Culture

Un amour implacable

Lorsque nous sommes dans la peur, Dieu recherche notre cœur.

Christianity Today December 5, 2023
Phil Schorr

L’Éternel parla de nouveau à Ahaz et lui dit : Demande pour toi un signe extraordinaire à l’Éternel, ton Dieu, soit dans les régions d’en bas, soit dans les lieux élevés.

Mais Ahaz dit : Je n’en demanderai pas. Je ne veux pas forcer la main à l’Éternel.

Ésaïe dit alors : Écoutez donc, dynastie de David. Ne vous suffit-il pas de mettre à dure épreuve la patience des hommes pour qu’il vous faille encore lasser celle de mon Dieu ? C’est pourquoi le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voici, la jeune fille sera enceinte et elle enfantera un fils, elle lui donnera pour nom : Emmanuel (Dieu avec nous).

(Ésaïe 7.10-14)

Je rappelle chaque jour à mon jeune fils combien je l’aime. Ces derniers mois, j’ai parfois remarqué qu’il était inquiet et triste. Comme beaucoup de jeunes de son âge, il a été marqué par les nouvelles récurrentes concernant les fusillades dans les écoles, les émeutes dans notre pays, la pandémie et les diverses tensions politiques. Pour être honnête, j’ai également eu très peur à bien des moments. Mais je rappelle souvent à mon fils : « Kingston, tu es pleinement aimé. Nous sommes en sécurité. Dieu est avec nous, même si tu ne le sens pas. » Mon fils, comme beaucoup d’entre nous, a du mal à y croire. Le monde est lourd. Où est l’espoir ?

En Ésaïe 7.10-14, on trouve un roi Ahaz effrayé au milieu de luttes et de tensions politiques. Les ennemis se rapprochent de la nation de Juda et Ahaz, qui s’est éloigné de Dieu, ressent le besoin de chercher ailleurs un secours et un apaisement. Le roi connaissait la loi de Dieu, mais il n’avait pas confiance en elle. Alors que Dieu voulait lui offrir la sécurité, Ahaz était gouverné par l’idolâtrie, jusqu’à sacrifier son propre fils (2 R 16). Dieu annonce alors ce que signifie cette voie pour Juda : si Ahaz n’écoute pas ses instructions et ne change pas, la destruction sera inévitable (Es 10-11).

L’insistance de Dieu face au roi de Juda ne vise pas seulement la repentance d’Ahaz, mais aussi le salut de tout son peuple, tout comme dans la vie, la mort, la résurrection et l’ascension de Jésus pour nous. Les yeux du roi de Juda étaient absorbés par des réalités passagères, alors qu’une perspective éternelle frappait à sa porte. Mais la grâce de Dieu persévère malgré notre infidélité. Même si Ahaz rejette la puissance et la présence de Dieu, Ésaïe lui donne un signe : « Voici, la jeune fille sera enceinte et elle enfantera un fils, elle lui donnera pour nom : Emmanuel (Dieu avec nous). » (Es 7.14)

La naissance de Jésus apporte un salut extraordinaire. L’espoir est maintenant là (Mt 1.20-22). Dieu est avec nous, malgré les turbulences et des circonstances souvent périlleuses de nos vies. Il est descendu pour nous offrir l’espérance éternelle dans nos afflictions passagères. Il nous demande d’écouter et de croire. Dans notre faiblesse et notre incrédulité, il nous aide à le faire.

Lorsque mon fils avait peur, j’étais implacable dans la poursuite de son cœur, tout comme Dieu l’est pour le nôtre. J’avais besoin que mon fils sache que la peur n’avait pas à nous gouverner. Cette place revient à notre espérance en Christ. Oui, certaines périodes nous mettent face à la réalité du doute et de la peur, mais l’amour de Jésus pour son peuple ne cesse d’abonder. Il a offert le salut en se donnant en rançon pour la vie de beaucoup. Et il nous promet ceci : « Comme un homme que sa mère console, je vous consolerai. » (Es 66.13) Il est notre repère par excellence, un roi qui nous offre la vie en échange de sa mort. Aujourd’hui, n’endurcissez pas votre cœur comme Ahaz, mais sachez que la puissance de Dieu est en vous, que sa présence est avec vous et que ses bénédictions sont sur vous.

À méditer



Comment l’histoire du roi Ahaz montre-t-elle que Dieu poursuit sans relâche le cœur de son peuple et désire son salut ?

De quelle manière pouvons-nous trouver de l’espoir et du réconfort dans l’assurance que Dieu est avec nous, même au milieu de la tourmente et de la peur ?

Alexandra Hoover est épouse, mère de trois enfants, conférencière, responsable de ministère et autrice du best-seller Eyes Up: How to Trust God’s Heart by Tracing His Hand.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

En ces temps de division, nous devrions davantage parler de nos ennemis.

Cela peut sembler contre-intuitif, mais il y a des raisons bibliques et culturelles de le penser.

Christianity Today December 5, 2023
Illustration d’Abigail Erickson/Images sources : WikiMedia Commons

Nous parlons moins de nos ennemis qu’auparavant.

Ce n’est peut-être pas ce que vous ressentez. L’abondance de luttes internes, de médisances, d’injures et de méchanceté dans le discours public contemporain, y compris au sein de l’Église, est à la fois tragique et destructrice. Calomnie et remarques désobligeantes font partie du quotidien de nombreux cercles. La dernière chose dont nous aurions besoin en ces temps de division pourrait donc sembler être une pensée et un discours sur les « ennemis ».

Or, c’est tout le contraire, et ce pour deux raisons. La première est biblique : les Écritures parlent des ennemis avec une grande clarté et une fréquence remarquable, y compris d’une manière que nous sommes explicitement invités à imiter. La deuxième raison est d’ordre culturel : la confusion quant à l’identité des ennemis de Dieu et à la manière dont l’Église devrait réagir face à eux incite les chrétiens à s’attaquer mutuellement bien plus qu’elle ne limite les hostilités.

Prenons d’abord l’argument biblique. Il y a environ 400 références à un « ennemi » ou à des « ennemis » dans les Écritures. À titre de comparaison, c’est environ deux fois plus souvent que les mots relatifs à la « grâce ». Certes, beaucoup de ces exemples concernent des adversaires politiques ou militaires d’Israël aujourd’hui disparus. Mais d’autres désignent ceux qui aiment le monde, haïssent la Croix et l’Église (Jc 4.4; Ph 3.18 ; Ap 11.5, 12).

De nombreuses références concernent l’œuvre du Messie lui-même, qui « possédera les villes de ses ennemis » (Ge 22.17), et qui — dans le texte biblique le plus fréquemment cité par Jésus et par le Nouveau Testament — s’assiéra à la droite de Dieu jusqu’à ce que ses ennemis soient transformés en son « marchepied » (Ps 110.1). Apparemment, écraser la tête de ses ennemis est un élément central de ce que le Christ est venu faire. C’est le sujet de la première prophétie à son sujet, dès le jardin d’Eden (Ge 3.15), et l’image est préfigurée dans la Bible hébraïque par de nombreux récits de têtes abattues, de Sisera à Goliath, en passant par Abimelek et Dagon.

Les apôtres exhortent directement l’Église à prier et à chanter les psaumes (Ep 5.19), qui regorgent de supplications pour la délivrance et la destruction de nos ennemis. À moins que nous ne soyons prêts à découper ces passages aux ciseaux, à la manière de la Bible éditée par Thomas Jefferson, nous devrons trouver des manières pertinentes de les comprendre et de les prier. Après tout, même le Psaume 23, le psaume le plus paisible, le plus pastoral et le plus populaire qui soit, présente une table dressée « en face de mes adversaires » (v. 5).

Nous devons donc nous poser la question : comment implorer le salut du Dieu qui « brise les dents des méchants » tout en continuant à aimer nos ennemis (Ps 3.8 ; Mt 5.44) ? Demandons-nous à Dieu de renverser des groupes terroristes comme l’État islamique ou des tyrans comme Vladimir Poutine ? D’écraser le Diable et toutes ses œuvres ? De venger Jésus ? De détruire notre propre péché ? D’éliminer tout mal au jour du jugement ? Tout cela à la fois ? J’ai trouvé un ouvrage de Trevor Laurence, Cursing with God: The Imprecatory Psalms and the Ethics of Christian Prayer, extrêmement utile sur ces questions.

Notre contexte culturel actuel a également grand besoin d’une vision biblique de l’inimitié. Un curieux paradoxe est à l’œuvre. Alors que les Occidentaux modernes sont de moins en moins convaincus de l’existence du Diable, ils sont de plus en plus enclins à se considérer les uns les autres comme diaboliques. Comme l’ont fait remarquer des historiens tels que Tom Holland et Alec Ryrie, nous invoquons aujourd’hui Hitler, les nazis ou l’Holocauste au lieu de Satan, des démons ou de l’enfer, mais l’effet est à peu près le même.

Ces tendances sont liées. Nous savons au fond de nous que le mal radical existe. Si nous n’apprenons pas à discerner précisément qui sont nos ennemis, nous avons tendance à les voir partout. La plupart d’entre nous évitent les termes tels que « ennemis » ou « méchants », préférant diverses combinaisons d’insultes, de jurons, d’épithètes rancunières et de généralisations calomnieuses. Mais même lorsque le langage de l’inimitié disparaît, l’expérience de cette inimitié ne disparaît pas, comme le sait bien quiconque s’est déjà réjoui de la chute de quelqu’un (ou lamenté de la réussite de cette même personne).

L’un des antidotes aux débouchés les plus dangereux de l’inimitié consiste à déterminer plus clairement qui sont nos véritables ennemis. Le péché, la mort, le monde, la chair, le Diable : Tels sont les ennemis que le Christ est venu écraser. Ils sont à l’œuvre en nous, tout comme en ceux que nous peinons à aimer. Mais tout en détestant Mammon, nous pouvons aimer le jeune homme riche. Tout en détestant l’idolâtrie, nous pouvons aimer les Éphésiens, les Londoniens ou les Parisiens. En effet, nous luttons contre les forces spirituelles du mal, et non contre la chair et le sang (Ep 6.12).

« Chaque groupe a un démon », m’a dit un pasteur avisé il y a plusieurs années. « En l’occurrence, le nôtre devrait être le Diable. »

Andrew Wilson est pasteur enseignant à la King’s Church de Londres et auteur de Remaking the World.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Noël nous intègre à la famille non traditionnelle de Dieu.

Après la perte de mon père durant mon enfance, j’ai appris à trouver ma véritable lignée dans l’Incarnation.

Christianity Today December 5, 2023
Illustration de Mallory Rentsch/Images sources : WikiMedia Commons

Enfant, j’adorais feuilleter les cartes de Noël que ma famille recevait chaque année. À l’époque où les réseaux sociaux n’existaient pas encore, ces photos annuelles glissées dans la boîte aux lettres me permettaient de me sentir en contact avec des amis et des membres de la famille éloignés.

Après la mort de mon père, cependant, les cartes de Noël me rappelaient ce que j’avais perdu. Ces photos de familles intactes et souriantes et leurs salutations joyeuses étaient comme du sel versé sur ma plaie. Les fins d’année sont toujours difficiles pour les personnes en deuil. Mais pour moi, elles ajoutaient une mesure de honte au chagrin que je portais tout au long de l’année. Dans ma blessure d’enfant, je ressentais certaines intuitions : mes frères et sœurs et moi-même n’étions plus à la hauteur des cartes de Noël, car notre famille n’était plus complète. C’est pour cela que nous n’avions plus jamais envoyé de vœux de Noël après la mort de mon père.

L’importance que notre culture accorde à la famille nucléaire prend une tournure religieuse à l’approche de Noël. Nous associons Marie, Joseph et Jésus niché dans la crèche à nos propres conceptions sentimentales de l’unité familiale. Nous invitons des familles à venir allumer les bougies de l’avent dans l’église. Nous nous réunissons autour de la table avec notre famille élargie pour faire la fête. Dans l’emballement général, il est facile de penser que la « paix sur la terre » s’exprime avant tout sous la forme d’une famille complète et en bonne santé au pied d’un sapin de Noël.

Soyons clairs : la famille est un don de Dieu qui mérite d’être valorisé et soutenu. Dieu a créé la famille en partie pour nous permettre d’apprendre à aimer et à être aimés. Le monde a besoin de voir des familles engagées dans l’entreprise à la fois difficile et sacrée de vivre ensemble. Mais comme l’écrit Esau McCaulley, spécialiste du Nouveau Testament, « notre image de la famille à Noël — entourée de décorations, riche, heureuse et intacte — colle assez peu à l’Évangile du premier [Noël] ».

La famille de Jésus n’est pas vraiment à la hauteur de nos cartes de Noël. Son premier « Noël » (sa naissance) n’a pas eu lieu dans une maison confortable entouré d’une famille traditionnelle, mais dans une annexe pour animaux avec une mère tombée enceinte avant d’être mariée et un père adoptif. Son enfance a probablement été marquée par la honte associée à la grossesse de sa mère aux yeux de la société (Mt 1.18-19), les terreurs du déplacement de sa famille en Égypte (Mt 2.13-15) et les réalités de la pauvreté (Lc 2.24).

Devenu adulte, Jésus n’a pas non plus formé une famille traditionnelle. Il est resté célibataire jusqu’à sa mort.

Ayant perdu mon père quand j’étais jeune, j’ai trouvé un grand réconfort dans le fait que l’histoire de la famille de Jésus est si complexe. Dès sa conception, Emmanuel démontre qu’il est Dieu avec nous tous, y compris les laissés-pour-compte, les pauvres, les célibataires et les endeuillés. La magie de Noël, de la proximité du Christ, c’est qu’elle concerne précisément ceux qui pourraient sembler en être exclus. La famille de Jésus elle-même est la preuve de cette vérité.

Mais Jésus et ses parents — désignés dans l’histoire de l’Église comme la Sainte Famille — nous offrent également le modèle d’un cadre nouveau et plus large instauré par Jésus lui-même. Interpellé au sujet de sa mère et ses frères qui l’appelaient, Jésus enseigne : « celui qui fait la volonté de mon Père céleste, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère. » (Mt 12.50) Les parents humains de Jésus sont les premiers personnages des Évangiles à faire preuve de cette obéissance à la volonté du Père.

Le fameux « oui » de Marie au message de Gabriel est ce qui a fait d’elle la mère de Jésus. Elle a consenti à la volonté de Dieu et l’a accueillie de la manière la plus personnelle, la plus coûteuse et la plus incarnée. Marie est pour cela un personnage unique dans l’histoire du salut et un exemple pour tous les chrétiens.

De même, Joseph a obéi à l’ordre angélique de prendre Marie pour épouse et d’accueillir son fils comme sien (Mt 1.18-25). La profonde humilité et la disposition au service de Joseph illustrent ce qu’est le royaume contre-culturel de Dieu et restent un témoignage prophétique pour nous aujourd’hui.

Dans leur obéissance commune à Dieu, Marie et Joseph ont vécu ensemble comme Adam et Ève devaient le faire. Leur alliance représente les débuts de l’humanité rachetée, la famille de Dieu. En d’autres termes, les personnages principaux de l’histoire de Noël ne nous offrent pas seulement un modèle de famille nucléaire. Ils nous offrent un modèle pour l’Église.

Dans mon enfance, pendant et après la mort de mon père à la suite d’un cancer, l’église est devenue pour moi une sainte famille, une communauté paternelle et maternelle qui m’a permis de grandir dans l’obéissance à Dieu. Ils ont entouré et soutenu ma mère alors qu’elle apprenait comment prendre soin de six enfants en tant que veuve. Mes frères et sœurs et moi avons été nourris, habillés et même — pendant un certain temps — logés par des chrétiens. Une poignée d’hommes, en particulier, nous ont fidèlement accompagnés en tant que pères spirituels. Leur présence durable a changé ma vie.

Ces dernières années, l’influence de ces hommes me fait penser à Joseph, un homme dont la paternité n’était pas limitée par la biologie. Comme l’écrit le pape François à propos du ministère de Joseph, « les pères ne naissent pas, ils se font. […] Chaque fois qu’un homme accepte la responsabilité de la vie d’une autre personne, il devient d’une certaine manière un père pour celle-ci. »

Jésus n’est pas venu abolir la famille. Mais il est venu l’élargir. Il est venu pour que nous puissions partager sa filiation et nous asseoir à sa table familiale. Il est venu pour transformer des étrangers en frères et sœurs et des hommes et des femmes sans enfants en pères et mères spirituels. Cela n’efface pas la douleur de nos éloignements familiaux, du deuil ou du célibat non désiré. Mais cela permet de recadrer cette douleur. Et cela devrait recadrer la manière dont tous les foyers chrétiens comprennent le sens de leur vie commune.

Dans son livre Habits of the Household, Justin Whitmel Earley invite les familles nucléaires à faire de l’hospitalité une forme de mission.

« Nous ne nous occupons pas de notre foyer parce que nous sommes responsables de notre lignée et de personne d’autre — ce serait une forme déguisée de tribalisme », écrit-il. « Nous nous occupons plutôt de la famille parce que c’est à travers elle que la bénédiction de Dieu s’étend à d’autres. »

À l’approche de Noël, nous repensons au petit foyer non traditionnel qui a étendu la bénédiction de Dieu au monde grâce à la naissance du Christ. Et nous pouvons nous émerveiller de la façon dont ce foyer s’étend pour englober chacun d’entre nous.

Je m’émerveille de cette vérité chaque fois que je regarde l’icône de la Sainte Famille qui se trouve sur mon bureau. Elle m’a été donnée par une amie lorsque j’étais enceinte, et elle m’inspire généralement à prier pour mon propre ministère en tant que mère de trois enfants. Mais de temps en temps, j’y vois un portrait de famille dans lequel je suis aussi mystérieusement présente.

Pour être claire, la famille humaine de Jésus était et reste distincte de la mienne. Mais sa famille spirituelle comprend ceux qui sont nés « non du fait de la nature, ni par une volonté humaine, ni par la volonté d’un mari, mais […] de Dieu. » (Jn 1.13) Cette famille est issue de toutes les tribus, de toutes les langues et de toutes les nations, et sa destinée est la communion éternelle avec le Père (Ap 7.9-10).

Lors d’un Noël particulièrement difficile, il y a quelques années, alors que je pleurais la perte soudaine de mon frère, j’ai découvert une autre image évoquant la Sainte Famille. Dans un dessin intitulé « Mary and Eve », Ève est nue, triste et les pieds entravés par le serpent. Marie est enceinte, vêtue de blanc et marche sur la tête du même serpent.

Cette image est devenue une sorte de carte de Noël personnelle. Elle me rappelle de ne pas chercher mon accomplissement ultime dans une quelconque forme de la famille nucléaire, mais de me confier, ainsi que mes proches, au Fils qui fait de nous tous des fils et des filles.

Face au deuil et à la solitude persistante, cette lignée familiale inébranlable nous soutient. Elle nous enseigne comment vivre ensemble en tant que communauté de frères et sœurs jusqu'à la venue du Seigneur. Elle inscrit notre peine dans l'espérance plus large des retrouvailles — et de la résurrection — qui nous attendent.

Hannah King est prêtresse et autrice dans l'Église anglicane d'Amérique du Nord. Elle est pasteure associée à la Village Church de Greenville, en Caroline du Sud.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

La prophétie d’un souverain parfait

Un surprenant pouvoir à venir

Christianity Today December 4, 2023
Phil Schorr

Voici venir le temps, l’Éternel le déclare, où je vais donner à David un germe juste. Il régnera avec sagesse et il exercera le droit et la justice dans le pays. À cette époque-là, Juda sera sauvé, et Israël vivra dans la sécurité. Voici quel est le nom dont on l’appellera : « L’Éternel est notre justice ».

(Jérémie 23.5-6)

Jérémie était le prophète d’un peuple en proie à des troubles politiques. Pendant des années, Juda était gouverné par des rois méchants, des hommes dont les règnes furent caractérisés par la cupidité, l’idolâtrie et l’injustice. Au lieu de s’occuper du peuple, ils l’opprimaient. Jérémie les invite à se souvenir de l’alliance et à prendre soin du peuple de Dieu. Au lieu d’imiter les nations qui les entourent, il appelle les rois à être différents, à montrer aux nations comment adorer le seul vrai Dieu. Mais ils ignorent les avertissements du prophète. Encore et encore, ces rois préfèreront leur péché à Dieu, et le peuple en souffrira.

Au milieu de ce chaos, Dieu ne reste pas silencieux. Par l’intermédiaire de Jérémie, il dénonce l’insuffisance et l’échec des dirigeants de Juda. Ses paroles sont pleines d’accusations contre ceux qui oubliaient que leur autorité n’était que dérivée de leur Souverain. Les rois avaient perdu de vue qu’ils n’étaient que des intendants, chargés de prendre soin d’un peuple qui appartenait à Dieu.

Puis, en Jérémie 23.5-6, le prophète fait une promesse surprenante. Dieu n’allait pas supprimer la théocratie de Juda. Il allait la parfaire. Dans la lignée de David, Dieu susciterait un « germe juste », héritier légitime du trône. Ce roi ferait ce que les rois de Juda n’avaient pas pu faire : diriger d’une manière qui reflète parfaitement la justice et l’équité de Dieu. Sous son règne, le peuple prospérera et Dieu sera adoré. Ce roi sauvera le peuple de l’oppression.

Mais ce roi ne sera pas un roi humain comme les autres. Ce roi sera le Fils de Dieu, Jésus.

Dans des paroles pleines d’espoir, le prophète rappelle au peuple que Dieu ne l’a pas oublié. Il n’a pas fermé les yeux sur leur souffrance. Au contraire, il prépare la fin de cette souffrance. Par amour, Dieu le Père enverra Dieu le Fils dans le monde pour le sauver du problème fondamental qui affectait Juda et ses rois : le péché.

Sous le règne de Jésus, le péché ne sera plus. Le Christ redressera les torts, punira le mal et établira l’équité pour tous. L’humanité sera traitée avec justice et reflétera la justice de Dieu. Jésus rétablira le shalom que le péché a chamboulé et tente sans cesse de détruire.

Dans le monde entier, les êtres humains connaissent le poids des troubles politiques. Bien des dirigeants sont en proie à la cupidité, l’idolâtrie et l’injustice plutôt que soucieux de la création de Dieu. Pourtant, de la même manière que Dieu a vu la douleur de Juda, il voit la nôtre, et l’espoir du Messie promis est aussi nôtre. En célébrant la première venue de Jésus, nous attendons aussi avec impatience son retour. Nous avons besoin de pouvoir dire : « l’Éternel est notre justice. » Nous avons besoin de Jésus.

À méditer



Que révèlent les échecs des rois humains de Juda sur l’importance de responsables qui reflètent la justice et la droiture de Dieu ? De quelle manière pouvons-nous appliquer cela dans notre propre vie et dans nos diverses sphères d’influence ?

Comment le règne de Jésus en tant que « germe juste » permet-il de restaurer le shalom et de vaincre le péché ?

Elizabeth Woodson est formatrice biblique, théologienne, autrice et fondatrice de l’Institut Woodson, une organisation qui aide les croyants à mieux comprendre leur foi et à la faire grandir.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

L’humilité de notre roi

Un grand revêtu de douceur

Christianity Today December 3, 2023
Phil Schorr

Et toi, Bethléhem Ephrata, bien que tu sois petite parmi les villes de Juda, de toi il sortira pour moi celui qui régnera sur Israël ! Son origine remonte aux temps passés, aux jours anciens.
C’est pourquoi l’Éternel livrera à d’autres son peuple jusqu’au moment où celle qui doit enfanter enfantera ; alors le reste de ses frères rejoindra les Israélites.
Lui, il sera bien établi, il paîtra son troupeau, revêtu de la force de l’Éternel, avec la majesté de l’Éternel, son Dieu. Et les gens de son peuple seront bien installés, car on reconnaîtra désormais sa grandeur jusqu’aux confins du monde.

(Michée 5.1-3)

Lorsque l’on relit les prophéties de l’Ancien Testament, on s’aperçoit qu’il a toujours été inscrit qu’un souverain éternel émergerait de Bethléem. Michée 5.1 proclame, comme si le prophète l’annonçait du haut des toits pour atteindre tous les habitants de la ville : « de toi il sortira pour moi celui qui régnera sur Israël ! Son origine remonte aux temps passés, aux jours anciens. »

Avec cette proclamation résolue, il est clair que Dieu n’a pas voulu que la nouvelle de cette naissance soit gardée secrète. Elle devait être répandue avec confiance dans tout le pays. Oui, l’Oint, dont on disait qu’il descendait de la lignée davidique, allait bel et bien venir pour sauver le peuple d’Israël d’un fardeau dont il ne pouvait se libérer lui-même.

Imaginez l’attente que cela a pu provoquer à l’époque du prophète : ce n’était rien de moins que celui que le prophète Daniel appellerait « l’Ancien des Jours » qui était en route ! Les curieux et les rêveurs devaient se poser bien des questions. Comment sera ce roi ? Quelle sagesse nous apportera-t-il pour nous ramener de l’exil ? Comment ce roi se fera-t-il connaître lorsqu’il viendra enfin ?

Dans la douceur de sa divine nature, Jésus revêtira l’aspect d’un grand berger gratifiant ses brebis de la douce présence de sa force rassurante. Il y a quelque chose de profondément apaisant dans le fait d’avoir un Sauveur qui me guide comme un berger guide ses brebis. Il me conduit dans la voie que je devrais suivre plutôt que dans celle que j’imagine être la meilleure. Nous sommes tous « prompts à errer » loin du chemin sûr et de son cœur, comme le dit si bien le chant « Ô toi, source de tout bienfait », traduisant un cantique traditionnel anglais bien connu.

Au nom du Père, le Berger couvrira Israël de sa majesté et de son honneur. Il sera le ferme protecteur de la vie des siens, les conduisant résolument vers les pâturages éternels. C’était quelque chose que non seulement le peuple de Dieu désirait, mais dont il avait désespérément besoin : un havre de paix qui lui procure le repos. Michée 5.3 dit aussi la divine protection que le Christ apportera : « Et les gens de son peuple seront bien installés, car on reconnaîtra désormais sa grandeur jusqu’aux confins du monde. »

Les brebis que nous sommes recevons en lui abondance et sécurité. Les habitants de son pays diront de ce chef des bergers : « À lui, nous devrons notre paix. » (v. 4) Imaginez un troupeau de moutons paisibles se reposant à l’ombre d’un arbre, tandis que le berger se tient debout, le bâton à la main, assurant une pleine sérénité à ceux sur lesquels il veille. Sa paix sera le shalom éternel dans tous les domaines de la vie. Même les forces assyriennes qui menaçaient Israël sur tous les fronts ne seront pas en mesure d’envahir son territoire (v. 4). Telle est bien la vérité : nous ne trouverons nul lieu plus sûr que notre appartenance au Créateur qui nous aime et veut nous voir nous épanouir dans ses campagnes, sans plus jamais être menacés.

À méditer



Comment l’humilité de notre Roi façonne-t-elle notre compréhension des desseins mystérieux de Dieu ?

De quelle manière le fait d’accueillir Jésus comme véritable berger de notre vie transforme-t-il notre vie quotidienne et nos relations ?

Alexis Ragan est autrice créative, professeure d'anglais langue étrangère et passionnée par les missions mondiales.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

L’espérance véritable ne peut être produite à la chaîne.

Que se passe-t-il lorsque nous acceptons les limites de notre force ?

Christianity Today December 3, 2023
Phil Schorr

Qu’il illumine ainsi votre intelligence afin que vous compreniez en quoi consiste l’espérance à laquelle vous avez été appelés, quelle est la glorieuse richesse de l’héritage que Dieu vous fera partager avec les membres du peuple saint, et quelle est l’extraordinaire grandeur de la puissance qu’il met en œuvre en notre faveur, à nous qui plaçons notre confiance en lui. Cette puissance, en effet, il l’a déployée dans toute sa force en la faisant agir en Christ lorsqu’il l’a ressuscité et l’a fait siéger à sa droite, dans le monde céleste.

(Éphésiens 1.18-20)

L’espérance demande beaucoup de travail. Une dure vérité — du genre de celles qui nous font grimacer — n’est peut-être pas la meilleure façon de commencer une méditation pour l’Avent, mais laissez-moi m’expliquer. Oui, Jésus nous apporte l’espérance ultime, mais comme de nombreux aspects de la foi chrétienne, vivre dans l’espérance n’est pas toujours facile. L’histoire de notre foi inclut peut-être quelques jours ensoleillés sur le lac de Galilée, mais elle repose sur une croix. Nous savons, si nous sommes honnêtes, que le voyage ne sera pas facile. Prenons donc le temps d’assimiler quelques vérités qui peuvent nous nourrir et construire ce qu’on appelle l’espérance.

En Éphésiens 1, Paul écrit à l’Église sur la réalité de l’espérance et sur le fait que celle-ci n’est pas liée à quoi que ce soit que l’Église elle-même pourrait accomplir. Voilà qui apporte un certain soulagement : la question n’est pas de savoir ce que nous pourrions faire. Non, l’espérance entre en scène lorsque l’Église cesse d’essayer de se débrouiller par elle-même et place son espoir dans la puissance du Christ et son autorité sur toutes choses.

Il peut paraître simple de « lâcher prise et laisser faire Dieu », mais il faut y réfléchir à deux fois. Essayez de vous souvenir de la dernière fois où vous avez dû cesser d’essayer de faire les choses par vous-même et permettre à quelqu’un de le faire à votre place : projets professionnels, éducation des enfants, ou même votre engagement dans l’Église. Ce niveau de confiance et de perte de contrôle peut parfois paraître presque impossible. Nous aimons dire que nous plaçons notre espoir en Jésus, mais il est tellement plus facile de placer notre espoir dans nos propres compétences et capacités. C’est pour cela que l’espérance demande du travail. Lâcher prise est un travail.

Prendre conscience des limites de mes propres forces m’aidera à m’appuyer sur Jésus pour le laisser être à la source de mon espérance. En Éphésiens 1.19, Paul parle de la grandeur incommensurable de la puissance de Dieu. De mon côté, je me réveille chaque matin dans mon corps de 49 ans et je boite. Le sommeil semble être devenu un sport de combat et lorsque je vais à la salle de sport mon objectif est de m’étirer suffisamment pour ne pas être endolori lorsque je me lèverai le lendemain matin. Ma force a des limites. Mais l’épître aux Éphésiens affirme clairement que la force de celui qui nous donne réellement l’espérance est incommensurable. Il n’y a pas de limites à sa grandeur et à son pouvoir. Aucune. Il y a réellement là une chose en laquelle nous pouvons tous placer notre espoir, quelles que soient les circonstances.

Voici ce que je retiens : l’autorité reçue de notre Roi tout-puissant repose sur nous par la richesse de sa grâce, et elle vit en nous chrétiens. En cette période de Noël, nous pouvons nous appuyer sur ce don de notre créateur pour laisser sa force couler en nous et à travers nous. Au milieu du brouhaha, malgré les esprits fatigués et les corps endoloris, laissez votre espérance s’ancrer dans la force et l’assurance qu’il nous offre. C’est le meilleur des choix.

À méditer



Comment l’idée que l’espérance nécessite de lâcher prise résonne-t-elle avec votre propre cheminement de foi ? Dans quels domaines de votre vie trouvez-vous difficile d’abandonner le contrôle et de faire confiance à la puissance de Dieu ?

En tant que chrétiens, nous bénéficions de l’autorité de notre Roi tout-puissant. Comment pouvez-vous puiser dans sa force et son autorité pendant la période de Noël, au milieu de l’agitation et de la fatigue ?

Carlos Whittaker est conteur, conférencier et auteur de Moment Maker, Kill the Spider, Enter Wild. Son dernier ouvrage s’intitule How to Human.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Laissez jouer les enfants : leur vie en dépend !

Vagabonder et chercher son chemin, deux biens intemporels que la crise de santé mentale parmi les plus jeunes devrait remettre en avant.

Christianity Today November 29, 2023
David Clarke / Unsplash

Cet article a été adapté de la lettre d’information de Russell Moore (en anglais). Abonnez-vous ici.

Nous savons tous que quelque chose cloche pour la nouvelle génération.

Nous le savons non pas parce que les ainés se plaignent de la morale et des manières des enfants d’aujourd’hui qui sont, comme toujours, bien pires qu’avant. Nous le savons plutôt parce que les jeunes eux-mêmes nous le disent. Actuellement, toutes les catégories de troubles mentaux (anxiété, dépression, etc.) connaissent des pics sans précédent. Mais pourquoi, et pourquoi maintenant ?

Il n’est pas fréquent que le sommaire de la revue The Journal of Pediatrics fasse le tour du Web. C’est pourtant ce qui s’est passé il y a quelques semaines avec les conclusions d’une étude menée par trois chercheurs, et intitulée « Decline in Independent Activity as a Cause of Decline in Children’s Mental Well-Being: Summary of the Evidence » (« Le déclin des activités indépendantes comme cause du déclin du bien-être mental des enfants : résumé des éléments »)

La thèse générale du document est qu’à côté de nombreux facteurs qui ont conduit aux États-Unis à une situation d’urgence nationale en matière de santé mentale des adolescents, un élément majeur a été négligé : le manque de jeux non structurés, non dirigés et non supervisés.

L’étude montre, par exemple, que de moins en moins d’enfants jouent à l’extérieur. Non pas parce qu’ils veulent rester paresseusement devant leurs jeux vidéo, mais parce que leurs parents sont angoissés face à la criminalité ou à la circulation… et craignent aussi de ne pas être perçus comme de bons parents.

Cette recherche est étayée par le nouveau livre du psychologue social Jonathan Haidt, The Anxious Generation: How the Great Rewiring of Childhood Is Causing an Epidemic of Mental Illness (« La génération anxieuse : comment la grande restructuration de l’enfance cause une épidémie de troubles mentaux »), prévu pour une sortie en mars 2024. J’en ai lu le manuscrit et je pense que ce livre marquera la décennie : les arguments de Haidt sont convaincants et ont remodelé ma façon de penser.

Haidt démontre que l’anxiété que nous observons actuellement n’est plus l’anxiété « habituelle » que toutes les époques passées ont connue. Quelque chose a radicalement changé depuis 2010. L’un des éléments centraux du livre de Haidt est le basculement de ce qu’il appelle l’« enfance orientée vers le jeu » vers une enfance conditionnée par le « sécuritarisme », marquée par « l’excès de surveillance, de structure et de peur ».

Le jeu et l’exploration sont essentiels à notre épanouissement en tant qu’êtres humains. Et par jeu, je n’entends pas les sports ou les loisirs organisés, bien qu’ils soient importants. Je pense plutôt à une sorte de liberté non structurée où l’on rencontre des obstacles et des problèmes que l’on essaie de surmonter tout seul, pour soi-même, sans autre but. Ni celui d’être bien vu par ses pairs ni celui d’allonger une liste de qualités pour entrer dans une école ou parfaire un curriculum vitae.

Il peut s’agir de passer une journée à se promener dans les bois, à jouer une partie de foot improvisée dans une rue de la ville, ou à passer le quartier au peigne fin à la recherche de toutes sortes d’objets perdus, sans qu’aucun parent ne rôde alentour.

Pourquoi avons-nous besoin de cela ?

Dans le livre Wayfinding: The Science and Mystery of How Humans Navigate the World (« Trouver son chemin : la science et les mystères de la manière dont les humains s’orientent dans le monde »), M. R. O’Connor note que l’une des choses qui distinguent les êtres humains des animaux est que nos compétences cognitives sont enracinées non pas dans notre instinct, mais dans les processus.

Personne ne doit prévenir les cigales qu’elles doivent trouver un partenaire ou dire aux abeilles comment retourner à la ruche. Les êtres humains, eux, ont besoin de pouvoir se perdre. Nous avons besoin de vivre des situations où nous sommes obligés de collecter des informations, de nous souvenir de points de repères, et de frayer notre propre chemin.

Dans ce type d’« errance », nous apprenons à « enregistrer le passé, à vivre le présent et à imaginer l’avenir ». Un enfant qui se perd pendant un jeu en forêt ou qui ne sait pas comment revenir de l’endroit où il s’est égaré inscrit sa vie dans une histoire — une histoire parsemée de « crises » gérables.

« À partir du flux d’informations généré par nos mouvements, nous créons des origines, des séquences, des chemins, des itinéraires et des destinations qui constituent des récits avec des points de départ, des cheminements et des arrivées », écrit O’Connor. « C’est cette capacité à organiser et à nous souvenir de nos voyages qui nous permet de retrouver notre chemin. »

Dans un récent épisode du podcast que j’anime, j’ai eu une conversation avec Amanda Ripley, journaliste mondialement reconnue en matière de « conflits de haute intensité ». Évoquant certaines de mes expériences de ces dernières années, elle m’a dit : « Je ne sais vraiment pas comment vous avez survécu à tout cela. » Je ne le sais pas non plus.

Je peux dire que c’est par la grâce de Dieu, ce qui est vrai, mais cette grâce ne s’est pas manifestée du jour au lendemain. Une de ses manifestations est, qu’en tant qu’enfant, j’ai eu amplement le temps d’explorer mon environnement par moi-même. Lorsque je n’étais pas à l’école, à l’église, à un repas ou à une sortie en famille, mes parents ne savaient pas où j’étais.

Je frémis quand je pense aux marais infestés de serpents que j’ai explorés et aux routes bondées sur lesquelles j’ai fait du vélo avec un ami, tout cela sans GPS ni connexion avec un smartphone dans la poche de ma mère. Et ce n’est pas parce que mes parents étaient négligents. En fait, c’est tout le contraire : mes parents étaient profondément impliqués dans ma vie, tout comme mes grands-parents, mes tantes, mes oncles, mes voisins, les membres de mon église, les pasteurs et même la démarcheuse qui passait dans le quartier. Ils n’ont tout simplement jamais pensé à me surveiller et à me surprotéger comme le font les « parents hélicoptères » actuels. Cela ne se faisait pas.

Mes parents ne m’auraient certes jamais laissé aller là où j’aurais été en danger. Ils seraient intervenus immédiatement s’ils avaient appris que je me rendais à une compétition de lancer de couteaux, à une rencontre de gangs de motards, à des concerts de groupes louches, à une réunion du conseil exécutif de la Convention baptiste du sud ou d’autres choses de ce genre. Mais en dehors de cela, j’étais libre de trouver ma propre voie. Et c’était une grâce !

Sans ce sens du jeu, ces moments où l’on doit chercher comment s’orienter ou franchir des obstacles raisonnables, le monde devient un endroit sombre et inquiétant. Nous sentir à la merci d’un tel environnement oppressant, nous empêche de faire appel à notre imagination et d’apprendre à calmer notre cerveau limbique. En apprenant à retrouver le chemin de la maison au sens propre, nous découvrons que nous pouvons aussi, si nécessaire, retrouver notre chemin intérieur.

En tant que chrétiens, ce principe ne devrait pas nous surprendre. La Bible présente à plusieurs reprises la vie humaine comme un pèlerinage. Dieu a placé son peuple dans des régions sauvages sans carte, avec pour seuls repères les grâces du passé et les promesses à venir — un Béthel ici, un Ebenezer par là.

Parfois, de manière déconcertante, Dieu conduisait son peuple par une nuée ou une colonne de feu. Parfois il le laissait évoluer dans l’incertitude d’un ciel silencieux tendu au-dessus de lui. C’est le désert, et non la cour du temple, qui nous enseigne que « l’homme ne vit pas de pain seulement. » (Dt 8.3)

Lorsque ses disciples voulaient savoir où ils allaient, Jésus disait : « Venez […] et vous verrez » (Jn 1.39). Lorsque l’un d’entre eux s’inquiétait du chemin pour passer de l’autre côté, là où ils pourraient le retrouver, Jésus disait simplement : « Je suis le chemin » (Jn 14.6).

Nous devrions apprendre de ce qui est en train de se passer. La nouvelle génération a besoin de sécurité, de conseils, d’orientation, d’affection, d’amour. Mais elle n’est pas là pour apaiser les nombreuses angoisses d’adulte de ses parents ou enseignants. Les enfants ont besoin de jouer. Ils ont besoin de vagabonder. Ils ont besoin d’imaginer. C’est vrai pour les enfants, mais aussi pour les disciples en devenir.

La meilleure chose que nous puissions faire pour ceux qui ont été sauvés est parfois peut-être de les laisser se perdre.

Russell Moore est rédacteur en chef de Christianity Today et dirige son projet de théologie publique.

Traduit par Anne Haumont

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Les racines chrétiennes du commerce équitable

Derrière les mots de durabilité, de transparence et d’approvisionnement éthique se cache quelque chose de bien plus important que notre consommation : l’amour que Christ nous inspire pour notre prochain.

Christianity Today November 29, 2023
Unsplash/Getty Images

C’est au cours des deux derniers mois du calendrier que les Américains font le plus d’achats, remplissant leurs listes de cadeaux de Noël, profitant des offres en ligne et achetant leurs produits préférés dans les magasins locaux. Mais la période la plus commerciale de l’année nous met également face à un éventail de plus en plus vaste de dilemmes moraux à propos de la manière dont nous consommons et du désir grandissant d’en faire quelque chose de mieux.

Au-delà du Black Friday, du Cyber Monday et du Giving Tuesday — pour ne pas oublier la charité pendant les fêtes de fin d’année — la frénésie des achats s’accompagne désormais de guides des cadeaux durables, de festivals du commerce équitable, de promotion d’entreprises à vocation caritative et de mouvements d’achats locaux tels que les Small Business Saturdays (samedis des petites entreprises). Ces diverses options éthiques nous poussent, en tant que chrétiens et consommateurs, à réfléchir plus en profondeur à ce que nous achetons tout au long de l’année, aux entreprises que nous soutenons et à la manière dont nous gérons notre argent et nos ressources.

Nous pourrions probablement tous dire combien nous avons payé pour notre pull ou notre sac de sport et dans quel magasin nous l’avons acheté. Mais au-delà, de nombreuses questions restent sans réponse : quels sont les matériaux utilisés ? Quelle a été la quantité de déchets produits ? Qui a fabriqué les composants ? Les travailleurs ont-ils été bien traités à chaque étape du processus ? Quelle distance ces objets ont-ils parcourue pour arriver jusqu’ici ?

« L’économie de marché moderne ajoute des couches de complexité entre la production et la consommation, ce qui rend difficile de voir l’impact de chaque choix que nous faisons », souligne Hunter Beaumont, pasteur à Fellowship Denver et membre du conseil d’administration de l’Institut de Denver pour la foi et le travail. « Beaucoup de nos convictions morales chrétiennes ont été façonnées dans une économie plus simple, et il peut être paralysant d’appliquer ces convictions à notre économie moderne complexe. »

Nous aimerions devenir des consommateurs plus responsables, et de plus en plus d’acheteurs tentent de soupeser les conséquences mondiales de leurs achats avant de cliquer sur « acheter ». Les milléniaux sont la génération la plus susceptible de se préoccuper du comportement des entreprises, et la génération Z les rattrape rapidement.

Mais pour chaque exemple positif d’une entreprise socialement responsable, un rapport expose l’autre face du marché et réalise nos pires craintes sur ce que les grandes entreprises font avec notre argent : par exemple Nike qui se soustrait à ses responsabilités en matière de violation des droits de l’homme dans sa chaîne d’approvisionnement ou Amazon qui vend des livres contrefaits.

Il n’est pas surprenant que les consommateurs modernes soient familiers de certaines hésitations au moment de l’achat. Nous sommes confrontés à un choix entre la facilité et un prix défiant toute concurrence et la nécessité de tenir les entreprises responsables d’honorer toutes leurs parties prenantes et de prendre soin de la création de Dieu.

Comment les chrétiens sont-ils appelés à gérer fidèlement leurs décisions de consommation ? Est-ce possible ? La réponse se trouve peut-être dans l’improbable fondatrice du mouvement du commerce équitable et dans les convictions chrétiennes qui peuvent nous amener à remettre en question le système de consommation lui-même.

L’artisane mennonite qui lança involontairement un mouvement

Lorsque Edna Ruth Byler commença à vendre des tissus à l’arrière de sa voiture en 1946, le concept de consommation responsable était loin d’être répandu et personne n’avait entendu parler de commerce équitable. Byler, une mennonite traditionnelle qui portait un voile sur la tête et était connue pour ses beignets faits maison, partait d’un simple désir d’aider les femmes vulnérables qu’elle avait rencontré dans la vallée de La Plata, à Porto Rico.

Byler enseignait la pâtisserie, la couture et la mise en conserve et faisait partie d’un groupe qui installait une nouvelle église locale à Akron, en Pennsylvanie, où elle et son mari travaillaient pour le Mennonite Central Committee (MCC). Leur service leur permit de visiter des communautés vulnérables à Porto Rico, puis à Hong Kong, en Jordanie et ailleurs.

Dans chaque lieu, elle rencontrait des femmes qui surmontaient d’énormes obstacles pour subvenir aux besoins de leur famille et soutenir leurs prochains. Comme beaucoup d’autres après elle, elle sauta le pas sans trop réfléchir, promettant d’aider ces femmes en vendant leurs œuvres aux États-Unis, sans savoir comment elle le ferait, mais déterminée à le faire.

« Il y a une histoire humaine derrière chaque produit. » — Whitney Bauck

Elle a dirigé le programme de travaux de couture et d’artisanat à l’étranger du MCC pendant plus de 20 ans avant qu’il ne soit rebaptisé SELFHELP Crafts of the World, puis devienne la chaîne indépendante populaire Ten Thousand Villages (« Dix mille villages » au Canada francophone).

Dix mille villages est la première organisation de commerce équitable au monde et reste l’une des plus importantes et les plus connues. Sa fondatrice n’avait jamais imaginé être à l’origine d’un mouvement qui, aujourd’hui, met les consommateurs en contact avec plus d’un million de petits fabricants dans le monde entier. Mais son engagement chrétien à traiter ces fabricants avec dignité et à célébrer la beauté de leur artisanat a pris une ampleur inattendue.

Des organisations similaires ont vu le jour en Europe et, dans les années 60 et 70, le mouvement est entré dans la sphère politique pour plaider en faveur d’une plus grande équité dans le commerce international, non seulement pour l’artisanat, mais aussi pour des produits agricoles tels que le café et le cacao.

À peu près à la même époque, les États-Unis ont commencé à se familiariser avec l’idée de responsabilité sociale des entreprises. Le Comité pour le développement économique — une organisation américaine de politique publique — estima qu’il existait un « contrat social » entre les entreprises et la société, s’appuyant pour cela sur le livre de 1953 de l’économiste Howard Bowen intitulé Social Responsibilities of the Businessman (« Responsabilités sociales de l’homme d’affaires »).

L’idée que les entreprises travaillent pour le bien commun, et pas seulement pour leurs résultats, s’est développée dans les années 80 et 90, stimulée en partie par l’appel lancé par le président George H. W. Bush senior aux organisations pour qu’elles se servent les unes les autres et créent un « millier de points lumineux ».

La « double bottom line »

Alors que le mouvement du commerce équitable se concentre en premier lieu sur la protection des personnes et de la planète, la responsabilité sociale des entreprises vise à sensibiliser les entreprises sur leur impact social en tant qu’objectif secondaire. Ces deux mouvements se sont intensifiés ces dernières années, plaçant la barre plus haut en matière de normes éthiques et nous offrant de nouvelles possibilités d’avoir une influence positive par nos dépenses.

D’entreprises classées dans le Top 100 telles que Disney et Apple aux champions de la responsabilité sociale souvent cités que sont Patagonia et TOMS, en passant par le tapis rouge d’Hollywood et le Super Bowl, l’attention portée à l’impact social et à la performance — les deux critères, ou « double bottom line » en anglais — s’est accrue. La notion est aujourd’hui omniprésente.

Elle s’est fermement ancrée dans le monde des affaires, à tel point que les consommateurs, les médias et même les gouvernements en sont venus à attendre des entreprises qu’elles agissent pour le bien de la société sous une forme ou une autre.

Les efforts des grandes entreprises en matière de développement durable peuvent faire une grande différence et influencer tout un secteur, mais seulement si les entreprises tiennent les promesses vertueuses qu’elles affichent dans leurs brochures et leurs publicités.

Bien que la responsabilité sociale des entreprises fasse désormais partie intégrante de leurs activités commerciales, le niveau d’engagement en faveur de cette cause varie. À mesure que les entreprises deviennent plus grandes, il est difficile de les tenir pour redevables de leurs pratiques éthiques, estime Whitney Bauck, rédactrice adjointe de Fashionista.com et autrice chrétienne traitant de la consommation éthique.

Même avec l’avènement d’un index de la consommation responsable, de groupes de surveillance comme Transparentem, de structures juridiques d’entreprises sociales comme les L3C et les B Corps, et d’organisations de classement des marques comme Ethical Consumer, il est toujours difficile de savoir qui agit réellement pour le bien. La société de consommation à grande échelle a des aspects pratiques, mais elle est complexe et difficile à gérer.

À plus petite échelle, le marché des entreprises de commerce équitable n’a cessé de se développer, à la fois grâce à la demande des consommateurs et aux convictions de leurs fondateurs. Des entrepreneurs chrétiens contemporains ont lancé toute une série d’entreprises à but humanitaire pour vendre cadeaux et marchandises : Akola Project, Giving Keys, Sseko Designs, Noonday Collection, Jonas Paul Eyewear, Tegu, Westrock Coffee, Krochet Kids, et des dizaines d’autres à travers le monde.

Ces entreprises s’appuient sur des idées créatives et un entrepreneuriat rédempteur, utilisant leurs processus et leurs bénéfices pour créer des emplois pour les femmes, financer des bourses d’études, développer des entreprises artisanales, élargir l’accès aux soins de santé, soutenir des pratiques agricoles durables et fournir des services sociaux aux personnes en situation de pauvreté. Comme Byler et Dix mille villages avant eux, leurs responsables s’efforcent de prendre soin à la fois des créateurs et de l’environnement.

Melody Murray, fondatrice des sacs JOYN, partage l’engagement de Byler en faveur de la dignité des personnes qui créent les biens que nous achetons. Elle a inventé l’expression d’« inefficacité délibérée », voulant préserver la place des diverses personnes qui participent à chaque étape de la production — dans le contexte de son entreprise, récolter le coton, tisser le tissu, imprimer les dessins, coudre les sacs — plutôt que de favoriser des solutions mécanisées pour accélérer le processus.

Mais Murray, qui a travaillé dans le domaine du marketing et de la vente pour de grandes entreprises, apporte également son sens des affaires et une vision ambitieuse à l’entreprise.

Avec son mari David, diplômé comme elle de l’université John Brown, elle s’est sentie appelée non seulement à fournir aux fabricants comme son équipe de JOYN un marché mondial pour acheter leurs produits, mais aussi à fournir des ressources et à former des entrepreneurs locaux pour qu’ils lancent leurs propres entreprises agricoles ou artisanales afin d’avoir un impact sur leurs communautés.

Par l’intermédiaire de JoyCorps, ils ont offert une formation et des ressources à toute une série d’entreprises dans les zones rurales d’Asie. Les programmes d’accélération et d’incubation de JoyCorps se concentrent sur l’innovation et la restauration, estimant que les entreprises durables aident à faire évoluer la société.

Au fil des ans, cette initiative a permis de lancer six entreprises dans le cadre de son programme d’incubation, et dix autres dans le cadre du programme d’accélération. Pour les Murray, le commerce équitable est synonyme de propriété locale et de fabrication de produits bons pour tous. Chaque entrepreneur avec lequel ils travaillent, disent-ils, est enraciné dans sa communauté et s’engage à une approche holistique de son impact.

Les entreprises que les Murray aident à créer, celles où les acheteurs peuvent lire les histoires de Dina, qui coud les sacs, et d’Uma, qui s’occupe de l’emballage, mettent les gens et leur vie au premier plan.

« Il est facile d’oublier que ce sont de vraies mains humaines qui fabriquent les produits », dit Whitney Bauck. « Les organisations de commerce équitable communiquent aux consommateurs qu’il y a une histoire humaine derrière chaque produit. »

Llenay Ferretti, ancien directeur général de Dix mille villages et fondateur de l’entreprise sociale Bhavana World Project, l’explique ainsi : les organisations de commerce équitable nous invitent à « connaître suffisamment notre prochain pour l’aimer ».

« La définition biblique de la richesse inclut nos relations avec Dieu et avec les autres » — Hunter Beaumont

Mais il y a encore des angles morts et des éléments à évaluer. Certains s’inquiètent du fait que des entreprises mettent l’accent sur l’histoire des gens plutôt que sur le produit, car les clients pourraient être tentés de les considérer comme des œuvres de charité plutôt que comme des entreprises. Dans certaines entreprises, les accords de commerce équitable s’arrêtent aux petits producteurs et ne s’étendent pas aux autres personnes qu’elles embauchent. Par ailleurs, la fixation arbitraire de prix supérieurs à la valeur d’un produit sur le marché peut avoir des conséquences négatives inattendues pour les personnes qu’elle vise à aider.

Au bout de la chaîne, les consommateurs ordinaires ne connaissent pas toujours les options durables ou n’ont pas les moyens d’acheter des produits issus du commerce équitable, dont le prix est plus élevé.

Des considérations spirituelles plutôt que les dépenses inconsidérées.

Mais même lorsque nous identifions des organisations de commerce équitable ou des entreprises socialement responsables en qui nous avons confiance et que nous avons les moyens nécessaires, le fait d’acheter mieux n’est pas suffisant. Il est possible de se donner bonne conscience et d’augmenter la probabilité que notre argent serve à quelque chose de bon lorsque nous achetons des sets de table de Dix mille villages ou des sacs à main de JOYN, mais acheter des produits différents consiste juste à choisir une autre forme de consommation.

Une consommation vécue dans la foi va bien au-delà des produits que nous achetons ; il ne s’agit pas simplement de savoir qui fait le plus de recherches ou qui sait correctement lire les étiquettes (bien que ces compétences puissent refléter une approche plus réfléchie).

Pour Llenay Ferretti, chaque décision d’achat est l’occasion de regarder à la vie du Christ et de réfléchir à la manière dont notre foi peut orienter toutes nos décisions. C’est une invitation à réfléchir non seulement à ce que nous faisons, mais aussi à la manière dont nos décisions nous façonnent et affectent nos communautés et le monde.

Si Edna Ruth Byler a été, à bien des égards, l’ancêtre du consommateur responsable, elle n’était pas du tout motivée par le désir d’influencer les décisions des consommateurs. « Elle essayait d’aimer son prochain », dit Ferretti.

Le pasteur Beaumont, de Denver, reconnaît que la vie de la communauté est liée à nos modes de consommation. « Notre économie moderne est construite autour d’une définition limitée de la richesse, avoir plus de choses, plus d’argent, plus de temps », dit-il. « Mais cela ne tient pas compte des composantes relationnelles, psychologiques et spirituelles de la richesse. La définition biblique de la richesse inclut nos relations avec Dieu et avec les autres. »

Lorsque son coiffeur a déménagé de l’autre côté de la ville, Beaumont aurait pu facilement en trouver un autre à proximité. Mais il était important pour lui de retourner chez la même personne. « Nous avons une relation. Nous parlons de ce qui se passe dans nos vies. Il me raconte ses parties de pêche avec ses petits-enfants, et je sais que la manière dont je consomme contribue à les financer. »

Le pasteur cite les recommandations de Paul en 1 Timothée 6 sur la manière d’être des intendants fidèles de ce que le Seigneur nous a donné. Ceux qui sont « riches selon le monde présent », Paul les exhorte à « faire le bien, à être riches en bonnes actions, à être généreux et prêts à partager ».

« Si nous prenons vraiment cela à cœur, cela nous oriente vers la communauté, vers le partage et le don. » Cela nous incite à moins « dépenser toujours plus pour nous-mêmes », pour nous orienter davantage vers le don, le partage, et la jouissance de ce que nous avons déjà.

Moins, c’est plus

Sur la base de son travail à propos de la mode éthique, Whitney Bauck estime que l’achat de produits d’occasion est le mode d’achat le plus responsable d’un point de vue moral. Le fait de conserver les biens existants plus longtemps permet de produire moins de déchets dérivants de la création de nouveaux produits. Dans la plupart des magasins sociaux ou d’occasion, les clients voient où va leur argent et peuvent être sûrs que leurs dépenses soutiennent leur communauté.

Notre foi nous pousse également à repenser ce dont nous avons réellement besoin. Lorsque nous ne sommes plus obnubilés par ce que nous pourrions acheter en plus, nous nous rendons souvent compte que nous avons déjà assez.

Là encore, Byler peut servir de modèle. Dans sa communauté mennonite très soudée, les gens n’avaient guère plus que le strict nécessaire. Mais même pendant les années de rationnement durant la guerre et la Grande Dépression, les enfants Byler se souviennent d’un foyer heureux. Nous pouvons acheter mieux, mais plus encore : nous pouvons nous mettre au défi de pratiquer le contentement.

« Les vêtements les plus éthiques sont ceux que vous avez déjà dans votre armoire », écrit Kohl Crecelius, fondateur de Krochet Kids, qui vend des vêtements et des articles en tricot fabriqués de manière éthique.

Même si le minimalisme et la méthode Kondo sont à la mode, il est encore contre-culturel de décider que nous pouvons vivre avec moins, de délaisser l’idée que nous avons besoin d’un nouveau téléphone, d’une nouvelle voiture, d’une nouvelle télévision, d’un nouveau manteau d’hiver, d’une nouvelle couronne de Noël ou de quoi que ce soit d’autre. Pourtant, nous croyons, comme le laisse comprendre l’Écriture dans le récit du jeune homme riche de Matthieu 19, que c’est aussi au sein d’une vie de simplicité que Dieu nous accorde la liberté.

Tish Harrison Warren, autrice de Liturgie de la vie ordinaire, soulignait dans une interview que, bien qu’elle soit convaincue que la simplicité est essentielle à notre foi, il s’agit d’un chemin difficile : « Alors que le consumérisme ronge chaque parcelle de notre vie, les chrétiens devraient réfléchir de manière radicale, honnête et stratégique à la simplicité. »

Pour certains croyants, cela signifie réduire les dépenses de Noël, privilégier la qualité plutôt que la quantité sous le sapin, ou même opter pour des cadeaux faits maison, trouvés ou réutilisés. Faire une pause dans nos frénésies de shopping et d’« Acheter maintenant » sur Amazon peut même être une forme de discipline spirituelle. Certains se lancent le défi de ne rien dépenser pendant un mois, en limitant leurs achats aux produits de première nécessité. Lara Casey, autrice chrétienne et fondatrice de Cultivate What Matters, achevait il y a quelques années une année « sans dépenses », se mettant au défi de « privilégier une vie de foi à une vie confortable ».

Nous n’éviterons jamais complètement le dilemme moral qui accompagne chacun de nos achats, mais le malaise que nous ressentons pourrait peut-être nous pousser à réfléchir davantage à ce que nous devons acheter et à l’impact de nos achats sur les personnes concernées. Malgré la déchéance de ce monde, où notre argent pourrait-il être source de bénédiction ? Pour respecter le plus grand des commandements, notre plus grande préoccupation devrait être d’aimer notre prochain.

Nous sommes appelés à être des intendants fidèles dans nos décisions de consommation. En cela, l’exemple du Christ interroge comment et ce que nous achetons. Il nous pousse avant tout à aimer nos prochains — ici ou au loin — et à pratiquer la simplicité, sachant que Dieu est celui qui pourvoit à toutes bonnes choses.

Claire Stewart est autrice, grimpeuse et diplômée du Wheaton College, où elle a étudié la philosophie. Elle vit à Lancaster, en Pennsylvanie, et est responsable des initiatives stratégiques chez HOPE International.

Chris Horst est le responsable de la promotion de HOPE International, auteur de Mission Drift et fondateur de dadcraft un site sur la paternité.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Culture

Noël est un mythe devenu réalité.

Comment le fait de l’Incarnation répond aux attentes de toutes les cultures.

Christianity Today November 29, 2023
WikiMedia Commons

À la Toussaint, ma femme et moi partageons souvent des histoires à propos de chrétiens qui nous ont particulièrement marqués. L’an dernier, j’ai raconté à ma famille l’histoire de la conversion de C. S. Lewis.

Depuis un certain temps, il était au bord du précipice de la foi, incapable de résoudre ses difficultés intellectuelles avec le christianisme. Lors d’une promenade nocturne autour d’Oxford avec ses amis Hugo Dyson et J. R. R. Tolkien, il exprima son objection fondamentale.

Tout ce qui compte, estimait Lewis, appartient au domaine du mythe.

Lewis avait pour la mythologie nordique un grand penchant qui remontait à sa jeunesse en Irlande du Nord. Pour lui, le mythe était un moyen de créer du sens, tandis que l’histoire concernait plutôt des faits non répétables que l’on pouvait collecter et analyser de manière empirique. La grande tragédie de l’existence humaine était que le mythe et l’histoire ne s’étaient jamais croisés, et ne pouvaient pas le faire.

Comme le penseur allemand G. E. Lessing avant lui, Lewis évoquait un « hideux fossé » entre l’histoire et la théologie. Quel que soit le rayonnement de sa vie, un homme nommé Jésus ayant vécu il y a 2000 ans ne pourrait jamais être autre chose qu’une source d’inspiration.

Les réponses de Dyson et de Tolkien furent saisissantes : dans ce cas, répondirent-ils, le mythe est devenu réalité. Tout ce qu’il y a d’éternel et de mystique — la magie profonde du monde — s’est fait tangible et incarné dans la personne du Christ. Il n’était pas un simple personnage historique, mais le Dieu créateur incarné pour sauver les êtres humains qu’il avait créés.

Avec cette riposte, Lewis put soudainement rassembler les pièces du peuple. Comme il l’écrira plus tard à son ami Arthur Greeves, « l’histoire du Christ est tout simplement un mythe véritable : un mythe qui agit sur nous de la même manière que les autres, mais avec cette énorme différence qu’il s’est réellement produit ».

Le Fils de Dieu a permis un véritable mariage entre le ciel et la terre. Dieu a embrassé la matière en la personne de Jésus. L’Incarnation a eu lieu en un endroit précis, mais elle s’est « diffusée » et « communiquée » en tous lieux, comme l’écrit le prêtre et érudit jésuite Henri de Lubac.

Dans son « infinité réduite à l’enfance », selon la formule de Gerard Manley Hopkins, la descente de Dieu dans la chair humaine ne visait pas seulement à nous rendre dignes ou à être avec nous dans nos joies et nos peines. Le ciel est descendu sur la terre pour que les choses de la terre puissent monter au ciel.

L’idée d’une union entre le ciel et la terre résonne particulièrement en moi parce qu’elle est étonnamment peu individualiste. Elle implique une compréhension toute en finesse de la personne humaine. En tant qu’Occidentaux modernes, beaucoup d’entre nous vivent avec une compréhension déformée de la personne en tant qu’« individu autonome, indépendant et orienté vers la thérapie », selon les termes du sociologue américain Christian Smith.

Mais en suivant simplement l’intuition de Lewis, on voit immédiatement à quel point cette vision est insuffisante. Nous sommes, semble dire Lewis, les mythes qui nous ont créés. Nous sommes les histoires dont nous avons hérité, qui façonnent nos espoirs et définissent notre vision de ce qu’est une bonne vie. L’idée d’un mythe devenu réalité accorde une réelle importance à la culture, car les mythes ne naissent qu’au sein des cultures.

Une personne est donc quelque chose d’infiniment plus grand et de plus sacré qu’un individu interchangeable. Chacun est impliqué dans des réseaux relationnels, narratifs, géographiques et institutionnels qui sont essentiels à l’identité personnelle et à l’épanouissement. L’Incarnation démontre que ces formes culturelles ne sont pas un simple accident de l’histoire ni le simple résultat du péché humain. L’intention de Dieu est de réorienter subtilement, doucement, ces formes culturelles altérées jusqu’à ce qu’elles retrouvent l’aspect prévu pour elles.

Lewis comprenait tout cela. Mais je dois admettre ici que Lewis était un Anglais de son temps, et c’est sur ce point que je trouve nécessaire de prendre un autre chemin. Son christianisme avait une coloration typiquement anglaise. Mais s’il avait raison, alors l’Incarnation signifie qu’il n’y a pas de culture typiquement chrétienne. Les mythes nordiques ou gréco-romains ne sont pas les seuls à préparer le chemin du Christ. Le christianisme n’est pas une religion occidentale ni une religion des blancs. Les langues occidentales ne sont pas les seules à même de l’exprimer.

C’est aussi ce que montre l’étude de l’Église à travers le monde. Les réseaux de diaspora et l’immigration sont à l’origine de la résurgence du christianisme dans les zones de post-chrétienté, et la migration et le mélange des cultures ont été les principaux moteurs de la propagation de l’Évangile au cours de l’histoire. Comme l’a un jour affirmé l’historien britannique Andrew Walls, le christianisme est toujours une incarnation — une traduction dans une culture déjà existante qui transforme celle-ci et attire les gens de cette culture vers le Christ. C’est précisément cette « traductibilité infinie » de la foi chrétienne qui la distingue des autres religions du monde.

En tant que Latino ayant grandi et continuant à servir dans des contextes majoritairement blancs et anglophones, j’ai été frappé de voir Jésus honoré et glorifié par des musiciens pentecôtistes dominicains tels que Lizzy Parra et Ander Bock. J’ai été marqué par la rencontre avec des anglicans du Nigeria qui adorent Jésus avec une énergie et une intensité qui renouvellement mon espoir dans l’œuvre vivante et présente du Saint-Esprit. Ma foi s’est élargie après avoir rencontré des Iraniens qui ont tout perdu et suivent un Jésus qui parle farsi.

Dans toutes ces expressions culturelles, nous voyons l’accomplissement de la prophétie d’Ésaïe : toutes les nations afflueront à Sion (Es 2.2 ; 60.3). Le Christ est ce que désire chaque nation, parce qu’il était déjà à l’œuvre pour semer sa grâce préparatoire parmi tous les peuples. Comme le dit Lewis, le Seigneur est présent dans les « bons rêves » de chaque peuple ; leurs mythes les préparent à l’accueillir lorsqu’il viendra.

L’Incarnation touche à tous les aspects de l’existence humaine. C’est un élément essentiel de l’espérance que nous célébrons à Noël. Il n’y a pas de culture humaine à laquelle Jésus soit étranger. Les mythes — ceux de toutes les nations — trouvent leur accomplissement en Jésus-Christ. Il est difficile de nier le pouvoir de l’Incarnation lorsque l’on observe des communautés dynamiques de chrétiens qui ne nous ressemblent pas du tout louer le nom de Jésus.

Ces réalités témoignent de ce que c’est toute l’humanité que le Christ est venu sauver. C’est aussi ce dont nous nous souvenons lorsque nous partons à la rencontre du Christ dans la crèche.

Jonathan Warren Pagán est prêtre anglican. Il vit et travaille à Austin, au Texas.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Books

Déplacés de la frontière israélienne, les chrétiens libanais peinent à savoir qui blâmer.

À cause d’affrontements avec le Hezbollah qui menacent d’étendre la guerre d’Israël contre le Hamas, les presbytériens et baptistes locaux sont affectés par une guerre qui n’est pas la leur.

De la fumée s’élève d’une position de l’armée israélienne, attaquée par des combattants du Hezbollah, près de la frontière libanaise avec Israël.

De la fumée s’élève d’une position de l’armée israélienne, attaquée par des combattants du Hezbollah, près de la frontière libanaise avec Israël.

Christianity Today November 24, 2023
Hussein Malla/AP Images

Du haut de la chaire, Rabih Taleb porte le regard sur son assemblée d’une trentaine de croyants dans l’église évangélique presbytérienne d’Alma al-Shaab, située dans le sud du Liban, à moins d’un kilomètre du nord-ouest d’Israël. Tous sont choqués. La veille, des terroristes du Hamas ont tué 1 200 Israéliens, pour la plupart des civils, à 200 km au sud, à la frontière de Gaza.

Ce dimanche matin, 8 octobre, le Hezbollah, la milice chiite libanaise, désignée comme entité terroriste par de nombreux gouvernements, a tiré des roquettes sur l’enclave contestée des fermes de Sheba, occupée par Israël, mais revendiquée par le Liban. De son côté, Israël entame sa campagne de bombardements massifs contre le Hamas à Gaza, touchant également des positions du Hezbollah à 50 km à l’est d’Alma al-Shaab.

Quelques familles de l’église ont immédiatement pris la fuite, notamment l’ancien qui conduit habituellement la louange, laissant l’assemblée chanter a cappella. Les familles présentes au culte veulent rentrer chez elles au plus vite, pour se préparer au pire. Elles ont prié le pasteur d’écourter le service, mais le sujet du sermon du jour — le deuxième d’une série sur la foi réformée — semble avoir été divinement orienté. Le pasteur traite du péché originel, de la souffrance et de la douleur.

« Mes paroissiens me posent la question : « Pourquoi sommes-nous toujours confrontés à ces difficultés ? Nous sommes des croyants. Pourquoi y a-t-il toujours des guerres, des guerres, des guerres ? », nous rapporte Rabih Taleb.

Au cours de ces 50 dernières années, ces croyants auraient été déplacés à sept reprises.

Alma al-Shaab, l’un des douze villages entièrement chrétiens situés près de la frontière israélienne, comptait environ 700 habitants. Aujourd’hui, avec les tensions à la frontière, il n’en reste qu’une vingtaine, dont le prêtre catholique maronite. C’est lui qui dirige les offices lors des accalmies dans les combats, accueillant désormais toutes les confessions ensemble.

Rabih Taleb et sa famille ont quitté Alma al-Shaab le 9 octobre. Une bombe était tombée dans un champ à trois minutes de route de leur église, ébranlant leur presbytère. Une grande partie des 40 familles presbytériennes se sont installées chez des parents à Beyrouth. D’autres familles ont fui à l’intérieur du Liban vers les villes de Sidon ou de Tyr, dont les noms sont familiers aux lecteurs de la Bible. Le synode local, chapeautant sept églises presbytériennes près de la frontière avec Israël, a également ouvert son centre de retraite à Zahlé dans l’éventualité d’une nouvelle escalade dans les conflits.

À l’heure actuelle, seules trois familles sont restées sur place.

Taleb est retourné dans son village natal de Minyara, à environ 200 km au nord, près de la frontière syrienne. Mais chaque jour, il prend des nouvelles de son assemblée dispersée, et tous les 7 à 10 jours, si la situation le permet, il retourne à Alma al-Shaab.

Tandis que la guerre fait ouvertement rage à Gaza, Israël et le Hezbollah entretiennent entre eux un conflit de moindre intensité, chacun veillant à éviter l’escalade. Les analystes estiment qu’Israël ne veut pas ouvrir un second front. Le Hezbollah reste prudent, car Israël a menacé, avant la guerre, de « ramener par ses bombes le Liban à l’âge de pierre » en cas de confrontation.

Israël a déjà évacué 42 villages du nord, près de la frontière libanaise, limitant les pertes israéliennes à sept soldats et trois civils. Entre-temps, au moins 70 combattants du Hezbollah ont été tués, ainsi qu’au moins 10 civils libanais. Près de 30 000 Libanais ont été déplacés.

« Nous sommes au cœur d’un combat qui n’est pas le nôtre », nous dit Taleb. « Pour nous, les Palestiniens ont le droit de vivre librement, mais ce n’est pas notre rôle de les soutenir dans la guerre. »

Ce sentiment correspond à celui de la plupart des citoyens libanais. Une enquête récente a révélé que 74 % d’entre eux rejettent l’affirmation selon laquelle « le Hamas a déclenché la guerre et pris pour cible des civils, ce qui légitime la riposte d’Israël ». Les griefs d’Israël envers le Hamas remontent en effet pour beaucoup à bien avant le 7 octobre. Néanmoins, 61 % des personnes interrogées rejettent la participation du Hezbollah à la guerre et 74 % estiment que leur pays devrait rester neutre.

Les combats ont déjà causé des dégâts importants à l’agriculture locale, rapporte le coordinateur humanitaire des Nations unies au Liban. Les données satellitaires font état de 400 incendies dans les terres agricoles entourant Alma al-Shaab et un professeur libanais de l’université de Balamand parle d’environ 440 ha de forêts du sud qui auraient brûlé. Le ministre de l’Agriculture dénombre 40 000 oliviers détruits en pleine saison des récoltes. Le ministre de l’Environnement, de son côté, estime les dégâts à 20 millions de dollars.

Un paroissien presbytérien est resté à Alma al-Shaab pour aider à lutter contre les incendies.

Un autre, ancien de l’église témoigne, sous couvert d’anonymat en raison des risques encourus dans cette région contrôlée par le Hezbollah, qu’il peut se débrouiller pour survivre, mais pas pour reconstruire ce qui a été détruit. « Je ne blâme personne. Je ne suis pas un politicien. Je suis juste une victime. »

Sa ferme a été détruite, ainsi qu’une dizaine d’autres maisons du village. Selon lui, l’une des explosions a été provoquée par une roquette palestinienne du Hamas. Aujourd’hui déplacé à Beyrouth, il ne sait pas combien de ses quelque 100 oliviers et 200 avocatiers ont été endommagés. Mais, comme un missile israélien a détruit le réservoir d’eau du village, il sait que ses arbres ne tiendront pas le coup.

Église presbytérienne d’Alma al-ShaabFournie par Rabih al-Taleb
Église presbytérienne d’Alma al-Shaab

Selon un professeur de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), la réhabilitation de la terre pourrait prendre des décennies.

Un deuxième ancien de l’église accuse le Hezbollah et Israël. Mais il s’en veut surtout à lui-même d’être resté sur la terre de ses ancêtres. En effet, sa maison avait déjà été détruite lors de la guerre frontalière de 2006. Un combattant du Hezbollah avait tiré des roquettes depuis le toit et s’était fait descendre par un hélicoptère israélien. Avec son maigre salaire, le propriétaire a réussi à reconstruire sa maison abattue. Il y a installé des caméras et sait, au moins, qu’elle est toujours debout. Mais après avoir vu deux jeunes hommes essayer d’entrer par effraction chez lui — probablement pour se cacher des Israéliens — il est rentré pour renforcer les serrures.

« Quel profit la Palestine tire-t-elle de tout cela ? » demande-t-il. « Nous voulons simplement la paix avec les juifs, avec les musulmans, avec tout le monde. »

Exprimer son désir de paix avec l’État d’Israël est toutefois une position controversée au Liban. La nation méditerranéenne reste techniquement en état de guerre avec ce qu’elle appelle souvent « l’entité sioniste », qui l’a envahie en 1978 et 1982 pendant la guerre civile libanaise. Un de nos interlocuteurs, également déplacé à Beyrouth, vit dans une maison qu’il a achetée à l’époque pour éloigner ses fils du recrutement par Israël de jeunes hommes chrétiens pour sa milice libanaise.

L’occupation israélienne des régions méridionales n’avait pris fin qu’en 2000, lorsqu’Israël s’était retiré sous la pression d’une résistance naissante dirigée par le Hezbollah. Son secrétaire général, Hassan Nasrallah, avait fait, à l’époque, l’éloge des villages frontaliers pour avoir accueilli ses combattants djihadistes à bras ouverts et supporté le poids des déplacements et des deuils.

À côté des presbytériens, d’autres évangéliques font face à ces épreuves et s’engagent dans l’aide humanitaire.

Le petit village chrétien de Deir Mimas, situé à 40 km au nord-est d’Alma al-Shaab, comptait autrefois environ 1 000 habitants. La guerre de 2006 l’a réduit à environ 350 âmes. Aujourd’hui, il n’en reste qu’une centaine. Lors du dernier conflit, la maison du pasteur baptiste Maroun Shammas a été endommagée par les bombardements israéliens et les terres cultivables environnantes ont été touchées par quelques frappes. Le pasteur et 9 des 12 familles de l’église se sont réinstallés ailleurs.

Shammas affirme n’avoir aucun problème avec ses voisins musulmans. Ancien enseignant dans le village chiite voisin de Kafr Killa, il raconte que, comme d’autres chrétiens, il entretenait des amitiés avec des croyants d’autres confessions et interagissait librement avec tous les groupes religieux libanais.

« Les chiites sont des villageois, des gens normaux comme nous », explique Shammas. « Mais personne ne nous demande notre avis sur la guerre dans le sud. C’est Satan le fautif. »

Dommages à une maison d’Alma al-ShaabFournie par Rabih al-Taleb
Dommages à une maison d’Alma al-Shaab

L’église baptiste de Deir Mimas s’est associée à des œuvres évangéliques locales pour fournir des kits alimentaires à 40 familles du village et couvrir les frais de scolarité de 20 autres familles. En coordination avec la municipalité, des organisations locales ont pu se mettre à l’œuvre : Horizons a pu étendre son soutien alimentaire local à presque toutes les personnes qui sont restées, tandis que Thimar assiste les familles déplacées.

« Ce n’est pas la première fois que nous quittons ce lieu, mais, à chaque fois, nous revenons pour poursuivre notre mission », explique Shammas. « Dieu veut que nous aidions les gens à le connaître. »

Selon certaines sources, les évangéliques jouissent d’une bonne réputation dans le sud du pays, dominé par les chiites, grâce à l’aide humanitaire qu’ils ont apportée aux personnes déplacées pendant la guerre de 2006. L’organisation Heart for Lebanon (HFL), créée à l’époque, continue d’aider les chrétiens et les musulmans de la région.

En octobre, HFL a distribué des kits alimentaires et des produits d’entretien à 340 familles dans huit localités du sud, dont Alma al-Shaab, Deir Mimas et les villages sunnites et chiites voisins. En novembre, l’aide s’est étendue à 15 localités, y compris à des foyers de croyants en Jésus d’arrière-plan musulman.

Le Liban soutient la liberté de religion et le caractère interconfessionnel de ces aides évite les controverses inutiles.

Il en va de même pour le message que veut faire passer l’association HFL. « Nous prions pour la paix et pour que la gloire de Dieu brille sur tous les peuples », nous dit Milad Nassar, responsable pour le sud. « Nous ne parlons pas de politique. »

De nombreux autres Libanais soupçonnent cependant Israël d’avoir de mauvaises intentions à l’égard du Hezbollah.

Les missiles pénètrent maintenant à près de 50 km à l’intérieur des terres israéliennes. Des frappes près de Haïfa, d’Acre et d’autres villes au-delà de la frontière ont été revendiquées par des unités du Hamas au Liban, et non par le Hezbollah. Mais nombreux sont ceux qui affirment qu’aucune unité ne peut agir indépendamment de la milice chiite.

« Dans la chaîne d’actions et de réactions », déclare un analyste de l’université de Beyrouth, « il devient difficile de savoir qui est à l’origine de l’escalade. »

Mais d’autres analystes se demandent si Israël ne cherche pas à provoquer le Hezbollah pour justifier une attaque de grande envergure à son encontre — et peut-être attirer les États-Unis dans ce conflit. Deux groupes de porte-avions américains ont déjà été positionnés en Méditerranée orientale pour dissuader toute agression parrainée par l’Iran. Le secrétaire américain à la défense, Lloyd Austin, aurait mis en garde son homologue israélien contre l’idée de s’en prendre au Liban. Israël, de son côté, nie toute intention offensive.

Rabih Taleb, lui, choisit de ne blâmer personne, mais de suivre son « modèle », Jésus.

Selon lui, « jl s’agit d’un cycle. Aucune des deux parties ne peut détruire l’autre. Nous avons besoin qu’elles trouvent un moyen de vivre en paix, afin que nous puissions vivre en paix. »

Il explique à ses fidèles désorientés que cette souffrance n’est pas une punition de Dieu pour leurs péchés. La Croix leur assure l’amour de Dieu et ils ne doivent pas garder cette vérité pour eux seuls. Si les auteurs de l’Écriture avaient agi de la sorte — la plupart d’entre eux ayant également beaucoup souffert — nous n’aurions pas la Bible aujourd’hui.

D’après le pasteur, c’est maintenant à leur tour de faire connaître ces réalités autour d’eux, en bâtissant des ponts fondés sur l’amour et la solidarité.

La chose n’est pas facile. À chaque voyage à Alma al-Shaab, Taleb se demande s’il est bien sage de retourner dans cette zone dangereuse. Mais ce n’est pas tant la fourniture de kits alimentaires qui le motive, c’est la vie avec Dieu qu’il souhaite que d’autres puissent connaître.

Taleb prie avec le prêtre maronite et les chrétiens restés sur place. Il boit du thé avec chacun. S’il n’y avait pas eu sa propre famille avec ses trois jeunes enfants, il serait peut-être resté au village. Après tout, son église presbytérienne est là depuis 1859.

Au lieu de cela, il parcourt le Liban, sans relâche, du nord au sud, pour visiter son troupeau dispersé.

« Il s’agit de vivre ce que nous croyons, de mettre en œuvre notre foi », dit Taleb. « Il s’agit de montrer aux gens que Dieu les aime, à travers nous, pour sa gloire. »

Traduit par Anne Haumont

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Apple PodcastsDown ArrowDown ArrowDown Arrowarrow_left_altLeft ArrowLeft ArrowRight ArrowRight ArrowRight Arrowarrow_up_altUp ArrowUp ArrowAvailable at Amazoncaret-downCloseCloseEmailEmailExpandExpandExternalExternalFacebookfacebook-squareGiftGiftGooglegoogleGoogle KeephamburgerInstagraminstagram-squareLinkLinklinkedin-squareListenListenListenChristianity TodayCT Creative Studio Logologo_orgMegaphoneMenuMenupausePinterestPlayPlayPocketPodcastRSSRSSSaveSaveSaveSearchSearchsearchSpotifyStitcherTelegramTable of ContentsTable of Contentstwitter-squareWhatsAppXYouTubeYouTube