Vivant(s) au bout du compte !

Jésus, en sortant de la tombe, a été pris pour un jardinier. C’est mon histoire préférée.

Christianity Today March 27, 2023
Illustration by Bethany Cochran

Je ferai jaillir des fleuves le long des pistes, des sources au milieu des vallées ; je changerai le désert en étang et la terre desséchée en sources. — Ésaïe 41.18

C’est souvent lorsque les conditions semblent les plus humides et sombres, lorsque la pluie est tombée et que la patience est à bout, que les pousses vertes de la vie nouvelle commencent à émerger. La graine morte et enterrée, par-delà sa décomposition, conduit à une multiplication de la vie.

Je tenais dans ma main un paquet de matière végétale desséchée et je regardais mon ami qui venait de me le donner. « Qu’est-ce que c’est ? » Tout en posant ma question, je retournai la chose pour voir des morceaux de terre encore secs sur des brindilles qui semblaient avoir été des racines. Lyndon Penner, un cher ami qui a écrit divers livres sur le jardinage dans les conditions extrêmes des prairies canadiennes, regarda cette masse craquelante et sourit. « C’est un secret », dit-il, « c’est vivant, et c’est mon cadeau pour toi. » Cela n’avait pas l’air vivant. Je serrai cet ensemble de tiges et, malgré la sécheresse apparente, rien ne s’en effrita — un indice que tout n’était pas comme on aurait pu le croire.

On l’appelle parfois « fausse rose de Jéricho ». Lorsque les conditions se dégradent, cette plante de la famille des sélaginellacées se dessèche, se rétrécit, se détache du sol et s’enroule en une boule de la taille d’une balle de baseball. Elle n’a alors plus rien de vert et, pour mon œil non averti, semble parfaitement morte. Si certains l’appellent « fleur de pierre » (on la trouve d’ailleurs dans notre magasin de pierres précieuses local), on l’appelle aussi « mousse de résurrection ». En effet, même après plusieurs années de sécheresse, elle révélera un secret.

Nous avons rassemblé nos filles autour d’une petite assiette remplie d’eau et nous avons placé ce petit virevoltant brun à l’intérieur. « Versez un peu d’eau sur le dessus, aussi. Faites-lui savoir qu’elle peut se réveiller en toute sécurité », a suggéré Lyndon. En quelques heures, elle s’est déployée comme un bébé qui s’étire pour respirer pour la première fois et a tourné au vert profond et vif. Nous étions en admiration. Lorsque j’ai demandé à Lyndon ce qui se passait, il a touché le bord qui se déployait encore et a expliqué que le système vasculaire de cette plante n’est pas comme celui des autres plantes : « Il est fabriqué différemment. Il est fait pour revivre. »

Les jardiniers comme Lyndon ont un sens plus nuancé de ce qui est vivant et de ce qui est mort. Un arbre qui tombe sur le sol de la forêt peut porter plus de vie dans sa mort que lorsqu’il était vivant. La biomasse d’un arbre mort devient l’hôte d’un réseau de bactéries, de champignons, de plantes, d’insectes et d’animaux, et même l’espace vide qu’il laisse dans la canopée de la forêt permet d’alimenter les nouvelles pousses de la prochaine génération en croissance. Les graines et les bulbes sont plus prometteurs pour l’avenir que les plantes vieillissantes qui les ont produits. Ce qui est mort, sans sève, et qui s’envole dans un jardin peut être la matière d’une nouvelle vie l’année prochaine. En fait, certaines graines ne s’ouvrent et ne germent même qu’après le passage d’un incendie de forêt : c’est un mystère déconcertant qui enchevêtre deuil et espoir en un nœud que seule la patience peut dénouer.

Le mystère que porte l’Église est analogue, et une imagination réenchantée devrait pouvoir discerner ce qu’elle a toujours été. L’histoire de l’Église met en scène le sens cruciforme de notre vie. Il n’y a rien d’étonnant à ce que la communauté de Dieu connaisse des renaissances à travers les rythmes saisonniers de l’enfouissement de la semence et de son émergence sous forme revivifiée. Ésaïe 41 parle de la soif d’un peuple de Dieu abreuvé de poussière, évoquant à bien des égards ces buissons tournoyant dans le désert — détachés, fragiles et incertains — et cette image évoque aussi notre propre incertitude. Pourtant, un espoir résonne, qu’Eugène Peterson traduit ainsi : « Je t’ai choisi. Je ne t’ai pas laissé tomber. Ne panique pas. Je suis avec toi. » (Ésaïe 41.9-10 The Message)

L’Église se rabougrit parfois lorsqu’elle n’est pas en mesure de croître, mais reprend ses couleurs lorsqu’elle redécouvre la source de sa vie. D’après mon expérience, l’Église a été créée pour prospérer sous deux conditions que Jésus a définies pour nous : l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Si l’Église n’est pas enracinée dans ces conditions saines, elle se rétractera et pourra paraître desséchée et fragile, jusqu’à ce qu’elle retrouve son enracinement dans ces réalités. J’y vois une forme de « soupape de sécurité » de l’Église ; lorsqu’elle n’est pas enracinée dans ce pour quoi elle a été créée, elle ne peut pas prospérer, même si elle présente un vernis de croissance et de succès. Une Église qui n’aime pas son prochain peut-elle vraiment être appelée une Église ? Elle contient à la fois le mécanisme permettant sa contraction et le système vasculaire qui assurera sa renaissance. C’est une bonne nouvelle. Il en va en tout cas ainsi de la « mousse de résurrection ». Au lieu de mourir, elle ferme boutique, s’éteint et attend patiemment.

Deux hommes contemplant la luneCaspar David Friedrich/Wikimedia Commons
Deux hommes contemplant la lune

Le poète Malcolm Guite saisit quelque chose de cette errance au gré des vents du buisson déraciné, offrant les mots de son « Éloge de la décomposition » (« In praise of decay ») :

Tant de choses sont mortelles dans la brillante nouveauté,
Plastique persistant étouffant notre vie,
Décharge des vanités de chaque ego,
Où poison et possession s’accumulent encore.

Louez-Le donc dans ce qui est vieux et se décompose,
Dans la chute des feuilles d’or pâle qui perdent leur forme et leur contour,
Dans le compost tacheté, bruissant et riche,
Dont la substance vitale est encore en cours de déploiement.

[…]

Priez pour que nous apprenions les arts perdus de notre passé,
Les arts du lâcher-prise et des semailles,
Que les secrets des plus petits et des plus faibles
Puissent nous sauver des choses terribles qui durent.

L’auteur-compositeur-interprète canadien Steve Bell a écrit une chanson du même titre en s’inspirant de ce thème, dans laquelle il médite ainsi :

Peut-être n’est-ce pas si mal que les choses se décomposent,
que les vagues de l’océan s’avancent et se retirent,
que la lumière monte puis décline à la fin du jour,
que les cœurs qui battent puissent s’arrêter puis repartir.

Comme pasteur de la paroisse de la Lake Ridge Community Church à Chestermere, en Alberta, et aumônier de la Gendarmerie royale du Canada dans ma ville, mon travail consiste à guetter la présence de Dieu au milieu des rythmes saisonniers fragiles de la vie et de ses pertes. Je rassemble et essaie de tenir tendrement entre mes mains le vécu parfois sec et rabougri de mes prochains, pour m’étonner avec eux de la possibilité de la vie. Y aurait-il du vert ici ? Y a-t-il un espoir de résurrection après tout ce que nous avons vu ? Le cynisme, la peur, l’anxiété et la colère affleurent sans cesse dans cette recherche ; tels sont les outils que nous sommes tentés de prendre en main lorsque nous sommes confrontés à un grand chagrin. Les humains que nous sommes avons en nous l’instinct divin de résister contre les ténèbres, mais nos instruments de colère ne tracent pas dans le sol les sillons de l’espoir. La vie ne vient pas par la force.

Jésus, en sortant de la tombe, a été pris pour un jardinier. C’est mon histoire préférée. « Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? Pensant que c’était le jardinier, elle lui dit : Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et moi, j’irai le prendre. Jésus lui dit : Marie ! Elle se retourna et lui dit en hébreu : Rabbouni ! »

J’aime entrer dans ce moment d’intimité de Jean 20 parce que Jésus y rencontre un monde brisé, effondré sur lui-même, sous le choc de sa mort sur la colline du Golgotha. Là, un peu plus bas que celle-ci, apparaît le premier acte d’amour de Jésus après la résurrection : le voici en train de jardiner. Celui qui racontait des histoires de semence et de mauvaises herbes, qui était là au commencement du monde, est en train de s’affairer dans le jardin d’un cimetière, les ongles repoussant le gravier, dégageant l’espace et s’interrogeant sur la croissance, comme tout jardinier à l’habitude de le faire. Jésus, les mains appuyées dans la poussière de ce monde qu’il aime, offre pour moi l’image la plus belle et la plus prometteuse pour la vie de l’Église.

Ces dernières semaines, mes mains ont ouvert des portes pour des personnes qui se rendaient en prison, ont reçu avec précaution un nœud coulant fait maison finalement abandonné dans les larmes, et ont tenu les mains d’une personne en attente d’une opération. J’ai également préparé des collations pour les enfants du quartier, versé des litres de café à des personnes qui avaient des histoires à partager, et feuilleté des documents lors d’une énième réunion de comité. Nous sommes fragiles, limités et incertains, déracinés et à la recherche d’eau, mais nous découvrons ici que nous sommes faits d’autre chose. Nos mains sont faites pour travailler au niveau du sol. Près du sol, là où se rencontrent la vie et la mort.

Les religions, les entreprises et les empires s’inquiètent de la mort. Ces structures licencient, embauchent, fusionnent et forcent un passage pour s’assurer de rester en vie. Jésus a été mis sur une croix par des gens qui pensaient qu’il représentait un trop grand risque pour leur vie. Mais il ne menaçait pas leur vie. Il leur offrait la vie véritable.

Nous marchons sur le chemin de Jésus. L’Église est faite pour la vie de résurrection, et pour se donner par amour à son prochain. Nous avons la certitude, fondée dans les profondeurs du Christ, qu’être dernier, perdu, usé et desséché ne sera pas notre fin. Devant le tombeau de Lazare, Jésus s’est approché de Marthe pour lui révéler le mystère de Pâques : « C’est moi qui suis la résurrection et la vie. Celui qui met sa foi en moi, même s’il meurt, vivra. » (Jn 11.25) Même dans la mort, nous vivrons. C’est ainsi que nous avons été créés.

Questions de réflexion :



1. La vie humaine est pleine de paradoxes, nous sommes à la fois fragiles et résistants, limités et éternels. Comment vivez-vous le paradoxe de ce que l’être humain que vous êtes est aussi fait à l’image de Dieu ? Comment l’incarnation, la mort et la résurrection de Jésus nous aident-elles dans ce domaine ?

2. L’auteur suggère qu’il y a une « soupape de sécurité » dans l’Église, que si elle ne vit pas comme prévu pour aimer Dieu et son prochain, elle restera en sommeil jusqu’à ce que les choses changent. De quelles manières l’Église a-t-elle été protégée dans l’histoire par cette capacité inhérente à se rétracter, à s’enraciner à nouveau, à se réformer et à reprendre vie ? Qu’en voyez-vous ?

3. L’auteur écrit que « certaines graines ne s’ouvrent et ne germent même qu’après le passage d’un incendie de forêt : c’est un mystère déconcertant qui enchevêtre deuil et espoir en un nœud que seule la patience peut dénouer ». Comment Jésus nous offre-t-il un modèle de cette patience qu’il nous invite à adopter ?

Preston Pouteaux est pasteur de la Lake Ridge Community Church à Chestermere, en Alberta, et auteur de plusieurs livres, dont The Bees of Rainbow Falls: Finding Faith, Imagination, and Delight in your Neighborhood.

Cet article fait partie de notre série « À l’aube d’une vie nouvelle » qui vous propose des articles et des réflexions bibliques sur la signification de la mort et de la résurrection de Jésus pour aujourd’hui.

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