Même en temps de crise, il reste de la place pour apprendre.

Les crises ne devraient pas nous servir d’excuse pour négliger l’appel de Dieu à étudier et à créer.

Christianity Today November 23, 2023
Illustration de Chris Koehler

La version française de cet article écrit en 2020 a fait l’objet d’une mise à jour.

Je me retrouvais seul sur mon lit d’hôpital, une douleur fulgurante traversant mon corps. Pendant trois mois, je ne pouvais ni rester debout ni m’asseoir plus de 30 minutes. Les médecins n’avaient aucune solution pour soulager mes douleurs nerveuses persistantes et mes spasmes musculaires débilitants. Dans mon agonie, je me demandais si ma vocation d’enseignant et de chercheur chrétien n’était pas arrivée à son terme.

Avant que la douleur n’apparaisse, j’étais un professeur en bonne santé et engagé dans une carrière fructueuse à l’Université de Baylor. J’avais publié plusieurs livres, achevé un travail avec une bourse conséquente et me réjouissais les discussions en classe avec les doctorants d’un programme que j’avais aidé à mettre en place. En mars 2017, je me suis rendu à un rendez-vous médical supposé être une visite de routine. Peu de temps après, j’étais en proie à l’angoisse.

J’étais devenu prisonnier de la douleur. Pour la maîtriser, je devais rester alité, languissant. Je ne pouvais plus aller travailler, faire de l’exercice, conduire ou m’asseoir à table avec ma famille pour les repas du soir. Je me sentais isolé de mes amis et de l’église.

Je ne pouvais pas non plus assumer les responsabilités élémentaires d’un professeur. Pendant la majeure partie de mon temps ces mois-là, je ne me sentais même pas capable de lire, et encore moins d’écrire. M’apitoyant sur mon sort à la manière de Job, j’avais l’impression que tout ce qui m’avait donné satisfaction ou sentiment d’identité m’avait soudainement été retiré. « Qui suis-je, maintenant que je semble avoir tout perdu ? » me suis-je demandé. « Serais-je un jour de nouveau capable d’enseigner, d’écrire et d’apprendre de la même manière ? »

[…] Toutes les crises soulèvent des questions sur qui nous sommes véritablement et ce que Dieu nous appelle à faire. J’espère pouvoir ici nous rappeler les raisons sous-jacentes de notre vocation à persévérer dans l’apprentissage et répondre aux obstacles et distractions que les crises ont tendance à placer sur notre chemin.

La prière doit prendre le dessus.

« Je ne veux pas mourir », nous dit un soir mon plus jeune fils durant une conversation à table au sujet du COVID-19. Il était alors âgé de 16 ans. Tout comme ma femme, son système immunitaire est affaibli. Mon autre fils, lui, souffre d’asthme. J’ai aussi des parents âgés de plus de 80 ans, dont un avec une faiblesse au poumon. Tous ceux que j’aime semblent vulnérables.

Je sais que mon expérience n’est pas particulière. Face aux pires crises, nous avons tous peur de perdre les personnes que nous aimons. Le spectre de la mort nous hante. Il peut nous arriver de perdre de vue l’appel que nous avons reçu de Dieu. Que pouvons-nous faire lorsque la peur de la mort nous détourne de cet appel ?

Premièrement, nous devons prier. Lorsque, encore durant la pandémie, ma femme m’a dit qu’elle ne se sentait pas bien, j’ai fait face à une vague de peur paralysante. Était-ce le COVID-19 ? Quand la peur menace de prendre le dessus dans nos vies, la prière doit prendre le relais. Nous prions pour aligner nos cœurs avec le cœur de Dieu. Par la prière, il nous réconforte et nous guide, nous rappelant à la fois qui il est et qui nous sommes.

À quoi ressemble la prière en temps de crise ? Elle prend d’innombrables formes. Mon beau-frère, qui vit avec une douleur chronique impitoyable, m’a appris qu’il suffit parfois de prier : « Seigneur, aide-moi à bien vivre cette prochaine heure » ou « Seigneur, aide-moi à bien vivre ces cinq prochaines minutes ». D’autres fois, la prière est plus colorée. Durant mes problèmes de santé, la plupart de mes prières se réduisaient simplement à hurler vers Dieu. Si vous avez crié à Dieu récemment, c’est une bonne chose. Cela veut dire que vous vivez toujours en relation avec lui, même au milieu d’un stress extrême. Et puis, comme les Psaumes nous le rappellent, Dieu peut le supporter. En fait, Dieu est le seul à pouvoir porter le fardeau de notre peur.

Les Psaumes nous apportent encore bien plus. Pendant mon séjour à l’hôpital, de vieux amis de l’université sont venus de Virginie pour me rendre visite. Leur visite s’est avérée providentielle. Ils ont prié pour moi et m’ont remonté le moral. Plus tard, un ami m’a envoyé un psautier. Bien sûr, j’avais déjà une bible, mais pour une raison ou pour une autre, ce recueil des Psaumes m’a poussé à davantage les lire, les prier et les mémoriser.

Ces trois pratiques m’ont aidé à me réintégrer dans l’histoire de Dieu. J’ai appris par d’autres mots comment exprimer mon angoisse dans les lamentations : « Je suis fatigué d’appeler à l’aide ; ma gorge est desséchée » (Ps 69.3). J’ai poussé des soupirs d’espoir : « Seigneur, je t’attends ; tu répondras, Seigneur mon Dieu » (Ps 38.15). Et il m’a été rappelé que « le Seigneur est proche de ceux qui ont le cœur brisé et sauve ceux qui ont l’esprit brisé » (Ps 34.18).

Souvenons-nous de notre première mission.

Une fois notre paralysie émotionnelle vaincue et notre être replongé dans la communion avec Dieu, nous pouvons de nouveau nous concentrer sur l’accomplissement de notre vocation dans l’histoire de Dieu. Un sermon de C. S. Lewis intitulé « Apprendre en temps de guerre », prononcé au début de la Seconde Guerre mondiale, nous rappelle que les humains font toujours face à la réalité de la mort et du jugement éternel. Lewis invite les étudiants chrétiens à se demander : « Comment est-il juste, ou même psychologiquement possible, pour des créatures qui avancent à chaque instant vers le paradis ou vers l’enfer, de consacrer une fraction du peu de temps qui leur est imparti en ce monde à des futilités telles que la littérature ou l’art, les mathématiques ou la biologie » ?

Au cours de ma première année d’université, j’ai réfléchi à des questions similaires et j’ai commencé à y répondre d’une manière qui interférait avec mon aspiration à apprendre. Dans mon esprit, la simple évangélisation et la formation de disciples (telles que je les concevais précisément) prenaient le pas sur les sciences politiques et les sciences économiques. J’étais à nouveau interpellé par la question incisive que Lewis posait à son auditoire : « Comment pouvez-vous être frivole et égoïste à ce point et penser à autre chose qu’au salut des âmes humaines ? »

Il m’a fallu deux ans d’université pour comprendre ce que la prédication de Lewis a éclairé en quelques paragraphes. On ne peut pas vivre sa vie entière avec une mentalité de première ligne. Comme le relève Lewis, même les soldats sur le front de la Première Guerre mondiale parlaient rarement de la guerre. Au lieu de cela, ils passaient le plus clair de leur temps à mener des activités normales, notamment la lecture et l’écriture.

La lutte contre le COVID-19, pour reprendre cet exemple, n’a pas dérogé à cette règle. Certes, nous avons passé plus de temps à nous laver les mains, à prendre des distances sociales et à faire du télétravail, mais nous consacrions toujours la majeure partie de notre temps à des activités quotidiennes comme manger, entretenir des relations, travailler et apprendre. Qu’ils aient eu lieu en ligne ou en présentiel, nos cours, réunions, cultes et rencontres avec nos amis se sont poursuivis. Comme Lewis le disait à son auditoire de professeurs et d’étudiants, si vous suspendez toutes vos activités intellectuelles et esthétiques en cas de crise, « vous ne réussirez qu’à substituer une vie culturelle médiocre à une vie meilleure ». […]

Pour le dire en langage théologique, même en temps de crise, il ne faut pas négliger la première grande mission confiée par Dieu (remplir et cultiver la terre) pour répondre à la nécessité de la seconde (faire des disciples).

Genèse 1 contient une déclaration étonnante sur l’homme et sa vocation : « Puis Dieu dit : “Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance, afin qu’il domine sur les poissons de la mer et les oiseaux dans le ciel, sur le bétail et tous les animaux sauvages, et sur toutes les créatures qui rampent sur la terre.” Dieu créa l’homme à son image, à son image Dieu les créa ; il créa l’homme et la femme. » (v. 26-27)

Dieu crée. Puisque l’humain est fait à son image, nous sommes aussi conçus pour créer. En effet, le premier mandat que Dieu nous adresse est le suivant : « Reproduisez-vous, devenez nombreux, remplissez la terre et soumettez-la ! » (Ge 1.28) Il nous a été accordé l’honneur de créer la culture. Nous fabriquons des outils, composons de la musique et construisons même des villes (des actions décrites dans le quatrième chapitre de la Genèse). Nous construisons des civilisations entières avec des routes et des ponts, des langues et des livres. Nous lançons des entreprises et des organisations caritatives, nous fondons des hôpitaux et des universités et nous ouvrons des galeries d’art et des théâtres.

Dans toutes ces activités, Dieu nous a créés pour que nous le recherchions et que nous connaissions ses pensées et son caractère. Il nous a conçus pour désirer la vérité, la bonté et la beauté et pour découvrir sa sagesse (Pr 1.8). Comme nous le rappelle Hugues de Saint-Victor, enseignant du 12e siècle, rechercher la sagesse c’est rencontrer la pensée vivante de Dieu, comme si l’on entrait dans « une amitié avec cette Divinité ».

C’est la raison pour laquelle nous apprenons, pas seulement pour obtenir de l’argent ou un emploi, même si ces choses sont importantes. Nous apprenons parce que Dieu nous a créés à son image afin que nous puissions refléter sa créativité, sa vérité, sa bonté et sa beauté. Nous apprenons également pour retrouver la plénitude de cette image, en nous joignant au Christ pour inverser les effets de la chute à la fois sur nos vies individuelles et sur le monde dans son ensemble. C’est d’ailleurs en partie pour atteindre ces objectifs que les chrétiens ont peuplé le monde d’écoles.

[…] Dans la pandémie, si les épidémiologistes, les scientifiques et les travailleurs de la santé avaient ignoré l’appel de Dieu à étudier à l’université, ils n’auraient pas été prêts à combattre le virus. Nous avons besoin d’économistes pour nous aider à déjouer les pièges financiers. Nous avons besoin de psychologues, de poètes, d’écrivains, de philosophes et d’artistes pour nous aider à gérer les émotions en tous genres que nous ressentons. Nous avons besoin de pasteurs, d’animateurs de culte et de laïcs théologiquement équipés pour nous aider à voir ce que nous vivons à la lumière de l’histoire plus vaste de Dieu.

Dans cette perspective, les chrétiens devraient être les plus grands partisans de l’étude. Faire face à une crise requiert toujours la sagesse de Dieu, que nous trouvons dans l’Écriture et dans les meilleures traditions de l’humanité. Comme le répètent les Proverbes, seuls les fous méprisent la sagesse, l’instruction et l’intelligence. […]

Peut-être êtes-vous hésitant face à un avenir incertain ou avez-vous remis à plus tard tel ou tel apprentissage. Si vous aimez vraiment apprendre et entendez l’appel que la sagesse vous adresse (Pr 1.20-33), mettez-vous sans délai en route plutôt que d’attendre un moment plus favorable. Lewis décrit ainsi les plus grands érudits de la planète : « Ils voulaient la connaissance et la beauté tout de suite, et n’attendaient pas un moment propice qui ne serait jamais venu. »

De nouvelles formes de discipline.

[…] Toute crise majeure a tendance à nous arrêter. Pourtant, nous devons veiller à ne pas laisser les circonstances adverses nous consumer et nous épuiser.

Une peur obsessionnelle peut être un obstacle majeur pour maintenir le cap. L’anxiété prend-elle parfois le dessus sur votre vie, occupant chacune de nos pensées ? Je peux témoigner de ce danger. La première fois que j’ai subi mes problèmes de santé majeurs, je les ai laissés tout dominer. J’ai passé des heures à chercher des réponses en ligne. La douleur et l’épuisement mental m’ont fait sombrer dans la dépression.

Alors que je m’abandonnais à ces vaines occupations, ma femme m’a fait part d’une perle de sagesse dont j’avais cruellement besoin. Dix ans plus tôt, alors qu’elle avait passé une année au lit à se remettre de ses propres soucis de santé, elle avait appris à faire face à ces conditions de « quarantaine » forcée. Le Seigneur lui a lentement enseigné l’importance de structurer sa journée. Elle m’a encouragé à commencer la journée en passant du temps avec Dieu et en faisant des étirements et de l’exercice, ce qui m’a aidé à calmer mes muscles défaillants et à recentrer mon esprit vagabond. Peu à peu, j’ai réappris à gérer mon corps, mon esprit et mon âme.

Pour continuer à apprendre malgré les circonstances, nous devons établir des structures et des rythmes qui nous empêchent de succomber aux pressions du moment. Tout en restant engagés à poursuivre les tâches ordonnées par Dieu, nous pourrions avoir besoin d’expérimenter des moyens inhabituels pour les mener à bien.

Pendant mon épisode de douleurs intenses, je ne pouvais plus m’asseoir ou rester debout pendant de longues périodes. Pour continuer à écrire, j’ai dû faire preuve de créativité et apprendre à utiliser de nouveaux outils. J’ai commandé un support d’ordinateur qui me permettait d’écrire en restant allongé dans mon lit. Par la grâce de Dieu, j’ai vite constaté que le fait de me concentrer sur mon travail me détournait de la douleur et m’aidait à restaurer ma productivité d’antan. En fait, j’ai écrit deux de mes livres de cette manière. […]

Comme le dit Lewis dans Les fondements du christianisme, « Dieu n’apprécie pas davantage les paresseux intellectuels que tout autre paresseux ». Sachons cependant nous récompenser par le repos du sabbat et le jeu. Si nous pensons devoir travailler sept jours sur sept, il est fort possible que nous fassions plus confiance à nos propres forces qu’à Dieu. Si nous pensons que nous devons nous passer de communier avec Dieu pour survivre, nous ne faisons pas confiance à Dieu pour ce qui est de notre temps.

Les crises que nous traversons ne font que confirmer ce que les chrétiens devraient déjà savoir : depuis la rupture avec Dieu, la vie n’a jamais été « normale » et les jours ont toujours été anormalement mauvais (Ep 5.16). Satan, ce monde et notre chair pécheresse conspirent continuellement contre nous pour nous détourner de l’appel de Dieu pour nos vies. Pourtant, sa grâce permet toujours aux chrétiens fidèles, quelles que soient leurs circonstances, de rechercher la compagnie de Dieu, la connaissance de sa pensée et de ses desseins, et l’accomplissement de ses œuvres dans ce monde.

Perry L. Glanzer est professeur de fondements éducatifs à l’Université Baylor, où il est également chercheur résident à l’Institute for Studies of Religion. Il est notamment co-auteur de The Outrageous Idea of Christian Teaching and Christ-Enlivened Student Affairs: A Guide to Christian Thinking and Practice in the Field.

Traduit par Valérie Dörrzapf

Adapté par Léo Lehmann

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Books

Des mystiques et des moines que nous gagnerions à entendre.

Le christianisme médiéval offre un miroir utile à l’Église contemporaine.

Christianity Today November 23, 2023
Illustration d’Abigail Erickson/Images sources : WikiMedia Commons

Au cours des dernières décennies, des évangéliques qui ont étudié la foi au Moyen Âge ont fait beaucoup pour retrouver la variété et la richesse de celle-ci. Pourtant, cette période reste souvent perçue par le grand public comme un « âge sombre » de stagnation artistique et culturelle. Dans Jesus through Medieval Eyes: Beholding Christ with the Artists, Mystics, and Theologians of the Middle Ages (« Jésus à travers des yeux médiévaux. Contempler Christ avec les artistes, mystiques et théologiens du Moyen Âge »), Grace Hamman, autrice et chercheuse indépendante, fait revivre cette époque aux croyants d’aujourd’hui. Greg Peters, professeur de théologie médiévale et spirituelle à la Biola University en Californie, s’est entretenu avec elle au sujet de ses efforts pour mieux faire connaître et apprécier les chrétiens du Moyen Âge.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre ?

L’idée m’est venue au cours de la période du COVID-19. Je venais d’avoir un bébé et de quitter le monde académique et je me sentais triste de laisser derrière moi la littérature médiévale sans savoir ce qui allait suivre. J’ai commencé à réfléchir à la manière dont je pourrais permettre à des personnes extérieures au monde universitaire de découvrir la littérature médiévale d’une manière attrayante. Cela a ouvert la voie à une série de mon podcast, Old Books with Grace, où j’ai exploré les différentes façons dont les hommes et femmes du Moyen Âge dépeignent Jésus et parlent de lui. À partir de là, je me suis dit que je pourrais continuer à travailler sur ce thème. Je n’avais pas envie d’arrêter.

Dans ce livre, vous examinez sept représentations de Jésus au Moyen Âge. Avez-vous un ou deux favoris ?

C’est difficile à dire ! Mais l’image qui me vient à l’esprit est celle de Jésus en tant que mère. Des contemplatives médiévales comme Julienne de Norwich et Marguerite d’Oingt s’inspiraient d’une tradition monastique préexistante qui représentait le Christ de cette manière. Pour des oreilles chrétiennes modernes, cela peut sonner vaguement New Age ou hétérodoxe. Mais cette image est profondément ancrée dans les Écritures, notamment lorsque Jésus parle de lui-même comme d’une mère poule (Mt 23.37). On la retrouve également dans la Bible dans l’imagerie de la littérature de sagesse.

Des auteurs monastiques ont mis en avant cette image et tentaient de réfléchir à ce qu’elle pouvait signifier en matière d’exercice d’une autorité compatissante. Ensuite, des auteurs mystiques comme Julienne ont offert de magnifiques développements à cette idée. Cela a changé ma façon de penser la nature de l’amour de Dieu et de me penser moi-même en tant que créature incarnée. L’image m’a aidé à approfondir l’humilité et à accepter le don de mes limites dans ma position de petit enfant du Christ.

L’intérêt d’une autre image — Jésus en tant que juge — m’a surprise, car je redoutais d’écrire à ce sujet. Il est difficile d’imaginer que la justice absolue et la miséricorde éternelle puissent aller de pair. Mais les médiévaux se sont inspirés de cette image de manière très intéressante, tant dans leur art que dans leur poésie.

L’une des images les plus problématiques pour le public évangélique pourrait être celle de Jésus en tant qu’amant. Comment, dans le contexte de notre culture contemporaine hypersexualisée, pouvons-nous comprendre au mieux les expressions médiévales de notre désir pour le Christ et de son désir pour nous ?

C’est un autre chapitre avec lequel j’ai beaucoup lutté. Ces images sont fermement ancrées dans les Écritures. Ces thèmes étaient très populaires au Moyen Âge. Les écrivains médiévaux ont repris tout ce langage de l’Apocalypse, du Cantique des Cantiques et des Évangiles qui dépeint Jésus comme un époux ou un amant. J’ai pris ce constat comme une invitation à comprendre pourquoi ils l’utilisaient avec tant d’enthousiasme et pourquoi cela nous met mal à l’aise dans la culture hypersexualisée d’aujourd’hui.

Il est important de s’en tenir fermement au caractère métaphorique de l’idée de Jésus en tant qu’amant. Les problèmes commencent lorsque nous essayons de l’associer de manière trop précise aux fonctions corporelles ou à ce qui se passe dans la chambre à coucher. Il y avait une sorte d’universalité dans cette image. En étudiant l’époque médiévale, j’ai vu que cette image n’était pas réservée aux femmes ou aux moines et nonnes qui avaient fait vœu de ne pas se marier. Toutes sortes de gens la reprenaient.

Je pense que c’est parce que l’intimité et le désir des amants vont au-delà de ce que le langage de l’amitié peut exprimer. Il y a quelque chose d’une mise à nu et d’une pleine vulnérabilité. Rien n’est caché devant Dieu et pourtant il vous aime tel que vous êtes, avec toutes vos particularités de créature. Ce désir est si puissant qu’il culmine dans la Croix et la Résurrection. Il existe de magnifiques poèmes médiévaux dans lesquels le Christ est dépeint comme un chevalier amoureux, blessé pour sa fiancée. Beaucoup d’entre nous ont eu des expériences malheureuses dans des groupes de jeunes véhiculant une mentalité du style « Jésus est mon petit ami », ou des choses du genre. Mais l’imagerie médiévale revêt une tendresse réelle et surprenante qui résiste à ce type de sexualisation problématique.

Y a-t-il d’autres images médiévales de Jésus que vous auriez aimé inclure ? Pourquoi ?

J’aurais aimé explorer davantage l’image de Jésus en tant que bébé, car les médiévaux étaient très intéressés par la façon dont Dieu avait pu venir sur terre, grandir et se développer comme les autres êtres humains. Il existe une longue tradition d’artistes médiévaux qui ont représenté Jésus sous les traits d’un petit homme plutôt que d’un petit bébé, non pas parce qu’ils ne savaient pas dessiner les bébés, mais parce qu’ils réfléchissaient sincèrement à l’étrangeté de la représentation de Dieu sous cette forme.

Tout au long du livre, vous formulez certaines critiques à l’égard de l’Église contemporaine. Comment voyez-vous le christianisme médiéval éclairer nos défis actuels ?

Lorsque je mets en relation l’Église contemporaine avec la chrétienté médiévale, je m’inquiète du risque d’une certaine arrogance. Nous sommes constamment tentés de penser que notre époque de l’histoire chrétienne est celle qui a enfin compris l’Évangile.

Bien entendu, cette tentation apparaît également au Moyen Âge, comme à toutes les époques de l’histoire de l’Église. Mais les auteurs médiévaux parlaient souvent de la littérature — qu’elle soit théologique, pratique ou poétique — comme d’une sorte de miroir. Celui qui s’y penche se voit différemment. L’orgueil et l’arrogance sont difficiles à mettre en évidence, car nous pensons naturellement que nous avons raison, que ce soit sur la foi ou d’autres sujets. Mais lorsqu’on examine d’autres périodes et qu’on lit attentivement leur littérature, on commence à percevoir certaines des façons dont nous sommes devenus trop rigides ou complaisants dans notre vision de Dieu et de nous-mêmes.

Dans la littérature médiévale, je vois parfois la tentation pour les croyants de l’époque d’utiliser Jésus ou de le façonner à leur ressemblance. Mais c’est une tentation qui est encore puissamment à l’œuvre aujourd’hui. On peut instrumentaliser Jésus pour obtenir tout ce que l’on veut dans la sphère privée comme dans la sphère publique. On peut le domestiquer au point que tout ce que nous faisons paraît bon parce que nous pensons que Jésus est comme nous et que nous sommes comme lui.

C. S. Lewis a dit un jour que la lecture de la littérature du passé était comme une fraîche brise marine soufflant dans nos esprits encrassés. En lisant des écrits médiévaux avec un esprit ouvert, on vit cette expérience rafraîchissante de commencer à remettre en question des choses que l’on croyait acquises sur le monde.

En fin de compte, comment espérez-vous que les lecteurs réagiront à votre livre ?

C’est peut-être évident, mais j’espère que ce livre aidera les gens à aimer Jésus. Je suis toujours encouragée lorsque je vois à quel point d’autres personnes aiment Jésus, que ce soit aujourd’hui ou dans le contexte de l’histoire chrétienne. Je veux que les lecteurs voient l’Église à l’œuvre en des époques et des endroits imparfaits, tout comme elle l’est aujourd’hui.

Pour moi, ce projet a été une école d’amour. J’aimais déjà l’Église médiévale en raison de mes études, mais cet amour n’a fait que croître pendant la rédaction du livre. J’espère que les lecteurs auront un aperçu de la beauté qu’on peut y trouver.

Ensuite, j’espère vraiment qu’ils iront lire quelque écrit médiéval pour eux-mêmes ! Essayez de vous procurer une traduction de Julienne de Norwich ou du magnifique livre de prières de Thomas d’Aquin, ou allez voir de l’art médiéval. Saisissez cette bénédiction de pouvoir entendre ces voix du passé chrétien.

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Mon ami pasteur soutient la politique frontalière de Trump. Il héberge aussi des migrants.

Il est politiquement commode de considérer les migrants comme des « envahisseurs ». Mais à la frontière, la réalité est plus complexe.

Mario Tama/Getty

Mario Tama/Getty

Christianity Today November 23, 2023
Des migrants récemment arrivés d’Amérique centrale font la queue pour recevoir un repas dans un centre chrétien pour les migrants demandeurs d’asile à El Paso, au Texas.

V ous connaissez des emplois pour des personnes comme moi ? », me demande D. en tapant la phrase en espagnol dans l’application de traduction de son téléphone.

Les gens comme elle. D. est vénézuélienne et fait partie des millions de migrants qui sont arrivés à la frontière sud des États-Unis ces dernières années. Avec son mari, elle a entrepris un voyage périlleux, désespérée que ses enfants aient une chance d’avoir le genre de vie que je considère comme acquis pour ma famille : de la nourriture chaque jour, une formation, de l’électricité et des soins de santé. Et maintenant, elle est assise en face de moi à la table de ma cuisine.

Je l’ai rencontrée il y a quelques mois, peu de temps après son arrivée en ville. Un de mes amis, le pasteur E., accueillait des migrants dans son église, une communauté évangélique hispanophone et anglophone située à Midland, au Texas. Les migrants de son église ont été autorisés par les États-Unis à entrer sur leur territoire et à demander l’asile, m’a expliqué le pasteur E., mais ils doivent généralement attendre six mois ou plus pour obtenir l’autorisation de travailler.

Pendant qu’ils attendent, le pasteur E., sa femme et leur communauté fournissent un abri et des repas à certains des migrants qui n’ont pas d’autres contacts aux États-Unis, et ils les aident également à trouver des emplois rémunérés auprès de personnes dont on peut attendre un traitement équitable.

Je tape ma prochaine question pour D. dans l’application de traduction de mon téléphone, même si je connais la réponse : « Avez-vous l’autorisation de travailler ici ? » Elle secoue la tête. Jusqu’à présent, tous les migrants pris en charge par le pasteur E. attendent encore leur permis de travail.

Je réfléchis à sa question : Connaissez-vous des emplois pour des personnes comme moi ? Je saurais comment aider D. à trouver un pédiatre et à inscrire son enfant à l’école. Je pourrais l’aider à trouver un professeur de mathématiques ou un agent immobilier. Mais bien que nous vivions dans la même ville, nous appartenons à deux mondes différents. Et je ne sais pas comment l’aider à trouver un emploi régulier, juste et sûr dans le monde qui est le sien.

« Je suis bénie », commencé-je à taper, mon christianisme évangélique remontant par réflexe à la surface. Mais le mot me paraît comme souillé à l’écran. J’ai entendu D. chanter des hymnes en espagnol. Est-ce la bénédiction de Dieu qui a conduit chacune d’entre nous là où elle est ? Je reviens en arrière et j’essaie d’être plus précise.

« J’ai de la chance » , dis-je plutôt. Afortunada. « Étant donné que je suis née ici, je n’ai pas d’expérience dans la recherche d’emplois ne nécessitant pas de permis légal, et je ne sais pas comment vous aider. »

Alors que je tourne le téléphone pour lui montrer mon explication en espagnol, celui-ci sonne et un message s’affiche. Il s’agit d’une publicité politique : « Carrie, c’est Amber, de l’association “Texans pour des frontières solides”. Le Texas est confronté à une invasion en raison du refus de l’administration Biden de sécuriser la frontière. » Une invasion de personnes comme D.

Un territoire contesté. C’est là que j’ai parfois l’impression de vivre en tant que disciple de Jésus, dans un endroit saturé à la fois de christianisme culturel et de foi profonde. Dans l’ouest du Texas, comme dans une grande partie des États-Unis, l’orientation politique est prévisible en fonction du code postal et certaines préférences idéologiques vont de pair avec l’appartenance à une église. Il peut être facile d’oublier ou ignorer les tensions existantes entre certaines valeurs, en particulier lorsque les préférences nationales consument peu à peu la loyauté envers le Royaume.

Comme moi, le pasteur E. est né et a grandi dans l’ouest du Texas, bien que la vie de sa famille ait toujours fait des allers-retours de part et d’autre de la frontière avec la même nonchalance dont témoigne le Rio Grande qui sépare les deux pays. Politiquement conservateur, E. est un républicain jusque dans le sang, tout comme le Texan de l’Ouest moyen. Il est en mesure d’expliquer de manière convaincante pourquoi l’immigration doit être fortement réduite et la frontière rendue plus sûre.

Et bien que E. n’aime pas le caractère provocant de l’ancien président Donald Trump, il apprécie sa position ferme sur l’immigration, qu’il juge plus humaine que les politiques de l’administration Biden, qui d’un côté accueille plus ou moins les gens, mais d’autre part rend presque impossible d’immigrer en toute sécurité et légalement.

À un moment donné de notre vie, E. et moi partagions une certitude confortable dans le refrain républicain habituel : Je suis favorable à l’immigration, mais ils doivent entrer légalement. La formule semblait tracer avec la certitude d’un topographe une ligne de démarcation claire et même morale à travers la crise frontalière. Noir et blanc. Bien et mal. Nous et eux.

Mais maintenant que les migrants sont assis à nos tables de cuisine, nous avons tous les deux appris que les choses sont plus compliquées que cela. Certains migrants dont E. sait qu’ils ont reçu l’autorisation d’entrer aux États-Unis il y a plus de deux ans attendent toujours un permis de travail.

« Ils doivent créer une sous-culture pour survivre », me dit-il, décrivant la servitude moderne dans laquelle certains migrants sont pris. Les mots d’E. restent suspendus entre nous. Nous savons tous les deux que nous prendrions les mêmes risques si c’était ce qu’il fallait pour nourrir notre propre famille.

« L’immigration n’a jamais été traitée sérieusement. Les républicains et les démocrates ne veulent pas y toucher », me dit E., me faisant part de ses frustrations politiques à propos des deux partis. En réalité, le travail d’assistance qu’il accomplit se heurte à suffisamment de zones grises juridiques pour que les avocats nous aient conseillé, à moi et aux éditeurs de notre magazine, de garder l’identité d’E. anonyme afin de le protéger contre d’éventuelles répercussions juridiques.

Le fait qu’il puisse y avoir là une inquiétude — à propos d’un ministère ecclésial d’assistance à des immigrants légaux — révèle l’absurdité cruelle de la procédure d’asile actuelle, que de nombreux migrants suivent parce qu’elle est la seule voie d’immigration licite largement ouverte pour les travailleurs non qualifiés qui n’ont pas de famille aux États-Unis : nous autorisons les migrants à entrer dans le pays, mais nous ne leur donnons pas en même temps l’autorisation d’y travailler.

Ce vide juridique expose les migrants à de réels dangers, notamment à des risques de traite des êtres humains et à des abus en matière de travail. Dans le même temps, il leur faut naviguer à travers les arcanes d’une procédure d’immigration inefficace et souvent inexplicable, alors qu’ils ne parlent généralement pas anglais, n’ont pas les moyens de s’offrir les services d’un avocat et ne savent peut-être même pas lire et écrire.

Plutôt que de s’attaquer aux problèmes systémiques de nos politiques d’immigration, les politiciens de droite comme de gauche utilisent les migrants comme du carburant politique, ne faisant rien pour s’occuper de ces hommes et ces femmes créés comme nous à l’image de Dieu. La dure réalité est la suivante : nous vivons dans un système où nous dépendons du travail illégal, mais diabolisons ceux qui le fournissent. Pour soulager notre conscience, nous faisons semblant de ne pas voir, en passant de l’autre côté de la route (Lc 10.25-37).

Le pasteur E. voit bien aujourd’hui les migrants dans notre ville, et les aide par loyauté envers le Royaume, même s’il s’agit aussi de désobéissance civile. Pourtant, de son propre aveu, E. a passé des années à ignorer les migrants qui traversent l’ouest du Texas, confiant dans ses politiciens et occupé par son ministère.

L’automne dernier, E. passait en voiture à Ciudad Juárez, la ville mexicaine située de l’autre côté du Rio Grande, face à El Paso, où il aide à conduire trois autres églises. Le long de la rivière, il a découvert un vaste campement de migrants. À quelques pâtés de maisons de l’extrémité de la voie ferrée que beaucoup avaient empruntée dans leur route vers le nord, ils s’étaient installés sur un étroit terrain de gravier entre l’eau et une autoroute mexicaine très fréquentée. De l’autre côté de la rivière, on apercevait la silhouette moderne d’El Paso, proche, mais incroyablement éloignée des tentes de fortune des migrants, faites de bâches et de morceaux de carton récupérés. Au-dessus du camp flottait un drapeau vénézuélien.

D’habitude, il serait passé à côté. Mais cette fois, E. s’est arrêté et s’est retrouvé à demander à Dieu : Quel est notre rôle pour les aider ? Comment nous as-tu appelés à faire la différence ? Il est rentré chez lui à Midland et, au cours des deux semaines suivantes, il s’est réveillé toutes les nuits entre 3 et 4 heures du matin après avoir rêvé de moutons et de chèvres, de migrants et du berger qui protège et fait le tri.

Chaque nuit, il se réveillait avec les mots de Matthieu 25.35-36 en tête : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger et vous m’avez accueilli ; j’étais nu et vous m’avez habillé ; j’étais malade et vous m’avez rendu visite ; j’étais en prison et vous êtes venus vers moi. »

Chaque nuit, il essayait de se rendormir avec cette instruction de Dieu résonnant dans le silence : « Ne me demande pas pourquoi ils sont venus ; demande-moi ce qu’il faut faire maintenant qu’ils sont là. »

E. était de plus en plus convaincu que « l’Église avait détourné les yeux de ce qui était nécessaire », raconte-t-il. Que lui-même avait détourné ses yeux de ce qui était nécessaire ! « Nous étions devenus si méthodiques dans notre façon de faire les choses pour Dieu que nous avions perdu son cœur pour ceux qui en avaient vraiment besoin. »

Ses opinions politiques sur l’immigration n’ont pratiquement pas changé. Mais son cœur, oui. « Dieu m’a dit : “Je veux que tu sois mes mains. Mes pieds. Ma bouche. Mes yeux” », dit le pasteur. « Je veux que tu les aimes. Accueille-les. Fais-leur sentir qu’ils ont trouvé un abri, une famille et un endroit où apprendre à me connaître. »

Avec ses communautés partenaires au Mexique et leurs pasteurs, E. a rapidement installé un abri dans un bâtiment vacant près du camp. Certains membres de l’église ont fait le ménage. D’autres ont cuisiné. Le premier jour, ils ont servi des spaghettis à près de 300 migrants et, depuis, ils offrent un repas tous les jours.

En l’espace d’une semaine, les équipes de l’église ont installé cinq lavabos avec de l’eau fraîche à l’extérieur du bâtiment, offrant ainsi aux migrants un endroit pour baigner leurs bébés, se laver les mains et se brosser les dents. En l’espace de dix jours, les églises ont construit des douches et des toilettes ; bien que les migrants vivent toujours sous des tentes, ils sont maintenant plus nombreux à disposer au moins de ces commodités.

Au fur et à mesure que le temps se refroidissait, les bénévoles de l’église ont poussé les tables et les chaises contre les murs pendant la nuit, permettant ainsi à une vingtaine de personnes de dormir à l’intérieur, à l’abri du froid. Lorsque le gouvernement mexicain a commencé à réprimer les migrants qui dormaient à l’extérieur, ils ont rénové une partie du bâtiment dont le toit s’était effondré afin que davantage de personnes puissent s’installer à l’intérieur. Aujourd’hui, le bâtiment sert de centre de jour pour des centaines de personnes chaque jour et de dortoir pour environ 130 personnes chaque nuit.

Au cours des quatre premiers mois, le pasteur E. estime que près de 15 000 migrants — originaires du Venezuela, du Nicaragua, du Honduras, du Guatemala et même de pays africains — sont passés par là. Lorsque certains migrants ont reçu l’autorisation d’entrer aux États-Unis, mais n’avaient nulle part où aller après avoir franchi la frontière, E. a transformé son église de Midland en refuge, en étendant des matelas gonflables sur le sol de l’école du dimanche, en ajoutant une salle de douche aux toilettes existantes, en préparant des repas dans la cuisine de l’église et en essayant d’aider les migrants à trouver du travail. C’est ainsi que j’ai rencontré D.

« Je doute qu’il soit du devoir d’une personne individuelle de fixer sa pensée sur des maux qu’elle ne peut pas solutionner », écrivait C. S. Lewis. « Cela peut même devenir une échappatoire aux œuvres de charité que nous pouvons réellement accomplir pour ceux que nous connaissons. »

Le pouvoir politique dont disposent les chrétiens américains rend cette observation difficile à mettre en pratique. En particulier dans les positions de direction ou d’influence, il est facile de fixer notre pensée sur des maux que nous ne pouvons pas solutionner, d’apposer le sceau divin à des programmes partisans et de laisser nos activités politiques remplacer — plutôt que compléter — nos responsabilités chrétiennes concrètes. Je l’ai déploré à de nombreuses reprises, en particulier pour des questions telles que l’immigration qui semblent totalement insolubles dans la sphère politique, mais qui peuvent être abordées de manière concrète dans nos communautés locales.

Il existe une troisième voie, que j’ai vu le pasteur E. emprunter l’année dernière. Je l’ai vu descendre l’échelle du pouvoir plutôt que de tenter de la gravir, troquant ses certitudes politiques contre une humilité repentante et apprenant à aimer ses prochains au lieu de souhaiter qu’ils ne soient pas là. Plutôt que de peaufiner sa position personnelle sur la politique d’immigration des États-Unis, E. se débat avec une question plus profonde et complexe : Qu’est-ce que l’amour exige de moi ?

Cela ne veut pas dire qu’il est satisfait de l’actuelle politique américaine sur l’immigration — ce n’est pas le cas — ou qu’il voudrait l’ouverture des frontières — ce n’est pas le cas non plus. Mais E. a compris que ce genre de questions ne devait pas être sa préoccupation première. Elles ne sont pas non plus la mienne et ne devraient probablement pas l’être. La plupart d’entre nous ne serons jamais en mesure d’orienter la politique d’immigration de notre pays, mais nous aurons toujours la possibilité d’aimer véritablement notre prochain.

Dans sa chronique d’au revoir pour le New York Times, Tish Harrison Warren, contributrice de notre magazine, observe que nous avons tous tendance à « donner la priorité au lointain sur le proche et au grand sur le petit. On peut chercher à avoir toutes les justes opinions politiques et ne pas vraiment aimer nos véritables prochains, ceux qui nous entourent, à la maison, sur notre lieu de travail ou dans notre quartier. »

Lorsque nous nous occupons de débats politiques que nous ne pouvons pas résoudre et que nous réduisons l’appel à aimer nos voisins en chair et en os à un simple exercice philosophique, nous faisons de notre vie, comme l’écrit Warren, une « abstraction » — une existence digitalisée, isolée et déshumanisée. Le chemin de l’incarnation de Jésus est différent. Comme le dit Eugene Peterson dans sa traduction de Jean 1.14, « Le Verbe s’est fait chair et sang, et il s’est installé dans le voisinage. »

Nous sommes appelés à prendre la même direction. Nous devons accueillir, comme le conclut Warren, les « réalités charnelles, complexes et tangibles auxquelles nous sommes exposés dans nos quartiers, nos églises, auprès de nos amis et de notre famille. » C’est ce qu’a fait le pasteur E. Sur ce chemin, il a ouvert la porte à ceux d’entre nous qui l’entourent pour qu’ils se confrontent avec la même réalité compliquée, parfois à notre propre table de cuisine.

Il est facile de qualifier D. d’« envahisseur » lorsque vous envoyez un message automatique de campagne. Ce n’est pas si facile quand on est assis en face d’elle et qu’on la regarde se masser les tempes et tenter de reposer ses yeux. Dans ces moments-là, je ne sais pas comment réformer la loi de mon pays sur l’immigration. Mais je sais que celle qui se trouve en face de moi ressemble plus à une sœur qu’à une menace.

Carrie McKean est une autrice basée dans l’ouest du Texas dont les travaux ont été publiés dans le New York Times, The Atlantic et le Texas Monthly Magazine.

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Il ne nous abandonnera pas dans la douleur.

Le difficile travail de la foi incarnée

Christianity Today November 21, 2023
Phil Schorr

Ce jour-là s’ouvriront
les oreilles des sourds et les yeux des aveugles.
Et alors le boiteux bondira comme un cerf,
et le muet criera de joie,
car des eaux jailliront dans le désert et,
dans la steppe, des torrents couleront.
La terre desséchée se changera en lac,
et la terre altérée en sources jaillissantes.
Des roseaux et des joncs croîtront dans le repaire
où gîtaient les chacals.

(Ésaïe 35.5-7)

Il n’est pas facile d’habiter notre corps tout en faisant confiance à l’action de l’Esprit. La maladie, le handicap et les maltraitances font partie de notre réalité et requièrent notre attention immédiate. Notre esprit est souvent rempli de pensées assourdissantes, obsédé par nous-mêmes. Nos propres malheurs monopolisent notre attention.

Nous aspirons au soulagement : un endroit où nos âmes desséchées peuvent trouver de l’eau, où les déficiences de notre corps peuvent être surmontées. Nous crions au secours et appelons à la vengeance pour les injustices que notre corps a endurées. Nous espérons voir le Christ au milieu des sources jaillissantes, mais notre attention est entraînée vers le sable brûlant sous nos pieds.

Le prophète Ésaïe exprime les promesses de Dieu avec les mots de la guérison. Oui, le Messie apportera la paix spirituelle, mais il ne négligera pas les corps blessés des rachetés. Il nous fera entrer en Sion avec des chants et nous conduira vers l’aube lumineuse de notre espérance. Il ne nous abandonnera pas dans la douleur.

Bien que nous connaissions cette promesse, nous sommes prompts à nous détourner, à suivre notre propre chemin d’incrédulité. La rédemption du Christ prend souvent une forme différente de celle que nous avions imaginée, et nous nous demandons, comme Jean-Baptiste, si nous devrions attendre un autre roi. Avons-nous placé notre espoir en la mauvaise personne ? N’est-il pas celui que l’on croyait ? Nous attendons avec impatience que le salut arrive et change concrètement notre réalité. Et c’est bien en ces termes que Jésus répond aux interrogations de Jean : « les aveugles voient, les paralysés marchent normalement, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. » (Mt 11.4)

Il est le salut prophétisé par Ésaïe. La guérison que procure sa main témoigne de sa divinité. Israël attendait la venue d’un Sauveur qui guérirait les blessures spirituelles et physiques. Cet espoir s’est concrétisé par la naissance d’un bébé. Les miracles qu’il a accomplis pendant son séjour sur terre ont été les premiers signes de cette guérison tant attendue. Et pourtant, nous l’attendons toujours, tourmentés et fragiles.

Au lieu de laisser notre affaiblissement décourager notre persévérance, levons des yeux pleins d’espoir vers celui qui peut réellement sauver. En cette période, peut-être l’un de nos chants fera-t-il écho aux espoirs de l’ancien Israël : « Ô viens bientôt Emmanuel. » Oui, il y aura un temps où l’ensemble de cette prophétie sera notre réalité. Nous marcherons sur la route sainte avec les rachetés. Un bonheur et une joie éternels couronneront nos têtes et tout chagrin s’évanouira.

D’ici là, nous nous souvenons de l’enfant né à Bethléem, qui est venu ouvrir les yeux des aveugles et annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, et qui reviendra pour rassembler et sauver le peuple de Dieu. Il apportera la rétribution divine pour les torts et la guérison pour nos blessures, et nous serons restaurés. « À ceux qui sont troublés, dites-leur : Soyez forts, n’ayez aucune crainte, votre Dieu va venir… » (Es 35.4)

À méditer



Comment les paroles d’Ésaïe et le ministère de guérison de Jésus nous apportent-ils du réconfort et de l’espoir dans nos propres luttes face aux déficiences physiques, aux maladies ou aux injustices subies ?

Comment pourrions-nous concrètement nous encourager les uns les autres à rester forts et inébranlables dans la foi, malgré les épreuves et les défis auxquels nous sommes confrontés ?

Beca Bruder est responsable éditoriale pour le magazine Comment.

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Le Roi éternel arrive

Cheminer dans l’Avent avec notre humble et puissant Sauveur

Christianity Today November 21, 2023
Phil Schorr

Bienvenue ! Nous voici entrés dans l’Avent. Malgré les exigences parfois lourdes de cette saison de l’année, nous avons à cœur de revenir à la profondeur et la richesse de ce temps particulier du calendrier chrétien. Au cœur de cette période souvent marquée par des agendas bien remplis et des cuisines animées, des repas de fête et des cadeaux, nous vous invitons à vous laisser accompagner par ce recueil de méditations.

Celui-ci a pour but de vous (re)plonger dans la révélation personnelle de Dieu et les vérités qui en découlent et vous préparer à célébrer la venue de notre humble et glorieux Roi. Nous avons structuré cet ensemble pour vous aider à méditer en particulier sur la gloire et la tendresse du Christ. Il est venu en la personne d’un bébé vulnérable. Dans son incarnation, il a témoigné de sa tendresse pour sa création. Tout au long du mois de décembre, nous célébrerons à la fois la souveraineté et la grandeur de sa royauté et cet amour prêt à se défaire de lui-même.

Cet ensemble de méditations de l'Avent offre de vous accompagner dans une lecture par jour pendant six jours pour les deux premières semaines de l'Avent, laissant un peu d'espace aux aléas de cette période, puis une série de lectures continue jusqu'à Noël.

En premier lieu, nous nous immergerons dans l’annonce prophétique du Christ révélé tout au long de l’Ancien Testament, avec des méditations évoquant l’attente du Roi promis par Israël et les signes qui accompagneraient sa venue. Ensuite, nous nous réjouirons du jubilé éternel que l’incarnation de Jésus annonce : un temps de liberté, de joie et de vie nouvelle qu’il offre dès à présent. Enfin, nous parcourrons les derniers jours jusqu’à Noël en contemplant avec émerveillement l’avènement du règne de Christ. Il est notre Sauveur tant attendu et, en cette période de l’Avent, nous célébrons cette vérité qui change la vie : notre Roi éternel est arrivé.

Deux méditations complémentaires vous sont également proposées : l'une pour l'épiphanie et l'autre intitulée « L'Avent pour les cœurs en deuil ».

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Méditations de l’Avent 2023 proposées par Christianity Today

Toutes nos méditations de l’Avent rassemblées au même endroit.

Christianity Today November 21, 2023
Méditation de l’Avent 2023.

Produit par les éditeurs et contributeurs de Christianity Today, Le Roi éternel arrive est un recueil de méditations de 4 semaines qui propose de vous accompagner individuellement, en petit groupe ou en famille durant l'Avent 2023.

L’annonce prophétique

Le jubilé éternel

Le couronnement divin

Jour de Noël

Téléchargement gratuit : Méditations de l’Avent 2023

Des éditeurs et contributeurs de Christianity Today, Le Roi éternel arrive propose 4 semaines de méditations pour l’Avent. Individuellement, en famille ou en groupe.

Christianity Today November 21, 2023
Books

Cherche 100 000 réemplois pour églises désaffectées

Avec un nombre record d’assemblées risquant de fermer leurs portes d’ici 2025 aux États-Unis, le futur de communautés en perte de vitesse et de bâtiments vides pourrait se trouver dans la polyvalence.

Christianity Today November 14, 2023
Image : Illustration par Christianity Today/Images sources : Pexels

Il y a quelques années, l’avenir de l’église St Peter de l’United Church of Christ (UCC) semblait compromis. Installée à Louisville, dans l’État du Kentucky, au sein d’un quartier pauvre à prédominance noire, l’assemblée était réduite à une douzaine d’Américains âgés d’origine allemande. Le bâtiment tombait en ruine.

Malgré la façade de vitraux et les clochers majestueux, tout était défaillant, y compris la plomberie, l’électricité et le chauffage. Le plâtre se détachait des murs et des plafonds et la ville a fini par interdire l’accès au bâtiment en raison de la dangerosité de la peinture au plomb.

Mais grâce à la vision du pasteur Jamesetta Ferguson et à un partenariat avec un fonds de soutien immobilier aux églises, le Church Building and Loan Fund de l’UCC, le site de l’église abrite aujourd’hui un complexe polyvalent florissant connu sous le nom de The Village at West Jefferson. Ce projet a revivifié l’économie locale et l’église autrefois moribonde.

Avec l’aide de fonds issus de plusieurs grandes dénominations, d’investisseurs privés, de la ville de Louisville et du Gouvernement fédéral, St Peter’s a pu construire un complexe comprenant un café, une caisse d’épargne et de crédit, une garderie, des services de santé et bien d’autres choses encore. Des centaines de personnes fréquentent l’endroit chaque semaine. Et aujourd’hui l’église compte 160 membres issus de cultures et générations différentes.

« La communauté a vraiment été renouvelée à bien des égards », nous déclare Patrick Duggan, directeur général du Church Building and Loan Fund. « St Peter’s s’est mise au service des pauvres. Et dans le même temps, elle a créé une centaine d’emplois. Elle n’a pas fait que de beaux discours, elle est passée à l’action ».

Des projets polyvalents similaires voient le jour un peu partout en Amérique du Nord sur les terrains d’Églises autrefois moribondes, la plupart d’entre elles appartenant à des confessions protestantes traditionnelles.

Une Église anglicane de Montréal partage notamment ses locaux avec, entre autres associations, une troupe de cirque à but non lucratif et un groupe de soutien aux réfugiés. De son côté, le projet à usage mixte de l’Emory Fellowship à Washington DC propose des logements abordables. Il en va de même pour le projet de l’Église presbytérienne d’Arlington, en Virginie.

Le problème du déclin d’assemblées possédant de grands bâtiments n’est pas près de disparaître. Selon l’agence Lifeway Research, chaque année, les fermetures d’églises dépassent de 50 % le nombre de nouvelles communautés créées aux États-Unis. En 2019, avant la pandémie, environ 3 000 nouvelles églises ont ouvert leurs portes, mais 4 500 ont fermé. Cinq ans plus tôt, l’analyse de Lifeway montrait que les ouvertures d’églises dépassaient encore largement les fermetures.

Ces fermetures d’églises devraient faire boule de neige. En 2021, selon l’organisation Gallup, le pourcentage d’Américains membres d’une assemblée cultuelle est passé sous la barre des 50 % pour la première fois de l’histoire. En 2020, la taille médiane des églises était tombée à moins de la moitié de ce qu’elle était en 2000, passant de 137 à 65.

Ces informations ont donné lieu à une terrible prédiction de la chercheuse presbytérienne Eileen Lindner : d’ici 2025, 100 000 églises nord-américaines pourraient fermer leurs portes.

« À maintes reprises, j’ai vu des assemblées de 10, 50 ou peut-être 100 personnes dans des bâtiments pouvant accueillir 500 ou 1 000 personnes », rapporte Rick Reinhard, consultant principal du Niagara Consulting Group. « C’est bien de prier. C’est bien d’engager des pasteurs charismatiques. Mais la plupart de ces Églises ne redémarreront pas. »

Dans le cas des églises en déclin, le problème n’est pas que certaines parties des bâtiments soient utilisées et d’autres pas. C’est l’ensemble des bâtiments qui est sous-exploité ou inutilisé, explique Reinhard. « Les 70 à 100 dollars par mètre carré et par an que coûte l’exploitation des propriétés d’Églises font sombrer la plupart des assemblées qui ont de grands bâtiments et peu de monde. »

Par exemple, une Église qui rassemblait 500 personnes dans ses locaux de 4500 mètres carrés en 1970 peut n’en compter plus que 30 aujourd’hui. Le seul fonctionnement du bâtiment nécessiterait des dons annuels de près de 15 000 dollars par personne. Ça ne peut pas marcher.

Mais la transformation d’un bâtiment d’église en un centre de développement communautaire est-elle un moyen valable d’accomplir le mandat missionnaire donné par Jésus ? Oui, répond Shannon Hopkins de Rooted Good, un groupe qui aide les organisations confessionnelles à aligner leurs finances sur leur mission. Hopkins craint que si les églises en déclin se contentent de vendre leurs bâtiments au lieu de les réaffecter, l’Amérique ne passe à côté de grandes possibilités d’influence missionnaire.

Les fermetures de lieux de culte dans les décennies à venir pourraient donner lieu à « la plus grande restructuration des villes américaines depuis le GI Bill [qui avait accordé d’important avantages pour le relogement de soldats démobilisés de la Seconde Guerre mondiale] », poursuit-elle. « Nous vivons une période d’espoir. Alors que l’on parle souvent de déclin », le présent « offre des opportunités uniques en leur genre ».

Ces opportunités, des églises les saisissent dans tout le pays. Des assemblées rurales et urbaines se reconvertissent partout, selon leur spécificité. Des églises urbaines en déclin peuvent se reconvertir en logements abordables. Des églises rurales connaîtront d’autres réaffectations. La ville d’Ottumwa, dans l’Iowa, par exemple, a vu huit de ses églises fermer au cours des dernières années. Trois d’entre elles ont été respectivement reconverties en espace d’arts créatifs, en cabinet médical et en résidence.

Parmi les assemblées soutenues par Rooted Good, une église de l’Alabama est en train de démarrer une zone de développement économique à partir de l’un de ses bâtiments. À San Antonio, une église en déclin rêve de transformer ses locaux en parc et en amphithéâtre extérieur, tout en vivant son culte dominical dans un cadre non traditionnel, autour d’un repas plutôt que dans un sanctuaire.

Au cours des 50 prochaines années, près de la moitié des églises américaines réaffecteront leurs bâtiments, déclare Hopkins.

Mark Clifton, lui, n’est pas sûr qu’il s’agisse d’une bonne idée. En tant que responsable pour la réimplantation au sein de la mission de la Convention baptiste du Sud (SBC) en Amérique du Nord, il souhaite que les bâtiments ecclésiaux restent des bâtiments ecclésiaux qui abritent des assemblées réimplantées et revitalisées. Son approche va à l’encontre de la stratégie de réaffectation prônée par plusieurs dénominations importantes du pays.

La fermeture des églises « prive Dieu de sa gloire », déclare Clifton. « Qu’est-ce qui, dans une église qui meurt, montre que notre Dieu est grand et que son Évangile est puissant ? » L’église « n’est pas un magasin. Ce n’est pas un restaurant. Ce n’est pas un centre commercial. L’Église est l’épouse du Christ. Cela vaut la peine de se battre et de lutter pour que ces églises continuent à exister, afin de témoigner de la puissance de l’Évangile. »

Lorsqu’une Église en déclin demande de l’aide à Clifton, celui-ci l’aide à choisir entre trois options :

  • Une nouvelle implantation d’église pourrait adopter le bâtiment de l’ancienne église et intégrer ses anciens membres parmi les siens.
  • Une église plus saine pourrait adopter l’église déclinante et travailler à l’implantation d’une nouvelle assemblée dans son bâtiment.
  • L’église en déclin pourrait engager un pasteur formé pour la revivifier de l’intérieur. Ce pasteur guiderait les membres restants pour les aider à redynamiser leur vie d’église.

Clifton met en pratique ce qu’il prêche. Il y a trois ans, il est devenu pasteur de l’église baptiste de Linwood, qui compte trois membres et se trouve à 55 kilomètres de Kansas City. Les membres voulaient vendre le bâtiment et fermer, mais Clifton les a convaincus d’essayer quelque chose de différent. Aujourd’hui, l’église compte 115 fidèles et a baptisé plus de 20 nouveaux croyants au cours des trois dernières années.

Il peut être judicieux de permettre à d’autres organisations d’utiliser le bâtiment d’une église en déclin, dit Clifton, mais plutôt pour tenter de les atteindre que dans le cadre d’une réaffectation ou d’une tentative de rassembler des fonds.

D’autres affirment qu’une réimplantation n’est pas toujours possible. La Cooperative Baptist Fellowship (CBF), un groupe qui s’est formé dans les années 1990 pour protester contre l’orientation conservatrice de la SBC, a étudié comment les églises peuvent utiliser leurs propriétés foncières pour générer des revenus supplémentaires. Ses études de cas présentent, entre autres, des églises pratiquant l’agriculture solaire, développant des parkings payants ou des programmes préscolaires ou encore mettant des espaces extérieurs à la disposition de leur voisinage.

« Souvent par nécessité de mieux gérer leurs biens immobiliers et d’élargir leur base financière, ces églises ont redécouvert une certaine énergie grâce à l’utilisation plus régulière de leurs bâtiments », indique la CBF sur son site web. Les assemblées dont les locaux ont été réaffectés « ont forgé de nouvelles amitiés avec les associations qui les utilisent désormais » et « ont également vu leur situation financière s’améliorer de manière significative grâce aux revenus générés par ces activités créatives ».

Selon Patrick Duggan, de l’UCC, la différence entre les approches conservatrices et progressistes des dénominations à l’égard des églises en déclin se résume à une question de théologie. Les conservateurs pensent généralement que la réaffectation de bâtiments d’église découle d’une approche séculière ou politique particulière, alors qu’eux veulent mettre l’accent sur la prédication de l’Évangile et l’évangélisation. Les progressistes s’inspireraient plutôt de traditions théologiques telles que la théologie de la libération ou la pensée de Walter Brueggemann, qui insistent sur le soutien au développement communautaire et le logement abordable.

« Cela dépend vraiment de notre vision de qui est Jésus et de ce que l’Église est censée être », dit Duggan.

Malgré les divergences d’opinions sur ce qu’il convient de faire des bâtiments des églises en déclin, tout le monde est unanime : une nouvelle stratégie doit voir le jour.

Reinhard conclut : « L’avenir ne se trouve pas dans une église isolée, entourée d’une clôture et séparée de son voisinage. Quelque chose doit changer. »

David Roach est journaliste indépendant pour CT et pasteur de l’église baptiste de Shiloh à Saraland, en Alabama.

Traduit par Anne Haumont

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Renverser une vision du monde fondée sur la malédiction.

Un pasteur nigérian refuse de vivre dans ce cadre de pensée. Il veut aider l’Église africaine à le rejeter également.

Christianity Today November 13, 2023
Adaptations par Christianity Today/Image source : Getty

Godwin Adeboye a découvert quelque chose d’intéressant là où les habitants d’Ibadan, une ville du sud-ouest du Nigeria, jetaient leurs ordures.

À un endroit, le gouvernement avait placé un panneau disant : « Ne déposez pas vos déchets ici. Si vous le faites, le gouvernement vous imposera une amende. »

Ailleurs, quelqu’un avait écrit un message différent : « Si vous mettez vos saletés ici, je vous maudis au nom du dieu de ma famille. »

« Si quelqu’un dit : “Si vous jetez vos déchets ici, vous mourrez jeune, vous perdrez votre fortune ou tous vos enfants en un jour”, personne n’y va, car ils craignent les malédictions », explique Adeboye, pasteur et directeur de recherche au séminaire théologique de l’ECWA (Evangelical Church Winning All) à Igbaja, au Nigéria.

Le poids des malédictions n’est pas seulement une chose qu’Adeboye contemple de loin. Lorsqu’il a vu de nombreux membres de sa famille mourir, apparemment de causes mystérieuses, beaucoup ont suggéré que des malédictions pourraient en être responsables. Ces arguments l’ont conduit à étudier ce phénomène d’un point de vue biblique et à écrire Can a Christian Be Cursed? (« Un chrétien peut-il être maudit ? », Langham, 2023).

« J’ai écrit ce livre à partir de ma propre expérience et de ce que je vois chez mes frères et sœurs africains », explique-t-il. « De nombreux Africains, même chrétiens, croient parfois que leurs échecs financiers, moraux ou conjugaux sont dus à une malédiction “spirituelle” particulière qui les tourmente, au lieu d’en assumer la responsabilité personnelle. »

En outre, Adeboye sentait la nécessité d’aborder cette question importante pour le christianisme africain d’un point de vue chrétien africain.

« J’ai lu de nombreux ouvrages sur le christianisme africain et beaucoup d’auteurs ne sont pas sensibles à l’expérience africaine », estime-t-il. « Pour rendre l’Évangile chrétien concret pour les Africains, nous devons dialoguer avec l’expérience africaine. »

Voici une conversation récente d’Adeboye avec Geethanjali Tupps, notre responsable du suivi des livres à l’international.

Parlez-nous un peu de vos origines nigérianes.

Je viens de l’État de Kwara, dans le centre-nord du Nigeria, où vivent des centaines de groupes ethniques et culturels et plusieurs traditions religieuses, avec de fortes tensions interreligieuses. Les Yorubas constituent un groupe ethnique important au Nigeria. Il existe des réseaux d’églises africaines pentecôtistes et charismatiques profondément religieux, fondés et dirigés par de nombreux Yorubas. La plupart des chrétiens d’origine yoruba, comme moi, ont de profonds antécédents dans les religions traditionnelles africaines.

Le Kwara n’est cependant pas un État uniquement yoruba, mais un État mixte, religieusement et culturellement, composé de groupes ethniques haoussa, peul, nupe et yoruba, ainsi que de musulmans, de chrétiens, de pratiquants des religions traditionnelles et d’autres groupes religieux.

Dans ma communauté, les gens donnent régulièrement des explications métaphysiques à leurs expériences de vie. Parce que j’ai eu le privilège d’accepter le Seigneur à un âge très précoce, j’ai donc une réponse différente aux questions de la vie. Lorsque je suis confronté à des situations difficiles, je ne suis pas l’interprétation traditionnelle qui attribue les défis de la vie à des malédictions ou au diable.

Qu’est-ce qu’une malédiction ? Comment se manifeste-t-elle dans la vie quotidienne des Africains ?

De nombreux Africains interprètent les différentes circonstances de la vie comme l’expression d’une malédiction. Lorsqu’un couple marié ne peut pas avoir d’enfant, par exemple, il pense que sa famille ou son mariage est maudit. Ou une personne qui lutte contre l’alcoolisme pourra par exemple croire que ses parents sont maudits. En outre, nombreux sont ceux qui pensent que les noms peuvent être maudits. Ils croient que les malédictions peuvent être générationnelles. Ils changent donc parfois de nom. Les sociétés africaines ont une riche tradition en matière d’attribution de noms. Un nom reflète certaines choses sur son porteur. C’est pour cela que de nombreux Africains pensent que leur nom est une entité spirituelle qui doit être purifiée et bénie. Lorsque certaines personnes deviennent chrétiennes, par exemple, elles changent le nom que leur avaient donné leurs « parents non chrétiens ». De nombreux chrétiens craignent que les malédictions soient transmises par le biais des noms de famille.

Dans la culture indigène africaine, beaucoup de choses peuvent être maudites : une famille, un mariage, une terre, un bâtiment, un lieu de travail, voire une église.

Les chrétiens africains sont parfois désorientés. La Bible leur enseigne qu’ils sont de nouvelles créatures, mais lorsqu’ils vivent des situations difficiles, ils se demandent si ce qui est arrivé à leurs parents avant qu’ils ne deviennent chrétiens n’a pas tout de même un impact négatif sur leur vie.

Comment la Bible traite-t-elle des malédictions ?

Pour les chrétiens, la réponse aux malédictions doit être christologique. La croix du Christ a payé toutes les dettes. Cependant, la Bible nous montre clairement que la grâce pour l’humanité et le libre arbitre individuel sont tous deux essentiels à la finalité humaine, c’est-à-dire que la façon dont les choses se dérouleront pour les êtres humains est déterminée par la grâce de Dieu et la réponse de l’être humain. Lorsque les humains acceptent le Christ, ils sont purifiés des malédictions ou des dettes générationnelles.

La première étape de la délivrance des malédictions générationnelles ou ancestrales consiste à vivre une vie transformée, modelée par la Parole de Dieu. Mais le phénomène des malédictions peut être complexe, et mon livre explique comment traiter certaines questions difficiles liées aux malédictions.

Quel est le lien entre les malédictions et la famille ?

Les malédictions générationnelles, ou malédictions héréditaires relèvent d’une croyance selon laquelle les choses négatives qui sont arrivées aux ancêtres d’une personne peuvent également arriver aux membres de la famille (comme la mort soudaine, la pauvreté, les accidents, l’absence d’emploi, l’instabilité financière, l’éclatement de la famille).

J’ai interrogé des collègues du Zimbabwe, du Kenya, du Malawi, du Mozambique, du Ghana, de la République du Bénin, du Nigeria et du Congo, et j’ai constaté que, dans toute l’Afrique, les gens craignent les malédictions, et que de nombreux chrétiens pensent qu’ils sont affectés par des malédictions héréditaires.

En Afrique, la famille n’est pas seulement une institution sociale, c’est aussi une institution spirituelle. Le mariage aussi est une institution spirituelle. Il existe un lien spirituel entre le père et l’enfant, entre la mère et l’enfant, et les gens pensent que si quelque chose arrive au père, cela pourrait aussi arriver à l’enfant, parce qu’ils sont liés spirituellement.

Les malédictions générationnelles existent bel et bien, mais seulement pour ceux qui n’ont pas accepté le Seigneur Jésus. Si une personne est en Christ, elle est une nouvelle créature. Cette liberté en Christ n’annule pas la responsabilité morale du chrétien. Lorsqu’un véritable enfant de Dieu, né de nouveau, traverse des épreuves dans sa vie, ce n’est pas à cause d’une malédiction, mais pour la gloire du Seigneur et sa croissance spirituelle.

Quelle place ont les sorcières ?

En général, pour que les malédictions soient efficaces, la plupart des Africains pensent que le « maudit » doit avoir offensé le « maudisseur ». Cependant, les sorcières sont des personnes dont les malédictions peuvent entrer en action sans qu’il y ait eu aucune offense. Naturellement, les gens les craignent.

La peur des malédictions des sorcières n’est pas seulement due au fait qu’elles sont des sorcières. De nombreux Africains craignent également les paroles négatives de n’importe quel chef religieux. Les chrétiens africains craignent que leurs pasteurs les maudissent dans leurs prières. En outre, dans les prières de nombreuses églises d’Afrique, les malédictions contre les ennemis ont une grande importance. C’est ce que j’appelle « guérir les malédictions par les malédictions » dans mon livre.

Dans l’Ancien Testament, on voit souvent Dieu proclamer des bénédictions ou des malédictions sur les générations futures. Comment conciliez-vous les croyances de vos compatriotes africains avec les paroles de Dieu dans l’Ancien Testament ?

À première vue, la compréhension africaine des malédictions est analogue aux situations de l’Ancien Testament (AT) où Dieu impose des malédictions aux gens. Mais un examen plus approfondi révèle des différences essentielles. Les malédictions de Yahweh dans l’AT sont en grande partie des malédictions conditionnelles et liées à la sainteté de Dieu. Mais en Afrique, la majorité des malédictions sont inconditionnelles. Dans mon livre, je soutiens que Dieu ne maudit pas ses enfants, même dans l’Ancien Testament. Les fameuses malédictions de Genèse 3, par exemple, ne sont pas des malédictions, mais des sanctions. Dieu n’a pas maudit Adam ou Eve. Il a maudit le sol, le travail humain et l’accouchement. Et dans l’annonce même du châtiment se trouve la promesse de la bénédiction la plus importante : la promesse de la venue du Christ.

Mon livre soutient que les malédictions et les bénédictions de Yahweh dans l’AT ne sont pas automatiques ou inconditionnelles ; elles font appel à la responsabilité morale, à la justice et à la sainteté divine. Les malédictions de Yahweh dans l’AT ne doivent pas nous faire voir Dieu comme un être terrifiant, mais comme un Dieu juste. Elles montrent que les actions humaines ont des conséquences sur ce qui arrive. La société africaine a besoin d’une libération mentale sur ce point, car beaucoup pensent que même lorsque la personne devient chrétienne les malédictions familiales continuent d’opérer.

Croyez-vous que les bénédictions générationnelles existent aussi ?

Partout sur le continent, j’ai vu des montagnes de prières, des centres de prières et des maisons de prières, tous nommés d’après des malédictions. Au Nigeria, l’Église passe pour un centre de délivrance des malédictions. J’ai été témoin de programmes d’église où, au lieu de prêcher la parole de Dieu, le prédicateur demande aux membres de se laver la tête avec de l’eau afin d’être délivrés des malédictions.

Beaucoup de chrétiens africains prient de manière négative et non positive. Ce n’est pas comme en Occident, où l’on dit « Que Dieu vous bénisse. Que Dieu subvienne à vos besoins. » Au contraire, les Africains prient en maudissant l’ennemi, en disant par exemple : « Mon Dieu, que mes ennemis meurent. Dieu, fais que mes ennemis s’endorment et ne se réveillent jamais. »

Je pose donc une question dans mon livre : est-il bon d’utiliser des malédictions pour résoudre les malédictions ? Ma réponse est non ; nous préférons utiliser la Parole de Dieu pour expliquer et connaître Dieu et sa Parole.

Que pensez-vous des prières imprécatoires de la Bible ?

À bien des égards, les chrétiens africains sont particulièrement intéressés par l’utilisation des psaumes imprécatoires pour réfléchir et répondre aux défis de la vie. Ces psaumes reviennent fréquemment dans la liturgie, les sermons et les livres de prières de nombreuses confessions religieuses, en particulier dans les églises africaines autochtones. Ces psaumes constituent une ressource biblique importante pour la réflexion sur l’expérience existentielle et les défis de la vie pour de nombreux chrétiens africains.

Cependant, nombre de ces psaumes sont souvent lus, appliqués et interprétés sans tenir compte de leur contexte historique et théologique. Ces psaumes ne sont pas de simples « déclarations négatives », mais des réflexions personnelles des psalmistes sur la justice divine à l’encontre de ceux qu’ils considèrent comme des ennemis de Dieu.

Cependant, de nombreux Africains utilisent ces psaumes comme moyen de vengeance personnelle, par exemple en invoquant le nom de leurs ennemis humains tout en récitant un psaume imprécatoire spécifique (par exemple, le psaume 35) pendant un certain nombre de fois prescrites. Il n’est pas rare de voir un Africain en conflit avec un collègue choisir des psaumes imprécatoires pour maudire son adversaire.

C’est ce que j’appelle « guérir les malédictions par les malédictions. » Dans leur tentative de gérer la peur des malédictions, ils maudissent leurs maudisseurs. Les livres de prières de nombreuses églises autochtones africaines contiennent des prières consacrées à la malédiction des ennemis plutôt qu’à l’invocation de la bénédiction de Dieu.

Les théologiens chrétiens africains ont beaucoup conceptualisé la pertinence des psaumes imprécatoires pour réfléchir à l’expérience contextuelle africaine, mais les guides pratiques sur la manière d’utiliser correctement ces psaumes sont rares. Mon livre comble des lacunes de la théologie chrétienne africaine en fournissant des conseils théologiques et pratiques et comporte une section avec des étapes pratiques et des exemples sur la façon d’interpréter et d’appliquer correctement les psaumes imprécatoires.

Comment voyez-vous l’idée de malédiction dans un contexte occidental ?

Le phénomène des malédictions ne se limite pas au contexte africain. Premièrement, le contexte occidental n’est plus purement occidental en raison de l’immigration et des interactions interculturelles. Deuxièmement, les croyances religieuses institutionnelles occidentales ne définissent peut-être pas clairement le concept de malédiction, mais l’idée de malédiction et la crainte qu’elle suscite sont perceptibles dans les expériences vécues par certaines personnes en Occident. L’hypothèse de la sécularisation, selon laquelle les humains deviennent moins religieux à mesure que les sociétés progressent sur le plan technologique, a échoué. Être occidental ne signifie pas nécessairement être moins religieux ou moins spirituel.

Je veux encore étudier et comparer les notions occidentales de malédiction par rapport au contexte africain.

Comment surmonter ce genre de malédiction, en particulier dans votre propre culture ?

Tout d’abord, nous devons croire en la Parole de Dieu et nous engager envers elle. Le christianisme se développe en Afrique. Certains prédisent que dans les prochaines décennies, le centre du christianisme sera sur notre continent. Mais j’ai des inquiétudes.

Le christianisme africain augmente en nombre, mais pas en qualité. La croissance quantitative du christianisme africain doit être soutenue par une croissance qualitative : la connaissance de la Parole de Dieu.

Dans le christianisme africain, les dirigeants se placent parfois au-dessus de la parole de Dieu. Les membres de l’église sont ainsi désorientés. Nous devons donner la primauté à la Parole de Dieu, non seulement en théorie, mais aussi en pratique dans notre liturgie, dans nos programmes d’accompagnement, dans les autres activités et dans l’étude personnelle.

Deuxièmement, nous devons mettre l’accent sur la doctrine de l’expiation. Il faut rappeler aux chrétiens africains que l’expiation du Christ est définitive et absolue. Ils doivent être centrés sur la croix et sur le Christ.

De plus, Jésus a dit à ses disciples qu’ils devaient porter leur croix et le suivre. La souffrance et la pauvreté peuvent faire partie de notre croix ; par conséquent, lorsque les chrétiens africains rencontrent des difficultés, celles-ci peuvent être une croix qu’ils doivent porter, et non une malédiction.

Troisièmement, les responsables africains doivent mettre l’accent sur le contact personnel et l’expérience confessionnelle. Si un individu est vraiment régénéré par le Saint-Esprit, il ne devrait en principe pas être tourmenté par des malédictions.

Enfin, les responsables des églises chrétiennes africaines doivent mettre l’accent sur la mission, l’évangélisation et la formation des disciples. Nous devons nous efforcer de faire des disciples des nouveaux chrétiens. Si nous faisons cela, les chrétiens africains seront équipés pour faire face à la peur des malédictions.

Un chrétien peut-il être maudit ?

S’il s’engage à suivre une formation spirituelle biblique et à assumer ses responsabilités chrétiennes, un chrétien ne peut pas être maudit. La formation spirituelle biblique comprend la connaissance, l’appréciation, l’acceptation et la reconnaissance continues de l’œuvre de salut de Christ.

La victoire chrétienne sur les malédictions, qu’elles soient héréditaires, familiales ou personnelles, repose sur Christ, car Christ est la solution à tous nos défis individuels et collectifs. Cependant, nous avons un rôle à jouer dans notre vie chrétienne personnelle et collective pour nous approprier notre victoire en Christ. C’est pour cela qu’il faut comprendre et s’approprier la compréhension chrétienne de la responsabilité morale.

La théologie de la responsabilité morale n’est pas suffisamment ancrée dans le christianisme contemporain. La responsabilité morale implique que nous sachions que nous devons approfondir notre vie spirituelle en suivant le Christ. La Bible est claire sur les mécanismes de récompense et de punition pour les chrétiens. Nous ne devons pas faire certaines choses ; si nous les faisons, il pourrait y avoir des répercussions négatives. Ces répercussions sont parfois qualifiées de malédictions.

Les chrétiens ne peuvent pas être maudits parce que le Christ a été fait malédiction pour nous. Mais si nous transgressons les lignes établies par les préceptes du Christ, nous risquons d’en subir les conséquences. La vie chrétienne a des exigences, et les chrétiens doivent les respecter.

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Books

Des pasteurs s’interrogent à propos des membres qui ne sont pas revenus après la pandémie.

Une nouvelle étude montre que les divergences quant à la gestion du COVID-19 ont affecté la fréquentation des églises. Mais « beaucoup de choses restent mystérieuses ».

laterna magica / Lightstock

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Christianity Today November 10, 2023

Après quelques années difficiles marquées par la pandémie, Paul Seay est heureux de constater que les deux Églises méthodistes dont il est le pasteur à Abingdon, en Virginie, se remplissent de plus en plus.

Pourtant, il ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il est advenu des personnes qui ne sont jamais revenues.

« Certains étaient très impliqués et ils ont tout simplement disparu », déclare Seay, qui conduit l’église méthodiste unie Charles Wesley, une assemblée historiquement noire, et l’église méthodiste unie d’Abingdon, grande église en briques rouges située un peu plus bas dans la rue.

À un moment donné, l’église Charles Wesley ne comptait plus que six personnes. La situation n’a pas atteint ce point critique à Abingdon, qui comptait environ 180 personnes avant la pandémie. Mais elle a également été mise en difficulté par le COVID-19.

Les deux n’étaient pas seule dans ce cas. Selon une nouvelle étude sur l’impact du COVID-19 sur l’Église américaine réalisée par Arbor Reseaerch et ChurchSalary, une publication sœur de Christianity Today, plus d’une église sur trois a vu sa fréquentation diminuer entre 2020 et 2022. Et bien que de nombreuses églises, comme celles de Seay, aient repris des couleurs depuis les jours les plus sombres, il leur manque encore des fidèles.

« Il n’est pas rare, lors des entretiens avec les pasteurs, d’entendre dire que 20 %, un tiers, ou même la moitié de leurs fidèles ne sont pas revenus après la réouverture des portes », relatent les chercheurs.

Les « bons dimanches », l’église Charles Wesley compte aujourd’hui une vingtaine de personnes et Abingdon environ 200. Mais Seay remarque toujours que certains ne sont plus là.

« La pandémie », nous déclare-t-il, « a vraiment mis à mal l’assemblée. »

Il semblerait que cette situation ait des causes multiples. L’enquête menée auprès de 1 164 pasteurs protestants, suivie de 17 groupes de discussion et de neuf études de cas personnels, en a soulevé plusieurs, complexes et variées. Selon des pasteurs issus de 42 confessions différentes dans tous les États-Unis, les raisons de départ des fidèles seraient notamment des désaccords sur les politiques de santé, d’autres sujets de discorde ou des déménagements. Mais parfois, il n’y a pas d’explication.

« En fin de compte, il s’agit en grande partie d’un mystère », estime Seay. « Nous sommes en territoire inconnu. »

Selon l’étude, les églises des grandes villes et des banlieues sont les plus susceptibles de connaître une baisse de fréquentation ; les églises rurales connaissent moins de changements. Les assemblées à majorité noire ont été les plus durement touchées, 64 % d’entre elles faisant état d’une baisse de fréquentation depuis 2020.

Le rapport montre que la fréquentation des églises a surtout été influencée par les réactions face aux restrictions imposées par la pandémie. Les églises qui ont réagi au COVID-19 en fermant leurs portes longtemps, en limitant la fréquentation et en exigeant le port du masque pendant de longues périodes ont parfois perdu des membres qui souhaitaient revenir plus rapidement à la « normale ». Mais, d’autre part, les églises qui ont imposé des restrictions moins strictes ont parfois perdu des membres qui étaient plus prudents ou qui avaient des problèmes de santé.

Perry Hunter qui a quitté son assemblée de l’Église du Christ de Borden, dans l’Indiana se sent toujours partagé. Cette église rurale et plus âgée est restée longtemps fermée pendant la pandémie, si bien que Hunter, qui était diacre, a décidé de se rendre dans une église plus importante, située à environ 25 kilomètres au sud.

« Je sentais que nous devions aller dans une église plus grande pour les enfants et pour avoir plus d’activités sans que je doive en être responsable », explique-t-il. « Je n’ai rien contre mon ancienne église, mais le temps passé dans la nouvelle assemblée a conquis mes enfants et mon épouse. »

Hunter continue à soutenir financièrement son ancienne église, mais a fini par fréquenter la nouvelle, l’église indépendante de Northside.

D’autres, qui ont quitté leur église pendant la pandémie, ont l’impression qu’on ne leur a pas assez prêté attention. Une dame nous raconte sous couvert d’anonymat qu’elle sert toujours comme administratrice dans son église de taille moyenne, mais qu’elle a cessé d’assister aux cultes. Les responsables n’avaient pas assez pris au sérieux ses préoccupations de santé. « Je suis encore choquée que le corps du Christ n’ait pas fait preuve de plus de compassion pour empêcher la propagation du COVID », dit-elle.

Elle ne sait ni quand, ni si elle retournera au culte.

Pour de nombreux responsables d’église, décider quand et comment reprendre les réunions en présentiel relevait souvent du casse-tête. Il semblait que quoi qu’ils fassent, quoi qu’ils disent, quelle que soit la manière dont ils répondraient aux recommandations sanitaires, il y aurait toujours quelqu’un qui serait contrarié ou en colère et s’en irait.

« C’est un fait que toute la pandémie a été fortement politisée », déclare Drew McCallie, pasteur de l’Église méthodiste unie à Farragut, dans l’est du Tennessee.

À Farragut, l’assistance est passée de 220 personnes par dimanche à environ 80. Outre la pandémie, l’église a également connu des changements dans son personnel et a mis fin à l’un de ses cultes réguliers.

Mais aujourd’hui, l’église compte à nouveau une centaine de fidèles, et sa fréquentation ne cesse de croître. Le pasteur McCallie explique que l’assemblée qu’il conduit depuis quelques mois dispose d’une base très solide de membres engagés, ce dont il est reconnaissant. Mais lui et d’autres pasteurs avec lesquels il s’est entretenu ont remarqué que certains membres qui sont revenus ne sont plus aussi engagés qu’auparavant.

Certains membres qui avaient pris du recul se sont rendu compte qu’ils se donnaient tellement qu’ils s’épuisaient. Ils ont apprécié d’avoir un peu plus de temps libre.

D’autres responsables d’église ont dû se faire à l’idée qu’ils n’auraient rien pu faire pour garder les gens. Des fidèles autrefois engagés quittent les églises parce qu’ils quittent la région. La pandémie a provoqué une vague de déménagements et de changements d’emploi, ce qui a eu un impact sur les lieux de culte.

« Nous avons perdu presque toutes les jeunes familles de l’église, sauf la mienne », nous dit Jeff Schoch, pasteur principal de l’église Crossroads Bible Church à San Jose, en Californie.

Les restrictions liées à la pandémie et le coût élevé de la vie ont rendu la Californie peu attrayante pour elles. Même si ces familles ne sont pas parties fâchées avec l’église, le pasteur ressent une impression de gâchis.

« C’était un coup dur pour moi. J’ai passé tellement de temps à créer un lien avec ces familles pour les intégrer et elles ont toutes déménagé à Boise. »

Pour d’autres églises, en revanche, les déplacements liés à la pandémie ont entraîné une nouvelle croissance. À l’église Crossover de Tampa, en Floride, le pasteur Christopher Harris affirme que tous les indicateurs de l’église se sont améliorés pendant la pandémie : la fréquentation, les dons et les baptêmes. L’église, que son site web décrit comme multiethnique, multigénérationnelle et centrée sur le Christ, accueille en moyenne 35 à 40 nouvelles familles chaque semaine.

« Nous sommes dans l’une de ces villes des États-Unis qui connaissent une croissance démographique explosive », dit Harris. « La croissance et le développement apportent leur lot de problèmes, soit, mais au moins beaucoup de nouvelles personnes viennent dans notre église. »

Cependant, même les églises comme Crossover, qui ont connu une croissance tout au long de la pandémie, peuvent avoir du mal à impliquer les gens de manière stable — un constat confirmé par le rapport de ChurchSalary. Selon les nombreux pasteurs interrogés, de plus en plus de personnes considèrent la fréquentation de l’église comme facultative.

« S’il y a un problème à soulever, c’est probablement que nous, les responsables, sommes frustrés par l’évolution du niveau d’engagement des fidèles. Vous savez, de manière générale, les gens ne vont plus à l’église toutes les semaines », dit Harris. « Aujourd'hui, la concurrence d'une église n'a rien à voir avec les autres églises. Elle a à voir avec les programmes sportifs de vos enfants, vos horaires de travail, vos intérêts personnels en matière de voyages, et toutes sortes d'autres choses. Les gens considèrent donc souvent que la foi est facultative. »

Mais, au cours de l’histoire, les assemblées ont toujours dû s’adapter. Selon Harris, pour aller de l’avant, les chrétiens doivent être fidèles aux exemples issus du passé de l’église en « préservant son message tout en changeant ses méthodes ».

Le pasteur Seay partage cet avis. Même si les chiffres de fréquentation et de régularité ne sont pas aussi élevés que le souhaiteraient de nombreux pasteurs, il y a des points positifs à souligner.

De nombreuses assemblées locales sont plus unies. Elles ont tiré les leçons des difficultés rencontrées lors de la pandémie et se concentrent davantage sur ce qui est essentiel.

Seay est donc prudemment optimiste. Il est satisfait de la croissance numérique qu’ont connu les églises qu’il sert, mais il est encore plus satisfait de leur croissance spirituelle.

« Ce n’est pas une question d’ego de ma part, ou de prétendre que nous vivrions une success-story post-COVID », dit-il. « Il s'agit vraiment d'essayer de former une culture d'église qui soit vraiment, vraiment une culture fidèle de vie de disciple – un endroit où […] les gens se passionnent pour Jésus et se passionnent pour l'Église. »

Traduit par Anne Haumont

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