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Les évangéliques blancs américains veulent aussi un contrôle plus strict des armes

Même le groupe religieux le plus favorable aux armes à feu est d’accord avec le reste du pays sur certaines propositions visant à en restreindre l’accès.

Christianity Today May 31, 2022
George Frey / Getty Images

Note de l’éditeur : cet article initialement publié en février 2018 a fait l’objet d’une mise à jour.

Les évangéliques blancs ont les mêmes opinions que la plupart des Américains sur de nombreuses propositions visant à restreindre l’accès aux armes à feu, mais ils sont également parmi les plus grands défenseurs d’une idée des plus controversées surgie à la suite de la fusillade de 2018 dans une école de Parkland, en Floride : armer les enseignants.

Selon des données de 2017 fournies par le Pew Research Center, tout comme les Américains de tous les groupes religieux, les évangéliques blancs soutiennent fortement les lois visant à empêcher les personnes atteintes de troubles mentaux d’acheter des armes à feu et à exiger une vérification des antécédents des personnes souhaitant acheter des armes à feu dans les expositions ou lors de ventes privées.

Dans une proportion de près de 9 sur 10 (89 %), les évangéliques blancs et l’ensemble des Américains approuvent les restrictions relatives aux maladies mentales, tandis qu’environ 8 personnes sur 10 parmi les évangéliques (80 %) et les Américains dans leur ensemble (84 %) sont favorables à l’utilisation accrue de la vérification des antécédents.

Bien que les évangéliques blancs aient tendance à être moins désireux de voir le gouvernement exercer un contrôle plus strict sur les armes à feu, ils affichent en fait des niveaux de soutien aux mesures politiques individuelles proches de ceux du reste du pays.

D’après le Pew Research Center, les évangéliques blancs ressemblent à la moyenne des Américains lorsqu’il s’agit d’interdire la vente d’armes à feu aux personnes figurant sur les listes fédérales d’interdiction de vol ou de surveillance des potentiels terroristes (86 % contre 83 %) et d’interdire les armes d’assaut, comme le AR-15 utilisé dans plusieurs fusillades de masse récentes (63 % contre 68 %). (Bien que deux tiers des « protestants noirs » s’identifient comme évangéliques, le Pew Research Center n’a pas pu détailler leurs réponses en raison de la petite taille de l’échantillon)

À la suite de la fusillade de Parkland, le fondateur du Christian Broadcasting Network (« Réseau des diffuseurs chrétiens ») Pat Robertson s’était exprimé en faveur de la vérification systématique des antécédents pour détecter les éventuels troubles mentaux et de l’interdiction des armes automatiques. Un groupe de 15 leaders évangéliques avait lancé une pétition exhortant les croyants à réclamer des « lois de bon sens sur les armes à feu » et à prier face à la menace de la violence armée.

« Nous avons activement pris contact avec des dirigeants évangéliques, principalement dans les coulisses, et nous avons constaté que beaucoup d’entre eux sont désemparés face à l’enthousiasme apparemment sans borne de certains pour l’accès facile aux armes à feu », déclarait Rob Schenck au Huffington Post. Ce pasteur était à l’origine de la pétition de Prayers and Action et d’un documentaire très apprécié sur la régulation des armes à feu en 2015.

« L’idée que tous les évangéliques ont les armes à feu dans le sang, ce n’est pas vrai, en particulier lorsqu’il s’agit des évangéliques de moins de 40 ans et de leurs pasteurs. »

Un sondage Politico/Morning Consult réalisé quelques jours seulement après la fusillade du 14 février 2018 — une des plus meurtrières de l’histoire des États-Unis en milieu scolaire — révélait qu’une majorité de tous ceux qui s’identifiaient comme évangéliques (et pas seulement les blancs) était favorable à des lois plus strictes sur les armes à feu.

Les évangéliques (58 %) étaient plus susceptibles que ceux déclarés comme conservateurs (46 %) ou républicains (45 %) de soutenir une réforme du contrôle des armes à feu, un tiers d’entre eux soutenant fermement des lois plus strictes, selon le sondage. Toutefois, cet échantillon multiethnique d’évangéliques restait toujours moins enclin que la moyenne des électeurs (64 %) à soutenir un encadrement plus sévère, près d’un quart d’entre eux y étant « fortement opposés » (plus que tout autre groupe religieux).

D’autres données de Politico/Morning Consult de 2018 montraient des tendances similaires aux données fournies par le Pew Reseach Center en 2017. Ceux qui s’identifient comme évangéliques sont plus éloignés du reste de la population en matière de sentiments généraux sur les armes à feu que de mesures de réforme spécifiques.

Dans ce sondage, les évangéliques sont moins enclins que l’ensemble des électeurs américains à soutenir des lois plus strictes sur les armes à feu (60 % contre 68 %) ou à voir la réforme des lois sur les armes à feu comme une priorité pour le Congrès (57 % contre 64 %).

Ils se rapprochent de la moyenne des Américains sur des questions telles que les vérifications systématiques des antécédents (87 % des évangéliques pour 88 % de l’ensemble des électeurs), l’interdiction des ventes aux personnes figurant sur les listes d’interdiction de vol et de surveillance (82 % des deux groupes) et les efforts visant à empêcher les ventes aux personnes « signalées comme dangereuses pour les forces de l’ordre par un prestataire de soins de santé mentale » (88 % des évangéliques pour 89 % de l’ensemble des électeurs).

« Il est sage d’examiner les lois existantes sur les armes à feu et de voir s’il y a des changements ou des ajouts à faire, et aussi de se demander si la myriade de lois pertinentes déjà en vigueur sont appliquées de manière adéquate », écrivait alors Jim Daly, président de Focus on the Family, dans un billet de blog. « C’est le rôle de notre corps législatif ».

Il ajoutait que des réformes sur les armes à feu ne suffiraient pas à prévenir les fusillades de masse. « Le débat actuel doit porter sur autre chose que les armes à feu. » « Ce qui surgit est le symptôme d’un problème beaucoup plus vaste. Vous ne pouvez pas éliminer le mal par la loi. Aucune loi ne peut changer le cœur humain. »

Malgré leur soutien à diverses restrictions, le Pew Research Center a constaté que les évangéliques blancs se démarquaient toujours sur les politiques liées aux droits des propriétaires d’armes à feu.

Ils sont nettement plus susceptibles d’approuver les politiques visant à étendre les lieux où le port d’armes dissimulées est autorisé, 28 % d’entre eux souhaitant que le port d’armes dissimulées soit autorisé dans un plus grand nombre de lieux, contre 19 % des protestants traditionnels ou des Américains non affiliés et 17 % des catholiques.

Les évangéliques blancs sont également le groupe religieux le plus susceptible de soutenir l’idée d’autoriser les enseignants de la maternelle à la terminale à porter des armes en classe comme mesure de protection, avec 31 % d’avis favorables. En moyenne, seuls 18 % des Américains souhaitent que les enseignants soient armés.

Cette proposition, soutenue par le président Donald Trump, avait suscité beaucoup de discussions dans les deux camps après la fusillade de Parkland.

« Je suis enseignant, et je suis chrétien. Si notre gouvernement veut me forcer à porter une arme, il devra me considérer comme un objecteur de conscience », écrivait Ryan Morey, enseignant de la région de Seattle. « Certains se fient aux chevaux et d’autres aux chars, moi je louerai le Seigneur. Je ne vivrai pas par l’épée, mais je placerai ma confiance en Dieu. J’aimerai mon prochain — même mes ennemis. »

Les partisans de cette mesure estiment que les enseignants munis d’une arme à feu pourraient dissuader les tireurs potentiels ou les arrêter avant qu’ils ne tuent des élèves ; au moins huit États autorisaient déjà en 2018 certains enseignants à porter une arme à feu sur le terrain de l’école.

Comme le rapportait CT dans son examen des statistiques du Pew Research Center sur les liens entre religion et armes à feu, les évangéliques eux-mêmes sont plus susceptibles de posséder une arme à feu que les membres d’autres groupes religieux ou que le citoyen moyen. Mais les plus engagés ne sont pas les plus virulents partisans des armes :

Les Américains qui assistent à des offices religieux toutes les semaines étaient moins susceptibles de posséder une arme à feu que ceux qui y assistent moins fréquemment (27 % contre 31 %). Et les Américains dont le niveau d’engagement religieux est élevé étaient moins tendance à posséder une arme à feu que ceux dont l’engagement est faible (26 % contre 33 %).

Dans le même temps, les propriétaires d’armes à feu pratiquants étaient plus susceptibles d’appartenir à la National Rifle Association (NRA), qui fait régulièrement l’objet des critiques de ceux qui réclament des lois plus strictes sur les armes à feu :

Les propriétaires d’armes se déclarant comme très religieux étaient deux fois plus susceptibles d’appartenir à la NRA que les propriétaires d’armes moins religieux (24 % contre 12 %). Les propriétaires d’armes qui assistent chaque semaine à un culte étaient également plus susceptibles d’adhérer à la NRA (23 %) que ceux qui n’y assistent pas aussi souvent (18 %).

Un quart des évangéliques ou protestants traditionnels blancs propriétaires d’armes à feu étaient membres de la NRA, plus que les propriétaires d’armes à feu non affiliés à une religion (10 %), catholiques (21 %) ou Américains dans leur ensemble (19 %).

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L’étude de la vie de grandes figures évangéliques m’a rendu moins ambitieux

Si nous voulons éviter de nuire à nos mariages et à nos familles, nous avons à apprendre de nos précurseurs dans la foi.

Christianity Today May 26, 2022
Illustration by Rick Szuecs / Source images: Yagi Studio / Getty / Wikimedia Commons

En 2015, tandis que ma femme jouait avec nos trois enfants sur le terrain de jeu de notre quartier, je découvrais avec stupéfaction un tweet déroutant de l’ancien pasteur Tullian Tchividjian : « Bienvenue dans la vallée de l’ombre de la mort… Dieu merci, la grâce règne ici ».

J’ai rapidement appris que cette déclaration faisait référence aux difficultés conjugales de Tullian Tchividjian et de son épouse qui venaient d’être révélées. Comme tant d’autres, cette figure populaire du renouveau réformé avait été démasquée pour des comportements désastreux qui avaient conduit à la dislocation de son mariage.

Lorsque la nouvelle est tombée, je venais d’accepter un poste de pasteur associé à la Calvary Memorial Church d’Oak Park et j’étais à deux mois du début de mes études de doctorat en histoire chrétienne à la Trinity Evangelical Divinity School.

Pendant les sept années suivantes, j’ai étudié l’histoire des évangéliques. Tout au long de cette période, j’ai prêté une attention particulière à un motif historique que l’on ne peut pas ignorer dans la littérature, d’autant plus que sa répétition et ses conséquences continuent de se manifester dans le monde évangélique du 21e siècle dont je fais partie.

Le phénomène bien trop commun que j’ai découvert est le suivant : les grandes figures évangéliques de l’histoire ont souvent eu une vie personnelle et familiale tragique. Ce schéma m’est apparu à plusieurs reprises alors que je parcourais les biographies de pasteurs, de revivalistes et d’activistes évangéliques.

L’histoire du mouvement évangélique fourmille de récits nous mettant en garde contre les conséquences d’une ambition débridée. Si certains préféreraient passer ces histoires sous silence ou les dissimuler, nous n’y avons aucun avantage. Il serait au contraire sage de tenir compte de ces avertissements pour l’avenir de l’histoire évangélique. Y prêter attention nous incitera peut-être à freiner notre ambition, à fixer des limites et des attentes saines, et à prendre soin de la petite Église que constitue notre foyer.

Personnellement, je veux tirer les leçons des erreurs du passé en protégeant ma famille et en me prémunissant contre des tragédies dont je serais l’auteur.

Récemment, en lisant l’ouvrage Early Evangelicalism : A Global Intellectual History, 1670-1789, de W. R. Ward, je suis tombé sur un segment consacré à la vie d’August Hermann Francke (1663-1727), un personnage qui se trouve aux origines de l’histoire du mouvement évangélique. Francke eut pour mentor le célèbre théologien Philipp Jakob Spener et ouvrit la voie à la deuxième génération du piétisme allemand à la fin du 17e siècle et au début du 18e.

Son activisme public et son travail institutionnel furent diffusés par la presse évangélique et les réseaux de correspondance de l’époque, ce qui lui valut une crédibilité et une estime généralisées parmi les premiers évangéliques. Des évangéliques plus tardifs, comme John Wesley, reproduisirent le modèle d’éthique et de stratégie de travail de Francke dans leurs propres ministères, au détriment de leur vie personnelle.

En effet, alors que Francke se consacrait à un merveilleux travail pour le Royaume, son mariage avec Anna Magdalena Francke souffrait de la déception due à des besoins non satisfaits. Au milieu de leur vie, Anna et August se brouillèrent et, en 1715, leur séparation fut rendue publique. Ward laisse également entendre qu’August, trop occupé à satisfaire ses ambitions théologiques, n’accordait que peu d’attention à leur fille, Sophia.

Ainsi, alors que le ministère évangélique public et l’activisme de Francke étaient florissants, la santé de son foyer périclitait. Il m’a semblé que quelque chose n’allait pas : il devait y avoir un décalage entre le ministère public de Francke et sa vie spirituelle privée.

En lisant ce récit de l’histoire de Francke, j’ai tweeté : « En tant qu’historien, mes nombreuses lectures sur la vie privée tragique de grandes figures de l’histoire du mouvement évangélique m’ont rendu beaucoup moins ambitieux. Aucun accomplissement ne vaut le sacrifice d’une famille épanouie ».

Mais l’histoire qui a suscité ce tweet n’était que la plus récente dans une longue liste d’autres tragédies rencontrées au cours de mes recherches.

Une des figures du courant évangélique qui a attiré ma curiosité est Abraham Kuyper. Tout comme pour l’anglican C. S. Lewis, certains historiens seraient réticents à l’idée de présenter Kuyper comme un pionnier délibéré du mouvement évangélique. Néanmoins, les deux personnages ont fortement influencé le développement de la pensée évangélique moderne, y compris la mienne.

Abraham Kuyper (1837-1920) était à la fois précoce et ambitieux. Il s’est fait connaître pour son éthique protestante du travail et son engagement en faveur d’une mission chrétienne qui vise à transformer l’ensemble de la société. De nombreux penseurs évangéliques ont fait l’éloge oral ou écrit de cette figure centrale de l’histoire ecclésiastique, mais la majorité d’entre eux ne racontent pas toute l’histoire.

On se souvient souvent de Kuyper chez les évangéliques pour la citation suivante : « Il n’y a pas un seul centimètre carré du domaine de l’existence humaine dont Christ, souverain sur toutes choses, ne clame pas : “C’est à moi !”. ». Et pourtant, il a lutté pour que cela soit vrai dans le domaine de sa vie personnelle et familiale.

Kuyper souffrait d’une anxiété et d’une dépression handicapantes, qui le clouaient parfois au lit. Il apprit à faire face aux symptômes du surmenage en se retirant fréquemment pour de longues périodes de solitude lors de congés et de randonnées. Sa femme et ses enfants, eux, se retrouvaient ainsi privés de sa présence pendant de longues durées, alors qu’il se remettait des rigueurs de son travail missionnaire.

Malheureusement, Francke et Kuyper ne sont que la partie émergée de l’iceberg de ce que les familles évangéliques ont payé pour l’éthique de travail protestante réformée de leurs proches.

Récemment, quelqu’un m’a demandé de donner quelques exemples. C’est un peu à contrecœur que j’ai cité quelques noms, certains que je connais grâce à mes propres recherches dans les archives et d’autres que j’ai découverts dans les travaux d’autres historiens. Le problème de citer des noms et de se laisser passionner pour « qui l’a fait » est que cela pourrait conduire à une curiosité historique voyeuriste ou improductive, plutôt qu’à une discussion saine.

Je crois que ce dont les évangéliques ont réellement besoin est moins de se laisser fasciner par les côtés sombres de nos héros déchus de leur piédestal que d’apprécier davantage la fidélité tranquille, jour après jour, des pasteurs, des professeurs, des revivalistes et des activistes qui ont réussi à nager à contre-courant de puissants courants sociaux et culturels de leur époque qui exigeaient souvent des résultats et des performances irréalistes.

Tout au long de l’histoire, les leaders évangéliques ont porté un lourd poids, et ils continuent de supporter les attentes irréalistes de nombreuses institutions, maisons d’édition et ministères qui dominent le monde évangélique. Avec le temps, certains de ces leaders cèdent aux tentations qui accompagnent la notoriété et finissent par renoncer à leur bon sens. Et malheureusement, il arrive aussi que les organisations évangéliques cèdent à l’avarice au nom du succès. Elles prennent trop volontiers à leur compte les échecs privés de leurs dirigeants qu’elles choisissent de dissimuler.

Lorsque j’observe le rendement professionnel de certains pairs évangéliques, je prie sincèrement pour que Dieu les protège, eux et leurs familles. Bien que je me réjouisse de leurs réussites, je crains le coût que représente le fait de toujours dire « oui » à toutes les opportunités. Bien trop souvent, cette habitude met les gens sur la voie de l’échec, surtout s’ils ne restent pas responsables à l’égard de leur corps ou de leur famille.

Pour ma part, je suis devenu beaucoup moins ambitieux en étudiant l’histoire évangélique. Comme je l’ai dit, aucune réalisation ne vaut la peine de sacrifier une vie de famille saine. Mais cette conviction n’est pas seulement fondée sur ma connaissance des déchéances passées et présentes des leaders évangéliques.

Ma prudence à l’égard de l’ambition découle également de mon propre vécu. Tout comme l’ambition évangélique a anéanti la crédibilité de tant de précurseurs dans la foi, je me souviens d’une époque pas si lointaine où elle était tapie à ma propre porte.

J’ai été un pasteur épuisé, à la croisée des chemins, voyant s’ouvrir devant moi la voie menant à une tragédie personnelle. J’ai fait l’expérience de la pression écrasante de devoir publier régulièrement sur un blog, de gagner un certain nombre de supporters sur les réseaux sociaux, de publier davantage d’articles dans des revues, de rédiger le CV parfait et de me faire connaître auprès des « bonnes » personnes. Je me sens fatigué rien qu’en repensant aux nombreuses tentations auxquelles j’ai été confronté et aux diverses tactiques que j’ai employées pour réaliser mes ambitions.

Il y a quelques années, j’ai traversé une crise personnelle alors que j’essayais d’être à la fois pasteur et doctorant, tous les deux à plein temps. Cette crise m’a amené à reprendre à zéro et à réorienter mes ambitions. Ma femme et moi avons suivi une thérapie de couple et une thérapie individuelle pendant un an. J’ai redéfini les priorités de mon emploi du temps et fixé des limites à mon activité professionnelle. J’ai commencé à chercher des moyens de réinvestir du temps avec mes enfants, et nous avons fini par réapprendre à apprécier le repos du sabbat en famille.

Je sais que nous sommes appelés à faire des sacrifices pour la cause du Christ. Mais même l’apôtre Paul affirmait que les personnes mariées, en particulier celles qui ont des enfants, portent une certaine responsabilité dans le monde. Cela exige d’eux un équilibre entre la part de leur vie qu’ils consacrent directement à la cause du Christ et le temps et l’énergie qu’ils réservent à leur famille.

Autrement dit, nous devrions tous chercher à équilibrer notre engagement envers l’éthique protestante du travail et la mission de Dieu avec notre attachement à l’édification de la petite Église qui se trouve dans notre foyer. Et dans ce domaine, les évangéliques peuvent apprendre des échecs de leurs prédécesseurs, en gardant nos ambitions missionnaires à leur juste place et en encourageant la consécration de notre famille à Dieu par un service désintéressé.

Joey Cochran est le mari de Kendall et le père de Chloe, Asher, Adalie et Clara. Il est actuellement professeur invité au Wheaton College et à la Trinity Evangelical Divinity School et coordonne les médias sociaux pour la Conference on Faith and History .

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L’apocalypse des baptistes du Sud

Une vaste enquête dévoile la résistance de la plus grande dénomination protestante des États-Unis à la prise en compte des agressions sexuelles.

Christianity Today May 25, 2022
Courtesy of Baptist Press / Edits by Mallory Rentsch

Ils avaient raison : j’avais tort de qualifier de crise la question des agressions sexuelles au sein de la Convention baptiste du Sud (SBC, pour Southern Baptist Convention). « Crise » est un mot trop faible. C’est une apocalypse.

Il y a quelques semaines, quelqu’un m’a demandé ce que j’attendais de l’enquête menée par une organisation externe sur la gestion des agressions sexuelles par le Comité exécutif de la Convention baptiste du Sud. J’ai répondu que je ne m’attendais pas du tout à être surpris. Comment aurais-je pu l’être ? J’ai vécu des années au sein de cette entité. J’étais l’un des premiers à demander qu’une telle enquête ait lieu.

Et pourtant, en lisant le rapport, je peinais à faire avancer l’écran d’une page à l’autre tant mes mains tremblaient de rage. Aussi sombre que soit l’image que j’avais du Comité exécutif de la Convention, l’enquête révèle une réalité bien plus funeste et systémique que je ne l’imaginais.

Les conclusions du rapport sont si massives qu’elles défient presque tout résumé. Elles corroborent et détaillent les accusations de mensonge, d’obstruction et d’intimidation des victimes et de ceux qui réclamaient des réformes. Il comprend des conversations écrites entre des membres du Comité exécutif et leurs avocats qui témoignent d’une inhumanité que l’on aurait difficilement pu imaginer pour des méchants d’une série policière télévisée. Il documente des dissimulations impitoyables de la part de certains dirigeants de la Convention et des allégations crédibles de comportement sexuellement prédateur de la part de certains dirigeants eux-mêmes, y compris l’ancien président de la Convention Johnny Hunt (qui était l’une des seules figures de la SBC qui semblait être respectée au-delà de tous les clivages habituels).

Puis vient le mauvais traitement documenté d’une victime d’agressions sexuelles par le Comité exécutif. Son histoire fut modifiée pour faire croire qu’il s’agissait d’une « liaison » consentie, entraînant, comme le montre le rapport, des années de souffrance pour elle.

Pendant des années, les dirigeants du Comité exécutif ont affirmé qu’une base de données destinée à empêcher les prédateurs sexuels de passer discrètement d’une Église à l’autre, vers une nouvelle série de victimes, avait fait l’objet d’une enquête approfondie et avait été jugée juridiquement impossible, compte tenu de l’autonomie des Églises baptistes. Je suis resté bouche bée lorsque j’ai lu la preuve documentée dans le rapport que ces mêmes personnes savaient non seulement comment créer une base de données, mais qu’elles en avaient déjà une.

Des allégations de violences et d’agressions sexuelles ont été archivées, conclut le rapport, dans un dossier secret au siège de la Convention baptiste à Nashville. Il contenait plus de 700 cas. Non seulement rien n’a été fait pour empêcher ces prédateurs de poursuivre leurs crimes abominables, mais des membres du personnel auraient reçu l’ordre de ne pas engager le dialogue avec les personnes qui demandaient comment éviter que leur enfant ne soit agressé sexuellement par un pasteur. Plutôt que d’établir une base de données pour protéger les victimes d’agressions sexuelles, le rapport révèle que c’est pour se protéger eux-mêmes que ces dirigeants en avaient établi une.

Ceux-là mêmes qui m’ont reproché, ainsi qu’à d’autres, d’utiliser le mot « crise » en référence aux problèmes d’agressions sexuelles parmi les baptistes du Sud, non seulement savaient qu’il y avait une telle crise, mais la documentaient discrètement, tout en disant à ceux qui luttaient pour la réforme que de tels crimes se produisaient rarement chez « des gens comme nous ». Lorsque je lis les allers-retours entre certains de ces présidents, leur personnel de premier plan et leurs avocats, je ne peux m’empêcher de me demander comment y voir autre chose qu’une conspiration criminelle.

La véritable horreur de tout cela n’est pas seulement ce qui a été fait, mais aussi les moyens employés. Deux valeurs absolument fondamentales des baptistes du Sud — la fidélité à l’Écriture et la coopération pour la mission — ont été utilisées contre les victimes.

Ceux qui n’évoluent pas dans l’univers de la SBC ne peuvent pas imaginer la force de la mythologie du Café du Monde : un endroit dans le quartier français de La Nouvelle-Orléans où en 1967, autour de beignets et de café, deux hommes, Paige Patterson et Paul Pressler, esquissèrent sur une serviette de table comment la Convention pourrait revenir à un engagement envers la vérité biblique et à la fidélité à ses documents confessionnels.

Pour les baptistes du Sud d’un certain âge, cette histoire est l’équivalent de celle de la porte de l’église de Wittenberg pour les luthériens ou de la rue Aldersgate pour les méthodistes. La Convention avait été sauvée du libéralisme par le courage de ces deux hommes qui étaient prêts à faire face, croyions-nous. De fait, j’ai même enseigné cette histoire à mes étudiants.

Ces deux leaders mythiques sont maintenant tombés en disgrâce. L’un d’eux a été licencié après avoir été accusé d’avoir mal géré le signalement d’une victime de viol dans une institution qu’il dirigeait, ainsi qu’après des commentaires publics sur l’apparence d’une adolescente et certains conseils qu’il prodiguait à des femmes victimes de violences physiques de la part de leur mari. L’autre fait actuellement l’objet d’une procédure civile concernant des allégations de viols de jeunes hommes.

On nous a raconté qu’ils voulaient préserver la foi biblique d’antan. Ce qu’ils voulaient, c’était triompher de leurs adversaires et créer des vitraux à leur gloire, peu importe qui était blessé en cours de route.

Qui ne voit pas aujourd’hui la corruption d’une culture qui se mobilise pour exiler les Églises qui appellent « pasteur » une femme membre de leur personnel ou qui invitent une femme à parler en chaire le jour de la fête des Mères, mais qui considère le viol et la maltraitance comme des « distractions » et les efforts pour y remédier comme des violations de la si précieuse autonomie des Églises ? À l’heure actuelle, dans certains secteurs de la Convention, les femmes qui portent des leggings font l’objet de houleux débats sur les réseaux sociaux ; s’occuper du viol dans l’Église, par contre, serait se détourner de l’essentiel.

La plupart des personnes qui fréquentent ces assemblées croient en la Bible et veulent soutenir des responsables qui y croient aussi. Ils ne savaient pas que certains utiliseraient la vérité de l’Écriture pour s’envelopper de mensonges.

L’autre valeur fondamentale est celle de la mission. À mes propres étudiants, à mes propres enfants, j’ai répété exactement ce qu’on m’a dit : que le programme de coopération de la Convention est la plus grande stratégie de financement des missions de l’histoire de l’Église. Tous ceux d’entre nous qui ont grandi dans des Églises baptistes du Sud révèrent la pionnière missionnaire Lottie Moon. (J’ai même en face de moi un buste en bronze d’elle au moment où j’écris ces lignes.) Certaines des personnes les plus généreuses, humbles et douées que je connaisse sont des missionnaires baptistes du Sud.

Et pourtant, l’excellente contribution des baptistes du Sud à la mission et à la coopération a souvent été utilisée comme une arme contre les victimes, de la même manière que la « grâce » ou le « pardon » l’ont été dans d’innombrables contextes pour rendre les victimes responsables de leurs agressions. Le rapport lui-même documente la manière dont ont été utilisés les arguments selon lesquels les « victimes professionnelles » et ceux qui les soutiennent seraient un outil du Diable pour « détourner » les chrétiens de la mission.

Ceux qui réclamaient une réforme se voyaient dire que cela risquait de pousser certaines Églises à refuser de financer le programme de coopération et donc de conduire au retrait de missionnaires sur le terrain. Ceux qui ont dénoncé l’ampleur du problème — notamment Christa Brown et l’armée de rescapés infatigables qui se sont joints à ce travail — ont été traités de fous et de mécontents qui voulaient simplement tout brûler. Il est déjà assez grave que ces victimes aient subi une guerre psychologique et un harcèlement juridique. Mais ils ont également été isolés en laissant entendre que s’ils continuaient à se concentrer sur les agressions sexuelles les gens n’entendraient pas l’Évangile et iraient en enfer.

La coopération est un idéal bon et biblique, mais la coopération ne consiste pas simplement à « protéger la base ». Ceux qui utilisent de telles expressions savent ce qu’ils veulent dire. Ils savent que celui qui s’écarte de la ligne traditionnelle de la Convention sera vite considéré comme un libéral, un marxiste ou un féministe. Ils savent que les personnes les plus mesquines se mobiliseront contre lui et que les « bons » se tairont. Mais ce n’est rien, rien du tout, comparé à ce qu’endurent les victimes d’agressions sexuelles — y compris les enfants — qui elles n’ont pas de « base ».

Lorsque ma femme et moi sommes sortis de la dernière réunion du Comité exécutif de la Convention à laquelle nous avons assisté, elle m’a regardé et m’a dit : « Je t’aime, je suis avec toi jusqu’à la fin, et tu peux faire ce que tu veux, mais si tu es toujours un baptiste du Sud d’ici l’été, tu vivras un mariage interconfessionnel ». Ma femme n’a pas l’habitude de poser des ultimatums. C’était même le premier que j’ai entendu de sa bouche. Mais elle avait vu et entendu trop de choses. Et moi aussi.

Je ne peux pas imaginer la colère que ressentent en ce moment ceux qui ont survécu à des agressions sexuelles commises dans une Église. Je ne connais que la colère de celui qui ne s’attendait pas à dire autre chose que « nous » en parlant de la Convention baptiste du Sud, et qui ne pourra plus jamais le faire. Je ne connais que la colère de celui qui aime les gens qui lui ont parlé de Jésus pour la première fois, mais qui ne peut pas croire que c’est ce qu’ils attendaient qu’il fasse, ce qu’ils attendaient qu’il soit. Je ne connais que la colère de celui qui se demande, en lisant ce qui s’est passé au septième étage de ce siège des baptistes du Sud, combien d’enfants ont été violés, combien de personnes ont été agressées, combien de cris ont été étouffés, tandis que nous nous vantions que personne ne pouvait atteindre le monde pour Jésus comme nous le pouvions.

Il y a là plus qu’une crise. C’est même plus qu’un crime. C’est un blasphème. Pour quiconque se soucie du ciel, il y a bien de quoi fulminer.

Russell Moore dirige le programme de théologie publique de Christianity Today.

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L’Évangile n’oblige pas à ce que notre porte soit toujours ouverte

Le pouvoir de l’hospitalité introvertie dans un univers fasciné par l’extraversion.

Christianity Today May 25, 2022
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Panuwat Dangsungnoen / the_burtons / Getty

En tant que chrétienne introvertie et femme de pasteur, l’exhortation biblique à exercer l’hospitalité et l’interprétation de cet appel dans ma culture constituent peut-être un de mes plus grands défis.

Dans mon contexte, les discours chrétiens populaires sur l’hospitalité sont souvent centrés sur les femmes, en particulier les femmes au foyer, et mettent en avant des comportements nettement extravertis tels que l’invitation active de voisins et d’étrangers, la préparation de repas pour une foule, une politique de la porte ouverte constate et l’acceptation du bruit et du désordre.

Bien que j’aie bénéficié et tiré d’utiles interpellations de ces réflexions, elles me donnent souvent l’impression de vouloir établir des normes impossibles à atteindre, que je ne pourrai jamais respecter.

Je me souviens alors que Jésus n’avait pas de maison sur terre où inviter les autres. Lorsqu’il s’est assis avec la femme au bord du puits ou qu’il a traversé la mer pour délivrer un homme de ses démons, il n’était pas en train d’essayer d’attirer les foules pour une fête de quartier. Parfois, personne ne pouvait le trouver — il était seul, affichant de suspectes tendances à l’introversion.

Et pourtant, il incarnait l’hospitalité — le mot grec évoquant l’amour de l’étranger — dans tout ce qu’il faisait, pour tous ceux qu’il rencontrait.

Dans Les trois mouvements de la vie spirituelle, Henri Nouwen écrit que le terme hospitalité « ne doit pas être limité à son sens littéral d’accueil d’un étranger chez soi — bien qu’il soit important de ne jamais l’oublier ou le négliger — mais désigne une attitude fondamentale envers notre prochain, qui peut s’exprimer de manières très diverses ».

Lorsque nous pensons à Jésus, le concept d’hospitalité sort de son carcan et se révèle pour ce qu’il est vraiment : des yeux pour voir les marginaux et les solitaires, un cœur pour embrasser ceux qui souffrent, la capacité d’offrir une présence calme et aimante dans un monde sans cesse en train de courir. Et il y a là quelque chose que nous pouvons et devons cultiver en tant que croyants, quels que soient notre personnalité et notre tempérament.

Être introverti ne me dispense pas de suivre le Christ en aimant mon prochain, mais cela ne signifie pas non plus que je doive aimer les autres comme le font les extravertis. L’Évangile n’oblige pas à ce que notre porte soit toujours ouverte : ce sont avant tout nos cœurs qui doivent l’être.

L’idéal de l’hospitalité extravertie

Dans son livre La force des discrets. Le pouvoir des introvertis dans un monde trop bavard, Susan Cain retrace les origines de l’idéal de l’extraversion à travers l’histoire et dans de nombreuses cultures.

Dans bien des cultures, nous en sommes venus à considérer le moi idéal comme grégaire, énergique, orienté vers l’action et s’épanouissant au milieu des gens. « L’introversion — tout comme ses cousins, la sensibilité, le sérieux et la réserve — est désormais un trait de personnalité de deuxième classe », écrit-elle.

Les discussions sur l’hospitalité chrétienne s’orientent généralement vers ces mêmes idéaux d’extraversion. Par exemple, The Turquoise Table (« La table turquoise »), de Kristin Schell, a déclenché aux États-Unis un mouvement national consistant à placer une table de pique-nique devant la maison pour créer des liens avec les voisins et les étrangers. D’autres livres ou articles suggèrent d’organiser fréquemment des repas et d’adresser une invitation permanente à tous les enfants du voisinage.

Des auteurs plus introvertis, tels que Rosaria Butterfield, qui a écrit The Gospel Comes with a House Key (« L’Évangile vient avec une clé de la maison »), reconnaissent que les introvertis peuvent avoir besoin de « se préparer au [ministère] différemment des autres », mais plaident tout de même pour les mêmes styles de vie extravertis faits de repas nocturnes avec la communauté, de fêtes de quartier et d’accueil régulier de familles en difficulté.

Il ne s’agit pas de dire que ces actes « radicalement ordinaires » ne sont pas louables : ils le sont, immensément. Mais tout cela semble suggérer que la seule façon de faire fidèlement preuve d’hospitalité est de transformer nos maisons en une sorte de communauté chrétienne, ou au moins de soutenir activement ceux qui le font.

Pour notre famille entièrement composée d’introvertis, une brève expérience consistant à inviter des paroissiens chez nous chaque semaine a échoué de manière spectaculaire. À quoi pourrait ressembler une vie d’hospitalité radicale et ordinaire pour nous ? Pour une personne comme moi, qui souffre de symptômes physiques lorsqu’elle est soumise à une interaction sociale prolongée, la seule réponse est-elle de m’astreindre médiocrement à un style de vie extraverti tout en m’accordant plus de temps de récupération ?

Le pouvoir de l’hospitalité introvertie

Dans une interview, Rosaria Butterfield décrit ainsi ses voisins Ken et Floy Smith, qui ont contribué à l’amener à la foi et à inspirer sa propre vision de l’hospitalité : « Chez eux, la porte était grande ouverte. Il y avait toujours des gens qui entraient et sortaient de la maison — des gens de l’Église et des gens qui n’étaient pas de l’Église. » Ken, pasteur, accueillait chaleureusement tous ceux qui se présentaient.

C’est l’hospitalité extravertie dans ce qu’elle a de meilleur et de plus beau. Mais je pense qu’elle ne convient pas à tout le monde et n’est pas la seule solution.

En contraste, je me remémore mon amie Rebekah. Lorsque j’étais à l’université, j’ai pris une année sabbatique pour vivre et servir dans un orphelinat en Corée du Sud. Les premiers mois ont été parmi les plus difficiles de ma vie, car je luttais avec la solitude et la dépression.

Pendant cette période, j’avais une amie à Séoul, Rebekah, à qui je rendais visite de temps en temps. Dans son petit appartement, je m’asseyais sur le canapé jaune et regardais par la fenêtre pendant qu’elle bricolait dans la pièce voisine. Parfois, elle mettait de la musique douce. Nous nous promenions ensemble dans le magnifique automne coréen et engagions de profondes discussions autour d’un thé dans les cafés. Nous lisions des livres, regardions des films et mangions ensemble. Son amitié tranquille était un baume pour mon âme.

Rebekah et moi sommes toutes deux introverties. Si elle avait ouvert sa maison à un flot constant d’interruptions et invité plus de 10 de ses amis à chacune de mes visites, son hospitalité aurait rapidement perdu sa profondeur, sa force et son intimité. Sa porte n’était pas ouverte à tout vent, et cela a amplifié sa capacité à être hospitalière envers moi de la manière dont j’avais besoin à ce moment-là. Elle m’a montré comment, des rythmes tranquilles et ordonnés de la solitude, peut jaillir une vie d’amour.

En nous souvenant d’amis comme Rebekah, mon mari et moi avons appris à accepter notre propre introversion dans notre manière d’exercer l’hospitalité et notre ministère. Au lieu de nous forcer à organiser de grands repas hebdomadaires, nous entretenons des relations en dehors de la maison et essentiellement pendant la journée.

Chaque mois, nous demandons à Dieu vers qui il pourrait nous conduire, puis nous cherchons à nouer des amitiés spirituelles dans des endroits tels que des sentiers dans la nature, des cafés ou un coin tranquille de l’Église. Et nous apprécions vraiment ces moments avec de précieux amis, nouveaux et anciens.

Lorsque nous recevons des gens, nous le faisons de manière planifiée, intentionnelle et décontractée, et généralement en petit comité. Nous trouvons un équilibre entre le temps passé seuls et le temps passé en famille, en veillant à optimiser notre emploi du temps tout en restant flexibles. Notre porte n’est pas toujours ouverte, mais nos voisins et amis savent que nous sommes là pour eux de tout notre cœur quand ils ont besoin de nous.

L’introversion n’est pas un handicap malheureux faisant obstacle aux idéaux d’hospitalité extravertis de notre culture. Elle ouvre la voie à une forme d’hospitalité qui a sa propre force spécifique. En tant qu’introvertis, nous donnons en profondeur ce qui nous manque en largeur. Nous rencontrons l’homme seul de l’autre côté de la mer et la femme au bord du puits, plutôt que les milliers de personnes sur le flanc de la colline ou les foules qui démontent le toit.

Nous sommes conscients de la façon dont Dieu nous a créés et nous n’avons pas honte de notre besoin de solitude. Notre solitude n’est pas seulement vivifiante pour nous, elle déborde sur la vie du monde. Notre type d’hospitalité est vital pour la santé de l’Église.

Un appel collectif et une hospitalité mobile

Nous faisons souvent de l’hospitalité un appel très individualiste. Mais l’Église est appelée à pratiquer l’hospitalité ensemble. Nous avons besoin d’extravertis, d’introvertis et de tous ceux qui se trouvent entre les deux.

Peut-être, comme moi, ne seriez-vous pas le meilleur candidat pour l’équipe d’accueil de l’Église. Peut-être avez-vous du mal à inviter vos voisins. Mais peut-être êtes-vous un bon gestionnaire, capable d’organiser des événements qui rassemblent les autres. Peut-être êtes-vous un artiste, créant de la beauté qui répond aux aspirations de nos cœurs.

Peut-être êtes-vous doué pour l’écoute, vous ouvrant aux interruptions de vos collègues comme autant d’occasions de faire preuve de compassion. Vous êtes peut-être enseignant, offrant à vos étudiants un espace où ils peuvent non seulement apprendre, mais aussi être entendus et aimés. Peut-être mettez-vous un point d’honneur à toujours vous arrêter pour parler au sans-abri que vous croisez dans la rue.

Quels que soient votre tempérament, votre vocation et vos dons, nous avons tous besoin d’une vision plus large de l’hospitalité, qui s’étende au-delà des murs de nos maisons. Nous avons besoin d’une vision de l’hospitalité qui ressemble davantage à Jésus.

Lorsque nous nous libérons des visions de l’hospitalité véhiculées par les autres, nous pouvons découvrir nos propres façons de bénir ceux qui nous entourent. Et nous pouvons commencer à porter un cœur hospitalier partout où nous allons.

Je n’oublierai jamais ce jour où nous étions assis en famille ensemble dans une chambre d’hôtel un matin de vacances, lorsque la femme de ménage est entrée pour nettoyer. Tout en faisant les lits, elle manifestait une attitude désagréable à notre égard et je sentais que mon propre cœur commençait à bouillonner. Ma belle-mère, une introvertie, observait tranquillement depuis un coin.

Tout à coup, ma belle-mère s’est levée, a pris l’autre côté du drap et a dit à la femme de ménage avec un sourire : « Laissez-moi vous aider ». La femme en est restée bouche bée, tout comme moi. C’était un cœur hospitalier en action, et il était désarmant par sa force et sa beauté.

Jésus a promis que lorsque nous l’aimons et lui obéissons, il fait sa demeure en nous (Jean 14.23). C’est dans ce foyer-là, avant tout, que nous voulons inviter les autres lorsque nous allons à leur rencontre dans un esprit de générosité, d’accueil et de bienveillance. La maison du Seigneur sur terre ressemble plus à une tente mobile qu’à une demeure fixe. Elle est en nous où que nous soyons, et il est le tendre hôte de tous ceux qui y entrent.

Loué soit Dieu pour son Église, pour toutes les multiples façons dont il manifeste son hospitalité envers un monde hostile et esseulé. Grâce lui soit rendue pour la longue table de son grand festin, auquel nous pouvons goûter dès maintenant, que ce soit dans une maison animée de notre banlieue ou dans un appartement tranquille de Séoul.

Sara Kyoungah White est rédactrice en chef pour le Mouvement de Lausanne. Elle est titulaire d’un Bachelor of Arts de la Cornell University et a travaillé comme rédactrice, journaliste et autrice indépendante. Elle vit à Grand Rapids, dans l’État américain du Michigan, avec son mari, Brian, et ses deux enfants.

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Notre engagement « pro-vie » ne devrait pas être limité par des loyautés tribales

En tant que chrétiens, nous ne devons pas laisser nos alliés politiques restreindre notre définition de notre prochain.

Christianity Today May 20, 2022
The Washington Post / Contributor / Getty Images

Cet article a été adapté de la lettre de nouvelles de Russell Moore (en anglais).

Selon toute vraisemblance, la Cour suprême des États-Unis s’apprête à invalider l’arrêt Roe v. Wade qui, depuis 1973, consacre l’avortement légal comme un droit constitutionnel dans tout le pays. Comme on pouvait s’y attendre, cette décision n’est pas bien accueillie par les partisans de ce texte (soit une grande partie du pays, selon la plupart des sondages).

Certains suggèrent qu’il s’agit de la manifestation d’une sorte de théocratie douce — que les opposants à l’avortement, dits « pro-vie » imposent maintenant leurs vues religieuses au reste du pays. Pour d’autres, le problème n’est pas que les Américains pro-vie sont trop préoccupés par l’avortement, mais que ce débat n’est qu’un symptôme de problèmes plus profonds encore : le suprémacisme blanc et le nationalisme chrétien.

Le premier argument remonte presque à l’époque de l’arrêt de 1973 : l’idée est que la plupart des personnes qui s’opposent à l’avortement le font en raison d’un engagement religieux. Bien sûr, on peut trouver ici ou là un opposant athée à l’avortement, mais la plupart des personnes présentes à la « Marche pour la Vie » qui a lieu chaque année à Washington ou qui travaillent dans les centres de crise pour femmes enceintes que l’on trouve partout dans le pays sont des catholiques romains, des protestants évangéliques ou, parfois, des juifs orthodoxes.

S’opposer à l’avortement légal reviendrait donc à imposer une certaine position religieuse à d’autres personnes, et donc à violer la liberté religieuse de ceux qui ne croient pas que le fœtus est une personne humaine.

Cela serait vrai, bien sûr, si ce que l’on cherchait à faire était d’imposer un dogme religieux. C’est pourquoi je suis opposé, par exemple, à ce que les enseignants des écoles publiques fassent une invitation ouverte à recevoir l’Évangile à la fin d’une période de cours ou à ce que des conseils municipaux affirment que la Trinité est la vérité. Une religion ne peut et ne doit pas être imposée.

Je crois en la liberté religieuse pour tous — juifs, musulmans, wiccans, athées, frères et sœurs chrétiens évangéliques, etc. — parce que je crois aux principes fondateurs de ce pays. Mais j’y crois aussi parce que je crois, sur la base de la révélation biblique, que l’Évangile doit être reçu par la foi, et non par la force.

Je me soucie de ne pas contraindre les gens à accepter mes doctrines religieuses, non seulement parce que je pense que ce serait mauvais pour la société, mais aussi parce que je pense que cela fausse l’Évangile et nuit à l’Église. Mais cela ne signifie pas que les motivations religieuses ne doivent pas influencer les préoccupations des chrétiens, ou d’autres personnes.

Il y a aujourd’hui toutes sortes de causes dont on peut se préoccuper. La question est toujours de savoir pourquoi quelqu’un est motivé à prêter attention à l’une ou à l’autre. Dans ma région, le travail avec les réfugiés afghans pour les aider à se réinstaller, à trouver du travail et à subvenir aux besoins de leur famille est effectué par des personnes qui ont de multiples raisons de se mobiliser.

L’un sera peut-être, comme moi, un chrétien évangélique qui croit qu’il doit se soucier des personnes qui se trouvent en situation de vulnérabilité, parce que sa propre histoire en Christ passe par des ancêtres qui ont dû fuir loin de Pharaon ou d’Hérode. Une autre personne se soucie peut-être de ces réfugiés parce qu’elle a été elle-même réfugiée de Cuba il y a une génération et se sent proche de ceux qui souffrent de cette manière.

Un autre peut être un vétéran de la guerre d’Afghanistan qui a vu l’humanité des Afghans souffrant sous le régime des taliban et veut donc les aider. Un autre encore condamne la politique du président Joe Biden et est motivé par le fait qu’il rend l’administration qui s’est retirée d’Afghanistan responsable de cette souffrance.

Chacun d’entre nous sert les réfugiés pour des motifs très différentes, que nous ne partageons souvent pas entre nous. Et les motifs qui nous animent ne disent pas nécessairement si l’action en elle-même est bonne ou mauvaise.

Dans certains endroits, des lois sont élaborées pour sanctionner les sans-abri qui dorment dans les parcs publics. La personne qui s’oppose à cela parce qu’elle se rend compte qu’elle ne peut pas maltraiter les sans-abri alors que Jésus lui-même était sans abri impose-t-elle sa religion à tous les autres ? Non. Elle vous dit simplement pourquoi elle est motivée à se préoccuper de certains êtres humains.

Sa religion lui dicte ses responsabilités envers son voisin sans-abri, et le fait de considérer ces personnes comme des êtres humains n’est pas un enseignement spécifiquement religieux. Le fait que le Coran dise aux musulmans de se soucier des pauvres ne transforme pas les refuges pour sans-abri en émanation de la charia. Que la Bible demande aux chrétiens de prendre soin des « veuves et des orphelins dans leur détresse » (Jacques 1.27) ne transforme pas les réseaux de familles d’accueil en un marqueur de théocratie.

La deuxième accusation souvent portée, à savoir que l’enjeu du mouvement pro-vie est en fait la suprématie blanche, paraît plausible à beaucoup de gens à l’heure actuelle. De terribles réalités se sont manifestées dans l’Église et dans le monde au cours des dernières années, sur lesquelles j’ai écrit à plusieurs reprises.

Le nationalisme chrétien est une réalité. C’est une menace pour le témoignage de l’Église, et une répudiation de l’Évangile de Jésus-Christ. Et, en effet, nous avons parfois vu des aspects du discours pro-vie repris par des personnes dont les points de vue — sur les femmes, les réfugiés, les personnes handicapées et autres catégories vulnérables de la population — ne reflètent en aucune façon une vision « pro-vie » holistique, intègre et cohérente.

Dans son livre Bad Faith : Race and the Rise of the Religious Right (« Mauvaise foi : race et émergence de la droite religieuse »), l’historien Randall Balmer repousse l’idée que l’arrêt Roe v. Wade concernant l’avortement soit à l’origine de l’engagement des évangéliques dans l’action politique, la décrivant comme un mythe. Balmer affirme que le facteur déterminant était, en fait, la réaction des conservateurs religieux aux initiatives de l’administration visant à supprimer les exonérations fiscales accordées à des écoles privées perpétuant la ségrégation raciale et gérées par des groupes religieux.

Balmer n’est pas le seul à défendre cette thèse.

Il y a près de 30 ans, l’historien Godfrey Hodgson citait le pasteur Ed Dobson, un fidèle collaborateur du chef de file évangélique Jerry Falwell père, affirmant : « La nouvelle droite religieuse n’est pas née d’une préoccupation pour l’avortement. J’étais assis dans l’arrière-salle sans fumée de la Majorité morale, et je ne me souviens franchement pas que l’avortement ait jamais été mentionné comme une raison pour laquelle nous devrions faire quelque chose. »

Au cours des dernières années, beaucoup de choses ont été révélées. Nous avons vu de nombreux leaders chrétiens défendre des causes morales qui, par la suite, ont semblé leur importer moins que le pouvoir qu’ils pouvaient retirer de leur défense. Cela peut être déstabilisant.

Vous avez peut-être déjà entendu un pasteur prêcher sur l’évangélisation avant de vous rendre compte qu’il ne cherchait en fait qu’à engranger des chiffres pour son empire personnel. Mais cette utilisation cynique du mandat missionnaire donné par Jésus signifie-t-elle que le mandat missionnaire est un mensonge ?

Utiliser l’appel à l’évangélisation est astucieux précisément parce que l’on exploite quelque chose de vrai à des fins mensongères. Cela ne signifie pas que tous ceux qui témoignent de porte à porte ou ont le courage de parler de la foi avec leurs voisins sont motivés par l’ego et le pouvoir.

Même du point de vue le plus cynique, la question n’est pas de savoir si certains dirigeants ont utilisé l’avortement alors que leurs véritables objectifs étaient plutôt des choses incompatibles et immorales. La question est, si tel était le cas, pourquoi mettre l’accent sur l’avortement ? Pourquoi ne pas simplement mobiliser les gens pour protéger la ségrégation ? On ne peut mobiliser les gens qu’avec quelque chose qui les intéresse vraiment.

Si l’on va au-delà des détenteurs du pouvoir et des politiciens, on découvre d’innombrables petits ministères pro-vie dans tout le pays, où les gens croient sincèrement qu’il faut s’occuper de la souffrance de leur prochain : l’enfant à naître qui risque de mourir, la femme enceinte exposée à la violence ou à la pauvreté, ou l’enfant né qui a besoin de nourriture ou d’un foyer.

Y a-t-il des personnes qui utilisent l’opposition à l’avortement comme une simple arme pour pousser d’autres à soutenir des candidats ou des politiques par ailleurs répréhensibles ? Oui. Existe-t-il des employeurs favorables à l’avortement qui font pression sur les femmes parce qu’ils refusent d’apporter le soutien et les avantages nécessaires aux femmes ayant de jeunes enfants ? Bien sûr. Est-ce que l’un ou l’autre cas disqualifie la question centrale ? Non. Il y a aussi des gens qui ne soutiennent la démocratie que parce que c’est la manière dont ils peuvent obtenir des voix pour occuper un poste. Cela ne signifie pas pour autant que la démocratie se résume à cela.

Ne laissez pas vos alliés déterminer qui est votre prochain.

Un jour, alors que j’organisais un événement sur la dignité humaine, du sein maternel à la tombe, quelqu’un m’a dit qu’il participerait, mais seulement si je promettais de ne pas mentionner les questions de race, de réfugiés ou d’enfants migrants. Pour lui, « pro-vie » ne s’appliquait qu’à l’avortement.

J’ai demandé si nous pouvions aussi parler d’adoption et de famille d’accueil. Il était d’accord. J’ai demandé si nous pouvions parler de l’injustice de l’euthanasie. Il a dit oui. De l’exploitation sexuelle des femmes et des jeunes filles ? Oui. Du génie génétique et d’autres questions de bioéthique ? Oui. J’ai finalement compris qu’il ne voulait pas que l’on parle de race, de migrants ou de réfugiés, car cela lui causerait des problèmes avec ses alliés politiques.

On me poussait donc à rendre certaines personnes invisibles parce que la reconnaissance de leur présence aurait été gênante pour quelqu’un qui avait du pouvoir. Mais pour moi, cela ressemblait trait pour trait à la culture qui promeut l’avortement, et j’ai refusé d’éviter de parler de ces personnes « gênantes ».

J’ai aussi vu ce phénomène à l’œuvre dans l’autre sens. Des personnes travaillent assidûment sur les questions relatives aux migrants, aux réfugiés, aux victimes de la traite des êtres humains ou aux pauvres, mais sont embarrassées lorsque l’on mentionne les enfants à naître — non pas parce qu’elles ne croient pas que les enfants à naître sont des personnes qui méritent d’être protégées, mais parce que prendre position sur ce sujet les associerait à des personnes qu’elles n’aiment pas ou ne respectent pas.

Dans un sens ou dans un autre, Jésus nous a dit que définir notre prochain en fonction des attentes de notre clan ne peut mener à rien de bon. C’est pour cette raison qu’il a choisi un Samaritain comme prochain dans sa parabole sur l’homme au bord de la route de Jéricho. C’est aussi pour cela que Jésus ne s’est pas soucié du fait que ses compatriotes juifs pensaient qu’il ne devait pas parler à Zachée parce qu’il était un collecteur d’impôts collaborant avec Rome (Luc 19.1-10). Jésus s’est soucié de Zachée, non de son statut dans son groupe social.

Et nous devrions faire de même.

Si les enfants à naître sont faits à l’image de Dieu, et je crois qu’ils le sont, prenons soin d’eux. Si les femmes sont à l’image de Dieu, et je crois qu’elles le sont, prenons soin d’elles. Si le suprémacisme blanc et le nationalisme chrétien sont le fait du diable — et je crois qu’ils le sont — opposons-nous à eux.

Soyons pro-vie même si cela met mal à l’aise certains de nos alliés dans d’autre causes de justice sociale et sachons nous engager dans ces autres causes, même si cela met mal à l’aise certains de nos alliés pro-vie. Et chaque fois que notre groupe nous dira que le prix de notre admission est de rendre une autre catégorie de personnes invisible à nos yeux, sachons affirmer que ce prix est trop élevé.

Russell Moore dirige le programme de théologie publique de Christianity Today.

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Christianity Today May 20, 2022

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Christianity Today May 20, 2022

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Books

Avortement : servir au milieu de la tempête

Alors qu’une fuite de la Cour suprême américaine relance le débat sur l’IVG, des associations chrétiennes tentent de se concentrer sur les besoins des femmes qui se préparent à accueillir un bébé.

Christianity Today May 17, 2022
Courtesy of Care Net

Penni Hill ne s’attendait pas à ce que le First Step Pregnancy Resource Center de Bangor, dans l’État américain du Maine, devienne la cible de manifestants opposés à l’avortement. En effet, ce centre d’aide à la grossesse est une alternative « pro-vie » à une clinique d’avortement, aidant les femmes à faire le choix de mener leur grossesse à terme.

Mais quelques jours après la révélation d’un projet de décision de la Cour suprême des États-Unis annulant l’arrêt Roe v. Wade, qui avait instauré en 1973 un droit à l’avortement dans l’ensemble du pays, le centre a reçu des appels téléphoniques de personnes leur criant que l’avortement est un meurtre. Alors que la température du débat monte en flèche, certaines personnes en colère ne savent plus qui est de quel côté. C’est dans ce contexte que la directrice du centre d’aide à la grossesse a découvert que le panneau du centre et son support sur la porte d’entrée avaient été arrachés.

« Nous n’avons jamais rien eu de tel ici », déclare Penni Hill, dont le centre entretient de suffisamment bonnes relations avec le service de santé local pour que celui-ci lui envoie des participants pour des cours sur la parentalité. « La ville était en ébullition ».

Dans le Maine, même si l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade est adoptée, les avortements resteraient légaux jusqu’à la date de viabilité légale de l’enfant, soit 24 semaines. Penni Hill a été interrogée par les médias locaux de Bangor, en contrepoint aux reportages sur les manifestants qui défendent le droit à l’avortement.

Cependant, elle et d’autres responsables de centres d’aide à la grossesse, tant dans les États républicains que dans les États démocrates, affirment que les femmes dont ils s’occupent n’abordent pas du tout cette actualité.

« Je ne sais pas si nos patientes savent ce qui se passe », dit Hill. « Si elles sont confrontées à une grossesse non planifiée, elles ne font peut-être pas attention aux actualités ».

Pour les femmes qui envisagent d’accueillir un enfant non attendu, il y a des préoccupations plus pressantes, comme la pénurie nationale de lait maternisé. Melanie Miller, directrice générale du centre d’aide à la grossesse d’Ashland, dans l’Ohio, rapportait le 5 mai que son centre avait organisé une distribution de lait maternisé et qu’une mère était arrivée en sanglots parce qu’elle n’avait pu en trouver nulle part.

Dans le pays, les centres d’aide à la grossesse — des organisations confessionnelles pro-vie qui offrent des services allant du conseil de base aux soins médicaux complets pour les femmes confrontées à une grossesse non planifiée ou à d’autres besoins comme le dépistage des IST — se retrouvent au milieu d’une situation chaotique. La nouvelle selon laquelle la Cour suprême pourrait annuler la décision de 1973 les laisse plus tendus que triomphants.

Ils avaient anticipé une éventuelle décision en juin, mais n’étaient pas préparés à vivre cette agitation politique sans une décision effective.

Depuis la révélation du projet de décision, certains centres pour femmes enceintes ont été la cible d’actes de vandalisme. Deux jours après, quelqu’un cassait les fenêtres du Southeast Portland Pregnancy Resource Center dans l’Oregon et peignait à la bombe une obscénité à propos des centres d’aide à la grossesse. Le centre, dont le personnel médical effectue des échographies et des tests de dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST), fait partie d’une organisation faîtière, First Image, qui propose également un accompagnement du deuil en cas de fausse couche ou périnatal, ou pour les femmes qui ont subi un avortement ou font le deuil d’un enfant adopté.

« Lorsque le monde s’échauffe, je crois que nous sommes appelés à nous concentrer sur le travail de rédemption », écrit le directeur général Luke Cirillo dans un billet de blog rapportant les déprédations subies par le centre.

Dans le Wisconsin, la police a signalé que quelqu’un avait mis le feu au bureau d’un groupe politique opposé à l’avortement, en écrivant dans un graffiti : « Si les avortements ne sont pas en sécurité, alors vous ne l’êtes pas non plus ».

Le 4 mai, le personnel se rendant au travail dans un autre centre d’assistance aux femmes enceintes, Care Net, à Frederick, dans l’État du Maryland, a découvert des graffitis recouvrant le bâtiment. On pouvait lire en rouge et noir : « Fausse clinique… stop à la maternité forcée… l’avortement est un droit humain ».

Si l’arrêt Roe v. Wade est annulé, le Maryland continuera à autoriser l’avortement jusqu’à la viabilité du fœtus, et au-delà si la vie ou la santé de la femme est mise en danger. Un donateur du centre, propriétaire d’une entreprise de construction, a fait recouvrir les graffitis en fin d’après-midi. À l’intérieur, le centre accueillait un programme de guérison pour les femmes ayant subi un avortement.

« C’est troublant et déconcertant », commente la directrice générale Linda King. « Nous sommes une vraie clinique, nous avons toutes les autorisations requises par l’État, notre médecin est un gynécologue-obstétricien agréé dans l’État du Maryland. »

Il n’est cependant pas toujours évident de savoir ce qui a précisément motivé une attaque. Linda King rapporte que la nuit précédant le vandalisme, une réunion animée du conseil d’éducation local débattait de la sensibilisation au dépistage des IST pour les collégiens et d’une vidéo scolaire indiquant aux adolescents de se rendre auprès des services de planification familiale pour se faire dépister. Un ancien membre du conseil d’administration du centre d’aide aux femmes enceintes s’est levé lors de la réunion pour dire que Care Net proposait également des tests gratuits de dépistage des IST. Linda King ne sait pas si le graffiti était lié à cette discussion locale ou à la révélation à propos de la Cour suprême, ou aux deux.

Care Net est en train d’installer plus de caméras de sécurité autour du bâtiment.

Une nouvelle génération de centres de soutien à la grossesse tente d’être moins politisée et de répondre aux divers besoins des femmes enceintes, pendant et après leur grossesse. La plupart des centres annoncent les services spécifiques qu’ils proposent et précisent qu’ils ne pratiquent pas d’avortement.

« Je pense que nous devons être francs et honnêtes dès le départ. Personne n’aime être trompé sur la marchandise », explique Savannah Marten, directrice générale du centre d’aide à la grossesse de Greater Toledo, dans l’Ohio.

La ville de New York, cependant, a mis en ligne sur le site de son département de la santé une section intitulée « Éviter les fausses cliniques », faisant référence aux centres d’aide à la grossesse, et des liens vers une « carte des fausses cliniques », qui inclut les plus inoffensifs des centres de conseil et de soutien confessionnels.

Anne O’Connor, vice-présidente des affaires juridiques de NIFLA, une organisation qui chapeaute plusieurs centres de grossesse, a indiqué qu’elle appelait les centres à renforcer leur sécurité.

À l’écart d’une volonté de célébrer et des médias sociaux

Bon nombre de centres pour femmes enceintes contactés par nos soins ont déclaré qu’ils étaient soumis à un interdit médiatique, soit de la part de leur organisation mère, soit de leur propre chef. Ils ne voulaient pas commenter une situation incertaine, ni devenir des cibles dans le débat.

Le centre de Greater Toledo, dans l’Ohio, avait préparé une déclaration en prévision d’une éventuelle annulation de Roe v. Wade par la Cour suprême. Mais ils ont décidé de ne rien publier en raison de l’incertitude entourant la fuite du projet de décision. Savannah Marten, la directrice générale, confie que les nouvelles et les discussions sur les médias sociaux, notamment les affirmations selon lesquelles le camp pro-vie ne se soucie pas des femmes, ont été « épuisantes ».

« J’essaie de protéger mon équipe de cela ici », en leur disant de ne pas aller sur Internet pour essayer de se défendre. « J’ai vu un post sur Instagram qui déclarait : “Je n’ai jamais rencontré une personne pro-vie qui aborde la question de l’accès aux soins de santé, des garderies accessibles, de la formation universitaire.” Des centaines de personnes renchérissent : “Oui, je n’en ai jamais rencontré.” Je croirais devenir folle. Nous sommes là ! »

« Au même moment, nous faisons entrer des femmes dans un logement. Au même moment, nous les sortons de la violence domestique. Au même moment, nous leur fournissons des meubles », poursuit Savannah Marten. « Pour mon équipe, rentrer à la maison tous les jours et se faire incendier par des discours du type : “Si vous vous souciiez vraiment…” en allumant les actualités ou en ouvrant les réseaux sociaux, c’est une charge émotionnelle importante. »

Les centres trouvent qu’il est difficile de faire le lien entre certaines discussions nationales et ce qu’ils voient dans leurs communautés locales. Savannah Marten affirme que son centre a une relation « plutôt bonne » avec le centre d’avortement de la ville, qui comprend le travail effectué par le centre de grossesse, mais elle précise que cela a demandé cinq ans de travail. Néanmoins, compte tenu du débat national après la fuite de la Cour suprême, son centre a organisé une séance d’information sur la sécurité pour le personnel.

Une clientèle en hausse, mais pas à cause du débat en cours

Alors que les centres pour femmes enceintes des États démocrates, plus libéraux, s’attendent à un nombre plus élevé de clientes cherchant à se faire avorter au-delà des frontières de leur État, les centres de grossesse des États conservateurs tentent également d’adapter leur mode de fonctionnement. Les centres d’aide à la grossesse du Texas ont vu un afflux immédiat de femmes dans le besoin après que le Texas a adopté une loi interdisant les avortements après six semaines.

« Du jour au lendemain, cela a changé la façon dont les centres de grossesse s’acquittent de leur mission », rapporte Melanie Miller, directrice générale du centre d’Ashland. « Les femmes n’ont pas le temps. Elles doivent prendre une décision tout de suite. »

Les situations individuelles, bien sûr, ne correspondent pas toujours aux débats nationaux. Elle explique que les cinq semaines qui suivent les vacances de printemps sont toujours une période d’activité intense pour son centre, mais elle n’a entendu aucun patient évoquer la question de l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade. Le centre de Greater Toledo a vu une augmentation significative du nombre de femmes envisageant l’avortement cette année, mais Savannah Marten n’a pas entendu beaucoup de gens parler de la Cour suprême.

« Chacune a ses propres raisons de franchir nos portes. »

Lisa Hogan, directrice générale du centre d’aide à la grossesse Sav-A-Life à Birmingham, en Alabama, estime que les centres de grossesse serviront au mieux les gens en restant constants et en ne changeant pas leur approche en fonction des hauts et des bas des luttes autour de l’avortement, de la politique et de l’actualité.

« Nous ne changeons rien à ce que nous faisons. Nous le faisons depuis 42 ans. » « Nous serons peut-être plus occupés… Nous rencontrerons les personnes là où elles sont, et les aimerons là où elles sont. »

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Nos Églises sont pleines de prédicateurs vidés

Des dizaines de milliers de pasteurs ont envisagé de démissionner, mais ne l’ont pas fait. Quelles conséquences cela pourrait-il avoir pour les communautés ?

Christianity Today May 16, 2022
Illustration de Dadu Shin

Il y a sept ans, la First Presbyterian Church de Deming, dans l’état américain du Nouveau-Mexique, a dû remplacer la corde qui pendait de son clocher. Après 75 ans d’utilisation régulière, elle commençait à s’effilocher. La cloche retentit depuis la construction du bâtiment de style pueblo en 1941, et la communauté elle-même remonte au début du XXe siècle.

Il n’y a pas grand-chose d’autre que la cloche qui soit resté en place. Aujourd’hui, les murs d’adobe d’origine de l’église sont recouverts de panneaux blancs et d’un toit bleu poudré. À l’extérieur, les marches menant à l’entrée ont été remplacées par une rampe pour fauteuils roulants. Il fut un temps où la communauté remplissait presque entièrement son sanctuaire de 200 places. Un récent dimanche, seules cinq personnes étaient présentes.

« C’est le niveau le plus bas jamais atteint », affirme Liv Johnson. Au cours des trois décennies qui se sont écoulées depuis qu’elle a commencé à travailler comme secrétaire de la communauté, elle a vu les gens partir au compte-gouttes. « Quand je suis arrivée ici, l’assistance moyenne — je devais en faire le rapport — était de 82. » « Je me souviens avoir eu 35 enfants pour l’école du dimanche. À présent, nous n’en avons aucun ».

Pourtant, elle ne désespère pas. Elle croit qu’un leadership fort et stable pourrait renverser la situation. Mais ces derniers temps, il a été difficile de trouver un leadership stable.

En 2018, le pasteur de l’Église, Adam Soliz, est décédé après une courte lutte contre un cancer du poumon. Un nouveau pasteur, plus jeune, a repris la communauté juste au moment où la pandémie de COVID-19 faisait chuter la fréquentation des Églises. Le nouveau pasteur a reconsidéré sa trajectoire professionnelle et, en août 2021, il a accepté un emploi mieux rémunéré et est parti.

Malheureusement, remplacer un pasteur est bien plus difficile que de remplacer une cloche. Et plus cela prend du temps, plus cela s’avère coûteux.

Pour boucler son budget mensuel, l’Église s’est efforcée de trouver une famille pour louer le presbytère. « Je dois jouer au propriétaire. J’ai même prêché », rapporte Liv Johnson, seule membre du personnel restante. Avec l’aide de prédicateurs invités, des sermons ont pu être prononcés chaque semaine, mais de nombreux anciens fidèles disent qu’ils ne reviendront pas tant que l’Église n’aura pas trouvé un pasteur permanent.

L’automne dernier, Dale Cook, le diacre principal d’une Église presbytérienne de Las Cruces, au Nouveau-Mexique, a parcouru les 100 kilomètres le séparant de Deming pour venir y prêcher. Ils l’ont apprécié et lui ont demandé s’il accepterait de venir prêcher régulièrement.

Dale Cook travaille maintenant en vue de devenir un pasteur laïc mandaté pour l’Église presbytérienne de Deming. Il croit que Dieu l’a préparé à ce rôle depuis qu’il est enfant. « J’ai grandi dans le foyer d’un pasteur baptiste du Sud. Il faisait partie du comité de la mission intérieure, et il parcourait le pays pour relancer de petites Églises et reconstituer des Églises plus anciennes qui avaient perdu toute leur assemblée. »

Il prévoit d’exercer son ministère de manière bivocationnelle, ce qui lui permettra de s’installer dans le presbytère et de soutenir l’Église par son loyer et sa proximité. « On m’a dit : “Si tu t’installes là, tu seras juste à côté de l’église. On s’attendra à ce que tu sois disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7”. J’ai répondu que c’était ce que j’ai toujours pensé qu’un pasteur faisait. »

Les difficultés rencontrées par cette communauté pour trouver et garder un pasteur ne sont pas rares dans les petites Églises des États-Unis. Selon de nombreux experts, cette situation pourrait devenir encore plus fréquente à mesure que le pays s’approche d’une vague de démissions des pasteurs.

Dans sa liste des « 10 tendances dans l’Église pour 2022 », l’auteur et chercheur Thom Rainer prédit une pénurie imminente de pasteurs : « Les départs de pasteurs vont augmenter de 20 %. La “Grande démission” touchera durement les pasteurs. » En septembre 2021, l’auteur et pasteur Dane Ortlund tweetait : « Un raz-de-marée de démissions de pasteurs est à venir en 2022. »

S’ils ont raison, plus d’Églises que jamais risquent de se retrouver avec un déficit de leadership — et peu d’entre elles auront un Dale Cook pour reprendre les rênes. Une pénurie de pasteurs à l’échelle nationale pourrait sonner le glas de nombreuses petites communautés.

Mais un examen plus approfondi des données relatives aux emplois pastoraux suggère, bien que l’on entende parler de grande démission des pasteurs jusque dans le Washington Post ou le Wall Street Journal, qu’il y a lieu de se demander si un départ massif de ces serviteurs est vraiment à l’horizon. L’autre option plus probable — un avenir dans lequel les pasteurs ne démissionnent pas — pourrait cependant être encore plus inquiétante.

« La grande démission arrive », avertissait en mai 2021 Anthony Klotz, professeur à l’université Texas A&M, dans un article de Bloomberg sur la situation des travailleurs américains en général. « Quand il y a de l’incertitude, les gens ont tendance à ne pas bouger. Il y a donc des démissions refoulées qui n’ont pas eu lieu l’année dernière. »

Il n’a pas fallu longtemps pour que ce retard dans les démissions se résorbe. Selon le Bureau américain des statistiques du travail (BLS), plus d’Américains ont quitté leur emploi en avril 2021 qu’au cours de n’importe quel autre mois. Suscitant des remous dans les actualités, le « Big Quit » a pris de l’ampleur pendant l’été, atteignant un pic avec 4,5 millions de personnes quittant leur emploi en novembre.

Ces démissions ont frappé certaines professions plus durement que d’autres. Le secteur des soins de santé a perdu des centaines de milliers d’employés et s’est enfoncé dans une crise dont il ne s’est toujours pas remis. Beaucoup des infirmières qui sont parties ne regardent pas en arrière.

Il y a beaucoup moins de pasteurs en Amérique que d’infirmières, mais certains prévoient un exode similaire loin du ministère pastoral. Comme l’a rapporté Christianity Today, une enquête menée par Barna Group en octobre 2021 révélait que 38 % des pasteurs protestants avaient sérieusement envisagé de quitter le ministère à plein temps cette année-là — soit près d’un tiers de pasteurs en plus que lorsque Barna avait posé la même question en janvier.

À première vue, cela correspond à ce que l’on observe de manière générale aux États-Unis. Une enquête Yahoo Finance/Harris Poll de l’année dernière révélait que 37 % des travailleurs américains « envisagent de quitter leur emploi actuel ou se préparent déjà à le faire ».

Mais la Grande démission est plus complexe que ne le laisse entendre son nom. Il s’agirait plutôt d’une grande redistribution des cartes. Dans un article de The Atlantic, Derek Thompson écrit : « L’augmentation des démissions est principalement due à des travailleurs peu payés qui se tournent vers de meilleurs emplois dans des industries qui augmentent les salaires afin d’attirer de nouveaux employés aussi vite que possible. »

Malgré des départs plus nombreux que jamais dans l’hôtellerie et la restauration, le secteur a gagné deux millions d’employés l’an dernier. C’est un véritable marché pour les demandeurs d’emploi, mais les pénuries dramatiques de travailleurs que nous observons dans le secteur des soins de santé sont une aberration de la Grande démission.

Si la pénurie d’infirmières est bien documentée, il est moins évident que les pasteurs quittent le ministère en masse, du moins pour l’instant.

Dans une étude remarquablement approfondie des données disponibles sur les démissions de personnes engagées dans les Églises, Allison K. Hamm et David E. Eagle, de l’université de Duke, ont conclu l’année dernière que « les meilleures estimations suggèrent que les taux de départs annuels dans les dénominations protestantes aux États-Unis sont généralement de l’ordre de 1 à 2 %, avec des anomalies occasionnelles liées au contexte ».

Ce chiffre est conforme à une étude de Lifeway Research de 2015 qui faisait état d’un taux de départs annuel de 1,3 % parmi les pasteurs principaux évangéliques et noirs protestants. Si l’on cherche à détecter un pic dans les départs au sein du clergé, un taux annuel de 1 ou 2 % est donc un point de départ raisonnable.

« Un jour, je me dirigeais vers l’Église et j’ai senti quelque chose se briser en moi, comme si un élastique avait été trop étiré ». Jonathan Dodson

Pour savoir comment les deux dernières années ont affecté l’emploi des pasteurs, il faut considérer les données du BLS sur le clergé. Pour la première fois depuis 2011, son estimation de l’emploi national du clergé a chuté en 2020, passant de 53 180 en 2019 à 52 260. Elle a de nouveau baissé en 2021 pour atteindre 50 790. Nous devrions cependant considérer ces chiffres avec précaution. La Convention baptiste du Sud comptait à elle seule 47 592 églises en 2020. Le BLS ne mesure donc qu’une fraction de l’ensemble du clergé américain.

Dans une synthèse nationale des projections en matière d’emploi pour la prochaine décennie, le BLS utilise un chiffre plus réaliste pour le nombre total d’emplois dans le clergé en 2020 : 260 600, contre 243 900 l’année précédente. Ils prévoient un taux de croissance de 3 %, plus lent que la moyenne, entre 2020 et 2030, mais on est loin d’une pénurie.

On trouve une mesure plus fiable dans une étude de Lifeway Research de 2021 qui reflète celle de 2015. Elle révèle qu’au cours de la dernière décennie, seulement 1,5 % des pasteurs principaux évangéliques et noirs protestants ont quitté le ministère chaque année — une augmentation statistiquement insignifiante par rapport à l’étude de 2015 et bien en deçà des taux de réduction attendus.

« Généralement, lorsque [les pasteurs] s’éloignent d’une Église — si la situation y est vraiment mauvaise — ils s’engagent dans une autre fonction pastorale », déclare Scott McConnell, directeur exécutif de Lifeway Research. « Et c’est encore ce que nous voyons aujourd’hui ».

Une enquête menée par Scott Thumma et le Hartford Institute for Religion Research au cours de l’été 2021 a révélé que, si 37 % des pasteurs ont sérieusement envisagé de quitter leur ministère au cours de l’année écoulée (ce qui est similaire aux conclusions de Barna), la plupart d’entre eux ne l’ont fait qu’une ou deux fois, dans de courts moments de très fort découragement. Scott Thumma conclut : « Dans l’ensemble, nos données ne fournissent pas beaucoup de preuves d’un exode imminent des membres du clergé. »

En réalité, il y a des raisons de croire que les pasteurs principaux sont plus réticents que d’habitude à quitter leur Église. Sarah Robins, ancienne vice-présidente des relations avec la clientèle de la société de recherche de pasteurs Vanderbloemen, rapporte que la société a eu du mal, ces deux dernières années, à trouver des candidats pasteurs principaux prêts à envisager d’autres fonctions dans le ministère. « L’idée de quitter leur Église au milieu de ce que nous traversons est trop difficile pour eux ».

Angie Ward, directrice adjointe du programme doctoral pour le ministère (DMin) au Denver Seminary, constate également une hésitation à faire des transitions chez ses étudiants, dont beaucoup sont des pasteurs principaux ou solos. « Les gens ne font pas de grandes transitions, qu’il s’agisse de commencer des études ou de déménager dans une autre Église. Ils n’ont pas l’impression d’être dans un environnement suffisamment stable pour partir ». « Parmi mes étudiants, plus nombreux sont ceux qui disent ne pas pouvoir faire de doctorat pour le moment parce qu’ils doivent se consacrer à leur communauté. »

Lorsqu’il s’agit de l’emploi global dans le ministère, la diminution des entrées peut expliquer la baisse des chiffres tout autant que l’augmentation des sorties. Parmi les séminaires protestants et non confessionnels américains qui font partie de l’Association of Theological Schools (ATS), les inscriptions aux programmes de master (MDiv) ont légèrement diminué au cours de l’année scolaire 2020-2021. Mais ce n’est pas nouveau — les inscriptions ont eu tendance à baisser presque chaque année depuis 2013.

Un glissement plus net apparaît dans le nombre d’étudiants qui obtiennent un diplôme. Le nombre de MDiv et le nombre total de diplômes obtenus dans les écoles de l’ATS aux États-Unis ont tous deux baissé en 2020-2021, seuls les diplômes de théologie générale ayant connu une légère augmentation. Il est possible que certains étudiants aient attendu de voir comment la pandémie allait évoluer avant de terminer leur programme.

Même si nous n’avons pas assisté à une augmentation spectaculaire du nombre de départs des pasteurs, nombreux sont ceux qui pensent que cela ne saurait tarder. Sean Nemecek est le directeur régional de Pastor-in-Residence Ministries dans l’ouest du Michigan, où il travaille avec des pasteurs qui ont été licenciés de leur Église. Il se prépare à une vague de départs de pasteurs d’ici un an ou deux et a remarqué un changement dans les conversations qu’il a avec les pasteurs qu’il accompagne.

« Dans la culture en général, on constate que les gens sont de plus en plus nombreux à dire qu’ils attendent de leurs employeurs qu’ils les traitent bien. Un salaire équitable et des congés. De la flexibilité et du travail à domicile ». « Un certain nombre de pasteurs me disent le même genre de choses : ils en ont assez d’être lamentablement sous-payés ou de devoir exercer un second emploi pour soutenir leur ministère. »

Si la bulle éclate dans le courant de l’année ou l’année prochaine, tous les regards se tournent vers trois catégories démographiques : les pasteurs en début de carrière, ceux qui approchent de la retraite et les ministres bivocationnels.

On dit souvent aux jeunes pasteurs débutants que les cinq premières années de ministère permettent de trier ceux qui ne sont pas là pour les bonnes raisons. Certains estiment que le taux de défection à cinq ans peut atteindre 85 %. Mais d’après les études les plus fiables, ce chiffre se situe en réalité entre 1 % et 16 %. (Comparez cela aux 44 % de nouveaux enseignants des écoles publiques et privées qui quittent l’enseignement avant la fin de leur cinquième année.)

Pourtant, les deux dernières années ont davantage affecté les jeunes pasteurs que les pasteurs établis. Barna a découvert que les pasteurs de moins de 45 ans sont plus susceptibles d’envisager de quitter le ministère à plein temps (46 %) que les pasteurs de 45 ans et plus (34 %). Et dans l’enquête de Lifeway Research de 2021, les pasteurs âgés de 18 à 44 ans étaient plus susceptibles que les pasteurs de plus de 65 ans de convenir que « le rôle de pasteur est souvent écrasant », que « je suis souvent irrité par les membres de l’Église » et que leurs congrégations ont connu des conflits liés à la politique.

Dans le cadre de son doctorat, Prince Raney Rivers, pasteur principal dans l’Union Baptist Church, a étudié l’épuisement postpandémique chez les pasteurs baptistes afro-américains de Caroline du Nord.

« J’ai été surpris de constater que les jeunes pasteurs — ceux de moins de 40 ans — ont fait état d’un plus grand degré de cynisme et d’un plus grand sentiment de dépersonnalisation que les pasteurs plus âgés de l’étude ». « Il se produit une certaine usure, donc si vous arrivez à 60 ou 65 ans, vous avez déjà travaillé sur ces questions et vous avez une résilience intégrée. Peut-être que les jeunes membres du clergé sont moins patients avec le temps qu’il faut pour apporter des changements dans une congrégation. Si vous pensez que vous allez sauver le monde en deux ans et que tout le monde met sept ans juste pour comprendre ce qui doit être sauvé, cela va être un vrai défi. »

Il poursuit : « Je vois que les jeunes membres du clergé, qui ont une mentalité plus militante, ont pu se sentir poussés à s’engager dans un certain activisme, mais leurs communautés n’étaient peut-être pas prêtes à cela à ce moment-là. Cela a fait dire à certains d’entre eux : “Vous savez quoi, je pense qu’il sera plus vivifiant d’exercer mes dons, mes talents et ma vocation en dehors de l’Église, étant donné la pression que je subis en son sein pour ne pas faire certaines choses”. »

Mais les jeunes pasteurs ne sont pas les seuls que Prince Raney Rivers considère comme étant à la limite de l’épuisement et de la démission.

« J’ai plusieurs amis qui m’ont dit récemment qu’ils allaient prendre leur retraite beaucoup plus tôt qu’ils ne l’avaient prévu ».

À l’heure actuelle, le vieillissement des pasteurs américains est un phénomène bien identifié. Les baby-boomers sont restés dans le ministère plus longtemps que prévu, et nous devrions nous attendre à une augmentation naturelle des départs à la retraite lorsqu’ils quitteront finalement les responsabilités. Mais les pressions des deux dernières années pourraient pousser beaucoup d’entre eux à prendre une retraite anticipée.

Chez Vanderbloemen, Sarah Robins estime avoir eu davantage de conversations avec des pasteurs baby-boomers qui prenaient leur retraite plus tôt que prévu.

Elle se souvient d’un pasteur âgé d’une soixantaine d’années. « Il était tellement usé de diriger cette Église. » « Quelques membres du conseil d’administration estimaient qu’il devait soutenir Trump du haut de la chaire. Il a répondu que ce n’était pas son travail de pasteur. Et ils ont dit, “Eh bien, alors nous quittons votre Église”. Il était entouré d’anciens qui l’aimaient, mais il était juste tellement épuisé. »

Entre l’enquête de 2015 et celle de 2021 de Lifeway Research, le nombre de pasteurs ayant pris leur retraite au cours de la décennie précédente est passé de 17 % à 20 %. « Cela pourrait relever d’une simple marge d’erreur, mais nous constatons une augmentation progressive », explique Scott McConnell. « Entre 20 et 25 % des pasteurs protestants ont l’âge de la retraite. Si, au cours d’une année donnée, tous ceux qui sont en âge de prendre leur retraite décidaient de le faire, cela créerait un énorme vide qui ne pourrait être comblé. »

Alors que la Grande démission crée des opportunités d’emploi dans tous les secteurs, certains experts pensent que les pasteurs ayant un deuxième emploi, les « faiseurs de tentes », sont également plus susceptibles de quitter le ministère au cours de l’année prochaine, puisqu’ils ont déjà un pied en dehors de la bulle du ministère.

Certains des pasteurs que je coache sont « bivocationnels », rapporte Sean Nemecek, « et l’une des choses que j’entends est : “Peut-être que je devrais m’investir à plein temps dans mon autre emploi et m’éloigner de l’Église pendant un moment”. »

Les pasteurs bivocationnels courent un risque d’épuisement professionnel plus élevé que la moyenne s’ils jonglent avec de longues heures de travail à plein temps et la conduite d’une assemblée. Curtis Dunlap, pasteur pour la vie familiale à l’Église Epiphany Fellowship de Philadelphie, estime que son poste à temps plein est atypique dans une Église majoritairement noire comme la sienne. « La grande majorité des pasteurs que je connais dans les villes urbaines et qui servent des personnes de couleur sont bivocationnels ».

Il souligne qu’il est plus difficile pour les pasteurs bivocationnels de planifier des vacances ou des congés sabbatiques. « Les pasteurs comme moi qui travaillent à temps plein ont plus de flexibilité pour contrôler leur emploi du temps. » « Parfois, dans la culture de l’Église, si le pasteur principal ne prêche pas, beaucoup de gens ne se présentent pas. C’est beaucoup de pression — surtout dans une petite Église où il faut penser à l’impact que cela aura sur les dons d’une semaine à l’autre, et surtout en été lorsque les dons diminuent déjà. »

Le burnout, le découragement et l’épuisement émotionnel peuvent avoir des conséquences dévastatrices pour les pasteurs et les communautés s’ils ne sont pas pris en compte. Même si la plupart des 38 % de pasteurs qui ont envisagé de quitter le ministère à plein temps l’année dernière ne le font jamais, nous devrions quand même nous demander pourquoi ce nombre a augmenté si rapidement en 2021. Avant de nous préoccuper du risque que les chaires se vident, nous devrions peut-être nous préoccuper des pasteurs vidés qui les occupent.

Jonathan Dodson n’a qu’un mot pour décrire son expérience du ministère au cours des deux dernières années : « atroce ».

« J’ai pensé à démissionner à de multiples reprises », a-t-il dit. « Je suis dans ces 38 %. »

Dieu a conquis son cœur à l’âge de sept ans. Il lisait des biographies de missionnaires et essayait de rencontrer des missionnaires lorsqu’ils venaient en ville. « Le Seigneur avait souverainement implanté dans mon cœur ce genre d’esprit missionnaire ». Devenu adulte, il a implanté l’Église City Life Church au cœur d’Austin, au Texas.

Mais dans les années qui ont précédé la pandémie, l’enthousiasme de Jonathan Dodson pour son ministère a été ébranlé par une série d’événements éprouvants, à commencer par une rencontre particulièrement pénible. Avant que des termes comme « distanciation sociale » ou « coronavirus » n’entrent dans le vocabulaire, il s’est retrouvé avec un couple d’une cinquantaine d’années, des mentors pour l’Église, qui l’avaient contacté pour lui dire qu’ils ne croyaient plus à la Trinité.

Lors de cette rencontre, les personnes chaleureuses et aimant la Bible que Jonathan Dodson connaissait depuis des années étaient devenues glaciales. « Quand j’ai proposé de prier, il m’a plaqué au mur avec des yeux remplis d’éclairs ». Le couple avait découvert sur internet un rabbin dont le but était de « déconvertir » les chrétiens. « Ils ont tout avalé : hameçon, ligne et plomb ».

C’était la première d’une série de conversations avec des fidèles quittant la foi. « C’est l’une des pires choses pour les pasteurs : voir des gens qu’ils aiment abandonner le Messie. » « C’est tout simplement déchirant. »

Puis sont venues les mesures sanitaires face au COVID-19, qui ont encore plus ébranlé son moral. « Dimanche après dimanche, vous prêchez devant une caméra froide et sombre au lieu de prêcher devant des cœurs vivants et palpitants. »

Après l’élection présidentielle de 2020, le pasteur a constaté une augmentation des critiques de la part de fidèles politiquement orientés à gauche. « Nous sommes une Église centrée sur l’Évangile. Nous nous préoccupons de la justice, de la justice raciale. Nous avons progressé dans l’expression de ces valeurs, c’est certain, mais ce groupe est devenu très critique. Il y a eu beaucoup de critiques. Des courriels de trois pages. De la colère. “Pourquoi ne faites-vous pas ceci ?” “Pourquoi ne faites-vous pas cela ?” Et puis les gens ont commencé à quitter l’Église. »

Une lueur d’espoir est apparue lorsque la pandémie a semblé se calmer et que la City Life Church a recommencé à se réunir en personne. Puis est arrivé le variant delta. Cette fois, les critiques venaient de la droite, avec les masques pour cible.

« Nous louons un local dans le centre-ville. Nous y sommes depuis 10 ans, et nous devons nous conformer à leurs politiques. » « Nous avons reçu des e-mails bizarres de personnes que nous connaissons depuis 10 ans. J’ai fait la présentation de leurs enfants à l’Église. J’ai été leur mentor, j’ai cheminé avec eux pendant des saisons difficiles, et pouf : “Si nous devons porter des masques, alors nous partons d’ici”. »

« La fréquence de ce genre d’événements au cours des deux dernières années a été tellement éprouvante et épuisante. » « L’une des choses vraiment difficiles pour les pasteurs à travers le pays est que notre fonction fait que nous avons tendance à être considérés comme jetables. Nous apprécions les pasteurs lorsqu’ils nous donnent ce dont nous avons besoin ou ce que nous voulons, mais lorsque nous pensons avoir besoin d’autre chose, ils n’ont plus rien d’humain à nos yeux. Ils ne sont qu’un service religieux dont nous nous désabonnons. »

Pour couronner le tout, l’Église a finalement été mise dehors des locaux qu’elle louait.

« Un jour, je me dirigeais vers l’Église », raconte Jonathan Dodson, « et j’ai senti quelque chose se briser en moi, comme si un élastique avait été trop étiré. Je me suis découplé émotionnellement de l’Église. C’était comme si les réserves avaient disparu. L’idée d’entrer dans une pièce remplie de chrétiens dont j’étais responsable était angoissante. Je n’avais jamais fait ce genre d’expérience. »

Le découragement et les envies de quitter le ministère ne sont pas rares dans la vie d’un pasteur. Charles Spurgeon les décrit comme « les évanouissements du serviteur ». Il écrit : « Au vu des citations tirées de biographies d’éminents serviteurs, il n’est nul besoin de prouver que des saisons de terrible abattement ont été le lot de la plupart d’entre eux, sinon de tous. »

Eugene Peterson, méditant sur son pastorat à l’Église presbytérienne Christ Our King, déclare : « Depuis que je suis ici, je me souviens de trois fois où j’étais prêt à partir ». Au cours d’un de ces épisodes, alors qu’il allait réconforter la famille d’une femme tuée dans un accident de voiture, c’est cette pensée qui l’habitait : « Seigneur, je ne peux pas faire ça. Je ne veux plus être pasteur. Je ne peux tout simplement pas entrer dans cette profonde douleur à nouveau. Ou si je le peux, je ne le veux pas. Je ne veux tout simplement plus le faire ».

Ce qui est inhabituel dans notre situation actuelle, cependant, c’est le nombre considérable de pasteurs qui pensent à quitter le ministère simultanément dans tous les États-Unis, dans toutes les catégories démographiques et dans toutes les traditions.

Cependant, savoir si tous ces pasteurs vont effectivement quitter le navire est, dans un sens, moins important que de comprendre les raisons pour lesquelles ils sont si tentés de partir. Lorsque tant de pasteurs sont découragés ou épuisés, il serait ironiquement peu pastoral de se limiter à la question de savoir si une pénurie de main-d’œuvre dans le ministère se prépare.

Nous devrions plutôt nous demander : « Qu’arrive-t-il à nos pasteurs ? » Cette question, nous devrions la poser parce que nous nous soucions d’eux, assurément. Mais les enjeux vont bien au-delà des seuls responsables.

Il est bien établi qu’un leadership déficient conduit souvent à un fonctionnement déficient de l’ensemble de l’organisation. Prince Raney Rivers, le pasteur de Caroline du Nord, le décrit ainsi : « Si le pasteur est moins disponible, s’il se met en retrait, cela va se propager et se traduire par moins d’enthousiasme pour la mission de l’Église, la vision de l’Église. Cela provoquera probablement des conflits plus importants et des façons moins saines de gérer les conflits. »

Mais il y a un risque plus funeste qui accompagne le burnout : « L’épuisement professionnel rend un pasteur plus vulnérable à toutes sortes de manquements éthiques et moraux », dit-il. « Plus vous êtes épuisé émotionnellement, plus vous devenez enclin à faire des choix que vous ne feriez pas à des moments plus sains et dans un état d’esprit plus sain. »

Sean Nemecek a constaté à peu près la même chose chez les pasteurs qu’il a coachés.

« Une grande partie des faillites morales et des abus spirituels auxquels nous assistons dans l’Église en ce moment ont un certain fondement dans la culture au sein de laquelle les pasteurs travaillent. » « En parlant avec des pasteurs qui ont connu des déviances morales, je me suis rendu compte qu’ils n’étaient pas dès le départ des prédateurs spirituels. Ils se sont retrouvés dans une situation où ils cherchaient une forme de revalorisation et se sont retrouvés pris dans des tentations sexuelles ou d’autres types de dérapages moraux à cause de cela. »

Les responsables pris en flagrant délit d’infidélité invoquent souvent l’excuse du bonheur qu’ils avaient le sentiment de mériter après leur travail acharné et non reconnu pour l’Église. S’il n’était certes pas pasteur, Ravi Zacharias aurait utilisé cette logique pour justifier ses abus sexuels. Selon l’enquête de CT, il aurait dit à une femme que « le Seigneur comprenait ce qu’il avait sacrifié et laissait entendre que leurs rapports sexuels étaient la façon dont Dieu le récompensait ».

Sarah Robins affirme que chez Vanderbloemen, « presque chaque fois que nous sommes intervenus dans une Église pour l’aider à remplacer un pasteur après un problème moral, il y avait une corrélation avec l’épuisement extrême du pasteur principal. Cela n’excuse pas le mauvais comportement, mais il y a une corrélation. Même au niveau financier : “Je suis épuisé. Je mérite de dépenser cet argent pour ce genre de choses en raison de tout ce que je fais pour cette Église” ».

Il serait imprudent d’attribuer tous les abus spirituels et les faillites morales dans le ministère à l’épuisement émotionnel, mais si nous examinons comment le burnout peut faire des ravages dans les Églises, ces éléments devraient figurer en tête de notre liste.

Le burnout est comme une cocotte-minute. La tension monte lentement et, sans soupape, la température du découragement devient insupportable. Dans son article paru dans The Atlantic, Derek Thompson écrit : « Paradoxalement, l’augmentation du nombre de cas d’épuisement professionnel signalés par les intéressés se produit dans des secteurs où les travailleurs sont moins susceptibles de démissionner. » Et le ministère pastoral n’est pas une vocation que l’on abandonne facilement.

Les raisons de ce phénomène sont nombreuses et complexes. « Peu d’engagements sont aussi profondément vocationnels que le ministère pastoral », explique Angie Ward, du Denver Seminary. « Il y a ce sentiment profond d’être appelé par Dieu et par le peuple de Dieu. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut simplement laisser tomber pour se lancer dans les assurances. »

De nombreuses raisons expliquent que certains pasteurs restent trop longtemps : un sentiment d’obligation, une possessivité malsaine, ou un devoir mal compris envers Dieu. Les difficultés financières peuvent également bloquer la sortie lorsque les pasteurs approchent de la retraite.

Dans un rapport de 2017 sur les défis économiques auxquels sont confrontés les responsables pastoraux, C. Kirk Hadaway et Penny Long Marler écrivent : « Dans la plupart des enquêtes menées par les projets de l’Initiative économique nationale, l’épargne-retraite est la préoccupation financière la plus sérieuse exprimée par le clergé. » À travers les États-Unis, les salaires des pasteurs sont relativement bas, et les prestations de retraite sont souvent inexistantes.

Lorsque Sean Nemecek a connu sa propre saison d’épuisement professionnel et s’est retiré du ministère dans l’Église, il a découvert une autre raison pour laquelle de nombreux pasteurs trouvent difficile de partir, même pour une période limitée.

« Il y a beaucoup de stigmatisation. » « Les gens supposent que lorsqu’un pasteur dit qu’il se retire du ministère, il doit avoir un péché secret, ne pas être à la hauteur ou n’avoir jamais été vraiment appelé. Mais quand on s’assied et qu’on leur demande ce qui se passe, on s’aperçoit souvent qu’ils font en réalité des progrès très importants dans leur foi en Christ. »

Jonathan Dodson le présente ainsi : « Ce n’est pas parce que vous avez perdu les forces nécessaires au ministère que vous êtes dans le péché. Il se pourrait aussi que l’on ait péché contre vous ».

Des forces à la fois internes et externes pèsent sur les pasteurs — et elles ne sont pas nouvelles dans l’Église. En 1589, le réformateur genevois Théodore de Bèze, âgé de 70 ans, fut confronté à plusieurs des plus grands défis de son long ministère.

Sa santé déclinait, mais ses tâches semblaient plus lourdes que jamais. Il devait accompagner pastoralement des situations aussi terribles que celle d’un cordonnier demandant le divorce de sa femme qui avait été violée par des soldats et était peut-être tombée enceinte. Et l’on attendait toujours de lui qu’il prêche plusieurs fois par semaine et qu’il donne des cours de théologie à l’Académie de Genève.

« N’oubliez pas de prier toujours plus pour votre ami de Bèze alors qu’il aborde la dernière ligne droite de son parcours », écrit-il à un ami. « Bien que je sois épuisé, le Seigneur ne m’a jamais donné de charge plus lourde à porter. »

L’année suivante, il demande au conseil des pasteurs genevois s’il peut se retirer de ses obligations pastorales. Scott M. Manetsch écrit : « Le clergé genevois accepta de le décharger de ses responsabilités de prédicateur en semaine, mais insista pour qu’il continue ses conférences à l’Académie et ses sermons du dimanche. Genève comptait trop peu de pasteurs et de professeurs pour accorder un répit au vieux réformateur. »

Même en tenant compte de l’histoire, quelque chose de différent se passe aujourd’hui. Les pressions subies par les pasteurs sont plus fortes qu’elles ne l’ont été depuis des générations. L’enquête de Scott Thumma a révélé que deux tiers des pasteurs pouvaient qualifier 2020 d’« année la plus difficile de leur expérience dans le ministère ».

Le COVID-19 paraît un coupable évident. Mais aucun des pasteurs interrogés dans le cadre de cet article n’a identifié la pandémie comme la cause première de son épuisement. Elle a épuisé leurs réserves spirituelles et émotionnelles, mais elle n’a pas donné le coup de grâce. Le coup de grâce est venu d’autres bouleversements culturels — certains récents, d’autres vieux de plusieurs décennies — qui ont perturbé leurs relations avec les fidèles. Lorsque ces choses se sont manifestées avec laideur et brutalité, de nombreux pasteurs n’avaient plus la force de résister.

La mesure de l’épuisement professionnel la plus largement utilisée est le Maslach Burnout Inventory, développé par Christina Maslach et Susan E. Jackson. Il mesure trois facteurs : l’épuisement émotionnel, le cynisme ou la dépersonnalisation, et la perception de sa propre efficacité professionnelle.

La plupart des gens associent le burnout uniquement à l’épuisement, mais selon Prince Raney Rivers, « les individus sont différents. Certaines personnes peuvent avoir un degré élevé d’épuisement émotionnel et une très forte satisfaction dans le ministère. Elles sont fatiguées, mais pas épuisées ». Le burnout menace donc davantage des pasteurs fatigués qui expérimentent également un degré de cynisme accru et une faible perception de leur efficacité professionnelle.

Quelles sont les choses susceptibles de conduire les pasteurs à une baisse de leur satisfaction professionnelle et au cynisme ? Barna a identifié le « manque d’engagement des fidèles » comme la frustration que la plupart des pasteurs considèrent comme la pire (35 %). « L’apathie et le manque d’engagement des gens » sont également arrivés en tête de liste dans une étude de Lifeway Research demandant aux pasteurs quels sont les plus grands défis auxquels ils sont confrontés.

Le passage des cérémonies religieuses au numérique, accéléré par la pandémie, n’a fait qu’empirer les choses. Depuis que Paul Rader a prêché pour la première fois le message de l’Évangile depuis une station de radio improvisée sur le toit de l’hôtel de ville de Chicago en 1922, les pasteurs implantés localement voient d’un mauvais œil la préférence des gens pour les sermons désincarnés.

Mais depuis la pandémie, le débat entre prédication en personne et prédication à distance s’est considérablement compliqué. Pour la première fois, avec la récente prolifération des cultes diffusés en direct ou enregistrés, chaque pasteur peut être mis en concurrence avec toutes sortes d’autres prédicateurs plus ou moins obscurs à travers le pays.

Glenn Packiam, pasteur senior associé de la New Life Church de Colorado Springs et auteur de The Resilient Pastor (« Le pasteur résilient ») évoque un fidèle qui l’a pris à parti au sujet de son masque facial.

« Il m’a parlé d’un autre pasteur au Texas dont il venait d’écouter le sermon sur la façon dont tout cela est une tentative du gouvernement de créer une fausse crise afin de renforcer son pouvoir. » « Il écoute un pasteur qui ne connaît pas son nom et n’a pas baptisé ses enfants, et il utilise ce sermon sur YouTube pour me réprimander, moi, pasteur de sa propre Église ».

Même si le port du masque est devenu moins présent aux États-Unis, les pasteurs se souviendront longtemps du chaos qu’il a semé. Certains plaisantaient en disant que la question des masques dans les Églises avait remplacé les débats sur la couleur des moquettes.

Mais Glenn Packiam pense que les divisions qu’ils ont causées sont peut-être plus profondes. « Le port du masque est le dernier sujet à la mode de notre culture pseudoreligieuse. » « Il y a cent ans, le clivage se faisait entre le courant traditionnel et les évangéliques, et il y avait toute la question de l’Évangile social. Si vous étiez en faveur de l’évangélisation, alors vous étiez une Église conservatrice, et si vous vouliez nourrir les affamés, alors vous deviez être libéral. La dernière manifestation de cet état d’esprit est : “Si vous êtes pro-masque, alors vous devez aussi être libéral dans votre politique et probablement dans votre théologie ; et si vous êtes anti-masque, alors vous êtes clairement conservateur dans votre politique et votre théologie”. »

Le problème sous-jacent qui cause tant de soucis aux pasteurs à l’heure actuelle n’est pas la mise en place d’une nouvelle technologie de streaming ou d’une politique particulière en matière de port du masque. C’est le manque de confiance de la communauté. « La réalité est telle que nous ne vivons plus à l’époque où les gens disaient : “Mon pasteur a dit que nous devions porter un masque pour protéger les personnes vulnérables, alors nous allons le faire”. Les choses ne fonctionnent plus ainsi aujourd’hui. »

La récente prolifération de scandales retentissants dans les ministères chrétiens n’a pas arrangé les choses, mais la confiance des Américains dans le clergé est en baisse depuis un certain temps. Gallup sonde chaque année les niveaux de confiance envers diverses professions. En 2012, plus de la moitié des répondants attribuaient une note « élevée » ou « très élevée » au clergé en matière d’honnêteté et d’éthique. En 2018, ce nombre avait chuté à un peu plus d’un tiers.

Plus inquiétant encore en 2018, même parmi les chrétiens américains — ceux-là mêmes qui paient les salaires des pasteurs — seuls 42 % avaient un haut niveau de confiance dans le clergé.

Les gens font-ils confiance à leur pasteur local pour rechercher ce qu’il y a de mieux pour eux, pour assumer ses responsabilités théologiques et bibliques et pour bien les guider, même s’ils ne sont pas d’accord avec lui sur l’une ou l’autre question sociale ?

La réponse, de plus en plus, est non.

Et tandis que la confiance dans les pasteurs diminue, Sean Nemecek voit augmenter la quantité de critiques qu’ils reçoivent des fidèles. « Lorsque j’ai commencé à exercer mon ministère au début des années 2000, il pouvait se passer deux ou trois jours après un sermon avant que quelqu’un vienne vous voir [avec des critiques] — peut-être même deux semaines. Maintenant, c’est en quelques secondes. Vous pouvez recevoir un message le jour même, ou même pendant que vous prêchez. »

En matière de santé des pasteurs, Glenn Packiam craint que l’arbre ne cache la forêt.

« Le besoin le plus important n’est pas de nous dépêcher de recruter de nouveaux pasteurs pour combler tous ces vides qui se créent. Il nous faut soutenir les pasteurs et les aider à développer leur résilience. » Que peuvent faire les Églises pour aider les pasteurs à se fortifier spirituellement et pour les soutenir en temps de crise ?

On pourrait penser que ceux qui cherchent à soutenir les pasteurs devraient simplement leur offrir plus d’encouragements pour compenser les conversations difficiles. Et ce serait assurément une bonne chose. Mais 90 % des pasteurs déclarent déjà que leur famille reçoit régulièrement de véritables encouragements de l’Église, selon Lifeway Research. Cependant, les soutiens parlent moins fort que les critiques.

« “Soyons des étoiles persistantes ; restons dans le ciel un peu plus longtemps”. » Glen Packiam

C’est un peu ce qu’observe Sean Nemecek : « Un pasteur avec qui je discutais il y a plusieurs mois était vraiment découragé par ce qui se passait et pensait à démissionner. Je lui ai demandé : “Quelles sont les bonnes choses qui se sont produites récemment ?” Il a réfléchi une seconde et m’a répondu : “Oh, j’ai baptisé 30 personnes la semaine dernière”. C’est énorme ! Il avait eu une semaine si dure et si intense en critiques que cela avait éclipsé les choses positives qui s’étaient produites auparavant. »

Une tape dans le dos ou un « Merci pour la prédication ! » ne suffiront pas pour faire face à la crise que traversent de nombreux pasteurs.

Lorsque Jonathan Dodson a fait l’expérience d’un burnout soudain dans son ministère, il est allé directement voir les anciens et leur a expliqué la situation.

« Ils ont répondu, “Asseyons-nous dans la poussière ensemble. Prenons le deuil. Nous savons que ces deux années ont été terribles”. »

Jonathan Dodson a été aussi surpris que la plupart des pasteurs pourraient l’être par une telle réponse. Le plus souvent, ils craignent le genre de situation dont il a eu l’écho peu de temps après. « Je rencontrais un groupe de pasteurs avec qui je déjeune toutes les six semaines, et je leur ai raconté l’histoire de cette rencontre assis dans la poussière. Et le pasteur le plus sage et le plus âgé de la salle a dit : “J’ai de la peine à croire qu’ils aient réagi comme ça. Mes anciens auraient simplement essayé de me réparer au plus vite”. »

Notre premier réflexe, lorsque nous voyons un responsable d’Église en proie au tourment, est peut-être de voler à son secours avec des suggestions de livre à lire ou des conseils de gestion du temps. Mais les pasteurs en difficulté ont besoin de quelque chose de plus profond.

« Nous sommes dans une culture du dépannage », dit Jonathan Dodson. « S’il y a quelque chose de cassé, nous réfléchissons simplement à la manière de le remettre en état, de le remettre sur les rails. La catégorie de la lamentation est considérée comme inefficace. Elle est improductive. »

L’équipe de Jonathan Dodson savait que le plus grand besoin du moment n’était pas de le faire revenir à la prédication dès que possible. Ses blessures étaient profondes, et il avait besoin de temps pour guérir. Ils lui ont donc accordé un congé sabbatique immédiat. Pas de programme. Pas de conditions. Juste la promesse d’un peu de temps pour digérer les deux années précédentes sans que le poids de la direction de la communauté ne pèse sur ses épaules.

« Les premières semaines ont été des semaines de lamentation, de pleurs spontanés, à devoir se garer parce que les larmes arrivaient trop vite et trop fort. Je n’étais pas capable d’entrer dans l’Église. Je me sentais paralysé et je devais m’asseoir sur le parking pendant 30 minutes, avant de me faufiler à l’arrière. »

« Puis je suis entré dans une deuxième phase. Je suis parti dans les Rocheuses du Colorado. La beauté naturelle est bienfaisante et réparatrice pour moi. J’ai eu quelques jours de silence et de solitude, et c’était tout simplement merveilleux. »

Il a trouvé du répit dans Ésaïe 53 et Lamentations. « Dans Lamentations 3, il y a un long passage qui parle principalement de l’absinthe et de l’amertume des souffrances [de Jérémie]. La partie que nous connaissons bien, celle qui dit que les compassions de Dieu se renouvellent chaque matin, n’apparaît qu’après [plus de] dix versets de souffrance. Mais après cela, le prophète dit : “C’est bon”. Le Seigneur fait du bien à ceux qui l’attendent ; le Seigneur est bon pour ceux qui s’asseyent tranquillement et attendent. »

Ce message et ce temps avec le Seigneur étaient exactement ce dont Jonathan Dodson avait besoin. « C’est dans ce calme et cette attente que la restauration a commencé à se produire, lorsque je n’étais pas responsable des gens, et que le chagrin a commencé à s’éloigner. »

S’il y a une lueur d’espoir dans tout cela, c’est que ces dernières années ont mis l’accent sur la nécessité pour les pasteurs de privilégier la durabilité à l’acharnement.

« Lorsque j’ai commencé à exercer mon ministère », raconte Sean Nemecek, « certains des pasteurs plus âgés qui m’ont servi de mentor avaient appris des choses comme l’idée que s’ils prenaient soin de l’Église, Dieu prendrait soin de leur famille. Ma génération a vu cela se disloquer et ces pasteurs ont fait face à des familles brisées et diverses difficultés à cause de ce manque d’attention à soi-même. »

Glenn Packiam partage une histoire similaire. « Plusieurs pasteurs à la retraite de mon assemblée m’ont dit : “De mon temps, il valait mieux prêcher 50 ou 52 dimanches par an, et si vous ne le faisiez pas, les gens se demandaient ce qui se passait ; où étiez-vous ?” J’ai grandi avec les histoires de missionnaires radicaux qui partaient à l’étranger, quittaient leur famille et devenaient des étoiles filantes — ils s’épuisaient rapidement. Nous avons abandonné ce paradigme pour dire : “Soyons des étoiles persistantes ; restons dans le ciel un peu plus longtemps”. »

Cette tendance à la durabilité apparaît dans les données. Dans un article considérant les données de l’étude de Lifeway Research de 2021, Scott McConnell écrit : « Moins de pasteurs considèrent devoir être “de garde” 24 heures sur 24, passant de 84 % à 71 %. Peut-être encore plus révélateur, la majorité des pasteurs (51 %) étaient tout à fait d’accord avec cette attente en 2015, alors que seul un tiers (34 %) ressent fortement cette obligation aujourd’hui. »

Les pasteurs ne disposent pas d’un réservoir spécial de force spirituelle dans lequel puiser, ni d’outils secrets pour améliorer leur force spirituelle au-delà de ce que chacun d’entre nous possède. Il est facile d’oublier que les sous-bergers du Christ sont toujours des brebis dans son troupeau. Si nous traitons les pasteurs comme des superhéros spirituels, nous leur rendons un mauvais service. Superman n’a peut-être pas besoin de faire des pompes, mais les pasteurs ont toujours besoin de liberté et de marge pour faire leurs exercices spirituels : du temps seul avec Dieu, du temps de prière, du temps dans les Écritures au-delà de la préparation du sermon, du temps avec des directeurs spirituels, des conseillers et d’autres pasteurs qui comprennent ce qu’ils traversent.

Les pasteurs se joindront-ils à la Grande démission ? La réponse dépend peut-être de nous. Angie Ward pense que la pandémie « a révélé un fossé entre le clergé et les laïcs quant à savoir qui porte la charge en matière de soins pastoraux et de leadership, et pas seulement en matière de programmes de direction. »

Elle rêve de ne plus voir les pasteurs porter seuls tout le poids de l’Église. Après tout, une Église dans laquelle se trouvent des laïcs équipés et engagés a de meilleures chances non seulement de conserver son pasteur, mais aussi de poursuivre ses activités en cas de départ du pasteur. « Comment les laïcs peuvent-ils assumer la charge des soins pastoraux et du ministère ? Espérons que nous verrons un développement du ministère de chaque membre. »

En guise de conclusion, Jonathan Dodson ajoute une autre chose dont les pasteurs pourraient avoir besoin en ce moment de la part des membres de leur Église : « des invitations à des repas non menaçants ».

Il témoigne de la période qui a précédé son expérience de burnout. « J’étais en état de choc. Quand je recevais des invitations à déjeuner, je commençais à me demander immédiatement : “Est-ce qu’il y a un problème ? Est-ce qu’il y a quelque chose que je devrais savoir ?” Je ne pense pas que les gens se rendent compte du nombre de rencontres difficiles que doit affronter leur pasteur. Si vous êtes un membre d’Église attentionné, invitez votre pasteur pour un repas ou un café en annonçant clairement que votre objectif est simplement de l’encourager et d’exprimer votre gratitude envers lui. Cela représenterait beaucoup pour les pasteurs. »

Kyle Rohane est responsable des acquisitions pour Zondervan Reflective à Grand Rapids, Michigan. Avant cela, il était éditeur pour CT Pastors avec Christianity Today.

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La violence domestique nuit à des milliers de brésiliennes. L’Église empire-t-elle leur situation ?

Malgré de bonnes intentions, de nombreux pasteurs et responsables d’Église ne contribuent pas à la sécurité des victimes.

Christianity Today May 10, 2022
Illustration by Rick Szuecs / Source images: Anna Shvets / Pexels / Wikimedia Commons

Vous lisez ici la traduction française du texte gagnant du premier concours de rédaction de

Christianity Today

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Le caractère d’une Église se révèle à la façon dont elle traite ses membres les plus vulnérables. Les pauvres, les exilés, les veuves et les orphelins constituent, selon le philosophe américain Nicholas Wolterstorff, le « quatuor des vulnérables ». Parmi ces veuves, il ne serait sans doute pas excessif d’inclure les Brésiliennes victimes de violences conjugales, des femmes invisibles qui ont crié au secours, mais dont les cris trouvent encore peu d’écho.

Un aperçu

Le Brésil est un endroit dangereux pour les femmes. En 2018, toutes les deux heures, une femme était assassinée. Toutes les deux minutes, une femme était battue. Chaque jour, 180 femmes en moyenne étaient victimes de viol. Ces statistiques placent le pays parmi les champions du monde en matière d’agression contre les femmes, selon l’Anuário Brasileiro de Segurança Pública (« Annuaire brésilien de la sécurité publique »). Pire encore, ces chiffres sont sous-évalués. Selon l’annuaire, seules 40 % des victimes portent plainte.

Alors que les indices généraux de violence au Brésil se sont améliorés au cours de la dernière décennie, selon l’Atlas da Violência (« Atlas de la violence ») 2020, les morts violentes chez les femmes ont augmenté de 4,2 % entre 2008 et 2018. Une autre enquête — réalisée par Datafolha les 5 et 6 décembre 2019 — montre que les Églises évangéliques brésiliennes sont composées majoritairement (59 %) de femmes noires défavorisées. Ce groupe, qui constitue donc la majorité des personnes présentes sur les bancs des Églises évangéliques brésiliennes, est le plus durement touché : le taux d’homicides chez les femmes noires a augmenté de 12,4 % au cours de cette période, alors qu’il a chuté de 11,7 % chez les femmes non noires, également selon l’Atlas de la violence. Alors que les personnes noires représentent 54 % de la population brésilienne, une enquête de 2021 de l’IBGE (« Institut brésilien de géographie et de statistique »), indique que les revenus moyens d’une personne à la peau noire ou foncée sont inférieurs aux deux tiers de ceux de la communauté blanche. Cette situation dit quelque chose de la vulnérabilité de cette population.

La violence conjugale

Derrière ces sinistres chiffres se cache un nombre important de femmes évangéliques. La chercheuse Valéria Vilhena a interviewé de nombreuses rescapées de violence conjugale dans le cadre de son mémoire de maîtrise, qui est finalement devenu un livre : Uma igreja sem voz : análise de généralo da violência doméstica entre mulheres evangélicas (« Une Église sans voix : analyse globale de la violence domestique chez les femmes évangéliques »). Ses entretiens ont révélé que 40 % de ces femmes étaient évangéliques. Dans ses recherches, la chercheuse a analysé les rapports de visite d’un centre de soutien pour les femmes victimes de violence conjugale dans la zone sud de São Paulo, la plus grande ville du Brésil. L’étude, largement diffusée, est maintenant un ouvrage de référence sur le sujet.

Les recherches de Valéria Vilhena révèlent que les Églises et leurs dirigeants ont involontairement contribué à perpétuer de tragiques scénarios. Lorsqu’elles se tournent vers leur pasteur pour du soutien et des conseils, espérant échapper aux violences physiques et psychologiques, de nombreuses femmes reçoivent invariablement le même sermon : « ma sœur, tu dois prier davantage, jeûner, crier à Dieu pour la conversion de ton mari. » 1 Pierre 3.1-2 est souvent cité : « Vous de même, femmes, soumettez-vous à votre mari. Ainsi, ceux qui refusent de croire à la parole pourront être gagnés sans parole par la conduite de leur femme, en observant votre manière de vivre pure et respectueuse ».

Cette approche, qui consiste à traiter un problème criminel avec des outils spirituels, ne fait que jeter de l’huile sur le feu de la violence contre les femmes évangéliques brésiliennes. De nombreux pasteurs ont ainsi inconsciemment contribué à la perpétuation de la violence domestique dans les foyers chrétiens, ce qui dans certains cas extrêmes a débouché sur des féminicides. Peu d’entre eux comprennent les conséquences négatives de leur théologie sur les survivantes.

Nos sœurs dans la foi sont ainsi doublement malmenées : d’abord par la violence domestique et ensuite par une lecture légaliste des Écritures qui les maintient emprisonnées, n’attendant que Dieu pour la délivrance, alors que leurs pasteurs auraient la capacité de les aider.

Dans mes recherches pour le livre O grito de Eva (« Le cri d’Ève »), j’ai interviewé certaines de ces femmes souffrantes, entrant en contact pour la première fois avec un univers rempli de douleur et de ressentiment. Beaucoup de ces femmes avaient vu leur jeunesse détruite en vivant avec des hommes impitoyables, qui pour plusieurs tenaient leur pouvoir du discours des pasteurs.

Une problématique complexe

« Pourquoi ces femmes restent-elles et se soumettent-elles à cela ? », me suis-je souvent demandé après ces entretiens. En quête de réponses, je me suis tournée vers des psychologues ayant une expérience avec les chrétiens évangéliques, comme l’analyste jungienne Dora Eli Martin Freitas. Selon elle, ces femmes qui sont souvent issues d’un contexte de violence domestique, tendent à reproduire des schémas familiaux :

« Dans certains cas, c’était une mère cruelle et dominatrice ; dans d’autres, un père oppressif, autoritaire ou alcoolique. Soit l’enfant apprend à se battre avec les mêmes armes qui ont été utilisées contre lui, devenant méchant et même pervers, soit il devient passif et craintif. Les hommes qui battent leurs femmes partagent les mêmes antécédents. »

Le comportement de soumission de la mère envers le père, ou l’inverse, tend à traumatiser les enfants qui peuvent alors devenir soit très agressifs, soit excessivement passifs. Pour les femmes que cette situation conduit à la passivité, l’interdiction d’exprimer leurs désirs produit souvent une somatisation, par exemple sous la forme de migraines récurrentes ou de cancers. Elles ne peuvent ni vivre une vie authentique ni transgresser, alors elles finissent par se trahir elles-mêmes. Transgresser, au sens jungien, consiste à cesser de se conformer aux attentes que les autres ont envers soi, explique Dora Eli Martin Freitas. C’est quand une personne considère la norme à laquelle elle a été soumise et trouve le courage de dire : « Je ne suis pas et je ne serai pas cette personne. » Transgresser, c’est avoir l’audace de rompre avec les attentes.

Outre les barrières psychologiques, la dépendance économique est une autre raison importante pour laquelle les victimes demeurent silencieuses. La peur du partenaire constitue le principal motif pour lequel les femmes ne signalent pas les violences, selon une enquête nationale de l’Institut DataSenado auprès de 2400 femmes. L’absence d’autonomie financière vient en second.

La soumission

Comme chrétiens, nous sommes tous appelés à manifester un désir de servir et de nous soumettre aux autres par respect pour le Christ (Ep 5.21). Ce principe s’applique également à la relation conjugale. La difficulté est d’éviter que l’obéissance à cet appel ne nous transforme en victime d’une relation déséquilibrée, où l’un des conjoints domine l’autre.

Après l’énoncé de ce principe général, le texte d’Éphésiens 5 décrit en détail ce qu’il attend de la dynamique spécifique d’une relation conjugale. « Femmes, [soumettez-vous] à votre mari comme au Seigneur » (v. 22). Le texte poursuit : « Maris, aimez votre femme comme Christ a aimé l’Église. Il s’est donné lui-même pour elle » (v. 25). Le texte affirme que la soumission de la femme doit correspondre à l’amour sacrificiel du mari pour elle. Ainsi, selon la conception biblique de la soumission, la femme ne doit pas se soumettre à la violence d’un mari, mais à son amour.

La psychologie peut nous aider à mieux comprendre la notion biblique de soumission. « Ma compréhension est que servir l’autre et se soumettre au pouvoir de l’autre sont deux choses différentes », dit Dora Eli Martin Freitas. Ce qui importe est de manifester sa disponibilité à aider l’autre en tant que personne. Il ne s’agit pas de se soumettre au rôle que l’autre incarne. « Mari » et « femme » ne constituent souvent que des rôles préétablis et très stéréotypés, et les gens doivent se comporter comme des acteurs pour agir en conformité, se distançant de leur moi profond. Dans ce cas, transgresser c’est dire : je ne veux pas vivre comme un acteur.

L’analyste observe que de nombreux pasteurs ne font que renforcer les stéréotypes féminins, cantonnant les femmes aux espaces que leurs assignent la religion et la culture. Leurs attitudes évoquent le dicton allemand qui réserve aux femmes les trois « K » : Kinder, Küche und Kirche : enfants, cuisine et Église.

L’avocate Priscila Diacov apporte un point de vue juridique à la compréhension biblique du concept de soumission. Médiatrice de conflits familiaux à São Paulo, elle partage aussi ses connaissances avec les Églises. Dans ses séminaires, elle informe sur les différentes formes d’abus et montre que les attitudes des femmes évangéliques, contrairement à celles d’autres milieux, découlent de la doctrine de la soumission absolue au mari, de l’obligation supposée de pardonner au partenaire ses actes violents, du sentiment de culpabilité pour avoir porté atteinte à sa réputation au sein de la communauté si elle vient à le dénoncer et de la peur d’être jugée pour être allée à l’encontre de la Parole de Dieu. « Elles se sentent également coupables de ne pas avoir suffisamment prié pour que leur conjoint change son comportement, et si elles demandent le divorce, elles se sentent responsables de la destruction de la famille », explique Priscila Diacov.

En appuyant cette mauvaise conception de la notion de soumission, les pasteurs et les responsables contribuent souvent à créer chez les hommes et les femmes une mentalité déformée et difficile à changer. Or, il n’est pas vraiment possible de progresser sans confronter ces convictions, et sans mettre en lumière leurs distorsions de l’Écriture. Daniela Grelin, directrice de l’Institut Avon, une organisation philanthropique menant des programmes de lutte contre la violence à l’égard des femmes, rappelle ceci : « Au cœur de la culture judéo-chrétienne se trouve l’idée de la dignité de l’être humain, homme et femme, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. Voilà la norme qui doit être enseignée ».

Le défi du changement

La violence à l’égard des femmes n’est pas seulement un problème de femmes ; c’est un problème qui concerne tous les secteurs de la société : les familles, les Églises, les entreprises et le gouvernement. Nous pouvons tous jouer un rôle de sensibilisation dans nos zones d’influence. Selon Daniela Grelin, de même qu’on ne peut pas permettre que seuls les Noirs luttent pour faire cesser le racisme, ou laisser les Juifs seuls lutter contre l’antisémitisme, il n’est pas possible de reléguer la défense de cette cause uniquement aux femmes. « Il est nécessaire », dit-elle, « d’engager les hommes dans cette transformation. »

L’accueil des victimes d’agression au sein des Églises dépend d’un engagement fort des responsables. « Il s’agit d’un travail complexe, nécessitant la participation de tous, et qui dépend de la formation des pasteurs et des responsables d’Église », explique Priscila Diacov.

Malheureusement, la question de la violence domestique perpétrée par les hommes chrétiens ne figure pas à l’ordre du jour des pasteurs. Ils ignorent simplement cette réalité, ou laissent les femmes s’en charger elles-mêmes. Beaucoup ne sont pas conscients des différentes formes d’abus et sont mal informés sur la violence de genre et sur la violence envers les enfants.

Avec le soutien de bénévoles et de membres d’Église qualifiés dans les domaines de la santé mentale, du droit et du travail social, les pasteurs et autres responsables d’Églises locales pourraient mettre en place des espaces sécurisés pour écouter, recevoir et accueillir ces femmes. « Il est important que ces femmes soient écoutées, accueillies et qu’elles reçoivent des conseils adéquats qui peuvent les aider à sauver leur vie et leur dignité », ajoute la juriste.

Mais les agresseurs ont aussi besoin d’aide. Des hommes mûrs et capables pourraient former des groupes de conversation axés sur l’écoute et le mentorat, car de nombreux agresseurs portent de profondes blessures émotionnelles à la suite d’abus qu’ils ont eux-mêmes subis dans leur enfance.

Malheureusement, la violence conjugale est un problème social très grave et répandu, un défi tant pour les pays les moins développés d’Amérique latine que pour les pays plus riches de l’hémisphère nord. Dans un pays comme le Brésil où le chômage, la pauvreté et les inégalités se sont aggravés pendant la pandémie, la violence contre les femmes évangéliques vient s’ajouter à de nombreux défis sociaux.

L’Église du Christ, dans la diversité de sa sagesse et de son discernement, possède la force morale et les éléments nécessaires pour réduire ces terribles indicateurs ; elle peut être une partie de la solution au lieu d’être une partie du problème. Ultimement, nous avons tous reçu du Christ le ministère de la réconciliation (2 Co 5.18). Cependant, pour que cette réconciliation s’accomplisse, il est essentiel que l’enseignement sur la soumission des femmes soit apporté de façon appropriée, et qu’il appelle non seulement les femmes à avoir une attitude aimante et respectueuse envers leurs maris, mais aussi les maris à aimer leurs femmes comme le Christ a aimé l’Église et s’est sacrifié pour elle.

Marília de Camargo Cesar est née à São Paulo. Elle est mariée et a deux filles. Journaliste, elle est rédactrice adjointe des projets spéciaux chez Valor Econômico, le plus grand journal économique et commercial du Brésil. Elle est également autrice de livres qui suscitent la réflexion chez les dirigeants évangéliques. Ses œuvres les plus connues sont Feridos em nome de Deus (« Blessés au nom de Dieu »), Marina — a vida por uma causa (« Marina : une vie pour une cause ») et Entre a cruz eo arco-íris (« Entre la croix et l’arc-en-ciel »).

Traduit par Émilie Leblanc Tremblay

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