Dieu aussi a connu le divorce

Puisse l’Église épargner une culpabilité injuste à ceux qui passent par le divorce, et offrir un chemin de grâce.

Christianity Today March 10, 2022
Image: Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Yohann Libot / Leighann Blackwood / Unsplash

En entrant dans l’Église, de nombreux chrétiens divorcés ont l’impression de porter sur eux un D écarlate. L’autrice Elisabeth Corcoran était de ce nombre. Après la fin d’un mariage de près de 19 ans, elle faisait face à la douleur, la confusion et la honte. Ces sentiments furent aggravés lorsqu’on lui demanda poliment, peu après son divorce, de renoncer à une intervention qu’elle devait apporter lors d’un rassemblement de Noël pour femmes d’une Église. Se taire, bien sûr.

Suite à la sortie de son livre Unraveling: Hanging on to Faith Through the End of a Christian Marriage (« Démêler les fils : S'accrocher à la foi malgré la fin d'un mariage chrétien ») en 2013, elle a animé un groupe Facebook en ligne pour les divorcés. Elle a entendu des centaines d’histoires similaires à la sienne. Les divorcés s’entendent souvent rappeler ces mots : « Dieu déteste le divorce ». « Je sais », écrivait une femme. « Je n’en suis pas non plus une super fan. »

Même si la recherche montre que les mariages entre croyants pratiquants résistent nettement mieux que d’autres, le taux de divorce au sein de l’Église est toujours alarmant. Malheureusement, plutôt que de trouver dans l’Église un lieu de réconfort et de restauration, les divorcés sont souvent confrontés à une réponse culpabilisante.

Les différentes interprétations des circonstances dans lesquelles la Bible autorise le divorce (pour autant que l’on considère qu’elle le fait) donnent l’impression à certains chrétiens que les mains qu’ils aimeraient étendre pour manifester leur compassion sont liées. De plus, notre conviction bien ancrée selon laquelle « il faut être deux » pour faire fonctionner un mariage conduit souvent à l’opinion erronée qu’il « faut être deux » aussi pour faire échouer un mariage. En conséquence, nous tendons systématiquement à répartir les torts à égalité.

La vérité est qu’il suffit d’un seul partenaire pour détruire une alliance, comme nous pouvons l’apprendre de la relation de Dieu lui-même avec le royaume d’Israël.

Notre compréhension du mariage se fonde sur l’alliance que Dieu a conclue avec son peuple. Comme l’explique David Instone-Brewer dans son livre Divorce and Remarriage in the Church (« Divorce et remariage dans l’Église »), Dieu était l’époux d’Israël (És 54.5). Il l’a prise pour sienne et a juré de la nourrir, de la vêtir, de la chérir et de lui demeurer fidèle (Éz 16). En contraste flagrant avec la fidélité et l’attention de Dieu, les royaumes d’Israël et de Juda ont ignoré sans vergogne cette alliance : ils ont négligé Dieu, ont abusé de lui et l’ont trahi. Les prophètes désignent à plusieurs reprises ce comportement par un terme qui exprime cette violation de l’alliance : l’adultère (Ez 23.37 ; Jr 5.7).

L’alliance conjugale de Dieu avec le royaume d’Israël, au nord, a été détruite par le comportement sans scrupules de ce dernier. Jérémie 3.8 nous donne à entendre ces paroles : « j’ai renvoyé l’infidèle Israël à cause de tous ses adultères, […] je lui ai donné sa lettre de divorce » En Ésaïe 50.1, Dieu demande : « Où est la lettre de divorce par laquelle j’ai renvoyé votre mère ? »

Dieu avertit Juda, adultère et apostat : il doit tirer une leçon de l’exemple d’Israël. Les deux États frères avaient été infidèles et avaient rompu leurs alliances avec Dieu, mais alors que Dieu a divorcé d’Israël, il a offert à Juda, dans sa grâce, une deuxième chance (et même une troisième et une quatrième !). Son offre de restauration a été magnifiquement mise en scène par le mariage du prophète Osée avec l’infidèle Gomer, avant d’être finalement accomplie dans l’alliance conjugale éternelle entre le Christ et l’Église.

J’avais souvent noté le pardon patient de Dieu et le renouvellement de l’alliance dans le livre d’Osée, mais la description par Dieu de son propre divorce d’avec le royaume d’Israël me choquait. J’avais complètement intégré l’idée de « péché de divorce ». Indépendamment de la façon dont j’interprétais les paroles de Jésus à ce sujet, si Dieu lui-même avait fait l’expérience de cette rupture d’alliance, il me fallait repenser ma compréhension de la manière dont péché et divorce sont associés.

Soyons clairs : les alliances conjugales sont censées être permanentes, et le péché est toujours à blâmer lorsqu’un mariage se termine par un divorce. Nous commettons un péché lorsque nous rompons nos vœux, et le mariage nécessite la pratique régulière de la repentance et du pardon pour les fautes et les négligences commises entre époux. Il y a une différence, cependant, entre les erreurs mineures et involontaires et les violations délibérées des engagements de l’alliance. Dans le premier cas, nous devons pardonner et « nous supporter les uns les autres dans l’amour ». Dans le second cas, Dieu laisse un choix à la victime : rester et pardonner comme il l’a fait avec Juda, ou divorcer là où une alliance a été rompue par « dureté de cœur », comme cela s’est produit avec Israël.

Le péché lié au divorce réside dans la rupture des vœux conjugaux, pas nécessairement dans le divorce lui-même. Le divorce de Dieu était entièrement imputable au cœur pécheur et endurci d’Israël. Dieu était une victime irréprochable de ce divorce. Quand Dieu dit « Je hais le divorce » (Ml 2.16), il ne le dit pas avec le doigt d’un juge furieux pointant le coupable, mais avec le cœur brisé de celui qui expérimente la douleur du rejet et de la trahison de sa bien-aimée.

Le divorce n’est pas ce que Dieu veut ou souhaite pour nous. Même là où le divorce est permis, il n’est pas obligatoire, et il restera toujours une tragédie. Le divorce laisse derrière lui bien des ravages et des victimes.

Le fait que Dieu lui-même soit un « divorcé », malgré sa fidélité sans faille à l’alliance, nous incite à une compréhension plus nuancée du mariage et du divorce. Dans nos propres mariages, Dieu nous appelle à suivre son exemple de fidélité à l’alliance : il a démontré à quel point la grâce et le pardon sont nécessaires pour maintenir une relation stable face au péché humain. L’exemple de Dieu nous donne un cadre pour aborder de manière convaincante l’engagement et la grâce, mais aussi pour dire en contrepoint que, dans les situations de violation délibérée de l’alliance de la part d’un cœur endurci, le divorce est autorisé comme un moyen donné par Dieu de déclarer officiellement rompue une alliance qui l’est déjà dans les faits.

Nous trouvons plus de sagesse lorsque nous examinons les sujets brûlants dans le cadre plus large des Écritures. Une discussion sur la pureté en matière sexuelle ne devrait pas seulement porter sur la question de savoir si une personne est vierge lorsqu’elle se marie (même si elle a tout fait sauf…), mais sur la manière dont elle gère sa sexualité dans l’ensemble de sa vie. De même, le test décisif pour la fidélité à l’alliance dans le mariage ne devrait pas simplement être de savoir si quelqu’un a divorcé ou non (même si elle a tout fait sauf cela), mais doit porter sur la façon dont nous gérons notre mariage et cherchons quotidiennement à manifester la fidélité de Dieu envers notre conjoint.

Dieu nous appelle à être fidèles à notre alliance. Nous avons à pleurer les péchés que nous commettons lorsque nous ne respectons pas nos vœux envers notre conjoint, avant d’en arriver à nous lamenter sur le « péché de divorce ». S’opposer au divorce et jeter sur lui l’opprobre et la honte ne soutiendra et n’honorera pas autant le mariage que notre engagement ferme et plein de grâce à respecter nos vœux d’aimer, de chérir, de prendre soin et de rester fidèle. Nous sommes appelés à méditer sur notre fidélité à l’alliance bien avant de penser au divorce, et nous sommes appelés à la grâce quand la tragédie du divorce se produit.

Après des études de droit et de théologie dans son Afrique du Sud natale, Bronwyn Lea s’est installée en Californie. Mère de trois enfants, elle est conférencière, autrice de plusieurs livres et membre de la Redbud Writers Guild. Vous pouvez la retrouver sur son site, sur Facebook ou Twitter.

Traduit par Jacques Lemaire

Édité en français par Léo Lehmann

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