Books

Comment la Colombie est devenue le pays d’Amérique du Sud où il est le plus difficile d’être chrétien.

Officiellement, la Colombie protège mieux les libertés religieuses que la plupart des autres pays de la région. Sur le terrain, la situation est plus compliquée.

Des rebelles de l’Armée de libération nationale patrouillent près de la rivière Baudo en Colombie.

Des rebelles de l’Armée de libération nationale patrouillent près de la rivière Baudo en Colombie.

Christianity Today January 30, 2024
Daniel Munoz/Contributeur/Getty

Rodrigo est un pêcheur chrétien. Il vit avec sa famille dans le département du Chocó, une région de la jungle proche de la frontière que la Colombie partage avec le Panama et l’un des endroits les plus humides de la planète.

En raison de son isolement, la ville où il habite n’a pas de rues pavées et la présence de la police ainsi que des autres autorités colombiennes y est rare. Pour se déplacer, les habitants empruntent principalement les puissants fleuves Atrato, Baudó et San Juan en bateau à moteur. Rodrigo subvient aussi aux besoins de sa famille en vendant de l’essence. C’est ce que nous rapporte Portes Ouvertes, première organisation à nous raconter son histoire.

Malgré l’apparente importance de son activité, Rodrigo et sa famille sont isolés. La communauté autochtone, majoritaire dans la région où ils vivent, les a rejetés en raison de leur foi. Ils sont exclus socialement et économiquement parce qu’ils refusent de participer aux rituels animistes qui sont courants chez les autochtones. Cet isolement a également fait de Rodrigo une proie facile pour la guérilla et les groupes paramilitaires qui dominent la région. Ceux-ci le menacent régulièrement de fermer son entreprise s’il ne leur verse pas des sommes d’argent. Tout le pays pâtit de ces pratiques criminelles, mais ce sont les chrétiens qui sont les plus touchés.

L’histoire de Rodrigo réunit deux des principales raisons pour lesquelles la Colombie a été, selon l’Index mondial de persécution établi par Portes Ouvertes, le pays le plus dangereux d’Amérique du Sud pour les chrétiens, au cours des cinq dernières années. Dans l’Index de cette année, la Colombie se classe au 34e rang mondial des endroits où les chrétiens éprouvent le plus de difficultés à vivre. Comment cette nation ayant une longue tradition démocratique et une majorité de population catholique a-t-elle pu devenir l’un des endroits les plus hostiles pour les croyants de l’hémisphère ouest ?

Une grande partie de la violence notoire en Colombie remonte à 1948, année de l’assassinat du candidat présidentiel libéral Jorge Eliécer Gaitán. Cet événement déclencha, en effet, une tragédie nationale connue sous le nom de « El Bogotazo » et une recrudescence de la violence politique. À la suite de cela, plusieurs groupes de guérilla, alimentés par l’idéologie communiste de la révolution cubaine, ont commencé à semer la terreur dans les zones rurales.

Dans les années 1980, le trafic de drogue étant en plein essor, ces groupes de guérilleros se sont alliés aux trafiquants. Mais après la chute de barons de la drogue comme Pablo Escobar dans les années 1990, ces groupes et leurs adversaires, les groupes paramilitaires, ont repris le contrôle de leur trafic criminel. À cette époque, il n’était pas rare que des responsables chrétiens soient victimes d’enlèvements, de meurtres et de déplacements. Ces faits étaient déjà relatés dans Christianity Today en 1998.

« La Colombie est un pays où il existe deux réalités. D’une part, les grandes villes connaissent beaucoup de libertés et les chrétiens qui y vivent ne se rendent pas compte de la persécution qui sévit dans les zones rurales du pays », nous dit Ted Blake, directeur de Portes Ouvertes en Espagne. « [Mais] dans ces zones rurales, il y a des groupes armés — guérillas ou paramilitaires — qui ne permettent rien sans leur approbation, que vous obtenez en les payant. »

Selon Portes Ouvertes, la deuxième forme de persécution dans les zones rurales de Colombie est le fait de groupes indigènes qui sont libres d’établir leurs propres règles dans les territoires qui leur ont été confiés. Souvent, ces règles interdisent la conversion à la foi chrétienne qui est punie par l’expulsion de la communauté, l’expropriation des terres ou l’exclusion économique.

C’est dans le département de Cauca, au sud du pays, près de l’Équateur, que la persécution des chrétiens par les communautés indigènes est la plus évidente. Dans cette région, la population indigène majoritaire dépasse les 200 000 personnes. Ceux qui ont osé embrasser la foi chrétienne, estimés à 14 000, ont été licenciés, déplacés et victimes d’autres formes d’exclusion sociale. « Comme nous ne mâchons pas la feuille de coca, que nous ne participons pas aux barrages routiers organisés pour protester contre le gouvernement colombien et que nous ne jetons pas de sorts avec des herbes magiques, ils nous déplacent », expliquait Rogelio Yonda Trochez, un pasteur évangélique, à la BBC en 2012.

La violence exercée par les groupes de trafiquants de drogue et l’oppression due aux communautés indigènes ne sont toutefois pas les seules causes de l’environnement toxique dans lequel vivent les chrétiens colombiens. Selon Portes Ouvertes, l’intolérance séculière a augmenté et empêche certains chrétiens de partager leurs convictions sur l’avortement, le mariage et la liberté religieuse.

En 2021, des milliers de Colombiens sont descendus dans la rue pour protester contre des hausses d’impôts et un retard dans la distribution du vaccin COVID-19. Lorsque les dirigeants chrétiens ont refusé de manifester ou se sont exprimés contre eux, certains manifestants ont vandalisé des églises, notamment la grande église évangélique de Bogota, El Lugar de Su Presencia.

Des « incohérences dans la méthodologie » ?

Depuis 1991, la Colombie est l’un des pays les plus avancés de la région en matière de liberté religieuse. C’est l’année où la Constitution a reconnu pour la première fois les libertés de religion, de conscience et de culte comme des droits fondamentaux dans ce pays historiquement catholique.

En conséquence, c’est avec scepticisme que les autorités colombiennes ont accueilli les rapports les plus récents de Portes Ouvertes.

« La violence en Colombie a touché de nombreuses églises et croyants », nous explique Lorena Ríos, ancienne directrice du Bureau des affaires religieuses du ministère de l’Intérieur et aujourd’hui sénatrice du parti chrétien Colombia Justa Libres. « Cependant, la violence n’a pas toujours été causée par des questions de foi, mais plutôt par ce qui gravite autour, comme des questions politiques (participation politique ou soutien à un candidat), l’engagement social (pasteurs qui dénoncent la corruption ou les menaces de divers groupes), ou des situations plus personnelles (commerce et dettes). Ce n’est donc pas toujours directement parce qu’ils sont chrétiens que les chrétiens sont persécutés. »

En 2021, sous la conduite de Lorena Ríos, le Bureau des affaires religieuses publiait ainsi une réfutation formelle des affirmations de Portes Ouvertes. Le Bureau exprimait alors ses préoccupations sur ce qu’il décrivait comme des « incohérences dans la méthodologie » de Portes Ouvertes au niveau de son évaluation des niveaux de persécution religieuse en Colombie. Dans ce rapport, le gouvernement colombien s’interrogeait sur les raisons pour lesquelles le pays était passé de la 41e à la 30e place dans l’Index mondial de la persécution de 2021.

« Cette brusque variation n’avait pas de sens, car en 2020, en raison de la pandémie, il y a eu moins d’attaques contre les chrétiens dans le pays », explique Ríos, ajoutant que « même [Portes Ouvertes] avait admis qu’en raison des restrictions imposées par le COVID-19, 2020 n’avait pas été une année représentative pour la collecte de données. »

La méthodologie de travail de Portes Ouvertes a évolué depuis 1993, date du début du classement. Elle est actuellement basée sur une série de questionnaires appliqués aux populations chrétiennes et non chrétiennes de chaque pays. Les informations sont ensuite notées sur une échelle de 100 points en fonction des niveaux de persécution et font l’objet d’un audit indépendant par l’Institut international pour la liberté religieuse (IIRF).

« Nous mesurons les niveaux d’oppression des chrétiens dans cinq domaines : la vie privée, la sphère familiale, la sphère sociale, la sphère nationale et la sphère ecclésiastique. Nous prenons également en compte les violences physiques ou matérielles subies par les chrétiens », rapporte Ted Blake.

La Colombie ne figure cependant pas sur l’Index à cause de ses lois. Elle y figure parce que des chrétiens ont été assassinés à cause de leur foi et que des églises ont été attaquées.

La persécution en Amérique latine

https://datawrapper.dwcdn.net/rUTPa

Après être entrée dans le top 50 en 2019 (à la 47e place), la Colombie est tombée jusqu’à la 22e place de l’Index 2023. L’année dernière, elle était donc la nation la plus dangereuse pour les chrétiens dans toute l’Amérique latine. Bien que le pays soit remonté à la 34e place cette année-ci, son score de points sur 100 n’est passé que de 71 en 2023 à 68 en 2024.

À présent, le premier pays latino-américain de l’Index 2024 est Cuba (22e place, score de 73), suivi du Nicaragua (30e place, score de 70) en raison de l’obsession du dictateur Daniel Ortega à l’encontre de l’Église catholique, dont il considère les dirigeants comme opposants à son régime. Après la Colombie vient le Mexique (37e place, score de 68).

« Les formes de persécution en Colombie et au Mexique sont très similaires », nous dit Ted Blake. « Les groupes de narcotrafiquants extorquent, enlèvent et assassinent des responsables chrétiens dans les deux pays, tandis que les groupes autochtones exercent une pression en excluant les chrétiens sur le plan économique et social. »

Le Venezuela (67e place, score de 53) n’est plus dans le top 50, même si les observateurs étrangers se doutent bien que la liberté de professer la foi chrétienne y est entravée par son gouvernement autoritaire.

Que peut faire l’Église mondiale face aux persécutions qui se multiplient, même dans les pays historiquement chrétiens ?

Il faut s’exprimer, dit Blake.

« Jésus nous a enseigné que quiconque le suivrait serait persécuté. Nous devons nous attendre à ce que cela se produise », rappelle-t-il. « Mais pour éviter cela, élevez votre voix doublement : demandez à Dieu de fortifier les chrétiens pour qu’ils restent fermes face à l’adversité. Et d’autre part, élevez votre voix devant les gouvernants, afin qu’ils interviennent pour défendre les droits des chrétiens qui souffrent de tant d’injustices. »

Hernán Restrepo est un journaliste colombien basé à Bogota. Depuis 2021, il gère les comptes sur les réseaux sociaux de Christianity Today en espagnol.

Traduit par Anne Haumont

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

History

Le contraire de l’abus, c’est l’attention à l’autre.

À l’heure des scandales d’abus spirituels, l’Église primitive offre un modèle inspirant d’exercice des responsabilités pastorales.

Christianity Today January 24, 2024
Adaptations par Christianity Today/Image source : WikiMedia Commons

Des millions de livres de développement personnel sont vendus chaque année, mais les enfants de la (post) modernité que nous sommes ne sont pas les premiers à apprécier ce genre. Il était déjà populaire dans l’Antiquité. Les manuels militaires existent depuis au moins le quatrième siècle avant notre ère, prêts à donner des conseils sur la manière de choisir le meilleur cheval pour la bataille ou de mener un siège efficace — ou, à l’inverse, de survivre à un siège. Les anciens proposaient aussi des recommandations sur d’autres sujets, de la cuisine à l’interprétation des rêves, en passant par l’agriculture, l’art oratoire, l’amitié et la manière de bien vivre sa vieillesse.

Mais il y a un sujet sur lequel nos ancêtres païens ne se sont pas attardés : l’attention portée aux autres. J’ai observé cette lacune pour la première fois en étudiant les attitudes courantes à l’égard des femmes, en particulier les mères, dans l’Antiquité et aujourd’hui. Cette recherche fait partie d’un projet de livre examinant les similitudes entre les approches païennes préchrétiennes des questions de vie et les attitudes post-chrétiennes contemporaines à l’égard de ces mêmes sujets.

Cette absence en dit long, tout comme l’essor d’un nouveau sous-genre d’écrits sur les soins pastoraux et pratiques dans les premiers siècles de l’histoire de l’Église. Les historiens étudient logiquement le plus souvent ce qui est présent dans le dossier documentaire dont nous disposons, mais la prise en compte de ses lacunes peut être tout aussi éclairante. C’est le cas ici. Jusqu’à ce que les premiers responsables chrétiens commencent à rédiger des lettres, des traités et des manuels sur les soins à procurer aux femmes seules, aux pauvres, aux malades et aux autres personnes vulnérables, les écrits de ce genre n’existaient pas.

Ces documents englobent une vaste gamme de soins pastoraux, comprenant non seulement le type de soins spirituels et relationnels que le terme recouvre le plus souvent aujourd’hui, mais aussi l’attention aux besoins pratiques. Ces textes témoignent donc du rôle des ministères de compassion et de la manière dont l’Église primitive considérait ces ministères comme essentiels à un sain exercice des responsabilités pastorales.

Les paroles de miséricorde à propos d’œuvres de miséricorde ont encouragé la création de réseaux d’entraide et d’attention mutuelle plus solides. Cette histoire mérite d’être revisitée à une époque où des scandales retentissants d’abus d’autorité pastorale ébranlent la confiance de nombreux chrétiens envers les responsables d’église.

À contre-courant de la culture ambiante, le Nouveau Testament met l’accent sur l’attention portée aux autres. Il n’est donc pas surprenant que ce type d’écrits se soit répandu au fur et à mesure de la croissance de l’Église. Actes 2.44-46, par exemple, nous laisse voir des croyants qui éliminent la pauvreté et répondent aux besoins au sein de l’église naissante de Jérusalem.

Néanmoins, l’apparition de traités plus formels sur les soins pastoraux, à partir du troisième siècle de notre ère, est particulièrement frappante, car il s’agit sans doute de la pire période pour les chrétiens dans l’Empire romain. L’assassinat de l’empereur Sévère Alexandre en 235 de notre ère déclenche la période que les historiens appellent la « crise du troisième siècle ». De cette date jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Dioclétien en 284 de notre ère, les empereurs ont les uns après les autres gravi les échelons militaires, pris le pouvoir, puis se sont fait assassiner.

Dans la même période, plus de 200 ans de dévaluation progressive de la monnaie ont finalement abouti à une inflation incontrôlable. Une mystérieuse épidémie apparaît vers 250 de notre ère et circule pendant deux décennies, laissant dans son sillage un nombre effroyable de morts. Bien qu’il soit impossible de calculer les chiffres pour tout l’Empire, la peste aurait emporté environ 62 % de la population de la ville d’Alexandrie, estime l’historien Kyle Harper. Finalement, la première persécution des chrétiens à l’échelle de l’Empire commence en 251 de notre ère.

Avec toutes ces crises, les pasteurs du troisième siècle exerçaient leur ministère auprès de personnes vivant une époque de bouleversements ressemblant remarquablement à la nôtre. Comment ont-ils fait face à la situation ?

Il est intéressant de noter que les sermons, les traités et les lettres de l’époque ne montrent guère de préoccupation pour l’accumulation de pouvoir par les chrétiens. Ils ne se demandent pas comment ceux-ci pourraient influencer la politique, le gouvernement ou l’économie, et ils ne s’opposent pas à la persécution religieuse, un phénomène que les gens ordinaires avaient de toute façon peu de chances d’influencer. Ces antiques pasteurs ont plutôt mis l’accent sur l’obligation qu’ont les chrétiens d’aimer leur prochain en paroles, en actes et avec leur argent.

Un exemple particulièrement bien documenté en est le ministère de Cyprien de Carthage, de 248 environ à son martyre en 258. Au début de son ministère, Cyprien écrit La bienfaisance et les aumônes, un traité dans lequel il va jusqu’à parler d’exclusion de la table de communion pour ceux qui n’accomplissent pas de tels actes d’amour. Leurs cœurs, selon lui, étaient manifestement inconvertis.

Dans un autre traité, intitulé De la mortalité, qui a peut-être commencé comme un sermon, Cyprien réprimande ceux qui refusent de soigner les malades et les mourants pendant la peste. Sa description des symptômes de la maladie suggère que sa connaissance de celle-ci provient d’une observation de première main dans le cadre des soins apportés aux personnes infectées.

Les lettres de Cyprien à cette époque sont également remplies d’exhortations concernant les soins pastoraux. Un jour, il répond à la demande de conseils d’un autre pasteur concernant un nouveau converti, dont le travail d’acteur et de professeur d’art dramatique était considéré comme scandaleux par la communauté locale. (Cette profession était l’une des plus méprisées du monde romain et, en raison de son association avec les cultes païens, elle était particulièrement mal vue pour un chrétien.)

La réponse de Cyprien ne conseille pas la discipline, mais la prudence : le converti a-t-il d’autres moyens de subsistance ? L’Église, dit-il, devrait s’occuper de lui si ce n’est pas le cas et même proposer de le soutenir financièrement si nécessaire.

Ces mots n’étaient pas seulement fidèles à l’Évangile. L’histoire nous apprend qu’ils étaient également attirants. Le christianisme dans l’Empire romain est passé de moins d’un pour cent de la population en l’an 200 de notre ère à près de dix pour cent un siècle plus tard.

Cette croissance est particulièrement remarquable et, pour être honnête, surprenante compte tenu de la persécution croissante au cours de la même période. Pourquoi, alors qu’ils savaient que la conversion pouvait signifier la mort, les habitants de l’Empire romain ont-ils été plus nombreux que jamais à rejoindre l’Église ? Le sociologue Rodney Stark soutient que c’est le travail d’assistance de l’Église, à la fois pratique et pastoral, qui a attiré les convertis et conduit à cette croissance explosive. Le témoignage de bonnes paroles et de bonnes œuvres a porté de riches fruits.

Pourra-t-on en dire autant de nous ? Si j’étais une historienne vivant des siècles dans le futur et que j’étudiais les documents relatifs aux églises des États-Unis au début du 21e siècle, j’aurais probablement l’impression que les chrétiens de notre époque faisaient principalement deux choses : subir des abus d’autorité spirituelle et gérer les conséquences de ces abus.

Après tout, tels sont les sujets de nombreux livres, articles et reportages. Il est important de faire la lumière sur les abus et de s’efforcer de les prévenir à l’avenir, notamment parce que la justice compte aux yeux d’un Dieu juste. Cependant, que ratons-nous pendant que ces questions occupent tout notre esprit ? Quelle est l’absence marquante dans le dossier documentaire de l’Église contemporaine ? Ce pourrait bien être le manque de travaux solides sur l’utilisation saine du pouvoir dévolu aux responsables pour prendre soin de nos communautés.

L’exemple de l’Église primitive nous rappelle que si nous ne parlons que de ce que l’Église doit éviter — ce que nous ne devons pas être ou faire en tant que chrétiens — nous risquons de passer à côté de conversations sur qui et ce que nous sommes appelés à être. Nous manquons alors des occasions de transformer la culture de l’Église vers un mieux.

L’exercice d’une autorité et d’une attention pastorales saines devraient aujourd’hui constituer une part essentielle de nos réflexions et de nos efforts, tout comme c’était le cas dans les premiers temps du christianisme. Nous ne pouvons pas négliger l’importance de nos paroles — ce dont les pasteurs et autres responsables d’église parlent et écrivent — pour provoquer des changements dans les églises locales et les communautés plus larges.

Certes, nous devons condamner la tendance à confier le micro à des brutes et les appels lancés à l’Église pour qu’elle cherche à s’emparer du pouvoir politique en temps de crise. Cependant, les seuls appels à démasquer les abus et à les combattre ne sont pas suffisants. Nous avons également besoin d’être encouragés par des responsables chrétiens, en chaire et par écrit, sur des questions qui ont toujours fait partie du témoignage contre-culturel de l’Église dans un monde cruel : les soins pratiques et spirituels aux pauvres, aux malades, aux veuves, aux mères célibataires, aux orphelins et aux immigrés (Jc 1.27).

J’ai été témoin de l’effet de ce type d’encouragement dans la communauté de l’Église presbytérienne d’Amérique dont mon mari et moi avons été membres pendant sept ans avant notre récent déménagement à l’autre bout du pays. À l’époque où nous avons rejoint l’église, le pasteur avait décidé de mettre l’accent sur l’adoption et le placement en famille d’accueil en tant que ministères essentiels pour notre église. À l’époque, il y avait très peu de foyers d’accueil dans le comté, et les besoins excédaient de loin les disponibilités.

Le franc-parler du pasteur, qui avait fait de l’attention portée à notre collectivité locale une priorité délibérée, a eu des effets significatifs au sein de la communauté. Le nombre de familles adoptives et de familles d’accueil au sein de celle-ci a augmenté. Un nouveau ministère a organisé des trains de repas tout au long de l’année et d’autres structures de soutien pour aider les familles d’accueil. La conscience qu’avait l’église des besoins de la collectivité locale s’est également accrue, ce qui a donné lieu à de nouvelles opportunités de service. C’est tout le caractère de notre église qui a changé grâce à l’accent mis par notre pasteur sur les soins pastoraux et pratiques.

Le ministère de Cyprien nous rappelle de même que des paroles et des œuvres marquées par l’attention à l’autre ont le pouvoir de provoquer des changements dans les églises locales. Les chrétiens de l’Église primitive n’étaient pas moins pécheurs que nous, ni moins sujets à la faiblesse et à la fatigue spirituelles. Mais grâce à des dirigeants qui orientaient le troupeau vers Jésus par leurs paroles, leurs écrits et leur exemple, ils ont transformé toute leur culture. Il n’en ira pas autrement aujourd’hui.

Nadya Williams est l’autrice de Cultural Christians in the Early Church. Son prochain livre, Priceless, est sous contrat avec IVP Academic. Elle est rédactrice en chef des critiques de livres pour le magazine en ligne Current, où elle gère également le blog « The Arena ».

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Il examine les récits des chrétiens qui ont connu le pire.

Le travail de ce chercheur de Portes Ouvertes en Afrique de l’Est a eu un effet contre-intuitif sur sa foi.

Christianity Today January 24, 2024
Illustration par Christianity Today / Source Images: Pexels

Il y a près de vingt ans, Fikiru rejoignait un groupe de prière et d’étude biblique dans sa ville natale d’Afrique de l’Est, une expérience qui le conduit à accepter le Christ comme son sauveur personnel. Mais Fikiru se rend vite compte que d’autres chrétiens de la région s’opposent farouchement à sa conversion et à celle du reste de sa communauté. Pendant des mois, ces chrétiens accusent les autres de blasphème, forcent leurs épouses à divorcer et leurs familles à couper les liens, et dans certains cas, les battent ou les tuent.

C’est alors qu’un dimanche, à la suite de cette persécution, plusieurs membres de l’équipe de soutien aux chrétiens persécutés de Portes Ouvertes se présentent.

« Nous ne les avions jamais rencontrés », se souvient Fikiru. « Nous n’en avions jamais entendu parler. »

Mais Portes Ouvertes avait entendu parler de son église et de sa souffrance. Ils avaient un message simple pour Fikiru : vous n’êtes pas seul.

Quelques années plus tard, Fikiru (nous utilisons un pseudonyme pour des raisons de sécurité) accepte un travail pour Portes Ouvertes.

« J’essaie de rendre quelque chose de l’amour et de la sollicitude qui m’ont été témoignés alors que j’étais un croyant persécuté », explique cet analyste pour l’Afrique de l’Est, une région qui s’étend de l’Érythrée au Mozambique. « Je joue ce rôle avec passion et enthousiasme. »

Morgan Lee, notre éditrice responsable des contenus internationaux, s’est entretenue avec lui sur la manière dont il vérifie les faits relatifs aux allégations de persécution, l’impact surprenant que ce travail a eu sur sa foi et la manière dont il prend soin des membres du personnel épuisés par ce travail.

Comment aidez-vous vos collaborateurs qui s’épuisent ou sont traumatisés par tous les récits de ravages, de destruction et de violence qu’ils entendent ?

La prière. L’une de nos valeurs fondamentales est que nous sommes des hommes et femmes de prière. Nous savons que nous servons le Seigneur et ces personnes souffrent pour leur foi. Elles ne marchent pas seules et notre Seigneur sera toujours avec elles. Connaître cette vérité nous encouragera toujours à continuer à avancer. Nous lui confions tous nos fardeaux et nos défis pour qu’il intervienne.

Nous proposons également des séances de débriefing aux employés et les aidons à mettre en place de bonnes pratiques pour prendre soin d’eux-mêmes. Notre personnel de première ligne, qui est en contact direct avec les croyants persécutés, est encouragé quotidiennement à vivre une réelle communion les uns avec les autres au sein du ministère et de nos bureaux. Il est important d’avoir autour de soi des personnes qui comprennent et partagent les fardeaux que nous portons au nom de l’Église persécutée, car peu de gens comprennent ou partagent ces fardeaux.

Des temps réguliers de méditation dans les bureaux et les divers départements et des moments de prière réguliers soutiennent également le personnel qui peut être confronté à un événement ou à un incident lié à la persécution. On ne peut pas faire ce travail sans poser des questions difficiles à Dieu, mais heureusement, il est patient et bienveillant envers nous. À mesure qu’il nous révèle comment il fait concourir toutes choses au bien, notre foi et notre relation avec Dieu se renforcent.

Qu’est-ce qui, dans votre travail, a ébranlé votre foi ?

En entendant les souffrances sans fin de nos frères et sœurs, il se peut que nous soyons parfois émotionnellement meurtris. (Parmi les cas les plus graves, on peut citer les violences sexuelles à l’encontre de jeunes femmes et les mauvais traitements infligés à des personnes âgées vulnérables.) Mais il ne s’agit pas de nous. Il s’agit de l’Église souffrante. Nous pouvons parfois avoir l’impression que le traitement injuste infligé aux autres chrétiens est simplement trop. Mais nous savons qu’ils sont forts et fidèles. Leur résilience nous encourage à continuer à marcher avec eux.

Comment votre travail contribue-t-il à la l’Index mondial de Portes Ouvertes ?

Chaque année, nous recueillons des données sur la persécution dans tous les pays de notre région et nous les analysons en recoupant ces rapports avec la vision de différents responsables et experts de tout le pays. Nous évaluons chaque pays sur la base d’un certain nombre de catégories, puis nous envoyons les résultats au centre mondial, qui utilise notre analyse pour attribuer à chaque pays une note finale. [Note de l’éditeur : Pour en savoir plus sur la méthodologie de Portes Ouvertes, cliquez ici]

Lorsque nous recueillons des données, nous essayons d’obtenir des informations provenant de plusieurs sources. Nous voulons que nos contributeurs nous communiquent des données concernant la persécution à partir de contextes spécifiques dans l’ensemble du pays et qu’ils ne se contentent pas de s’appuyer sur une ou deux personnes. Bien entendu, le nombre de contributeurs variera selon qu’il s’agit de l’Éthiopie, qui compte 120 millions d’habitants, de Djibouti (976 000) ou des Comores (888 000). Nombre d’entre nos contributeurs sont des responsables d’église, divers professionnels ou des personnes qui ont de l’expérience sur un large éventail de questions dans le pays.

Après avoir recueilli les données et les informations, nous ne disparaissons pas. Nous allons vers ceux qui sont touchés par la persécution et nous leur disons : « Voici ce que la Bible nous dit, et voici comment nous y répondons. Et vous n’êtes pas seul. » Nous ne voulons pas que l’ennemi les décourage et les fasse revenir sur leur foi.

Comment vérifiez-vous vos données ?

Deux choses sont importantes pour nous à Portes Ouvertes : tout d’abord, nous voulons montrer notre amour, notre engagement et notre souci pour les croyants qui souffrent. Deuxièmement, nous voulons nous assurer que nos informations sont exactes et pertinentes.

Lorsqu’il s’agit d’incidents spécifiques, nous devons déterminer s’ils ont réellement été commis dans le but d’attaquer ou de nier les droits des chrétiens à vivre sur un pied d’égalité avec leurs concitoyens.

Ainsi, comme je l’ai dit précédemment, nous essaierons de recouper et de diversifier nos sources. Nous examinons les recherches existantes sur un pays, y compris les sources primaires et secondaires. Nous nous adressons à nos contributeurs. Il arrive qu’ils nous fassent découvrir de nouvelles informations ou un nouveau contexte dans un pays donné. Nous ne nous précipitons pas. Nous essayons de comprendre ce qui s’est passé et pourquoi.

Il s’agit d’un défi, car les gouvernements et autres auteurs de persécutions tentent de jeter le doute sur les informations en disant que nous ne connaissons pas le contexte. Bien entendu, la plupart des persécuteurs ne diront pas qu’ils persécutent les chrétiens en raison de leur foi. Nous avons besoin de pouvoir examiner une situation sous de nombreux angles. Nous voulons être précis, et nous voulons nous assurer qu’il s’agit de quelque chose qui s’est produit à cause de la foi en Christ. Nous ne pouvons pas dire que le pays traite ses citoyens chrétiens de telle ou telle manière si nous n’avons pas procédé à une évaluation approfondie.

Tout en mettant l’accent sur l’exactitude et la qualité de l’information, nous essayons également d’agir de manière pastorale envers ces personnes qui souffrent bel et bien de la persécution, et nous essayons de leur témoigner de l’amour.

Quelle est la partie la plus difficile de votre travail lorsqu’il s’agit de recueillir et de vérifier des informations ?

La sûreté et la sécurité de nos sources constituent un réel défi. Nous voulons disposer d’un maximum d’informations et nous voulons qu’elles soient corroborées par diverses sources. Mais ces objectifs s’accompagnent également du risque d’exposer des personnes.

En fin de compte, [dans certains pays,] beaucoup de données sont disponibles pour aider à analyser la situation, mais il est trop dangereux de rendre publics les détails de tel ou tel incident. Dans certains contextes, il se peut que nous soyons très discrets et que nous n’entrions pas dans les détails parce que nous sommes inquiets pour nos sources.

Nous aimerions rapporter les témoignages de ces croyants qui nous ont raconté leur histoire dans les larmes et nous partagent quelque chose que nous serions portés à transmettre au reste du monde. Mais si nous le faisions, nous risquerions de leur infliger des souffrances supplémentaires.

Ce que je veux que les lecteurs comprennent en lisant ce rapport, c’est que ces chiffres concernent bien tous des chrétiens : des mères, des frères, des pères et des enfants qui font face à l’incertitude dans leur vie de tous les jours. Ces chiffres vous parlent des larmes de votre frère ou de votre sœur dans une partie du monde où l’on n’a pas le droit d’exercer simplement sa propre foi. J’encourage les gens à penser à eux, à en parler et à prier pour eux.

Quel type d’impact votre travail a-t-il eu sur votre foi ?

L’encouragement. Les gens nous posent souvent cette question, à moi et à mes collègues, parce que nous étudions et entendons des histoires tristes de nos frères et sœurs.

Lorsque nous rencontrons ces hommes et femmes de Dieu courageux qui sont persécutés simplement pour leur foi, simplement parce qu’ils se sont identifiés à une autre forme de foi en dehors du groupe confessionnel dominant, lorsqu’ils nous racontent histoire après histoire, et lorsqu’ils finissent par nous dire, malgré tout cela, « Nous sommes heureux de connaître le Christ et nous continuerons à l’adorer, même si on nous refuse nos droits, si on nous attaque physiquement ou si on nous tue, si nos biens sont confisqués ou détruits, et tout cela nous rendra plus forts. Nous ne renions pas notre foi », nous retrouvons du courage et de la motivation dans notre vie personnelle et dans notre ministère.

Parfois, nous pensons que nous sommes dans une meilleure situation, mais ces personnes, dans ce contexte, sont très fortes. Nous avons beaucoup à apprendre d’elles.

Quels sont les cas de persécution chrétienne dans votre région d’Afrique de l’Est que vous aimeriez porter à notre attention ?

Je commencerai par le Mozambique, où les chrétiens sont quotidiennement menacés par l’extrémisme islamique. Un groupe voudrait établir un État islamique dans la partie nord du pays et a pris pour cible le gouvernement, les soldats et même les musulmans modérés.

Les chrétiens sont des cibles, car lorsqu’il attaque, l’État islamique questionne d’abord votre foi. S’ils savent que vous êtes chrétien, vous serez plus sévèrement exposé. Cette situation a rendu difficile la vie normale des chrétiens et beaucoup d’entre eux ont été déplacés. Comme ils savent que l’insurrection les attaquera, beaucoup sont partis en masse. Des milliers et des milliers de chrétiens ont fui, ainsi que des musulmans modérés.

En Érythrée, depuis plus de 20 ans, les chrétiens sont confrontés à de graves persécutions. Les chrétiens érythréens ne peuvent pas se réunir pour prier ; ils ne peuvent pas confesser ouvertement leur décision de suivre le Christ. S’ils sont jetés en prison, ils ne peuvent pas bénéficier d’un procès en bonne et due forme. La prison peut signifier vivre dans un conteneur ou une petite cellule pendant de nombreuses années sans jugement.

Il y a quelques jours, le gouvernement érythréen a de nouveau arrêté des chrétiens. S’ils les trouvent en train de prier ensemble, ils les rassemblent et les envoient en prison. Mais pour la famille de la personne arrêtée, personne ne leur dira ce qui s’est passé et pourquoi.

Enfin, le Soudan. L’année dernière, en avril, la guerre a éclaté au Soudan. Avant cette guerre, les observateurs et certains citoyens étaient enthousiastes et espéraient que le pays deviendrait un jour un meilleur endroit pour l’exercice de la liberté de religion et des droits.

Depuis le début de la guerre, de nombreuses églises ont été attaquées, bombardées et brûlées. [Il y a deux semaines], le 12 janvier, une église de la grande ville de Wad Madani a été bombardée. Le groupe armé soupçonné a confisqué tout ce qui se trouvait dans l’enceinte, puis y a mis le feu.

Bien entendu, l’affrontement entre les deux partis n’est pas ouvertement religieux. De part et d’autre ce sont des militants islamiques. D’un côté, il y a l’armée et de l’autre, les Forces de soutien rapide, des personnes qui travaillaient sous le régime de Bashir, l’ancien régime.

Les chrétiens qui souffrent déjà en raison de leur foi sont d’autant plus désavantagés que leurs proches qui ne sont pas chrétiens peuvent les avoir rejetés et qu’il est difficile de trouver de la nourriture et une protection dans un pays en guerre. De nombreuses personnes ont été déplacées et les pasteurs déplacés ne sont plus en mesure de s’occuper de leurs communautés. Ils fuient également pour leur vie et leur sécurité.

Y a-t-il une conversation que vous avez eue avec un chrétien persécuté qui vous a particulièrement inspiré ?

J’ai parlé à un pasteur soudanais qui a survécu de justesse au bombardement de son église à Khartoum, la capitale. Il a exercé son ministère pendant de nombreuses années et a payé cher sa décision de déclarer publiquement sa foi et son engagement dans le service. Mais lorsque l’attentat a eu lieu, il était vraiment triste. Il s’est senti impuissant ; il n’était pas en mesure d’aider sa communauté ou de protéger sa famille, et sa vie.

Je le connais depuis de nombreuses années et nous sommes régulièrement en contact pour la prière. Il m’a dit : « Fikiru, je ne peux que te demander de prier pour moi et pour les gens que je sers. Je ne peux pas dire combien de temps je resterai en vie ou en sécurité. La situation s’aggrave. » Ce qui m’a touché, c’est que pendant toutes les années où j’ai été en contact avec lui, il n’avait pratiquement pas parlé de prier pour lui-même ; il a toujours prié pour les personnes qu’il servait. C’est dire la pression qui pèse sur les épaules des pasteurs et des responsables.

Une autre histoire concerne la Tanzanie, un pays où l’influence de l’islam se fait de plus en plus sentir dans certaines parties du pays. Actuellement, chaque fois qu’une personne d’origine musulmane décide de devenir croyante, ses parents et sa famille la persécutent. Une femme nous a dit qu’elle était l’un des membres préférés de la famille, que son père l’aimait vraiment et qu’elle était soutenue par sa mère et ses proches jusqu’à ce qu’elle décide de suivre le Christ.

Dès qu’ils ont appris sa décision, ils ont commencé à la battre et à l’attaquer. Lorsque je lui ai rendu visite, ses bras étaient couverts de blessures causées par des attaques à la machette. Leur intention était de la tuer.

« Fikiru, m’a-t-elle dit, ils l’ont fait pour m’arrêter. Mais même si je perds leur soutien et que je perds ma vie, je continuerai à adorer et à servir le Seigneur. »

Cette histoire m’a profondément ému : même s’il y a beaucoup d’histoires tristes sur les chrétiens persécutés dans notre région, il y a aussi un côté encourageant, car ces personnes ont décidé qu’elles étaient prêtes à payer ce prix.

En tant que chrétiens, nous devrions prier pour ces personnes, leur dire qu’elles ne sont pas seules, puis parler en leur nom à tout endroit susceptible d’influencer leurs persécuteurs, qu’il s’agisse du gouvernement ou d’acteurs non étatiques, et leur demander de les laisser tranquilles et de leur permettre de mener décemment leur vie.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

J’ai trébuché dans les pas du bon samaritain.

Lorsque nous nous imaginons en héros, nous oublions souvent notre humanité.

Christianity Today January 24, 2024
Illustration de Hokyoung Kim

Il me semble que beaucoup d’entre nous lisent la parabole du bon Samaritain en pensant que son message fondamental pourrait se résumer ainsi : « Pour l’amour du ciel, ne soyez pas un abruti. »

Le scénario de l’école du dimanche se déroule ainsi dans notre esprit. Un pauvre innocent a été brutalement battu et toute personne raisonnablement morale serait horrifiée. Le prêtre et le lévite le voient et passent de l’autre côté de la route. Nous sommes étonnés par leur comportement insensible. Voilà qui n’est certainement pas ce qu’un être humain digne de ce nom ferait ! Comment peuvent-ils supporter de laisser le pauvre homme étendu sur le bord de la route ? Sans trop réfléchir, nous nous intégrons dans l’histoire avec le costume du bon Samaritain, certains que si un tel événement se présentait un jour dans notre vie quotidienne, nous ferions évidemment ce qu’il faut.

Pour ma part, vivre cette parabole m’a révélé une réalité très différente.

Je suis en train de rentrer chez moi, dans l’intérieur des terres rurales du Burundi, pays d’Afrique de l’Est, où je vis et travaille comme médecin missionnaire. Ces derniers jours ont été un marathon de réunions interculturelles et multilingues très stressantes concernant l’accréditation internationale de notre école de médecine. Je me prépare à faire un voyage de trois heures pour rentrer chez moi et je suis complètement épuisé. Je ne souhaite rien de plus que de voir ma famille et de partager le plat à emporter qui se trouve actuellement sur le plancher devant mon siège passager.

Ma voiture serpente sur les petites routes de montagne bordées de bananiers et de palmiers. Ce trajet dangereux, avec ses pentes abruptes et sa visibilité limitée, a été une terreur pendant les premières années où j’ai vécu ici, mais il est maintenant devenu plus ou moins banal. Tout en conduisant, je prie pour que les heures du voyage m’allègent un peu du poids que je ressens.

Au sortir d’un nouveau tournant, de l’agitation se dévoile soudain à mes yeux : des éclats de verre, une moto démolie et un mouvement chaotique de personnes sur le bord de la route. Deux jeunes hommes traînent un corps loin de la moto sur le macadam, l’un tenant une jambe et l’autre un bras, jusqu’à l’étroit accotement de gravier de la route qui surplombe un ravin escarpé.

Je réalise que cet accident s’est produit il y a quelques instants. Je vis une tempête soudaine entre conviction et indécision. J’ai tellement envie de continuer à rouler. Après tout, personne sur place ne connaît l’obligation que j’ai d’aider. Pour moi aussi, les enjeux sont importants. Je dois rentrer chez moi avant que la nuit ne rende la conduite dangereuse. S’impliquer peut conduire à se faire extorquer ou même accuser d’être responsable de l’accident. La seule chose qui me pousse à m’arrêter, c’est le serment que j’ai prêté lorsque je suis devenu médecin, et le fait que passer à côté avec ma voiture rendrait ce serment pratiquement caduc. Je connais intimement l’absence de services d’urgence dans cette région et je sais qu’il n’y a pas d’autre aide à attendre.

Je m’arrête et je sors. « Je suis médecin », dis-je dans un kirundi hésitant. Je m’agenouille près de l’homme inconscient, qui présente une large blessure à la tête et dont le sang épais forme une traînée jusqu’à l’endroit où il était allongé sur la route. Je constate qu’il respire, que ses pupilles réagissent à la lumière et que son pouls est bon. Il pourrait s’en sortir s’il parvient à l’hôpital.

« Quelqu’un parle-t-il français ici ? » J’interroge les jeunes hommes à côté de moi. Quelques secondes plus tard, un autre homme émerge de la foule et me salue en français. Je l’interroge : « Quelqu’un d’autre est blessé ? »

Alors qu’il désigne un petit attroupement à 20 mètres de là, je m’étonne de ne pas avoir encore remarqué les gémissements qui proviennent de cette direction. Je vais voir. Une jeune femme hurle alors que j’inspecte sa large fracture ouverte du tibia. La blessure à la jambe est grave, mais elle est manifestement consciente et respire bien.

J’ai fait tout ce qu’il était possible de faire sur le bord de la route. « Qu’allez-vous faire ? », interrogé-je le jeune francophone. Son visage présente l’air trop familier de l’impuissance — pas de moyen de transport, pas d’argent, et personne vers qui se tourner parce que tout le monde autour de vous est dans la même situation.

Je réalise à nouveau qu’ils ne peuvent pas compter sur un quelconque service d’urgence. Ils espèrent peut-être qu’un taxi emmènera quelqu’un quelque part dans les six prochaines heures, mais cela pourrait bien être trop tard, surtout pour l’homme inconscient.

« J’ai de la place pour emmener l’un d’entre eux à l’hôpital situé un peu plus loin », proposé-je.

L’homme à côté de moi répond immédiatement : « Prends la fille ! »

« Le type est en plus mauvais état », rétorqué-je.

« Il est déjà mort. »

C’est si manifestement faux que je commence à m’énerver. « Il respire ! », m’exclamé-je.

L’homme regarde le corps abandonné sur la route, comme s’il le considérait pour la première fois. Je soupçonne que le conducteur de la moto est un inconnu pour les passants tandis que la femme blessée (mais dans un état moins critique) est une amie, peut-être même un membre de la famille.

Je soupire. « Écoutez, laissez-moi essayer de mettre les sièges bien à plat dans ma voiture. Peut-être que je peux les prendre tous les deux. » Je me débats avec mes sacs et les sièges de mon RAV4. Il y a juste assez de place pour que les deux blessés puissent s’allonger et qu’un parent puisse s’accroupir à côté de la femme blessée. Nous sommes tous les quatre prêts à partir.

À ce stade, la police locale est arrivée sur les lieux. J’essaie d’expliquer l’urgence d’amener les blessés à l’hôpital. Mais les officiers veulent que je reste sur place pour faire une déclaration et transmettre mes coordonnées. Je n’ai aucune envie d’être mêlé à une affaire de police locale. Finalement, je les persuade de me laisser partir et je me m’apprête à poursuivre ma route avec ma voiture pleine de corps.

Le francophone m’arrête. « N’allez pas à l’hôpital le plus proche. S’il vous plaît. S’il vous plaît, ramenez-les en ville dans un meilleur hôpital. » Faire demi-tour jusqu’à la ville signifie que je ne pourrai pas rentrer à la maison avant le coucher du soleil comme prévu. Mais je sais qu’il a raison. J’ai été à l’hôpital le plus proche et il ne pourra pas aider. Il me dit dans quel hôpital les emmener. Je connais l’endroit et je suis d’accord.

C’est sur la route que je commence à réaliser que nous sommes en train de rejouer la parabole du bon Samaritain. Il y avait des blessés sur le bord de la route, et je devais prendre la décision de passer comme tout le monde ou de les emmener à l’hôpital. Les similitudes sont frappantes, alors pourquoi ne les ai-je pas remarquées plus tôt ?

Le fait est que la situation ne ressemble pas du tout à ce que j’avais imaginé. Je suis tellement en colère, effrayé et fatigué. La femme à l’arrière n’arrête pas de crier « Je meurs ! » en kirundi, et j’ai envie de lui hurler que ses cris ne servent à rien.

Pourquoi aujourd’hui ? J’étais déjà tellement épuisée. Dans mon esprit, le bon Samaritain a toujours été une sorte d’ardoise vierge, sans fardeau préexistant et, à en juger par la façon dont il a mis tout cela de côté, sans besoin urgent de s’occuper de ses propres affaires. J’ai vu sa générosité, mais j’ai pensé qu’elle provenait d’une marge que je n’ai pas. Si je disposais d’une telle marge, je réagirais aussi gracieusement que lui. Mais arrive-t-il qu’une personne réelle se trouve vraiment dans cette situation ?

Peut-être que suivre le bon Samaritain signifie reconnaître que nos propres fardeaux, notre propre fatigue et même nos propres besoins nous accompagnent jusque dans ce récit.

La descente de la montagne est éprouvante. J’ai sur mon siège arrière des étrangers gravement blessés pour lesquels le temps est compté. J’ai aussi une route dangereusement sinueuse avec des accotements étroits, de nombreux nids-de-poule, des foules de piétons et de vélos qui se partagent les voies, et des camions qui « dévalent » la montagne à dix kilomètres à l’heure. Se hâter sur cette route porterait une conduite normalement risquée à un niveau de folie que je dois consciemment éviter. À un moment donné, je freine brusquement et le capot de ma voiture s’arrête tout juste sous l’arrière d’un semi-remorque en surplomb. Je respire profondément et commence à prier à haute voix pour étouffer les cris de la femme à l’arrière.

Je pense aux risques. Partir avec ces personnes dans ma voiture pourrait encore signifier avoir affaire à la police locale, ce qui m’est déjà arrivé et que j’aimerais vraiment éviter. Descendre rapidement de la montagne pourrait mettre ma propre vie en danger. L’un de mes amis m’a raconté qu’il s’était rendu à l’aéroport en voiture, la nuit, et qu’il avait vu un corps allongé sur le bord de la route. Alors qu’il se demandait s’il devait s’arrêter, il s’est souvenu d’histoires dans lesquelles un tel corps était une ruse pour inciter les gens à s’arrêter afin qu’ils puissent être attaqués et volés. Il a poursuivi sa route. Je comprends parfaitement.

Chacune de ces possibilités trouve facilement sa place dans la parabole. Le Samaritain craignait-il une escroquerie ? Cela n’aurait pas été déraisonnable. Allait-il s’attirer les foudres des forces de l’ordre locales en essayant d’aider ? J’ai toujours supposé que l’auberge se trouvait plus loin sur la même route, mais peut-être que le Samaritain a dû faire marche arrière comme moi et s’exposer ainsi aux dangers non négligeables du voyage de nuit.

Ma vie ici au Burundi me donne de nombreuses possibilités pour apprécier la situation. Que pourrait-il m’arriver ou arriver à d’autres personnes si je m’implique ? Quel est le bénéfice probable si je plonge les mains dans le cambouis ? Il est sage de prendre les risques en considération, mais le risque en soi ne signifie pas que nous ne sommes pas appelés à entrer dans cette histoire. Peut-être que suivre le bon Samaritain signifie aussi accepter qu’un certain risque — pas seulement un coût ou un désagrément, s’ensuive inévitablement.

C’est avec soulagement que j’arrive en ville et que je me dirige vers l’hôpital. J’entre dans la propriété par un portail et je finis par trouver la zone d’urgence. Je gare la voiture et saute dehors, arrêtant le premier type en blouse que je vois.

« J’ai deux patients en traumatologie dans ma voiture. Un homme inconscient avec une blessure à la tête et une femme avec une fracture ouverte du tibia. »

Il me regarde fixement. J’essaie à nouveau, mais en vain. Après quelques minutes, le médecin qui semble être le responsable sort. Je le conduis rapidement à la voiture et ouvre le hayon arrière. L’homme est toujours inconscient. La femme est plus calme pendant un moment, s’appuyant sur son parent accroupi à côté d’elle. Je cherche un brancard ou un fauteuil roulant. Je ne comprends pas pourquoi, alors que j’ai risqué ma vie en dévalant la montagne, personne n’agit.

Le médecin commence à discuter calmement avec les personnes conscientes qui se trouvent dans ma voiture. Je peux comprendre qu’il demande de l’argent. Il fait claquer sa langue avec regret et se tourne vers moi. « Ah, vous voyez, il y a un problème. Ils n’ont pas d’argent. Nous ne pouvons pas nous occuper d’eux. »

Il s’agit effectivement d’un hôpital privé, et je comprends qu’un hôpital ne puisse rester solvable sans un certain nombre de revenus pour couvrir ses services. Qu’un paiement soit envisageable ou non, je n’avais cependant jamais imaginé qu’un médecin puisse manquer de motivation pour soigner dans une situation d’urgence comme celle-ci. Je comprends maintenant pourquoi personne n’a sorti les blessés de ma voiture. L’hôpital veut s’assurer que je les reprendrai.

Je tente de faire face. Je lui explique mon rôle de responsable médical dans la région et lui demande s’il est d’accord pour que j’appelle son supérieur et que je lui rapporte ses propos. Il me regarde avec le regard trop calme de quelqu’un qui a cette conversation tous les jours. « Absolument », dit-il.

« Eh bien, où puis-je les emmener ? »

« Je ne sais pas. »

« Puis-je les emmener à l’autre hôpital situé juste en bas de la route ? »

« Je ne sais pas. »

Je claque le coffre, monte dans ma voiture et sors sans un mot de plus.

Ce n’est pas pour cela que j’ai signé. Mon travail consistait à amener ces personnes à l’hôpital, où ma générosité serait appréciée et où quelqu’un d’autre s’en chargerait. À présent, il me faut continuer : pas parce que j’ai le choix, mais parce que je suis coincé.

Cela aurait-il pu arriver au bon Samaritain ? J’ai toujours imaginé l’aubergiste souriant pour l’accueillir, mais qui voudrait d’un inconnu à moitié mort dans son établissement, même si ses frais sont couverts ? Cette auberge était-elle la première que le bon Samaritain a rencontrée, ou a-t-il dû faire des recherches et quémander pendant un certain temps ? Et s’il avait essayé d’autres auberges et découvert qu’elles ne voulaient pas d’un homme ensanglanté et inconscient qui risquait d’effrayer leur meilleure clientèle (comme les prêtres et les lévites) ? Et si personne d’autre que le Samaritain ne se souciait de savoir si l’homme blessé vivrait ou mourrait ?

Au fur et à mesure que les complexités de la parabole se déploient, je réalise de plus en plus que suivre le bon Samaritain peut signifier s’impliquer plus en profondeur et être plus seul que je ne l’imaginais.

Au bout de la route, je me gare dans l’autre hôpital. Je ne peux même pas trouver les urgences sans une aide conséquente. Il s’agit d’un petit bâtiment situé derrière le reste du campus, comme s’il avait été pensé 30 ans plus tard. Je me gare en me demandant quelle sera la réception. J’entre aux urgences et demande qu’une infirmière vienne à ma voiture. J’explique la situation alors qu’une petite foule se forme. L’infirmière regarde à l’arrière de la voiture et disparaît dans les urgences sans un mot de plus. Je ne sais pas trop ce qui se passe.

Au moins 10 minutes plus tard, une civière apparaît et la femme blessée y monte. Elle disparaît à l’intérieur de l’hôpital avec le membre de la famille qui l’accompagnait. Il ne reste plus que l’homme encore inconscient. Il respire encore, et je suis heureux de voir qu’il commence à gémir un peu. C’est embarrassant, mais je n’arrête pas de penser que je suis sur le point de retrouver ma voiture.

Une dame se trouvant à proximité demande : « Comment connaissez-vous ces personnes ? »

« Je ne les connais pas. Je passais juste en voiture, et ils avaient besoin d’aller à l’hôpital. »

« Que Dieu vous bénisse »

J’ai juste envie de pleurer.

Après le retour de la civière et l’embarquement de l’homme, je demande à voir le membre de la famille qui a fait la route avec moi. Je veux lui donner un peu d’argent discrètement pour couvrir quelques dépenses initiales, mais je crains qu’il ne l’utilise entièrement pour sa parente et qu’il ne néglige l’homme.

Je décide d’échanger la discrétion contre la redevabilité et d’éviter une longue discussion sur le montant d’argent dont il a besoin. Je m’installe d’abord sur le siège du conducteur pour sécuriser ma fuite, puis je baisse la vitre. Je montre l’argent au membre de la famille et à la foule omniprésente qui l’entoure. « La moitié est pour ta parente, mais l’autre moitié est pour l’autre gars. » Une personne choisie au hasard dans la foule confirme qu’elle comprend et que tout le monde ici voit que cet homme doit dépenser la moitié de l’argent pour le motocycliste. Je fais un bref signe de tête, remets l’argent à l’homme et démarre.

Je me remémore que le bon Samaritain a promis de revenir et de couvrir toutes les dépenses supplémentaires. J’habite à trois heures de route et j’ai mon propre hôpital plein de patients. J’imagine que le bon Samaritain pourrait aussi avoir eu ce genre de niveau de responsabilité. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas l’intention de revenir.

Le trajet du retour à la tombée de la nuit est stressant, mais heureusement sans incident. En passant devant le lieu de l’accident, j’essaie de me cacher le visage. Je pense que la foule (qui est toujours là) m’a peut-être reconnu, mais je continue.

Tard dans la nuit, j’arrive chez moi. Je m’effondre sur le canapé. J’ai envie de pleurer, mais je me sens trop accablé. Que s’est-il passé ? Je n’en suis pas vraiment sûr. D’après mon évaluation médicale, la vie de deux personnes a peut-être été transformée, mais essayer de suivre le bon Samaritain s’est révélé totalement différent de ce que j’avais imaginé.

« Qui est mon prochain ? », demandait l’homme à qui Jésus a raconté cette histoire. Va et sois un prochain, conclut Jésus (Lc 10.25-37).

Cette histoire m’a fait mal. Mon réservoir émotionnel était presque vide lorsque toute cette affaire a commencé, et j’ai fini par gratter son fond asséché à plusieurs reprises. J’avais décidé de m’engager jusqu’à un certain point, et chaque fois que j’atteignais ce point, on me demandait d’aller plus loin, encore et encore.

Mais comme Martin Luther King Jr le formulait dans son discours intitulé « Je suis allé au sommet de la montagne », le prêtre et le lévite se demandent : « Si je m’arrête pour aider cet homme, que m’arrivera-t-il ? » Le Samaritain, lui, se demande : « Si je ne m’arrête pas pour aider cet homme, que lui arrivera-t-il ? » La parabole nous appelle à sortir de nous-mêmes et à nous sacrifier pour les autres. Aimer, c’est se sacrifier, et le sacrifice fait mal.

Il n’y a pas eu d’action héroïque. Tout ce qu’il y a eu, c’est le désordre : un mélange de mes propres fardeaux et des fardeaux inattendus des autres. Le risque irréductible lié à l’entrée dans une situation de douleur et de besoin. Une expérience solitaire qui m’a coûté bien plus que ce que j’avais prévu.

C’est pourtant à cela que pourrait ressembler la parabole. Avant cette expérience, si vous m’aviez demandé de répondre à l’appel de la parabole du bon Samaritain, je pense que j’y aurais consenti, malgré quelques hésitations.

Mais je comprends à présent les présupposés qui étaient les miens. Je supposais qu’une telle occasion de sacrifice se présenterait à un moment qui serait, si ce n’est parfait pour moi, un peu meilleur ou au moins moins difficile. Je supposais que l’aubergiste m’accueillerait avec un sourire et que d’autres se rallieraient à moi pour collaborer. Je pensais que le coût serait plus financier qu’émotionnel. Je pensais que le fait d’obéir, même si c’était difficile, aboutirait à un sentiment de satisfaction, comme la respiration lourde et la sueur qui viennent à la fin d’une bonne séance d’entraînement.

Mais ce n’est pas comme cela que les choses se passent. En tant que formateur médical dans l’un des pays les plus pauvres du monde, je peux dire que les coûts émotionnels sont toujours élevés, qu’il s’agisse d’aider une ou deux personnes sur le bord de la route ou de s’attaquer aux problèmes systémiques qui font que des personnes restent blessées sur le bord de la route. S’efforcer de modifier le système en amont est sage, mais aussi complexe.

Les crises surviennent lorsque nous prions pour qu’elles n’arrivent pas, et les risques et les coûts peuvent s’accroître bien au-delà de ce que nous avions prévu, alors que nous sommes entraînés de plus en plus loin dans la mêlée.

Ces coûts me reviennent souvent à l’esprit lorsque je vois le sang séché que je n’ai pas réussi à enlever des tissus de notre RAV4. Mais c’est dans ce désordre et cette douleur que se déroule la parabole.

Si je pouvais revenir en arrière et recommencer, je me rappellerais d’autres paroles de Jésus qui ne m’ont pas effleuré l’esprit ce jour-là. En Matthieu 25.40, Jésus nous dit que servir ceux qui sont dans le besoin, c’est le servir. Il était présent dans mon coffre, inconscient. Il était présent dans cette femme qui hurlait.

Mon sacrifice était en fait une occasion de transporter mon Seigneur à travers la ville jusqu’à ce qu’il trouve un endroit convenable.

N’attendons pas un moment imaginaire où les circonstances et les humeurs s’alignent idéalement. Accueillons les blessures inévitables de notre monde déchu comme les opportunités douloureuses, mais bénies, qu’elles sont.

Évaluons ensemble les risques de l’amour chrétien et soutenons-nous les uns les autres dans notre douleur. Souvenons-nous que notre Seigneur est présent dans ceux qui sont dans le besoin — et en nous, malgré notre propre insuffisance.

Eric McLaughlin est médecin missionnaire au Burundi et auteur de Promises in the Dark: Walking with Those in Need Without Losing Heart.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Books

Les 50 pays où il est le plus difficile de suivre Jésus en 2024

Du Nigeria au Nicaragua, le dernier rapport sur la persécution des chrétiens fait état du danger croissant que représentent les militants islamistes et les régimes autocratiques.

Christianity Today January 17, 2024
Illustration by Kumé Pather

Plus de 5 000 chrétiens ont été tués pour leur foi l’année dernière. Près de 4 000 ont été enlevés.

Près de 15 000 églises ont été attaquées ou fermées.

Et plus de 295 000 chrétiens ont été déplacés de force de leur foyer en raison de leur foi.

Selon l’Index mondial 2024 de l’organisation Portes Ouvertes, l’Afrique subsaharienne, épicentre du christianisme mondial, reste aussi l’épicentre de la violence contre les disciples de Jésus. Son rapport annuel met en lumière les 50 pays où il est le plus dangereux et le plus difficile d’être chrétien.

Cette année, le nombre de meurtres de chrétiens et d’enlèvements est inférieur à celui recensé l’année dernière . Portes Ouvertes souligne cependant le fait que ces chiffres représentent des « minimales absolues ». L’organisation attribue ces baisses à la période de calme qui a précédé les dernières élections présidentielles au Nigeria. Le Nigeria rejoint cependant la Chine, l’Inde, le Nicaragua et l’Éthiopie au nombre des pays à l’origine de l’augmentation significative du nombre d’attaques contre les églises.

Dans l’ensemble, 365 millions de chrétiens vivent dans des pays où les niveaux de persécution ou de discrimination sont élevés. Cela correspond à un chrétien sur sept dans le monde, dont un sur cinq en Afrique, deux sur cinq en Asie et un sur seize en Amérique latine.

Et pour la quatrième fois seulement en trois décennies de suivi, les 50 pays ont obtenu des résultats suffisamment préoccupants pour être classés comme présentant un niveau « très élevé de persécution dans le classement établi sur la base de 84 questions. Il en va de même pour sept autres nations classées juste au-delà de la limite. La Syrie et l’Arabie saoudite, quant à elles, sont entrées dans la catégorie des persécutions « extrêmes », portant le total de cette catégorie à treize pays.

L’objectif de l’Index annuel est de guider les prières et de susciter une indignation qui conduise à l’action tout en montrant aux croyants persécutés qu’ils ne sont pas oubliés.

La version 2024 couvre la période du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023 et a été compilée à partir des rapports de terrain de collaborateurs de Portes Ouvertes installés dans 25 bases nationales et soutenant le travail dans plus de 70 pays. La méthodologie est vérifiée par l’Institut international pour la liberté religieuse.

Lorsque la liste avait été publiée pour la première fois en 1993, seuls 40 pays obtenaient un score suffisamment élevé pour justifier un suivi. Cette année, 78 pays se sont qualifiés.

https://datawrapper.dwcdn.net/1jjDr

Où les chrétiens sont-ils le plus persécutés aujourd’hui ?

La Corée du Nord reste classée au premier rang, comme chaque année à l’exception de 2022 où l’Afghanistan l’avait brièvement supplantée. Le reste du top 10 a été remanié, mais resté inchangé dans sa composition : Somalie (2), Libye (3), Érythrée (4), Yémen (5), Nigeria (6), Pakistan (7), Soudan (8), Iran (9) et Afghanistan (10).

Le pays le plus meurtrier pour les chrétiens est le Nigeria, avec plus de 4 100 chrétiens tués pour leur foi, soit 82 % du total mondial. Sur l'ensemble, 15 pays subsahariens ont obtenu un score « extrêmement élevé » pour l'indicateur de violence de Portes Ouvertes. Au Mali (14) et au Burkina Faso (20), le rapport pointe les failles dans le maintien de la sécurité par le gouvernement qu’exploitent les djihadistes, tandis qu’en Éthiopie (32) les attaques contre les églises ont fortement augmenté.

Portes Ouvertes évalue chaque pays sur une échelle de 100 points. Des augmentations de plus de 4 points ont été enregistrées à Oman (4,2), au Burkina Faso (4,8), au Nicaragua (5,3), en Algérie (6,1) et au Laos (6,6). Oman est passé de la 47e à la 31e place, bien que les détails des statistiques sur la violence dans le pays soient tenus secrets pour des raisons de sécurité. Pour sa deuxième année sur la liste, le Nicaragua est passé de la 50e à la 30e place en raison de l’hostilité ouverte du gouvernement à l’égard de l’Église. L’Algérie est passée du 19e au 15e rang, les autorités ayant intensifié leur campagne contre l’Église protestante, dont seules 4 des 46 églises restent ouvertes.

Pays où il est le plus difficile de suivre Jésus :



1. Corée du Nord
2. Somalie
3. Libye
4. Érythrée
5. Yémen
6. Nigeria
7. Pakistan
8. Soudan
9. Iran
10. Afghanistan
11. Inde

En revanche, le Laos, qui est passé de la 31e à la 21e place, est aussi cité comme source de réjouissance.

« Je n’ai jamais vu de lien plus clair entre croissance de l’Église et croissance de l’opposition, ce qui se traduit par des scores plus élevés », explique un chercheur de Portes Ouvertes. « Je trouve réconfortant que les versets bibliques prédisant ce lien soient toujours d’actualité. »

La Colombie est le seul pays du top 50 à enregistrer une baisse d’au moins 2 points (2,5), passant de la 22e à la 34e place. Des améliorations significatives ont également été observées au Vietnam (qui est passé du 25e au 35e rang), en Indonésie (du 33e au 42e rang) et en Turquie (du 41e au 50e rang).

D’autres signes d’espoir ont été observés au Mali, où les citoyens ont approuvé une nouvelle constitution qui reconnaît clairement la minorité chrétienne et pourrait conduire à un retour à un régime civil. Dans l’État indien du Karnataka, un parti d’opposition a délogé le parti nationaliste hindou BJP en s’engageant à revenir sur des lois locales anti-conversion.

Pays où les chrétiens sont confrontés à la plus grande violence :



1. Nigeria
2. Pakistan
3. Inde
4. Nom non divulgué
5. Érythrée
6. Mali
7. Myanmar
8. Bangladesh
9. République Centrafricaine
10. République Démocratique du Congo (RDC)

Période de référence de Portes Ouvertes : 1er octobre 2022 – 30 septembre 2023

Mais dans l’ensemble, l’Inde conserve sa place de numéro 11, car les attaques contre les maisons de chrétiens ont doublé pour atteindre 180, les décès de chrétiens ont été multipliés par neuf pour atteindre 160, et les attaques contre les églises et les écoles chrétiennes sont passées de 67 à 2 228. Si l’on y ajoute les 10 000 fermetures d’églises estimées en Chine (19), ces deux pays totalisent près de 83 % de tous les incidents violents survenus contre les églises en 2023.

Pourtant, c’est l’augmentation de 8,3 % du score global du Nicaragua qui représente l’évolution la plus rapide de toutes les nations de l’Index. Plutôt que de voir là une nouvelle tendance, Portes Ouvertes estime que les restrictions législatives « sur mesure » à la liberté religieuse dans ce pays d’Amérique centrale, la saisie de biens chrétiens et l’arrestation ou l’exil de dirigeants religieux sont la preuve que le Nicaragua « s’aligne » de plus en plus sur la Cuba communiste (passée de n° 27 à n° 22).

Les tentations autoritaires se manifestent ailleurs également, la Chine et la Russie (non classée, mais suivies par Portes Ouvertes) étendant leur influence notamment en Afrique. Le Nigeria est le plus important de nombreux investisseurs dans les technologies de surveillance exportées par Pékin, tandis que le groupe russe Wagner a fait des percées sur le continent en apportant une assistance en matière de sécurité au Burkina Faso, au Mali, à la République centrafricaine (n° 28) et au Mozambique (n° 39).

Il n’y a pas de nouveaux pays dans le top 50 de cette année.

https://datawrapper.dwcdn.net/8HzI4

De quelles manières les chrétiens sont-ils persécutés dans ces pays ?

Portes Ouvertes suit la persécution dans six catégories, notamment la pression sociale et gouvernementale sur les individus, les familles et les communautés, et s’intéresse aussi particulièrement aux femmes.

Lorsque l’on se concentre sur la catégorie des violences contre les personnes, les dix premiers persécuteurs changent radicalement et seul le Nigeria reste en place (voir ci-contre).

https://datawrapper.dwcdn.net/voN9W

Le nombre de martyrs a diminué de plus de 600 par rapport à l’année précédente, puisque Portes Ouvertes a recensé 4 998 chrétiens tués pour leur foi au cours de la période considérée. Représentant une baisse de 11 %, ce bilan reste le deuxième plus élevé depuis le record de 2016, qui était de 7 106 décès. Le Nigeria représentait 82 % du total. La République démocratique du Congo arrive en deuxième position avec 261 chrétiens tués, et l’Inde en troisième position avec 160.

Pays où le plus grand nombre de chrétiens ont été martyrisés :



1. Nigeria : 4118
2. République démocratique du Congo : 261
3. Inde : 160
4. Nom non divulgué : 100*
5. Ouganda : 55
6. Myanmar : 34
7. Burkina Faso : 31
8. Cameroun : 24
9. République centrafricaine : 23
10. Colombie : 16

*Estimation | Période de référence de Portes Ouvertes : 1er octobre 2022 – 30 septembre 2023

Portes Ouvertes est connue pour favoriser une estimation plus prudente que d’autres organisations, qui évaluent souvent le nombre de martyrs à 100 000 par an.

Lorsque les chiffres ne peuvent être vérifiés, les estimations sont données en chiffres ronds de 10, 100, 1 000 ou 10 000, la réalité étant supposée être plus élevée. Dans certains cas, les données nationales ne peuvent pas être fournies pour des raisons de sécurité, ce qui entraîne la désignation « NN » pour l’Afghanistan, les Maldives, la Corée du Nord, la Somalie et le Yémen.

Dans cette rubrique, un pays non nommé se classe quatrième, suivi de l’Ouganda avec 55 meurtres enregistrés, du Myanmar avec 34, du Burkina Faso avec 31, du Cameroun avec 24, de la République centrafricaine avec 23 et de la Colombie avec 16.

Une deuxième catégorie recense les attaques contre les églises et autres bâtiments chrétiens tels que les hôpitaux, les écoles et les cimetières, qu’ils soient détruits, fermés ou confisqués. La Chine et l’Inde sont les principaux responsables de la multiplication par sept du nombre d’incidents, qui atteint 14 766, dépassant ainsi le sommet de 9 488 incidents enregistrés dans le rapport 2020. Le Nigeria (750 incidents), le Nicaragua (347), l’Éthiopie (284) et le Rwanda (120) suivent, tandis que le Soudan, le Burkina Faso, le Niger et l’Angola se sont vus symboliquement imputer une centaine d’incidents.

La catégorie des chrétiens détenus sans procès, arrêtés, condamnés et emprisonnés est passée à 4 125, ce qui représente une baisse d’un quart par rapport au chiffre record de 6 175 enregistré dans le rapport de 2022, mais reste le troisième chiffre le plus élevé depuis que cette catégorie fait l’objet d’un suivi.

Portes Ouvertes divise ce chiffre en deux sous-catégories, avec d’abord 3 329 croyants détenus sans procès, soit une diminution de 6 %. L’Inde arrive en tête avec 2 085 cas, suivie de l’Érythrée avec 322 cas et de l’Iran avec 122 cas. Une nation non nommée, le Pakistan et la Chine présentent un score symbolique de 100 chacun, tandis que le Laos avec 65, Cuba avec 45, le Nicaragua avec 38 et la Libye avec 31 complètent le top 10.

Pays où les églises ont été le plus attaquées ou fermées :



1. Chine : 10000*
2. Inde : 2228
3. Nigeria : 750
4. Nicaragua : 347
5. Éthiopie : 284
6. Rwanda : 120
7. Soudan : 100*
8. Burkina Faso : 100*
9. Niger : 100*
10. Angola : 100*
11. Myanmar : 100*

*Estimation | Période de référence de Portes Ouvertes : 1er octobre 2022 – 30 septembre 2023

Le chiffre de 796 croyants emprisonnés représente lui une baisse de 43 % par rapport aux 1 388 cas déclarés au cours de la période précédente. L’Inde arrive en tête avec 247, tandis qu’un pays non nommé, l’Érythrée, le Pakistan et la Chine ont chacun reçu un total symbolique de 100.

Le nombre de chrétiens enlevés a diminué, passant de 5 259 à 3 906, mais représente toujours le deuxième total le plus élevé depuis que cette catégorie est suivie. Le Nigeria représentait 83 % de l’ensemble, soit 3 300 cas, tandis que le Pakistan, la République centrafricaine et le Congo enregistraient un total symbolique de 100 cas.

La catégorie la plus conséquente, et de loin, est celle des déplacés, avec 278 716 chrétiens contraints de quitter leur foyer ou de se cacher pour des raisons liées à leur foi. On a là plus du double des 124 310 de l’an dernier. En outre, 16 404 chrétiens ont été contraints de quitter leur pays, contre 14 997 l’année dernière. Le Myanmar et le Nigeria arrivent en tête avec 100 000 déplacements internes symboliques, suivis par l’Inde avec 62 119. Le Myanmar est également en tête pour les réfugiés à l’étranger avec un nombre symbolique de 10 000, suivi du Nigeria, de l’Iran, d’un pays non nommé, du Bangladesh et du Congo avec un nombre symbolique de 1 000 réfugiés.

Portes Ouvertes explique que plusieurs catégories sont particulièrement difficiles à décompter avec précision, la plus notable étant les 42 849 cas d’abus physiques et mentaux, y compris les coups et les menaces de mort. (Le décompte de l’année dernière était de 29 411 incidents.) Sur les 75 nations évaluées, 48 se sont vues attribuer un chiffre symbolique. Le Nigeria, le Pakistan et l’Inde reçoivent chacun un total symbolique de 10 000. Une nation anonyme, l’Érythrée, le Mali, le Myanmar, le Bangladesh, la République centrafricaine et le Congo (RDC) complètent le top 10 avec un total symbolique de 1 000 chacun.

On estime que 21 431 maisons et propriétés chrétiennes ont été attaquées en 2023, ainsi que 5 740 magasins et entreprises. Pour ces derniers, seuls 17 pays sur 42 ont enregistré des chiffres précis, les 1 572 cas de l’Inde étant suivis d’un nombre symbolique de 1 000 pour le Nigeria, le Burkina Faso et la République centrafricaine. En ce qui concerne les foyers chrétiens, le nombre symbolique de 10 000 pour le Nigeria est suivi par le nombre spécifique de 5 878 pour l’Inde, et le nombre symbolique de 1 000 pour le Pakistan, le Myanmar, la République centrafricaine et le Congo.

Les catégories spécifiques aux femmes sont également difficiles à suivre avec précision pour les chercheurs de Portes Ouvertes. Les cas de viols et de harcèlement sexuel ont augmenté, passant de 2 126 à 2 622, avec en tête le Nigeria avec en tête le Nigeria (1 000 cas symboliques) suivi de la Syrie (500 cas). Les mariages forcés avec des non-chrétiens sont passés de 717 à 609, avec en tête le Pakistan, l’Iran et un pays non nommé, avec des totaux symboliques de 100 chacun.

https://datawrapper.dwcdn.net/3sxdg
https://datawrapper.dwcdn.net/CNzh7

Pourquoi les chrétiens sont-ils persécutés dans ces pays ?

Les principales motivations varient d’un pays à l’autre, et une meilleure compréhension des différences entre elles peut aider les chrétiens d’autres pays à prier et à soutenir plus efficacement leurs frères et sœurs en Christ malmenés.

Portes Ouvertes classe les principales sources de persécution des chrétiens en huit groupes :

Oppression islamiste (30 pays) : Il s’agit de la principale source de persécution à laquelle les chrétiens sont confrontés dans plus de la moitié des pays figurant dans l’Index, dont sept des dix premiers. La plupart de ces 30 pays sont officiellement des nations musulmanes ou à majorité musulmane ; toutefois, six d’entre eux comptent en fait une majorité de chrétiens : le Nigeria (6), la République centrafricaine (28), l’Éthiopie (32), le Mozambique (39), la RDC (41) et le Cameroun (43).

Paranoïa autoritaire (11 pays) : C’est la principale source de persécution à laquelle les chrétiens sont confrontés dans onze pays, principalement dans des nations à majorité musulmane — la Syrie (12), l’Ouzbékistan (25), le Bangladesh (26), le Turkménistan (29), le Tadjikistan (46) et le Kazakhstan (47) — mais aussi en Corée du Nord (1), en Érythrée (4), au Myanmar (17), à Cuba (22) et au Nicaragua (30).

Oppression communiste et postcommuniste (3 pays) : Cette source de persécution des chrétiens est la principale dans trois pays, tous situés en Asie : la Chine (19), le Laos (21) et le Vietnam (35).

Nationalisme religieux (2 pays) : Cette source de persécution apparaît en premier dans deux autres pays également situés en Asie. Les chrétiens sont principalement visés par les nationalistes hindous en Inde (11) et par les nationalistes bouddhistes au Bhoutan (36).

Crime organisé et corruption (2 pays) : C’est la principale source de persécution à laquelle les chrétiens sont confrontés en Colombie (34) et au Mexique (37).

Oppression clanique (2 pays) : C’est la principale source de persécution à laquelle les chrétiens sont confrontés au Yémen (5) et en Jordanie (48).

Intolérance laïque (0 pays) et protectionnisme confessionnel chrétien (0 pays) : Portes Ouvertes analyse ces sources de persécution, mais aucune n’est la source principale dans l’un des 50 pays de l’Index 2024.

https://datawrapper.dwcdn.net/dZrhw

Comment l’Index de Portes Ouvertes se situe-t-il par rapport aux autres rapports sur la persécution religieuse ?

Portes Ouvertes estime qu’il est raisonnable de qualifier le christianisme de religion la plus sévèrement persécutée au monde . Dans le même temps, l’association note qu’il n’existe pas de suivi comparable pour la population musulmane mondiale .

D’autres évaluations de la liberté de religion dans le monde corroborent bon nombre des conclusions de Portes Ouvertes. Par exemple, la dernière analyse du Pew Research Center américain sur les oppositions gouvernementales et sociétales à l’égard de la religion révélait que les chrétiens ont été mis en difficulté dans 155 pays en 2020, soit plus que tout autre groupe religieux. Les musulmans ont eux connu des difficultés dans 145 pays, suivis par les juifs dans 94 pays.

La répartition correspond aux données de Portes Ouvertes. La Chine, l’Érythrée et l’Iran se sont classés dans le top 10 des pays où Pew observe une persécution gouvernementale, tandis que l’Inde, le Nigeria et le Pakistan se classent dans le top 10 des pays où règne une hostilité de la société à l’égard des chrétiens. L’Afghanistan et l’Égypte sont listés dans les deux catégories.

La plupart des pays repris sur la liste de Portes Ouvertes figurent également sur la liste annuelle du département d’État américain, qui nomme et dénonce les gouvernements qui ont « commis ou toléré des violations systématiques, continues et flagrantes de la liberté de religion ».

Sa liste des pays particulièrement préoccupants (CPC) comprend le Myanmar (n° 17 dans l’Index 2024 de Portes Ouvertes), la Chine (19), Cuba (22), l’Érythrée (4), l’Iran (9), la Corée du Nord (1), le Nicaragua (30), le Pakistan (7), la Russie (qui a quitté l’Index en 2022), l’Arabie saoudite (13), le Tadjikistan (46) et le Turkménistan (29). Sa liste de surveillance spéciale de deuxième niveau intègre l’Algérie (15), l’Azerbaïdjan (non classé dans les cinquante premiers, mais suivi par Portes Ouvertes), la République centrafricaine (28), les Comores (45) et le Vietnam (35).

Le département d’État américain dresse également la liste des entités particulièrement préoccupantes, ou acteurs non gouvernementaux source de persécutions, qui sont tous actifs dans les pays figurant sur la liste de Portes Ouvertes. Il s’agit notamment de Boko Haram et d’ISWAP au Nigeria (n° 6 dans l’Index 2024), des talibans en Afghanistan (10), des shebabs en Somalie (2), de Hayat Tahrir al-Sham en Syrie (n° 12), des houthis au Yémen (n° 5), du Groupe Wagner pour ses activités en République centrafricaine (n° 28), de l’État islamique dans le Grand Sahara et du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans au Sahel.

Parallèlement, la Commission américaine pour la liberté religieuse dans le monde (USCIRF), dans son rapport 2023, a recommandé le maintien des mêmes nations pour la liste des pays particulièrement préoccupants, avec l’ajout du Nigeria (6), de l’Inde (11), de la Syrie (12) et du Vietnam (35). Pour la liste de surveillance de deuxième niveau du Département d’État, l’USCIRF a recommandé les mêmes nations à l’exception des Comores, avec l’ajout de l’Égypte (38), l’Indonésie (42), l’Irak (16), le Kazakhstan (47), la Malaisie (49), le Sri Lanka (non classé, mais surveillé par Portes Ouvertes), la Turquie (50) et l’Ouzbékistan (25).

Toutes les nations du monde sont suivies par les chercheurs et le personnel de terrain de Portes Ouvertes, mais une attention approfondie est accordée à 100 nations et une attention toute particulière est accordée aux 78 qui enregistrent des niveaux « élevés » de persécution (scores de plus de 40 sur l’échelle de 100 points de Portes Ouvertes).

Vous pouvez retrouver notre rapport en français pour l’Index en 2023, 2022 et 2021 et en anglais pour 2020, 2019, 2018, 2017, 2016, 2015, 2014, 2013 et 2012 ainsi qu’un coup de projecteur sur les lieux où il est le plus difficile de croire.

Au cours de l’année passée, nous avons également rendu compte sous divers angles de la situation délicate des chrétiens au Congo, au Haut-Karabagh, en Ukraine, en Turquie, au Soudan, au Pakistan, au Niger, en Haïti, au Maroc, en Russie, au Liban et à Gaza.

Toutes les informations de Portes ouvertes sur l’Index mondial de persécution 2024 peuvent être retrouvées en français sur les sites de Portes Ouvertes France ou Suisse.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Books

L’Azerbaïdjan ajouté à la liste américaine des contrevenants à la liberté de religion

L’inclusion de la nation islamique — le seul changement apporté par le département d’État américain cette année — est-elle motivée par la façon dont celle-ci traite les chrétiens, les musulmans ou les Arméniens déplacés de l’enclave de l’Artsakh ?

Le bâtiment de l’Assemblée nationale d’Azerbaïdjan.

Le bâtiment de l’Assemblée nationale d’Azerbaïdjan.

Christianity Today January 16, 2024
Mozar / Getty / Edits by CT

Pour la première fois, les États-Unis ont estimé que l’Azerbaïdjan contrevenait à la liberté de religion.

Son inscription sur la liste de surveillance spéciale (SWL) de deuxième niveau du département d’État américain expose ce pays à majorité musulmane chiite et riche en pétrole à la possibilité de sanctions économiques.

Depuis 2013, la Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde (USCIRF) appelait chaque année à la condamnation de ce pays du Caucase. Créé par la loi de 1998 sur la liberté religieuse internationale (IRFA), le rapport annuel bipartisan de l’USCIRF évalue les violations « systématiques, continues et flagrantes » indépendamment des préoccupations de politique étrangère des États-Unis et suit la mise en œuvre de ses recommandations par les gouvernements.

L’application d’éventuelles sanctions sera cependant compliquée par le fait que l’Azerbaïdjan s’aligne sur la politique étrangère des États-Unis dans certains domaines : le pays coopère étroitement avec Israël, s’aligne contre l’Iran et a accepté d’augmenter ses exportations de pétrole vers l’Europe à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Dans une brève déclaration, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a maintenu inchangés tous les autres statuts de pays établis en 2022 conformément à l’IRFA. L’Azerbaïdjan rejoint l’Algérie, la République centrafricaine, les Comores et le Vietnam sur la liste de surveillance des pays épinglés pour avoir « commis ou toléré de graves violations de la liberté de religion ».

Douze pays — la Chine, Cuba, l’Érythrée, l’Iran, le Myanmar, le Nicaragua, la Corée du Nord, le Pakistan, la Russie, l’Arabie saoudite, le Tadjikistan et le Turkménistan — ont à nouveau été repris sur la liste de premier niveau établissant les pays particulièrement préoccupants (CPC).

L’USCIRF a accueilli favorablement le nouveau statut de l’Azerbaïdjan. Toutefois, la commission a déclaré que rien ne justifiait le fait de que ne soit pas suivie sa recommandation d’intégrer l’Inde et le Nigeria à la liste de premier niveau des CPC.

L’Inde avait été recommandée pour la première fois pour la liste de premier niveau de 2002 à 2004, pour la liste de deuxième niveau (SWL) de 2010 à 2019, puis à nouveau pour la liste de premier niveau à partir de 2020. Le Nigeria a été recommandé pour la SWL de 2003 à 2008, et en tant que CPC depuis 2009.

L’Inde n’a jamais été intégrée dans ces listes, mais l’ancien président Donald Trump avait inscrit le Nigeria sur la SWL en 2019 et en tant que pays particulièrement préoccupant en 2020. Le président Joe Biden l’a entièrement supprimé des deux listes l’année suivante.

L’USCIRF a demandé une audition au Congrès sur ces omissions et a également critiqué le Département d’État pour avoir instauré des dérogations aux sanctions contre le Pakistan, l’Arabie Saoudite, le Tadjikistan et le Turkménistan inscrits parmi les CPC.

Dans une déclaration à notre magazine, Lilieth Whyte, responsable des relations publiques du Bureau de la liberté religieuse internationale du département d’État, a cité trois facteurs principaux pour ce nouveau statut de l’Azerbaïdjan.

La législation du pays impose aux groupes religieux des « exigences onéreuses en matière d’enregistrement » au niveau national, ce qui restreint encore davantage leur droit de pratiquer librement leur culte et de choisir leur propre clergé. Le gouvernement maltraite physiquement, arrête et emprisonne les militants religieux, a-t-elle ajouté, tandis que les objecteurs de conscience ne sont pas autorisés à servir leur pays conformément à leurs croyances.

Elle ne mentionne pas le blocus de plusieurs mois établi par l’Azerbaïdjan contre l’enclave du Haut-Karabakh, ou Artsakh en arménien, peuplée d’Arméniens. La situation avait abouti à l’invasion du territoire en septembre dernier, déplaçant plus de 100 000 Arméniens.

À l’époque, le secrétaire d’État américain avait « exhorté » le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev à « cesser immédiatement les actions militaires ». En novembre, son adjoint James O’Brien avait déclaré devant une commission du Congrès que les relations des États-Unis avec le pays ne pouvaient pas se poursuivre comme si de rien n’était.

Mais en décembre dernier, le service de presse du département d’État a précisé que l’arrêt des échanges avec l’Azerbaïdjan serait « contraire à nos intérêts ». Au lieu de cela, la politique américaine continuerait à faire pression sur le pays pour qu’il respecte davantage les « droits de l’homme et les libertés fondamentales » et pour qu’il conclue un accord de paix durable avec l’Arménie.

Peu de temps après, les deux pays ont procédé à un échange de prisonniers de guerre, annoncé comme une « mesure tangible visant à restaurer la confiance » en vue d’un accord de paix. L’Azerbaïdjan a déclaré en décembre qu’un accord était proche.

Zaven Khanjian, directeur exécutif de l’Armenian Missionary Association of America, s’est félicité de cette nouvelle désignation par le Département d’État. Considérant le déplacement de population du Haut-Karabakh comme un exemple de « nettoyage ethnique », il a également mentionné l’effacement du patrimoine arménien dans les zones contrôlées par l’Azerbaïdjan.

Il souhaite que la pression exercée par les États-Unis aille au-delà d’une simple inscription sur cette liste de surveillance.

« Les Arméniens ne peuvent pas attendre que les champs de pétrole de Bakou soient asséchés pour que Washington prenne des mesures punitives. »

De nombreux Arméniens se méfient toutefois des pourparlers de paix. Zaven Khanjian y est favorable, mais sceptique. Son hésitation s’explique par sa méfiance à l’égard d’un Azerbaïdjan autocratique, et il estime qu’il faudra également que s’alignent les intérêts russes et américains. Il continue à prier pour ces négociations.

L’un des enjeux est le retour des Arméniens dans le Haut-Karabakh. Mais l’Azerbaïdjan rétorque que les Azéris ethniques déplacés d’Arménie lors de conflits antérieurs devraient également voir leurs droits reconnus. Dans des lettres envoyées aux Nations Unies, cela inclurait également un droit de retour vers l’ouest, en Arménie.

Cette inscription de l’Azerbaïdjan dans la liste de second niveau par Blinken a été sèchement accueillie dans le pays, non pas par l’administration d’Aliyev, mais par une association représentant les personnes déplacées, anciennement appelée Azerbaijan Refugee Society (Société des réfugiés d’Azerbaïdjan). Un mois avant l’invasion du Haut-Karabakh, le groupe a changé de nom pour devenir la Communauté de l’Azerbaïdjan occidental (WAC), dont le site web affiche une carte de ce territoire recouvrant le territoire de l’Arménie.

« La liste américaine sur la liberté religieuse n’a aucune force, aucun poids, et nous la rejetons catégoriquement », a déclaré la WAC, qui y voit un exemple « arrogant » de l’hostilité américaine.

Le président Aliyev a déjà déclaré que l’Azerbaïdjan retournerait sur ces « terres historiques », mais en des termes vagues, les autorités précisant qu’il ne s’agissait pas de revendications territoriales.

Tant que ces menaces voilées persisteront, estime Craig Simonian, coordinateur pour la région du Caucase du réseau pour la paix et la réconciliation de l’Alliance évangélique mondiale, il très incertain que les négociations de paix puissent être fructueuses. L’Azerbaïdjan continue également de détenir des dirigeants politiques et des prisonniers de guerre arméniens de l’Artsakh, tandis que ses troupes sont déployées sur la frontière encore en place.

Le vocabulaire de l’« Azerbaïdjan occidental » est « extrêmement agressif » à ses yeux et rejeté par les principaux chercheurs. Mais malgré tout, et en dépit de tout ce qui s’est passé, les deux nations se parlent au moins.

« La réconciliation est possible », dit Simonian. « Peut-être pas entre les gouvernements — du moins pas rapidement — mais entre ceux qui choisissent de suivre le Christ. »

Après le placement de son pays sur la SWL, Aliyev s’est entretenu directement avec certains d’entre eux.

Noël est un symbole de bonté, a-t-il déclaré aux citoyens orthodoxes de l’Azerbaïdjan en présentant ses vœux à cette communauté d’origine majoritairement russe et qui suit le calendrier oriental.

« Il est louable que nos compatriotes chrétiens, profitant des vastes possibilités créées par les relations exemplaires entre l’État et la religion, maintiennent vivantes leurs traditions, leur langue et leur culture uniques », a déclaré le président. « La diversité ethnique et religieuse […] est l’une des qualités prédominantes de notre société. »

Les chrétiens représentent environ 3 % de la population de l’Azerbaïdjan. En 2022, l’USCIRF dénonçait le caractère d’« investisseurs majeurs » du Bahreïn, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis dans la promotion d’une tolérance religieuse qui « occulte la responsabilité de l’État et son incapacité à protéger et à promouvoir la liberté de religion ou de croyance pour tous ».

La dernière mise à jour de l’USCIRF indique que si l’Azerbaïdjan a mis fin à certaines pratiques problématiques, les protestants continuent de se heurter à des obstacles en matière d’enregistrement. Aucune communauté non musulmane n’a été approuvée au cours des trois dernières années.

Ce n’est pas si grave, nous explique un responsable chrétien azerbaïdjanais.

« En tant que membre du petit cercle des évangéliques, je ne vois pas de changements majeurs dans les églises », déclare-t-il sous couvert d’anonymat. « Nous avons encore de la liberté et je considère plutôt cette désignation comme un changement dans la politique américaine. »

Les protestants d’Azerbaïdjan sont principalement d’origine musulmane.

Il y a une légitimité, ajoute notre source, dans certaines politiques de régulation de la religion islamique. Les autorités religieuses officielles maintiennent leur contrôle sur les mosquées chiites, et des centaines de mollahs ont été arrêtés pour leur soutien à l’Iran. Méfiant à l’égard de l’extrémisme, le gouvernement laïque surveille de près les prédicateurs étrangers de toute religion et exige l’approbation de toute littérature spirituelle diffusée.

Ce chrétien azerbaïdjanais nous rapporte quelques anecdotes révélant une attitude inégale à l’égard du christianisme.

Une église reçoit régulièrement l’autorisation de recevoir des pasteurs américains en visite, après en avoir informé les services de sécurité. Cependant, deux chrétiens étrangers se sont vu refuser leur visa de résidence en raison de soupçons d’évangélisation non déclarée.

Une communauté composée essentiellement de convertis musulmans souhaitait célébrer son dixième anniversaire dans une grande salle publique. Le gouvernement a refusé le permis, leur demandant de célébrer en privé dans l’église. Le pasteur a insisté, proposant que lui soit retirée son autorisation officielle et menaçant par là que les autorités perdent le contact avec son réseau d’églises de maison. Les autorités ont alors cédé et la fête a pu avoir lieu.

Un ancien voyou est devenu chrétien et a commencé à évangéliser dans une région où vivent des minorités ethniques musulmanes. Lorsque des habitants se sont plaints, il a été convoqué par la police et, au cours de l’interrogatoire, il a fait part de tout son parcours spirituel. Par la suite, l’officier lui a dit qu’il était libre de continuer et qu’il pouvait les prévenir si quelqu’un lui posait encore des problèmes.

Dans un épisode assez humoristique, un prédicateur de petite taille avait implanté une église dans un territoire frontalier éloigné de Bakou. Les autorités locales l’ont arrêté, mais, en l’absence d’une loi interdisant l’évangélisation qu’il pratiquait, l’ont plutôt accusé d’agression contre les officiers qui l’avaient arrêté, nettement plus costauds que lui. Le juge a demandé comment cela avait pu se produire.

L’évangéliste a répondu : C’était facile, monsieur. Ma femme les a retenus.

En riant, le juge a abandonné toutes les charges.

Pourquoi alors notre interlocuteur chrétien reste-t-il anonyme ?

« Tout ce qui est politique, à moins de soutenir le gouvernement à 100 %, pourrait être utilisé contre moi. » « Tant que les chrétiens sont en paix avec les autorités, je ne veux pas rompre l’équilibre. »

L’organisation américaine Freedom House qualifie l’Azerbaïdjan de pays « non libre », classé au treizième rang dans son rapport annuel sur la liberté dans le monde. Mais le pays n’est pas actuellement classé dans l’Index mondial de persécution de Portes Ouvertes recensant les 50 pays où il est le plus difficile de suivre Jésus, bien qu’il ait atteint la 34e place en 2016.

Pourtant, pour la première fois, les États-Unis ont donc mis l’Azerbaïdjan au rang de quatre autres pays surveillés, suivant les 12 autres faisant l’objet d’une attention toute particulière. Ce nouveau statut se traduira-t-il par une amélioration pour tous ?

« Les défis posés à la liberté religieuse dans le monde sont structurels, systémiques et profondément enracinés », a estimé Antony Blinken. « Mais grâce à l’engagement réfléchi et soutenu de ceux qui ne veulent pas accepter un statu quo fait de haine, d’intolérance et de persécution, nous verrons un jour un monde où tous les peuples vivront dans la dignité et l’égalité. »

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Les 10 versets bibliques préférés des chrétiens africains en 2023.

Trois responsables chrétiens africains réfléchissent à ce que la liste des versets les plus partagés dans l’application YouVersion sur leur continent révèle.

Christianity Today January 16, 2024
Illustration by Christianity Today / Source Images: Pexels / Unsplash

Le tableau ci-dessous révèle les versets les plus importants pour les utilisateurs africains de l’application YouVersion en 2023. Avec l’aide de Langham Partnership, Christianity Today a demandé à trois spécialistes locaux de la Bible d’analyser ce que les résultats suggèrent sur l’état du christianisme sur le continent.

Elizabeth Mburu, coordinatrice régionale de Langham Literature pour l’Afrique anglophone, Langham Partnership, Kenya :

Quelle est votre réaction générale à cette liste ?

Ce top 10 des versets en Afrique ne m’a pas surpris. Certains de ces textes sont mes propres versets de référence !

Qu’est-ce que certains versets plus spécifiques à l’Afrique pourraient véhiculer sur les besoins spirituels du continent ou sur son niveau d’interaction avec la Bible ?

Il est probable que certains versets occupent une place prépondérante en Afrique en raison des conditions socio-économiques et sociopolitiques difficiles qui prévalent dans de nombreux pays.

De nombreux chrétiens subissent des épreuves et ont recours aux promesses de Dieu pour obtenir la sécurité, la provision, la prospérité et la protection. Nous luttons contre de nombreux maux de société, tels que la corruption, ainsi que contre d’autres problèmes, notamment l’oppression spirituelle et les faux enseignements. Nous avons fréquemment une relation transactionnelle avec Dieu, et la plupart de ces versets pourraient être considérés comme des promesses apportant l’espoir de récompenses pour une bonne conduite religieuse.

De nombreuses personnes ne savent pas comment interpréter la Bible pour elles-mêmes et se fient donc à ce qu’elles entendent des pasteurs. Compte tenu de la montée du néopentecôtisme en Afrique et du fait qu’environ 85 % des pasteurs n’ont pas formellement reçu de formation, les versets qui figurent sur cette liste sont bien les plus populaires. Malheureusement, cela signifie que la culture biblique tend à être superficielle dans de nombreux contextes et que les vérités plus « difficiles » qui mènent à la maturité spirituelle ont tendance à être ignorées, car elles ne répondent pas aux besoins ressentis.

Compte tenu des événements de l’année écoulée, y a-t-il un verset que vous auriez aimé voir figurer sur cette liste ?

J’aurais aimé que 1 Jean 2.9 figure sur cette liste. De nombreux Africains ont tendance à élever l’identité ethnique au-dessus de leur identité en tant que frères et sœurs dans la famille de Dieu. Nous oublions que lorsque nous devenons chrétiens, l’Église devient notre nouvelle « tribu ».

Il me semble que l’on ne comprend souvent pas que l’amour est le plus grand commandement et qu’il s’agit d’une réalité tangible, pas abstraite. Par conséquent, de mauvaises approches de l’ethnicité sont source de multiples fléaux dans de nombreuses églises, en particulier pendant la saison électorale, lorsque les inimitiés ethniques historiques sont utilisées comme arme par nos politiciens.

Yacouba Sanon, commissaire régional aux livres, Langham Partnership International, Côte d’Ivoire :

Quelle est votre réaction générale à cette liste ?

Les versets de la liste résument les besoins et les aspirations des chrétiens en Afrique : l’espoir dans les promesses de Dieu, la confiance dans la providence divine et la sécurité au milieu des incertitudes. Je suis encouragé de voir que les deux Testaments sont utilisés par les lecteurs. Bien que les versets du Nouveau Testament apparaissent davantage, deux versets de l’Ancien Testament sont sur le podium, et ces versets proviennent des deux livres prophétiques majeurs.

Qu’est-ce que certains versets plus spécifiques à l’Afrique pourraient véhiculer sur les besoins spirituels du continent ou sur son niveau d’interaction avec la Bible ?

Jean 1.1 m’a laissé perplexe. Ce verset de Jean s’inscrit dans un contexte très christologique. Il ne s’agit pas de répondre à un besoin physique spécifique. Par conséquent, son utilisation, son soulignement ou son partage abondant [dans YouVersion] peut résonner comme une affirmation forte de la divinité du Christ.

Compte tenu des événements de l’année écoulée, y a-t-il un verset que vous auriez aimé voir figurer sur cette liste ?

Je suis surpris qu’il n’y ait pas un seul verset tiré des Psaumes, qui nous fournissent des paroles d’encouragement et d’espoir dans un monde troublé par deux guerres en cours. J’aurais attendu un verset comme Psaumes 46.2 ou 93.1. Ces versets sont rassurants et réconfortants dans les moments difficiles. Peut-être que beaucoup sont premièrement concentrés sur leurs propres problèmes et ne se préoccupent pas des grandes questions qui se posent dans le monde.

Sunday Bobai Agang, président du séminaire théologique de l’Evangelical Church Winning All (ECWA), Nigeria :

Quelle est votre réaction générale à cette liste ?

Tous les versets partagés sont assez familiers, et cela me fait très plaisir. Au début des années 1980, j’ai fréquenté une école biblique où la mémorisation de 60 versets de l’Ancien et du Nouveau Testament était obligatoire. Beaucoup de ces versets — par exemple Philippiens 4.13, Jérémie 29.11, Matthieu 6.33, etc. — sont parmi mes préférés et je les utilise chaque semaine lorsque je prie pour les choses que je veux que Dieu fasse dans ma vie.

Qu’est-ce que certains versets plus spécifiques à l’Afrique pourraient véhiculer sur les besoins spirituels du continent ou sur son niveau d’interaction avec la Bible ?

Tout d’abord [les choix] pourraient être dus en grande partie à la formation que les pasteurs — qui sont activement impliqués dans l’évangélisation, l’implantation d’églises, l’enseignement et le discipulat de leurs membres — ont reçue en matière biblique.

En outre, cela reflète le contexte social et les expériences communes des personnes. Par exemple, en période de troubles politiques et de souffrances économiques, les chrétiens trouvent souvent du réconfort dans la mémorisation des versets qui parlent d’espérance, aujourd’hui et dans l’avenir.

Compte tenu des événements de l’année écoulée, y a-t-il un verset que vous auriez aimé voir figurer sur cette liste ?

Romains 4.17 et 11.36. En Romains 4:17, il est écrit qu’Abraham a cru au « Dieu qui donne la vie aux morts et appelle ce qui n’existe pas à l’existence ». En supposant que ce soit le même Dieu qui nous a sauvés, il peut transformer n’importe quelle situation dans laquelle nous nous trouvons en ce moment.

Comme le dit Paul dans Romains 11.36, « C’est de lui, par lui et pour lui que sont toutes choses. À lui la gloire dans tous les siècles ! Amen ! » Nous ne sommes plus retenus. Tout ce qui existe aujourd’hui ne peut s’expliquer que par la puissance de Dieu, selon mon interprétation de ce verset. Le but de la création de Dieu est de lui rendre gloire. Par conséquent, Dieu est suprême et il veut que je vive ma vie de manière à ce que les autres le glorifient.

Note de l’éditeur : fondé par John Stott, Langham Partnership forme, équipe et publie des pasteurs et des responsables de communautés chrétiennes en pleine croissance dans le monde majoritaire.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Les chrétiens américains et la guerre entre Israël et le Hamas : quatre points de vue.

Une enquête récente montre un fort soutien à des orientations parfois contradictoires, mais aussi que de nombreux croyants peinent à s’orienter.

Des militants pro-israéliens et pro-palestiniens lors d’une manifestation.

Des militants pro-israéliens et pro-palestiniens lors d’une manifestation.

Christianity Today January 10, 2024
Stephanie Keith/Stringer/Getty

En ces temps de polarisation et d’opinions tranchées, une part importante des chrétiens américains n’est toujours « pas sûre » de ce qu’elle pense des questions liées à la guerre entre Israël et le Hamas.

Une récente enquête de l’institut chrétien Lifeway Research, parrainée par le Philos Project, a révélé certaines convictions significatives parmi les personnes s’identifiant comme chrétiennes : de fortes majorités soutiennent le droit d’Israël à l’autodéfense (83 %), mais aussi le droit palestinien à l’autodétermination (76 %) et l’objectif d’une solution à deux États (81 %).

Mais de nombreuses questions révèlent des incertitudes quant à la complexité du conflit :

  • 15 % se déclarent incertains quant au résultat optimal à rechercher.
  • 17 % quant à savoir si les habitants de Gaza sont responsables des attaques du Hamas.
  • 18 % quant à savoir si la rébellion armée palestinienne est une réponse naturelle à de mauvais traitements.
  • 24 % quant à savoir si le blocus de Gaza par Israël constitue une oppression des Palestiniens.
  • 24 % quant à savoir si le contrôle israélien de la Cisjordanie et de la bande de Gaza constitue une occupation illégale.
  • 26 % quant à savoir si la plupart des habitants de Gaza soutiennent la lutte du Hamas contre Israël.
  • 31 % quant à savoir si les colonies israéliennes situées au-delà des frontières reconnues sont illégales.

En outre, 41 % des personnes interrogées ont une perception globale d’Israël qui oscille entre plutôt positive (25 %) et plutôt négative (16 %), tandis que 11 % ne sont pas du tout sûres de ce qu’elles pensent.

Pour chacune de ces questions, bien entendu, une grande diversité d’opinions s’exprime. Afin d’analyser plus en profondeur les diverses approches du sujet, nous avons demandé à quatre experts évangéliques — deux personnes issues d’organisations de promotion de la paix aux États-Unis, un responsable juif messianique en Israël et un chrétien palestinien — de décrire ce qu’ils ont trouvé de plus surprenant, préoccupant et encourageant dans les résultats de l’enquête :

Robert Nicholson, président du Philos Project (« promouvoir un engagement chrétien positif au Proche-Orient dans l’esprit de la tradition hébraïque ») :

Alors qu’une grande partie du monde est en train de tergiverser ou de condamner Israël, je suis agréablement surpris de voir que tant de chrétiens américains tiennent leur position et dénoncent le mal indicible perpétré par le Hamas. Une large majorité (83 %) reconnaît qu’Israël doit prendre des mesures fortes pour lutter contre la campagne de terrorisme que cette organisation mène depuis des décennies.

Le fait que la plupart des chrétiens désignent les médias comme principale influence dans leur réflexion concernant ce conflit (44 %) — et non la Bible (27 %) — est assez choquant. Seuls de faibles pourcentages déclarent que leur église (12 %) ou les dirigeants chrétiens (10 %) influencent leur opinion. Cela montre bien que les chrétiens ne sont pas plus à l’abri de l’air du temps que n’importe qui d’autre. Cela met également en évidence un manque de leadership chez les pasteurs qui n’aident pas leurs fidèles à réfléchir à l’un des conflits les plus importants de notre époque. Seuls 14 % ont entendu une expression de soutien à Israël dans leur église.

Je suis également préoccupé par le grand nombre de personnes qui penchent en faveur d’options pacifiques pour mettre fin au conflit israélo-palestinien. Le fait que 88 % des personnes interrogées estiment qu’une paix durable passe par une solution mutuellement négociée est louable, mais déconnecté de la réalité lorsque le Hamas se voue à la destruction d’Israël.

Cette enquête révèle une corrélation directe entre la fréquentation d’une église et une bonne clarté morale dans cette situation, quelle que soit la dénomination, ce qui est très encourageant. Ceux qui vont plus souvent à l’église sont plus susceptibles de nommer le mal qui a déclenché cette guerre et de soutenir les victimes lorsqu’elles agissent pour se défendre. Alors que 16 % des chrétiens estiment que les États-Unis ne font pas assez pour aider Israël, cette proportion passe à 23 % pour ceux qui vont à l’église au moins une fois par semaine. La perception positive globale d’Israël passe également de 65 à 71 %.

L’amitié des chrétiens avec le peuple juif — 41 % ont déjà rencontré un Israélien — et, par extension, avec l’État juif n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui. Mais seulement 13 % d’entre eux déclarent que leurs expériences personnelles avec les Juifs contribuent à leur perception d’Israël. Les chrétiens ont passé la majeure partie des 20 siècles passés à condamner les Juifs. Il est inadmissible qu’aujourd’hui, alors que les Juifs sont attaqués par des extrémistes religieux, des chrétiens fassent tout sauf se tenir à leurs côtés.

https://datawrapper.dwcdn.net/RS1II

Todd Deatherage, directeur exécutif du groupe Telos (« un mouvement pro-israélien, pro-palestinien et pro-paix qui recherche la dignité, la liberté et la sécurité pour tous ») :

Pendant trop longtemps, de nombreux membres de l’Église américaine ont appuyé la fiction selon laquelle le conflit israélo-palestinien serait un jeu à somme nulle. Les résultats de cette enquête montrent que se limiter à l’alternative entre soutien à Israël ou soutien à la Palestine ne correspond pas à la compréhension qu’ont la plupart des chrétiens du caractère sacré de toute vie et de la dignité inhérente aux Israéliens et aux Palestiniens.

Mais il était tout de même inattendu de voir un soutien aussi fort à ce que nous appelons chez Telos « l’épanouissement mutuel », à savoir l’idée qu’il ne peut y avoir d’avenir sain pour les Israéliens ou les Palestiniens sur le territoire s’il n’y a pas d’avenir sain pour les uns et pour les autres. Une majorité écrasante de chrétiens américains soutient l’objectif d’une solution à deux États (81 %), croit au droit à un État et à l’autodétermination pour les deux nations (88 % pour les Israéliens, 76 % pour les Palestiniens) et affirme qu’une paix durable dépend de leur entente mutuelle (88 %).

Il est réconfortant de constater que tant de personnes voient que la violence engendre la violence et que le caractère sacré de la vie humaine nécessite de s’opposer à la fois à l’attaque brutale du Hamas du 7 octobre et au blocus, à l’invasion et au bombardement de Gaza par Israël, qui ont entraîné des pertes massives en vies humaines et la ruine de la région.

Seuls 16 % des sondés estiment que le Hamas ne pourrait réaliser ses aspirations nationales que par la violence, tandis que 75 % pensent qu’il s’agit d’un groupe extrémiste isolé de la plupart des autres Arabes. Et 50 % sont d’accord pour dire que le blocus constitue une oppression pour les Palestiniens.

Le fait qu’un si grand nombre de personnes pensent que les chrétiens devraient plaider en faveur d’un cessez-le-feu immédiat (42 %) et d’efforts importants pour minimiser les pertes civiles (53 %) montre qu’ils comprennent que la violence sous toutes ses formes est à l’origine de la situation actuelle. Elle n’est pas la solution.

Mon inquiétude vient de ce que les points de vue exprimés ici ne sont pas entendus. La voix dominante qui émerge du monde évangélique ne reflète pas la nuance et la complexité qui apparaissent dans cette enquête. Il s’agit d’un moment historique où les chrétiens ne doivent pas rester silencieux, d’autant plus que de nombreux responsables chrétiens de premier plan ont exprimé leur soutien à la destruction de Gaza et que d’autres sont d’une indifférence déconcertante face à la perte de vies palestiniennes.

Pendant trop longtemps, les chrétiens évangéliques ont constitué la voix la plus forte et la plus audible pour nier les liens entre les Palestiniens et la terre. Au bout du compte, c’est l’humanité des Palestiniens qui a été négligée, même celle des chrétiens palestiniens. Aujourd’hui, il est difficile de voir comment cette guerre n’entraînera pas l’extinction de la communauté chrétienne de Gaza, qui remonte à plusieurs siècles.

Il est urgent de mettre en place une solide communauté d’artisans de la paix, engagée à soutenir l’épanouissement de tous et, dans une période comme celle-ci, de pleurer avec tous ceux qui sont en deuil. Mais nous avons également la responsabilité d’agir pour mettre fin à cette folie et aborder les questions essentielles de manière à assurer la sécurité, la dignité et la liberté des Israéliens comme des Palestiniens. Les résultats du sondage suggèrent que cette voie, qui a souvent paru solitaire, est plus que jamais envisageable. Les chrétiens peuvent et doivent participer à ce travail.

https://datawrapper.dwcdn.net/IQba2

Dan Sered, directeur des opérations de Juifs pour Jésus et président de la Consultation du Mouvement de Lausanne sur l’évangélisation des Juifs :

Les résultats de l’enquête de Lifeway étaient attendus et choquants. Ce qui me préoccupe le plus, c’est de voir à quel point les médias influencent l’opinion que l’on se fait d’Israël. Nous avons prié pour que le Seigneur utilise cette tragédie pour rapprocher les gens de lui. Mais la réalité actuelle révèle que 44 % des chrétiens admettent que les médias influencent le plus leur point de vue, contre 17 % seulement qui s’orientent d’abord par la Bible.

Les implications vont au-delà de la guerre et du Moyen-Orient. Lorsque les médias occultent les Écritures, les informations erronées circulent librement et les perspectives sont orientées par l’émotion, l’expérience et l’opinion publique. En Ésaïe 55, le Seigneur nous dit que mes pensées sont plus élevées que les vôtres, mais seuls 12 % des chrétiens se disent influencés par leur église locale en ce qui concerne Israël. Le défi sera d’autant plus grand pour une approche biblique de la marche chrétienne que les États-Unis entrent dans une année d’élections présidentielles.

En outre, lorsque 81 % des personnes qui s’identifient comme chrétiennes soutiennent l’objectif d’une solution à deux États, cela reflète leur manque de compréhension du fait que le Hamas ne marche pas dans cette voie : il veut l’extermination des Juifs. Pourtant, seulement 33 % des personnes interrogées pensent que les chrétiens devraient plaider pour qu’Israël poursuive le combat jusqu’à ce que le Hamas se rende.

Je pose la question à mes frères et sœurs : « Êtes-vous prêts à devenir une Corrie ten Boom des temps modernes et à offrir un refuge au peuple juif ? » Alors que nous [avons célébré] la naissance de Jésus, il convient de se rappeler que celui qui est né roi des Juifs veut que nous priions pour la sécurité du peuple qu’il est venu sauver.

Les chrétiens croient aux promesses de Dieu de préserver les siens, mais les Israéliens non croyants n’y voient aucune garantie. Pour eux comme pour nous, l’Holocauste n’est pas un souvenir si lointain. Qu’on nous pardonne de nous demander si le monde fermerait à nouveau les yeux sur le renouvellement d’une « solution finale ».

Satan ne demande pas mieux que de voir les terroristes détruire cette terre et tous ses habitants. En tant que chrétiens — Juifs, non-Juifs et Palestiniens — nous devons faire comprendre que le seul espoir d’une paix durable est de devenir des disciples de Jésus. La proclamation de l’Évangile doit être notre priorité absolue.

Cette enquête a été réalisée en ligne, et les médias sont l’une des principales raisons pour lesquelles près de 9 chrétiens sur 10 suivent l’actualité de cette guerre. Mais lorsque quelque chose [comme les médias] cesse d’être une simple ressource et commence à diriger notre vie, cela suggère que notre confiance est placée dans l’équivalent des chars et des chevaux du Psaume 20, verset 7. Nous vivons une période difficile, et la cruauté du terrorisme a laissé de nombreuses personnes en quête d’espoir et de réconfort.

Certes, l’armée israélienne a de très bons antécédents en termes militaires et les États-Unis ont manifesté un soutien sans faille à Israël. Mais je sais qu’il est vain et peu durable d’y fonder son espoir. Ma confiance doit être fermement enracinée dans le Seigneur, fortifiée par sa Parole et sa présence dans la prière. Ce n’est qu’ainsi que je peux me rappeler l’espérance éternelle que j’ai dans le Messie Yeshoua, à la fois maintenant et pour l’avenir.

https://datawrapper.dwcdn.net/0XbI4

Botrus Mansour, président de la Convention des églises évangéliques en Israël, basé à Nazareth, s’exprimant en sa qualité personnelle d’écrivain et d’avocat chrétien palestinien israélien :

À la lumière de l’attaque brutale du 7 octobre par le Hamas, je m’attendais à ce que le soutien des chrétiens américains à Israël soit encore plus élevé qu’il ne l’est. Pourtant, j’ai été surpris que les résultats indiquent des positions plus modérées. Une majorité (53 %) estime que les croyants devraient préconiser des mesures énergiques pour réduire au minimum les pertes civiles, ce qui reflète une préoccupation pour le nombre élevé de Palestiniens innocents tués. Une forte minorité (42 %) appelle en outre à un cessez-le-feu immédiat pour mettre fin à la tuerie.

J’aimerais que ces chiffres soient plus élevés.

Il semble également que l’on comprenne mieux le contexte des attaques du Hamas, sans pour autant les justifier, bien entendu. Alors qu’un tiers seulement (36 %) reconnaît que le contrôle israélien sur Gaza et la Cisjordanie est une occupation illégale, la moitié (50 %) reconnaît que le blocus de Gaza a opprimé les Palestiniens. Et les trois quarts (74 %) reconnaissent en général que les Palestiniens ont le droit de se défendre et de défendre la terre sur laquelle leurs familles vivent depuis des générations.

L’occupation est contraire au droit international et constitue un obstacle sérieux aux pourparlers de paix et à toute solution juste.

Ce qui m’encourage, c’est le soutien solide à une solution politique après la guerre (88 %) et la reconnaissance du droit palestinien à l’autodétermination (76 %). Je prie pour que cela se traduise par une action solide et sans compromis. J’espère que, dans l’intérêt des Israéliens et des Palestiniens, toute partie qui refuse une résolution viable et équitable de ce conflit devra rendre des comptes.

Mais je suis préoccupé par le fait que beaucoup pensent que les chrétiens devraient plaider pour qu’Israël se batte jusqu’à ce que tous les otages soient libérés (38 %) ou jusqu’à ce que le Hamas se rende (33 %). Le prix à payer serait très élevé : une longue guerre avec un nombre croissant de soldats israéliens tués, ainsi que des dizaines de milliers de Palestiniens innocents en plus de ceux déjà décédés. Non seulement ces objectifs sont très difficiles à atteindre, mais ils entrent également en contradiction [avec les précédents].

La part des personnes qui préconisent la formation d’un État palestinien autonome en dehors d’Israël (30 %) est encore plus faible, bien qu’il s’agisse d’une aspiration forte. Il y a là la solution à long terme qui, si elle est appliquée de bonne foi, mettra fin aux cycles de violence sanglante.

Il est intéressant de constater que 44 % des chrétiens américains citent les médias comme étant ce qui influence le plus leur opinion sur Israël, alors que 17 % seulement citent la Bible. Je me demande si cela se reflète dans l’ordre des raisons qu’ils invoquent pour justifier leur soutien, partant du droit d’Israël à l’autodéfense (60 %) et du fait qu’il est le plus proche allié des États-Unis (47 %) pour aller vers le fait que ce territoire est la patrie historique des Juifs (44 %) et vers la judéité de Jésus (32 %), finissant par les prophéties bibliques (30 %) et l’enseignement de la Bible (28 %).

Toutes ces raisons sont peut-être valables, mais elles ignorent complètement la question morale du traitement des Palestiniens par Israël. Les médias sont une bonne source, mais sont parfois partiaux — et 44 % des sondés sont d’accord à ce sujet. D’autre part, comprendre ce que dit la parole de Dieu sur la situation actuelle d’Israël n’est pas une tâche aussi simple que certains le pensent.

Malheureusement, seuls 13 % des chrétiens américains ont vu leur opinion influencée par des expériences personnelles avec des Juifs, et 5 % seulement avec des Palestiniens. Sur ce dernier point, j’aimerais qu’il y en ait davantage, afin de surmonter les stéréotypes existants. Les Palestiniens sont généreux, travailleurs et accueillants. Un plus grand nombre de personnes devraient le découvrir.

https://datawrapper.dwcdn.net/lBgZD

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

50 athées ont trouvé le Christ. Une chercheuse examine pourquoi.

Jana Harmon brosse un tableau détaillé des raisons qui poussent les sceptiques à la foi.

Christianity Today January 10, 2024
Illustration de Mallory Rentsch/Images sources : Getty

L es chrétiens se réjouissent lorsque des athées donnent leur vie à Christ, mais nous ne voyons généralement que le résultat final. À moins qu’il ne s’agisse d’une connaissance personnelle, il est rare que l’on puisse se faire une idée précise de ce qui amène à s’ouvrir à la foi. Dans Atheists Finding God: Unlikely Stories of Conversions to Christianity in the Contemporary West (« Des athées trouvent Dieu : Histoires improbables de conversion au christianisme dans l’Occident contemporain »), Jana S. Harmon, chargée de cours à l’Institut C. S. Lewis et animatrice du podcast Side B Stories, présente les résultats de ses conversations avec 50 athées qui sont venus à la foi. Christopher Reese, rédacteur en chef du Worldview Bulletin , s’est entretenu avec elle au sujet de ses recherches et de leurs implications pour le partage de l’Évangile avec les non-croyants.

Quelles étaient les croyances les plus répandues chez les athées que vous avez interrogés avant leur conversion ?

D’une manière générale, ils considéraient la foi chrétienne et les croyants sous un jour négatif. N’ayant pas été exposés à des formes authentiques de foi, beaucoup ont développé leur perception du christianisme dans une perspective culturelle distante et dépourvue de sympathie pour le sujet, ce qui a conduit à des caricatures et des stéréotypes réducteurs. Ou, pour ceux qui ont eu des contacts avec la religion ou des personnes religieuses, le christianisme leur a semblé peu attrayant. La foi était souvent dépeinte comme provenant d’une certaine superstition, d’une inculture ou d’un délire, inconciliable avec la science et les modes de pensée et de vie contemporains. Les chrétiens sont souvent considérés comme intolérants, bornés, critiques et hypocrites.

Il est intéressant de noter que bon nombre de ces anciens athées peinaient en fait à justifier leur propre approche de la question de Dieu. Ils semblaient bien plus savoir ce à quoi ils s’opposaient que ce qu’ils défendaient. Nombreux étaient ceux qui avaient spontanément rejeté Dieu et la foi, sans analyse approfondie de ce qu’ils délaissaient ou adoptaient par là. Ils ont simplement perpétué les présupposés établis sur la base de ce qu’ils entendaient autour d’eux dans la culture environnante ou de la part de figures d’autorité qu’ils estimaient.

Pour de nombreux anciens athées, des expériences de vie difficiles les avaient convaincus qu’il ne pouvait y avoir de Dieu bon, présent ou puissant. D’autres avaient des objections compréhensibles liées à la foi, à la Bible, à l’idée d’une incompatibilité entre la science et la foi, aux « mauvaises » formes de religion ou de figures religieuses, ainsi qu’à diverses affirmations de la morale chrétienne.

Avez-vous décelé des tendances dans les circonstances qui ont amené ces sceptiques à reconsidérer le christianisme ?

Près de deux tiers des anciens athées avec lesquels je me suis entretenu pensaient qu’ils ne quitteraient jamais leur identité et leurs perspectives athées. Ils ne cherchaient pas Dieu et ne s’intéressaient pas aux questions spirituelles. Qu’est-ce qui a ouvert une brèche dans leur résistance ? En général, les gens ne se sentent pas à l’aise pour remettre en question leurs propres opinions avant que quelque chose ne vienne perturber le statu quo. Dans ces divers cas, il y a eu un catalyseur, une forme d’insatisfaction qui les a amenés à remettre en question leur athéisme ou à s’intéresser de plus près au christianisme.

Nous voulons tous donner un sens au monde et être satisfaits de notre vie. L’insatisfaction peut inciter à rechercher quelque chose de plus que ce que notre vision du monde peut offrir. Lorsqu'une personne cherche de meilleures explications pour comprendre le monde qui l'entoure ou sa propre vie, des désirs perturbateurs peuvent croître en elle.

Quels sont les défis auxquels les personnes interrogées ont été confrontées après avoir embrassé la foi chrétienne ?

Les stéréotypes culturels défavorables aux chrétiens abondent dans la culture occidentale. Dans ce contexte, la conversion au christianisme a eu un coût social important. Près d’un tiers des personnes interrogées ont fait état de réponses négatives ou de rejet de la part de leurs amis et de leur famille. Ils ont trouvé que leur nouvelle foi était socialement mal vue, embarrassante et aliénante sur le plan relationnel.

Un ancien athée se souvient : « Nous avons perdu beaucoup d’amis, honnêtement. À cette époque, nos convictions étaient très libérales et, d’une certaine manière, plus proches de l’athéisme que du christianisme sur toutes sortes de questions. Mais le simple fait de dire “Nous allons à l’église ce dimanche” ou “Jésus est Dieu” signifiait que beaucoup de gens nous détestaient et ne voulaient même plus nous parler à cause de cela. C’était difficile. » Malgré cela, sa joie et sa paix retrouvées en Christ l’ont soutenu dans sa nouvelle foi.

Y a-t-il une histoire de conversion que vous avez trouvée particulièrement surprenante ou émouvante ?

Chaque histoire de conversion est surprenante et émouvante. Pour moi, cependant, ce qui ressort le plus, ce sont les récits d’entrée dans la foi malgré des obstacles apparemment insurmontables.

Prenons l’exemple de Jeffrey. Il est devenu athée à la suite d’une tragédie survenue dans son enfance, lorsqu’il a perdu deux frères dans l’incendie de leur maison. Sa douleur profonde a suscité l’instabilité dans sa vie et une haine viscérale contre. Au cours des 20 années qui ont suivi, il a développé des arguments solides pour étayer sa résistance émotionnelle à la foi. Lorsque sa femme est devenue chrétienne de manière inattendue, sa colère contre Dieu n’a fait que croître.

Un soir, sa femme l’appelle et lui demande de venir la chercher chez les chrétiens qui l’avaient conduite au Christ. Jeffrey s’attendait à des échanges houleux, mais il a reçu une hospitalité chaleureuse. Se sentant valorisé, il a été attiré encore et encore vers des conversations plus sérieuses. Au fil du temps, ses résistances ont commencé à fondre, l’amitié et la confiance se sont développées, et les questions intellectuelles ont trouvé des réponses. Finalement, il a perdu sa résistance à Dieu et a trouvé la paix et la joie qui lui échappaient depuis si longtemps.

Lorsqu’il s’agit de partager l’Évangile avec des sceptiques, quelles leçons pouvons-nous tirer de vos recherches ?

À bien des égards, partager l’Évangile avec les sceptiques se fait de la même manière qu’avec toute personne qui ne connaît pas le Christ. La première chose à reconnaître est que chaque personne est unique. Ce n’est pas parce que vous vous dites athée que je peux présumer exactement de qui vous êtes ou de ce que vous croyez. Les croyances sont toujours formées et prolongées dans le contexte de nos propres histoires de vie. Il est donc important de prendre le temps d’écouter les points de vue individuels, d’entendre ce que les gens croient et pourquoi ils le croient. Cela vous permet non seulement d’apprécier qui ils sont et ce qu’ils pensent, mais aussi de révéler des questions personnelles qui se cachent souvent sous la surface des objections intellectuelles. Cela vous permet d’aller à la rencontre des gens là où ils se trouvent.

Il est également important d’être présent dans la vie de ces sceptiques. Votre vie peut être un exemple incarné de christianisme authentique et un contre-récit potentiel à l’encontre des stéréotypes négatifs. Être présent dans la vie d’une personne permet aussi d’être disponible à des moments d’ouverture possible au christianisme.

Dans le même ordre d’idées, gardez à l’esprit que la volonté d’une personne de considérer sérieusement Dieu ou la foi peut prendre beaucoup de temps à se développer. Cela nécessite ce qu’un ancien athée appelle la « patience relationnelle ». En attendant, nous devons préparer notre esprit à l’action, comme le dit l’apôtre Pierre (1 P 1.13). Nous devons être en mesure d’aborder sérieusement les grandes questions et les problèmes difficiles, de sorte que lorsque la porte s’ouvre et que les objections surgissent, nous soyons prêts à interagir efficacement en apportant des réponses réfléchies.

Enfin, nous devons être constants dans la prière pour ceux qui sont loin du Christ. Ce n’est que par l’action aimante du Saint-Esprit que les cœurs, les esprits et les vies sont changés. Notre travail n’est que participation à ce que Dieu fait déjà et nous dépendons entièrement de lui pour qu’il nous utilise de manière à laisser rayonner l’Évangile.

Qu’aimeriez-vous que les athées qui lisent votre livre en retirent ?

J’ai écrit ce livre pour examiner honnêtement comment et pourquoi les athées embrassent l’athéisme, s’ouvrent au changement et se convertissent au christianisme. J’espère que tout athée qui le lira comprendra pourquoi des athées intelligents et cultivés ont été convaincus que la foi chrétienne est celle qui donne le plus de sens à la réalité. Plus encore, j’espère qu’ils considéreront sérieusement les affirmations du christianisme pour eux-mêmes et qu’ils seront inspirés par les formidables changements de vie décrits dans les pages de l’ouvrage.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Je voulais devenir pasteur. C’est comme plombier que je sers le Seigneur.

Dans la prière et l’installation de chaudières, j’ai découvert une riche vie de foi.

Christianity Today January 3, 2024
Illustration de Christianity Today/Images sources : Lightstock/Getty

Il y a dix ans, je suis arrivé à un tournant de ma vie professionnelle. J’avais passé des années à prier et à rêver de devenir pasteur d’une église. Je voulais étudier la théologie et me voyais déjà écrire des sermons et visiter les malades dans les hôpitaux. Avec pas mal d’autres personnes, j’intercédais pour que cet espoir se réalise.

Mais comme beaucoup de membres de la génération Y, mes finances étaient limitées. Avec une famille qui s’agrandissait, j’ai dû réfléchir franchement à la viabilité de la poursuite de mes études, au peu d’argent que je gagnerais en tant que pasteur, et au peu de progrès que j’avais l’impression d’avoir fait dans la vie chrétienne. Comment étais-je censé guider les autres sur un chemin que je connaissais si peu ?

Un pasteur de l’église que je fréquentais savait que je cherchais un emploi et m’a suggéré de prendre contact avec un des membres de l’église qui possédait une entreprise de plomberie.

Comme c’était un emploi qui ne nécessitait pas de diplôme supérieur et pouvait immédiatement assurer la sécurité de ma famille, je me suis lancé. Mais, en même temps, j’ai fait cette prière : Seigneur , fais de moi le genre de personne qui pourrait un jour être un pasteur pour ton église.

Dix ans plus tard, je travaille toujours comme plombier. Ce travail manuel s’est avéré pour moi une bonne manière d’acquérir les compétences nécessaires pour mener une église. Et je soupçonne que je ne suis pas le seul à avoir fait cette expérience. Chacun d’entre nous peut progresser dans son cheminement avec le Christ en se concentrant sur les exigences et les réalités spirituelles de son travail séculier. En l’envisageant de la bonne manière, celui-ci peut devenir le terrain d’entrainement d’une saine vie de foi.

Comment le travail peut-il nous aider dans notre vie avec Jésus ? Comment pouvons-nous « racheter le temps » que nous passons à travailler ?

Si la vie chrétienne consiste à avoir le privilège de devenir « participant de la nature divine » par Christ et en Christ (2 P 1.4), je pense que l’activité essentielle de cette vie est la prière.

Un prêtre de l’Église d’Angleterre du 19e siècle disait de la prière qu’elle est l’expression d’une âme qui s’approche de Dieu. Et l’âme qui s’approche de Dieu s’imprègne de la nature de Dieu. C’est un peu comme un tuyau de cuivre. Il est froid au toucher, mais réfléchit la lumière et, exposé à la flamme du soudeur, il finit par en prendre les attributs.

Dans sa lettre aux chrétiens de Thessalonique, Paul écrit : « Soyez toujours joyeux,

priez sans cesse, soyez reconnaissants en toute circonstance. Voilà ce que Dieu demande de vous, dans votre vie avec Jésus Christ. » (1 Th 5.16-18)

Quand dois-je prier ? Toujours. À quelle fréquence ? Sans cesse. Même dans mon travail de plombier ? « En toute circonstance ».

Basile le Grand, évêque du 4e siècle et l’un des célèbres Pères cappadociens, a contribué à réformer les communautés monastiques dans sa région du monde antique. On lui doit la rédaction d’un traité de vie ascétique — une vie orientée vers Dieu, une vie de prière — à l’intention de tous les chrétiens.

Pour Basile, c’est l’amour qui est l’essence même du début, du milieu et de la fin de la vie chrétienne. L’amour envers Dieu et l’amour envers notre prochain, comme Jésus l’a enseigné à ses disciples. Le Christ affirmait que servir notre prochain avec amour, c’était le servir lui-même.

« Celui qui aime le Seigneur aime son prochain en conséquence », explique Basile dans ses Grandes règles. « Si quelqu’un m’aime, dit le Seigneur, il gardera mes commandements, et il poursuit : “Mon commandement est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés”. Mais celui qui aime son prochain accomplit aussi l’acte d’amour qui revient à Dieu, car le Seigneur accepte cette faveur comme si elle lui était faite à lui. »

Accomplir notre travail pour le bien de notre prochain est en soi une forme de prière, à la fois parce que le Christ est proche de celui à qui l’on rend service, et parce que, par ce service, nos cœurs sont disposés à plaire à Dieu.

Basile poursuit plus loin :

c’est au cœur de notre travail que nous pouvons accomplir notre devoir de prière. C’est là que nous pouvons rendre grâce à celui qui a donné à notre esprit l’intelligence pour acquérir des connaissances et à nos mains la force d’accomplir nos tâches […] tout en priant pour que ce travail soit orienté vers son but, le bon plaisir de Dieu.

Mais pourquoi le travail manuel en particulier ? Benoît de Nursie, un autre moine célèbre, né quelques centaines d’années plus tard, répond à cette question. Influencé par Basile et souvent considéré comme père du monachisme occidental, Benoît popularise l’expression Ora et labora, « Priez et travaillez » et instruit ses moines dans l’observance d’une alternance de travail manuel et de temps de prière.

Pour Benoît, le travail manuel était de la plus haute importance. Dans l’ensemble de sa célèbre règle , il s’agit de la seule chose qu’il qualifie explicitement de « monastique ». Si les moines ne pouvaient pas bien travailler, ils ne pouvaient pas bien prier. Pour le moine, comme pour tous les chrétiens, la prière est le travail par excellence. Négliger un type de travail, c’est négliger l’autre également.

Une autre caractéristique que le travail manuel et la prière ont en commun, plus intimement encore, c’est qu’ils requièrent l’engagement de tout notre être.

Lorsque j’installe un chauffe-eau, je dois rassembler toutes les facettes de mon être : ma volonté, mon intellect, mon corps. Toutes mes facultés sont impliquées dans l’exécution et l’achèvement de mon travail. Le travail manuel m’aide à réintégrer des parties de moi qui sinon seraient dispersées de tous côtés.

Ce que je pratique dans le travail manuel, cette intégration des différentes parties de moi-même en un tout, je l’applique à mes temps de prière. J’y élève mon esprit, mon corps, mon âme et ma force pour être avec Dieu et lui offrir mes louanges. C’est une des réponses que j’ai trouvées à la question soulevée par l’enseignement de Paul. Il en reste certainement encore beaucoup d’autres à découvrir.

Au cours de cette décennie de travail en tant qu’ouvrier, j’ai involontairement découvert un mode de vie qui, loin de tenir la prière à distance et de m’empêcher d’être avec Dieu en raison de mes fonctions, m’a plongé dans une expérience de piété initiée depuis des siècles. Cela m’a appris au moins ces deux choses : en Christ, je prie justement parce que je travaille, et ma vie de prière s’améliore parce que je suis un ouvrier.

Mes mains participent à l’ordonnancement du monde qui m’entoure tout comme elles parcourent les traités de théologie ; elles apportent la paix entre les propriétaires et leur maison et contribuent à a construction du royaume ; elles ont appris à souder des tuyaux et elles apprennent à prier sans cesse.

À mes yeux, s’exercer à se tenir dans la présence de Dieu et à grandir dans la vie chrétienne est à notre portée dans pratiquement n’importe quel secteur d’activité. La chose n’est pas réservée aux pasteurs ou responsables d’église. Ma vocation de plombier n’est certainement pas la vie à laquelle je m’attendais, mais elle s’avère être la vie pour laquelle j’ai prié.

Nathaniel Marshall est compagnon plombier. Il est également oblat bénédictin et membre de l’église anglicane Christ the King à Marietta, dans l’État américain de Géorgie, avec sa femme et ses deux filles.

Traduit par Anne Haumont

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Apple PodcastsDown ArrowDown ArrowDown Arrowarrow_left_altLeft ArrowLeft ArrowRight ArrowRight ArrowRight Arrowarrow_up_altUp ArrowUp ArrowAvailable at Amazoncaret-downCloseCloseEmailEmailExpandExpandExternalExternalFacebookfacebook-squareGiftGiftGooglegoogleGoogle KeephamburgerInstagraminstagram-squareLinkLinklinkedin-squareListenListenListenChristianity TodayCT Creative Studio Logologo_orgMegaphoneMenuMenupausePinterestPlayPlayPocketPodcastRSSRSSSaveSaveSaveSearchSearchsearchSpotifyStitcherTelegramTable of ContentsTable of Contentstwitter-squareWhatsAppXYouTubeYouTube