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La mise en péril du plan américain de lutte contre le VIH inquiète les chrétiens africains.

Les habitants des pays où le programme PEPFAR a sauvé des millions de vies se sentent laissés de côté dans les débats en cours aux États-Unis.

L’hôpital copte du Kenya distribue des médicaments financés par le PEPFAR.

L’hôpital copte du Kenya distribue des médicaments financés par le PEPFAR.

Christianity Today September 27, 2023
Brent Stirton/Getty Images

Les chrétiens africains luttant contre la propagation du VIH/sida, que ce soit dans des établissements de santé ou dans le cadre d’un ministère chrétien, suivent avec inquiétude des débats en cours au Congrès américain. Ceux-ci pourraient en effet avoir des répercussions directes sur leurs programmes sur le terrain.

Le 30 septembre est la date limite fixée pour la réautorisation du Plan présidentiel d’aide d’urgence à la lutte contre le sida (PEPFAR), un programme de lutte contre le VIH/sida financé par les États-Unis qui soutient actuellement 20 millions de patients sous traitement, principalement en Afrique subsaharienne. Certains groupes pro-vie américains s’opposent à cette réautorisation quinquennale au motif que l’administration Biden aurait « détourné » le programme au profit de la promotion et de la pratique d’avortements ainsi que pour assouplir les lois africaines en la matière. Les acteurs africains du programme affirment qu’ils n’ont rien vu de tel.

« Nous assurons le Congrès des États-Unis que l’affirmation selon laquelle le PEPFAR soutient ou promeut l’avortement est pour nous étrange, infondée et malheureuse », écrit un groupe de 350 responsables d’Église africains, une majorité d’évangéliques et quelques catholiques, dans une lettre adressée au Congrès le 15 septembre dernier. « Nous voudrions vous assurer, vous et le public américain, que nous n’avons vu aucun indice qu’une telle chose se soit produite. »

Le texte insiste sur la nécessité de cette réautorisation quinquennale, sans laquelle « notre peuple sera laissé dans la crainte de l’avenir ». Parmi les signataires figuraient des pasteurs, des responsables de réseaux évangéliques et des directeurs médicaux d’hôpitaux chrétiens.

Le Congrès a reconduit le PEPFAR tous les cinq ans depuis que l’ancien président George W. Bush avait lancé le programme en 2003, mais cette année, la reconduction semble clairement menacée.

Le PEPFAR conservera son financement actuel même sans réautorisation, de sorte que le Congrès disposera d’un peu de temps pour trouver un accord. Mais l’absence de réautorisation remettra en question les projets de santé à long terme ainsi que certains autres aspects du programme. Les experts africains en matière de santé estiment que cela pourrait avoir des conséquences imprévisibles sur le terrain, laissant notamment craindre aux patients que les médicaments dont dépend leur vie soient rendus inabordables.

Avant le lancement du PEPFAR, Nkatha Njeru dirigeait une clinique VIH à l’hôpital Nazareth, un hôpital missionnaire historique situé à l’extérieur de Nairobi, au Kenya. L’institution a été l’un des premiers établissements de santé à distribuer des médicaments antirétroviraux, qui étaient coûteux et difficiles à obtenir à l’époque.

Après l’avènement du PEPFAR, les prix des médicaments ont chuté de manière spectaculaire et des centres comme celui dirigé par Nkatha Njeru ont pu traiter un nombre exponentiel de patients. Au cours de la première année de financement par le PEPFAR, la clinique est passée d’une cinquantaine de patients à environ 1 200. « Nous ne parlons pas de “personnes vivant avec le VIH”. Il s’agit de personnes que je peux nommer », témoigne-t-elle.

Elle ne dirige plus la clinique, mais les tensions actuelles au Congrès la rendent « très anxieuse ».

Depuis 20 ans, dit-elle, les patients savent qu’ils peuvent aller chercher leurs médicaments tous les mois. Même une brève interruption de l’accès aux médicaments, qui suppriment la charge virale, favoriserait de possibles infections.

« Si [les patients] ne savent pas s’ils recevront leur prochaine dose, cela va aussi créer de la panique », affirme-t-elle. « Et nous ne savons pas ce que les gens feront — ils pourraient s’inscrire dans plus d’une clinique, juste pour pouvoir se créer une réserve de médicaments. Et il est évident que cela serait désastreux. »

De nouveaux groupes pro-vie américains ont annoncé la semaine dernière leur opposition à la réautorisation quinquennale. Americans United for Life, March for Life, National Right to Life, Catholic Vote, Students for Life of America et le groupe de pression de Focus on the Family ont rejoint The Heritage Foundation, Susan B. Anthony Pro-Life America et le Family Research Council dans leur opposition à une reconduction pour plusieurs années.

Le 19 septembre, ces groupes ont exprimé leur position dans une lettre adressée aux leaders républicains du Congrès, déclarant que, bien qu’eux-mêmes souhaitent la poursuite du PEPFAR, le Président Biden avait « détourné » celui-ci « pour promouvoir l’avortement dans les pays africains ». Ces associations parlent de « néocolonialisme ».

Leur argumentaire reprend celui du représentant Chris Smith, un républicain longtemps grand défenseur du PEPFAR, mais mécontent que celui-ci ait été exempté de la Mexico City Policy (sauf sous l’administration Trump). Cette règle interdit aux groupes internationaux financés par le gouvernement fédéral de pratiquer ou de promouvoir l’avortement au moyen d’autres fonds.

Les associations souhaitent que la réautorisation comprenne davantage de restrictions labélisées « pro-life », comme celle de Mexico City. Le programme bipartisan PEPFAR a toujours été fragile, mais il s’agit du péril le plus sérieux de ses 20 années d’existence.

Pour étayer leur position, les groupes pro-vie américains citent une lettre datant de juin et émanant d’un autre groupe de plus de 100 responsables d’Église africains, dont bon nombre de catholiques, préoccupés de la possibilité que le PEPFAR fasse la promotion de l’avortement. Mais la lettre ne s’oppose pas à la reconduction du programme.

Dans le texte, ces responsables évoquent leur inquiétude que le programme « soutienne des principes et des pratiques de planification familiale et de santé reproductive, y compris l’avortement, qui violent nos convictions fondamentales concernant la vie, la famille et la religion. » Les groupes pro-vie considèrent fréquemment l’expression « santé reproductive », notamment employée dans un document stratégique du PEPFAR publié en septembre 2022, comme un nom de code pour l’avortement.

« Nous demandons au PEPFAR de rester fidèle à sa mission initiale et de respecter nos normes, nos traditions et nos valeurs », indique la lettre de juin.

L’administration Biden a depuis précisé que la « santé reproductive » dans le contexte du PEPFAR se référait uniquement aux « services de prévention, de dépistage et de traitement du VIH », à « l’éducation, au dépistage et au traitement des infections sexuellement transmissibles », au dépistage et au traitement du cancer, ainsi qu’à « la prévention et au traitement de la violence fondée sur le genre ».

« Le PEPFAR ne finance pas d’avortements », peut-on lire dans une note ajoutée au document de l’administration.

Nkatha Njeru, qui dirigeait la clinique de lutte contre le VIH au Kenya, est aujourd’hui directrice générale de la Plateforme des associations chrétiennes de santé en Afrique, qui représente environ 10 000 hôpitaux missionnaires et établissements de santé confessionnels dans 32 pays d’Afrique subsaharienne, où se concentrent les programmes du PEPFAR. Son organisation a signé une autre lettre adressée au Congrès par 35 organisations confessionnelles travaillant en Afrique pour appuyer la réautorisation.

Certains des établissements de son réseau travaillent à la mise en œuvre du PEPFAR ; beaucoup d’entre eux dispensaient des soins en matière de VIH/sida avant l’existence du programme. Les établissements de santé confessionnels représentent une grande partie — parfois une majorité — des établissements de santé dans les pays d’Afrique subsaharienne.

Nkatha Njeru nous a rapporté qu’aucune des organisations américaines pro-vie qui s’opposent à la réautorisation ne l’avait contactée pour lui faire part de ses préoccupations.

Elle considère que le PEPFAR est d’une telle ampleur qu’il existe évidemment un « risque » de mauvaise utilisation des fonds, mais que le programme fait l’objet d’une vigilance plus étroite que d’autres programmes d’aide à l’étranger.

« La surveillance la plus rigoureuse à laquelle j’ai été confrontée concernait le financement par le PEPFAR », témoigne-t-elle. « Nous, les chrétiens, ne devrions surtout pas banaliser les questions liées à la protection de la vie. [… Mais] nous n’avons pas encore eu d’indice que l’argent du PEPFAR ait été utilisé pour des raisons pour lesquelles il n’était pas prévu. »

La clinique VIH autrefois dirigée par Mme Njeru, qui comptait 50 patients avant la mise en place du PEPFAR, en compte aujourd’hui 5 000 sous traitement antirétroviral. Elle traite actuellement environ 300 mères enceintes séropositives pour que leurs bébés soient séronégatifs, un autre aspect du programme PEPFAR.

Dans leur lettre du 15 septembre, les responsables d’Église africains déclarent que le programme PEPFAR « a réussi à protéger nos familles et nos enfants au-delà de nos plus grandes espérances ».

« Cela a été une réponse à la prière », écrivent-ils. « Nous avons tous connu la terreur du VIH/SIDA, soit par la perte d’un membre de notre famille, soit par la perte de membres de nos communautés. Le PEPFAR n’a pas seulement apporté un soulagement au fléau du VIH/SIDA, mais aussi de l’espoir pour notre avenir. »

« Nous prions pour que vous écoutiez nos humbles voix. […] L’espérance de vie augmente, le nombre d’orphelins diminue, les naissances en bonne santé augmentent dans les établissements de soins de santé et d’autres problèmes de santé sont reconnus et traités là où ils ne l’avaient jamais été auparavant. »

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