gangs dans le pays, certains Haïtiens ont rejoint des groupes d’autodéfense citoyens connus sous le nom de « Bwa Kale ».

« L’Église n’a pas la responsabilité d’attaquer un gang », dit Déméro. « C’est la responsabilité de la police de le faire. En outre, la façon dont ils manifestent ne ressemble pas à une manifestation. Cela ressemble à une offensive contre les gangs. »

La situation sécuritaire d’Haïti s’est effondrée lorsque les forces de maintien de la paix de l’ONU ont quitté le pays en 2019, nous expliquait en 2021 David Shedd, ancien agent de la CIA et conseiller exécutif de VDI, une société régionale de conseil en sécurité bien respectée par les missionnaires. Peu après, un grand nombre d’agents de la police nationale haïtienne ont fait défection, et des Haïtiens fortunés se sont associés à des gangs en engageant des membres pour assurer leur protection.

Nous rapportions alors que « les gangs de la région de Port-au-Prince travaillent ensemble de manière informelle pour délimiter le territoire afin d’éviter de s’entretuer. Ils aident également leurs membres à éviter les points de contrôle de la police nationale et à se déplacer facilement dans la ville d’environ un million d’habitants. Les gangs continuent souvent à enlever des personnes dans des quartiers de la ville qui échappent au contrôle des autorités. »

« Je ne pense pas qu’il y ait une prise de conscience suffisante du pouvoir énorme et vicieux que ces gangs exercent », déclarait David Shedd.

Dans les jours qui ont suivi la confrontation de Marcorel Zidor et son Église avec le gang, Andrikson Descolines a noté qu’il y avait eu « beaucoup de fusillades dans [son] quartier ». Mais il estime que l’Église doit continuer à éviter la violence :

« Je ne peux pas encourager les gens à se comporter comme le font les membres de gangs. La Bible nous encourage à prier pour nos ennemis et surtout pour leur salut. La prière est donc la première réponse appropriée que nous puissions donner à ce qui se passe actuellement en Haïti. Nous devons garder les yeux fixés sur Dieu et promouvoir son amour à travers notre pays, jusqu’à ce que ceux qui sont payés pour gérer le pays correctement fassent leur travail. »

Vijonet Déméro, qui a été représentant en Haïti pour Bethany Christian Services, rejoint ces propos :

« Moi, en tant que chrétien, je prie. Je tente de sensibiliser le Premier ministre et ses ministres. J’enseigne à mon peuple à faire la différence, à agir et à servir différemment, à comprendre que Dieu contrôle la situation », dit-il en se référant à Exode 14.14 :

« L’Éternel combattra pour vous, et vous, tenez-vous tranquilles. » (BDS)

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Books

Décès de Sarah Young, autrice de « Un moment avec Jésus »

Les « prières d’écoute » de cette épouse de missionnaire ont réconforté et inspiré des millions de personnes.

Sarah Young, autrice de Jesus Calling

Sarah Young, autrice de Jesus Calling

Christianity Today September 5, 2023
Avec l’aimable autorisation de Jesus Calling/adaptations par Rick Szuecs

Sarah Young, devenue l’une des évangéliques les plus lues du 21e siècle, est décédée la semaine dernière à l’âge de 77 ans. Elle proposait des méditations qu’elle plaçait dans la bouche de Jésus.

Épouse d’un missionnaire de l’Église presbytérienne d’Amérique (PCA) auprès des Japonais, Sarah Young souffrait de la maladie de Lyme et d’autres affections chroniques qui l’obligeaient parfois à rester dans sa chambre 20 heures par jour. Dans son isolement, elle avait commencé à pratiquer la « prière d’écoute » et à consigner dans un journal ce qu’elle sentait que l’Esprit lui disait.

« Les messages ont commencé à affluer […] et j’ai acheté un carnet spécial pour noter ces paroles », écrira-t-elle plus tard. « J’ai continué à recevoir des messages personnels de Dieu pendant que je méditais à son propos. »

À Nashville, au début des années 2000, quelques pages de son journal se retrouvent dans un groupe de prière entre femmes. L’une d’entre elles en fait part à son mari, alors vice-responsable du marketing chez Integrity Publishers. La maison d’édition se tourne alors vers Sarah Young pour savoir si elle pourrait écrire un message de Dieu au lecteur pour chaque jour de l’année. Elle accepte et c’est ainsi que Jesus Calling paraît en 2004.

Grâce à un coup de pouce marketing après l’absorption d’Integrity Publishers par les éditions Thomas Nelson, le livre se retrouve en 2009 propulsé dans le top 10 des best-sellers de l’Association des éditeurs chrétiens. Il restera en tête de liste, mois après mois, pendant les 15 années qui ont suivi, se vendant finalement à plus de 45 millions d’exemplaires. En 2014, le livre paraît en français sous le titre Un moment avec Jésus. En août 2023, Jesus Calling dépassait encore toutes les ventes d’auteurs évangéliques américains aussi réputés que T. D. Jakes, Lee Strobel, Rick Warren, Joyce Meyer, Louie Giglio et Max Lucado.

En anglais, une version pour enfants de Jesus Calling s’est également vendue à plus d’un million d’exemplaires, tout comme deux autres recueils de méditations de Sarah Young, Jesus Always et Jesus Today. Deux autres ouvrages encore, Jesus Lives et Jesus Listens, ont été vendus à un demi-million d’exemplaires chacun.

Les écrits de Sarah Young ont suscité la controverse, certains responsables évangéliques s’inquiétant qu’elle sape l’idée de la pleine suffisance de la Bible pour les chrétiens contemporains, et d’autres affirmant que le fait d’écrire du point de vue de Jésus frisait le blasphème. Cependant, de très nombreux croyants ont trouvé réconfort, paix, encouragement et inspiration dans les paroles du Jésus de Young.

Aux États-Unis, Jesus Calling a attiré des fans aussi divers que le producteur de hip-hop Metro Boomin, qui publiait sur les réseaux sociaux des photos de pages entièrement surlignées du livre, et l’animatrice de talk-show Kathie Lee Gifford, qui faisait l’éloge de la direction spirituelle apportée par Young dans sa vie.

« Je suis émerveillée par son endurance et sa foi », déclarait-elle. « Je suis profondément touchée par son cœur pour Jésus. »

Sur Goodreads, une plateforme d’échange de critiques et évaluations de livres, 85 % des lecteurs de Jesus Calling lui ont attribué quatre ou cinq étoiles.

« J’adore ces méditations », écrit une femme du Tennessee. « J’en ai lu presque tous les jours au cours de l’année écoulée, mais j’y trouve encore la paix aujourd’hui. Magnifique et réconfortant. »

Des luttes spirituelles à L’Abri

Sarah Jane Kelly, de son nom de jeune fille, est née à Nashville le 15 mars 1946. On sait peu de choses sur son enfance, si ce n’est que son père était professeur d’université et que sa famille vivait dans le Sud. Elle reçoit son diplômé du lycée E. C. Glass de Lynchburg, en Virginie, en 1964, et poursuit ses études au Wellesley College, où elle se spécialise en philosophie. Elle obtient ensuite une maîtrise en éducation, axée sur l’étude des enfants, à l’université de Tufts, Massachusetts, en 1974.

Malgré sa réussite scolaire, la future autrice de Un moment avec Jésus est en proie à des difficultés spirituelles. Elle n’est pas chrétienne et ses cours de philosophie l’ont convaincue que la vie n’a finalement aucun sens. Puis elle découvre Démission de la raison, de Francis Schaeffer. Le livre la laisse penser qu’il pourrait y avoir des réponses à des questions qu’elle pensait insolubles. Elle pourrait être en mesure de connaître la vérité et même d’avoir la certitude de son caractère absolu.

L’espoir suscite un voyage à L’Abri, le centre d’étude évangélique fondé par Schaeffer dans les Alpes suisses. Un accompagnateur lui demande si elle était chrétienne et ce dont elle pensait devoir être pardonnée. C’est là qu’elle rencontre Jésus.

« J’ai immédiatement compris que j’avais besoin de Jésus pour me sauver de mes nombreux péchés », écrira-t-elle.

Après une marche solitaire dans les bois helvétiques enneigés, elle ressent une Présence — elle l’écrira toujours avec un P majuscule — et sent qu’il s’agit d’une réponse éminemment personnelle à une question qu’elle pensait uniquement intellectuelle. À haute voix, elle répond : « Doux Jésus. »

Un an plus tard, elle ressent la même Présence en lisant le livre de l’autrice chrétienne Catherine Marshall sur la prière, Beyond Ourselves.

« Je ne me sentais plus seul », se souviendra plus tard Sarah Young. « Je savais que Jésus était avec moi. »

Elle décide de se former à la relation d’aide et obtient un second master au Covenant Theological Seminary, une école de l’Église presbytérienne dans le Missouri. C’est là qu’elle rencontre puis épouse Stephen Young, un fils et petit-fils de missionnaires au Japon, qui se destine lui aussi à la mission au Japon. Le couple se marie en 1977 et s’installe au sud de la ville japonaise de Yokkaichi pour implanter une Église avec l’organisation Mission to the World.

Les Young s’installent ensuite à Melbourne, en Australie, en 1991, où Steve participe à l’implantation de la première Église en langue japonaise de la ville. Sarah ouvre un cabinet de conseil, aidant les femmes qui avaient été victimes d’abus sexuels et spirituels à trouver la guérison en Christ. Elle commence à méditer sur la protection de Dieu, visualisant chaque membre de sa famille entouré par l’Esprit. Elle témoignera plus tard qu’elle a alors vécu une expérience mystique. Elle se sentait enveloppée de lumière et envahie par la paix.

« Je n’avais pas recherché cette expérience puissante de la présence de Dieu », écrit-elle, « mais je l’ai reçue avec gratitude. »

Expérimenter un journal de prière

L’année suivante, elle commence à expérimenter les prières d’écoute. Dans son journal, au lieu d’écrire ce qu’elle veut dire à Dieu, elle écrit ce qu’elle sent que Dieu lui dit. Elle s’inspire en cela, du moins en partie, du théologien évangélique J. I. Packer, qui écrivait que Dieu « guide nos esprits lorsque nous réfléchissons en sa présence ».

Plus controversé, Sarah Young a également été influencée par God Calling, le compte-rendu d’une supposée révélation divine accordée en Angleterre à deux femmes anonymes connues uniquement sous le nom de « The Listeners ». Celui-ci avait été édité et publié par un rédacteur en chef de journal intéressé par le mouvement spiritualiste, les expériences mystiques et les autorités religieuses alternatives.

« Christ Christ Christ. Tout doit reposer sur Moi », aurait dit Dieu à ces femmes en 1933. « Soyez des canaux toutes les deux. Mon Esprit s’écoulera et Mon Esprit, en s’écoulant, balaiera tout le passé amer. »

Sarah Young chérissait ce livre. « Cela correspondait remarquablement à mon désir de vivre en Présence de Jésus », témoignera-t-elle. C’est ce qui l’a incitée à commencer à inscrire la voix de Dieu dans son journal de prière.

Elle ne pensait pas que ses écrits étaient inspirés par Dieu — et certainement pas qu’ils étaient inerrants — mais elle n’y voyait pas non plus un simple projet d’écriture créative. Écrire du point de vue de Dieu n’était pas juste un artifice rhétorique. Elle considérait ses journaux comme un témoignage de la présence de Dieu.

Alors qu’elle souffrait de diverses maladies, dont deux opérations chirurgicales pour un mélanome, un diagnostic erroné de syndrome de fatigue chronique, la maladie de Lyme et des vertiges persistants, ces pratiques de prière deviennent de plus en plus importantes pour elle. Elle se demande alors si elle n’est pas appelée à les partager avec d’autres.

« Lorsque les gens s’ouvrent à moi », écrit-elle, « je constate que la plupart d’entre eux désirent également le baume de la paix de Jésus. »

Elle passe environ trois ans à préparer un manuscrit, mais ne réussit pas à décrocher un contrat d’édition. Elle abandonne en 2001, lorsque la famille déménage à Perth, tout à l’ouest de l’Australie, afin que Steve puisse y établir un ministère pour les Japonais. Au cours des années suivantes, ses problèmes de santé s’aggravent tellement qu’elle peut à peine sortir de sa chambre. Elle se concentre autant que possible sur l’écriture, la prière et la méditation sur Dieu.

C’est en 2003 que Byron Williamson, fondateur de la maison d’édition Integrity, reçoit un échantillon du travail de Young. L’écriture le saisit.

« J’ai passé les jours suivants à réfléchir à la voix que j’avais entendue dans les méditations de Sarah […] il s’agissait de mots remarquablement intimes, exprimés avec chaleur », se souviendra Williamson. « Cela m’a rappelé un livre que j’avais vu sur la table de chevet de ma propre mère des années auparavant et qui s’intitulait God Calling. »

Il suggère le titre Jesus Calling et propose un contrat à Young. Elle accepte, en disant à son mari qu’elle espère que l’éditeur ne perdrait pas d’argent avec son ouvrage.

Un miracle éditorial

Elle n’avait pas à s’inquiéter. Dans les trois années qui ont suivi sa parution, Jesus Calling s’est vendu en moyenne à 20 000 exemplaires par an, de nombreuses personnes l’achetant pour en faire cadeau. Des librairies chrétiennes signalèrent que des clients leur demandaient s’ils pouvaient acheter l’ouvrage par cartons.

Thomas Nelson reprend Integrity en 2006 et, au lieu de traiter le recueil de méditations comme un étrange titre du catalogue de réserve, voit en Jesus Calling un best-seller potentiel. L’éditeur chrétien promeut activement le livre. En 2008, 220 000 exemplaires sont vendus. En 2009, il se retrouve parmi les best-sellers. En 2013, il dépasse les ventes de Cinquantes nuances de Grey en anglais, et Thomas Nelson le fait traduire dans plus d’une vingtaine de langues.

Sarah Young elle-même n’a guère participé à la promotion de ses livres, se forgeant une réputation de recluse même après être retournée à Nashville avec son mari. Lorsque notre magazine a tenté de la présenter, elle n’a communiqué que par courrier électronique, par l’intermédiaire de Thomas Nelson. Le New York Times et Publishers Weekly se sont également vu refuser des entretiens téléphoniques.

Mais son livre a continué à se vendre. De nombreux lecteurs ont découvert Jesus Calling grâce à des recommandations personnelles. Le musicien David Crowder raconte avoir perdu le compte du nombre de personnes qui lui ont demandé : « Frère ! Est-ce que tu as lu Jesus Calling ? »

L’actrice et chanteuse Kristin Chenoweth, qui a joué dans la série télévisée Pushing Daisies et dans l’adaptation pour Broadway de Wicked: la véritable histoire de la méchante sorcière de l’ouest, a déclaré que c’est l’actrice Rita Wilson, qui est mariée à Tom Hanks et a joué dans les films Nuits blanches à Seattle et Just Married (ou presque), qui lui en avait offert un exemplaire. Rita Wilson en avait elle-même reçu un exemplaire de la chanteuse de country Faith Hill.

« C’est un peu fou que parfois vous lisiez le passage de ce jour-là et qu’il corresponde exactement à ce que vous avez besoin d’entendre », expliquait Rita Wilson.

Le livre a également été promu par le candidat républicain à la primaire présidentielle Scott Walker et distribué à la Maison-Blanche. Sarah Huckabee Sanders a déclaré en avoir trouvé une copie dans son bureau peu après que le président Donald Trump l’ait promue secrétaire de presse.

« Je l’ai pris », racontait-elle à CBN. « Je suis allé dans l’autre pièce et je l’ai lu immédiatement. J’avais l’impression d’être en paix. »

Au fur et à mesure que le livre a gagné en popularité, il a également suscité de sérieuses critiques.

« Elle met ses pensées à la première personne et présente ensuite cette “personne” comme le Seigneur ressuscité. Franchement, je trouve cela scandaleux », nous déclarait en 2013 David Crump, professeur de théologie à la Calvin University, au Michigan. « Je suis sûr que c’est une femme très pieuse, mais je suis tenté de parler de blasphème. »

Le blogueur évangélique Tim Challies écrivait qu’il s’agissait d’un « livre profondément troublant » qui était à la fois dangereux et « indigne de notre attention ».

Kathy Keller, directrice adjointe de la communication pour l’Église presbytérienne de New York dont son mari, Tim, était pasteur principal, écrirat une critique expliquant pourquoi celle-ci ne proposait pas Jesus Calling à sa table de littérature, bien que de nombreuses personnes l’aient demandé.

« Young avait la Bible, mais la trouvait insuffisante », dit-elle. « Si vous voulez faire l’expérience de Jésus, apprenez à le trouver dans sa Parole. Sa vraie Parole. »

Les éditeurs de Thomas Nelson répondent que les critiques manquaient leur cible.

« En aucun cas elle ne croit que ses propres écrits sont sacrés ou qu’elle a de nouvelles révélations », expliquait l’un d’entre eux au New York Times. « J’ai l’impression qu’elle a essayé d’être assez claire à ce sujet dans les introductions de ses livres. »

Ils soulignent également la longue tradition des recueils de méditations, avec notamment les classiques d’Andrew Murray, Oswald Chambers et A. W. Tozer, largement acceptés dans le monde évangélique. Le style d’écriture de Young était peut-être différent, mais les lecteurs étaient très familiers de ce genre d’ouvrages que les critiques semblaient mal comprendre.

Aider les lecteurs à se connecter à Jésus

Les accusations d’hérésie n’ont pas nui aux ventes. Si certains nouveaux lecteurs ont abordé avec circonspection Jesus Calling et les ouvrages qui ont suivi, la plupart d’entre eux sont devenus de fervents adeptes en lisant les paroles du Jésus de Young.

L’autrice Dawn Paoletta, par exemple, a rapporté qu’elle était sceptique parce que le récit de Young sur la réception de messages divins lui rappelait des écrits New Age. Mais lorsqu’elle a lu Jesus Calling, elle a été convaincue qu’il y avait là quelque chose qui venait bien de Dieu.

« Je recommande ce livre de tout cœur et j’en ai déjà acheté une demi-douzaine comme cadeaux », témoigne-t-elle sur Goodreads. « J’ai également une version papier que je garde dans mon sac à main ! […] Je finirai probablement par la donner à une personne que Dieu me montrera à un moment ou un autre ! »

Des millions de personnes ont réagi de la même manière, revenant sans cesse à Jesus Calling pour y trouver une nourriture spirituelle et distribuant des exemplaires à tous ceux qui semblaient en avoir besoin.

Sarah Young s’est dite stupéfaite par le succès commercial de ses écrits, mais heureuse de pouvoir aider les gens à se rapprocher de Jésus. Alors que les ventes atteignaient des niveaux astronomiques, elle s’engageait à continuer à prier pour tous ses lecteurs.

« N’oubliez pas que je prie toujours pour vous », écrivait-elle lors de la publication de Jesus Listens. « Mais surtout, rappelez-vous que Jésus est toujours avec vous, écoutant chacune de vos prières. »

Sarah Young est décédée à Nashville le 31 août. Elle laisse derrière elle son mari Steve, sa fille Stephanie et son fils Eric.

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Books

Entre violences et enlèvements, les chrétiens haïtiens peinent à se réunir en sécurité.

La menace des gangs autour de Port-au-Prince continue de perturber la vie de la population et l’exercice du ministère.

Une patrouille de police dans les rues de Port-au-Prince, Haïti.

Une patrouille de police dans les rues de Port-au-Prince, Haïti.

Christianity Today August 30, 2023
Odelyn Joseph/AP

La version française de cet article a fait l’objet d’une mise à jour.

Le pasteur Samson Doreliens exerce son ministère « au milieu de la violence à Port-au-Prince », où une infirmière américaine et sa fille avaient été enlevées le 27 juillet avant d’être relâchées une quinzaine de jours plus tard.

Les 600 fidèles de l’Église de Côte Plage de la Mission évangélique baptiste du sud d’Haïti (MEBSH) sont déchirés par la violence des gangs qui se sont emparés de la ville, explique le pasteur Doreliens à Baptist Press.

« Certains se rapprochent de Dieu parce qu’ils croient que lui seul peut faire quelque chose pour soulager la douleur. » « D’autres sont découragés, se demandant pourquoi Dieu laisse toutes ces choses se produire dans le pays : violence, catastrophes naturelles, etc. »

Le président de la Florida Baptist Haitian Fellowship, Jackson Voltaire, a participé à l’organisation de la Confraternité Missionnaire Baptiste d’Haïti (CMBH), une convention regroupant des centaines d’Églises réparties dans six régions du pays.

Ceux qui vivent dans l’Ouest du pays, y compris à Port-au-Prince, pratiquent leur culte au prix de risques considérables, mais ceux qui vivent dans les communautés rurales peuvent exercer le ministère plus librement.

« Il y a beaucoup de difficultés dans l’organisation des cultes », rapporte-t-il. « Mais Dieu merci, c’est surtout dans les zones métropolitaines où se trouve Port-au-Prince. Dans cette région, la région occidentale, des centaines d’Églises sont actives, mais, encore une fois, avec beaucoup de difficultés. »

La fréquentation de l’Église des baptistes du Sud de Côte Plage a chuté, car, selon Samson Doreliens, de nombreux membres ont perdu leur emploi ou ne peuvent tout simplement pas se rendre au travail en raison de la violence. Les offrandes du dimanche sont reversées aux pauvres et aux veuves.

Les Églises ont réduit la fréquence des cultes et des études bibliques et ont supprimé des événements en soirée. Le travail de proximité ne se poursuit qu’au risque que les pasteurs soient enlevés ou abattus, dit Jackson Voltaire, mais beaucoup gardent espoir.

« D’après les nombreuses conversations que j’ai eues avec les pasteurs », rapporte-t-il à Baptist Press « et pas seulement avec les pasteurs, je dirais que le peuple haïtien en général est très optimiste. Et si l’on y réfléchit bien, le pays ne peut pas tomber plus bas que là où il est aujourd’hui. »

Outre les plus médiatisés comme celui de l’infirmière du ministère El Roï Haïti, Alix Dorsainvil, et de sa fille, de nombreux enlèvements ont lieu quotidiennement dans la capitale, explique Jackson Voltaire. Les gangs qui contrôlent la ville enlèvent généralement les habitants pour obtenir une rançon, tout en faisant pression sur les familles pour qu’elles gardent le silence.

Alix Dorsainvil, une infirmière qui avait déménagé du New Hampshire pour s’engager dans ce ministère dirigé sur place par son mari, était retenue contre une rançon d’un million de dollars, ont indiqué des habitants de la région à Associated Press.

El Roï Haïti a longuement prié pour la libération de l’infirmière, tandis que le département d’État américain et d’autres instances cherchaient activement à la faire libérer. Sa libération a finalement été annoncée le 9 août. La semaine dernière, Alix Dorsainvil s’adressait à ses ravisseurs dans une vidéo pour leur dire qu’elle ne leur en voulait pas et les appeler à changer de voie : « Mon amour pour vous tous, mon amour pour Haïti n'a ni changé ni disparu. »

Alors qu’Haïti est toujours sous le coup d’une interdiction de voyage du Département d’État américain, Jackson Voltaire estime que de nombreux pasteurs attendent avec impatience le jour où leurs homologues missionnaires baptistes du Sud pourront retourner en Haïti.

« Il y a de l’espoir parce que Dieu est aussi en Haïti. Et je suis sûr qu’il y a des choses que le peuple haïtien lui-même doit faire », dit-il en référence à 2 Chroniques 7.14 : « si mon peuple, celui qui porte mon nom, s’humilie, prie et me cherche et s’il renonce à ses mauvaises voies, je l’écouterai du haut du ciel, je lui pardonnerai son péché et je guérirai son pays. »

Il encourage les missionnaires à être patients et à se préparer à retourner en Haïti lorsque la violence s’apaisera.

« En ce qui concerne la CMBH et la Florida Haitian Baptist Fellowship, nous nous organisons de manière à ce que, lorsque Dieu permettra aux missions de reprendre, lorsque la grande famille baptiste du Sud sera prête à revenir en Haïti, elle revienne dans un environnement bien meilleur et plus productif où nous pourrons exercer notre ministère et avoir un impact réel sur cette partie de l’île pour le Seigneur. »

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Books

Les Églises françaises prennent-elles aussi des vacances ?

La large utilisation des congés payés fait que certains ministères chrétiens font une pause. D’autres espèrent atteindre pendant cette période une population toujours moins religieuse.

Des drapeaux français flottent sur une plage de Nice, en France.

Des drapeaux français flottent sur une plage de Nice, en France.

Christianity Today August 30, 2023
Blondet Eliot / AP Images

Dans la charmante ville de Houlgate, sur la côte normande à deux heures de Paris, le temple protestant désaffecté et ses briques rouges datant des années 1950 bénéficie d’un emplacement idéal. Surplombant la plage, il est visible dès l’entrée de la ville pour ceux qu’attire la perspective d’une escapade loin de la trépidante vie parisienne.

Houlgate compte 1 711 habitants à l’année, mais la saison estivale peut amener près de 15 fois plus de monde dans la petite ville. Cette situation complique la circulation et allonge les files d’attente à la boulangerie, mais elle accroît aussi la fréquentation de l’Église évangélique de la Côte Fleurie qui occupait le temple jusqu’à il y a quelque temps.

Parmi les touristes affluant sur la côte, certains rejoignent ainsi pour un dimanche la communauté qui se réunit actuellement en périphérie d’Houlgate. « Nous constatons une augmentation pendant la saison estivale, grâce aux touristes », explique Cyril Poly, membre de longue date.

En France, les vacances d’été sont prises très au sérieux. Non seulement les gens ont plus de possibilités de voyager pendant les mois de juillet et août, mais la chose est vue favorablement dans la culture. Comme dans bon nombre d’autres pays Européens, les Églises de toute la France doivent adapter leur rythme à cette tradition culturelle.

Les 25 jours de congés payés annuels que la France accorde à la plupart des employés peuvent avoir de quoi étonner outre-Atlantique. Les entreprises sont parfois fermées pendant des semaines, voire des mois, au cours de la saison estivale, et les employés administratifs envoient couramment des courriels automatiques informant de leur indisponibilité jusqu’à la rentrée de septembre. Il n’est donc pas surprenant que la fréquentation des Églises fluctue fortement : certaines Églises vont jusqu’à fermer leurs portes pendant l’été, tandis que d’autres ont une assemblée complètement différente pendant cette saison.

Toutes les zones côtières n’attirent cependant pas les touristes. Romaric Lacroix, l’un des quatre pasteurs du Centre évangélique protestant (CEP) de la ville de Marseille, estime que la fréquentation de l’Église se situe entre 150 et 200 personnes pendant la majeure partie de l’année. Mais ce nombre tombe à environ 70 personnes pendant les mois d’été.

« Nous nous adaptons », explique-t-il. « Nous avons moins de personnes disponibles. Nous suspendons toutes les rencontres en semaine et nous adaptons également les cultes le dimanche parce qu’il fait très chaud ! » Des prédications ou des cultes plus courts permettent de lutter contre la chaleur dans des locaux d’Église souvent dépourvus de climatisation.

Cette période de ralentissement des activités permet aux pasteurs un peu de détente avant le début de la nouvelle saison, à côté du temps consacré à faire le point sur les activités de l’Église.

Tina Raveloson, une expatriée canadienne vivant à Paris, qui fréquente l’Église C3 NYC de la ville, vit une situation différente. « Il y a naturellement moins de personnes en été, car la plupart sont parties en vacances. » « [Mais] le programme reste tout de même le même avec quelques pique-niques additionnels. Les pasteurs peuvent prendre des vacances quand ils le désirent. Nous avons une équipe pastorale alors si le ou la pasteur principal est en congé, il y a toujours quelqu’un pour apporter la prédication le dimanche. »

Les pasteurs et les Églises françaises sont attentifs aux moyens d’être présents en cas de besoin et gardent leurs Églises ouvertes pendant l’été, malgré la faible fréquentation dans certaines régions.

Les protestants ne représentent que 3 % de la population française, les occasions d’atteindre les gens pendant l’été sont donc précieuses. « C’est fondamental de ne pas fermer [pendant l’été] », estime Romaric Lacroix.

Le fait de rester ouvert et de maintenir des cultes dominicaux réguliers permet à l’Église d’atteindre de nouvelles personnes. « Il y a des gens qui viennent [pour la première fois], c’est donc un bon moment pour entrer en contact. »

Le journaliste français David Métreau, ancien rédacteur en chef du magazine Christianisme Aujourd’hui, se fait l’écho de ce sentiment après avoir fait l’expérience de la vie ecclésiale autour de Paris et dans la Drôme, une région du sud-est de la France. « Même si les gens ne partent pas nécessairement en vacances, tout est ralenti pendant la saison estivale, ce qui peut être une difficulté », estime-t-il. Ceux qui ont moins d’occasions de partir peuvent ressentir une forme de solitude.

S’il existe divers programmes d’animations bibliques d’été en France, ceux-ci sont moins populaires que les colonies de vacances chrétiennes. Ces camps d’été accueillent des enfants voire des familles de toutes les régions du pays pour une semaine ou deux de communion avec d’autres croyants.

Créées à la fin du 19e siècle pour sortir les enfants des classes populaires de la pauvreté et de la pollution, les colonies de vacances sont devenues partie intégrante de la culture française. Dans les années 1950 et 1960, la France a connu un pic d’affluence dans les colonies de vacances, avec plus de quatre millions d’enfants passant une partie de leur été « en colo ».

La popularité des colonies de vacances est cependant en baisse depuis les années 1990. On comptait à peine un million de participants en 2017. Pour faire face à cette apparente perte d’intérêt, ces camps se refont une image, notamment en proposant des séjours plus courts et des activités spéciales pour attirer les jeunes générations.

Parmi les générations Y et Z, de nouvelles formes de rassemblements chrétiens s’organisent également. En mai dernier, plus de 6 000 adolescents étaient rassemblés à quelques heures de Lyon pour le congrès ECHO, un événement organisé par les Assemblées de Dieu.

Les festivals sont aussi de plus en plus populaires auprès des jeunes générations. Christ en Scène, un nouveau festival de musique chrétienne en Seine-et-Marne, profite de la saison estivale française pour lancer un festival de musique avec des artistes comme Hillsong Youth France. Pour le dernier week-end d’août, le festival a proposé des concerts, des temps de prière, des témoignages, des ateliers, des jeux et de la musique.

Dans un pays où l’expression religieuse n’est pas toujours bien vue, ces festivals et rassemblements permettent aux jeunes et aux familles de nouer de nouveaux liens avec d’autres croyants.

Tandis que la France ralentit ses activités pour l’été, des touristes du monde entier continuent cependant d’affluer vers Paris pour profiter des beautés de la ville. Les grandes églises qui contribuent à sa renommée restent évidemment ouvertes, même s’il devrait falloir attendre l’année prochaine pour pouvoir à nouveau visiter la plus célèbre d’entre elles, Notre-Dame, ravagée en 2019 par un incendie.

Mais pour ceux qui travaillent avec les Églises françaises depuis un pays où les longs congés payés ne sont pas la norme, les mois d’été peuvent être un réel défi, explique David Broussard, fondateur d’Impact France, un ministère qui met en relation des donateurs américains et des projets missionnaires en France. Par conséquent, le ministère réorganise son calendrier en fonction des vacances françaises, ce qui signifie que les projets d’été s’arrêtent en juin et reprennent en septembre.

« La communication avec nos partenaires [en France] est inexistante pendant le mois d’août », rapporte David Broussard.

Et tout le monde s’adapte.

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Rentrée universitaire : comment garder le cap dans la foi ?

Les conseils d’un professeur de théologie pour rester proche de Christ pendant ses études.

Christianity Today August 30, 2023
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Getty

L’enseignement supérieur vit des temps difficiles. Aux États-Unis, les universités chrétiennes sont particulièrement en crise face à la baisse des inscriptions, aux contraintes financières liées à la diminution du nombre d’étudiants et aux conflits idéologiques qui reflètent une société de plus en plus fractionnée. Les données indiquent que les jeunes sont le groupe démographique le plus susceptible de quitter les diverses formes de religion organisée.

Aujourd’hui plus que jamais, l’entrée à l’université est un moment de passage à l’âge adulte où de nombreux jeunes adultes découvrent qui ils sont et ce en quoi ils croient.

Pour les étudiants chrétiens, aller à l’université signifie ainsi trouver comment « garder la foi » et l’approfondir. La préservation de la foi dépend notamment de l’apprentissage d’un sain épanouissement de l’esprit, du cœur, du corps et de l’âme ; de l’amour de Dieu par-dessus tout et de son prochain comme soi-même ; et de la manière de bien entreprendre cette étape, non pas en évitant les erreurs (ce qui n’est pas possible), mais en prenant tôt des décisions sages pour éviter les obstacles les plus courants et les plus désastreux.

En m’appuyant sur mon expérience de professeur de théologie dans une université chrétienne, voici les habitudes et les choix que j’ai vus porter de bons fruits, ainsi que quelques-uns auxquels il vaudrait mieux résister.

1. Allez à l’Église — mais pas en ligne.

La première chose à faire, et la plus importante, est de trouver une Église locale, d’y adhérer et d’assister au culte tous les dimanches où vous êtes sur place. Mettez-vous en lien avec un ministère auprès des étudiants, participez à des retraites, rejoignez une étude biblique. Ce sont des éléments non négociables pour être un croyant à l’université. Si vous êtes dans une école chrétienne, vous pourriez être tenté de laisser les activités du campus se substituer à l’Église. Ce n’est pas une bonne idée. Rien ne peut remplacer le peuple de Dieu, la parole de Dieu, la Cène ou le culte vécu dans l’Esprit avec d’autres disciples.

Si vous n’êtes pas dans une école chrétienne, vous pourriez être tenté de faire la grasse matinée le dimanche ou de laisser l’agitation des activités intramuros, des cours, des colocataires et des concerts vous distraire de ce qui compte le plus. Mais vous êtes déjà chrétien. Vous savez ce qui compte le plus. Allez à l’Église.

Quel genre, me direz-vous ? Je ne répondrai pas à cette question. Mais je vous dis ceci : à moins que vous n’en ayez besoin pour des raisons de santé ou d’accessibilité, le culte en streaming ne devrait pas être envisagé. Ce n’est pas la même chose. Trouvez une communauté locale, un corps de croyants qui prient, écoutent les Écritures, proclament la bonne nouvelle, célèbrent la communion et servent leur prochain. Le culte chrétien est composé de la Parole et du sacrement — chacun est essentiel. Parole et sacrement ne signifie pas « parole et groupe de louange ». […] Si vous voulez que votre foi survive à l’université, vous avez besoin des sacrements. Et vous avez besoin d’autres croyants.

2. Déconnectez des réseaux sociaux — pour de bon.

Je donne un cours sur le thème du discipulat chrétien et de la technologie numérique. Aucun de mes élèves ne proteste lorsque je leur dis qu’ils sont — que nous sommes — accros aux écrans. Aucun d’entre eux ne nie qu’il aimerait pouvoir réduire de moitié (ou plus) le temps qu’il passe quotidiennement sur son smartphone (généralement de 4 à 8 heures ; un étudiant en passait en moyenne 12 par jour). Mais tous supposent que c’est impossible.

Au cours du semestre, je les invite à supprimer toutes les applications non essentielles de leur téléphone pendant un mois. Fini YouTube, Instagram ou TikTok. Ils imaginent que leur vie va s’arrêter brutalement. Mais voici ce qu’ils découvrent à la place : non seulement ils n’en ont pas besoin, mais cela ne leur manque même pas.

Je vous invite à faire de même. S’il est trop difficile d’effacer complètement ces applications, limitez votre utilisation quotidienne à 1 ou 2 heures. Déconnectez-vous en particulier le dimanche. Si vous rencontrez quelqu’un, échangez vos numéros de téléphone ou vos adresses électroniques. Votre santé spirituelle et mentale montera en flèche même si celle des autres s’effondre. Faites-le. Vous me remercierez plus tard.

3. Construisez-vous une bibliothèque — dès maintenant.

Ma première règle en tant que professeur est de ne jamais demander de lire un livre que je n’aime pas — un mauvais livre, un livre ennuyeux ou un livre mal écrit — mais tous les professeurs ne vivent pas ou ne peuvent pas vivre selon cette règle. Mais tous les livres ne changent pas la vie.

Cependant, certains, voire beaucoup, des textes que vous rencontrerez vaudront la peine que vous y consacriez du temps. S’ils méritent votre attention aujourd’hui, ils vaudront la peine d’être revus plus tard. Ne les considérez pas comme des obstacles sur le chemin de votre diplôme. Considérez-les comme centraux, la raison première pour laquelle vous êtes à l’université.

Si vous vous êtes débarrassé des médias sociaux (ou du moins de la plupart d’entre eux), vous pourrez rester assis avec un livre sur les genoux pendant plus de cinq minutes d’affilée. Si le livre représente quelque chose pour vous, s’il vous parle ou suscite quelque chose en vous, ou même s’il semble représenter quelque chose pour d’autres personnes que vous respectez, gardez-le. Si vous en avez les moyens, ne l’empruntez pas. Achetez-le. Conservez-le. Vous sortirez de l’université avec une petite bibliothèque qui ne cessera de s’enrichir. Laissez ces années planter une graine qui germera tout au long de votre vie — un désir ardent de continuer à lire sur le monde qui vous entoure et sur l’œuvre de Dieu dans ce monde.

4. Faites-vous des amis — parmi les morts (et les autres).

Une vieille phrase latine dit : nemo nisi per amicitiam cognoscitur. En gros, on pourrait traduire par « personne ne connaît rien si ce n’est par l’amitié » (ou l’amour). C. S. Lewis affirmait qu’il existait quatre amours. J’aime à penser qu’il existe quatre amitiés, et qu’elles sont peut-être plus répandues sur un campus universitaire que n’importe où ailleurs.

Tout d’abord, il y a l’amitié avec les morts — les auteurs qui ne sont plus parmi nous, mais dont les livres continuent à vivre. Stanley Hauerwas observait un jour que ce qui rend Lewis si éternellement populaire, c’est sa capacité à se lier d’amitié avec ses lecteurs : « Il se met à la disposition de ses lecteurs comme un ami de confiance en Christ. »

Trouvez d’autres personnes qui font la même chose que lui. Liez-vous d’amitié avec les morts.

Après cela, il y a l’amitié avec les vivants. J’en dirai plus à ce sujet dans la prochaine section.

Vient ensuite l’amitié avec les aînés, une relation que l’on décrit souvent comme mentorat. Trouvez un professeur, un pasteur ou un patron — quelqu’un de plus âgé que vous respectez, idéalement (mais pas nécessairement) un croyant comme vous. Frappez à sa porte. Interrompez son emploi du temps. Posez-lui des questions. Faites-vous inviter à prendre un café ou même à vous rendre chez lui. Il ne s’agit peut-être pas d’une amitié pour l’instant, mais une fois que vous aurez obtenu votre diplôme, les choses pourraient évoluer dans ce sens.

Après avoir obtenu leur diplôme, mes anciens étudiants ont du mal à m’appeler « Brad » au lieu de « Professeur East ». Mais cela finit par se faire. Certains d’entre eux restent en contact avec moi pendant des années. C’est une chose merveilleuse.

Enfin, prêtez attention à l’amitié avec le Christ. Quelques heures avant son arrestation, Jésus est avec ses disciples dans la chambre haute. La dernière fois qu’il s’adresse à eux avant la croix, il leur dit : « Vous, vous êtes mes amis » (Jn 15.14). Il étend cette relation à des hommes sur le point de l’abandonner et de le trahir. Dieu en chair et en os se lie d’amitié avec nous en Jésus. Il nous considère non seulement comme des disciples, mais aussi comme des amis.

La vie de foi n’est rien d’autre que la perpétuation d’une amitié à vie avec le Christ. Que vos années d’université soient centrées sur cela, et les choses se passeront bien.

5. Organisez des fêtes — mais pas n’importe lesquelles.

L’université est une période festive. La question n’est pas de savoir s’il faut faire la fête, mais comment.

Vous êtes chrétien, vous savez donc ce qu’il faut éviter : ne vous enivrez pas. Ne couchez pas avec n’importe qui. N’enfreignez pas la loi. Ignorez les appels inconsidérés à « profiter de sa jeunesse ». Indépendamment même du problème du péché, ces voies aspirent la vie hors de vous. Le plaisir qu’on en tire n’est que très passager. Restent surtout des regrets et de la honte. Le Christ est capable et désireux de couvrir tout cela lorsque cela arrive, mais vous pouvez choisir la vie avant même de vous y être enfoncé.

C’est justement là qu’intervient l’amitié avec les vivants.

Quel que soit l’endroit où vous et vos amis vivez — un dortoir, un appartement, une propriété locative — faites-en un espace d’accueil pour les amis, les étrangers, les nouveaux venus et ceux que l’on laisse de côté. Regardez des matchs de football, suivez des événements marquants et des finales de séries. Surprenez vos colocataires à leur anniversaire. Déguisez-vous. […] Si vous n’avez pas un sou en poche, mangez des raviolis. Si quelqu’un a de l’argent en plus, qu’il le mette à profit pour tous. Tout ne doit pas être épargné. Il faut parfois faire preuve d’un peu d’extravagance.

6. Mangez bien — et dormez un peu.

Ce conseil est très simple. Rien, et je dis bien rien, n’améliorerait davantage la vie de mes étudiants qu’un sommeil suffisant. Et par « suffisant », je ne veux pas dire six heures, même si beaucoup d’entre eux vivent avec trois ou quatre heures par nuit. Je veux dire huit ou plus.

Imaginez que vous passiez des semaines et des semaines sans eau. C’est ce que l’insomnie chronique fait à votre corps. Alors, dormez un peu. (Et pas avec un smartphone à proximité. Il n’y a rien de pire pour vous.)

Plus généralement, prenez soin du corps que Dieu vous a donné en mangeant bien et en faisant de l’exercice. Ou mieux : lorsque vous mangez, cuisinez vos propres aliments et lorsque vous faites de l’exercice, faites-le en plein air. Comme l’écrit Paul : « Vous ne vous appartenez pas à vous-mêmes, car vous avez été rachetés à un grand prix. Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps. » (1 Co 6.19-20)

7. Dites merci — à tout le monde.

Trop souvent, c’est à l’université que les étudiants en viennent à voir leur foyer comme rétrograde et embarrassant, qu’il s’agisse d’une ville, d’une Église ou d’une famille. Cette « prise de conscience » n’est pas nécessairement une marque de maturité ou de progrès. Elle peut être une autre forme de rébellion adolescente. Résistez-y à tout prix.

L’université devrait être le début d’une vie de gratitude. Écrivez des mots de remerciement. Envoyez une carte à un parent. Envoyez un courriel à un entraîneur. N’imaginez pas que vous êtes meilleur que là d’où vous venez, même si vous avez eu une enfance difficile. Trouvez quelqu’un pour qui remercier Dieu, puis remerciez vous-même cette personne.

Quelqu’un a essuyé votre nez et changé vos couches. Quelqu’un vous a amené là où vous êtes. Il est temps de réaliser que vous n’êtes pas et ne serez jamais le seul fruit de vos efforts. Personne ne l’est. Comme tout le monde, vous appartenez à Dieu, qui a fait de vous ce que vous êtes grâce à la sueur et aux larmes d’innombrables autres personnes, généralement anonymes. Celles dont vous connaissez le nom méritent d’être remerciées.

Vous apprendrez de nouvelles choses à l’université. Cet apprentissage vous changera ; il est censé le faire. Mais tout ce que vous apprenez est destiné à édifier les autres, et non à vous enfler vous-même. Laissez la gratitude envelopper ce que menace la vanité. Être reconnaissant en toutes choses fait obstacle à une multitude de péchés.

Si, au bout de quelques années, vous ressortez humbles, priants et reconnaissants de l’université, alors, quel que soit votre diplôme, ce temps aura été une réussite. Vous aurez montré — ou plutôt, Dieu aura montré à travers vous — que garder la foi à l’université n’a rien d’impossible. C’est à cela que le Christ vous appelle. Et il vous donnera toujours ce dont vous avez besoin pour faire sa volonté.

Brad East est professeur associé de théologie à l’Université chrétienne d’Abilene.

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Books
Review

Je gagne ma vie avec des algorithmes. Dieu ne me demande pas de démissionner.

Alors que je vivais une période de découragement professionnel, un récent ouvrage m’a éclairé sur les bénédictions et les dangers de la technologie de pointe.

Christianity Today August 28, 2023
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Getty / Unsplash

C’est un fait, nos vies sont de plus en plus saturées de technologie numérique. Les applications et plateformes jouent un rôle prépondérant sur le plan social et professionnel, dans nos vies privées et dans nos collectivités, au travail, à l’école et à l’Église. Nous peinons à nous rappeler comment était la vie sans ces commodités technologiques modernes. Même de nombreux jeunes adultes ressentent un gouffre entre les normes technologiques avec lesquelles ils ont grandi et celles qui ont cours actuellement.

God, Technology, and the Christian Life

God, Technology, and the Christian Life

Crossway

320 pages

$15.35

Ce changement semble encore plus frappant lorsque nous tentons de comparer notre vécu numérique quotidien — les nouvelles instantanées, les robots conversationnels et le métavers — aux réalités décrites dans la Bible. C’est dans ce contexte que God, Technology, and the Christian Life, le dernier livre de Tony Reike, présente une « théologie de la technologie » incisive et fondée sur les Écritures. Il y établit un lien clair entre nos expériences de vie et celles des héros de l’Ancien Testament et jette les bases d’une vision de la technologie moderne alignée sur les perspectives bibliques.

Ce livre, je l’ai lu à un moment crucial de désillusion dans ma carrière professionnelle. Je suis data scientist, ou « expert en mégadonnées », un technologue de métier. Je passe mes journées à écrire des algorithmes générant des chiffres et des recommandations qui alimentent les écrans de millions de smartphones dans le monde. Dans mon travail, j’utilise des procédés qui peuvent aussi être employés à des fins malveillantes et ont déjà entrainé de grandes entreprises technologiques dans d’importantes polémiques au sein de la société.

J’apprécie certainement les bienfaits de la technologie moderne, et mon travail dans le domaine du développement technologique m’apporte une réelle satisfaction. Pourtant, je suis assez sceptique à l’égard de son omniprésence. Notre dépendance à l’égard des plateformes des grandes entreprises technologiques pour notre vie quotidienne est énorme. Et malheureusement, ces programmes ne sont généralement pas le fruit de mûres réflexions, mais bien d’une recherche frénétique de profit et d’accumulation de données de la part de firmes à gros capital. En tant que chrétien, cette réalité a lourdement pesé sur ma conscience et m’a fait sérieusement réfléchir à ma vie professionnelle.

Certains seront peut-être surpris d’entendre qu’un tel dilemme est fréquent chez les travailleurs des secteurs technologiques. Leurs états d’âme ne se lisent pas sur la place publique ou dans des tempêtes de tweets, mais bien dans les recoins anonymes de forums en ligne, comme ceux de Hacker News. Ce fournisseur d’informations à la mode, soutenu par l’un des incubateurs de startups les plus exclusifs et les plus lucratifs d’Amérique, est fréquenté par tout le gratin de l’industrie technologique. Mais entre des annonces d’introduction en bourse et des tutoriels lourdement codés, le site édite régulièrement aussi des appels à l’aide de technologues chevronnés qui n’arrivent plus à concilier désillusions technologiques, carrière professionnelle et recherche de bonheur. Un rapide survol des échanges confirme qu’il n’y a pas de consensus sur les réponses à apporter à ce dilemme, et qu’on ne sait même pas par où commencer à chercher.

Une clarté nouvelle sur d’antiques priorités

Dans son livre, Reinke aborde toute cette problématique, présentant tout le développement de la technologie depuis son lancement par Dieu, sa gestion par de premiers intendants bibliques, sa croissance et son développement dans les villes, ses prétentions de plus en plus idolâtres et son jugement final. Lorsqu’il s’agit d’honorer Dieu avec nos technologies, Reinke affirme que les innovations contemporaines ne soulèvent pas vraiment de nouvelles questions. Elles appellent plutôt à une clarté renouvelée sur d’antiques priorités. C’est à travers ce paradigme simple qu’il applique la sagesse de l’Écriture à nos expériences technologiques modernes.

Le livre de Reinke part de manière surprenante du goudron, cette substance qui recouvre nos allées, nos rues et nos terrains de jeu et que certaines traductions de la Bible appellent « poix » ou « bitume ». Ce goudron fait en effet le lien entre les récits de l’arche de Noé (Ge 6) et de la tour de Babel (Ge 11) en mettant en évidence l’un des thèmes principaux du livre : la technologie peut être utilisée soit pour glorifier Dieu, soit pour glorifier l’humanité, mais Dieu reste souverain dans les deux cas.

Noé a fidèlement obéi à l’ordre de Dieu et a construit le plus grand bateau de son temps en l’imperméabilisant consciencieusement avec du goudron. Quelques générations plus tard, les habitants de Babel ont astucieusement associé le bitume à des briques cuites dans le but de se construire une place au paradis. La même technologie a conduit à des résultats opposés. Mais aucun de ces épisodes n’a représenté une menace pour Dieu ou n’a échappé à son contrôle.

Cette partie du livre nous met en garde contre l’attribution d’étiquettes morales générales à la technologie elle-même. Selon Reinke, Dieu est plutôt préoccupé par nos motivations à utiliser les technologies et par les conséquences spirituelles que notre recherche d’auto-exaltation engendre. Le problème de la Tour de Babel, écrit-il en citant un commentaire de la Genèse, « n’est pas qu’elle insécurise Dieu, mais qu’elle engage l’homme sur une nouvelle voie d’autodestruction. L’ambition et le pouvoir croissants de l’homme ne menacent pas Dieu, ils menacent l’homme lui-même, car “plus ils seront capables de concentrer leur pouvoir, plus ils seront capables de se faire du mal et de faire du mal au monde” ».

La solution du problème, selon Reinke, n’est pas que les technologues abandonnent leur métier, mais plutôt qu’ils apprennent à percevoir Dieu dans leur technologie. Affirmer que Dieu est le créateur de toute technologie et le maître de toute innovation fait de la science et l’ingénierie une sorte de jeu divin de questions-réponses. Nous demandons à Dieu ce qui est de l’ordre du possible, et il nous donne une réponse matérielle. Toutes les innovations technologiques sont un cadeau de Dieu, car elles permettent d’atténuer la malédiction du péché sur la création. C’est dans cette optique que Reinke fait le lien entre le Dieu d’Ésaïe 28.23-26, qui dispense avec miséricorde ses instructions agricoles, et le monde de la technologie moderne.

La plus importante contribution de ce livre se trouve dans le vocabulaire qu’il développe pour réfléchir l’innovation technologique et dans une expression lapidaire : « l’Évangile de la technologie ». L’auteur désigne par là les propositions technologiques idolâtres de notre époque, opposées à la bonne nouvelle de Jésus. La plupart des discours chrétiens expriment un malaise latent face à l’omniprésence de la technologie, mais ils ne parviennent pas toujours à formuler clairement ce à quoi ils s’opposent et pourquoi. Reinke donne un nom à notre malaise et plaide vigoureusement en faveur d’une approche modérée, tempérée, nuancée et pleine de foi, qui contraste nettement avec les fausses promesses d’accomplissement, de rédemption et de contrôle énoncées par l’Évangile de la technologie.

Les lecteurs avertis, qu’ils soient lassés à la perspective d’un énième livre sur la technologie ou noyés par l’offre infinie de prises de position sur le sujet, apprécieront que le livre de Reinke aborde notre contexte actuel sous l’éclairage des idées et événements ayant marqué l’histoire de l’humanité. En fin de compte, il nous rappelle les parallèles étroits et profonds qui existent entre nos tensions technologiques modernes et les défis auxquels ont été confrontées les générations précédentes. « C’est le dilemme humain », écrit-il. « L’innovation humaine est un don merveilleux, mais un dieu décevant. Nous ne pouvons pas nous sauver nous-mêmes. En fin de compte, nos innovations laissent des cœurs insatisfaits, des âmes perdues et des corps froids dans une tombe. »

La souveraineté de Dieu sur l’innovation

De cet ouvrage, il nous faut retenir que, quels que soient les progrès de la technologie au cours de notre vie, nous n’avons en fin de compte que Dieu à craindre (Mt 10.28). Car, comme le dit Reinke, sa « souveraineté est le berceau de notre avenir technologique ». Et il nous rappelle qu’aucun niveau d’innovation humaine ne peut satisfaire les désirs du cœur de l’homme qui transcendent les contraintes de notre temps (Ec 3.11) et trouvent leur accomplissement ultime dans le Christ.

Personnellement, ce livre m’a encouragé à approfondir ma recherche de Dieu dans la science des données. Reinke évoque le contexte biblique pour nous aider à comprendre Dieu dans toute sa création, et donc aussi dans nos milieux professionnels. Cela a renforcé la place que je lui donne dans mon travail et m’a donné une base solide pour évaluer mes habitudes technologiques et trouver mon chemin dans les dilemmes éthiques auxquels je suis confronté. Selon Reinke, les nouvelles technologies ne s’arrêteront pas pour faire leur autocritique. Cela doit nous motiver à bien prendre en compte et à communiquer les dangers qu’elles véhiculent.

Heureusement, le livre de Reinke évite, et même dénonce, le ton alarmiste de la plupart des écrits chrétiens sur le sujet. De manière convaincante, il dit aux optimistes et pessimistes de la technologie de ne pas sous-estimer Dieu. « Nous n’avons pas tort », affirme Reinke, « d’éprouver un “malaise mineur” à l’ère de l’innovation. Mais en attendant le retour du Christ, nous pouvons être sûrs que notre Dieu souverain règne, même sur les perspectives les plus troublantes auxquelles nous sommes confrontés. »

Collin Prather est data scientist chez iRobot, une entreprise basée à Bedford, dans le Massachusetts.

Traduit par Anne Haumont

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Books

Au « Indigenous Seminary », les peuples autochtones se réapproprient leur foi et leur identité.

Une école décentralisée nouvellement accréditée promeut une formation théologique ancrée dans la culture des populations locales.

Cérémonie de remise des diplômes au NAIITS

Cérémonie de remise des diplômes au NAIITS

Christianity Today August 28, 2023
Avec l’aimable autorisation du NAIITS

Une grande partie de la vie adulte de Terry LeBlanc a été guidée par une question : peut-on pleinement vivre sa culture autochtone tout en étant pleinement disciple de Jésus ?

Sa réponse est un oui retentissant.

Au cours des trois dernières décennies, il a mis en place, avec d’autres, un séminaire destiné à offrir une formation théologique aux populations autochtones des États-Unis, du Canada et du monde entier, afin qu’elles puissent elles aussi répondre par l’affirmative.

Le NAIITS, anciennement connu sous le nom de North American Institute for Indigenous Theological Studies, a été fondé en 1998 avec la vision de voir « des hommes et des femmes s’engager sur la voie d’une relation vivante avec Jésus d’une manière transformatrice qui n’exige pas le rejet de l’identité sociale et culturelle que leur a attribué le Créateur. » En 2021, l’institution est devenue la première école autochtone américaine à recevoir une accréditation complète de l’Association of Theological Schools. Le NAIITS peut désormais proposer divers masters en théologie (MA, MTS et MDiv), ainsi que des doctorats en théologie chrétienne autochtone.

L’année dernière, le NAIITS a reçu pour cela deux subventions d’une valeur totale de 6 millions de dollars de la part de la fondation Lilly Endowment. L’école utilisera 1 million de dollars pour développer un programme de master en accompagnement spirituel des traumatismes. Les 5 millions de dollars restants serviront à créer la Communauté d’apprentissage canadienne pour la décolonisation et l’innovation, un projet mené en collaboration avec quatre autres universités.

Terry LeBlanc, qui est mi’kmaq-acadien et titulaire d’un doctorat du Séminaire théologique d’Asbury, explique que le NAIITS cherche à enseigner comment réimaginer la relation entre foi et culture. À ses yeux, le terme académique qui se rattache à cet exercice, décolonisation, ne signifie pas une minimisation de la puissance de Jésus ou de l’Évangile, mais un espace offert aux perspectives autochtones et à la possibilité de voir l’identité et la culture autochtones comme un don de Dieu plutôt que comme quelque chose à rejeter d’un bloc.

« On part souvent du principe que les cultures autochtones sont négatives et qu’il faut les laisser de côté », observe-t-il. « Toute théologie est culturellement liée et marquée, et aucune n’est idéale ou parfaite. Mais nous étions convaincus que nous pouvions nous aussi intégrer notre foi dans notre culture et notre identité. »

Lors du 20e symposium annuel de l’école, en juin dernier, des universitaires et des responsables d’Églises ont ainsi pu observer la manière dont la foi chrétienne peut s’exprimer à travers la musique autochtone. Historiquement, certains chrétiens condamnaient l’utilisation de tambours traditionnels, estimant qu’ils étaient intrinsèquement marqués par le péché. Les enseignants du NAIITS pensent eux qu’ils peuvent contribuer à proclamer l’Évangile et adorer Dieu.

Lors de ce rassemblement, dans la province canadienne du Manitoba, un professeur a enseigné aux participants un chant de louange autochtone au son des tambours et des maracas. Les gens chantaient avec lui : « Jésus est un bon remède/un bon remède, ah hey. »

Le NAIITS a également fêté 11 diplômés lors de ce symposium. L’école fonctionne selon un calendrier trimestriel, les étudiants suivant des cours en ligne pendant deux trimestres et participant au troisième en présentiel. Le trimestre en présentiel se déroule dans trois institutions partenaires — l’Acadia Divinity College en Nouvelle-Écosse, le Tyndale University and Seminary à Toronto et la Kairos University dans le Dakota du Sud — de sorte que le NAIITS n’a pas besoin de gérer son propre campus physique. Le NAIITS est également partenaire de la Meachum School of Haymanot dans le Missouri et du Sydney College of Divinity en Australie.

Le fait que l’enseignement soit essentiellement virtuel permet aux étudiants de rester dans leur propre communauté, ce qui est moins onéreux et génère moins de perturbations. Le NAIITS souhaite que les diplômés s’installent dans des relations en profondeur pour mieux exercer leur ministère dans leur propre contexte. En même temps, ils se rapprochent suffisamment les uns des autres pour établir des liens.

« C’est une communauté — nous partageons notre vie », explique Terry LeBlanc. « Il ne s’agit pas seulement d’études. Il ne s’agit pas non plus d’un simple rassemblement d’autochtones en vue d’une fête de l’amitié. »

Tandis que le NAIITS élargit sa vision et sa portée, son leadership se développe et se transforme également. LeBlanc, directeur fondateur de l’école, va devenir directeur émérite et rejoindra les anciens du NAIITS en compagnie de son épouse, Bev.

La direction du NAIITS est reprise par Shari Russell, une Saulteau (des Anichinabés) de la Première nation de Yellow Quill, à la Saskatchewan. Également officière de l’Armée du Salut, celle-ci est un exemple de la manière dont le NAIITS espère aider les gens à réconcilier leur foi et leur culture.

« Je ne savais pas ce que pouvait signifier être autochtone et disciple de Jésus », explique-t-elle. « Et puis j’ai rencontré ces gens. Ça a vraiment été un voyage merveilleux. »

Lorsqu’ils étaient enfants, Shari Russell et deux de ses frères et sœurs ont été enlevés à leur foyer dans la réserve — séparés de leur famille et de leur communauté — et placés dans le système de protection de l’enfance. C’est ce que l’on appelle au Canada la « Rafle des années 60 », qui s’inscrit dans la longue et brutale histoire des tentatives des chrétiens canadiens blancs d’apporter leur « aide » en éradiquant la culture autochtone.

Cette histoire a donné à de nombreuses personnes, comme Russell, le sentiment qu’elles devaient choisir : si elles voulaient suivre Jésus, elles devraient s’assimiler complètement à la culture chrétienne occidentale. Si elles voulaient préserver leur identité autochtone, elles devaient rejeter Jésus.

Le NAIITS propose de réconcilier les deux, qui n’ont en réalité jamais été opposés. Pour des personnes comme Shari Russell, le NAIITS offre un espace pour retrouver et réapprendre les parties de leur identité et de leur culture qui leur ont été enlevées.

« Cela a été un processus, même pour certains des fondateurs », dit Russell, qui a retrouvé sa famille et a rejoint le NAIITS en 2002. « Beaucoup de gens ont été blessés par le passé. Mais les gens viennent au NAIITS parce que c’est différent. »

Danny Zacharias, professeur de Nouveau Testament au NAIITS, qui a rencontré LeBlanc alors qu’il préparait son doctorat, se souvient du jour où ce dernier l’a incité à placer son identité autochtone au centre de ses préoccupations, en tant que personne et en tant que chrétien.

« Ce n’était pas quelque chose auquel on accordait de l’importance », raconte Zacharias, issu des peuples cri et anichinabé du côté de sa mère. « On nous a même parfois dit que c’était démoniaque. »

Mais Zacharias, qui a été ordonné par les baptistes canadiens des Provinces de l’Atlantique, s’est rendu compte que LeBlanc avait raison. La mise en lien de son identité chrétienne et de son héritage culturel l’a transformé.

« Les croyants autochtones diraient : “Je suis chrétien autochtone”, et non pas “simplement chrétien”. » « Il s’agit à la fois de décoloniser la théologie et de repenser ce qui vient avec le message chrétien. »

Un autre membre du corps enseignant, Kimberlee Medicine Horn Jackson, poétesse sioux de Yankton et professeure d’écriture, considère que la communauté du NAIITS est spéciale en raison de son leadership autochtone.

« Dans le courant dominant, la plupart des universitaires qui s’exprimaient [sur le sujet] n’appartenaient pas à ces communautés autochtones », dit Jackson, qui est également doctorante au NAIITS. « Lorsque les choses se passent ainsi, cela crée une certaine déconnexion. »

Depuis le début, ce sont des autochtones qui dirigent le NAIITS et y enseignent. L’école accueille également des étudiants non autochtones, mais leur nombre total est plafonné.

Selon Shari Russell, une partie de la mission du NAIITS consiste à créer un espace où les autochtones peuvent faire de la théologie. Mais l’objectif est d’aller plus loin. Les théologies autochtones remettent en question « le cadre occidental dans lequel s’inscrit souvent la théologie chrétienne ».

Elle remarque par exemple que de nombreuses approches théologiques chrétiennes commencent avec la chute en Genèse 3, lorsque le péché entre dans le monde et sépare l’humanité de Dieu. Les théologiens autochtones, quant à eux, partent davantage de la beauté et de la bonté de la création de Dieu.

Selon elle, une communauté d’apprentissage qui cultive ce type d’idées ne conduit pas seulement à la guérison et à l’épanouissement de nombreux chrétiens autochtones — pleinement autochtones, pleinement disciples du Christ — mais elle peut aussi être une bénédiction pour l’Église dans son ensemble.

« La valeur ajoutée que les visions du monde et les épistémologies autochtones apportent à notre manière de vivre en tant que disciples du Christ est parfois négligée », estime la directrice associée. « Mais il y a bien des choses que nous devons apporter et qui, je pense, renforceront tout le corps du Christ. »

Hannah McClellan est journaliste en Caroline du Nord.

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Books

26 églises incendiées au Pakistan. Les chrétiens craignent de nouvelles accusations.

Des profanations du Coran en Suède et la politique du parti islamiste TLP sont vues comme l’origine des violences collectives qui ont entraîné le déplacement de dizaines de familles chrétiennes à Jaranwala.

Des hommes se tiennent au milieu des débris devant l’église Saint John incendiée à Jaranwala, dans la banlieue de Faisalabad, le 17 août 2023, au lendemain d’une attaque perpétrée par des hommes musulmans à la suite d’allégations selon lesquelles des chrétiens auraient profané le Coran.

Des hommes se tiennent au milieu des débris devant l’église Saint John incendiée à Jaranwala, dans la banlieue de Faisalabad, le 17 août 2023, au lendemain d’une attaque perpétrée par des hommes musulmans à la suite d’allégations selon lesquelles des chrétiens auraient profané le Coran.

Christianity Today August 28, 2023
Aamir Qureshi/AFP/Getty Images

C’était un lundi. L’église de Sœur Mumtaz était pleine.

Sa communauté s’était réunie le 14 août pour célébrer le 76e anniversaire de l’indépendance du Pakistan en chantant des chants locaux et en priant pour la prospérité de ce pays à majorité musulmane. L’été avait été éprouvant, les Églises pakistanaises comme la sienne ayant eu à condamner ouvertement les récentes destructions de corans en Suède pour assurer leur sécurité et préserver la paix au sein de la communauté.

Pourtant, deux jours plus tard, elle eut la frayeur de voir une foule en colère s’avancer vers son église en brandissant des bâtons, des marteaux et des barres de fer.

Le 16 août, un grondement terrifiant a résonné dans les rues de Chak 120 à Jaranwala, une ville isolée du district de Faisalabad, la troisième plus grande ville de ce pays d’Asie du Sud. Alors que la plupart des hommes étaient déjà partis travailler en ce mercredi matin chaud et humide, Mumtaz et d’autres femmes et enfants chrétiens ont fui vers les champs de canne à sucre situés à proximité.

« À bout de souffle, nous avons couru environ un kilomètre dans les champs et y sommes restés jusqu’à deux heures du matin, sans nourriture, sans abri et sans eau », a-t-elle déclaré. « Chaque fois que les bruits de la foule se rapprochaient, les mères mettaient du tissu dans la bouche de leurs bébés pour étouffer leurs cris, craignant que les assaillants ne nous découvrent et ne nous fassent du mal. »

Les chrétiens du Pakistan, qui représentent moins de 2 % de la population, soit environ 3 millions de personnes, ont longtemps vécu dans la peur. Dans tout le pays, la plupart d’entre eux se trouvent dans la pauvreté la plus totale, cantonnés à des tâches subalternes telles que l’assainissement, le travail agricole et d’autres emplois mal rémunérés.

Les chrétiens pakistanais sont souvent confrontés à des remarques méprisantes : des accusations selon lesquelles leur foi est erronée, leur Bible est corrompue et obsolète, et que Jésus n’était qu’un prophète qui n’est pas mort sur la croix. L’utilisation de la croix comme symbole chrétien est donc considérée comme une représentation trompeuse. La musique religieuse, considérée comme haram ou interdite par la plupart des Pakistanais, est souvent comparée, par dérision, à de la musique de bar.

Bien que ces préjugés aient été constants tout au long de sa vie, Mumtaz s’inquiétait particulièrement de savoir si l’attaque était une mesure de représailles après les corans brûlés en Suède. Depuis ces incidents survenus au début de l’été, plusieurs situations de tensions au sein des communautés se sont produites, notamment à Sargodha, un district situé à environ 200 kilomètres de Lahore. À chaque fois, des chrétiens ont fait l’objet de plaintes en vertu des lois pakistanaises sur le blasphème.

Les chrétiens se trouvent principalement dans la province du Pendjab et, ces dernières années, le très rigide Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP) est devenu l’un des principaux partis politiques, dans les suites de l’acquittement d’Asia Bibi pour blasphème et de l’exécution du policier Mumtaz Qadri, qui avait assassiné Salman Taseer, alors gouverneur du Pendjab, qui s’était prononcé en faveur de la libération de la jeune femme en 2010.

À l’approche des élections qui auront lieu dans trois mois, le TLP, connu pour son activisme agressif et la peur qu’il inspire à de nombreux membres de la communauté musulmane, a intensifié ses activités. Leurs campagnes politiques et populaires passionnées, notamment en réponse aux destructions de corans en Suède, ont amplifié le sentiment d’urgence et la tension dans la région.

Toujours vêtues de vêtements locaux blancs et coiffées de dupattas, Mumtaz et son assistante Saika se qualifient de « sœurs », bien qu’elles n’aient aucun lien avec le catholicisme. Leur Église évangélique non confessionnelle, Sat Sangat Duwaiya (Prière de la vraie fraternité), est devenue une lueur d’espoir pour 55 familles qui gagnent modestement leur vie.

À force de détermination, les deux croyantes ont acquis un lopin de terre dans ce village reculé du nord-est du Pakistan. Elles ont construit des murs et la moitié de l’Église était couverte, mais les travaux de plâtrage et de peinture n’avaient pas encore commencé.

« Des travaux des champs au balayage des routes en passant par le nettoyage des toilettes publiques, nous accomplissons toutes sortes de tâches subalternes tout en étant unis par notre foi chrétienne », raconte Mumtaz. Son église était dotée d’instruments de musique et même d’un système de sonorisation. « Malgré la pauvreté, chaque objet avait été financé centime par centime par cette communauté soudée. Encore trois jours à peine, et nous devions terminer la toiture. »

Au lieu de cela, ils ont trouvé leur église brûlée et ses murs démolis parce que des tensions ont surgi à Jaranwala lorsque des pages déchirées du Coran ont été découvertes dans le centre de la ville. Les haut-parleurs de la mosquée ont immédiatement diffusé des annonces, ce qui a conduit des groupes de villages voisins dans un rayon de 50 kilomètres à se rassembler rapidement. Des chrétiens de ces villages, qui nous ont répondu sous le couvert de l’anonymat, ont identifié le TLP comme l’un des principaux responsables de la mobilisation de masse, qui a vu des centaines, voire des milliers de personnes, se rendre à l’épicentre des troubles. Des motos aux bus, en passant par les camionnettes et les poids lourds, un large éventail de moyens de transport a été utilisé pour converger vers la ville dans un but commun.

La foule s’est déchaînée dans plusieurs villages, dont Chak 61, Chak 126, Chak 238, Chak 20, Chak 120, Chak 22 et Chak 19. Leurs cibles principales étaient les églises, mais dans certains cas, ils ont également attaqué des maisons de chrétiens. À Chak 238, les émeutiers ont d’abord saccagé une église presbytérienne, puis le lycée Alice, situé à une centaine de mètres. Avant de mettre le feu au mobilier de l’école, les émeutiers l’ont d’abord dépouillée de tous ses objets de valeur. Pourtant, cette école, gérée par des chrétiens, offre un enseignement à 200 élèves issus des communautés chrétienne et musulmane.

Il est remarquable que ces groupes, bien que provenant de différents endroits, aient fait preuve d’une étonnante unanimité dans leurs actions. En avançant vers la ville, ils ont méthodiquement cherché et ciblé les églises dans tous les villages qu’ils ont traversés, quelle que soit leur taille. Les sanctuaires ont d’abord été pillés à la recherche d’objets de valeur. Après le pillage, les émeutiers ont profané les croix, brûlé les bibles, détruit les instruments de musique et le mobilier. Les toits et les murs ont subi le gros de leur fureur. Dans certains cas, ils ont utilisé des grues pour abattre les barrières de l’église.

Rakhal Bibi, épouse du pasteur Ashraf Masih, responsable de l’église Khushkhabri (Bonne Nouvelle) affiliée à la confession pentecôtiste à Chak 61, était chez elle lorsque les assaillants ont fait irruption dans sa résidence. Faisant preuve d’une incroyable bravoure, elle les a empêchés d’entrer par la porte. Sans se laisser décourager, ils ont cherché à entrer par une fenêtre et ont tenté d’allumer un feu.

Dans un geste audacieux, elle a alors menacé de s’immoler à côté des bibles s’ils poursuivaient dans leurs intentions destructrices.

« Je les ai également prévenus que s’ils continuaient à mettre le feu, je ferais en sorte que l’un d’entre eux soit piégé avec moi », nous a-t-elle rapporté. Cette déclaration a dissuadé les assaillants, sauvant l’église des flammes.

Dans l’église Yahawa Yari (Jehovah Jireh) située à Chak 61, un jeune homme nommé Shaan Masih, âgé d’à peine 21 ans, a fait preuve d’un immense courage. Alors que les flammes engloutissaient l’église, il a aspergé rapidement d’eau un drap de lit, s’en est enveloppé et s’est élancé dans le brasier. Il a ainsi réussi à sauver au moins 20 bibles qui n’avaient pas encore été consumées par le feu.

L’église Amazing Grace, située à Chak 126, se tenait dans une humble simplicité, délimitée par une simple barrière et abritée sous une tente. On n’y avait pas encore érigé de croix. Cela n’a toutefois pas dissuadé les attaquants. Ils ont démoli le mur d’enceinte de l’église, se sont emparés de la porte en fer et ont pris la tente. « Nous avions prévu de construire une école et une structure plus durable pour l’église », explique le pasteur Ashraf Masih. « Mais les habitants semblaient mal à l’aise avec nos services religieux. Même s’ils n’ont jamais exprimé ouvertement leurs objections, cet incident révèle leurs sentiments sous-jacents. »

Racontant les événements déchirants de cette journée fatidique, Rahat Abbas, membre de l’Église presbytérienne de Chak 61, rapporte que seules les femmes étaient présentes lorsque la foule hostile s’est abattue sur elles. « Ils ont enlevé la croix de force, l’ont attachée à une moto et l’ont traînée sans ménagement dans les rues avant de la jeter dans un égout à ciel ouvert », nous a-t-il déclaré, la voix chargée d’émotion. « La scène était si brutale et chaotique que de jeunes chrétiennes, frappées de terreur, se sont enfuies de chez elles pour tenter désespérément de se mettre à l’abri. Alors qu’elles s’enfuyaient, des hommes à moto les ont suivies, faisant vrombir leurs engins et se livrant à des actes obscènes et indécents, ce qui a encore accentué la peur et le traumatisme. »

Lors d’un incident similaire à l’église de l’Armée du Salut à Chak 61, les émeutiers ne se sont pas contentés de recourir à la force brute, ils sont venus avec une grue. Ils l’ont utilisée pour démolir le mur de l’église, puis ont mis le feu à l’espace sacré. Asghar Masih, un homme de 61 ans dont la maison est adjacente à l’église, a tenté d’intervenir et d’arrêter leurs actions. Cependant, ses efforts ont été accueillis avec violence et les émeutiers se sont mis à le battre. « Pour couronner le tout, après avoir arraché la croix de l’église, ils l’ont traînée dans les égouts ouverts, s’assurant ainsi qu’elle était souillée par des boues fécales », nous a-t-il raconté.

« Après l’assaut de l’église, ils ont tourné leur rage vers nos maisons », se souvient l’habitant dépité. « Alors qu’ils avançaient, nos hommes, nos femmes et nos enfants s’enfuyaient en désespoir de cause dans les champs avoisinants. » Leurs chants menaçants résonnaient derrière nous : « chuhras [terme péjoratif désignant les chrétiens], nous n’épargnerons pas un seul d’entre vous. »

« Nos femmes, serrant dans leurs bras des enfants âgés même de deux jours, se sont réfugiées dans les champs de canne à sucre, où elles ont passé une nuit atroce. »

Masih marque une pause, réfléchissant à l’ironie amère de leur situation. « Il est déchirant de penser que nous, qui nettoyons leurs saletés en tant qu’agents sanitaires, soyons soumis à une telle cruauté et à une telle humiliation de leur part. »

Selon un journaliste de télévision, Iqrar-ul-Hassan, vers 5 heures du matin, des pages du Coran ont été découvertes avec des messages manuscrits insultant l’islam, son prophète et ses adeptes. Les documents émanaient prétendument de Raja Amir, un travailleur sanitaire de 23 ans, probablement analphabète, et de son frère, Rocky Masih.

L’auteur prétendu, sans crainte, aurait laissé son numéro de téléphone, le numéro de sa carte d’identité nationale, ainsi que les noms de son père et de son grand-père. Et des photos de lui et de son père. Hassan rapporte que lorsque Raja a appris cela, certains l’auraient vu se rendre sur les lieux et tenter de s’emparer de ces papiers. Des rapports ultérieurs indiquent qu’il s’est enfui avec les membres de sa famille.

À 9 heures, la majorité des chrétiens de la Christian Colony et du quartier voisin d’Isanagri (quartier de Jésus) avaient évacué leurs maisons, effrayés. Une annonce avait été faite depuis la Jamia Masjid Mehtab, une mosquée d’importance significative située près de la Christian Colony. Selon le premier rapport d’information déposé au poste de police de Jaranwala, l’appel à l’action disait :

« Un chrétien de Christian Town a profané le Saint Coran. Tous les religieux et les musulmans doivent se rassembler devant la Jamia Masjid Mehtab. Pendant que vous vous préoccupez de vos petits déjeuners, vous devriez avoir honte de votre [pauvre] engagement envers l’islam. C’est comme si vous deviez mourir [pour une telle négligence]. Les routes auraient déjà dû être bloquées. Si les forces de l’ordre ne prennent pas de mesures, nous devons protester. »

Selon le rapport, une foule de 500 à 600 personnes, armées de bouteilles d’essence, de tiges et de bâtons, était dirigée par Asif Ullah Shah Bukhari, un dirigeant du TLP. Cette foule s’est rassemblée devant la mosquée avant de lancer son assaut contre le quartier voisin et l’église catholique qui s’y trouve.

Un prêtre catholique, Khalid Mukhtar, nous a déclaré que dès qu’il a eu connaissance de l’incident, il est arrivé à la Christian Colony et a négocié avec les chefs religieux de divers groupes musulmans. Mais toutes les discussions ont échoué.

« J’étais à la Christian Colony lorsque j’ai appris que des foules avaient attaqué la maison paroissiale de Nasrat Colony, qui se trouve à cinq kilomètres de là. » La pression et l’anxiété provoquée par la situation ont fait monter sa tension artérielle en flèche, ce qui a entraîné une accumulation de sang dans son œil. Bien qu’encore souffrant, il s’est précipité vers l’église en flammes.

La fureur de la foule à l’égard des symboles chrétiens était palpable. Après avoir pillé, vandalisé et incendié l’église presbytérienne, l’église Full Gospel Assemblies, des bibles et des maisons à Isanagri, ils ont poursuivi leurs méfaits. Ils sont passés de l’autre côté de la route principale, en direction du cimetière chrétien. Ils y ont brisé les croix marquant l’entrée et même profané celles placées sur les tombes.

Pendant les troubles, la police s’est fait remarquer par son absence, en particulier dans les villages. Dans les quelques zones où les policiers étaient présents, ils sont souvent restés passifs. Certains officiers ont tout de même demandé aux agresseurs de ne pas porter atteinte à l’ordre public, tout en assurant la foule qu’ils partageaient leur indignation et qu’ils veilleraient à ce que les coupables soient traduits en justice. Devant l’incapacité de la police à contenir les manifestants, la situation a dégénéré au point que les Rangers, une force paramilitaire, ont dû être convoqués. Ils sont arrivés tard dans la nuit. À ce moment-là, les services de police avaient réussi à appréhender des suspects. La situation étant enfin maîtrisée, la foule commençait à se disperser.

Dans ces débordements furieux, le motif du pillage était évident. À la Christian Colony et à Isanagri, des cadenas ont été cassés et des bijoux ont été volés.

Dans tout le Pakistan, de nombreuses personnes se sont interrogées sur la négligence dont aurait fait preuve la police lors de ces attaques. Toutefois, Usman Anwar, l’inspecteur général de la police du Pendjab, a une position différente. Il est convaincu que la police a rempli ses devoirs de manière pertinente. Il a souligné que le recours aux armes à feu n’était pas une option, car cela aurait pu entraîner une escalade des tensions et de la violence dans l’ensemble du Pendjab.

Le juge en chef désigné Qazi Faiz Isa a visité la Christian Colony et les maisons incendiées où on lui a dit qu’en dépit de l’ampleur de la catastrophe, un seul officier de police de haut rang avait été déployé. Il a ordonné le déploiement d’autres officiers de police pour mener une enquête.

Actuellement, le Pakistan est dirigé par un gouvernement intérimaire dont les pouvoirs sont limités. Le Premier ministre intérimaire, Anwaar ul Haq Kakar, a exprimé sur Twitter sa profonde détresse face aux images de l’attaque, promettant de prendre des mesures sévères. Parallèlement, le ministre principal de tutelle, Mohsin Naqvi, s’est engagé à restaurer les églises et à offrir des compensations dans un délai court de « trois à quatre jours » et à verser 2 millions de roupies, soit 6 700 dollars, à chaque famille. (Cette compensation serait distincte de celle des Églises.)

Pourtant, ces promesses semblent être diluées au niveau de l’administration locale. Leur version de la « restauration » semble n’être qu’une tentative superficielle d’effacer les preuves de la violence. Des équipes ont été envoyées dans tout Jaranwala pour blanchir et repeindre les traces des attaques. Cet effort minimal, cependant, se concentre sur les églises principales de la ville, négligeant les nombreuses autres églises qui ont subi des dommages importants.

« Ces ouvriers de la rénovation sont équipés de quelques centaines de roupies de lait de chaux. Chaque fois qu’ils repèrent des traces de brûlures, ils les recouvrent de peinture, effaçant ainsi les preuves », rapporte Shaan Masih, de Chak 61. « Les individus de notre quartier — ceux qui ont été impliqués dans les attaques — se promènent librement. Ils se moquent de nous en passant, laissant entendre de manière inquiétante que les choses ne resteront pas paisibles et qu’ils nous “donneront une leçon” en temps voulu. »

Si des centaines de musulmans ont participé aux attaques et aux incendies criminels contre les propriétés chrétiennes, en certains lieux des voisins musulmans se sont portés au secours de leurs voisins chrétiens. À Chak Pathan, par exemple, toute la population musulmane du village s’est unie pour repousser les assaillants, les obligeant finalement à battre en retraite. De même, dans la Christian Colony, les maisons d’une rue ont été épargnées grâce à l’intervention des musulmans chiites. Naseer Ahmad nous a raconté qu’ils avaient bloqué l’entrée de la rue. « Dans cette lutte, beaucoup d’entre nous ont été battus par la foule, mais nous ne l’avons pas laissée entrer. »

Ils ont détourné l’attention des assaillants en affirmant que les maisons appartenaient à des musulmans, plaçant même des versets indiquant la propriété islamique pour mieux convaincre les assaillants. Ces actes de solidarité démontrent qu’au milieu du chaos et de l’hostilité, on trouve encore des exemples d’unité et d’humanité partagée.

Plus de 100 suspects ont été arrêtés en relation avec ces récentes attaques, mais par le passé les auteurs de tels actes ont souvent échappé à toute sanction. L’impunité dont jouissent les auteurs de ces actes odieux est un phénomène troublant.

Par exemple, lors de l’incident de Gojra en 2009, plus de 100 maisons et sept églises ont été incendiées, entraînant la mort de six chrétiens piégés dans le brasier. Pourtant, malgré la gravité de l’incident, personne n’a été tenu pour responsable.

Lors d’un autre incident survenu en 2013, la police s’est substituée aux plaignants après l’incendie de 112 maisons à la Joseph Colony, à Lahore. Cependant, tous les accusés ont finalement été libérés en raison d’un manque de preuves.

Aujourd’hui, alors que la police joue à nouveau le rôle de plaignant dans l’affaire en cours, le scepticisme est généralisé quant aux perspectives de justice, compte tenu notamment de la popularité croissante du TLP à la suite de l’assassinat du gouverneur Taseer et de la glorification de son meurtrier, Qadri, qui s’en est suivie.

Shoaib Suddle, ancien inspecteur général nommé par la Cour suprême du Pakistan en tant que commissaire chargé de superviser la mise en œuvre de son arrêt de juin 2014 sur les droits des minorités religieuses, nous a fait part de ses inquiétudes. Il révèle que deux semaines seulement avant cet événement tragique, il avait mis en garde tous les inspecteurs généraux de la police contre l’escalade des tensions entre les musulmans en Inde et au Pakistan. En outre, il avait pointé que les récents incidents en Suède donnaient un signe que les sentiments pourraient s’échauffer.

« Malheureusement, il semble que mon avertissement soit passé inaperçu », constate-t-il.

Il réfléchit également aux causes profondes de la situation, suggérant qu’il pourrait s’agir d’un oubli de la part des services de renseignement, ou que la situation s’est aggravée trop rapidement pour que les services de renseignement puissent réagir promptement. Suddle croit fermement qu’une enquête impartiale et approfondie est essentielle pour prévenir de telles calamités à l’avenir. En outre, il souligne la nécessité urgente de favoriser l’harmonie interconfessionnelle, de développer le respect mutuel et la compréhension entre les différentes croyances religieuses et de veiller à ce que les droits fondamentaux énoncés dans la Constitution soient véritablement défendus et respectés.

Sous la pression croissante du TLP, le gouvernement pakistanais a été contraint, en juin, de céder à un programme en 17 points qui comprenait notamment la poursuite sous des motifs de terrorisme des personnes soupçonnées de blasphème. Les répercussions de cette capitulation sont apparues rapidement, avec une forte augmentation des cas de ce type suite aux incendies du Coran en Suède.

Après l’épisode tragique de Jaranwala, les inquiétudes n’ont fait que s’intensifier face à une situation qui se détériore plus qu’elle ne s’améliore. En un seul mois, le district de Sargodha a enregistré trois cas de ce type, les forces de police ayant tenté d’empêcher les musulmans d’inciter à la violence collective. Peu après Jaranwala, un autre cas a eu lieu à Sargodha, suivi d’un autre à Sahiwal, situé à environ 155 kilomètres de Lahore et à environ 120 kilomètres de Jaranwala.

Lors d’un récent incident survenu dans la ville de Faisalabad, un habitant musulman a laissé un Coran imbibé d’eau sur le mur de séparation entre sa maison et celle d’une famille chrétienne. Alors que la famille chrétienne a rapidement informé la police, qui a mis le Coran en lieu sûr, la famille musulmane a affirmé que le livre religieux avait été placé là parce qu’il était mouillé. Cet acte apparemment anodin a pourtant suffi à mettre en péril la famille chrétienne.

Un dirigeant chrétien, Aamir Bashir, de Voice of Minorities Pakistan, basé à Multan, nous a fait part de ses préoccupations. Voyant venir les prochaines élections, il observe que « l’influence et la mobilisation croissantes du TLP visent à capter davantage de voix. Nous l’avions craint et, malheureusement, nous ne prévoyons pas de fin immédiate à nos tribulations. »

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