Congo : il a construit une université, abrité des réfugiés et œuvré pour la paix. Puis il a été arrêté.

En juin, le gouvernement de République démocratique du Congo a arrêté le théologien Lazare Sebitereko Rukundwa et le retient sans motifs d’inculpation.

Lazare Sebitereko Rukundwa plante un arbre en République démocratique du Congo.

Lazare Sebitereko Rukundwa plante un arbre en République démocratique du Congo.

Christianity Today July 11, 2023
Photo utilisée avec autorisation.

Le gouvernement de République démocratique du Congo retient prisonnier un responsable chrétien et ne divulgue aucune information sur son lieu de détention ou sur les faits qui lui sont reprochés. Lazare Sebitereko Rukundwa n’a pas accès aux soins et la Croix-Rouge n’a pas été autorisée à le voir, selon plusieurs personnes en lien avec la situation.

Son arrestation est intervenue après qu’un rapport des Nations unies ait indiqué qu’il aurait mené une campagne encourageant les membres de son groupe ethnique à prendre les armes. Avec un long passif d’engagement en faveur de la paix dans la région, il dément catégoriquement les accusations du rapport, qui, selon lui, est basé sur des accusations mensongères.

« Il est évident que le groupe d’experts de l’ONU a été induit en erreur par ses informateurs aux intentions malveillantes visant à ternir mon nom et à mettre ma vie en danger », écrit-il dans un communiqué. « Le partage des fausses informations est une arme qui détruit des vies innocentes. »

Après une précédente arrestation, Rukundwa avait été relâché en l’absence de preuves pour étayer les allégations contre lui. Mais certains responsables officiels se sont plaints et il a été à nouveau arrêté.

Rukundwa est président de l’université Eben-Ezer de Minembwe et a consacré sa vie à l’éducation, au développement et à l’autonomisation des Églises dans l’est du Congo. Il a également joué un rôle essentiel dans l’introduction de l’énergie solaire dans la région.

« Lazare est l’une des rares personnes dans ces montagnes à être respecté et aimé par-delà les divisions tribales, même dans les communautés en proie à des conflits et à des combats constants », raconte son ami de 25 ans, Freddy Kaniki.

Morgan Lee, éditrice responsable de CT Global, s’était entretenue avec lui avant son arrestation au sujet des défis auxquels sont actuellement confrontés les chrétiens au Congo et de l’espoir qu’il nourrit pour le changement.

Comment votre vie et votre travail ont-ils été influencés par les troubles persistants en République démocratique du Congo ?

Plus de 80 % de notre région a été ravagée et il ne reste que très peu d’endroits intacts. Il y a eu de nombreux massacres. Nous avons des conflits armés. Nous sommes confrontés à une crise humanitaire.

Le conflit qui dure depuis 2017 jusqu’à aujourd’hui est à 100 % le fruit de manipulations politiques et n’est devenu tribal que dans un second temps. Il a détruit des villages, du bétail et des récoltes et a poussé les gens à fuir leurs maisons. À partir de 2019, nous avons commencé à accueillir des milliers et des milliers de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays qui arrivaient dépourvues de tout soutien.

Nous avons transformé notre université en agence humanitaire et les Églises et les écoles en lieux d’hébergement pour ces personnes déplacées, et chaque maison est devenue un abri pouvant accueillir jusqu’à cinq familles. Nous avons partagé la nourriture, les vêtements et tout ce que nous avions.

Nous sommes allés discuter avec le gouvernement. J’ai rencontré le président, de nombreux ministres, des ambassadeurs et des agences humanitaires à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Nous sommes accrédités à Kinshasa, la capitale. Nous avons rédigé des rapports et envoyé des lettres pour demander de l’aide. Mais le gouvernement n’a pas aidé et les agences de l’ONU non plus. Personne n’a voulu venir aider.

Actuellement, nous n’entendons pas de voix prophétiques venant du terrain pour s’opposer à ce qui se passe. Nous entendons quelques voix, que ce soit dans les médias sociaux ou dans certaines Églises, mais nous ne voyons pas le corps du Christ s’adresser aux médias, utiliser la radio ou la télévision, ou même se rendre dans les régions touchées.

Où êtes-vous en RDC ?

Nous nous trouvons dans la partie orientale du Congo, à la frontière du Burundi, du Rwanda et de la Tanzanie. Avant la partition de l’Afrique, les populations se répartissaient sur l’ensemble de ces territoires. Le tracé des frontières nationales a donc divisé les familles entre ces pays.

Dans cet est du Congo, nous vivons à Minembwe, une région très montagneuse et très isolée. Nous sommes parmi les villages, dans un espace qui a été développé par les habitants eux-mêmes. Notre université se trouve en fait au milieu de tous ces villages. Là se retrouvent plusieurs tribus différentes, dont les Banyamulenge qui sont des Tutsis congolais, les Bembe, les Bafuliru, les Banyindu, les Bashi, et beaucoup d’autres petits groupes. C’est une région qui attire des personnes de différentes ethnies en raison de l’agriculture et de l’élevage.

Il est très difficile d’accéder à la zone. Il n’y a pas de routes et les moyens de communication sont très limités. Dans le passé, nous avions déjà de mauvaises routes, mais vers 2017, lorsque les guerres ont commencé, cela a encore limité le nombre de voitures qui arrivaient.

Aujourd’hui, le seul moyen dont nous disposons pour quitter la région est l’avion. Nous avons une petite piste d’atterrissage qui a été créée par des responsables d’Église et des missionnaires qui voulaient transporter des plaques de tôle ou du ciment pour construire des Églises ou des écoles.

Mon université a été la première à s’implanter dans la région, ce qui a été une véritable aventure. Mais bien sûr, quand personne ne fera les choses pour vous, vous devez vous lancer avec l’aide Dieu. À Minembwe, Dieu a travaillé avec les Églises, les ONG locales et les particuliers pour remplacer le gouvernement et apporter le développement souhaité.

Comment le christianisme est-il arrivé à Minembwe ?

Les missionnaires britanniques des Assemblées de Dieu sont arrivés les premiers dans la région, suivis par les Églises pentecôtistes suédoise et norvégienne et par les catholiques.

Les Banyamulenge, qui constituaient le groupe ethnique majoritaire de la région, ont été les derniers à se convertir au christianisme. Ils ont résisté jusqu’au début des années 50, lorsqu’un grand vent de renouveau s’est levé et qu’ils ont commencé à se convertir par eux-mêmes.

Nous avons demandé à des personnes âgées présentes à l’époque ce qui s’était passé, et elles nous ont dit qu’elles ne savaient pas. Il y a eu un vent de réveil, l’Esprit de Dieu a soufflé sur les forêts et les savanes où ils vivaient, et les gens se sont déplacés d’un endroit à l’autre, à la recherche d’une Église, d’un pasteur ou d’un évangéliste pour prier pour eux.

Aujourd’hui, environ 90 % des habitants de la région sont chrétiens.

La question suivante que vous allez probablement me poser est : « Si 90 % des Congolais sont chrétiens, comment se fait-il qu’il y ait une guerre ? »

Oui, exactement. C’est la question que je me posais.

Juste après l’indépendance, nous avons connu toute cette guerre, un conflit créé par les Européens avides qui avaient colonisé l’Afrique. Au Congo, nous avions les Belges et le roi Léopold. Près de 10 millions de Congolais ont été tués par la brutalité du colonialisme.

Il y a une tendance au conflit et aux tueries qui ne sont pas nécessairement le fait des Congolais eux-mêmes, mais constituent un héritage du passé colonial. Depuis l’indépendance, nous n’avons pas eu la chance d’avoir de bons dirigeants ou une bonne gouvernance.

L’autre problème est probablement que le Congo possède de vastes réserves de tous les minerais dont le monde a besoin. Tout le monde aimerait venir les acheter. Cela m’évoque la Bible qui dit que le diable vient pour voler, tuer et détruire.

Mais ce problème ne concerne pas que les Congolais. Tous ceux qui aujourd’hui utilisent un téléphone, un ordinateur portable, une voiture électrique, tout ce qui fonctionne à l’énergie solaire, tous ceux qui utilisent des matériaux provenant de ces pays en difficulté devraient également y réfléchir.

Bien sûr, les gens peuvent s’en emparer et l’utiliser pour s’enrichir. Mais si nous avons l’Esprit de Dieu en nous, nous devrions réfléchir à cette réalité.

La violence vise-t-elle les chrétiens ?

Les Forces démocratiques alliées (Allied Democratic Forces, ADF), un groupe islamiste militant, s’en prennent aux Églises dans la province occidentale du Nord-Kivu. Il s’agit d’une évolution très récente. Les ADF tuent sans distinction.

Des Églises ont également été détruites en même temps que des villages par les groupes armés Maï-Maï. Les Maï-Maï viennent, tuent et détruisent le village, les propriétés et les infrastructures communautaires, y compris les Églises, les écoles et les cliniques.

Récemment, des Églises appartenant aux Banyamulenge à Goma, capitale du Nord-Kivu, ont été complètement détruites, uniquement parce que les personnes qui y prient appartiennent à la communauté Banyamulenge ou à des communautés tutsies.

Les évangéliques prennent-ils part à la violence ?

Si 90 % de la population du Congo se déclare chrétienne, tous les problèmes qui se posent sont le fait de chrétiens.

Il y a de l’insécurité partout, les gens craignent pour leur vie, et nous n’entendons pas de voix prophétiques. Lorsque vous savez que vous vous trouvez dans une zone contrôlée par des groupes armés et que vous osez leur dire d’arrêter, vous en serez la victime. Tout le monde n’est pas prêt à donner sa vie pour les autres. Il y a donc beaucoup de gens qui voient le mal dans ce qui se passe, mais qui ne le dénoncent pas.

J’ai parlé à des évêques et à des pasteurs dans différentes régions et différents pays, mais tout le monde semble peu intéressé. Les rebelles travaillent ensemble. Mais nous ne voyons pas l’Église travailler ensemble.

Comment votre université a-t-elle contribué à la paix dans le conflit actuel ?

Notre université est devenue l’un des piliers de l’espoir dans cette région. Nous avons pu non seulement travailler avec d’autres pour fournir de la nourriture, mais nous avons également pu fournir de la formation. Nous avons pu donner notre salle de conférence aux Églises déplacées.

De nombreux membres de ces Églises ont reçu de la nourriture et des semences. J’ai été encouragé de les voir apporter la récolte à l’Église et partager les semences avec d’autres personnes qui n’en ont pas.

Nous créons un espace où les gens peuvent venir et ressentir la paix qui vient de Dieu. Nous créons une communauté au sein de la crise, une communauté qui travaille ensemble, une communauté qui se soutient mutuellement. Les gens partagent non seulement la nourriture, mais aussi les rires.

Une façon de donner de l’espoir […] au milieu de ce conflit est d’être l’Église au milieu des guerres, des crises et des conflits, un lieu où l’on peut dire : « J’étais malade, vous m’avez donné des médicaments ; j’avais faim, vous m’avez donné à manger ; j’étais en deuil, vous m’avez apporté vos condoléances ; j’étais nu, vous m’avez vêtu. » C’est l’Église que Dieu veut voir.

Dans le monde dans lequel nous vivons, les conflits sont omniprésents. Mais l’Église est là pour être le sel et la lumière. Nous ne pouvons peut-être pas tout faire, mais nous jouons au moins notre rôle.

Comment nos lecteurs pourraient-ils contribuer à vous soutenir ?

Il y a tout un éventail de possibilités pour ceux qui voudraient intervenir.

Il y a des centaines de veuves que nous pouvons aider. Nous avons également notre clinique, où tous ceux qui le souhaitent peuvent payer les salaires des infirmières ou des médecins ou fournir du matériel médical. Vous pouvez contribuer aux semences, à l’agriculture ou à l’élevage, ou nous aider à trouver une autre source d’eau.

Nous disposons d’une école primaire, d’une école secondaire et d’une formation professionnelle pour ceux qui ne peuvent pas aller à l’université ou qui ne peuvent pas terminer leurs études secondaires. Nous avons des mères célibataires, dont beaucoup ont été violées ou sont tombées enceintes dans d’autres circonstances difficiles, et dont certaines sont mineures. Nous leur offrons une formation professionnelle.

Il y a aussi des chrétiens dans le monde entier qui peuvent faire pression en faveur de la paix. Ils peuvent parler au nom des milliers de personnes qui ne peuvent pas s’exprimer et demander à leurs gouvernements de s’informer sur la crise du Congo.

Il faut demander au monde humanitaire pourquoi il n’aide pas Minembwe

Pour ceux qui veulent intervenir par la prière, nous avons besoin de paix. Nous avons l’impression que les puissances des ténèbres planent sur l’est du Congo. Priez pour nos dirigeants. Il est absolument vital que Dieu les remplisse de son Esprit et d’un esprit de leadership pour les conduire à mettre fin à cette guerre. Priez pour les pays voisins, afin que Dieu leur donne de la bonne volonté pour contribuer à des solutions au Congo plutôt que d’alimenter le conflit.

Priez pour que Dieu puisse parler aux entreprises nationales qui sont impliquées dans l’exploitation des minerais du Congo ou qui les convoitent. Les Congolais doivent bénéficier de l’exploitation minière pour mettre fin à la pauvreté.

Le conflit ébranle-t-il la foi des gens ?

Oui et non.

Aujourd’hui, des Églises déplacées d’au moins six confessions différentes se sont réunies pour former une Église appelée Umoja, mot qui signifie « unité ». Ils prient ensemble dans le même bâtiment, et nous le leur avons laissé.

Tout ce travail a été effectué par des personnes d’ici qui ont aidé les personnes déplacées à l’intérieur du pays. Les populations locales elles-mêmes ont travaillé ensemble et se sont soutenues mutuellement. À présent, une dizaine de villages ont été reconstruits autour de Minembwe.

Aujourd’hui, je peux dire que de nombreuses personnes ont choisi de travailler ensemble, sans attendre que quelqu’un d’autre vienne le faire à leur place. Le gouvernement est absent, les agences humanitaires sont absentes, les politiciens sont absents. Mais je vois venir l’espoir. Je vois la paix et la possibilité d’une réhabilitation, de la réconciliation et de la stabilité.

À travers le conflit, à travers les difficultés, à travers tous ces défis, la foi de certains s’affermit.

Mais nous voyons aussi que d’autres ont perdu la foi. Nous voyons des chrétiens qui ont volé les vaches des autres. Nous les avons vus se livrer à des actes de violence et détruire les maisons d’autres gens. Nous les avons vus tuer d’autres gens.

Les conflits et les temps d’épreuve peuvent renforcer la foi, mais nous voyons qu’ils peuvent aussi la fragiliser.

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Books
Review

Elisabeth Elliot, une figure imparfaite dont Dieu s’est servi de manière extraordinaire

Tout comme son mari martyr, la célèbre autrice et conférencière peut être à la fois inspirante et décevante.

Christianity Today July 7, 2023
Illustration by Ūla Šveikauskaitė

Elisabeth Elliot fut l’une des personnalités évangéliques les plus extraordinaires et les plus controversées de l’après-guerre. Toute personne un tant soit peu en lien avec la communauté missionnaire américaine connaît l’histoire émouvante et tragique d’Elisabeth et de son premier mari, Jim Elliot, qui fut tué en Équateur par des tribus Waorani en 1956.

Elisabeth Elliot: A Life

Elisabeth Elliot: A Life

Crossway

624 pages

$27.93

Fait peut-être encore plus remarquable, Elisabeth Elliot et Rachel Saint (dont le frère Nate était également mort dans l’attaque) s’en allèrent vivre parmi les Waorani en 1958. Avant son retour aux États-Unis, Elisabeth Elliot était devenue l’une des évangéliques les plus connues des États-Unis, la mort de Jim Elliot et son endurance sur le terrain de la mission ayant fait l’objet de reportages dans des publications nationales de premier plan comme le magazine Life.

Dans Elisabeth Elliot : A Life, Lucy S. R. Austen nous offre une biographie à la hauteur de son sujet. Plongeant dans la vaste correspondance et les autres écrits d’Elliot, elle présente de celle-ci un portrait exceptionnellement détaillé et parfois contrasté. Près des trois quarts du livre couvrent l’histoire d’Elliot jusqu’en 1963, date à laquelle elle rentre aux États-Unis après avoir quitté l’Amérique du Sud. À cette époque, Elliot est une autrice à succès dont les désormais classiques Through Gates of Splendor (1957) et Shadow of the Almighty: The Life and Testament of Jim Elliot (1958) étaient en passe de devenir des ouvrages de référence pour les évangéliques.

Les biographes de personnalités comme Elliot ont souvent du mal à trouver le ton juste. Certains auteurs chrétiens adoptent des approches hagiographiques, présentant leurs sujets à l’image de saints devant susciter l’inspiration. Ces dernières années, un nombre croissant d’auteurs iconoclastes — en particulier des universitaires — ont opté pour l’autre extrême, vilipendant des figures évangéliques autrefois vénérées et les jugeant irrécupérables en raison de leur complicité dans divers péchés.

Lucy Austen se situe avec bonheur dans un sage équilibre entre les deux. Elle opte pour une forme de sympathie critique. Parfois, elle éprouve manifestement de la frustration face à son sujet. Austen est particulièrement sévère à l’égard de Jim Elliot, qui apparaît à la fois comme un missionnaire courageux et comme un prétendant hésitant (au mieux) dans la cour ridiculement longue qu’il fait à Elisabeth. Le cœur de leur problème, selon Austen, était la vision naïve du discernement de la volonté de Dieu que la culture évangélique de l’après-guerre donnait aux jeunes.

Une grande partie du livre raconte comment Elliot, à travers des souffrances répétées et largement inexplicables, a gagné en sagesse quant à ce que signifie suivre véritablement le Seigneur. Nous nous attachons à Dieu pour son caractère et pour ce qu’il a accompli dans la mort et la résurrection du Christ, et non pour la paix ou la prospérité du monde.

Vue sous cet angle, la vie d’Elliot réfute les assurances chrétiennes courantes selon lesquelles si nous obéissons, tout ira bien. Au contraire, Elliot conclut que Dieu « n’a jamais promis de résoudre nos problèmes. Il n’a pas promis de répondre à nos questions. » Et pourtant, nous rappelle-t-elle, Dieu a les paroles de la vie éternelle. Où d’autre pourrions-nous aller ?

Elisabeth (Howard) Elliot est née en 1926 dans une famille de missionnaires américains servant en Belgique. Pour leur part, Jim Elliot et sa famille étaient des membres inconditionnels de l’Église des Frères de Plymouth. Les frères, un mouvement protestant soucieux de retour aux sources et datant des années 1820 en Irlande et en Angleterre, laissèrent une empreinte profonde sur la piété d’Elisabeth et de Jim.

L’Église manifestait une combinaison particulière de préoccupation pour la sainteté, de place accordée aux laïcs, de zèle missionnaire et de goût pour l’apocalyptique. Parmi les figures fondatrices des frères, on trouve John Nelson Darby, l’un des premiers promoteurs des grands schémas prophétiques du prémillénarisme dispensationaliste. On peut aussi nommer George Müller, pionnier de la prise en charge des orphelins et de la « mission par la foi », qui a exercé une influence considérable et affirmait que les missionnaires ne devaient jamais solliciter de soutien financier, faisant plutôt confiance à Dieu pour subvenir à tous les détails de leurs besoins.

Elisabeth Howard semblait destinée à une carrière missionnaire avant même de rencontrer Jim Elliot au Wheaton College. Leur relation amoureuse fut intense et souvent déroutante, d’une manière qui pourra sembler familière aux diplômés des universités chrétiennes. La relation se prolongea à des niveaux d’intimité émotionnelle et de marques physiques d’affection de plus en plus avancés, mais Jim resta inflexible pendant des années sur le fait qu’il n’avait pas reçu le feu vert de Dieu pour faire sa demande en mariage. Austen semble y voir un type de piété exaspérant et hyperindividualiste.

Au cours de leur relation amoureuse, les décisions d’Elisabeth et surtout de Jim semblaient principalement régies par des impressions et des textes supposés servir de preuve. Dans un passage typique de cette pensée, Elisabeth écrit que personne ne peut dire « à un autre ce que Dieu veut qu’il fasse ». Pour discerner la volonté de Dieu, Dieu fait coïncider « les circonstances, le témoignage de la Parole et votre propre tranquillité d’esprit. »

Jim masque son indécision à l’égard d’Elisabeth avec de pieux sentiments de dépendance à l’égard du Seigneur. Il lui arrivait de s’autocondamner en parlant de son émotivité excessive. Dans une exclamation révélatrice, il écrit qu’il ne comprend pas ce qui, dans « le fait de l’aimer, fait de moi une telle femmelette. » Pour lui, les hommes n’étaient pas censés se laisser ballotter par des sentiments amoureux.

Les Elliot ressemblent parfois à des pièces de musée de la culture évangélique d’après-guerre. Pourtant, Dieu utilisa ces jeunes gens sans expérience pour accomplir des choses extraordinaires en Équateur. Leur courage et leur zèle exceptionnels pourraient en avoir fait les exemples de missionnaires les plus inspirants du 20e siècle.

Je soupçonne que notre gêne à l’égard de certaines biographies chrétiennes plus authentiques est liée à notre vision trop exaltée des personnes que Dieu utilise à son service. Dans le récit d’Austen, les Elliot sont des chrétiens ordinaires, marqués par l’inconstance, l’arrogance culturelle et le péché pur et simple. Mais elle suggère que si Dieu est à l’origine de tout ce qui est bon dans les missions et le ministère des chrétiens, nous ne devrions pas être choqués de découvrir des lacunes évidentes chez nos héros de la foi. Peut-être sont-ils plus proches de vous et de moi que nous ne l’imaginons. Si Dieu a pu se servir d’eux, il pourrait peut-être se servir de nous aussi.

Elliot elle-même se montrera de plus en plus choquée par les attentes stéréotypées des évangéliques américains à l’égard des missionnaires. À son retour d’Amérique du Sud, elle se lance dans des tournées de conférences, une vocation qui, avec l’écriture, occupe la majeure partie de son temps. Tous les auditeurs savaient que la mort de Jim et des « martyrs d’Auca » était tragique, mais beaucoup semblaient s’attendre à ce qu’Elisabeth intègre son expérience dans un récit simpliste où Dieu fait finalement tout concourir au bien. Ils voulaient entendre que cette perte dramatique avait un sens et qu’elle s’inscrivait harmonieusement dans le grand dessein de Dieu.

Cette attente était peut-être prévisible. Mais le public d’Elliot n’avait pas à faire face à sa solitude, à des rêves déchirants et récurrents du retour de Jim, ou à une jeune enfant qui perd peu à peu le souvenir d’un père décédé. Comment Elliot pouvait-elle expliquer au public américain qu’elle avait eu du mal à accepter la mort de Jim ? De même, comment pouvait-elle expliquer qu’elle avait cessé de travailler avec les Waorani en partie à cause de divergences irréconciliables avec Rachel Saint ? Comme le dit Austen, elle et Rachel Saint ont été deux des missionnaires pour lesquelles on a le plus prié à travers l’histoire. Et pourtant, elles n’arrivaient pas à s’entendre.

La perspective d’Elliot sur la mission et la vie chrétienne normale se complexifia après son retour aux États-Unis. Son expérience du deuil devint encore plus vive avec la mort de son second mari, Addison Leitch, des suites d’un cancer. Les amis et la famille prièrent pour la guérison de Leitch, ou au moins pour la paix. Elle écrit franchement qu’ils n’eurent ni l’un ni l’autre. Il décéda dans d’atroces souffrances quatre ans après leur mariage.

C’est à cette époque qu’Elliot (qui conserva le nom de famille de Jim) commença à écrire et à parler des rôles des hommes et des femmes dans le mariage et dans l’Église. Elle devint un grand avocat du complémentarisme (l’idée que Dieu a assigné aux hommes et aux femmes des rôles complémentaires et clairement différents).

Le complémentarisme moderne se cristallisa en opposition au féminisme chrétien émergeant des années 1960 et 1970. Austen n’explique pas vraiment pourquoi Elliot devint une complémentarienne de premier plan, hormis peut-être son passé confessionnel et ses lectures de C. S. Lewis, qu’elle citait parfois à ce sujet. Le réalisme peu sentimental d’Elliot alimentait également une critique sévère de tout ce qu’elle considérait comme de la mondanité chrétienne. Pour elle, le féminisme était synonyme de compromis avec les valeurs du monde, et elle le dépeint comme infidèle et dépourvu de sens.

Ses positions sur la soumission des femmes dans le mariage, le leadership masculin dans les Églises et la pureté sexuelle avant le mariage ont fait d’Elliot une figure décriée dans les cercles chrétiens progressistes. Plus délicat encore, Elliot a régulièrement pris la parole lors d’événements parrainés par l’Institute in Basic Life Principles de Bill Gothard, populaire à l’époque parmi les complémentariens et les chrétiens pratiquant l’école à la maison. Lorsqu’Elliot commença à collaborer avec Gothard au milieu des années 1990, des accusations publiques de longue date concernant l’abus de pouvoir et le harcèlement sexuel en série de femmes employées par Gothard étaient déjà connues. (Le conseil d’administration de Gothard a confirmé nombre de ces allégations en 2014.)

Elliot, comme beaucoup d’éminentes femmes conservatrices, manifesta également certaines contradictions dans son plaidoyer en faveur du complémentarisme. Bien qu’elle ait insisté sur le fait que seuls des hommes qualifiés pouvaient exercer la fonction de pasteur, elle enseignait à des auditoires intégrant généralement des hommes adultes. Avec son second mari, elle rejoignit l’Église épiscopale, l’une des confessions où un débat tendu sur l’ordination de femmes pasteures allait s’ouvrir. Elliot fondait son argumentation en faveur de la soumission des femmes sur la doctrine de la « subordination fonctionnelle éternelle », ou l’idée que le Fils de Dieu existe éternellement dans une relation de subordination au Père, une position que même de nombreux théologiens complémentariens considèrent comme non orthodoxe.

En fin de compte, Austen dépeint Elliot comme une personne complexe et imparfaite, mais puissamment utilisée par Dieu, en particulier pour la cause de la mission. « Pour Elisabeth Elliot », conclut Austen, « le fondement de la vie était la confiance en l’amour de Dieu. » Il ne s’agissait pas d’un simple pieux poncif. Il y avait là une conviction profonde, née d’expériences répétées de souffrance, un peu à la manière de Job.

On peut ainsi espérer que son histoire continuera d’inspirer une suivance radicale de Christ et l’engagement missionnaire, tout en renforçant la confiance dans le fait que, selon les mots d’Austen, « c’est à la fin que toutes choses dans le ciel et sur la terre seront restaurées ».

Thomas S. Kidd est professeur d’histoire de l’Église au Midwestern Baptist Theological Seminary. Son dernier ouvrage s’intitule Thomas Jefferson: A Biography of Spirit and Flesh.

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Books

Les théologiennes arabes d’aujourd’hui ont de nombreuses précurseures historiques.

Des mères du désert aux érudites modernes, le Proche-Orient a connu bien des femmes exerçant une influence en marge — ou parfois au cœur — du pouvoir patriarcal.

Christianity Today July 7, 2023
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: WikiMedia Commons

Le Proche-Orient se trouve aujourd’hui à un tournant, un véritable kairos. Alors que les femmes de la région luttent pour leurs droits et leurs libertés, le changement se fait également sentir dans les universités chrétiennes. Là où l’on ne comptait autrefois qu’un petit nombre de théologiennes, on découvre aujourd’hui un nombre croissant de femmes qui prennent leur place dans la conduite de l’Église et offrent encouragement et ouvertures à d’autres qui envisagent à leur tour d’exercer des responsabilités.

Alors que seules les Églises protestantes ont déjà ordonné des femmes pasteures — au Liban, en Syrie et dans les territoires palestiniens —, d’autres figures audacieuses frayent un nouveau chemin de spiritualité au sein de la société arabe patriarcale.

Et c’est notamment dans le passé qu’elles puisent leur inspiration.

Il y a des siècles, au sein des premières communautés chrétiennes, des chrétiennes orientales — diaconesses, historiennes, théologiennes et martyres — travaillaient déjà à l’articulation de leur foi et de leur théologie. Cependant, leur histoire reste méconnue, même dans leur région d’origine. Mais il est très intéressant de voir que deux des plus grandes communautés chrétiennes subsistantes dans le monde arabe, les coptes et les maronites, ont historiquement connu le leadership féminin. Dans le contexte ecclésial riche et complexe du Proche-Orient, leur héritage continue de façonner notre pensée théologique en tant que femmes évangéliques.

Des mères du désert

En observant la pleine lune se lever au-dessus du désert égyptien, sur la terre où saint Antoine (251-356 apr. J.-C.) établit initialement le monachisme en tant que mouvement laïc, je me rappelle que la spiritualité a été façonnée par l’ascétisme. Les pères du désert ont laissé un héritage de sagesse célébré encore aujourd’hui par de nombreuses personnes en quête de discipline spirituelle.

Mais nous oublions souvent les mères du désert.

Ces ammas (du syriaque original) étaient des ascètes chrétiennes qui habitaient également les déserts d’Égypte, de Palestine et de Syrie aux quatrième et cinquième siècles, que ce soit dans des communautés monastiques ou en tant qu’ermites. Hommes et femmes les respectaient en tant que modèles spirituels de maturité et d’une sagesse qu’elles transmettaient par l’enseignement, la prédication et leurs propres sublimes exemples.

Amma Synclética d’Alexandrie (décédée vers l’an 350) dirigeait une communauté de femmes désireuses de servir Dieu, avec des idées religieuses très appréciées dans les écrits du pape Athanase le Grand.

Amma Sarah, ermite du cinquième siècle dans le désert égyptien de Wadi Natroun, était connue pour son ascétisme, son courage et ses enseignements spirituels. Lectrice instruite, elle tenait à ce que son cœur soit entièrement droit dans sa quête de Dieu.

Sainte Synclética d’ÉgypteAdaptations par CT/Image source : WikiMedia Commons
Sainte Synclética d’Égypte

Amma Théodora (décédée en 412), guide spirituel de renom, rencontra saint Antoine à plusieurs reprises et était une collègue de l’archevêque Théophile d’Alexandrie.

Bien que ces mères du désert aient désiré la solitude, elles ne considéraient pas les restrictions culturelles relatives aux femmes comme des obstacles à leur appel ou à leur quête de Dieu, et entretenaient divers contacts qui leur permettaient de servir de modèle dans leur étude quotidienne et leur vie de prière.

Pour les chrétiens contemporains qui cherchent à vivre fidèlement leur spiritualité dans un contexte complexe comme celui du Proche-Orient, les pratiques des mères du désert peuvent offrir de riches orientations. Le cadre monastique encourage le lien entre spiritualité et théologie, mettant au centre la Parole de Dieu et les disciplines spirituelles.

Dans la solitude, ces mères du désert ont produit des ouvrages théologiques profonds, qui font cruellement défaut dans le monde arabe d’aujourd’hui, en particulier de la plume de femmes.

« Filles de l’Alliance »

En me promenant aujourd’hui dans la rue Star, dans la vieille ville de Bethléem, j’aperçois le sanctuaire de l’Église syriaque consacré à la Vierge Marie. Dès le début, le christianisme syriaque a offert aux femmes des responsabilités de diaconesses et de vierges consacrées. Les sources littéraires contiennent des références fréquentes à ce sujet depuis le cinquième jusqu’au dixième siècle, tant dans les traditions occidentales (maronites) qu’orientales (assyriennes/chaldéennes) du christianisme syriaque.

Plusieurs des plus anciens textes mentionnent les bnat qyama, « filles de l’alliance », aux côtés des diaconesses. Il s’agit de femmes qui avaient fait vœu de célibat et de simplicité pour œuvrer au service du Christ. Non seulement leurs chœurs de femmes (généralement composés de vierges consacrées) dirigeaient le culte, mais leurs hymnes fournissaient également aux croyants les fondements de leur enseignement sur la Bible, la théologie et la communauté chrétienne. Leur remarquable enseignement et leur ministère liturgique peuvent être retracés au moins jusqu’au neuvième siècle.

Jacques de Saroug (mort en 521), par exemple, mentionne les chœurs de femmes comme des « enseignantes » (malphanyatha, un féminin pluriel), dont le chant avait pour rôle la « proclamation » (karuzutha, correspondant au grec kerygma) dans la liturgie. Les sources syriaques décrivent les filles de l’alliance, appréciées pour leur façon mélodieuse de transmettre la vérité scripturale, comme des connaisseuses de la littérature exégétique, ascétique et hagiographique, ce qui témoigne d’une culture où les femmes s’intéressaient à la théologie sous de nombreuses formes.

Une mystique maronite

Hannah Ajaymi naquit en 1720 dans une famille maronite à Alep, en Syrie. Mais elle est plus connue sous le nom de Hindiyya, étymologiquement lié au nom arabe de l’Inde, en raison de son teint olive foncé. À 17 ans, elle est considérée comme un modèle de piété dans les disciplines spirituelles, notamment la prière de Jésus et le jeûne. Peu intéressée par le mariage, elle se considère comme épouse du Christ.

Son dévouement au Christ conduit sa détermination à constituer une congrégation religieuse, et elle devient la fondatrice et mère supérieure d’un groupe de moniales. Son premier couvent s’établit à Alep en 1753, mais elle parcourt fréquemment les montagnes libanaises et fondera au total quatre communautés monastiques.

Hindiyya avait une connaissance exceptionnelle des ouvrages religieux arabes et fut l’autrice d’une collection considérable de publications. Son œuvre majeure, Sirr al-Ittihad (« Mystère de l’Union »), est le premier rare récit arabe connu d’une expérience mystique avec Jésus par une femme chrétienne. Et son Al-Durar al-Saniya (« Joyaux précieux ») est également un ouvrage théologique important : plus de 400 pages de conseils spirituels à l’intention de ses nonnes. Hindiyya décède en 1798.

Alors que le Liban d’aujourd’hui s’efforce de renaître de ses cendres et de sortir de ses débris, l’Église maronite a aménagé un espace pour discuter du rôle des femmes avec son synode de 2022 consacré à leur mission particulière. Hindiyya a été vénérée comme une sainte à certains moments de sa vie, mais à d’autres moments, elle fut considérée comme une menace hérétique pour l’ordre établi. Pourtant, comme me l’a dit un prêtre de premier plan, « il est grand temps que l’Église maronite rouvre le dossier d’Hindiyya. »

Mère Irini

Connue sous le nom d’Ummina en arabe et de Tamav en copte (« Notre mère »), Irini est un exemple moderne de mère du désert. Née Erene Yassa en 1936, elle est devenue mère supérieure du couvent St Abou Seifein du vieux Caire et a joué un rôle majeur dans la renaissance et la réforme du monachisme copte pour les femmes. Elle fut consacrée religieuse en 1954 et écrivit de nombreuses méditations sur les enseignements bibliques, les visions mystiques et les maladies physiques.

S’inspirant de la vie de sa compatriote alexandrine Amma Synclética, elle renonça à la richesse de sa famille pour s’engager sur la voie de la pauvreté. Elle est décédée en 2006.

Mère IriniAdaptations par CT.
Mère Irini

Mère Irini est bien connue et appréciée par de nombreux chrétiens égyptiens en tant que leader du renouveau copte. Les coptes honorent sa spiritualité aux côtés de figures très populaires tels que les papes Cyrille VI (1959-1971) et Chenouda III (1971-2012).

Dotée d’une grande perspicacité spirituelle, elle utilisa ses dons pour enseigner et guider à la fois ses moniales et les visiteurs fréquents — hommes et femmes — qui recherchaient la sagesse de sa communauté monastique. Non seulement elle menait une vie de prière, mais elle était aussi une gestionnaire douée. Témoignage de l’importance de cette figure spirituelle, la rumeur populaire exagère ses visions et ses miracles, comme pour certains autres saints égyptiens historiques tels qu’Abanoub et Mina.

En enrichissant la bibliothèque du couvent de publications sur les femmes pieuses, mère Irini a élargi l’espace réservé aux femmes dans l’Église copte, où les hommes gardent généralement les fonctions de représentation officielle. Le renouveau copte était tout d’abord centré sur le monachisme masculin, mais aujourd’hui en Égypte des centaines de moniales et de mukarrasat (vierges consacrées) servent les pauvres et revivifient les traditions de l’Antiquité.

Comme dans d’autres Églises orientales, l’exemple de cette femme a également inspiré des femmes en dehors des couvents, stimulant un engagement renouvelé dans la formation théologique.

Des chercheuses modernes

Plusieurs exemples éminents de femmes suivent ainsi les traces de ces figures historiques :

  • Moniale de l’Église orthodoxe copte, mère Lois Farag est conférencière au Luther Seminary aux États-Unis et autrice de St. Cyril of Alexandria, A New Testament Exegete: His Commentary on the Gospel of John (« Cyrille d’Alexandrie, exégète du Nouveau Testament : son commentaire sur l’Évangile de Jean ») et Balance of the Heart: Desert Spirituality of Twenty-First Century Christians (« La balance du cœur. Spiritualité du désert des chrétiens du 21e siècle »).
  • La jeune érudite Dina Tarek a produit des ouvrages importants dans le domaine des études bibliques et de la théologie spirituelle par l’intermédiaire de la Fondation de l’École d’Alexandrie.
  • Souraya Bechealany, ancienne secrétaire générale du Conseil des Églises du Moyen-Orient, est titulaire de deux doctorats en théologie.
  • Roula Talhouk, anthropologue et théologienne pratique, supervise des doctorants à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.
Lois FaragAdaptations par CT/Photo fournie par Lois Farag
Lois Farag

Empreintes d’une profonde spiritualité, ces femmes sont à la proue d’une nouvelle génération de théologiennes arabes dans un paysage théologique très divers où leur présence a souvent été marginalisée, leurs voix ignorées et leurs contributions méconnues.

À bien des égards, leur émergence a été suscitée par une avant-garde protestante plus égalitaire. En retour, ce développement inspire aux Églises évangéliques un plus grand respect pour leurs frères et sœurs historiques.

Dans les terres où le christianisme est né, mais où sa présence décroît à l’heure actuelle, ces brillantes figures féminines nous rappellent que, grâce à la puissance de l’Esprit saint et aux prières de l’Église mondiale, le glorieux Évangile continuera d’être proclamé, apportant un espoir à la fois présent et éternel à une région marquée par les épreuves.

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Books

L’enseignement théologique au défi de la croissance de l’Église mondiale

Comment mettre en lien les diverses formations théologiques et les rendre plus accessibles ?

Une Bible brandie lors d’un culte en Afrique.

Une Bible brandie lors d’un culte en Afrique.

Christianity Today July 4, 2023
Rob Birkbeck/Lightstock

J’ai reçu il y a quelques temps une lettre manuscrite d’un pasteur en Inde.

Il s’appelle Roy, mais je ne le connaissais pas et nous n’avions jamais correspondu. Il en était venu à me contacter pour me parler de deux communautés qu’il conduit dans l’Andhra Pradesh et de son grand désir d’étudier la Bible.

La fin de sa lettre m’a frappé : « Je n’ai pas d’argent. »

Roy n’est pas seul dans ce cas. De très nombreux responsables pastoraux dans le monde entier sont désireux de diriger fidèlement leurs communautés, mais n’ont pas accès à la formation. C’est particulièrement le cas dans les contextes de monde majoritaire en Amérique latine, en Afrique et en Asie, où l’Évangile continue de croître rapidement, avec des centaines de nouvelles communautés apparaissant chaque jour.

Fondée en 1846, l’Alliance évangélique mondiale (AEM) représente aujourd’hui des Églises dans plus de 130 pays et estime à 50 000 le nombre de nouveaux croyants baptisés quotidiennement. Ces croyants ont besoin de responsables pastoraux formés pour diriger au mieux leurs communautés.

Une comparaison avec l’exemple des États-Unis, où l’on compte un pasteur formé pour 230 habitants, souligne bien le défi à relever. En moyenne, les Églises du monde majoritaire comptent un pasteur formé pour 450 000 personnes.

Ce déséquilibre colossal en matière de leadership ne fera que s’accentuer à mesure que l’Église du monde majoritaire continuera à se développer et à s’étendre. Dès à présent, l’enseignement théologique a du mal à suivre. Si rien ne change, le fossé ne fera que se creuser.

Si nous voulons répondre aux besoins de formation de milliers de pasteurs comme Roy, notre approche globale doit être repensée. La formation théologique, quelle que soit sa forme, est depuis longtemps cloisonnée, la plupart des programmes fonctionnant chacun de leur côté, sans esprit de collégialité. Malheureusement, ce repli sur soi rend la formation encore moins accessible aux responsables locaux, ce qui affaiblit notre capacité collective à préparer des responsables pour l’Église du Seigneur.

Une nouvelle approche de l’enseignement théologique est nécessaire.

En novembre dernier, à Izmir, en Turquie, la chose était évidente. La 18e consultation du Conseil international pour la formation théologique évangélique (ICETE), lancée par l’AEM en 1980, a rassemblé environ 500 dirigeants de 80 pays — représentant plus de 290 ministères de formation dans le monde — afin d’envisager une approche globale intégrée pour répondre aux besoins de la conduite de l’Église aujourd’hui et dans les années à venir.

Regroupant un réseau de près de 1 000 institutions de toutes les régions du monde, l’ICETE vise historiquement à offrir une forme de faîtière pour les acteurs de l’enseignement théologique formel. Aux États-Unis, on y trouve par exemple le Lancaster Bible College, le Wesley Biblical Seminary et le Moody Bible Institute, avec leurs homologues internationaux tels que l’Ethiopian Graduate School of Theology, l’Asian Theological Seminary et le Bethlehem Bible College.

Mais au cours des trois dernières années, notre horizon s’est considérablement élargi pour inclure l’enseignement théologique non formel et moins structuré. Au départ, nous n’intégrions aucune institution de ce type.

En accueillant récemment des ministères de formation tels que l’International Leadership Consortium de Cru, la Trainers of Pastors International Coalition (TOPIC) et le réseau de programmes de formation de l’Increase Association pour les responsables d’Église dans toute l’Asie, l’ICETE honore leur désir de bénéficier de notre interconnexion mondiale. Il s’agit notamment d’établir des relations avec les séminaires traditionnels afin de partager avec les étudiants suivant des cursus moins formels les outils et les cours de courte durée souvent associés à l’enseignement supérieur, tels que les commentaires bibliques, la vulgarisation théologique et les ressources innovantes en matière d’homilétique.

En outre, nombre de ces programmes non formels veulent assurer un contrôle de la qualité et une validation sous la direction de responsables universitaires. En augmentant leur crédibilité, les programmes non formels offrent des voies d’accès non seulement à de meilleures compétences pour le ministère, mais aussi à une formation plus rigoureuse.

Aujourd’hui, près de la moitié de nos membres associés sont des institutions d’enseignement non formel.

Le pôle formel de l’enseignement théologique a lui aussi favorablement accueilli une plus grande interaction. Les séminaires du monde entier ont du mal à fonctionner à plein régime, en particulier depuis la pandémie de COVID-19, et ont souvent progressivement perdu de leur capacité à comprendre les besoins contextuels des responsables d’Église et à y répondre.

En dialoguant avec les responsables de programmes non formels, qui sont généralement plus proches de la vie de l’Église, les séminaires deviennent plus conscients des réalités quotidiennes et peuvent adapter leurs programmes afin de produire des diplômés mieux préparés à la vie sur le terrain. Inspiré par la conférence de l’ICETE, le séminaire biblique Shalom en Inde a ainsi commencé à collaborer avec des organisations paraecclésiales pour créer un nouveau cours destiné aux responsables d’Église de la prochaine génération.

Dans le monde entier, des responsables de toutes les régions et de tous les types de ministères sont de plus en plus convaincus que, quelle que soit la tâche qui les attend, elle est trop vaste pour eux seuls. Le thème de la rencontre d’Izmir était « Formation théologique formelle et non formelle : au-delà du dialogue », et nous voyons déjà des signes de renouveau pratique.

Des normes permettant de mesurer l’efficacité de la formation spirituelle sont en cours d’élaboration au Nigeria et en Inde. Des programmes de leadership pastoral oral ont été lancés au Sud-Soudan, en Ouganda et en Éthiopie, et le seront bientôt en Tanzanie et au Sénégal. Des pôles de collaboration régionaux sont également mis en place en Amérique du Sud et en Afrique, afin de relier des partenaires évoluant dans des contextes locaux similaires.

L’ICETE a également été invité à réunir des responsables clés pour discuter de garanties de qualité par le biais de microcertifications et d’une formation théologique basée sur les compétences. Au fur et à mesure que ces approches innovantes seront affinées, elles ouvriront des possibilités de certification d’un plus grand nombre de programmes, renforçant ainsi la collaboration entre les différents secteurs de l’enseignement théologique.

Dans chaque région couverte par l’ICETE, nous entendons des retours sur la façon dont notre conférence a stimulé une réflexion sérieuse qui a déjà orienté notre agenda pour la prochaine consultation mondiale en mars 2025 : Comment l’ensemble des acteurs de la formation théologique peuvent-ils s’unir pour équiper la prochaine génération ?

Nous savons que c’est ultimement le Seigneur Jésus qui bâtit son Église, mais nous n’en devons pas moins, à notre époque, faire tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir cet effort, afin de fortifier l’Église pour poursuivre sa mission jusqu’au retour du Christ. Nous ne pouvons pas continuer à promouvoir un enseignement théologique cloisonné et disparate et espérer répondre aux besoins d’innombrables responsables d’Église semblables à Roy, mon correspondant indien. Le renouveau a commencé, et l’ICETE veut servir son développement.

Lors de la première soirée de notre semaine à Izmir, j’ai invité l’assemblée à formuler avec moi cette supplique : « Seigneur, que la valeur de notre rencontre ne soit pas mesurée à notre nombre, mais à notre solidarité en vue de notre but commun : renforcer l’Église du Christ. »

Que telle puisse être notre prière constante.

Michael Ortiz est directeur international de l’ICETE.

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Books

Pourquoi y a-t-il tant de théologiens en colère ?

La théologie devrait produire le fruit de l’Esprit, pas les œuvres de la chair.

Christianity Today July 4, 2023
Illustration by Chidy Wayne

Quel est le problème avec la théologie à l’heure actuelle ? Loin de la série de vertus qui constituent le fruit de l’Esprit, une grande partie de ce que l’on appelle « théologie » relève d’une insécurité et d’une colère masquées sous des apparences de dialogue ou de réflexion. Si l’on se référait simplement aux réseaux sociaux, on conclurait aisément qu’il faut être en colère pour faire de la théologie. On la voit bien souvent davantage sous les traits d’une arme que d’une source de joie.

Fruitful Theology: How the Life of the Mind Leads to the Life of the Soul

Ainsi, peut-être faites-vous partie de ceux qui ont vu la théologie utilisée comme instrument de division. Dans cette mauvaise pratique de la théologie, la vérité chrétienne est utilisée pour monter les frères et sœurs les uns contre les autres. Les divers points de doctrine deviennent les lignes de démarcation autour desquelles se joue une guerre entre « nous » et « eux ». Et s’il est vrai qu’il faut parfois placer certaines limites, les frontières théologiques de certains ne cessent de se rétrécir au point que seuls eux et une poignée de leurs partisans peuvent être considérés comme détenteurs de la vérité.

La théologie se transforme ainsi en source de discorde et se retrouve utilisée pour rompre l’unité entre les porteurs de l’image de Dieu appelés à marcher ensemble vers la Terre promise.

Peut-être avez-vous aussi vu la théologie mise au service de l’orgueil. Dans cette mauvaise pratique de la théologie, l’accumulation de connaissances ne fait que gonfler les égos et la recherche de la vérité n’est qu’une quête d’affirmation de soi. Lorsque les flots de l’arrogance se déversent de la source d’une théologie mal utilisée, la recherche du bien de nos prochains est remplacée par la quête de leur approbation.

Au lieu d’orienter notre vie intellectuelle en faveur des autres, nous orientons les autres vers l’admiration de nos capacités intellectuelles dans l’espoir d’obtenir les louanges qui devraient revenir au Seigneur. De cette manière, la théologie peut devenir une véritable scène de théâtre ; les théologiens ne sont que des acteurs sur la scène doctrinale, espérant que leur articulation d’un concept théologique ou le style de leur expression divertira le public.

Peut-être avez-vous vu la théologie utilisée comme un substitut de la sanctification et de la sagesse. Il est tentant de confondre la clarté et l’assurance théologiques avec la sagesse chrétienne. Cependant, une consécration sincère au Seigneur ne se mesure pas à l’aune de notre capacité à mémoriser le jargon et la logique théologique.

Dieu peut utiliser la théologie comme moyen de sanctification, et il semble qu’il soit souvent heureux de le faire. Cependant, l’intelligence théologique n’est pas une raison valable pour minimiser ou négliger le rôle vital de l’intelligence émotionnelle, relationnelle, culturelle, etc.

La sanctification chrétienne est holistique, et si la théologie en est un ingrédient nécessaire, elle reste en elle-même insuffisante. La vie chrétienne exige une maturité et une sagesse qui comportent de multiples facettes, nous invitant à aimer le Seigneur non seulement de tout notre esprit, mais aussi de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre force (Dt 6.4-7 ; Mt 22.37-40).

L’Écriture nous montre que la vie de l’esprit peut effectivement conduire à une vivification de l’âme dans la manifestation du fruit de l’Esprit. La tâche glorieuse de la contemplation chrétienne devrait en effet conduire à l’amour, à la joie, à la paix, à la patience, à la bienveillance, à la bonté, à la fidélité, à la douceur et à la maîtrise de soi. La théologie comme moyen de cultiver la vertu chrétienne, dans la lignée du fruit de l’Esprit, n’est pas une idée nouvelle.

Augustin déclarait : « car telle est la plénitude de notre joie, que rien ne surpasse : jouir de Dieu, la Trinité, à l’image de laquelle nous avons été créés. » Nous pouvons alimenter notre joie d’innombrables façons : famille, nourriture, engagement, voyages, biens, expériences, et bien d’autres choses encore. Mais le carburant le plus fondamental du feu de notre joie, c’est le Dieu trinitaire « à l’image [duquel] nous avons été créés ».

La jouissance du Dieu trinitaire est la plus pure de toutes. Les autres joies ne font que passer. Comme l’herbe se dessèche et les fleurs se fanent, les joies de ce monde sont nôtres aujourd’hui et auront disparu demain (És 40.8). Notre Dieu, lui, est le même hier, aujourd’hui et éternellement (Hé 13.8), de sorte que la joie trouvée en lui est une joie inébranlable et pure.

Cependant, comme l’a si bien formulé Jen Wilkin dans Femmes de Parole : « Le cœur ne peut pas aimer ce que l’intelligence ne connaît pas. » Si nous voulons permettre à nos cœurs de vivre dans la joie que procure l’amour du Dieu trinitaire, nous devons nous attacher à le connaître. Votre pensée et vos affections sont plus liées que vous ne le pensez. Ce que vous contemplez avec persévérance, vous apprendrez à l’aimer de même.

Thomas d’Aquin écrivait : « Toute notre vie porte du fruit et s’accomplit dans la connaissance de la Trinité. » Pour lui, la connaissance de la théologie porte du fruit. Passer du temps aux pieds du Seigneur par la pensée a des conséquences : toute votre vie commencera à porter du fruit.

La contemplation du bien, du vrai, du beau — culminant tous dans notre Seigneur — a la capacité de transformer la haine en amour, le désespoir en joie, la division en paix, l’anxiété en patience, l’animosité en bienveillance, la méchanceté en bonté, la désobéissance en fidélité, la dureté en douceur, et le laisser-aller en maîtrise de soi.

La question à se poser est donc simple : la façon dont vous pensez à la théologie, dont vous faites de la théologie ou dont vous parlez de la théologie conduit-elle généralement à l’amour, à la joie, à la paix, à la patience, à la bienveillance, à la bonté, à la fidélité, à la douceur et à la maîtrise de soi ? Ou bien la façon dont vous pensez à la théologie, faites de la théologie ou parlez de la théologie conduirait-elle plutôt à l’impureté morale, à l’idolâtrie, à la haine, aux querelles, à la jalousie, aux explosions de colère, à l’ambition égoïste, à la dissension, à la division et à l’envie ?

Lorsque les théologiens se laissent aller, leur zèle se retrouve dirigé les uns contre les autres. Au lieu de joindre leurs forces pour propager l’Évangile en tant que compagnons de travail, ils se lancent dans des tirs fratricides, héros d’une guerre imaginaire qui ne connaît aucun gagnant.

La théologie pratiquée selon les œuvres de la chair se caractérise par des querelles, des accès de colère, des dissensions et des divisions. La théologie ainsi pratiquée conduit à se dévorer les uns les autres. Au contraire, la théologie pratiquée dans le fruit de l’Esprit — qui se caractérise par l’amour, la bonté, la douceur et la joie — conduira à porter les fardeaux les uns des autres et à aimer notre prochain comme nous-mêmes.

La différence radicale entre ces différents débouchés démontre l’importance de la tâche à accomplir : la théologie mal employée peut en effet avoir de bien tristes résultats, mais la théologie correctement pratiquée stimule au plus profond de notre âme les vertus qui constituent le fruit de l’Esprit, de sorte à faire de nous des chrétiens marqués par la sagesse et la stabilité.

Trois passages de l’apôtre Paul (Ph 4.8 ; Rm 12.2 ; 2 Co 3.18) pourraient être résumés en une seule phrase : Contemplez la bonté, la vérité et la beauté de Christ et, ce faisant, laissez-vous transformer de gloire en gloire par le renouvellement de votre intelligence. Ou, pour reprendre les termes de Paul : Réfléchissez à ces choses, et soyez transformés en les contemplant.

Réfléchir à ces choses (Ph 4.8). Vous possédez quelque chose d’extrêmement précieux : votre attention. Le monde la veut, et il vous en fera voir de toutes les couleurs pour l’obtenir. Il y a des gens dont le travail principal est de maintenir et d’améliorer continuellement des algorithmes sophistiqués pour garantir que votre attention restera fixée sur votre téléphone.

Dans le très perspicace Se distraire à en mourir, Neil Postman avertit à juste titre que nous sommes en grand danger de n’être plus que des spectateurs de cette vie. Le monde devient une scène. Votre regard et votre attention sont la marchandise qu’il convoite.

Pour cette raison et pour d’innombrables autres, la conclusion de la lettre de Paul aux Philippiens est tout aussi pertinente aujourd’hui qu’elle l’était dans la ville de Philippes au premier siècle. Paul recommande aux saints de Philippes : « Enfin, frères et sœurs, portez votre attention sur tout ce qui est honorable et digne de louange : sur tout ce qui est vrai et mérite d’être respecté, tout ce qui est juste et pur, tout ce qu’on peut apprécier et estimer. » (Ph 4.8, NFC, italiques ajoutés)

Ce que Paul a compris, et ce que nous devons comprendre, c’est que tout ce à quoi nous accordons notre attention nous forme en tant que personnes. Si notre esprit reste fixé sur les événements toujours changeants et de plus en plus superficiels de notre culture, nous continuerons à décliner dans notre sagesse et notre raisonnement en tant que disciples du Christ. Cependant, si nous laissons le commandement de Paul intégrer nos vies et gardons la maîtrise de nous-mêmes pour regarder par-delà l’éventail étourdissant de distractions qui nous entourent, posant un regard ferme et soutenu sur ce qui est bon, vrai et beau, nous pouvons être transformés en hommes et femmes sages et stables.

Être transformés (Rm 12.2). Dans son Épître aux Romains, Paul écrit : « Ne prenez pas comme modèle le monde actuel, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour pouvoir discerner la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait. » (Rm 12.2, BDS, italiques ajoutés)

La contemplation de Dieu dans la théologie chrétienne n’est pas une simple question d’intellect. Porter son attention sur Dieu et sur tout ce qui est en relation avec lui nous conduit à contempler celui qui est l’amour. Ce faisant, nous serons transformés par le renouvellement de notre esprit. Un esprit empli de la vérité débouche sur un cœur plein d’amour et des mains œuvrant pour le bien.

Contempler la gloire du Seigneur (2 Co 3.18)

Dans ce glorieux chapitre, Paul met en contraste les saints de l’Ancienne Alliance avec ceux de la nouvelle. Il rappelle la scène où Moïse, après avoir vu la bonté du Seigneur dans Exode 33, descend du mont Sinaï le visage voilé pour ne pas effrayer les autres Israélites. Paul dit que lire l’Ancienne Alliance sans Christ revient à essayer de regarder Dieu à travers un voile, comme Moïse. Au contraire, voir Dieu dans le visage de Jésus-Christ, c’est comme voir Dieu à visage découvert et pouvoir contempler sans entrave sa beauté et sa splendeur.

Paul écrit : « Nous tous qui, le visage dévoilé, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, de gloire en gloire ; telle est l’œuvre du Seigneur, qui est l’Esprit. » (2 Co 3.18, italiques ajoutés)

Ce passage est d’une beauté saisissante. Si la théologie chrétienne a de nombreux bienfaits concrets, l’un des plus importants est tout simplement la possibilité de contempler la gloire de Dieu. L’une des choses les plus terre-à-terre que vous puissiez faire dans votre vie — à l’encontre de l’idée que la théologie serait un passe-temps déconnecté des réalités — est de prendre le temps de contempler la grandeur et la grâce de Dieu.

S’il nous faut continuellement chercher à mettre en pratique notre théologie et nous poser des questions telles que « Comment vivre cette vérité aujourd’hui ? », nous ne devons pas oublier qu’il y a déjà une immense sagesse à simplement contempler le grand Dieu qui est le nôtre. Dans cette contemplation, nous commençons à lui ressembler, et sommes transformés de gloire en gloire.

Ronni Kurtz est auteur et professeur adjoint de théologie à la Cedarville University. Ce texte est la traduction d’un extrait adapté de Fruitful Theology: How the Life of the Mind Leads to the Life of the Soul (B&H Publishing, © 2022). Utilisé avec autorisation.

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Les chrétiens posent des questions sur Dieu à ChatGPT. Que penser de ces conversations ?

Des experts du monde entier réfléchissent aux conséquences de la révolution de l’IA pour les croyants sur et en dehors d’Internet.

Christianity Today July 3, 2023
Illustration by Abigail Erickson / Source Images: Getty, Unsplash

Depuis sa mise en ligne en novembre dernier, des centaines de millions de personnes ont utilisé ChatGPT pour planifier des itinéraires de vacances, les aider à développer du code informatique, créer des versions en vers de chansons contemporaines et se renseigner sur les détails les plus fins de leurs croyances.

Depuis des années déjà, les chrétiens soumettent à Google leurs questions théologiques pour trouver des articles écrits par des humains répondant à des interrogations sur Dieu et sa Parole. Désormais, il est possible de poser ces questions à des modules de conversation animés par l’intelligence artificielle. Comment les outils de traitement du langage naturel comme ChatGPT vont-ils changer notre façon d’interpréter la Bible ?

Huit experts en IA — et ChatGPT lui-même — nous ont donné leur avis.

Pablo A. Ruz Salmones, PDG de X eleva Group, Mexico City, Mexique

Jean 17.17 nous dit : « Consacre-les par la vérité : c’est ta parole qui est la vérité. » L’interprétation de la Bible est, dans une large mesure, la recherche de la Vérité. Les grands modèles linguistiques (LLM) tels que ChatGPT n’intègrent pas, par définition, de source de vérité ; cela ne fait simplement pas partie de leur fonctionnement. C’est pour cela qu’ils inventent parfois des choses et extrapolent. Ils sont incapables de discerner la vérité, de sorte que même lorsqu’ils tombent dessus, ils sont incapables de la reconnaître comme telle.

Ainsi, lorsque nous lisons les résultats d’un LLM concernant la Bible, nous devons comprendre que ces résultats ne proviennent pas d’une recherche de la vérité dans la Parole de Dieu, mais plutôt d’un mélange de « régurgitation » et d’extrapolation — autrement dit d’algorithmes — à partir de ce que d’autres ont dit. Par conséquent, ChatGPT ne peut pas en soi proposer une nouvelle interprétation de la Bible ; par contre, une personne qui interroge ChatGPT peut trouver dans la réponse du module de conversation une nouvelle façon d’interpréter la Bible, tout comme elle pourrait la trouver dans une réponse offerte par un perroquet. Parce qu’il copie les autres, le perroquet en vient à dire la vérité, même s’il n’en a pas conscience.

Suman Kumar Polepaka, fondateur de BibleMate, aujourd’hui basé à Munich, Allemagne

Les modèles d’IA textuelle générative, comme ChatGPT, transforment la façon dont nous cherchons des réponses aux questions théologiques. Le temps où l’on cherchait sur Google et où l’on faisait défiler des articles à n’en plus finir est révolu. Au lieu de cela, les modules conversationnels d’IA offrent des réponses instantanées, claires et fiables, compilées à partir d’un large éventail de textes, de livres et d’articles. Leur facilité d’emploi, leur rapidité et leur caractère interactif en font une ressource de choix.

Ils peuvent même améliorer l’étude personnelle de la Bible en fournissant instantanément des interprétations diverses et un contexte pour n’importe quel passage. Mais il y a un hic : ChatGPT, étant un modèle à usage général, peut manquer de précision théologique ou biblique. Son but n’est pas d’encourager les relations personnelles avec Dieu ou de favoriser la croissance spirituelle.

Cela m’a amené à créer BibleMate.org, une alternative basée sur ChatGPT. La mission de BibleMate est de fournir des réponses bibliquement exactes et de guider les utilisateurs dans leur cheminement de foi. Il s’agit de s’assurer que l’IA ne se contente pas de fournir des informations, mais qu’elle contribue de manière significative à la croissance spirituelle. Ce projet n’en est qu’à ses débuts et je suis impatient de voir comment il évoluera.

Ang Wie Hay, praticien des technologies de l’information et prédicateur, Singapour

La rapidité avec laquelle ChatGPT recueille et filtre les informations, intègre et trie les données et fournit des résumés dans de nombreuses langues lui confère une intelligence que ne possède aucun être humain normal.

Cette technologie signifie que les chrétiens à la recherche de conseils bibliques peuvent demander à ChatGPT d’appliquer des passages de l’Écriture à différents contextes. Les différentes capacités linguistiques de ChatGPT peuvent nous permettre d’effectuer plus facilement des études exégétiques de versets bibliques, de la langue originale de la Bible à diverses langues locales.

ChatGPT n’est pas un humain capable de distinguer la volonté de Dieu ou de déterminer la vérité de la Bible. La compétence biblique d’une personne est donc primordiale pour décider si la réponse de ChatGPT est en accord avec sa foi.

En tant que prédicateur, je suis reconnaissant de ce que ChatGPT contribue à accélérer la préparation des textes de sermons. En même temps, le pasteur a besoin d’une relation intime avec Dieu, afin de pouvoir transmettre avec sensibilité la sagesse et les conseils de Dieu. J’espère que grâce à la rapidité avec laquelle ChatGPT répond à nos demandes, le pasteur pourra passer plus de temps à cultiver une relation intime avec Dieu.

Sharath Chandra Kogila, responsable de production travaillant sur les initiatives en matière d’IA chez Dell Technologies, Bangalore, Inde

Nous devons nous attaquer au plus vite à la question de la surcharge d’informations. En raison de la quantité d’informations auxquelles nous sommes exposés, notre cognition est altérée et notre capacité à résumer, à comprendre et à extraire de la valeur de l’information est mise à l’épreuve. À partir de cette génération, nous nous appuierons sur des systèmes d’IA tels que ChatGPT, qui sont basés sur de grands modèles linguistiques, pour interpréter et résumer les informations à notre place. Le problème que je vois ici est que les modèles peuvent être entraînés à refléter une vision du monde ou une idéologie spécifique lorsqu’ils lisent des informations (y compris la Bible). Cela concerne surtout les nouveaux croyants à la recherche de ressources et d’informations.

Tout type de contenu, y compris la voix, peut être produit de manière réaliste à l’aide de systèmes de ce type. C’est un risque sérieux, car nous ne pouvons souvent pas faire la différence entre la vérité et la contrefaçon ou entre un contenu original et un contenu conçu artificiellement. En outre, ces systèmes ne permettent pas de remonter à la source de l’information, contrairement à ce qui se fait via le web, où l’information doit être liée à un site web et où son authenticité peut être plus facilement vérifiée. Dans un tel cas, on peut soit faire confiance à toutes les informations soit ne pas faire confiance du tout. Lorsque de telles méthodologies sont utilisées, les systèmes d’intelligence artificielle ont soit un point de vue neutre, soit un point de vue politiquement orienté. Ni l’un ni l’autre n’est souhaitable lorsqu’il s’agit d’interpréter des situations d’un point de vue biblique.

Batseba Kassahun, consultante en ressources humaines ayant apporté son soutien à des entreprises de santé numérique, d’apprentissage en ligne et de télécommunications, Addis-Abeba, Éthiopie

Trop souvent, l’Église mondiale valorise la culture occidentale, sans se soucier de savoir dans quelle mesure cette culture a un lien historique avec le christianisme. Bien que ChatGPT ne soit pas encore disponible en Éthiopie, je crains qu’il ne devienne un outil de plus pour amener les chrétiens à glorifier encore la culture occidentale. Je crains également que ses réponses et son application à nous, Éthiopiens, ne soient limitées, car ChatGPT est conçu pour fonctionner dans un contexte très différent.

Les chrétiens qui ont accès à ChatGPT doivent faire face au fait que cette IA peut générer des sermons et des enseignements bien élaborés. Si elle peut faire cela, jusqu’où peut-elle imiter notre étude personnelle de la Bible ? Notre transformation personnelle se produit en creusant et en étudiant la Bible. Que se passera-t-il si nous ne recevons que des résumés et des conclusions ?

Un professionnel de l’informatique et leader d’opinion dans le domaine de l’IA, dont l’emploi dans le secteur public ne l’autorise pas à s’exprimer publiquement en raison de la nature de sa mission, Inde

Lorsqu’ils interagissent avec un utilisateur, les outils de traitement du langage naturel tels que ChatGPT utilisent un processus connu sous le nom de « word embeddings ». Chaque intégration de mots possède ses propres règles mathématiques internes pour associer différents termes afin de construire une phrase répondant à une requête.

Une probabilité est attribuée à chaque mot de la liste des mots suivants possibles pour construire une phrase, et un mot est choisi en fonction de la probabilité maximale ou du résultat de la préférence (biais) introduite par l’apprentissage par renforcement avec retour d’information humain.

Par conséquent, toute requête à laquelle ChatGPT répond dépend des données d’entraînement utilisées lors de la préformation et du retour d’information humain fourni lors de l’ajustement du modèle. Les données de formation sur Internet utilisées par ChatGPT contiennent à la fois des écrits favorables aux chrétiens et des écrits critiques ou antichrétiens.

En outre, les chatbots tels que ChatGPT peuvent être délibérément empoisonnés par des données fausses ou des données synthétiques et peuvent halluciner les réponses (c’est-à-dire créer des réponses convaincantes, mais fausses). Par conséquent, toute réponse de ChatGPT devrait faire l’objet d’une évaluation critique quant à sa validité théologique et son exactitude historique.

Malgré ces sérieuses restrictions, ChatGPT est un outil formidable pour étudier la Parole de Dieu, car il fournit facilement une référence concise et gratuite à une vaste quantité d’enseignements bibliques de première qualité à travers d’innombrables blogs, discussions, discours, commentaires, cartes, graphiques, manuels, livres de théologie systématique, livres chrétiens généraux et Bibles d’étude.

Pour les chrétiens indiens qui souhaitent utiliser la ChatGPT, pour le meilleur ou pour le pire, cette vaste quantité de connaissances est disponible principalement en anglais, et il n’y a pas grand-chose dans les langues indiennes locales comme l’hindi ou les 21 autres langues officielles.

Marcelo Cabral, responsable éditorial et éducatif à ABC2 ou Associação Brasileira de Cristãos na Ciência (Association brésilienne des chrétiens dans la science), São Paulo, Brésil

D’une part, ChatGPT peut fournir un cadre, des suggestions d’autres interprètes et des résumés accessibles des traditions théologiques qui peuvent grandement améliorer les pratiques des chrétiens (laïcs et ordonnés) en matière de lecture et de conception d’études bibliques.

D’autre part, ChatGPT deviendra un obstacle de plus (avec les médias sociaux) à la poursuite par les chrétiens d’une réflexion approfondie sur les textes bibliques. Cela décourage les chrétiens de lire le texte biblique pour eux-mêmes et de permettre au texte biblique de « lire » le lecteur en retour. Ce travail intellectuel et spirituel peut être surautomatisé, atrophiant ainsi les esprits et les cœurs dans les processus de formation de la pensée et de création.

Benjamin Bimanywaruhanga, praticien de l’IA, Ouganda

Les Ougandais sont spirituels et aimeraient apprendre quels sont les enseignements de la Bible qui se rapportent à leur situation réelle. Nombreux sont ceux qui utiliseraient ChatGPT s’il était conçu pour eux.

Cependant, alors que les pays développés ont largement bénéficié d’Internet comme source de connaissances, la majorité de la population des pays en développement n’y a pas eu accès. La plupart des gens ne parlent pas les langues internationales majoritaires sur Internet, de sorte que seule l’élite l’utilise déjà comme source d’information.

Avec l’augmentation de la pénétration d’Internet et le nombre croissant d’applications Internet basées sur le chat qui utilisent des voies [de communication spécialisées], de nombreux habitants des pays développés ont la possibilité de se tourner vers ces lieux pour obtenir des connaissances. Toutefois, ce développement dépend d’outils comme ChatGPT fonctionnant dans les langues locales. Nous assisterons alors à l’adoption d’applications de type ChatGPT au point de dépasser le nombre d’utilisateurs en Occident, tout comme notre partie du monde a devancé les pays développés dans la révolution de l’argent mobile.

ChatGPT

Les outils de traitement du langage naturel comme ChatGPT changeront la façon dont nous interprétons la Bible en rendant plus accessibles les interprétations et les explications bibliques, en fournissant des perspectives diverses, en permettant une compréhension contextuelle et en offrant des conseils personnalisés.

Ils permettent un accès immédiat à l’information théologique, ce qui la rend plus inclusive. ChatGPT peut traiter un large éventail de sources, favorisant ainsi une compréhension nuancée de la Bible. Il peut analyser le contexte, le contexte historique et les références culturelles, ce qui contribue à des interprétations précises. L’outil permet des interactions conversationnelles, aidant les utilisateurs à naviguer avec des concepts complexes et à appliquer les enseignements à leur situation personnelle.

Toutefois, les chatbots basés sur l’IA sont des outils et ne remplacent pas l’interprétation humaine. La complexité de la Bible requiert expertise, discernement et compréhension théologique. Bien que les chatbots basés sur l’IA fournissent des informations précieuses, il est essentiel d’avoir recours à des théologiens et à des érudits qualifiés pour une interprétation approfondie de la Bible.

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Oui, on peut mettre fin à un mariage abusif.

Les chrétiens ont à faire une différence entre don de soi et maintien d’une relation destructrice.

Christianity Today June 27, 2023
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Unsplash / Getty

Il y a une dizaine d’années, j’assistai aux funérailles d’une femme de foi que ma famille et moi connaissions depuis très longtemps. Cette amie de longue date était décédée après avoir lutté contre un cancer. Les adieux furent douloureux. C’était une de ces personnes dont la tendresse adoucit un peu ce monde.

Lors de ces funérailles dans notre ville natale du centre ouest du Brésil, j’entendis les gens dire qu’elle était tombée malade à cause de son chagrin et qu’enfin elle allait pouvoir se reposer. J’ai fini par comprendre ce que j’étais alors trop jeune pour saisir : jusqu’au jour de sa mort, elle avait souffert dans une relation conjugale abusive.

Qu’est-ce qui avait poussé notre amie à endurer cette relation froide et toxique ? Non seulement la croyance que son mari changerait un jour, mais aussi la conviction que, si elle divorçait, elle courait le risque de perdre son salut.

Malheureusement, elle croyait que Dieu souhaitait qu’elle reste fidèlement mariée malgré les abus. Ses pasteurs ne firent que l’encourager dans cette voie. Ils lui conseillaient de continuer à jeûner, à prier et à s’investir pleinement dans son mariage. Ce qu’elle fit jusqu’à sa mort.

Exiger de quelqu’un qu’il se soumette au fardeau de la violence conjugale équivaut à le condamner à une mort lente et douloureuse au fil d’années d’abus de pouvoir destructeurs. Certes, l’appel à « mourir chaque jour à nous-mêmes » s’étend à nos relations personnelles et implique un certain degré de don de soi. Mais on ne peut déformer les Écritures au point d’assimiler cette abnégation au fait d’endurer la violence conjugale. Il y a une différence cruciale entre ces deux types de « mort » : l’une est enracinée dans l’amour parfait, l’autre trouve son origine dans un péché destructeur.

Le fardeau conjugal

Pour justifier leurs encouragements à ce qu’une épouse tienne bon dans le cadre d’un mariage violent et destructeur, j’ai souvent entendu des pasteurs et responsables chrétiens citer 1 Pierre 3.1-2 : « Vous de même, femmes, soumettez-vous à votre mari. Ainsi, ceux qui refusent de croire à la parole pourront être gagnés sans parole par la conduite de leur femme, en observant votre manière de vivre pure et respectueuse. »

Dans ces versets, Pierre s’adresse à des femmes qui croient en Dieu, mais sont mariées à un non-chrétien. L’apôtre leur explique qu’elles ont l’occasion, par leur manière d’être, de témoigner de leur foi à leur mari. À aucun moment il ne dit à ces femmes de se soumettre à des maris violents — souvent chrétiens ! — pour qu’ils soient ainsi conquis par leur seule conduite. C’est pourtant un raisonnement que j’ai souvent entendu.

Au contraire, la Bible condamne la violence conjugale, comme le montre Malachie 2.16 : « car je déteste le divorce, dit l’Eternel, le Dieu d’Israël, et celui qui couvre son habit de violence, dit l’Eternel, le maître de l’univers. » Il est intéressant de relever que dans le verset où Dieu déclare haïr le divorce, il dit aussi clairement sa haine de la violence.

Un mariage fondé sur la soumission à un comportement abusif n’a rien à voir avec la piété et la Parole de Dieu. Il n’y est pas question de lien d’amour : j’y vois plutôt la flèche qui retient au mur l’animal transpercé. Lorsqu’un prédateur feint l’amour en demandant pardon à grands renforts de démonstrations émotionnelles et promet de changer, il ne fait que tenter de masquer la puanteur de la décomposition que son péché inflige à son mariage.

Mais comment différencier les fruits d’une relation abusive de l’abnégation nécessaire dans tout mariage chrétien ? Dans le second cas, les deux conjoints suivent les paroles de Jésus, qui leur demande de renoncer à eux-mêmes et de prendre leur croix. Dans le mariage, chaque partenaire renonce aux pulsions et désirs qui entravent le chemin de son amour pour l’autre. De cette mort à eux-mêmes découle une vie de résurrection qui porte de beaux fruits.

Qui est responsable ?

Malgré des propos clair des Écritures, j’ai rarement vu des responsables d’Église demander des comptes à des maris violents pour l’état de leur mariage. Beaucoup soutiennent plutôt que le divorce est une tragédie à éviter à tout prix, qui constituerait un péché trop grave.

Souvent, ces responsables applaudiront une femme qui tient bon dans un mariage abusif et agit à leurs yeux comme une « bonne épouse » en persévérant dans l’épreuve. Puisque Dieu peut transformer les gens, certains pensent qu’une épouse a la responsabilité de changer son mari et que sa persévérance sera récompensée lorsqu’il changera enfin. Tout cela leur semble bien plus vertueux que de « simplement divorcer ».

Trop souvent, des chrétiens pensent ainsi que la femme doit considérer une situation abusive comme l’occasion de montrer sa foi et sa vertu et qu’une croyante fidèle ne peut demander le divorce. Mais mettre la responsabilité d’un divorce sur le dos de l’épouse dans les cas de violences domestiques transfère à celle-ci la responsabilité des actes destructeurs de son mari. Faire porter à une épouse la responsabilité spirituelle de son mari, c’est lui demander de faire le meilleur de ce qu’il y a de pire en lui. Autrement dit : prendre elle-même en charge ce qui est l’œuvre de Jésus. C’est ainsi sur elle que sont reportées les souffrances du changement.

L’idée qu’il appartiendrait spécifiquement aux femmes de supporter une relation conjugale abusive n’est pas seulement immorale, mais aussi directement contraire au texte biblique. Elle va à l’encontre de l’idéal du mariage décrit par Paul dans Éphésiens 5.25-28, où l’époux est invité à aimer son épouse comme le Christ a aimé l’Église, donnant sa vie pour elle. La norme biblique est que c’est d’abord de l’époux que Dieu attend un amour sacrificiel. L’alliance biblique ne s’inscrit pas sous le signe de la prédation, mais bien de la vie nouvelle où le don de soi s’inspire du sacrifice du Christ.

Dieu peut restaurer l’être intérieur de chaque être humain, même d’un homme violent ou adultère. Mais cet homme doit assumer les conséquences de ses actes, et il vaut souvent mieux que son renouvellement intérieur ne se fasse pas là où vivent ceux qu’il a blessés. Jésus a déjà porté nos souffrances, et la transformation intérieure est l’œuvre de l’Esprit saint. Aucune femme ne devrait dès lors risquer sa vie par amour de l’âme d’un être humain, pas même celle de son propre mari.

Un changement bienvenu

Au début de l’année, Christianity Today publiait un article sur une Église américaine dont les responsables avaient conseillé aux victimes de violences domestiques de ne pas divorcer. L’histoire était déchirante, mais les réactions des lecteurs ont révélé que de nombreux chrétiens considèrent désormais cette manière d’agir comme inappropriée. On comprend à l’heure actuelle que, même si ce comportement était considéré comme « normal » ou acceptable dans le passé, il ne l’est pas. La question à se poser aujourd’hui n’est peut-être pas seulement « Comment en sommes-nous arrivés là ? », mais plutôt « Comment avons-nous pu accepter si longtemps ce genre de situation ? » et « Comment pouvons-nous changer cela pour de bon ? »

En 2019, dans le cadre d’une polémique dans le monde évangélique concernant l’attitude à adopter face à la violence faite aux femmes, le théologien complémentariste Wayne Grudem exposait sa réinterprétation de 1 Corinthiens 7.15. Après près de 40 ans de ministère, une nouvelle clé herméneutique lui avait permis de reconnaître la violence et les abus comme causes de divorce (en plus de l’adultère et de la désertion du foyer). Pour moi qui avais accompagné des victimes de violence domestique pendant des années, ce changement important fut le bienvenu.

Conseiller aux femmes de rester mariées alors qu’elles ne savent pas si elles seront encore en vie le lendemain ne contribuera certainement pas à préserver l’institution du mariage. Dire à des femmes désemparées qu’il existe des arguments bibliques en faveur de ce type de soumission, revient à pervertir la Parole pour maintenir les apparences trompeuses et superficielles d’une alliance conjugale déjà rompue.

Comme l’écrivait l’an dernier Russell Moore, « Si l’un des conjoints abandonne le foyer, la Bible ne considère pas qu’il y a là une faute de la partie innocente. Et si un conjoint fait du foyer un endroit dangereux pour l’autre (ou leurs enfants), ce n’est pas non plus la faute de la partie innocente. Dans ces cas, le divorce n’est pas un péché, mais avant tout la reconnaissance de ce qui est déjà un fait avéré : l’alliance, l’union d’une seule chair est dissoute. Et le conjoint abusé ne devrait ressentir aucune condamnation en divorçant. »

Ma prière la plus fervente est que les femmes souffrant de violence conjugale puissent trouver réconfort et soutien auprès de leurs responsables d’Église et, lorsque ce soutien leur fait défaut, qu’elles puissent expérimenter la protection du Père. Il y a un Dieu qui les voit (Gn 16), et qui n’exige pas d’elles qu’elles fassent perdurer des alliances de mort. Au contraire, il est venu pour qu’elles aient la vie et qu’elles l’aient en abondance (Jn 10.10). Dieu n’a pas besoin qu’une femme meure ou soit battue en sacrifice pour la vie d’un homme. Le Christ a déjà accompli l’offrande ultime (Hé 10.12-14).

Bruna Santini a travaillé dans le domaine du droit de la famille et a accompagné des victimes de violence domestique au Brésil et aux États-Unis, où elle vit aujourd’hui avec sa famille. Elle poursuit actuellement un cursus de master en études théologiques au Séminaire théologique réformé d’Atlanta.

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Les chrétiens peuvent-ils se passer d’une place dans le calendrier ?

En France, une proposition de laïcisation du calendrier officiel a récemment suscité la controverse. Qu’en pensent les évangéliques ?

Christianity Today June 26, 2023

Les débats sur la place du christianisme dans la société refont régulièrement surface en Europe. À l’occasion du dernier lundi de Pentecôte, le maire de Grenoble, en France, a déclenché une controverse en affirmant que la société française avait évolué et pourrait se défaire des fêtes religieuses. Pointant le grand nombre de non-croyants qui ne suivent pas le calendrier religieux et de musulmans qui célèbrent d’autres fêtes, Éric Piolle propose de supprimer les fêtes chrétiennes du calendrier civil.

Les Français célèbrent actuellement officiellement le lundi de Pâques, l’Ascension, le lundi de Pentecôte, l’Assomption de la Vierge Marie, la Toussaint et Noël. Pour le maire de Grenoble, ces jours fériés pourraient être remplacés par des jours célébrant des moments clés de l’histoire de France.

Nous avons interrogé cinq responsables évangéliques d’Europe francophone : les chrétiens devraient-ils être ouverts à ce que les évolutions de la société qui les entoure conduisent aussi à une sécularisation du calendrier officiel ?

Pierre-Sovann Chauny, professeur de théologie systématique à la Faculté Jean Calvin, Aix-en-Provence :

Non. L’effacement des fêtes religieuses chrétiennes du calendrier civil français devrait être refusé. D’abord, il importe de maintenir une certaine conscience de ce que l’histoire française doit au christianisme et de continuer à souligner le caractère public de la vie spirituelle des chrétiens. Ensuite, ces célébrations fournissent aux chrétiens des occasions spéciales de témoignage concernant la vie, la mort, la résurrection et le règne du Christ. Enfin, leur présence renforce notre liberté religieuse. Leur suppression pourrait au contraire être un prélude à la persécution.

Fabien Fourcasse, pasteur de l’Église évangélique baptiste d’Amiens, Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France :

Plutôt non. Au-delà de l’enjeu des traditions, la présence de jours fériés confessionnels dans le calendrier exprime quelque chose d’un projet de Dieu pour la société. Trop souvent, les croyants s’arrêtent au projet de Dieu pour l’individu. En célébrant ces jours fériés dans la société, nous signifions que Dieu à un projet pour l’ensemble de la création ; hommes, mais aussi animaux, végétaux, minéraux… Cependant, ce positionnement en faveur d’une présence sociétale de la foi invite les croyants à annoncer et vivre selon ce projet de Dieu pour que la voix du Christ devienne audible pour le plus grand nombre.

Victoria Déclaudure, autrice et pasteure au sein de l’équipe Assemblées de Dieu d’Angers :

Plutôt oui. Aucun texte biblique n’impose aux croyants évangéliques de fêter tel ou tel jour. Certaines fêtes de remplacement qu’on pourrait proposer dans le cadre de la sécularisation de la société, tels la fin de l’esclavage ou les droits des femmes, résonneraient très positivement avec l’Évangile. Il est difficile d’imaginer la suppression de Noël ou Pâques, ancrés dans la culture et l’histoire en Europe, et que de toute façon, chacun célèbre selon sa propre sensibilité.

Jean-René Moret, auteur et pasteur de l’Église évangélique de Cologny, Fédération romande d’Églises évangéliques :

D’après le Nouveau Testament, il n’y a pas de jour férié qui soit obligatoire pour les chrétiens. Pour Paul, on peut indifféremment considérer tous les jours comme égaux, ou bien prêter attention à des jours particuliers (cf. Rm 14.5). La situation où des chrétiens ont pu déterminer le calendrier de sociétés entières est atypique ; notre mission n’est pas de la maintenir. Par contre, dans la mesure du possible, il faut demander à ce que les croyants puissent encore chômer les jours dont ils ont besoin pour les fêtes religieuses.

Gilles Boucomont, auteur et pasteur de la paroisse de Paris-Belleville, Église protestante unie de France :

Réévangélisons le pays plutôt que de nous battre pour des jours ! La déchristianisation massive fait que des dates essentiellement chrétiennes pour des jours fériés semblent décalées avec le réel de la société française (10 % de chrétiens un peu pratiquants). Il serait possible de rétrocéder le 15 août, qui ne fédère pas tous les chrétiens, ou le jeudi de l’Ascension qui n’est même pas férié dans la très catholique Espagne.

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Des générations après l’esclavage, trouver liberté et restauration en Christ

Dans l’État américain de Géorgie, deux voisines ont été confrontées à une vérité difficile : l’ancêtre de l’une était esclave des ancêtres de l’autre.

Christianity Today June 22, 2023
Photographie de Rita Harper pour Christianity Today

Stacie Marshall et Melvin et Betty Mosley, amis et voisins, discutent autour d’un café dans la cuisine de la ferme de Stacie à Dirt Town Valley, en Géorgie. Ils se tiennent au courant des mariages familiaux et des nouvelles de l’agriculture locale. Les fenêtres laissent voir des pâturages dans toutes les directions. Un joyeux bouquet de jonquilles est posé sur la table.

En apparence, cette rencontre ressemble à n’importe quelle autre rencontre entre amis. Mais une histoire marquante distingue leur relation : l’arrière-arrière-grand-mère de Betty a été esclave des arrière-arrière-arrière-grands-parents de Stacie dans cette même localité, il y a 150 ans.

Stacie Marshall, 43 ans, mère de trois enfants et ancienne pasteure parmi les étudiants, est amie avec les Mosley depuis des décennies dans cette région du nord-ouest de la Géorgie encore très marquée par la ségrégation. Son père et Melvin Mosley ont grandi en étant de proches amis, et Melvin était le principal adjoint du lycée qu’a fréquenté Stacie.

Stacie et les Mosleys ne connaissaient pas leur douloureux passé commun jusqu’à ce qu’il soit révélé en 2021 au fil des préparatifs d’un documentaire du Berry College intitulé Her Name Was Hester (« Son nom était Hester »). Le tournage commencé en 2015 suivait la découverte par Stacie de l’histoire de sa famille et ses tentatives de réconciliation avec les descendants de ceux qui avaient été leurs esclaves, en parallèle avec son apprentissage de la gestion de l’exploitation bovine de 120 hectares de sa famille.

En 2017, Stacie mettait de l’ordre dans la ferme familiale lorsqu’elle a découvert, dans une boîte à chaussures, un tableau des esclaves du comté datant de 1860. Le document, qui répertoriait les personnes asservies dans le cadre d’un recensement fédéral, confirmait ce que son grand-père lui avait dit des années auparavant : son arrière-arrière-arrière-grand-père avait acheté sept personnes, dont une nourrice nommée Hester.

« Mes grands-parents sont morts, et maintenant tout cela m’appartient », se souvient-elle avoir pensé. Elle décrit l’étrange sentiment de honte que lui a procuré la découverte des documents de sa famille, malgré l’écart de plusieurs générations entre elle et l’esclavage.

Dans sa quête des descendants d’Hester et d’une possible réparation, Stacie Marshall se tourne d’abord vers les Mosleys, ses mentors spirituels. Malgré leur proximité, elle aborde la rencontre avec inquiétude, craignant que l’histoire ne soit source de souffrance. Mais elle constate que les Mosleys accueillent favorablement la conversation. « Je dois désapprendre l’idée que le silence est protecteur », analyse Stacie.

Ce jour-là, Melvin Mosley, un directeur d’école de 69 ans devenu pasteur, prie pour Stacie une prière qu’elle qualifie de « l’un des moments les plus marquants de sa vie ».

« Il a connu et aimé des générations de ma famille », raconte Stacie, « et ce jour-là, il a prié : “Seigneur, brise le racisme générationnel qui pourrait exister.” »

Les années passent et Marshall et les Mosley commencent à mener ensemble des actions de réconciliation raciale au sein de leur communauté. Les auteurs du documentaire continuent à filmer leur parcours et, en 2021, le New York Times met à son tour en valeur leur relation. Deux semaines plus tard, les recherches généalogiques d’un historien local débouchent sur un développement stupéfiant : l’arrière-arrière-petite-fille de Hester était Betty Mosley.

« Je veux juste que tu saches que cela ne change rien à la façon dont je t’aime. » Betty MosleyPhotographie de Rita Harper pour Christianity Today
« Je veux juste que tu saches que cela ne change rien à la façon dont je t’aime. » Betty Mosley

« C’était choquant », raconte Betty, 67 ans. « Comment cela était-il possible ? » Elle savait que la plupart des membres de sa communauté noire avaient des racines dans l’esclavage et le métayage. Sa mère elle-même avait été métayère et ramassait du coton. Mais elle n’avait jamais soupçonné l’existence d’un lien avec Stacie Marshall.

Après avoir appris la nouvelle, Betty Mosley reste debout toute la nuit à la recherche de documents familiaux. Le lendemain, elle appelle Stacie pour lui dire : « Je veux juste que tu saches que ça ne change rien à la façon dont je t’aime. »

Melvin et Betty Mosley œuvrent à la réconciliation raciale depuis des décennies dans ce comté de 25 000 habitants, et ce notamment au sein de l’Église baptiste Harmony de Summerville, une congrégation interraciale dont Melvin est pasteur depuis deux ans. Cette communauté se veut « un lieu de culte pour toutes les races ».

Mais la réconciliation raciale n’a pas toujours été facile pour les Mosleys.

Au cours de ses années d’école primaire, Melvin remarqua que son école noire ne recevait que les restes des livres délaissés par l’école blanche. À l’université, l’un de ses professeurs lui asséna qu’il n’avait pas sa place dans un milieu majoritairement blanc. Jeune enseignant, Melvin dut un jour corriger un élève blanc qui lui avait dit : « Mon père m’a dit que je n’avais pas à faire ce que vous disiez. »

Lorsque Betty était en cinquième, en 1967, l’année où les élèves noirs et blancs ont été mélangés dans le comté de Chattooga, un garçon blanc lui lança une expression raciste dans le bus. Il en sortit avec un œil au beurre noir.

Bien qu’elle ait grandi à l’Église, elle affirme que sa foi en Christ s’est approfondie au cours des premières années de son mariage, lorsqu’elle a commencé à étudier la Parole de Dieu. Ses premiers rêves d’une grande maison, d’une belle voiture et d’une piscine ont fait place à un profond désir de plaire à Dieu. « C’est comme le dit l’un de nos hymnes », dit-elle. « You understand it better by and by » (« Vous comprenez mieux au fur et à mesure. »)

Elle et Melvin ont par la suite pris part au dimanche des relations interraciales, organisé chaque année par leur Église d’origine, la Oak Hill Missionary Baptist. Chaque année, l’Église blanche fréquentée par Stacie Marshall était invitée à venir célébrer le culte à Oak Hill, et le pasteur noir des Mosleys venait prêcher dans l’Église blanche, dont les colonnes avaient été sculptées par des esclaves.

Betty réoriente aujourd’hui l’énergie qui lui avait permis de réduire au silence son grossier camarade d’école il y a quelques décennies. Elle s’attache à transmettre l’amour de Jésus-Christ aux personnes de toutes origines. Betty et Melvin organisent souvent des activités telles que des cours de fabrication de biscuits, des fritures de poisson et d’autres événements communautaires dans le cadre de leur travail avec l’Église baptiste Harmony.

« Je me fiche de savoir s’ils sont blancs, noirs, mexicains ou asiatiques », explique Betty. « Je les veux tous. C’est comme cela que les choses sont censées se passer — c’est comme cela que les choses se passent au paradis. »

Melvin y voit la possibilité de mettre fin à un péché perpétué de génération en génération et de construire un avenir plus prometteur. « Dans toutes nos familles, il y a des choses qui remontent à des générations et qu’il nous appartient de briser », explique-t-il. « Et quand nous les brisons, elles sont brisées pour toujours. »

« Dans toutes nos familles, il y a des choses qui remontent à des générations et qu’il nous appartient de briser » Melvin MosleyPhotographie de Rita Harper pour Christianity Today
« Dans toutes nos familles, il y a des choses qui remontent à des générations et qu’il nous appartient de briser » Melvin Mosley

Melvin et Betty comprennent tous deux bien les défis auxquels ils sont confrontés dans ce travail, même s’ils s’en remettent à Dieu, source de tout amour. « L’amour est difficile », observe Betty. « Les gens ne vous le rendent pas toujours. Mais c’est ce que le Seigneur attend de nous. »

Parfois, l’amour consiste à s’opposer au racisme pour le bien de la communauté. Il y a plusieurs années, un fonctionnaire local avait autorisé le déploiement d’un drapeau confédéré [rappelant le Sud esclavagiste] sur le palais de justice du comté. Betty et Melvin lui ont rendu visite et lui ont demandé de l’enlever. Plusieurs autres personnes ont également protesté et le drapeau a finalement été retiré.

Grâce à ces actions, les Mosley partagent le Christ avec leur communauté. « Notre objectif est de faire de notre ville un endroit où il fait bon vivre », dit Betty. « Dans ma relation avec le Seigneur, je veux faire une différence dans le monde. »

Stacie Marshall fait encore face à des réactions négatives lorsqu’elle fait connaître l’histoire de sa famille à un plus grand nombre de personnes, que ce soit par le biais du documentaire du Berry College ou de l’article du New York Times consacré à sa relation avec les Mosleys. Bien qu’elle et son mari aient dirigé pendant 13 ans un ministère universitaire à la WinShape Foundation du Berry College (où il travaille toujours), elle marche sur la corde raide avec certains collègues chrétiens qui la considèrent avec méfiance et certains agriculteurs locaux qu’elle croise au magasin de Dirttown.

Melvin et Betty Mosley l’ont accompagnée dans cette démarche, tout en l’avertissant : « Tu vas découvrir un côté [de certaines personnes] que tu n’as jamais vu. » Stacie s’inquiète aussi pour les Mosley, mais Melvin lui assure qu’ils ont connu pire. « J’ai porté ce costume de noir toute ma vie », dit-il en souriant.

Mais leur lien n’est pas défini par les obstacles partagés. Au contraire, il se vit dans des relations simples et chaleureuses entre les Marshall et les Mosley, entre plaisanteries partagées et liens familiaux qui s’approfondissent. Melvin a célébré le mariage du frère de Stacie lors d’un récent week-end, et alors que ce frère l’appelle pendant que Mosleys et Marshalls sont réunis dans la cuisine, Melvin interpelle depuis l’autre bout de la pièce : « Comment vont les jeunes mariés ? ».

Les deux familles ont vécu des conversations difficiles et des larmes en cours de route. Dès le début, essayant de donner un sens à la relation de sa famille avec les personnes qui avaient été ses esclaves, Stacie a partagé son récit familial concernant Hester : elle était si proche de la famille Marshall qu’elle a choisi de rester avec elle après la guerre civile. Mais les Mosleys lui ont offert un autre cadre pour penser ce récit : en tant que femme noire sans le sou, où aurait-elle pu aller d’autre ?

« C’est un don du Seigneur que de traverser cette situation dans le cadre d’une relation, de ne pas devoir l’ignorer ou se sentir lié par elle », témoigne Stacie, estimant qu’une réparation authentique ne peut se faire que dans le cadre d’une relation. « Les Mosleys et moi-même maintenons nos relations enracinées dans notre lien le plus fort : notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. »

Betty Mosley considère les relations comme la voie ultime pour guérir les blessures raciales :

« Les relations sont essentielles » « Il faut avoir une relation avec Jésus-Christ. »

Elle cherche également à partager l’amour de Dieu et la réconciliation ultime qui nous est promise à travers la manière dont elle traite les autres. « Je prie pour ma maison parce que je veux que vous vous sentiez les bienvenus chez moi. Je veux que vous vous sentiez à l’aise pour me parler. J’ai peut-être une opinion, mais je vais vous la donner à la lumière du Seigneur. »

À l’ère des débats passionnés et des prises de position à chaud, l’engagement inébranlable et affectueux des Mosleys offre un frappant contraste. Mais il leur en a coûté.

« En tant que Blancs, nous avons le choix du moment où nous avons cette conversation », constate Stacie.

« Je veux juste continuer à semer de bonnes graines aux côtés des Mosleys. » Stacie MarshallPhotographie de Rita Harper pour Christianity Today
« Je veux juste continuer à semer de bonnes graines aux côtés des Mosleys. » Stacie Marshall

« Mais les Mosleys n’ont jamais eu le choix. Cette réalité m’aide à mieux saisir ce qui a été exigé d’eux et comment ils ont fait face à cette histoire comme ils l’ont fait. »

L’une des filles des Mosleys a un jour dit à Marshall : « Je veux juste que tu partages la blessure avec nous. Parce que c’est lourd et que nous avons dû la porter pendant longtemps. »

Cette approche permet à Stacie Marshall de répondre à ceux qui la dépeignent comme une blanche prise d’un complexe de sauveur : « J’apprends à être incomprise. » C’est une forme simple de solidarité que de marcher aux côtés de ses voisins noirs », explique-t-elle. « Ce n’est pas grave si les gens ne comprennent pas mes motivations. »

Alors que Stacie continue de se débattre avec l’histoire de sa famille, elle réfléchit à la manière d’utiliser les terres supplémentaires dont elle va hériter pour faire avancer le travail de réconciliation dans le voisinage. Il s’agit d’un sujet délicat, qui fait écho à un débat national plus large sur les réparations aux États-Unis.

« C’est quelque chose que je vais travailler tout au long de ma vie ». La réparation est une question fondamentale pour elle. « Comment peut se vivre la réparation dans un village ? Dans une relation ? »

Elle cite en exemple l’amitié de longue date entre son père et Melvin Mosley : « Cela a été très formateur pour mon cheminement de foi. » L’Église dans laquelle elle a grandi était fortement axée sur la conversion et la nécessité d’évangéliser le monde. « Mais papa et Melvin étaient centrés sur l’idée que “Dieu amènera à lui qui il veut”. Et s’il m’utilise, c’est merveilleux. » »

« Cela m’a profondément marqué », raconte Stacie. « Je vais simplement être amour parce que je suis aimée. »

Elle réfléchit à la façon dont Jésus s’y est pris pour réparer les dégâts durant sa vie sur terre. Son œuvre dit en quelque sorte : « Il s’est passé quelque chose de grave ici — le péché. Il nous faut le réparer, et cela ne peut se faire que par ma mort et ma résurrection. »

En son centre, la réparation touche à l’idée de mourir à soi-même, estime Stacie en citant Galates 6.2 : « Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi du Christ. »

« Il a rompu le pain et son corps pour que nous puissions être réconciliés avec Dieu. » « Il a montré comment réparer les choses dans les relations humaines. »

Se référant à Matthieu 18.15, Stacie Marshall considère la réconciliation raciale comme un moyen fondamental d’exprimer sa foi chrétienne. « Ce n’est pas une corvée. » « J’ai l’impression que tous ces sermons et tous ces passages des Écritures qui m’habitent ne sont là que pour ce moment. C’est comme cela que je peux vivre ma foi chrétienne de manière concrète. »

Her Name Was Hester aborde la question des moyens de reconstruction personnels et sociétaux et des réparations. Matthew Raiford, agriculteur noir, déclare dans le film : « Les réparations ne se limitent pas à des questions de terres ou d’argent : c’est une conversation à avoir. Une même solution ne conviendra pas pour tout le monde. »

Le réalisateur du film, Brian Campbell, professeur agrégé d’anthropologie et titulaire de la chaire de sciences et d’études environnementales à la Berry University, a pu constater l’impact du film sur les spectateurs. Un animateur communautaire noir qui a assisté à une projection dans la ville géorgienne de Rome lui a déclaré que celui-ci avait changé sa perception de ce à quoi les réparations pourraient ressembler.

« Le film présente l’idée que le fait de passer du temps avec son voisin d’origine différente offre des possibilités de lien que l’on n’avait pas imaginées », dit Campbell. « L’engagement dans un dialogue et des échanges authentiques jette les bases d’une réconciliation. »

Campbell crée des plans de cours et des guides de discussion pour les Églises, les écoles et des groupes de citoyens. En 2022, Her Name Was Hester a été projeté dans des festivals de films à travers tous les États-Unis.

Réfléchissant à la question des réparations, Melvin Mosley déclare : « C’est le cœur qui doit être changé. » Il espère qu’un jour les cœurs seront suffisamment changés pour que les personnes de couleur n’aient plus à être deux fois plus performantes que les autres pour obtenir un emploi ou un prêt, comme il en a fait l’expérience. « Tout ce que nous faisons aujourd’hui a une incidence sur demain. Nous devons nous tourner vers l’avenir et donner le meilleur de nous-mêmes. »

Betty envisage les choses plus simplement : « Pour moi, la réparation, c’est que Stacie ne transmette pas de préjugés raciaux à ses enfants. »

À cette fin, les familles Mosley et Scoggins (du côté du père de Stacie) ont fondé en 2021 la Hester’s Heritage Foundation pour soutenir la préservation de l’histoire des Noirs, l’éducation et les initiatives agricoles. La fondation accueille des groupes à la ferme pour préserver les tombes anonymes des esclaves, organiser des discussions et plaider en faveur du soutien aux agriculteurs noirs, qui ne représentent actuellement qu’un pour cent des agriculteurs au niveau national aux États-Unis.

« Je sais que cette terre appartient au Seigneur », dit Stacie. « Je veux l’utiliser pour la guérison de la communauté. »

L’une des façons dont la Hester’s Heritage Foundation s’acquitte de sa tâche est la projection de Her Name Was Hester et l’animation de débats avec des étudiants de l’enseignement supérieur. « Ils sont réellement engagés dans la construction d’un monde meilleur », dit Stacie.

L’année dernière, lors d’une manifestation organisée à la ferme par la fondation, un groupe d’étudiants de la Berry University s’est rassemblé pour écouter les récits de Clemmie Black, une habitante de Dirt Town Valley âgée de 95 ans, qui a enseigné dans les écoles du comté de Chattooga pendant des décennies, à l’époque de la ségrégation. Sa grand-mère avait été esclave et ne savait ni lire ni écrire : elle mesurait la farine et le sucre avec ses mains pour cuisiner.

Au fil des ans, Clemmie Black a non seulement reçu une éducation, mais elle a également pu enseigner et influencer les nouvelles générations de la région, semant ainsi de petites graines d’espoir.

Stacie Marshall partage la même motivation lorsqu’elle travaille avec les Mosleys pour défaire les dynamiques racistes dont ils ont hérité. « Je veux juste continuer à semer de bonnes graines aux côtés des Mosleys », dit-elle dans Her Name Was Hester.

Elle s’émerveille de cette histoire improbable qui a affecté tant de vies pendant tant d’années et passe ce matin-là par deux amies partageant tranquillement un café. « Nous n’aurions pas pu écrire cette histoire », dit-elle. « C’est miraculeux. »

Assise dans la cuisine de Stacie Marshall, Betty Mosley réfléchit aux changements dont elle a été témoin au cours de sa vie à Dirt Town Valley : « Même si mon arrière-arrière-grand-mère est née esclave, je suis née libre. Jésus a dit : “Si le Fils vous rend libres, vous êtes vraiment libres.” »

Elle pose ses coudes sur le comptoir à côté des jonquilles éclatantes, les premières fleurs à éclore à la fin de l’hiver.

« Je suis vraiment libre. »

Melissa Morgan Kelley est une journaliste basée à Atlanta.

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Joseph pardonna à ses frères éloignés. Pouvons-nous faire de même ?

Sa réponse à la perfidie de ses frères nous invite à réévaluer les relations analogues dans notre propre vie, et à nous investir dans la réconciliation.

Christianity Today June 17, 2023
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: WikiMedia Commons / Unsplash / Pexels

Vous avez sous les yeux la version adaptée en français du texte gagnant du deuxième concours annuel d’écriture de Christianity Today en chinois .

« Joseph dit à ses frères : Je vous en prie, approchez-vous de moi. Alors ils s’approchèrent. Il dit : Je suis Joseph, votre frère, que vous avez vendu pour l’Égypte. » (Gn 45.4)

« Approchez-vous de moi ». La formule est simple, mais il s’agit aussi là d’un acte de restauration.

Joseph, la victime, emploie ici à l’égard de ses frères, ses bourreaux, une expression qui pourrait passer pour ordinaire. Au fil des années, Joseph avait certainement accumulé bien des blessures dues à un passé malheureux et des émotions contradictoires. Les chagrins de sa vie ne cesseront de le poursuivre après la trahison de ses frères. Confronté à ses anciens agresseurs en étant à présent en position de pouvoir, élevé et prospère, il aurait pu facilement se venger d’eux pour soulager sa douleur à la fois psychologique et concrète. Au lieu de cela, il choisit de louer Dieu pour sa providence, de révéler sa propre identité à ses frères et de faire preuve de miséricorde à leur égard (Gn 45.5).

Ses frères s’approchant de lui : l’image avait peut-être peuplé les cauchemars d’un Joseph profondément blessé. Jeune garçon, Joseph se montra naïf au point qu’après avoir reçu une vision de Dieu en rêve, il s’en alla vers ses frères et leur fit part sans réserve de cette vision. Il ne fit qu’accroître leur jalousie à son égard. Plus tard, lorsque son père Jacob lui demande d’aller voir ses frères, il s’en va docilement. Cependant, si ses frères s’approchent alors de lui, c’est d’abord pour le tuer, puis pour le vendre. Leur « approche » causera le plus grand tort à Joseph.

Les intentions meurtrières des frères à l’égard de Joseph révélèrent toute la méchanceté de leur cœur. Alors qu’ils se retrouvent finalement emprisonnés par Joseph en Égypte, accusés d’être des espions, ils en viennent cependant à se dire l’un à l’autre : « Vraiment, nous avons eu tort en ce qui concerne notre frère ; car nous avons vu sa détresse quand il nous suppliait, et nous ne l’avons pas écouté. C’est pour cela que cette détresse est venue sur nous. » (Gn 42.21) Leur emprisonnement leur rappelle le mal qu’ils ont fait au jeune Joseph, et les amène à penser que leur situation actuelle est un châtiment de Dieu.

Frères contre frères

Comme en écho au conflit au sein de la fratrie de Joseph dans la Bible, nous entendons souvent parler de discordes et de querelles entre frères et sœurs, enfants et parents, ou entre conjoints. Les familles sont faites de relations censées nous apporter un sentiment de sécurité, de confort et de liberté. Mais certaines familles peuvent susciter davantage de sentiments de peur et d’impuissance.

La rupture des relations au sein d’une famille est une situation courante et malheureuse. Ces relations étroites et intimes peuvent être gravement endommagées par des préjugés parentaux, les différences de génération et de personnalité, et les différents degrés de capacité des uns et des autres à gérer les situations difficiles.

La rivalité entre frères et sœurs est un problème universel. L’année dernière, dans le cadre d’un projet de devoirs d’été, une jeune Japonaise de 11 ans enregistrait 100 disputes entre ses trois autres frères et sœurs en seulement 10 jours.

On connaît des cas où les conflits surviennent lorsque des frères et sœurs se disputent l’héritage familial. Dans d’autres cas, la rivalité entre frères et sœurs peut résulter de valeurs culturelles telles que le respect et la déférence à l’égard des aînés. J’ai été frappé par cet exemple de deux frères chinois qui s’occupaient de leur père atteint de démence : le frère cadet se porta volontaire pour assumer davantage de responsabilités dans les soins de leur père, car il estimait que son frère aîné avait une faible estime de soi et manquait de compétences en matière de prise de décision. Il se montra cependant de plus en plus frustré par le fait que son frère aîné ne coopérait pas avec lui.

Après avoir suivi un accompagnement, le jeune frère se rendit compte que son aîné le percevait comme irrespectueux parce qu’il agissait comme s’il était le chef. En améliorant leur style de communication et leurs efforts de collaboration, les frères purent mieux se comprendre. Leur conflit devint l’occasion de réconcilier des divergences de longue date.

Le courage de pardonner

Les conflits entre frères et sœurs peuvent survenir chaque jour, et les griefs peuvent devenir de plus en plus profonds. Il est souvent difficile pour un médiateur d’intervenir et de déterminer le bien et le mal, entre autre parce que les rôles du bourreau et de la victime peuvent être dynamiques et interchangeables.

Les interactions entre bourreau et victime sont complexes, entremêlées, et s’inscrivent souvent sur le long terme. L’un semble exercer un pouvoir excessif pour opprimer et intimider l’autre. Cependant, ses actions abusives et violentes peuvent émaner d’un cœur rempli de peur et de lâcheté. Certains agresseurs cherchent en réalité à se rapprocher de leurs victimes, mais utilisent des moyens malsains pour s’exprimer et perpétuent le mal.

Aujourd’hui, les victimes de violences domestiques peuvent s’adresser à des institutions ou à des Églises pour recevoir des conseils et de l’aide pour leur corps, leur esprit et leur âme. Et si les agresseurs sont conscients d’eux-mêmes, ils peuvent également chercher accompagnement et aide. Nous avons là certains moyens permettant de démêler les écheveaux relationnels et progresser vers la réconciliation au sein de la cellule familiale.

Mais c’est l’état du cœur de chacun qui est au cœur du problème.

Lorsque Joseph jette un regard en arrière sur sa vie et qu’il réalise que sa souffrance aux mains des autres pourrait néanmoins refléter la miséricorde et la bonté de Dieu (Gn 50.20), je crois que l’ombre dans son cœur se dissipe et qu’il se voit soulagé de sa douleur. Il peut ainsi sortir des carcans du seul rôle de victime et dire : « Approchez-vous de moi » avec un cœur sans crainte, tendant à ses frères la main de la réconciliation.

Et lorsque Joseph, la victime, fait un geste inattendu de réconciliation envers ses frères, ceux-ci prennent soudain conscience de leurs erreurs passées.

La réconciliation est le début de la réparation d’une relation brisée et ouvre la voie à la fin des cycles d’abus au sein de cette relation. Il ne s’agit pas de la voie du monde, qui consiste à rendre la violence pour la violence, mais de la voie biblique qui consiste à vaincre le mal par le bien (Rm 12.21).

Joe Shing Yung Tsoi a été éditeur pendant plus de dix ans dans une institution chrétienne de Hong Kong et a édité des dizaines de livres et de revues. Il est titulaire d’une maîtrise en langue et littérature chinoises de l’Université baptiste de Hong Kong et d’une maîtrise en études chrétiennes du Séminaire biblique de l’Alliance de Hong Kong.

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