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La génération Z veut des responsables d’Église authentiques.

Elle attend d’eux qu’ils tombent les masques et admettent leurs propres difficultés.

Christianity Today April 13, 2023
Illustration de Christianity Today/Images sources : Lightstock/Getty

À mesure que les adolescents de la génération Z grandissent, bon nombre d’entre eux s’éloignent de la foi chrétienne et mettent les responsables d’Église au défi de s’adapter aux nouvelles attentes des plus jeunes membres de leur troupeau.

En février dernier, le groupe Barna Research rapportait que les jeunes adultes de 18 à 22 ans aux États-Unis sont deux fois moins susceptibles de se dire chrétiens et de suivre Jésus que les adolescents de 13 à 17 ans. Toujours aux États-Unis, une légère majorité des jeunes adultes d’aujourd’hui, 52 % plus précisément, ne se définissent pas comme chrétiens.

La génération Z est diversifiée, instruite et férue de médias sociaux. En matière de foi, les jeunes qui en font partie sont ouverts à Jésus et à ses enseignements, mais sceptiques à l’égard d’institutions et de responsables perçus comme manquant de sincérité.

Kendall Johnson, 20 ans, a découvert la foi à l’université et a pu en approfondir les bases dans le cadre d’un groupe universitaire. Mais ce sont les femmes « réelles et authentiques » de son Église locale de Raleigh, en Caroline du Nord, qui l’ont aidée à grandir spirituellement. Bien que plus âgées qu’elle, ces femmes lui ont ouvert leur cœur et lui ont partagé les luttes qu’elles connaissaient dans leur propre vie.

Leur ouverture, dit Kendall Johnson, « me permet de voir à quel point leur foi et leur confiance en Jésus est vivante et réelle. C’est grâce à elles que j’ai compris que le christianisme se vit dans la relation aux autres et à Dieu. »

Comme Kendall, les jeunes chrétiens attendent le même type de transparence, d’honnêteté et d’authenticité de la part de leurs responsables.

« Dans certaines générations, plus les leaders spirituels étaient hors du commun, plus on leur faisait confiance », explique Darrell Hall, auteur de Speaking Across Generations: Messages That Satisfy Boomers, Xers, Millennials, Gen Z, and Beyond. « La génération Z ne veut pas de différence entre le Darrell et le Dr Hall en moi. Pas de double personnalité. Pas d’écart entre qui je suis et qui je prétends être. »

Pour cultiver des relations authentiques, Hall estime que les responsables doivent être accessibles pour les jeunes. Ils doivent aller à leur encontre, soit en personne, soit sur les réseaux sociaux et les applications qu’ils utilisent.

Les jeunes de la génération Z apprécient les échanges interactifs. Ils veulent être invités à partager leur opinion avec les adultes, pour parvenir à des conclusions communes à propos des sujets débattus. Hall applique cette approche efficace à la maison avec ses trois ados. S’il y a, par exemple, des changements dans les tâches ménagères à effectuer, il leur en explique la raison et leur propose un planning dont ils discuteront ensemble pour arriver au résultat escompté.

Dans un contexte spirituel, les chrétiens de la génération Z apprécient que les pasteurs expriment les difficultés qu’ils rencontrent dans la compréhension des Écritures et parlent des luttes qu’ils connaissent dans leur vie et dans leur foi.

« Les personnes âgées et les baby-boomers n’ont pas besoin d’être au courant de mes luttes pour m’accepter », estime Hall, qui a aussi par le passé été responsable de ministère auprès des jeunes adultes et est aujourd’hui pasteur pour le campus à la Way Community Church de Conyers, en Géorgie.

La génération Z ne veut pas m’entendre dire « Voici ce que dit la Bible, et voici ce que j’ai à dire à ce sujet. La génération Z veut savoir ce que je ressens par rapport à cela, ce que ça me coûte d’adhérer à cette parole, ce que je ne comprends pas, ce que je fais concrètement pour grandir dans ma foi et ce que cela a apporté à ma vie de tous les jours ; non pas d’abord en tant que leur pasteur, mais bien en tant que personne. »

Ce désir de relations authentiques, nous expliquent des jeunes de cette génération, vient de leurs luttes et de leur scepticisme face à l’hypocrisie des puissants. De nombreuses études montrent en effet que cette tranche d’âge est celle qui se méfie le plus des marques commerciales, des gouvernements et d’autres grandes institutions ; elle est consciente de la prévalence de la désinformation et du battage médiatique que le monde subit. Et pour une grande part elle s’estime en mesure d’y discerner le vrai du faux.

En ce qui concerne la vie d’Église, les jeunes de cette génération se méfient donc des abus spirituels ainsi que du racisme et du sexisme qui peut prévaloir dans certains milieux religieux. Ils accordent plus d’importance aux personnes rencontrées et aux enseignements reçus qu’à l’institution religieuse en tant que telle.

Kendall Johnson, en Caroline du Nord, préférait les rencontres informelles avec les femmes de son Église aux réunions structurées du groupe universitaire, qu’elle voyait plutôt comme des séances de questions-réponses.

Invitée par une de ces femmes à lire la Bible avec elle en famille, elle s’est sentie traitée comme une amie et non comme une « simple » étudiante. Elles approfondissaient leur lecture de la Bible d’égale à égale. « Ces personnes voulaient me voir grandir et me consacraient du temps », dit-elle. « C’étaient simplement des gens normaux qui m’aimaient, sans arrière-pensées. »

Les chrétiens de la génération Z n’aiment pas non plus que l’on juge ou dénigre leur manière de vivre selon des normes d’une autre génération. Olivia Denny, 19 ans, étudiante à l'université Liberty, s'est vue critiquée par des membres plus âgés de sa communauté, qui lui reprochaient d'être « impudique » parce qu'elle portait des shorts ou des débardeurs à l'Église.

« Ce n’est pas parce que vous estimez que ce que quelqu’un fait est un péché que vous devez laisser entendre qu’il ne devrait pas venir à l’Église, ou dire des méchancetés à son sujet », proteste-t-elle. « Il faut plutôt essayer de l’aider. »

Pour accompagner la génération Z dans ses luttes contre le péché, il faut trouver un bon équilibre entre l’amour et la vérité, explique-t-elle encore. Il faut beaucoup parler avec les jeunes pour mieux appréhender la culture dont ils sont imprégnés, une culture où prévaut entre autres l’affirmation des identités LGBT.

Les réponses vagues ou superficiellement « chrétiennes » les frustrent ; ils ont besoin de responsables qui comprennent leurs difficultés et leur donnent des réponses transparentes, explique Andrew Root, professeur et spécialiste du ministère auprès de la jeunesse et de la famille au Luther Seminary.

Les réponses générales qui ne tiennent pas compte de leurs questions ou des défis de la vie réelle sont perçues comme hypocrites et peuvent les rendre encore plus cyniques. En revanche, quand des aînés et des responsables d’Église lient des relations authentiques avec eux, cela change totalement la donne.

« Ces jeunes voudraient être connectés de manière plus large au monde, ils aimeraient participer à quelque chose qui les dépasse, mais ils sont viscéralement méfiants », déclare encore Root. « Les responsables de jeunes devraient éviter d’instrumentaliser leurs rapports avec eux. […] Entretenez la relation pour la relation. »

Traduit par Anne Haumont

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Leadership : des chrétiens libanais tentent de remettre leurs pendules à l’heure.

Un récent ouvrage du secrétaire général de la Société biblique libanaise propose de nouvelles voies face aux approches traditionnelles et autoritaires du pouvoir dans la région.

Beyrouth, Liban

Beyrouth, Liban

Christianity Today April 5, 2023
Lucas Neves / AP

Pendant quatre jours, le Liban a connu simultanément deux fuseaux horaires.

Le passage à l’heure d’été était prévu pour le 26 mars, mais les chefs politiques sunnites et chiites du pays l’ont reporté à la fin du ramadan pour faciliter le jeûne des musulmans.

Les politiciens chrétiens n’en ont pas tenu compte et ont appliqué la norme internationale. Les compagnies aériennes s’en sont tenues à la décision du gouvernement, ce qui a semé la confusion dans les horaires. Certaines écoles se sont adaptées, d’autres ont refusé, et les parents ont jonglé avec les horloges pour arriver à l’heure au travail.

Non pas qu’il y ait beaucoup de travail ces jours-ci. Mais quoi qu’il en soit, le gouvernement a fini par céder.

Toutes ces décisions ont été prises alors que le Liban n’a ni président ni premier ministre, et que son parlement est divisé. L’économie est en chute libre, l’émigration explose et les victimes de l’explosion du port de Beyrouth en 2020 n’ont toujours pas obtenu justice.

Le pays est le dernier endroit où l’on chercherait des leçons de bonne gouvernance.

Tout en riant de l’absurdité de ces quatre jours, Mike Bassous est d’un autre avis. Auteur de Leadership … in Crisis (« Conduire… en temps de crise »), publié en juillet dernier, il affirme que le Liban est particulièrement bien placé pour venir en aide à une région entière régulièrement soumise au chaos.

Pris entre diverses dictatures, ce n’est pas dans la tradition régionale que le pays trouvera des exemples à suivre. « En matière de livres sur le leadership, la bibliothèque arabe du Moyen-Orient est vide », estime Bassous. « Mais le Liban peut recueillir le meilleur des principes occidentaux et les adapter pour l’Orient. »

Tel est l’objectif de son livre, qui combine expérience personnelle, apports de professionnels et réflexion chrétienne. En tant que secrétaire général de la Société biblique du Liban, il offre ses compétences à ses amis protestants, catholiques et orthodoxes de toute la région, à commencer par ceux de son pays d’origine.

En octobre dernier, 44 responsables chrétiens libanais se sont ainsi réunis à Chypre, à l’écart de la crise qui sévit dans leur pays, pour une retraite autour de ses enseignements.

« Nous avons besoin de cela dans nos Églises — de A à Z, nous avons besoin de tout l’ensemble », déclare Linda Macktaby, directrice de Blessed, une école de Beyrouth pour les enfants à besoins spécifiques. « Nous enseignons la Bible aux jeunes, mais pas comment diriger. »

L’un des principes clés de Mike Bassous est la confrontation.

Servant l’école Blessed depuis 2010, Linda Macktaby a décidé de faire face directement à certaines pratiques qui ont cours en matière de leadership. Pour enrayer les pratiques des « manipulateurs typiques » qui évitent les conflits, promettent des solutions tout en jouant la montre au milieu de collègues peu enclins à prendre des décisions, elle responsabilise son personnel.

Chacun se voit attribuer un « royaume », comme elle le nomme, avec l’autorité nécessaire pour exercer les responsabilités qui lui sont confiées. Et si elle interfère injustement, son personnel a pour instruction de lui résister.

Ce genre de changement n’est pas simple, et Linda Macktaby a mis en place pour cela un exercice où tout le monde se tient en cercle pour symboliser leur égalité, en se tenant par la main comme pour prier. Après avoir tiré au sort des noms, chacun doit faire un premier pas en disant publiquement quelque chose de positif sur le collègue sur qui il est tombé.

L’étape finale était la critique, y compris la sienne. Personne ne savait comment s’y prendre, raconte-t-elle. « Ils veulent bien recevoir des critiques, mais juste pas de moi. » « Il leur a fallu deux ans pour apprivoiser cela, mais la confrontation est nécessaire si l’on se préoccupe de ce que l’on fait. »

Autrefois très actif, le Mouvement de la jeunesse orthodoxe (MJO) cherche lui un nouveau souffle.

Formé dans les années 1940, ce mouvement de protestation sociale et humanitaire renoue avec la connaissance des pères de l’Église et se consacre aux villages pauvres et aux centres urbains, se heurtant à de nombreux prêtres et évêques jusqu’alors inactifs. Après la guerre civile qui a duré 15 ans et s’est achevée en 1990, la popularité de ces groupes de prière et d’étude s’est accrue et ceux-ci sont restés solidaires en dépit de l’opposition de certains clercs.

Au fil du temps, de nombreux diplômés appartenant au MJO sont entrés dans la hiérarchie cléricale et les relations se sont améliorées, mais cela a eu un prix. Fadi Nasr, ancien et porte-parole du mouvement de jeunesse, estime que ces diplômés ont perdu de leur fougue.

« Nous étions autrefois très critiques [à l’égard des religieux], et maintenant nous cherchons à les apaiser », observe-t-il. « Nous pensions que la coopération renforcerait notre unité, mais cet esprit s’est déjà perdu. »

Fadi Nasr estime qu’une mentalité institutionnelle allant du haut vers le bas freine le dynamisme de leur action caritative. Dans le contexte de l’émigration libanaise, le nombre de leurs membres a diminué, bien que 300 groupes restent actifs. Pour remonter la pente, le mouvement a dû à nouveau faire cavalier seul.

Mais malgré tout, il continue d’avancer, illustrant le principe de persévérance de l’ouvrage de Bassous.

Après l’explosion du port, le MJO a créé le Centre communautaire de Beyrouth, l’a conçu de manière à ce qu’il soit indépendant et professionnel, et a nommé un jeune membre comme directeur. Mais si ces développements s’inscrivent dans le droit fil de l’héritage du MJO, Fadi Nasr pense aux opportunités perdues avant ce nouveau départ.

« Nous aurions eu besoin de plus d’autocritique », analyse-t-il déclaré, « et nous n’avons pas réussi à transmettre à la génération suivante. »

Ramy El Khoury, lui, a déjà identifié son successeur. Grec orthodoxe au service de World Vision depuis 2018, il affirme que le travail de formation au leadership au Liban est rare, même parmi les ONG. Mais lorsque l’économie s’est effondrée, l’expertise traditionnelle de l’organisation en matière de développement a dû être réorientée du jour au lendemain vers le travail humanitaire de première ligne.

Il a ainsi fallu mettre en œuvre le principe d’agilité aussi souligné par Mike Bassous.

Mais Ramy El Khoury a d’abord dû faire face à un défi venant de son Église, répondant à d’innombrables appels de fonctionnaires lui demandant de trouver des personnes à embaucher au sein de ses réseaux de patronage. Il est de la septième génération d’une famille de prêtres.

« Nous suivons un processus », dit El Khoury à propos de World Vision. « Et lorsque nous avons senti venir une crise, nous avons cherché à former notre équipe de direction. »

Au début de l’année 2020, la dévaluation précoce de la monnaie libanaise dans le contexte de la pandémie de COVID-19 mettait déjà l’équipe à rude épreuve. Des spécialistes ont alors été chargés d’encadrer quatre responsables de secteur et cinq responsables de programme, qui ont transmis les compétences acquises à un total de 25 cadres intermédiaires. Le programme a ensuite été étendu à une centaine d’employés, juste à temps pour mieux faire face à l’explosion de Beyrouth.

Fier du professionnalisme de World Vision, Ramy El Khoury a d’abord hésité sur un point : les temps de méditation hebdomadaires en équipe. Il arrivait à ce poste avec 15 ans d’expérience et n’y trouvait pas d’utilité pour les impératifs institutionnels. Mais lorsque son directeur national lui a dit que la chose était « cruciale », il a mis à contrecœur cette habitude en place au sein de son personnel interconfessionnel.

Cela a changé sa vie et son leadership. « Nous honorons Dieu dans toutes les activités que nous entreprenons », explique-t-il. « Nous ne serions pas aussi réactifs sans la présence de Dieu. »

Mais la présence de Dieu ne dispense pas de certaines décisions difficiles. Une autre organisation, la Lebanese Society for Education and Social Development (LSESD), sentant venir la crise de l’été 2019, a vidé ses comptes pour payer les salaires et régler ses dettes. Cette intuition s’est avérée décisive en octobre de la même année, lorsque les banques ont gelé les retraits en dollars, ne laissant plus passer qu’un maigre flux de monnaie locale désormais lourdement dévaluée.

Par la suite, l’organisation a dû réduire les salaires de moitié. À la tête de cette faîtière d’institutions baptistes, qui rassemble une école, un séminaire et une maison d’édition, Nabil Costa a dû s’appuyer sur 25 ans de confiance.

Ce faisant, il a éprouvé le principe de résilience du livre de Mike Bassous.

« Nous avons communiqué dès le départ sur la situation difficile et nous avons parlé en toute transparence », raconte-t-il. « Nous avons fait preuve de vulnérabilité en tant que leaders et nous avons lutté à leurs côtés. »

La prière était au cœur de cette résilience commune. Les distributions de repas ont également contribué à maintenir le moral des uns et des autres. L’élément clé fut une échelle de compensation dégressive qui orientait les fonds supplémentaires reçus pour les attribuer aux employés de rang salarial inférieur.

À force de patience, la LSESD a finalement été en mesure de rétablir tous les salaires initialement réduits. Mais il ne s’agirait pas de penser que tout était bien qui finissait bien, car la tendance compréhensible que chacun a à se concentrer sur soi en situation de survie a convaincu Nabil Costa que son équipe avait besoin d’un coup de pouce supplémentaire, vers les autres.

Les médicaments essentiels disparaissant des pharmacies libanaises, la LSESD a alors alloué des fonds à son personnel pour qu’il puisse aider ses amis et parents dans le besoin. « Bénir les autres nous a aidés à traverser l’épreuve. » « Mais notre capital social étant épuisé, comment pourrions-nous empêcher le personnel d’émigrer maintenant ? »

Les Nations unies font état de 24 départs pour 1 000 Libanais, soit le taux le plus élevé au monde. Le pays enregistre une perte nette de population chaque année depuis 2018, et celle-ci s’est rapidement accélérée depuis la crise économique de 2019.

Nadim, le frère de Nabil Costa, a trouvé sa réponse. « Considérer le ministère comme un travail est la ruine du ministère », estime le plus jeune des frères Costa. « Mais quand on voit Dieu à l’œuvre, on y devient accro, et on en veut toujours plus. »

Il illustre là l’objectif ultime que dessine Mike Bassous. Après avoir amorti le chaos et apaisé les tensions, un dirigeant doit trouver le moyen de transmettre une vision optimiste de l’avenir. Pour Nadim Costa, cela s’est fait dans l’enthousiasme d’un mouvement de formation de disciples.

NEO Leaders fournit des services sociaux aux communautés vulnérables, telles que les réfugiés, les personnes handicapées et les victimes d’abus. Ce ministère décentralisé travaille avec plus de 300 Églises locales. Mais ces réseaux ont un objectif clair, dit-il : conduire les gens à une relation personnelle avec Dieu et à lui être fidèles dans la vie de tous les jours.

S’appuyant sur des responsables bénévoles, eux-mêmes à la recherche d’un emploi, ce travail de proximité a connu un développement exponentiel.

« Personne ne devrait répondre plus activement que l’Église », dit Nadim Costa. « Nous ne voulions pas gâcher cette crise. »

Ni perdre son équipe. Sur les 18 employés locaux à temps plein, un seul a quitté le pays. Mais cela n’a en partie été possible que parce que la vision était également partagée par plus de 150 membres du personnel dans les 20 pays où NEO Leaders est active. Ceux-ci ont chacun fait don d’un mois de leur salaire à leurs collègues durement touchés au Liban.

Les pratiques de Costa aident également. En matière de piété, il demande à tout le personnel de prier avant de servir. Pour soutenir la motivation, il bouscule les normes culturelles en cédant le leadership à ses subordonnés. Osant les confrontations nécessaires, il a un jour dû écarter un membre clé du personnel, mais a maintenu son salaire pendant trois mois, l’accompagnant jusqu’à ce qu’il soit restauré dans ses fonctions.

La loyauté et le dévouement de ce collaborateur envers le Christ sont aujourd’hui au plus haut. « Incarnez l’exemple de Jésus aux yeux des gens », dit Nadim Costa, « et ils voudront devenir comme lui. »

Pour Mike Bassous, les dirigeants chrétiens disposent déjà d’un bon capital de départ. Le caractère de serviteur de Jésus est un réel antidote à l’esprit autoritaire. Mais de nombreux Libanais estiment aussi que les leçons de la formation proposée par le secrétaire général de la Société biblique constituent un antidote supplémentaire à certaines de leurs faiblesses culturelles en matière de leadership. Des séminaires sont d’ores et déjà prévus pour des Irakiens et des Jordaniens.

« Le mouvement de Jésus s’est renforcé lorsque lui s’en est allé, et les grands PDG ne restent en place que quelques années », dit Bassous. « Formons de nouveaux leaders, sans réinventer la roue. »

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Parkinson. Ce cadeau dont je me serais bien passé

J’ai passé des années à écrire à propos de la douleur et la souffrance. À présent, je vais devoir apprendre à les supporter.

Philip Yancey

Philip Yancey

Christianity Today April 5, 2023
Courtesy of Philip Yancey

Dans mon autobiographie intitulée Where the Light Fell, je raconte l’histoire de mon frère aîné, dans l’ombre duquel j’ai grandi. Marshall était doté d’un quotient intellectuel hors norme et de dons musicaux exceptionnels. Il avait l’oreille absolue et une mémoire auditive telle qu’il pouvait jouer tous les morceaux de musique qu’il entendait.

Mais tout cela fut bouleversé en 2009, lorsque Marshall fut terrassé par un AVC. Un jour, il jouait au golf ; le lendemain, il gisait inconscient aux soins intensifs.

La vie de Marshall fut sauvée grâce à une opération délicate du cerveau. Mais il naquit alors à une nouvelle identité. Celle d’une personne invalide devant tout réapprendre. Il lui a fallu un an pour marcher à nouveau et bien plus de temps encore pour parvenir à ordonner quelques mots. Il a travaillé avec acharnement et a réussi à limiter ses séquelles à un bras droit ballant et un trouble de la parole appelé aphasie. Aujourd’hui, il porte fièrement un tee-shirt sur lequel on peut lire : « Aphasie : je sais quoi dire, mais je n’y arrive pas ».

Mon frère m’a appris les défis liés au handicap : la frustration d’être incapable de prononcer des mots ; la gêne de devoir demander de l’aide pour des activités aussi simples que prendre une douche ou s’habiller ; l’inquiétude que les autres décident à votre place dans votre dos.

En public, les étrangers se détournaient de lui, comme s’il n’existait pas. Les enfants, eux, étaient plus directs : « Maman, qu’est-ce qu’il a le monsieur ? ». Les plus entreprenants s’approchaient directement de sa chaise roulante pour demander : « Tu ne peux pas marcher ? »

À un moment, les frustrations furent telles que Marshall rechercha combien de ses pilules de médicaments lui permettraient de se tuer, puis les avala toute avec un litre de whisky. Dieu merci, cette tentative de suicide échoua. Mon frère se retrouva dans un service psychiatrique. Depuis, il a progressivement reconstruit sa vie, grâce à de nombreuses heures de thérapie. Aujourd’hui, il peut vivre seul et conduire une voiture adaptée.

Il y a un an, alors que je skiais dans le Colorado, j’ai donné clairement l’ordre à mes jambes de se mettre en position pour prendre un virage. Elles m’ont désobéi. Et j’ai percuté violemment un arbre. C’était étrange. Mon cerveau avait donné des ordres, et mes jambes les avaient ignorés.

Au cours des mois suivants, d’autres symptômes sont apparus. Ma démarche et ma façon de me tenir ont changé. Mon écriture, déjà petite, est devenue minuscule et irrégulière. J’ai commencé à avoir de légères hallucinations pendant mon sommeil. Mes erreurs à l’ordinateur sont devenues fréquentes. Mon jeu au golf, déjà médiocre, s’est encore dégradé. Mais mon médecin, à qui j’ai alors mentionné la maladie de Parkinson, m’a répondu : « Vous êtes en pleine forme, Philip. Vous ne pouvez pas avoir cette maladie-là ».

J’aurais dû demander un deuxième avis médical. À l’automne dernier, des tâches comme boutonner une chemise me prenaient deux fois plus de temps. J’avais l’impression qu’un extraterrestre lent et mal coordonné avait envahi mon corps. Quand d’autres personnes ont commencé à le remarquer, j’ai décidé de faire un check-up médical.

Dans le réseau d’assurance auquel je suis affilié, aucun neurologue n’était disponible avant six mois. J’ai donc changé de compagnie d’assurance et fait appel à une amie qui pouvait m’inscrire dans son centre médical de pointe. Le mois dernier, ils ont confirmé le diagnostic. Il s’agit de Parkinson, une maladie dégénérative qui perturbe les connexions entre le cerveau et les muscles. J’ai entamé un traitement à base de dopamine parallèlement à une thérapie physique.

Lorsque j’ai averti mes premiers amis, j’ai eu peur de ne plus être simplement « Philip », et qu’ils ne m’attribuent à présent une nouvelle étiquette : « Philip, celui qui a la maladie de Parkinson ». Les gens allaient-ils me voir ainsi ? Penser cela de moi ? Parler de moi en ces termes ?

Je voulais insister : « Je suis toujours la même personne à l’intérieur, alors s’il vous plaît, ne me déclassez pas à cause de ma lenteur, mes maladresses et mes tremblements occasionnels ». En signe de protestation, j’ai même repris un nouveau mot : dislabeled (« mal nommé », qui en anglais résonne avec disabled, « handicapé »). J’avais vu trop de gens réduire mon frère à sa canne, son bras atrophié et sa difficulté à parler, ignorant l’être humain complexe et courageux qui se cache derrière cette apparence.

Puis, moins d’une semaine après le diagnostic, la réalité de la maladie s’est imposée à moi. Comme pour prouver que rien n’avait vraiment changé, j’ai décidé d’essayer un nouveau sport, le pickleball, sorte de croisement entre le tennis et le ping-pong. Au bout de cinq minutes, j’ai plongé pour attraper une balle. J’ai trébuché et basculé vers l’avant. Mais le réflexe pour amortir ma chute s’est enclenché trop tard et je me suis fracassé la tête sur le sol.

Pendant les huit heures d’attente dans une salle d’urgence bondée, j’ai eu le temps de réaliser que j’avais indéniablement rejoint la foule bigarrée des blessés et invalides qui se retrouvent dans ce genre d’endroit un mercredi soir. J’étais bel et bien frappé d’un handicap.

À partir de maintenant, je vais devoir m’ajuster. Je ne sauterai plus de rocher en rocher dans les montagnes du Colorado. Finis les courses kamikazes en VTT, le patinage sur glace… et le pickleball !

Comme en un aperçu accéléré du vieillissement, l’invalidité implique le renoncement aux choses ordinaires que nous tenions pour acquises. On ne monte plus les escaliers sans se tenir à une rampe. Et la marche devient le sport le plus sûr, tant qu’on peut lever les pieds sans se les emmêler. J’ai dû ralentir mon pas pour marcher à côté de mon frère. À présent, les autres doivent ralentir leur rythme pour moi.

Un ami qui a appris ma maladie m’a envoyé les premiers mots du Psaume 71 : « Seigneur, tu es mon abri, ne me laisse jamais couvert de honte. » (PDV)

Bien que le poète ait écrit cela dans des circonstances très différentes des miennes — il était harcelé par des ennemis humains plutôt que par une maladie nerveuse —, les mots « ne me laisse jamais couvert de honte » m’ont sauté aux yeux. D’autres psaumes, comme les psaumes 25, 31 et 34, reprennent cette saisissante expression.

L’invalidité semble s’accompagner d’une certaine mesure de honte. Il y a une gêne instinctive au fait d’importuner les autres pour quelque chose qui ne relève pourtant pas de votre volonté. Le fait que des amis bien intentionnés réagissent de manière excessive nous met également mal à l’aise. Ce n’est pas facile d’être traité comme une antiquité fragile. Même lorsque l’on peine à trouver ses mots, on préfère toujours terminer ses phrases soi-même.

Bien que mes symptômes ne soient encore que légers, j’anticipe la honte qui découlera de leur aggravation : bave, trous de mémoire, troubles de l’élocution, tremblement des mains. L’autre jour, j’ai reçu une lettre d’information et j’ai lu par erreur « Médication quotidienne » au lieu de « Méditation quotidienne ». Encore un petit signe avant-coureur de ce qui m’attend…

Mais la gêne peut parfois pousser à l’action. Après mon diagnostic, six amis m’ont écrit qu’ils avaient observé des choses bizarres chez moi, mais ne me l’avaient pas dit. Seuls deux d’entre eux avaient pris le risque d’être aussi ouvertement honnêtes qu’un enfant. Au cours d’un dîner au restaurant, l’un d’entre eux m’avait demandé si j’étais au ralenti, ce qui lui avait valu un regard réprobateur de sa femme. Un autre, plus direct, m’avait demandé pourquoi je marchais comme un vieux croulant… De quoi m’inciter à me mettre à la recherche d’un neurologue.

Le Psaume 71 ajoute au v. 9 : « Ne me rejette pas au moment de la vieillesse ! Quand mes forces s’en vont, ne m’abandonne pas ! ».

Cette prière exprime l’appel silencieux de toutes les personnes invalides, un groupe dont je fais désormais partie. Selon le centre de contrôle médical américain, 26 % de la population est considérée comme invalide. À présent que je participe à ce pourcentage, j’essaie de voir en chacun, au-delà des aspects extérieurs, la personne qui se trouve à l’intérieur, comme je le faisais déjà instinctivement avec mon frère.

À cause de mon invalidité naissante, je suis devenu plus conscient de moi-même, ce qui a de bons et mauvais côtés. Je suis obligé de faire très attention à mon corps et à mes changements d’humeur, surtout lorsque je teste des médicaments ou mes limites physiques. Et je dois développer une routine d’activités sûres et stimulantes. Mais cela ne peut pas devenir une obsession. Je ne peux pas laisser la maladie me définir.

Le magazine Time a récemment publié l’essai d’un activiste du handicap, auteur d’un livre intitulé Disability Pride évoquant la fierté d’être invalide. Une nouvelle génération de défenseurs du handicap fait entendre sa voix dans la société. Certaines personnes sourdes, par exemple, rejettent des euphémismes tels que « malentendants » et vont jusqu’à refuser des procédures médicales qui pourraient leur rendre l’ouïe.

Pour ma part, j’avoue que je serais ravi que la maladie de Parkinson disparaisse de ma vie comme par magie. Je ferais un grand feu de joie avec mes médicaments, annulerai ma commande d’une canne et ressortirais mon équipement d’escalade. Mais cela ne m’est pas possible. Peut-être certains défenseurs de l’invalidité s’efforcent-ils simplement d’accepter la dure réalité de choses que l’on ne peut pas changer.

Bien que l’étrange euphémisme « différemment valide » ne me plaise toujours pas trop, je le comprends mieux maintenant. Cette expression renvoie au fait que la vie est manifestement injuste et que les capacités des uns et des autres sont inégales. Il fut un temps où mon frère jouait des concertos pour piano alors que je me battais avec les gammes. Comparés à Lionel Messi ou Venus Williams, nous sommes tous des handicapés du sport. Et même si Parkinson me prive de certaines de mes activités physiques préférées, je peux en pratiquer d’autres qu’un tétraplégique pourrait m’envier.

Il n’y a pas deux êtres humains qui aient les mêmes capacités, la même intelligence, la même apparence et les mêmes antécédents familiaux. Nous pouvons réagir à cette inégalité par l’amertume, mais nous pouvons aussi apprendre à accepter les dons et les « handicaps » qui nous sont propres.

Au cours de ma carrière d’écrivain, j’ai interviewé des présidents des États-Unis, des stars du rock, des athlètes professionnels, des acteurs et autres célébrités. J’ai également dépeint la vie de lépreux en Inde, de pasteurs emprisonnés pour leur foi en Chine, de femmes sauvées de l’exploitation sexuelle, de parents d’enfants atteints de maladies génétiques rares et de nombreuses personnes souffrant de maladies bien plus dégradantes que la maladie de Parkinson.

Mais en repensant à ces deux groupes de personnes, je me dis qu’à quelques exceptions près, celles qui vivent dans la douleur et l’échec ont tendance à mieux gérer les circonstances de leur vie que celles qui vivent dans le succès et les plaisirs. Celles qui apprennent à intégrer la souffrance à leur vie m’impressionnent beaucoup plus que celles qui font tout pour l’éviter.

Le tournant que ma vie prend à présent est conditionné par une maladie qui pourrait s’avérer invalidante ou simplement gênante. Parkinson peut évoluer de nombreuses façons différentes. Comment m’y préparer ?

J’ai eu le privilège de connaître Michael Gerson, chroniqueur au Washington Post et rédacteur de discours pour la Maison-Blanche. Gerson a vécu avec la maladie de Parkinson pendant des années avant de succomber à un cancer. Un collègue disait de lui : « Au sommet de sa carrière, il a usé de son influence pour s’occuper des plus vulnérables, menant la campagne de lutte contre le sida en Afrique. Et lorsqu’il a touché le fond physiquement, au lieu de se plaindre, il s’est ancré dans la reconnaissance pour la vie qu’il avait vécue. »

Telle est ma prière. Après une enfance mouvementée, j’ai eu une vie plus merveilleuse et épanouie que je n’aurais pu mériter ou rêver. J’ai à mes côtés Janet, une épouse de 52 ans, compétente en tout et qui a fait de ma santé et de mon bien-être son propre défi personnel.

Il y a seize ans, alors que je m’étais fracturé le cou après un accident de voiture, elle a traversé une tempête de blizzard pour me ramener à la maison. Mentalement, elle réaménageait notre maison dans l’hypothèse où elle aurait à vivre avec un paralytique. Aujourd’hui, elle fait toujours preuve de cette fidélité généreuse et déterminée, alors qu’elle se trouve confrontée à la perspective potentiellement astreignante de devenir ma garde-malade.

Mon avenir est plein de points d’interrogation, mais je ne m’inquiète pas outre mesure. Je bénéficie d’excellents soins médicaux et du soutien de mes amis. Je fais confiance à un Dieu plein de bonté et d’amour qui choisit souvent de révéler ces qualités qui sont siennes à travers ceux et celles qui le suivent ici sur terre.

J’ai écrit beaucoup de choses sur la souffrance, et je suis maintenant appelé à les mettre en pratique. J’espère de tout cœur être un intendant fidèle de ce dernier chapitre de ma vie.

Philip Yancey est l’auteur de nombreux ouvrages, dont le plus récent est son autobiographie : Where the Light Fell.

Traduit par Anne Haumont

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Books

Des évangéliques européens s’organisent contre les abus

Entre formations et lignes d’écoute, les Églises mettent l’accent sur la sécurité et la prévention.

Christianity Today April 5, 2023
Sean Gallup / Getty

Lorsque Fabian Beck s’est porté volontaire pour un ministère auprès des enfants dans sa petite Église évangélique de la banlieue de Hanovre, en Allemagne, il s’imaginait chanter des chansons, raconter des histoires bibliques et présenter des spectacles de marionnettes.

Il n’avait aucune idée de la manière dont il était censé préserver les enfants de l’école du dimanche contre d’éventuelles agressions sexuelles. C’est en se préparant à rejoindre l’équipe en place qu’il est tombé sur des ressources fournies par la Fédération des églises évangéliques libres allemandes (FeG) sur le thème de la violence à l’encontre des enfants et des adolescents dans le contexte de communautés chrétiennes comme la sienne.

« Les croyants doivent se rendre à l’évidence : le fait que nos communautés sont remplies de chrétiens ne les rend pas automatiquement sûres », explique-t-il. « Les lieux sûrs pour les enfants n’apparaissent pas tout naturellement et, trop souvent, nous ne savons pas ce que nous ne savons pas. »

Andreas Schlüter, secrétaire fédéral de la FeG pour les jeunes générations, explique que le programme utilisé par Beck, « Schützen und Begleiten » (« Protéger et accompagner »), s’inscrit dans une tendance beaucoup plus large parmi les Églises libres qui s’organisent contre les abus. Les Églises évangéliques développent des programmes pour faire face à la réalité des agressions sexuelles et cherchent à empêcher qu’elles ne se produisent à l’avenir.

« Je sais qu’en Allemagne, toutes les Églises libres s’attaquent activement à ce problème », rapporte-t-il. « Les communautés évangéliques libres devraient être, ou devenir, des lieux sûrs pour les enfants et les jeunes. »

Ces dernières années, de nombreux cas d’agressions sexuelles contre des enfants ont été signalés dans plusieurs diocèses catholiques romains en Europe. Sous l’impulsion de ces révélations, les catholiques ont pris des mesures en France, au Portugal, en Allemagne et en Italie pour prévenir les abus. Le pape François, par exemple, a supprimé la couverture par le secret pontifical pour les cas de maltraitance de mineurs ou d’autres personnes vulnérables.

Myriam Letzel, coordinatrice de l’organisation évangélique française Stop Abus, estime que les enquêtes de fond menées par l’Église catholique en France sur les abus commis par des clercs (notamment le « Rapport Sauvé ») ont non seulement mis en évidence la nature systémique des violences sexuelles, mais ont également mis les évangéliques en garde contre les dynamiques au sein de leurs Églises qui pourraient conduire à des comportements inappropriés et illégaux. Les conversations autour de #ChurchToo et les révélations de nombreux abus chez les baptistes du Sud aux États-Unis ont également conduit les évangéliques européens à prendre conscience du fait que leurs Églises ne sont pas à l’abri.

« Nous devons nous interroger sur les fondements théologiques qui ont, par le passé, favorisé des comportements sexuels inappropriés : une mauvaise compréhension de la relation entre les hommes et les femmes et un rapport faussé à la sexualité », déclare Myriam Letzel.

Stop Abus a été lancé en septembre 2022 par le Conseil national des évangéliques de France (CNEF). Cet organe est géré par une commission de 10 experts dans les domaines du travail social, de la psychologie, de la médecine, du droit et de la pastorale. L’organisation dispose également d’un service d’écoute composé d’une équipe de 35 « écoutants » qui reçoivent les signalements d’abus. Au cours de ses six premiers mois d’existence, Stop Abus a été mis au courant de 15 cas qui sont en cours de traitement.

Selon Myriam Letzel, il ne s’agit que d’une première étape.

« Ce qui se passait ailleurs a servi d’avertissement : nous ne pouvions pas prétendre que de telles choses n’existaient pas dans les Églises protestantes évangéliques, et nous ne voulions surtout pas prétendre qu’elles n’existaient pas. » « La mission qui nous a été confiée par le Christ nous oblige : en tant que chrétiens, nous avons le devoir d’être exemplaires dans notre conduite et dans notre manière de prendre soin des plus vulnérables. »

C’est dans ce contexte que l'un des réseaux d'Églises membres du CNEF, le Réseau-FEF, a informé fin mars ses membres et partenaires qu'il ne pouvait plus « ni reconnaître ni soutenir un quelconque ministère » d'un pasteur ayant une certaine influence dans les milieux évangéliques francophones, en particulier en ligne. Le pasteur en question est accusé d'abus par six femmes, dont deux ont déposé plainte. Ce type de communication constitue une première pour les évangéliques français.

D’autres groupes évangéliques en Europe ont lancé des efforts similaires. En Suisse, sous l’égide de l’Alliance évangélique suisse, une soixantaine de groupes et d’organisations chrétiennes ont mis en place des normes pour le personnel et créé des équipes d’intervention en cas de crise, parallèlement aux programmes de prévention des Églises locales. Parmi ces organisations, la Fédération romande d’Eglises évangéliques (FREE) a mis en ligne diverses ressources pour aider à prévenir les abus, avec notamment une charte destinée aux moniteurs d’école du dimanche.

L’Alliance évangélique allemande (EAD) dispose depuis plusieurs années de mécanismes de prise en charge pour les cas d’agressions dans les communautés évangéliques en Allemagne. Pour équiper les Églises, elle se tourne notamment vers des groupes comme la Croix blanche (Weißes Kreuz), une organisation protestante qui conseille les institutions et les individus sur les questions liées à la sexualité. Ute Buth, gynécologue et conseillère sexuelle travaillant avec la Croix blanche depuis 15 ans, explique que la première tâche de l’organisation est d’aider les Églises à prendre conscience de la façon dont leur environnement peut constituer un terreau fertile pour les abus.

Elle estime qu’il n’existe pas de statistiques fiables sur la réalité des abus parmi les évangéliques d’Europe. Mais les protestants européens, y compris l’Église protestante nationale allemande, ont des préoccupations similaires concernant la violence sexuelle dans leurs communautés et ont créé un forum et des groupes de travail pour aborder la question en juin 2022.

Certains pensent cependant que les chrétiens évangéliques sont particulièrement vulnérables et qu’ils pourraient même attirer les prédateurs sexuels.

Christian Rommert, théologien public et ancien animateur de la populaire émission de télévision chrétienne Wort zum Sonntag (« Parole du dimanche »), a ainsi déclaré sur la plus grande radio publique allemande que l’accent mis par les Églises libres sur la confiance et l’obéissance, leurs contacts physiques étroits et leur morale sexuelle conservatrice créaient un environnement propice aux abus sexuels :

« Dans le contexte de l’Église libre, tout le monde fait confiance à tout le monde. Personne ne s’attend à ce que l’autre fasse quelque chose de mal. » « Le thème de la sexualité est encore quelque peu tabou dans le contexte ecclésial. Comme la peur y est associée, on ne peut pas en parler ouvertement. Et malheureusement, il y a aussi des Églises où l’on cultive le fossé du pouvoir entre les hommes et les femmes. Et ces disparités de pouvoir sont toujours des facteurs d’incertitude. »

Selon Ute Buth, l’opposition de certains évangéliques à travailler avec la Croix blanche sur les questions d’agressions sexuelles a toutefois diminué, car les gens sont devenus plus conscients de l’importance du problème et prêtent plus d’attention à la prévention. La Croix blanche ne porte pas d’accusations contre les Églises, mais propose des formations.

« Si l’on ne dispose pas d’une bonne stratégie dans ce domaine, certaines structures permettent que des enfants, voire des adultes, soient victimes d’abus », détaille la gynécologue. « C’est un lourd tribut pour la foi chrétienne. »

Elle guide d’abord les Églises dans une analyse des risques pour les aider à comprendre ce qui les rend vulnérables.

« Cela touche à l’atmosphère », explique-t-elle. « Favorisez-vous l’un ou l’autre genre ? Quelle manière de parler avez-vous ? Certains font-ils des blagues à caractère sexuel ? Votre leadership est-il très hiérarchique ? C’est là que les agresseurs commencent, en profitant de la culture et des coutumes qui ont déjà cours dans votre Église. »

À la fin de la formation, les communautés procèdent à une auto-analyse avant d’élaborer un nouveau plan de protection comprenant des lignes directrices en matière de sécurité et des mécanismes de signalement. Des lois allemandes adoptées en 2010 stipulent que toute organisation travaillant avec des enfants, y compris les Églises, doit mettre en place un plan de protection.

Le fait d’avoir un plan a d’ailleurs apaisé les craintes de Fabian Beck lorsqu’il est devenu pasteur auprès de l’enfance à Hanovre.

« C’est un grand soulagement d’avoir un système en place. » « À présent, notre Église est consciente du problème et nous savons ce qu’il faut faire. »

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« Pour toujours » : notre mort et l’éternité

Pendant la période de Pâques, penser à votre propre mort vous conduira vers des horizons lumineux.

Josué ordonne au soleil de s’arrêter sur Gabaon

Josué ordonne au soleil de s’arrêter sur Gabaon

Christianity Today March 30, 2023
John Martin / National Gallery of Art Open Access

C’est pourquoi nous ne perdons pas courage. Et même si chez nous l’homme extérieur dépérit, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car un moment de détresse insignifiant produit pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire. — 2 Corinthiens 4.16-17

C’est au grand âge de cinq ans que j’ai inventé ma propre version de la formule memento mori, ce fameux « souviens-toi que tu vas mourir ». Cela arriva sans autre arrière-plan que celui d’un enfant curieux (et adopté) qui se bat pour donner un sens à son existence. L’expérience m’est restée en mémoire de par son caractère traumatique : imaginez vous-mêmes ce qui se passe lorsqu’un enfant est allongé dans son lit et fixe l’obscurité en répétant « pour toujours, et toujours, et toujours, et toujours, et toujours, et toujours… »

Si ce tableau suscite en vous quelque empathie, je vous en suis reconnaissant. Ces répétitions allaient jusqu’à l’hystérie. Je finissais par sauter du lit et courir dans les escaliers pour tomber dans les bras de ma mère inquiète. J’étais inconsolable, balbutiant de manière ininterrompue : « pour toujours », « éternité ». Cela allait devenir une habitude, mais les premières fois furent aussi alarmantes pour ma mère que pour moi. Alors, sur un fond sonore de sitcom américaine émanant de la télévision, ma mère essayait de répondre à ma seule et unique question : « Que se passe-t-il quand on meurt ? » Comme bien d’autres mères attentionnées, elle parlait de « ciel », de « Dieu », d’« être bon » et ainsi de suite jusqu’à ce que je me calme enfin et retourne me coucher. Pourtant, elle eut beau essayer, je n’entendis jamais de réponse qui satisfasse vraiment le puissant mélange de peur et de curiosité qui m’habitait.

Heureusement, mes excursions nocturnes en bas des escaliers diminuèrent avec le temps, mais pas mon obsession pour la question. Ce n’est que presque deux décennies plus tard que j’ai trouvé la réponse que je cherchais. Il s’est avéré que ma mère avait raison : une bonne compréhension de la mort est indubitablement liée à nos idées de Dieu, du ciel et de la Bible. Il faut simplement faire pas mal de recherches pour bien en saisir les détails.

Le fait est que les gens meurent, les rêves meurent, l’amour meurt, les habitudes meurent, les animaux meurent, les plantes meurent, même les personnages principaux meurent. La mort est essentielle : « Tuez vos chéris », recommande l’écrivain William Faulkner. « La mort nous sourit à tous », entend-on dans Gladiator. « Jusqu’à ce que la mort nous sépare », disent les amoureux le jour de leur mariage. La mort joue un rôle majeur dans tous les aspects de la vie, alors pourquoi l’humanité a-t-elle tant de mal à accepter l’idée de memento mori : se rappeler le caractère inévitable de notre mort ?

L’ironie dans tout cela, c’est qu’alors que nous cherchons souvent à fuir la réalité de notre propre caractère mortel, nous sommes obsédés par la mort. La mort est très vendeuse dans le monde du divertissement. Nous nous laissons captiver par les histoires de tueurs en série, d’assassins, de vampires, de zombies, de guerres. Tout ce qui a trait à la mort, que ce soit dans un livre ou sur un écran, retient notre attention. Chacun d’entre nous possède un sens de la curiosité morbide qui alimente une pulsion subconsciente très profonde de recherche incessante de réponses à propos de la mort. Si la conversation porte sur notre propre mort ou celle d’un être cher, nous esquivons volontiers le sujet, mais, paradoxalement, si c’est la mort d’un autre dont il est question, nous peinons à détourner le regard.

Ce mélange de fascination pour la mort et d’évitement du sujet ne sont pas l’apanage de l’ère moderne. Depuis des millénaires, les écrivains sont saisis par ce sujet. En fait, tout au long de l’histoire littéraire, la mort a bien souvent été sacrée comme « le grand ennemi ». Nous nous posons la même question depuis la nuit des temps.

Dans chaque culture, certains éléments limitent notre capacité à avoir une bonne compréhension de la mort. Dans des cultures d’abondance, nous sommes souvent tout particulièrement protégés de la mort. Plus une communauté est riche, plus elle utilise les possessions matérielles pour se distraire des choses qu’elle craint. L’inimitable prédicateur et théologien Charles Haddon Spurgeon a dit un jour, alors qu’il visitait la luxueuse maison d’un fidèle : « Voilà le genre de choses qui rendent la mort difficile. » Lorsque nous disposons de ressources abondantes, nous pouvons atténuer, ou au moins adoucir, les dures réalités de la vie. Quand nous n’avons pas de besoins immédiats, l’envie d’approfondir les choses nous vient moins, et la dernière chose dont nous avons envie est de nous aventurer dans un memento mori. Pourquoi me rappeler la seule chose que je ne peux pas résoudre ?

Il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil lorsqu’il s’agit de notre relation amour-haine avec la mortalité et de la vanité avec laquelle nous en traitons souvent. Nous nous disons que ce n’est pas ce qu’il y a à l’extérieur qui compte, mais ce que nous sommes à l’intérieur. Si les secteurs de la santé et de la beauté offrent une indication de ce que sont nos vraies préoccupations, alors ceux qui consacrent plus de temps à l’« intérieur » sont loin de constituer la majorité. La santé physique est certainement très importante. Cependant, lorsque notre santé physique devient centrale dans notre identité, nous perdons de vue le ciel. Il n’y a pas de sujet plus menaçant que la mort pour quelqu’un qui est terrifié par le vieillissement.

Pourtant, peu importe le nombre de kilomètres que nous courons, de longueurs que nous nageons ou la quantité de botox que nous nous injectons, il n’y a pas d’échappatoire : la mort finit tous par nous trouver. Malgré tous nos efforts, notre caractère mortel se rappelle sans cesse à nous : nos yeux s’assombrissent, nos cheveux s’affinent, notre taille s’élargit, nos muscles se contractent, nous nous affaissons davantage, nous dormons moins et oublions de plus en plus. En vieillissant, nous sentons davantage la température baisser et la pression atmosphérique augmenter, nous entendons trembler les feuilles alors que la tempête de la mort se profile à l’horizon. Ainsi parle le psalmiste face au grand et incompréhensible abîme qui le guette : « Les liens de la mort m’avaient enserré, et les angoisses du séjour des morts s’étaient emparées de moi ; j’étais accablé par la détresse et la douleur. » (Ps 116.3)

Prenons donc courage. Notre problème n’est pas que nous éprouvons de la peur face à la mort — tout le monde en éprouve. Le potentiel nocif ou bénéfique de cette peur réside dans la façon dont nous y réagissons. Une vision saine de la mort peut être très utile dans la façon dont nous envisageons cette vie. Lorsque nous acceptons notre mortalité, notre capacité à voir certaines choses change. Nos yeux terrestres qui s’assombrissent gagnent en fait en clarté lorsqu’ils se concentrent sur l’éternité. Le memento mori favorise ce genre de vision. Comme l’apôtre Paul le dit : « Ainsi nous regardons non pas à ce qui est visible, mais à ce qui est invisible, car les réalités visibles sont passagères et les invisibles sont éternelles. » (2 Co 4:18)

Quand je repense à mes traumatisantes interrogations sur la mort dans mon enfance, je suis profondément reconnaissant d’avoir trouvé, à 19 ans, une réponse qui m’a changé et a changé le cours de ma vie. Certaines des craintes que suscite la mortalité n’ont jamais complètement disparu. En fait, je ressens encore une forme d’effroi lorsque j’essaie de comprendre ce que peut signifier un départ « pour toujours ». Cependant, aujourd’hui, mon attention se porte d’abord sur une confession, une nouvelle question et une requête. La confession est simple : « Seigneur, je m’inquiète à propos de ce que je possède, je me préoccupe de mon apparence et je m’inquiète de mon avenir. » La question est d’ordre pratique : « Seigneur, comment dois-je vivre aujourd’hui en vue de passer l’éternité avec toi ? » Et voici la requête : « Seigneur, aide-moi à voir ce qui est véritablement important pour que je puisse faire ce qui est le plus important à tes yeux. »

En ce temps de Pâques, dans votre regard sur vous et le monde qui vous entoure, mon espoir est que vous pensiez aussi au jour de votre mort. Mon espoir est que le thème du memento mori de cette série de méditations vous conduira vers de nouveaux horizons. Après tout, ce qui point à l’horizon n’est pas une tempête, mais la foule des saints qui nous ont précédés et qui attendent de nous accueillir dans l’éternité.

Questions de réflexion :



1. Avez-vous déjà fait l’expérience saisissante d’être confronté à votre propre mortalité ?

2. Quelles craintes pouvez-vous confesser à Dieu ? Quelles préoccupations pouvez-vous apporter à la croix ?

3. Comment le fait de penser à votre mort change-t-il votre regard sur ce que le Seigneur considère comme le plus important dans votre vie ?

Erik Petrik est directeur des projets créatifs pour Christianity Today. Lui et sa femme Kelli ont cinq enfants adultes et vivent à Edwards, dans le Colorado.

Cet article fait partie de notre série « À l’aube d’une vie nouvelle » qui vous propose des articles et des réflexions bibliques sur la signification de la mort et de la résurrection de Jésus pour aujourd’hui.

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Rick Warren : Le grand commandement d’« aller et enseigner » est applicable aux femmes.

L’ancien pasteur de l’Église américaine de Saddleback expulsée par les baptistes du sud explique pourquoi il a changé d’avis à propos de la place des femmes.

Rick Warren

Rick Warren

Christianity Today March 27, 2023
Adaptations par Christianity Today / Image source : Getty

Au début du mois, Russell Moore interviewait le pasteur récemment retraité Rick Warren, auteur du livre « Une vie motivée par l’essentiel ».

Ils ont discuté de cette transition pastorale et de ses projets pour l’avenir, ainsi que de l’expulsion de l’Église de Saddleback de la Convention baptiste du Sud (SBC) pour avoir engagé une femme pasteure enseignante dans son équipe.

En tant que fondateur et ancien pasteur de cette communauté bien connue dans le monde évangélique, Warren explique comment son point de vue sur les femmes dans la direction de l’Église a changé lorsqu’il a relu certains passages des Écritures qu’il avait négligés, dont notamment le mandat missionnaire donné par Jésus en Matthieu 28.19-20.

Le texte ci-dessous est adapté de l’interview originale, qui peut être écoutée ici (en anglais). Le style oral a été conservé.

Rick : Je suis maintenant prêt à rejoindre le groupe de soutien des anciens baptistes du Sud, avec Beth Moore, Russell Moore et quelques autres. La semaine dernière, j’ai été mis à la porte. Ce n’est pas une surprise pour moi, en fait. J’ai fondé l’Église Saddleback il y a 43 ans. Je suis un baptiste du sud de quatrième génération, et mon grand-père Chester Armstrong était apparenté à Annie Armstrong […] Mon arrière-arrière-grand-père a été conduit au Christ par Charles Spurgeon et envoyé en Amérique pour implanter des Églises dans les années 1860. J’ai donc un long passé baptiste. Mais vous savez quoi ? Nous avons fait bien des choses qui n’étaient pas conformes aux habitudes. En 1980, lorsque j’ai créé l’Église, nous n’avons pas mis « baptiste » dans le nom — c’était du jamais vu il y a 40 ans. […] La Convention est différente de ce qu’elle était alors, nous manquons de ces piliers qui étaient là […]

Russell : Vous avez dit que vous n’étiez pas surpris. Pour ma part, j’ai été époustouflé. Simplement parce que je me disais — avec toutes les crises concernant le traitement des femmes et les abus sexuels au sein de la SBC — que se préoccuper de ce qu’une Église donne trop aux femmes n’était vraiment pas le problème de la SBC telle que je la vois. Je n’arrivais pas à croire que c’était de cela qu’ils se préoccupaient.

Rick : Permettez-moi de dire un mot à ce sujet. Ce n’est pas un hasard si les mêmes voix qui ont dit « Nous ne pouvons pas protéger les femmes des abus à cause de l’autonomie de l’Église locale » sont aussi celles qui disent « Mais dans le cadre de l’autonomie de l’Église locale, nous pouvons les empêcher d’être appelées pasteures. » L’autonomie n’a donc d’importance que lorsque cela les arrange.

En d’autres termes, ils pensent clairement qu’ils ont un mot à dire dans votre Église sur les titres du personnel. Il était donc faux de dire : « Nous ne pouvons rien faire, nous ne sommes pas responsables des abus qui se produisent parce qu’il s’agit d’Églises indépendantes et autonomes. » C’est absurde.

Russell : Certains d’entre eux diraient probablement que la confession de foi stipule que la fonction de pasteur doit être exercée par des hommes tels que qualifiés par l’Écriture. Et Saddleback compte désormais des femmes parmi ses pasteurs. Comment voyez-vous cela ?

Rick : Tout d’abord, les baptistes du Sud ont toujours été opposés aux credos. J’ai grandi en entendant dire : « Nous n’avons pas d’autre credo que le Christ ; nous n’avons pas d’autre livre que la Bible. » Il ne s’agit pas d’une bataille entre libéraux et conservateurs. Les libéraux sont partis il y a longtemps. Tous les membres de la SBC croient en l’inerrance des Écritures. Nous parlons ici d’une différence d’interprétation. Les passages en question — Tite, Timothée et Corinthiens — ont reçu des centaines, littéralement des centaines, d’interprétations.

Nous devrions pouvoir expulser des personnes pour cause de péché, de racisme, d’abus sexuel, d’autres péchés sexuels, etc. […] Nous pouvons être en désaccord sur l’expiation ; nous pouvons être en désaccord sur l’élection ; et nous pouvons être en désaccord sur le dispensationalisme ; nous pouvons être en désaccord sur la seconde venue de Christ ; nous pouvons être en désaccord sur la nature du péché ; mais nous ne pouvons pas être en désaccord sur les titres que vous donnez à votre personnel ?

Voici la différence : il s’agit de la même vieille bataille qui se déroule depuis une centaine d’années au sein de la SBC, entre baptistes conservateurs et baptistes fondamentalistes. Aujourd’hui, le mot « fondamentalisme » a changé de sens.

Il y a cent ans, je me serais qualifié de fondamentaliste. Dans les années 1920, cela signifiait que vous adhériez aux doctrines historiques de l’Église, à l’expiation par le sang du Christ, à l’autorité de l’Écriture — toutes les doctrines cardinales de base du protestantisme évangélique. Mais ce mot a changé. Il y a maintenant des fondamentalistes musulmans, des fondamentalistes bouddhistes. Nous avons des fondamentalistes athées. Nous avons des fondamentalistes communistes. Nous avons des fondamentalistes laïcs. Aujourd’hui, être fondamentaliste, cela veut surtout dire que vous avez cessé d’écouter. […]

Disons-le, je crois en l’inerrance des Écritures. Mais je ne crois pas à l’inerrance de votre interprétation, ni de la mienne d’ailleurs. C’est pour cela que je dois dire que je peux me tromper. Nous devons aborder l’Écriture avec humilité, en nous disant : « Je pourrais me tromper. » Vous n’entendrez jamais un fondamentaliste dire cela : « Je pourrais me tromper. » […] Un baptiste conservateur croit en l’inerrance des Écritures. Un baptiste fondamentaliste croit en l’inerrance de son interprétation. C’est une grande différence.

Russell : Mais vous conviendrez bien sûr que si Saddleback avait baptisé des bébés, par exemple, d’autres Églises auraient pu dire : « Oui, il y a toutes sortes d’Églises qui font cela, mais Saddleback n’est pas une Église baptiste si elle le fait. »

Rick: Tout à fait, oui. Voici ce que j’aimerais dire : je crois que l’Église à son meilleur était l’Église à sa naissance. En toute honnêteté, je dois dire que je n’avais pas prévu parler ici, dans cette interview.

Tout d’abord, je comprends pourquoi les gens sont contrariés par cette question, car je pensais la même chose qu’eux jusqu’à il y a trois ans. Et j’ai dû changer à cause de l’Écriture. La culture n’aurait pas pu me faire changer d’avis sur cette question. Les anecdotes n’auraient pas pu me faire changer d’avis sur cette question. La pression exercée par d’autres personnes ne m’aurait pas fait changer d’avis sur cette question. Ce qui m’a changé, c’est que j’ai été confronté à quatre passages des Écritures dont personne ne parlait jamais et qui, selon moi, avaient de fortes implications pour les femmes dans le ministère. Personne ne me les avait jamais mis en évidence.

Je connaissais le passage de Tite. Je connaissais le passage de Timothée. Je connaissais 1 Corinthiens, et à chaque fois que les gens me demandaient « Pourquoi n’avez-vous pas de femmes pasteures ? », je disais : « Montrez-moi un verset. Si vous me donnez un verset, j’y réfléchirai parce que je suis un homme de la Bible. » On ne peut pas se contenter de dire « tout le monde le fait. » Ou « J’ai visité 165 pays et j’ai vu des Églises de 30, 40, 50 000 personnes dirigées par un pasteur principal qui est une femme. » Cela ne me suffit pas. Je dois avoir une base biblique.

Il y a trois ans, juste après avoir pris la direction de Finishing the Task — et c’est un autre sujet dont j’espère que nous pourrons parler plus tard — lorsque le COVID a frappé, j’ai commencé à lire tous les livres que je pouvais trouver sur le mandat missionnaire [de Matthieu 28.19-20] et sur l’histoire de l’Église. J’ai lu plus de 200 livres sur ce grand commandement et sur l’histoire des missions, et je me posais deux questions.

Premièrement, pourquoi l’Église a-t-elle connu la croissance la plus rapide au cours des 300 premières années ? Nous sommes passés de 120 personnes dans une chambre haute à la religion officielle de l’Empire romain en 300 ans. Dans ma bibliothèque, j’ai un denier romain de 87 avec l’effigie de César. En 320, j’ai une photo d’un denier marqué d’une croix. Il s’agit là d’un changement culturel majeur.

Pendant les 300 premières années, l’Église a connu une croissance d’environ 50 % par décennie. J’ai dressé une liste d’environ 25 choses qu’ils faisaient et que nous ne faisons pas aujourd’hui en tant qu’Église. J’ai également dressé une liste des choses que nous pensons devoir avoir, mais qu’ils n’avaient pas. Ils n’avaient pas d’avions, de trains, d’automobiles ; ils n’avaient pas de bâtiments d’Église.

Il n’y avait pas de bâtiments d’Église pendant la période de croissance la plus rapide de l’Église. Pendant les 300 premières années — j’ai été dans la très ancienne Église de Maaloula, en Syrie, une petite église d’une cinquantaine de places — il n’y avait pas de chaire. L’idée qu’un type se tienne derrière une chaire pour prêcher, ce n’était pas le culte du Nouveau Testament.

Paul dit : « Chacun a un chant, chacun a un enseignement, chacun a une révélation. » Cela se passait dans une maison, et tout le monde partageait. Il n’y avait personne qui restait assis sans rien faire pendant que j’enseignais. C’est quelque chose que notre culture a imposé. Alors, que faisaient-ils ?

Ils n’avaient pas d’imprimerie. Ils n’avaient pas internet. Ils n’avaient ni radio ni télévision, et pourtant ils se sont développés plus rapidement au cours des 300 premières années qu’à n’importe quelle autre période.

Puis, pour les 1700 années suivantes, je me suis demandé ce qui n’était pas allé. En 1988, l’IMB (International Mission Board) a engagé un universitaire anglican, David Barrett. Il a étudié et il a écrit un livre qui aborde 700 plans élaborés pour accomplir le mandat missionnaire, de l’an 0 à 1988.

Au cours des trois dernières années, j’ai utilisé ce livre comme un index pour étudier les raisons pour lesquelles nous n’avons pas réussi, ce qui n’a pas fonctionné. On y apprend même que les catholiques avaient bien des plans, que les anabaptistes avaient tel plan, que les luthériens et les méthodistes avaient tel autre plan, et il est possible de tous les consulter. Et j’ai aussi vu tout ce qu’ils ont fait de travers.

Quoi qu’il en soit, cette étude m’a fait changer d’avis sur les femmes. Rien d’autre n’aurait pu me faire changer d’avis quand je suis tombé sur trois passages différents. Tout d’abord, le mandat missionnaire. Aujourd’hui, les baptistes — les baptistes du Sud — aiment s’appeler « baptistes du grand commandement », et nous affirmons que nous croyons que ce grand commandement est pour tout le monde, qu’hommes et femmes doivent accomplir ce mandat.

Mais ce n’est pas tout à fait vrai — vous ne le croyez pas, parce qu’il y a quatre verbes en Matthieu 28.19-20 : « Aller, faire des disciples, baptiser et enseigner ». Les femmes doivent aller, les femmes doivent faire des disciples, les femmes doivent baptiser et les femmes doivent enseigner. Pas seulement les hommes.

C’est l’une des raisons pour lesquelles Saddleback a baptisé plus de personnes que n’importe quelle Église dans l’histoire des États-Unis : 57 000 baptêmes d’adultes en 43 ans. Pourquoi ? Parce que dans notre Église, si vous amenez quelqu’un au Christ, vous pouvez le baptiser. Ainsi, si une mère veut baptiser son enfant ou si une femme veut baptiser son mari qu’elle a amené au Christ, chacun peut baptiser toute personne qu’il a amenée au Christ […]

C’est la libération, la mise en pratique de l’idée que « chaque membre est un prêtre ». Nous croyons la plupart du temps au sacerdoce de nos « prêtres » au lieu du sacerdoce de tous les croyants.

Revenons au mandat missionnaire : allez, faites des disciples, baptisez, enseignez. On ne peut pas dire que les deux premiers sont pour les hommes et les femmes et que les deux derniers sont uniquement pour les hommes — ou peut-être uniquement pour les hommes ordonnés. C’est de l’eiségèse. Vous avez un problème.

Qui a autorisé les femmes à enseigner ? Jésus. « Toute autorité m’a été donnée ; enseignez donc. Tout pouvoir m’est donné ; baptisez donc. » Nous avons un problème avec le mandat missionnaire. J’ai dû me repentir lorsque j’ai examiné ce grand commandement. J’ai dû l’admettre : « Cela ne concerne pas seulement les hommes ordonnés, c’est pour tout le monde. »

La deuxième chose qui m’a fait changer d’avis, c’est le jour de la Pentecôte. Deux choses se sont produites ce jour-là. Nous savons que le premier jour de l’Église est celui de cette naissance, et celui où l’Église se présente sous son meilleur jour. Le jour de la Pentecôte, nous savons que des femmes se trouvaient dans la chambre haute. Nous savons que des femmes ont été remplies du Saint-Esprit ; nous savons que des femmes ont prêché dans des langues que les autres ne pouvaient pas comprendre, devant un public hétérogène. Il n’y avait pas que des hommes — des femmes prêchaient le jour de la Pentecôte.

Comment le savons-nous ? Parce que Pierre s’est senti obligé d’expliquer les choses. Ainsi, dans le chapitre 2 des Actes des Apôtres, aux versets 17 et 18, il dit en substance : « Hé, les gars, ces gens ne sont pas ivres. Ce que vous voyez a été prédit par le prophète Joël. Cela devait arriver. » Il explique ainsi pourquoi ces gens voyaient des femmes prêcher au tout premier jour de l’Église. Il l’explique et dit : « C’est ce que Joël a prédit. »

Et voici ce qu’il dit. « Dans les derniers jours » — et cela signifie clairement que Pierre pensait que les derniers jours avaient commencé avec la naissance de l’Église ; nous sommes dans les derniers des derniers jours. Nous ne savons pas combien il y en aura encore, mais les derniers jours ont commencé avec la naissance de l’Église. Pierre dit : « Dans les derniers jours, je répandrai mon Esprit sur toute chair. » Toute chair. « Vos fils et vos filles prophétiseront. »

C’est différent de ce qui était vécu à l’époque de l’Ancien Testament. J’ai consulté plus de 300 commentaires sur ces versets, et je trouve intéressant que presque tout le monde dise : « Oui, dans l’Église, tout le monde a le droit de prier, tout le monde a le droit de prêcher, tout le monde a le droit de prophétiser. » Et les personnes qui n’aiment pas cela ignorent ce verset. John MacArthur ne parle même pas de ce verset. Il passe simplement par-dessus.

Et puis la troisième chose qui m’a fait changer d’avis — vous voyez, rien de tout cela n’avait à voir avec la culture ; cela avait tout à voir avec l’Écriture — c’est que j’ai tout d’un coup remarqué que le tout premier sermon, le tout premier sermon chrétien, le message de l’Évangile de la Bonne Nouvelle de la Résurrection, Jésus a choisi une femme pour le transmettre aux hommes.

Il a demandé à Marie de Magdala d’aller le dire aux disciples. Il est clair que ce n’était pas un accident. C’était intentionnel. C’est un tout nouveau monde. Jésus demande à une femme d’aller le dire aux apôtres. Une femme peut-elle enseigner à un apôtre ? C’est évident. Jésus l’a fait le premier jour — il l’a choisie pour être la première prédicatrice de l’Évangile.

Russell : Donc, après ces trois dernières années, vous soutiendriez les hommes et les femmes en tant qu’anciens, en tant que pasteur principal, pour n’importe quelle responsabilité au sein de l’Église ?

Rick: Oui. Mais voici ce que je dis, parce que je dois le dire : c’est mon interprétation. Je dois dire en toute humilité que cela ne me dérange pas que vous ne soyez pas d’accord avec moi.

Depuis 2000 ans, l’Église débat du rôle des femmes dans la culture, mais en faire le test décisif pour savoir si l’on est baptiste ou non est un non-sens. La toute première confession baptiste, celle de 1610, précise que les responsables de l’Église sont les anciens, et non les pasteurs, ainsi que les diacres et les diaconesses. C’est la confession baptiste originelle. Alors, est-ce que l’on veut revenir à l’original ?

Lisez donc le préambule du « Baptist faith message » [de la SBC], qui dit qu’il n’est contraignant pour personne. Cela est dit en préambule : ce texte ne lie aucune Église. Mais aujourd’hui, nous transformons cette confession en un credo et nous en servons les uns contre les autres. Nous lançons une inquisition. Si les choses continuent ainsi, chaque semaine, un pasteur pourrait se lever et dire [par exemple] : « Je veux expulser cette Église parce qu’elle n’est pas d’accord avec nous à propos du dispensationalisme. »

Nous devrions expulser des Églises pour des questions de péché. Nous devrions expulser des Églises qui nuisent au témoignage de la convention. Ce que nous faisons ne nuit pas au témoignage de qui que ce soit. Cela fait partie des questions discutables, comme les évoque Paul dans Romains 14. Le problème avec les fondamentalistes, c’est qu’il n’y a pas de questions discutables, pas de questions secondaires. Tout est une question importante.

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Vivant(s) au bout du compte !

Jésus, en sortant de la tombe, a été pris pour un jardinier. C’est mon histoire préférée.

Christianity Today March 27, 2023
Illustration by Bethany Cochran

Je ferai jaillir des fleuves le long des pistes, des sources au milieu des vallées ; je changerai le désert en étang et la terre desséchée en sources. — Ésaïe 41.18

C’est souvent lorsque les conditions semblent les plus humides et sombres, lorsque la pluie est tombée et que la patience est à bout, que les pousses vertes de la vie nouvelle commencent à émerger. La graine morte et enterrée, par-delà sa décomposition, conduit à une multiplication de la vie.

Je tenais dans ma main un paquet de matière végétale desséchée et je regardais mon ami qui venait de me le donner. « Qu’est-ce que c’est ? » Tout en posant ma question, je retournai la chose pour voir des morceaux de terre encore secs sur des brindilles qui semblaient avoir été des racines. Lyndon Penner, un cher ami qui a écrit divers livres sur le jardinage dans les conditions extrêmes des prairies canadiennes, regarda cette masse craquelante et sourit. « C’est un secret », dit-il, « c’est vivant, et c’est mon cadeau pour toi. » Cela n’avait pas l’air vivant. Je serrai cet ensemble de tiges et, malgré la sécheresse apparente, rien ne s’en effrita — un indice que tout n’était pas comme on aurait pu le croire.

On l’appelle parfois « fausse rose de Jéricho ». Lorsque les conditions se dégradent, cette plante de la famille des sélaginellacées se dessèche, se rétrécit, se détache du sol et s’enroule en une boule de la taille d’une balle de baseball. Elle n’a alors plus rien de vert et, pour mon œil non averti, semble parfaitement morte. Si certains l’appellent « fleur de pierre » (on la trouve d’ailleurs dans notre magasin de pierres précieuses local), on l’appelle aussi « mousse de résurrection ». En effet, même après plusieurs années de sécheresse, elle révélera un secret.

Nous avons rassemblé nos filles autour d’une petite assiette remplie d’eau et nous avons placé ce petit virevoltant brun à l’intérieur. « Versez un peu d’eau sur le dessus, aussi. Faites-lui savoir qu’elle peut se réveiller en toute sécurité », a suggéré Lyndon. En quelques heures, elle s’est déployée comme un bébé qui s’étire pour respirer pour la première fois et a tourné au vert profond et vif. Nous étions en admiration. Lorsque j’ai demandé à Lyndon ce qui se passait, il a touché le bord qui se déployait encore et a expliqué que le système vasculaire de cette plante n’est pas comme celui des autres plantes : « Il est fabriqué différemment. Il est fait pour revivre. »

Les jardiniers comme Lyndon ont un sens plus nuancé de ce qui est vivant et de ce qui est mort. Un arbre qui tombe sur le sol de la forêt peut porter plus de vie dans sa mort que lorsqu’il était vivant. La biomasse d’un arbre mort devient l’hôte d’un réseau de bactéries, de champignons, de plantes, d’insectes et d’animaux, et même l’espace vide qu’il laisse dans la canopée de la forêt permet d’alimenter les nouvelles pousses de la prochaine génération en croissance. Les graines et les bulbes sont plus prometteurs pour l’avenir que les plantes vieillissantes qui les ont produits. Ce qui est mort, sans sève, et qui s’envole dans un jardin peut être la matière d’une nouvelle vie l’année prochaine. En fait, certaines graines ne s’ouvrent et ne germent même qu’après le passage d’un incendie de forêt : c’est un mystère déconcertant qui enchevêtre deuil et espoir en un nœud que seule la patience peut dénouer.

Le mystère que porte l’Église est analogue, et une imagination réenchantée devrait pouvoir discerner ce qu’elle a toujours été. L’histoire de l’Église met en scène le sens cruciforme de notre vie. Il n’y a rien d’étonnant à ce que la communauté de Dieu connaisse des renaissances à travers les rythmes saisonniers de l’enfouissement de la semence et de son émergence sous forme revivifiée. Ésaïe 41 parle de la soif d’un peuple de Dieu abreuvé de poussière, évoquant à bien des égards ces buissons tournoyant dans le désert — détachés, fragiles et incertains — et cette image évoque aussi notre propre incertitude. Pourtant, un espoir résonne, qu’Eugène Peterson traduit ainsi : « Je t’ai choisi. Je ne t’ai pas laissé tomber. Ne panique pas. Je suis avec toi. » (Ésaïe 41.9-10 The Message)

L’Église se rabougrit parfois lorsqu’elle n’est pas en mesure de croître, mais reprend ses couleurs lorsqu’elle redécouvre la source de sa vie. D’après mon expérience, l’Église a été créée pour prospérer sous deux conditions que Jésus a définies pour nous : l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Si l’Église n’est pas enracinée dans ces conditions saines, elle se rétractera et pourra paraître desséchée et fragile, jusqu’à ce qu’elle retrouve son enracinement dans ces réalités. J’y vois une forme de « soupape de sécurité » de l’Église ; lorsqu’elle n’est pas enracinée dans ce pour quoi elle a été créée, elle ne peut pas prospérer, même si elle présente un vernis de croissance et de succès. Une Église qui n’aime pas son prochain peut-elle vraiment être appelée une Église ? Elle contient à la fois le mécanisme permettant sa contraction et le système vasculaire qui assurera sa renaissance. C’est une bonne nouvelle. Il en va en tout cas ainsi de la « mousse de résurrection ». Au lieu de mourir, elle ferme boutique, s’éteint et attend patiemment.

Deux hommes contemplant la luneCaspar David Friedrich/Wikimedia Commons
Deux hommes contemplant la lune

Le poète Malcolm Guite saisit quelque chose de cette errance au gré des vents du buisson déraciné, offrant les mots de son « Éloge de la décomposition » (« In praise of decay ») :

Tant de choses sont mortelles dans la brillante nouveauté,
Plastique persistant étouffant notre vie,
Décharge des vanités de chaque ego,
Où poison et possession s’accumulent encore.

Louez-Le donc dans ce qui est vieux et se décompose,
Dans la chute des feuilles d’or pâle qui perdent leur forme et leur contour,
Dans le compost tacheté, bruissant et riche,
Dont la substance vitale est encore en cours de déploiement.

[…]

Priez pour que nous apprenions les arts perdus de notre passé,
Les arts du lâcher-prise et des semailles,
Que les secrets des plus petits et des plus faibles
Puissent nous sauver des choses terribles qui durent.

L’auteur-compositeur-interprète canadien Steve Bell a écrit une chanson du même titre en s’inspirant de ce thème, dans laquelle il médite ainsi :

Peut-être n’est-ce pas si mal que les choses se décomposent,
que les vagues de l’océan s’avancent et se retirent,
que la lumière monte puis décline à la fin du jour,
que les cœurs qui battent puissent s’arrêter puis repartir.

Comme pasteur de la paroisse de la Lake Ridge Community Church à Chestermere, en Alberta, et aumônier de la Gendarmerie royale du Canada dans ma ville, mon travail consiste à guetter la présence de Dieu au milieu des rythmes saisonniers fragiles de la vie et de ses pertes. Je rassemble et essaie de tenir tendrement entre mes mains le vécu parfois sec et rabougri de mes prochains, pour m’étonner avec eux de la possibilité de la vie. Y aurait-il du vert ici ? Y a-t-il un espoir de résurrection après tout ce que nous avons vu ? Le cynisme, la peur, l’anxiété et la colère affleurent sans cesse dans cette recherche ; tels sont les outils que nous sommes tentés de prendre en main lorsque nous sommes confrontés à un grand chagrin. Les humains que nous sommes avons en nous l’instinct divin de résister contre les ténèbres, mais nos instruments de colère ne tracent pas dans le sol les sillons de l’espoir. La vie ne vient pas par la force.

Jésus, en sortant de la tombe, a été pris pour un jardinier. C’est mon histoire préférée. « Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? Pensant que c’était le jardinier, elle lui dit : Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et moi, j’irai le prendre. Jésus lui dit : Marie ! Elle se retourna et lui dit en hébreu : Rabbouni ! »

J’aime entrer dans ce moment d’intimité de Jean 20 parce que Jésus y rencontre un monde brisé, effondré sur lui-même, sous le choc de sa mort sur la colline du Golgotha. Là, un peu plus bas que celle-ci, apparaît le premier acte d’amour de Jésus après la résurrection : le voici en train de jardiner. Celui qui racontait des histoires de semence et de mauvaises herbes, qui était là au commencement du monde, est en train de s’affairer dans le jardin d’un cimetière, les ongles repoussant le gravier, dégageant l’espace et s’interrogeant sur la croissance, comme tout jardinier à l’habitude de le faire. Jésus, les mains appuyées dans la poussière de ce monde qu’il aime, offre pour moi l’image la plus belle et la plus prometteuse pour la vie de l’Église.

Ces dernières semaines, mes mains ont ouvert des portes pour des personnes qui se rendaient en prison, ont reçu avec précaution un nœud coulant fait maison finalement abandonné dans les larmes, et ont tenu les mains d’une personne en attente d’une opération. J’ai également préparé des collations pour les enfants du quartier, versé des litres de café à des personnes qui avaient des histoires à partager, et feuilleté des documents lors d’une énième réunion de comité. Nous sommes fragiles, limités et incertains, déracinés et à la recherche d’eau, mais nous découvrons ici que nous sommes faits d’autre chose. Nos mains sont faites pour travailler au niveau du sol. Près du sol, là où se rencontrent la vie et la mort.

Les religions, les entreprises et les empires s’inquiètent de la mort. Ces structures licencient, embauchent, fusionnent et forcent un passage pour s’assurer de rester en vie. Jésus a été mis sur une croix par des gens qui pensaient qu’il représentait un trop grand risque pour leur vie. Mais il ne menaçait pas leur vie. Il leur offrait la vie véritable.

Nous marchons sur le chemin de Jésus. L’Église est faite pour la vie de résurrection, et pour se donner par amour à son prochain. Nous avons la certitude, fondée dans les profondeurs du Christ, qu’être dernier, perdu, usé et desséché ne sera pas notre fin. Devant le tombeau de Lazare, Jésus s’est approché de Marthe pour lui révéler le mystère de Pâques : « C’est moi qui suis la résurrection et la vie. Celui qui met sa foi en moi, même s’il meurt, vivra. » (Jn 11.25) Même dans la mort, nous vivrons. C’est ainsi que nous avons été créés.

Questions de réflexion :



1. La vie humaine est pleine de paradoxes, nous sommes à la fois fragiles et résistants, limités et éternels. Comment vivez-vous le paradoxe de ce que l’être humain que vous êtes est aussi fait à l’image de Dieu ? Comment l’incarnation, la mort et la résurrection de Jésus nous aident-elles dans ce domaine ?

2. L’auteur suggère qu’il y a une « soupape de sécurité » dans l’Église, que si elle ne vit pas comme prévu pour aimer Dieu et son prochain, elle restera en sommeil jusqu’à ce que les choses changent. De quelles manières l’Église a-t-elle été protégée dans l’histoire par cette capacité inhérente à se rétracter, à s’enraciner à nouveau, à se réformer et à reprendre vie ? Qu’en voyez-vous ?

3. L’auteur écrit que « certaines graines ne s’ouvrent et ne germent même qu’après le passage d’un incendie de forêt : c’est un mystère déconcertant qui enchevêtre deuil et espoir en un nœud que seule la patience peut dénouer ». Comment Jésus nous offre-t-il un modèle de cette patience qu’il nous invite à adopter ?

Preston Pouteaux est pasteur de la Lake Ridge Community Church à Chestermere, en Alberta, et auteur de plusieurs livres, dont The Bees of Rainbow Falls: Finding Faith, Imagination, and Delight in your Neighborhood.

Cet article fait partie de notre série « À l’aube d’une vie nouvelle » qui vous propose des articles et des réflexions bibliques sur la signification de la mort et de la résurrection de Jésus pour aujourd’hui.

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La lassitude du monde à Gethsémané

Il nous faut accepter que nous n’avons jamais réellement eu le contrôle des choses.

Christianity Today March 27, 2023
Illustration by Bethany Cochran / George Seurat / Wikimedia Commons

Puis il s’éloigna d’eux à la distance d’environ un jet de pierre, se mit à genoux et pria en disant : « Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe ! Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne. » – Luc 22.41-42

Je trouve que les Allemands ont un mot qui résume parfaitement un sentiment qui m’habite ces derniers temps. Ils l’appellent Weltschmerz, tandis que les Français parlent de mal du siècle. Bien qu’ils me soient étrangers, ces mots décrivent un sentiment très familier : une douleur mélancolique au creux de l’estomac lorsque je réalise que le monde n’est pas comme il devrait être, que l’égoïsme et la cupidité envahissent les nations, que les humains sont capables d’actes de violence indescriptibles les uns envers les autres, que les choses les plus terribles peuvent se produire sans cause ni raison.

Aujourd’hui, je me suis tenue assise aux côtés d’une amie dont la fille est morte l’année dernière à l’âge de 11 jours. La mort d’un enfant est une douleur si insupportable qu’il est terrifiant de regarder ce chagrin dans les yeux, même de loin. Le fait que nous vivions dans un monde où une telle chose peut se produire suscite un malaise qui affleure à la surface pour beaucoup d’entre nous. Weltschmerz décrit cette prise de conscience, une sorte d’épiphanie où nous entrons en résonance avec ce que le philosophe Frederick C. Beiser définit comme « un sentiment de lassitude ou de tristesse à propos de la vie, découlant d’une conscience aiguë du mal et de la souffrance ».

Peut-être ce sentiment était-il plus facile à ignorer par le passé, lorsque les bannières des chaînes d’information câblées et les alertes des médias sociaux n’envahissaient pas nos espaces sécurisés. Pour beaucoup d’entre nous, le mal est désormais omniprésent et l’ombre de cette lassitude du monde peut grandir jusqu’à nous enserrer d’une manière qui n’était pas envisageable auparavant.

Comme de nombreux autres jeunes de la génération Y, j’ai été saisie par le sentiment aigu que le monde va de plus en plus mal et qu’une catastrophe se profile à chaque coin de rue. Des catastrophes climatiques à la polarisation, en passant par l’agitation politique et l’incertitude économique, nous avons été contraints de faire face à notre propre impuissance.

Je suis quelqu’un qui aime réparer les choses. Si je vois un problème ou si je suis témoin de la souffrance de quelqu’un, je ne peux pas m’empêcher d’essayer d’intervenir. Je suis devenue accro à l’approbation que l’on reçoit en jouant au héros. Mais une partie de l’inconfort du Weltschmerz consiste justement à prendre conscience que je ne peux pas réparer tout ce qu’il y a de brisé dans ce monde. Je suis soumise à cette précarité, incapable de m’en détacher. Offrir la plénitude à ce monde excède mes possibilités.

En cette période de carême qui nous mène à Pâques, je crois qu’il nous faut accepter que nous n’avons jamais réellement eu le contrôle des choses. Nous avons besoin de renoncer à une confiance en soi qui nous laisse à tort penser que nous pourrions être en mesure de réparer le monde au lieu de nous en remettre à Dieu, le seul capable d’arranger les choses. Comme l’écrit Saint-Augustin dans ses Confessions : « Mais vous, Seigneur, providence du ciel et de la terre, qui faites dériver à votre usage le lit profond du torrent et réglez le cours turbulent des siècles, même de la fureur d’une âme, vous avez apporté la guérison à une autre. »

Et pourtant, malgré la toute-puissance de Dieu, Jésus a pleuré. Le Dieu incarné, entré dans l’humanité, se tient à nos côtés lorsque nous rendons témoignage de la douleur et de la souffrance de ce monde. En ce temps de carême, nous nous souvenons de l’arrivée de Jésus à Béthanie les jours précédant sa mort, où Marthe et Marie sont dans la détresse, lui en voulant d’avoir laissé mourir leur frère Lazare. Jésus se tient avec elles dans leur tourmente émotionnelle et fait sienne leur douleur. Il pleure avec elles. Et dans le jardin de Gethsémané, lorsque Jésus supplie que lui soit enlevée la coupe de la souffrance et de la mort, il est dans une telle angoisse que sa sueur tombe comme des gouttes de sang. Non pas des larmes polies et contenues, mais un tourment qui monte du fond de son âme. C’est un Dieu qui pleure, un Dieu qui pleure de la manière la plus repoussante. Dieu connaît intimement la douleur du Weltschmerz.

Comment alors vivre en sachant que le monde n’est pas comme il devrait être, que nous ne sommes pas omnipotents, mais que Dieu l’est ? Peu de gens l’ont dit mieux que Fred Rogers, l’animateur d’une célèbre émission pour enfants : « Je suis assez convaincu que le royaume de Dieu est pour les cœurs brisés. Vous parlez d’« impuissance ». Bienvenue au club, nous n’avons pas le contrôle. C’est Dieu qui est au contrôle. »

On pourrait nous pardonner de répondre par l’apathie à cette lassitude du monde, de céder avec un haussement d’épaules à l’idée que « tout est vanité », comme on le lit dans l’Ecclésiaste. Mais nous savons que l’injustice du monde sera redressée par la venue du royaume de Dieu. Nous savons que nous ne devons pas nous affliger comme ceux qui n’ont pas d’espérance (1 Th 4.13).

Reconnaissant que nous vivons entre le déjà et le pas encore du royaume de Dieu, nous nous accrochons à notre espérance eschatologique que toutes choses seront faites nouvelles. Après la crucifixion de Jésus vient sa résurrection. La lumière fait irruption dans l’obscurité. Le voile de la souffrance, de l’obscurité et du désespoir est déchiré en deux.

En mettant fin à l’autosuffisance et à la confiance en nos propres forces qui nous laissent croire que nous sommes les seuls à pouvoir réparer les brisures de ce monde, en nous abandonnant à quelque chose — ou quelqu’un — de plus grand, nous échapperons à l’apathie stérile de ceux qui n’ont pas d’espoir. Jésus, dans le jardin, prie encore au milieu de sa douleur et de son angoisse. Jésus ne renonce pas à cette relation.

La mère de l’artisteGeorge Seurat/Wikimedia Commons
La mère de l’artiste

Dieu est aux commandes, mais nous pouvons aussi jouer notre rôle. Plutôt que de nous abandonner au Weltschmerz, nous pouvons répondre présent au Dieu qui nous invite à collaborer à la construction de son royaume. Au lieu d’être paralysés par l’inaction et l’apathie, nous pouvons faire quelque chose — même la plus petite des choses — pour offrir à notre monde des lueurs de plénitude, de shalom.

Mon amie qui a vécu la mort tragique de sa petite fille l’année dernière a choisi de faire quelque chose plutôt que de se résigner à l’apathie existentielle que peut susciter une telle perte. Elle et son mari ont collecté des milliers de dollars pour l’hôpital où leur fille est décédée, qui serviront à financer des chambres dans lesquelles d’autres parents pourront séjourner pendant les premiers jours d’hospitalisation de leur enfant.

C’est à cela que ressemble l’espoir face à la lassitude du monde. Des prières ferventes au sein de l’angoisse du jardin de Gethsémané. L’action au lieu de l’apathie, l’amour au lieu de la haine, la prière au lieu du silence, et finalement la reconnaissance que, malgré la douleur familière du Weltschmerz qui affleure juste sous la surface, nous pouvons choisir l’espoir au lieu du désespoir, grâce à ce que Christ a fait sur la croix. Pour reprendre les mots de Jésus : « Je vous ai dit cela afin que vous ayez la paix en moi. Vous aurez à souffrir dans le monde, mais prenez courage : moi, j’ai vaincu le monde. » (Jn 16.33)

Questions de réflexion :



1. Le concept de

Weltschmerz

— « un sentiment de lassitude ou de tristesse à propos de la vie, découlant d’une conscience aiguë du mal et de la souffrance » — vous est-il familier ? Quand l’avez-vous le plus ressenti ?

2. À quoi pourrait ressembler concrètement le fait de s’abandonner à la souveraineté de Dieu au milieu de la souffrance que vous traversez ?

3 Pendant le carême, comment pourriez-vous prendre part à des actes de bonté ou de service aux autres qui pourraient apporter de la lumière dans les ténèbres ou démontrer la réalité du royaume de Dieu ?

Chine McDonald est écrivaine, contributrice radio et autrice de God Is Not a White Man: And Other Revelations. Elle est directrice de Theos, le principal groupe de réflexion britannique sur la religion et la société.

Cet article fait partie de notre série « À l’aube d’une vie nouvelle » qui vous propose des articles et des réflexions bibliques sur la signification de la mort et de la résurrection de Jésus pour aujourd’hui.

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Venezuela : « l’âme évangélique n’est pas à vendre. »

Et autres nouvelles des chrétiens à travers le monde.

Le président du Venezuela Nicolás Maduro

Le président du Venezuela Nicolás Maduro

Christianity Today March 27, 2023
Getty/Carolina Cabral

Le président Nicolás Maduro récompense les Églises évangéliques qui le soutiennent en leur accordant des fonds publics pour la rénovation de leurs bâtiments. Le Conseil évangélique du Venezuela, membre de l’Alliance évangélique mondiale, a publié une déclaration critiquant ce mécanisme de donnant-donnant et prenant ses distances avec le Mouvement chrétien évangélique pour le Venezuela (MOCEV) qui s’est étroitement allié au président Maduro. « Nous sommes opposés à ce que les activités cultuelles soient mises au service de la publicité des fonctionnaires ou des représentants publics », a déclaré ce conseil. « L’âme évangélique n’est pas à vendre. Elle a déjà été rachetée à un prix infini. »

Brésil : Des évangéliques liés à l’insurrection

Quatre pasteurs évangéliques figuraient parmi les 1 800 personnes arrêtées par la police lors de l’émeute qui a eu lieu dans la capitale brésilienne le 8 janvier dernier. Les manifestants affirmaient sans preuve que la courte défaite électorale du président Jair Bolsonaro relevait d’une fraude et exigeaient que les militaires chassent le nouveau président élu Luiz Inácio Lula da Silva. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent des émeutiers en train de prier, de chanter des cantiques et de crier « Le Brésil appartient au Seigneur Jésus ! ». Selon un sondage, 64 % des évangéliques brésiliens seraient favorables à un coup d’État militaire.

États-Unis : Des panneaux solaires subventionnés pour les Églises

Le gouvernement fédéral accorde un crédit d’impôt de 30 % aux organisations à but non lucratif qui installeront des systèmes d’énergie solaire entre 2023 et 2032, y compris les Églises et les ministères chrétiens. Depuis 2006, des crédits d’impôt ont permis le développement des énergies renouvelables aux États-Unis. En 2020, autour de 3,7 % des maisons familiales américaines et 1,6 % des entreprises étaient équipés d’installations solaires. La loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act) étend et élargit l’incitation aux organisations qui ne paient pas d’impôts.

Nigeria : Un pasteur accusé de s’être enlevé lui-même à deux reprises

Un pasteur de l’Église évangélique Winning All a été arrêté, accusé d’avoir simulé son propre enlèvement à deux reprises. Albarka Bitrus Sukuya du quartier de Jenta Apata dans la ville de Jos, aurait collecté une rançon de 400 000 nairas (environ 900 dollars) auprès de sa communauté à la mi-novembre 2022, mais a éveillé les soupçons en organisant un deuxième enlèvement avec une deuxième demande de rançon 15 jours plus tard. Interrogé par la police, Sukuya a avoué et a également admis avoir mis le feu aux véhicules d’un autre pasteur. Des membres de l’Église ont déclaré que cette révélation les avait amenés à se méfier des pasteurs, mais qu’elle avait renforcé leur confiance dans le pouvoir de la prière. Au moment de la première demande de rançon, ils avaient prié pour que les secrets des ravisseurs soient révélés.

Kenya : Les vêtements féminins suscitent des polémiques

Des responsables chrétiens du Kenya débattent des codes vestimentaires au sein des Églises après qu’une Église catholique du sud de Nairobi ait publié des affiches mentionnant des vêtements interdits, notamment des jeans troués, des shorts, des jupes au-dessus du genou, des tissus transparents et des talons hauts. Les méthodistes et les Églises du Christ déclarent avoir institué des règles similaires, un pasteur affirmant que l’intervention était nécessaire parce que les femmes en minijupe s’asseyaient de manière inappropriée au premier rang. Un imam renommé attribue ces libertés vestimentaires aux influences occidentales. « Nous ne nous sentons pas à l’aise avec la culture occidentale », a-t-il déclaré. « La nudité […] est le tremplin vers toutes sortes d’abominations et de maux. »

Suède : La hausse des loyers menace une librairie protestante.

La seule librairie protestante de Stockholm est menacée de fermeture après quatre décennies de présence dans la capitale. Proklama avait ouvert ses portes dans les années 1970 et était dirigée par de jeunes évangélistes qui étaient rentrés en Suède après des missions à l’étranger et qui étaient frustrés par le manque d’accès à la littérature chrétienne. Le propriétaire augmente le loyer de 21 000 couronnes (environ 2 000 dollars) par mois.

Pays-Bas : Le chef du Parlement se retire

Un éminent évangélique démissionne de la direction du parti ChristenUnie et se retire du parlement après 10 ans : « J’ai donné ce que j’avais à donner. » Gert-Jan Segers a été missionnaire et journaliste radio évangélique avant de se présenter aux élections en tant que représentant d’un parti cherchant à perpétuer l’héritage du réformé néerlandais Abraham Kuyper. Segers s’est battu pour obtenir un soutien accru aux personnes âgées et une meilleure prise en charge des femmes qui quittent la prostitution.

Ukraine : Un pentecôtiste accusé de soutenir le terrorisme russe

L’Ukraine a sanctionné un dirigeant pentecôtiste russe pour « soutien à la terreur et à une politique génocidaire » sous « l’apparence de la spiritualité ». Sergey Ryakhovsky, évêque de l’Association russe des chrétiens de la foi évangélique (pentecôtiste), avait des liens étroits avec les Églises ukrainiennes avant la guerre, mais il a provoqué la colère en reprenant les justifications de Vladimir Poutine pour l’invasion et en recommandant aux chrétiens d’éviter tout commentaire sur le conflit.

Turquie : Le tremblement de terre a détruit Antioche

La partie la plus ancienne de la ville d’Antakya, où les disciples de Jésus ont été appelés pour la première fois « chrétiens » (Actes 11.26), a été complètement détruite par les deux violents tremblements de terre qui ont frappé le pays. Plus de 6 000 bâtiments se sont effondrés en Turquie et un nombre indéterminé a été endommagé en Syrie. À la fin des deux premières semaines de missions de recherche et de sauvetage, le nombre de morts avait dépassé les 47 000. La région se trouve à la jonction de trois plaques tectoniques et peu de bâtiments peuvent résister à des tremblements de terre de magnitude 7,8 et 7,5. « J’ai perdu mes amis », déclarait un propriétaire d’hôtel au New York Times. « J’ai perdu les bâtiments où je mangeais et buvais avec mes amis. J’ai perdu tous mes souvenirs. »

Israël : La communauté chrétienne s’agrandit

La population chrétienne d’Israël a atteint environ 182 000 personnes, selon un rapport de recensement du bureau gouvernemental des statistiques. Les chrétiens représentent 1,9 % des citoyens. Près de 13 000 d’entre eux vivent à Jérusalem, mais les communautés chrétiennes les plus importantes se trouvent à Nazareth (21 100) et à Haïfa (16 700). Plus de trois quarts des chrétiens sont arabes. L’Église catholique grecque de rite byzantin est la plus importante, mais on estime à 20 000 le nombre de juifs messianiques, à 7 000 le nombre d’anglicans et à 900 le nombre de baptistes. Cependant, peu d’entre eux sont des convertis d’autres religions. Tous les chrétiens d’Israël, à l’exception d’un pour cent d’entre eux, ont été élevés dans des foyers chrétiens.

Mongolie : Ordination de deux femmes comme anciens méthodistes

L’Église méthodiste unie a nommé ses deux premiers anciens locaux en Mongolie, 20 ans après l’envoi de premiers missionnaires coréens dans le pays. L’évêque Jeremiah Park a imposé les mains à deux femmes nommées Munkhnaran et Urjinkhand, les ordonnant au ministère. Munkhnaran a entendu parler de Jésus pour la première fois lors d’une mission médicale où les médecins lui ont dit qu’ils ne pouvaient pas guérir sa maladie chronique. Aujourd’hui, elle déclare : « Je remercie Dieu pour ma mauvaise santé, car elle me permet de m’en remettre entièrement à la puissance de Dieu. » Urjinkhand, concierge d’une Église, a été appelée au ministère dans deux rêves où des moutons la suivaient en bêlant. Seuls 2 % des Mongols sont chrétiens, mais les missionnaires coréens espèrent que l’urbanisation croissante créera davantage d’occasions de partager l’Évangile.

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Ma dernière cène avec la famille de Dieu

En réponse à notre faiblesse, le Christ nous présente son dernier repas.

Calice de Saint Jean l’Évangéliste

Calice de Saint Jean l’Évangéliste

Christianity Today March 22, 2023
Hans Memling/Claude Monet/National Gallery of Art Open Access /Adaptations par Christianity Today

Et tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ, et qui nous a donné le ministère de la réconciliation. Car Dieu était dans le Christ, réconciliant le monde avec lui-même. – 2 Corinthiens 5.18-19

La dernière fois que j’ai pris le pain et la coupe, c’était le mercredi des Cendres 2020. On sentait déjà dans la salle une tension accumulée au fil d’années de politique américaine mêlée à de la religion, et nous n’étions qu’au début d’un cycle électoral qui devait être marqué par une pandémie, une insurrection et une confrontation nationale avec le suprémacisme blanc.

Au fil des crises vécues ces dernières années, beaucoup ont appris ce que cela fait d’avaler un morceau de pain et un peu de jus de fruit tout en faisant l’inventaire mental des choses qui vous déplaisent dans la vie du corps du Christ. Si cela ne vous est jamais arrivé, j’en suis heureuse pour vous. Si, comme moi, vous avez vu vos relations se tordre sous le poids des confrontations raciales, de la vie en temps de pandémie et des amertumes d’une culture politiquement polarisée, vous avez peut-être aussi besoin d’un peu d’aide pour maintenir une attitude de prière jusqu’à la fin de ces temps de repas du Seigneur.

Voici ce que je fais souvent : je regarde la pièce et j’imagine que je suis en train de jouer une version contemporaine de l’histoire de Joseph dans la Genèse. Joseph naît dans une famille choisie par Dieu, puis est expulsé de la maison et vendu comme esclave par ses frères jaloux. Lorsque je suis à l’Église et que j’essaie de sublimer ma colère, je me demande qui, ici, sur ces bancs, pourrait jouer le rôle de Joseph. Et qui jouerait le rôle de sa perfide fratrie ?

M’étant sentie lésée par de larges pans de l’Église de mon pays, je me vois généralement comme Joseph. Mon histoire récente avec la famille de Dieu implique des communautés de foi idéologiquement divisées et des tentatives de réconciliation entre groupes ethniques débouchant sur un embrasement qui a ruiné mes relations. J’en suis arrivée à rester chaque dimanche matin chez moi à écouter de la musique pour cœurs brisés. J’aime me présenter comme une protagoniste incomprise d’un récit — vrai à bien des égards — où les chrétiens occidentaux rejettent l’appel à la justice biblique, laissant les croyants de couleur en dehors de leur cercle familial.

Ce n’est pas la seule façon dont je pourrais raconter l’histoire, ni la seule façon dont elle pourrait être présentée. Un autre récit de ces mêmes années mettrait en scène des communautés fragiles qui luttent contre une pandémie, la difficulté évidente d’aborder des sujets historiquement délicats et un groupe de personnes bien intentionnées qui sous-estiment simplement le coût du travail de rétablissement de la justice. Dans ce récit — également vrai — l’Église n’est pas un brasier, mais un tison fumant qui tente de survivre aux vents changeants du temps et de la culture.

Ces dernières années de bouleversements politiques et personnels m’ont poussée à plusieurs reprises à chercher du réconfort dans la Bible. J’aimerais que ce soit elle qui ordonne ma réflexion sur ce moment de notre culture, ce qui signifie généralement que je veux qu’elle clarifie pour moi où se trouvent mes amis et où se trouvent mes ennemis. En Amérique, où nous invoquons souvent les Écritures pour présenter la politique comme une confrontation apocalyptique entre le bien et le mal, il s’agit d’une approche courante de la Parole de Dieu. Malheureusement pour ceux d’entre nous qui aimeraient nourrir leurs rancunes, une exposition prolongée à la Bible brouille ces catégories.

Plus vous réfléchissez à la vie de Joseph, plus il est difficile de diviser les personnages — tant dans l’histoire que dans votre propre vie — en groupes moralement distincts. Joseph, qui me semble héroïque dans sa jeunesse, commence à paraître déplaisant à l’âge mûr. Il émerge de ses épreuves devenu gouverneur d’Égypte. C’est sous ces traits qu’il rencontre sa famille qui cherche de l’aide pendant une période de famine. Il les reconnaît, mais eux ne le reconnaissent pas, et il en profite pour régler ses comptes.

Joseph cache sa coupe de divination en argent dans un sac de grains et la donne à ses frères. Comme il s’y attend, ils la trouvent sur le chemin du retour, anticipent les accusations de vol et craignent pour leur vie. Les frères reviennent à plat ventre, et Joseph fait semblant de ne pas s’émouvoir de leurs supplications. Le héros de l’histoire semble adopter un comportement malveillant, utilisant son statut de haut dignitaire dans un empire violent pour tourmenter sa famille. Si, comme moi, vous vous étiez initialement attribué le rôle de Joseph, c’est peut-être le moment où vous reconsidérerez votre décision.

À mesure que l’histoire avance vers son dénouement, il devient de plus en plus difficile de distinguer les personnages qui sont censés être bons de ceux qui sont censés être mauvais. Au moment de rendre la coupe, c’est Juda, le frère de Joseph, qui est le premier à confesser les fautes commises dans la vie de leur famille : un fils perdu, un père en deuil, une famille défigurée par des décennies de souffrance. Joseph ne peut garder son sang-froid et se met à pleurer, révélant ainsi sa véritable identité. Les frères, impitoyables et violents dans leur jeunesse, sont devenus plus humbles avec l’âge, et leur repentir ouvre la possibilité d’une réconciliation à la fin de l’histoire.

Nature morte avec une bouteille, une carafe, du pain et du vin.Claude Monet/National Gallery of Art Open Access
Nature morte avec une bouteille, une carafe, du pain et du vin.

Pour ceux d’entre nous qui en ont assez de la complexité et des difficultés à naviguer dans une époque changeante, ce résultat est décevant. Dans mon obsession pour l’histoire de Joseph, j’aurais aimé pouvoir utiliser la Bible pour me dire qui blâmer pour certains échecs continus de l’Église.

Le soir où j’ai pris la cène pour la dernière fois, notre communauté a lu le passage habituel pour l’occasion : « le Seigneur Jésus, dans la nuit où il allait être livré, prit du pain ; après avoir rendu grâce, il le rompit et dit : “C’est mon corps, qui est pour vous ; faites ceci en mémoire de moi.” » (1 Co 11.23-24)

J’avais pris part à ce rassemblement dans l’espoir d’un signe que mes relations pourraient se rétablir de ce qui semblait alors être une quantité insoutenable de désaccords politiques et religieux, mais ces mots n’étaient pas réconfortants. Ils m’ont amenée à me demander si Jésus n’offrirait pas aussi ce repas de communion qui nous encourage comme un avertissement. Qui vous offre sa chair et son sang comme nourriture à moins qu’il ne pense que vous allez avoir besoin de toute l’aide disponible ?

Avant de marcher vers la croix, Jésus commande à ses disciples de s’aimer les uns les autres et de demeurer en lui, un commandement simple, auquel il paraît impossible d’obéir. Il anticipe cependant la difficulté, comprenant que la soif d’avoir raison, la soif d’être du côté des gagnants — quelles que soient les soifs qui animent nos petites manigances — nous incitera tous à découper son corps et à nous brutaliser les uns les autres. En réponse à notre faiblesse, il présente un repas surnaturel offert à ceux d’entre nous qui tentent de faire ce qu’il a demandé. Ce repas nous a été donné à un prix qui correspond à l’ampleur de notre besoin, nous rassasiant en même temps qu’il nous met à nu.

À la fin de cette rencontre, je sanglotais. Assurément, nous avons du mal à nous entendre. Le repas du Seigneur découle du fait qu’aucun de nous n’a la force de réparer les blessures que nous nous infligeons mutuellement. Après que les relations difficiles au sein de mon Église se soient finalement dissolues dans les secousses de 2021, je me réveillais parfois la nuit en pensant au rôle que j’ai aussi joué dans leur destruction.

Je pense aussi à ce qui vient après la coupe et le grain, le pain et le vin. Pour Jésus, cela a été la crucifixion. Et pour certains de ses disciples, un passage par les lieux où son corps a été brisé. C’est ce dernier ensemble de personnages qui me revient aujourd’hui à l’esprit chaque dimanche, maintenant que j’ai recommencé à aller à l’Église, où je m’assieds généralement au fond de la salle, un café et un beignet à la main, et où je mange lentement, en attendant la résurrection.

Questions de réflexion :



1. Quelles sont les personnes de votre Église locale ou de l’Église en général que vous trouvez les plus répréhensibles, problématiques ou menaçantes ?

2. Dans quelle mesure votre regard sur elles est-il influencé par les habitudes de ce monde ? De quelle manière pourriez-vous inviter le Saint-Esprit à affiner votre compréhension de ces personnes ?

3 Quel pas pourriez-vous faire, avec l’aide du Saint-Esprit, pour prendre part au ministère de réconciliation du Christ au sein de votre communauté locale ?

Yi Ning Chiu est une écrivaine basée dans la baie de San Francisco. Ses reportages et articles ont été publiés dans Relevant Magazine, Teen Vogue et Ekstasis.

Cet article fait partie de notre série « À l’aube d’une vie nouvelle » qui vous propose des articles et des réflexions bibliques sur la signification de la mort et de la résurrection de Jésus pour aujourd’hui.

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