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Je gagne ma vie avec des algorithmes. Dieu ne me demande pas de démissionner.

Alors que je vivais une période de découragement professionnel, un récent ouvrage m’a éclairé sur les bénédictions et les dangers de la technologie de pointe.

Christianity Today August 28, 2023
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Getty / Unsplash

C’est un fait, nos vies sont de plus en plus saturées de technologie numérique. Les applications et plateformes jouent un rôle prépondérant sur le plan social et professionnel, dans nos vies privées et dans nos collectivités, au travail, à l’école et à l’Église. Nous peinons à nous rappeler comment était la vie sans ces commodités technologiques modernes. Même de nombreux jeunes adultes ressentent un gouffre entre les normes technologiques avec lesquelles ils ont grandi et celles qui ont cours actuellement.

God, Technology, and the Christian Life

God, Technology, and the Christian Life

Crossway

320 pages

$15.35

Ce changement semble encore plus frappant lorsque nous tentons de comparer notre vécu numérique quotidien — les nouvelles instantanées, les robots conversationnels et le métavers — aux réalités décrites dans la Bible. C’est dans ce contexte que God, Technology, and the Christian Life, le dernier livre de Tony Reike, présente une « théologie de la technologie » incisive et fondée sur les Écritures. Il y établit un lien clair entre nos expériences de vie et celles des héros de l’Ancien Testament et jette les bases d’une vision de la technologie moderne alignée sur les perspectives bibliques.

Ce livre, je l’ai lu à un moment crucial de désillusion dans ma carrière professionnelle. Je suis data scientist, ou « expert en mégadonnées », un technologue de métier. Je passe mes journées à écrire des algorithmes générant des chiffres et des recommandations qui alimentent les écrans de millions de smartphones dans le monde. Dans mon travail, j’utilise des procédés qui peuvent aussi être employés à des fins malveillantes et ont déjà entrainé de grandes entreprises technologiques dans d’importantes polémiques au sein de la société.

J’apprécie certainement les bienfaits de la technologie moderne, et mon travail dans le domaine du développement technologique m’apporte une réelle satisfaction. Pourtant, je suis assez sceptique à l’égard de son omniprésence. Notre dépendance à l’égard des plateformes des grandes entreprises technologiques pour notre vie quotidienne est énorme. Et malheureusement, ces programmes ne sont généralement pas le fruit de mûres réflexions, mais bien d’une recherche frénétique de profit et d’accumulation de données de la part de firmes à gros capital. En tant que chrétien, cette réalité a lourdement pesé sur ma conscience et m’a fait sérieusement réfléchir à ma vie professionnelle.

Certains seront peut-être surpris d’entendre qu’un tel dilemme est fréquent chez les travailleurs des secteurs technologiques. Leurs états d’âme ne se lisent pas sur la place publique ou dans des tempêtes de tweets, mais bien dans les recoins anonymes de forums en ligne, comme ceux de Hacker News. Ce fournisseur d’informations à la mode, soutenu par l’un des incubateurs de startups les plus exclusifs et les plus lucratifs d’Amérique, est fréquenté par tout le gratin de l’industrie technologique. Mais entre des annonces d’introduction en bourse et des tutoriels lourdement codés, le site édite régulièrement aussi des appels à l’aide de technologues chevronnés qui n’arrivent plus à concilier désillusions technologiques, carrière professionnelle et recherche de bonheur. Un rapide survol des échanges confirme qu’il n’y a pas de consensus sur les réponses à apporter à ce dilemme, et qu’on ne sait même pas par où commencer à chercher.

Une clarté nouvelle sur d’antiques priorités

Dans son livre, Reinke aborde toute cette problématique, présentant tout le développement de la technologie depuis son lancement par Dieu, sa gestion par de premiers intendants bibliques, sa croissance et son développement dans les villes, ses prétentions de plus en plus idolâtres et son jugement final. Lorsqu’il s’agit d’honorer Dieu avec nos technologies, Reinke affirme que les innovations contemporaines ne soulèvent pas vraiment de nouvelles questions. Elles appellent plutôt à une clarté renouvelée sur d’antiques priorités. C’est à travers ce paradigme simple qu’il applique la sagesse de l’Écriture à nos expériences technologiques modernes.

Le livre de Reinke part de manière surprenante du goudron, cette substance qui recouvre nos allées, nos rues et nos terrains de jeu et que certaines traductions de la Bible appellent « poix » ou « bitume ». Ce goudron fait en effet le lien entre les récits de l’arche de Noé (Ge 6) et de la tour de Babel (Ge 11) en mettant en évidence l’un des thèmes principaux du livre : la technologie peut être utilisée soit pour glorifier Dieu, soit pour glorifier l’humanité, mais Dieu reste souverain dans les deux cas.

Noé a fidèlement obéi à l’ordre de Dieu et a construit le plus grand bateau de son temps en l’imperméabilisant consciencieusement avec du goudron. Quelques générations plus tard, les habitants de Babel ont astucieusement associé le bitume à des briques cuites dans le but de se construire une place au paradis. La même technologie a conduit à des résultats opposés. Mais aucun de ces épisodes n’a représenté une menace pour Dieu ou n’a échappé à son contrôle.

Cette partie du livre nous met en garde contre l’attribution d’étiquettes morales générales à la technologie elle-même. Selon Reinke, Dieu est plutôt préoccupé par nos motivations à utiliser les technologies et par les conséquences spirituelles que notre recherche d’auto-exaltation engendre. Le problème de la Tour de Babel, écrit-il en citant un commentaire de la Genèse, « n’est pas qu’elle insécurise Dieu, mais qu’elle engage l’homme sur une nouvelle voie d’autodestruction. L’ambition et le pouvoir croissants de l’homme ne menacent pas Dieu, ils menacent l’homme lui-même, car “plus ils seront capables de concentrer leur pouvoir, plus ils seront capables de se faire du mal et de faire du mal au monde” ».

La solution du problème, selon Reinke, n’est pas que les technologues abandonnent leur métier, mais plutôt qu’ils apprennent à percevoir Dieu dans leur technologie. Affirmer que Dieu est le créateur de toute technologie et le maître de toute innovation fait de la science et l’ingénierie une sorte de jeu divin de questions-réponses. Nous demandons à Dieu ce qui est de l’ordre du possible, et il nous donne une réponse matérielle. Toutes les innovations technologiques sont un cadeau de Dieu, car elles permettent d’atténuer la malédiction du péché sur la création. C’est dans cette optique que Reinke fait le lien entre le Dieu d’Ésaïe 28.23-26, qui dispense avec miséricorde ses instructions agricoles, et le monde de la technologie moderne.

La plus importante contribution de ce livre se trouve dans le vocabulaire qu’il développe pour réfléchir l’innovation technologique et dans une expression lapidaire : « l’Évangile de la technologie ». L’auteur désigne par là les propositions technologiques idolâtres de notre époque, opposées à la bonne nouvelle de Jésus. La plupart des discours chrétiens expriment un malaise latent face à l’omniprésence de la technologie, mais ils ne parviennent pas toujours à formuler clairement ce à quoi ils s’opposent et pourquoi. Reinke donne un nom à notre malaise et plaide vigoureusement en faveur d’une approche modérée, tempérée, nuancée et pleine de foi, qui contraste nettement avec les fausses promesses d’accomplissement, de rédemption et de contrôle énoncées par l’Évangile de la technologie.

Les lecteurs avertis, qu’ils soient lassés à la perspective d’un énième livre sur la technologie ou noyés par l’offre infinie de prises de position sur le sujet, apprécieront que le livre de Reinke aborde notre contexte actuel sous l’éclairage des idées et événements ayant marqué l’histoire de l’humanité. En fin de compte, il nous rappelle les parallèles étroits et profonds qui existent entre nos tensions technologiques modernes et les défis auxquels ont été confrontées les générations précédentes. « C’est le dilemme humain », écrit-il. « L’innovation humaine est un don merveilleux, mais un dieu décevant. Nous ne pouvons pas nous sauver nous-mêmes. En fin de compte, nos innovations laissent des cœurs insatisfaits, des âmes perdues et des corps froids dans une tombe. »

La souveraineté de Dieu sur l’innovation

De cet ouvrage, il nous faut retenir que, quels que soient les progrès de la technologie au cours de notre vie, nous n’avons en fin de compte que Dieu à craindre (Mt 10.28). Car, comme le dit Reinke, sa « souveraineté est le berceau de notre avenir technologique ». Et il nous rappelle qu’aucun niveau d’innovation humaine ne peut satisfaire les désirs du cœur de l’homme qui transcendent les contraintes de notre temps (Ec 3.11) et trouvent leur accomplissement ultime dans le Christ.

Personnellement, ce livre m’a encouragé à approfondir ma recherche de Dieu dans la science des données. Reinke évoque le contexte biblique pour nous aider à comprendre Dieu dans toute sa création, et donc aussi dans nos milieux professionnels. Cela a renforcé la place que je lui donne dans mon travail et m’a donné une base solide pour évaluer mes habitudes technologiques et trouver mon chemin dans les dilemmes éthiques auxquels je suis confronté. Selon Reinke, les nouvelles technologies ne s’arrêteront pas pour faire leur autocritique. Cela doit nous motiver à bien prendre en compte et à communiquer les dangers qu’elles véhiculent.

Heureusement, le livre de Reinke évite, et même dénonce, le ton alarmiste de la plupart des écrits chrétiens sur le sujet. De manière convaincante, il dit aux optimistes et pessimistes de la technologie de ne pas sous-estimer Dieu. « Nous n’avons pas tort », affirme Reinke, « d’éprouver un “malaise mineur” à l’ère de l’innovation. Mais en attendant le retour du Christ, nous pouvons être sûrs que notre Dieu souverain règne, même sur les perspectives les plus troublantes auxquelles nous sommes confrontés. »

Collin Prather est data scientist chez iRobot, une entreprise basée à Bedford, dans le Massachusetts.

Traduit par Anne Haumont

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