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Pour revêtir l’armure de Dieu, il faut se défaire de l’armure du Moi

Thérèse de Lisieux nous enseigne à retrouver une foi d’enfant et à cesser de barricader nos vulnérabilités.

Christianity Today October 24, 2022
Illustration par Mallory Rentsch/ Images sources : WikiMedia Commons/ Jonny Gios/ Unsplash

Je possède une bible depuis ma jeunesse, celle que je me suis achetée quand j’étais au collège. Tout au long de cette période formatrice de l’adolescence, j’y ai souligné des versets. En feuilletant ses pages aujourd’hui, je vois un fil conducteur dans les passages que j’ai relevés. Ils appellent principalement à l’action. Ce sont des instructions qui m’ont tracé une voie pour avoir le sentiment d’en faire assez pour Dieu.

L’une de mes plus grandes angoisses récurrentes est la possibilité de ne pas prendre mon péché suffisamment au sérieux. Cela peut paraître hyperspirituel, mais relève plus de la peur que de la piété. Je passe en revue non seulement mes actions, mais chaque intention intime, et j’arrive à la même conclusion que Jérémie : le cœur est un désordre inextricable (Jr 17.9). Je scrute mon esprit pour dénicher toute trace de mal à confesser et à éradiquer, et ne fais que découvrir de nouvelles couches d’impureté plus profondes. Retirer le couvercle de mon âme me donne l’impression de regarder dans un chaudron d’horreurs sans fond.

Il ne me vient jamais à l’esprit au milieu de tout ce récurage de mon âme que Dieu pourrait aussi désirer me libérer de la détestation de soi et de la dureté cruelle qui prétendent me rendre plus semblable à lui. Cette forme d’autoflagellation que j’assimile à la sainteté déforme en fait ma perception de Dieu.

Continuer à vouloir assumer la « pleine responsabilité » de mon péché ne fait que me pousser au désespoir, car je trouve que le problème est si profond et si omniprésent en moi que je ne peux même commencer à le résoudre (« Bien que je veuille faire le bien, le mal est attaché à moi » — Rm 7.21). Je suis incapable de discerner mes véritables motivations avec certitude. Plus je dissèque mes confessions, moins elles me paraissent appropriées, m’entraînant plus loin dans la spirale de l’introspection.

Mes tentatives pour assumer pleinement mon péché finissent par saper ma capacité à accepter ce que Christ a fait pour moi. Il est allé à la croix précisément parce que nous sommes tous incapables d’assumer l’entière responsabilité de notre propre péché.

Martin Luther montrait déjà qu’une telle pensée est fallacieuse : « Cette attitude découle d’une fausse conception du péché, l’idée que le péché est une petite affaire, facile à régler par de bonnes œuvres ; que nous devons nous présenter à Dieu avec une bonne conscience ; que nous ne devons ressentir aucun péché avant de ressentir que Christ a été donné pour porter nos péchés ».

L’alternative à la responsabilité n’est pas l’irresponsabilité, c’est de confier la responsabilité à Dieu, de la même manière qu’un enfant a confiance en ses parents pour rendre soin de lui.

Dans son livre explorant les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et la foi, Ian Osborn raconte le cas de Thérèse de Lisieux. Thérèse est née à la fin du 19e siècle. Elle était aussi profondément religieuse qu’on peut l’être. Elle fit ses études dans une école bénédictine, puis devint religieuse carmélite. Les carmélites maintiennent une discipline de vie très stricte, priant de longues heures chaque jour, endurant des observances ascétiques et respectant le silence total pendant de longues périodes. Si quelqu’un a travaillé assidûment pour forger sa propre armure, c’est bien Thérèse.

Malgré son dévouement, des doutes et des peurs incontrôlables la hantaient. Elle essayait d’accomplir de sévères actes d’autopunition pour s’opposer à ce qui se passait dans son esprit, mais cet effort n’apaisait pas sa conscience.

Incapable de trouver une méthode pour soulager sa tension mentale, Thérèse conclut qu’il lui fallait une approche de Dieu fondamentalement différente. Après beaucoup de prière et de réflexion sur les Écritures, elle développa ce qu’elle appela « la Petite Voie ».

Il s’agissait d’une rupture radicale avec le moralisme rigide de son temps. Elle porta son attention sur tous les versets où Dieu se soucie des petits et des humbles, comme Matthieu 18.3 : « Je vous dis la vérité, à moins que vous ne changiez et ne deveniez comme de petits enfants, vous n’entrerez jamais dans le royaume des cieux. »

Thérèse conclut que Dieu lui demandait d’abord de se souvenir de sa propre petitesse. Plutôt que de cultiver l’autosuffisance, elle chercha à épouser l’attitude du jeune enfant dépendant de ses parents pour tout.

Thérèse de LisieuxIllustration par Mallory Rentsch / Images sources : WikiMedia Commons
Thérèse de Lisieux

Au premier abord, la Petite Voie peut paraître aller à l’encontre de tout ce que l’on enseigne aux jeunes chrétiens sur la bonne santé du disciple. Les Écritures nous exhortent à « grandir à tous égards » et à ne pas être « de petits enfants ballottés par les flots » (Ép 4.14-15). Où la maturité entre-t-elle en jeu si nous restons petits ?

L’idée de Thérèse n’était pas de nous inciter à faire du sur-place dans une sorte de retard de développement, mais à rester dans un état de dépendance totale. Plutôt que de travailler dur pour pouvoir nous passer de la grâce surabondante, accueillons notre perpétuelle dépendance à son égard.

Que signifie rester petit ? L’autrice Pia Mellody identifie cinq caractéristiques essentielles pour décrire l’état naturel de l’enfant :

Précieux : Chaque enfant a une valeur intrinsèque.

Vulnérable : Les enfants ont besoin d’accompagnement et de protection.

Imparfait : Apprendre et échouer font partie du développement de l’enfant.

Dépendant : Les enfants ne devraient pas avoir à se débattre seuls.

Immature : Les attentes à leur égard doivent être en rapport avec leur âge.

Chacune de ces caractéristiques traduit également bien la manière d’être et de vivre en enfants de Dieu. Croyons-nous que nous ayons beaucoup de valeur à ses yeux ? Pouvons-nous reconnaître et accepter notre vulnérabilité ? Pourrions-nous admettre notre imperfection ? Que diriez-vous de choisir de compter sur Dieu au lieu de tenter fiévreusement d’être à la hauteur ? Et sommes-nous capables de montrer de la mansuétude envers nous-mêmes, sachant que notre foi continue de grandir et que nous ne voyons pas encore ce que nous deviendrons ?

C’est C. S. Lewis qui a dit : « Quand je suis devenu un homme, j’ai mis de côté les traits de l’enfance, y compris la crainte d’être puéril et le désir d’être très adulte ».

La maturité spirituelle ne signifie jamais l’indépendance. Et Dieu ne nous appelle pas à compter sur nos propres moyens de défense. Au lieu de cela, il nous offre quelque chose de complètement différent. Ésaïe dit ceci :

L’Éternel voit avec indignation qu’il n’y a plus de droiture. Il constate qu’il n’y a personne, il est consterné en voyant qu’il n’y a personne pour intercéder, alors son bras lui assure le salut et sa justice lui sert de soutien. Il enfile la justice comme une cuirasse et met sur sa tête le casque du salut ; il prend la vengeance pour vêtement et s’enveloppe du zèle comme d’un manteau. (Ésaïe 59.15-17)

Ici, l’armure de Dieu n’est portée que par Dieu lui-même. Il s’en revêt pour apporter un salut que nul autre ne pourrait accomplir. Il vient à notre secours de manière puissante, sûre et rapide . Cette armure représente l’action de Dieu en notre faveur.

Cette façon de voir les choses change tout. Cela signifie que lorsque nous nous revêtons de l’armure de Dieu (ou flottons dedans), nous ne saisissons pas simplement une ressource qu’il a mise à notre disposition pour développer notre propre justice. Nous laissons Dieu nous équiper de ce qu’il a fait pour nous. Nous choisissons de rester petits et de compter uniquement sur ses efforts pour nous défendre.

J’ai plusieurs pièces d’équipement que j’endosse régulièrement quand je suis en mode autoconservation. J’appelle ce mode l’armure du Moi, qui comprend la ceinture du déni, la cuirasse de l’humour, les pieds prêts à l’évasion, le bouclier du perfectionnisme, le casque de l’évitement et l’épée du blâme. Mon armure compte de nombreux éléments supplémentaires que Dieu n’offre pas, tels que les épaulettes de l’illusion, le masque de l’affabilité et les protège-tibias de la distraction.

Les psychologues qualifieraient ces éléments de mécanismes de protection de nos sentiments, des moyens de se prémunir contre la douleur des émotions pénibles. Et en période de traumatisme, ces choses se révèlent incroyablement précieuses. Ces défenses sont une mesure de sécurité et de soulagement que Dieu a prévue lorsque le monde devient insupportable.

Nous les acquérons dès notre enfance et ils s’immiscent si profondément dans nos réponses qu’ils sont presque instinctifs. Une menace apparaît et aussitôt, comme un réflexe, nos défenses réagissent pour y faire face.

Mais au fil du temps, ces défenses se prolongent au-delà de leur nécessité. Elles nous accompagnent en permanence. Elles façonnent progressivement nos choix en toute situation. C’est alors qu’elles forment une armure, une seconde peau que nous ne perdons jamais. L’humour qui servait à bon escient à briser la tension lors d’une querelle s’interpose désormais lorsque quiconque essaie de se rapprocher. L’ « endroit heureux » de votre esprit qui vous a permis de traverser une crise envahit bientôt toutes vos pensées, rendant la vie réelle encore plus triste. Le perfectionnisme qui vous gratifiait d’un travail bien fait se transforme en un garde-chiourme collant.

Si je veux porter l’armure de Dieu, je dois d’abord retirer l’armure du Moi. Je ne peux pas tenir en même temps le bouclier du perfectionnisme et le bouclier de la foi. La ceinture de la vérité ne m’ira pas si je suis enveloppée dans le déni.

J’ai essayé de porter les deux pour compléter l’armure de Dieu d’une protection secondaire. Je pensais que cela aiderait, c’est le contraire. Cela signifie qu’il faut désapprendre des schémas qui se sont mués en une seconde nature.

Pour en revenir à la « Petite Voie » de Thérèse, rester petit signifie qu’il faut un pas de confiance pour ne pas enclencher le système de défense que nous nous sommes construit pour nous sentir en sécurité et éviter les sentiments qui pourraient nous écraser. Nous confions la responsabilité de notre bien-être à Dieu, notre Père bon et aimant.

Une fois que j’ai pris conscience de tous ces mécanismes que j’utilisais, j’ai commencé à les pourchasser avec virulence. Se défaire de l’armure du Moi est devenu ma mission essentielle. Elle m’a rapidement amené à me dégoûter de moi-même, car j’ai découvert à quel point j’avais serré mon armure tout autour de moi et combien il était difficile d’en sortir. Je suis devenue très frustrée et honteuse de mon manque de progrès. L’anxiété s’intensifiait à l’idée de changer. Je ressentais cette énorme responsabilité de m’amender, et j’en étais incapable.

Mais peut-être qu’au lieu de mettre la clé sous la porte, je pouvais inviter Dieu à m’aider à poser des questions. Qu’est-ce qui génère mes peurs ? Qu’est-ce qui plonge mon être même dans tant de panique ? Si je peux identifier et traiter ces déclencheurs, mes mécanismes d’autoprotection pourraient commencer à disparaître d’eux-mêmes. Mon esprit et mon corps n’auraient plus besoin d’être constamment en état d’alerte, car la menace perçue ne le serait alors plus si menaçante.

Tout cela demande du temps. Un de mes amis qui lutte contre l’alcoolisme a décrit un jour le voyage vers la guérison comme « 10 kilomètres pour entrer, 10 kilomètres pour sortir ». Nous ne pouvons pas nous précipiter dans ce qui est le processus de toute une vie.

Et notre besoin d’aide pour changer devient une occasion de plus de rester petit. Nous pouvons confier à Dieu le travail de transformation, laissant Jésus remplacer nos protections intérieures par ses vêtements de louange.

J. D. Peabody est écrivain et pasteur principal de la New Day Church de Federal Way, dans l’État américain de Washington. Cet article est traduit et adapté de Perfectly Suited : The Armor of God for the Anxious Mind (« Parfaitement adaptée : l’armure de Dieu pour esprit anxieux ») de J. D. Peabody. © Aspire Press, division de Tyndale Publishing House (2022).

Traduit par Philippe Kaminski.

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Comment, vous ne déconstruisez pas ?

La déconstruction sous toutes ses formes est à la mode. Et si la théologie nous y invitait déjà ?

Christianity Today October 24, 2022
Illustration by Sarah Gordon

Thomas d’Aquin est le théologien par excellence. Ses écrits comptent plus de dix millions de mots, rédigés à un rythme fébrile, debout à un bureau. Il a non seulement synthétisé l’enseignement chrétien sur la doctrine, mais aussi des questions plus larges concernant la manière dont les chrétiens devraient concevoir Dieu. Thomas d’Aquin a également été le premier théologien que j’ai étudié.

Jusqu’à ce que je commence des études supérieures en théologie, ma foi faisait simplement partie des meubles de mon univers. Elle était familière et assez ordinaire. Sa capacité à me soutenir lorsque je m’y appuyais était restée incontestée. Ce n’est pas que j’avais peur de poser des questions difficiles. Dieu était simplement celui à qui je confiais mes préoccupations, ma solitude, mes besoins existentiels. Le traiter comme un objet d’étude, entièrement à part de ce type de piété, ne m’est pas venu naturellement.

Je ne m’étais donc pas du tout préparée à étudier la théologie au moment où je m’y suis lancé officiellement. À vrai dire, à notre première rencontre la théologie systématique m’a semblé trop abstraite et détachée. L’amour sincère pour Dieu qui motivait mon étude devait être mis entre parenthèses pour un temps — mais cet amour sincère était presque tout ce que j’avais !

La théologie systématique est un monde de précision et de définitions. Mais on pourrait avoir l’impression, dans un premier temps, que ce discours trahit une grande partie de ce qui motive la pratique de la foi.

Mon désir d’étudier était motivé par une sorte d’engagement sérieux qui, d’après mon expérience, était rare dans les écoles supérieures, qui me semblaient souvent le lieu de féroces guerres de territoire. Bien sûr, je croyais en Dieu et en Jésus-Christ, son Fils unique. Ce n’étaient pas les articles de la foi que j’avais besoin de remettre en question à ce moment-là ; c’était ce que ce signifiait dire « Je crois »

J’ai vécu une sorte de conversion, à la fois à la théologie et à sa méthode, lorsque j’ai lu la Somme théologique de Thomas d’Aquin. Je n’avais jamais eu à lire quelque chose aussi lentement.

La Somme théologique fait appel au raisonnement dialectique, qui utilise les règles de la logique pour comparer des positions concurrentes et déterminer laquelle est vraie. Cette forme de théologie scolastique peut se lire comme un jeu. La structure de chaque argument propose une affirmation qui semble à première vue crédible. Thomas d’Aquin fait ensuite marche arrière et propose un « au contraire ».

J’avalais souvent la déclaration initiale, supposant qu’elle exprimait la vérité puisque Thomas d’Aquin avait tendance à l’accompagner d’un verset biblique, et ses revirements venaient ensuite m’appeler à l’humilité. J’avais l’habitude de me satisfaire de réponses plus faciles.

La vérité sur Dieu n’est cependant pas toujours facile. La foi qui commence par un engagement sérieux doit parfois passer par une période de lente remise en question, de confusion, de carrefours et d’ascension laborieuse.

Pour Thomas d’Aquin, l’affirmation selon laquelle Dieu, contrairement à nous, existe sans aucune contingence a de vastes implications, en particulier pour la manière dont nous apprenons à connaître Dieu. Puisque Dieu est infini, ce que l’on peut apprendre de lui est également infini. Mais il y a aussi beaucoup de choses que nous ne pourrons jamais connaître. Des créatures finies ne peuvent pas avoir une connaissance infinie — c’est une affirmation logique. Cela ne veut pas dire que notre connaissance de Dieu est déficiente ; elle est simplement incomplète.

Prenons l’exemple d’un lézard. Une scientifique pourrait, si elle disposait de suffisamment de temps et de ressources, étudier ce lézard afin d’apprendre tout sur sa biologie, son fonctionnement, son histoire et son habitat. Pour finir, cette scientifique pourrait raisonnablement dire qu’elle sait tout ce qu’il y a à savoir sur les lézards.

Certes, il y a des choses qu’elle ne saura peut-être jamais. Il est difficile, par exemple, de juger de la cognition des lézards. Mais nous pouvons connaître un lézard, ou toute autre créature, autant qu’il peut être connu. Dieu, cependant, ne peut pas être connu de la même manière qu’un lézard. Et ceci en raison du type d’être que Dieu est.

Jésus a clairement dit : « Voici ce qu’est la vie éternelle : qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et Jésus-Christ » (Jn 17.3). Je n’ai donc pas été emballée lorsque j’ai appris que ma connaissance de Dieu serait toujours incomplète.

Pendant un moment, je me suis sentie désarçonnée. Comme de nombreux étudiants en théologie, pendant des jours difficiles d’incertitude et de solitude, j’avais prié pendant des années un Dieu que j’imaginais comme tout à fait semblable à moi, mais plus grand. J’aimais ce Dieu et je savais qu’il m’aime.

Au lieu de me sentir simplement plus proche de ce Dieu que j’aimais, j’ai appris qu’il y avait une limite claire à ce que je pouvais savoir. J’avais besoin d’apprendre à aimer Dieu dans l’obscurité.

Ce qui s’est passé au cours de ces premières années d’étude académique de la théologie était une sorte de déconstruction. Plus exactement, c’était une correction. Le fait d’être détrompée de mon sentiment d’avoir compris Dieu, au départ inquiétant, est devenu avec le temps une sorte de baume.

Parce que je comprends mieux maintenant ce que c’est que de comprendre. Il y a une différence entre ce que nous ne savons pas en raison de nos limites terrestres ou de notre manque d’intelligence ou d’expérience et ce que nous ne pouvons pas savoir en raison des contraintes de la connaissance humaine. Nombre de nos problèmes théologiques proviennent de notre incapacité à faire la différence entre les deux

Bien sûr, beaucoup de choses nous offrent de l’assurance tout en restant au-delà de notre compréhension. (C’est précisément parce que Dieu est « au-delà » du monde naturel et de ses limites qu’il est capable de parvenir à des fins surnaturelles.) Hébreux 11.1 l’expose lorsqu’il définit la foi comme étant « la confiance en ce que nous espérons et l’assurance de ce que nous ne voyons pas ».

Une foi assurée ne nous permet cependant pas de tenir l’incommensurable dans le creux de notre main. C’est dans l’espace entre ce que Dieu est et ce que nous pouvons savoir de lui que réside la foi.

J’ai souvent souhaité pouvoir communiquer cette distinction aux apologètes turbulents qui cherchent avant tout à « prouver » la foi chrétienne afin d’amener les autres à croire. Ces approches parlent souvent de Dieu comme s’il s’agissait d’un lézard, comme si nous pouvions tracer les contours de l’existence de Dieu et prédire son comportement.

Mais traiter Dieu comme un simple objet d’étude, c’est commettre une erreur fatale. Nous devons tempérer nos attentes quant à ce que nous pouvons savoir de Dieu.

L’apôtre Paul nous le dit en 1 Corinthiens 13.12 : « Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j’ai été connu ». La compréhension complète doit donc attendre. Mais nous devons tout de même affronter nos images inexactes de Dieu. La façon dont j’ai traité la mienne pourrait être appelée déconstruction.

Ces derniers temps, certains s’inquiètent beaucoup de ceux qui « déconstruisent » leur foi. Le langage de la déconstruction emprunte aux théoriciens de la littérature, en particulier Michel Foucault et Jacques Derrida, dont les idées, bien que parfois éclairantes, sont assez fréquemment en tension avec la foi chrétienne.

Le langage de la « déconstruction de la foi » véhicule l’idée que la vraie connaissance va au-delà des simples affirmations, se demandant quels engagements sociaux, quelles hypothèses politiques et quelles pratiques en matière de genre pourraient être à l’arrière-plan de ce qui se présente comme des affirmations évidentes.

À en juger par mon fil Instagram, il est assez populaire de se présenter comme « en déconstruction » de sa foi. Certains semblent pratiquer cette déconstruction comme s’ils allaient chez le coiffeur ou attendaient qu’une machine de linge sèche.

La déconstruction est parfois assimilée à un « abandon », soit à la recherche d’une autre foi que le christianisme, soit simplement pour essayer de vivre comme si Dieu n’existait pas. Vue de cette manière, la déconstruction peut être considérée comme une menace très réelle pour la foi chrétienne.

Il est tentant de considérer cette déconstruction comme une entreprise arrogante, mais les raisons pour lesquelles des individus peuvent vouloir revoir leurs pratiques et leurs croyances chrétiennes sont nombreuses et variées. La plupart d’entre elles sont liées à des doutes sur la fiabilité de croyances antérieures — et ce n’est pas toujours une mauvaise chose, pas plus que cela ne conduit systématiquement à abandonner une juste foi pour un moins bon système de croyances.

Certains ont vu leur confiance ébranlée après avoir été victimes d’un leadership abusif ou de problèmes d’intégrité mal gérés. Lorsqu’une organisation ne parvient pas à guider et à protéger avec sagesse les personnes dont elle a la charge, le doute sur la fiabilité de l’Église peut se transformer en doute sur l’enseignement de l’Église.

Certains chrétiens traversent une période de déconstruction lorsqu’ils confrontent l’enseignement de l’Église à l’expérience vécue de leurs amis et de leurs proches et constatent le décalage entre les deux. Ils ne correspondent ni politiquement ni socialement. Une forme de déconstruction peut aussi se produire si les spécificités de notre foi découlent moins de ce que Dieu demande de nous que d’une tentative de maintenir une image — par exemple, la préservation d’une identité agricole à l’ancienne.

Dans d’autres cas où l’on parle de déconstruction, une personne peut simplement en venir à douter de la fiabilité de l’image mentale qu’elle se faisait de Dieu. On pourrait, par exemple, reconsidérer l’hypothèse selon laquelle Dieu est un genre de bon père Noël sympathique qui exauce nos demandes en nous offrant les bons résultats escomptés.

Certains aspects de cette image sont véridiques : Dieu est un Père qui offre de bonnes choses à ses enfants (Mt 7.11), à qui nous devons présenter nos demandes (Ph 4.6). Cependant, d’autres aspects — l’idée que recevoir des choses (ou se les voir refuser) est l’élément principal de notre relation avec Dieu, l’hypothèse que Dieu répond à la manière dont un humain le ferait — mériteraient d’être reconsidérés.

Une telle remise en question est souvent douloureuse. J’ai souvent pris du temps avec des étudiants qui avaient besoin de traiter la disparition de l’image du Dieu qu’ils priaient depuis des années.

L’une d’elles, par exemple, avait toujours imaginé Dieu à l’image de son grand-père. Bien qu’il s’agisse d’un homme charmant, plutôt jovial, cette étudiante s’était rendu compte qu’elle avait également projeté sur Dieu les faiblesses de son grand-père — son caractère emporté et son esprit mordant. Elle avait besoin de s’attaquer à son image mentale, pour voir ce qui restait de vrai. Une image trompeuse peut être remplacée par une image véridique, mais l’objectif ici est d’aller au-delà de nos images. Une image humaine de Dieu ne sera jamais plus qu’une idole.

Bien que le langage de la déconstruction soit régulièrement utilisé de manière un peu flottante et englobe toutes les diverses expériences mentionnées ci-dessus (ou serve simplement de marqueur identitaire), il a un lien avec le travail de la théologie.

Les premiers théologiens chrétiens disaient que notre connaissance de Dieu n’est que partielle. Le philosophe antique que l’on connaît comme le Pseudo-Denys l’Aréopagite exhorte ainsi ceux qui cherchent à connaître Dieu :

Laissez derrière tout ce qui est perçu et compris, tout ce qui n’est pas et tout ce qui est, et, une fois votre compréhension mise de côté, tendez vers le haut autant que vous le pouvez vers l’union avec celui qui est au-delà de tout être et de toute connaissance.

Les individus qui agissent ainsi, écrit Denys, acquièrent une modestie qui les oppose aux « non informés », ceux « qui pensent que par leurs propres ressources intellectuelles ils peuvent avoir une connaissance directe de celui qui a fait de l’ombre sa cachette ».

Reconnaître que notre connaissance n’est qu’humaine et que Dieu se trouve au-delà, c’est peut-être entrevoir Dieu pour la toute première fois.

Après tout, c’est l’amour de Dieu qui est le but de toute étude chrétienne de la théologie. Ceci pourrait signifier que certains n’atteignent pas la certitude, mais la dépassent. En apprenant à connaître Dieu, nous reconnaissons souvent que Dieu est, comme l’a également écrit Thomas d’Aquin, incompréhensible parce qu’il est beaucoup, beaucoup plus grand que nous ne pourrions jamais le saisir pleinement. Mais la reconnaissance de ce fait conduit l’esprit à une sorte d’obscurité, ce que le Pseudo-Denys décrit comme une « obscurité de l’inconnaissance » qu’il considère comme grande que la lumière.

Passer de la connaissance de Dieu d’une certitude simpliste dans la lumière à la connaissance de Dieu dans l’obscurité au-delà de mon entendement a nécessité un changement majeur dans ma foi, même dans ma vie de prière. Au lieu de me reposer sur la connaissance, j’ai dû faire confiance au fait que Dieu est bon, même lorsque je ne parvenais pas à donner un sens à cette affirmation. Je devais aimer Dieu au-delà de ce que je pouvais savoir de lui. J’ai pu passer de la simple foi à la confiance en Dieu dans l’obscurité, puis à l’amour du Dieu qui demeure dans une lumière inaccessible.

La déconstruction devrait avoir pour tâche d’articuler cette différence entre ce que nous pouvons savoir et là où nous devons simplement faire confiance. Il y a une distinction à faire entre ce que nous ne savons pas par manque d’étude ou de formation et ce que nous ne pouvons pas savoir en raison de la différence de catégorie entre ce que Dieu est et ce que nous sommes.

Ce processus devrait démanteler les certitudes là où elles ne sont pas appropriées. Mais cela ne signifie pas que la foi sera démantelée ; la croyance chrétienne ne repose pas sur les capacités intellectuelles du chrétien, mais sur la fermeté de Dieu.

La déconstruction peut échouer. L’une des raisons de son échec peut être l’absence de guides bien formés. Beaucoup imaginent qu’ils découvrent de nouveaux problèmes de la foi chrétienne. (Si je recevais un dollar pour chaque jeune « déconstructeur » qui découvre pour la première fois le problème du mal, je pourrais remplir une bibliothèque sur le sujet.)

Sans un guide qui connaît le terrain de la tradition chrétienne, ses tensions, ses questions éternelles et les endroits où les bonnes réponses sont difficiles à trouver, un questionneur naïf peut avoir l’impression d’avoir épuisé la foi chrétienne, que sa tradition ne peut pas répondre à ses questions, qu’il l’a dépassée.

Un bon guide saura aussi quand dire « Nous ne pouvons pas tout savoir » — c’est-à-dire quand rappeler à ses étudiants que Dieu n’est pas comme un lézard. Ce faisant, on évitera une autre erreur potentielle de la déconstruction : exiger la certitude au détriment de la confiance. Même nos meilleurs cours de théologie resteront humains, et donc limités, incomplets et sujets à l’erreur. Au terme de notre apprentissage de Dieu, il arrive un moment où il faut faire confiance.

Le but de la formation théologique est de pouvoir faire confiance dans l’obscurité en ce que l’on a appris dans la lumière, d’apprendre à connaître en partie le Dieu qui ne sera pleinement connu que dans la vie à venir.

De nombreux chrétiens ont appris à faire passer la connaissance avant l’amour, avec l’idée que nous devons comprendre Dieu avant de pouvoir l’aimer. Mais placer l’amour avant la certitude nous aide à savoir que c’est bien Dieu que nous aimons, et pas nos propres efforts intellectuels.

S’il y a un exemple biblique de tels efforts, j’aime à penser que c’est Jacob luttant au Jabbok. Cette histoire est déconcertante. D’abord, on ne sait pas exactement avec qui Jacob luttait. On nous dit que c’était « un homme » (Gn 32.24), mais avant la fin de la nuit Jacob comprend que son adversaire était Dieu. On ne nous dit pas non plus pourquoi ils luttaient.

Mais Jacob a été béni pour sa lutte et a reçu un nouveau nom en signe de cette bénédiction. Dieu a changé son nom en Israël, « parce que tu as lutté avec Dieu et avec les hommes et que tu as vaincu » (v. 28). Notons, cependant, que si la lutte de Jacob cette nuit-là a été récompensée, il ne faut pas nécessairement lutter avec Dieu et déconstruire ses croyances pour parvenir à une véritable relation avec lui.

La révélation de la vérité sur Dieu n’est pas basée sur les mérites. Elle est même répandue généreusement sur ceux qui ne le cherchent pas ou qui ne le désirent pas particulièrement. Par exemple, la Samaritaine au puits en Jean 4 tombe par hasard sur le Christ, le Fils du Dieu vivant. Il nous est dit que Dieu se révèle aux enfants, mais pas aux savants (Mt 11.25).

Ceux qui étaient les plus proches de Jésus n’ont parfois pas vu son identité divine.

Nous, théologiens — peut-être par tempérament, peut-être pour la sécurité de l’emploi — avons tendance à surévaluer notre profession. De nombreux chrétiens n’ont guère besoin de nous, capables qu’ils sont de croire en Dieu et de se fier à sa bonté sans notre aide.

Il y a cependant des moments où, comme les pompiers ou les plongeurs secouristes, nous avons des compétences qui sont précieuses. Dans ce cas-ci, les théologiens peuvent être particulièrement utiles pour démêler les aggrégats de la culture, de l’histoire et de la personnalité dans nos croyances en Dieu.

La déconstruction, par laquelle j’entends la lutte pour corriger ou approfondir une croyance naïve, est une part importante de l’apprentissage de la théologie. Les chrétiens doivent s’atteler à la tâche de dépasser leurs représentations simplistes pour croire en un Dieu qui est plus vaste que ce qu’ils peuvent comprendre.

Une grande partie du mouvement évangélique a capitalisé sur une simplicité théologique qui n’a pas toujours bien servi les chrétiens. L’évangélisme pourrait utiliser le travail des théologiens pour lever certains des obstacles et écarter des présupposés culturels qui masquent la sainteté de Dieu.

Si nous voyions Élie, Moïse et le Christ comme Pierre, Jacques et Jean les ont vus lors de la Transfiguration en Marc 9 — comme ils sont maintenant et non comme ils apparaissaient à leurs contemporains — nous voyagerions par la vue jusqu’à ce nuage d’inconnaissance. Nos stylos s’arrêteraient, nos questions se tairaient, nos visages resteraient bouche bée. Nous verrions ce qui a toujours été, mais qui a toujours été caché : Dieu la Parole.

La déconstruction peut être ce bredouillement, cet émerveillement la bouche ouverte, lorsque vous réalisez que Dieu est bien plus grand que vous ne le pensiez. Cela peut être aussi simple qu’une autre scène de Marc 9, où un homme s’écrie : « Je crois, viens au secours de mon incrédulité ! » (v. 24).

Thomas d’Aquin dit avoir eu une vision de ce genre vers la fin de sa vie. « Tout mon travail est comme de la paille », en a-t-il conclu. Il a posé sa plume. Il avait atteint ce lieu où le silence l’emporte sur la parole, où des millions de mots sont réduits au silence en présence de celui qui est la Parole de Dieu.

Après une telle rencontre, Thomas d’Aquin a cessé d’écrire. Après sa rencontre, Jacob boitait. D’une certaine manière, j’ai mon propre boitement depuis que j’ai appris que Dieu est différent. J’ai appris à faire confiance là où je ne peux pas voir, à espérer au-delà de ce que je peux savoir avec certitude. J’ai appris à aimer Dieu dans l’obscurité.

Kirsten Sanders est la fondatrice du Kinisi Theology Collective, un projet de théologie publique qui vise à mettre en contact des théologiens qualifiés avec des personnes désireuses d’approfondir leur connaissance et leur amour de Dieu. Elle est diplômée de la Duke Divinity School et de l’université Emory.

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Des œuvres d’art remettent en question l’idée que le leadership chrétien a toujours été réservé aux hommes.

L’impératrice byzantine Théodora porte un calice d’or. En face d’elle, du côté opposé de l’autel de la Basilique de San Vitale, son mari, l’empereur Justinien, porte une miche de pain. Le pain et le vin sont les deux éléments de l’Eucharistie.

L’impératrice byzantine Théodora porte un calice d’or. En face d’elle, du côté opposé de l’autel de la Basilique de San Vitale, son mari, l’empereur Justinien, porte une miche de pain. Le pain et le vin sont les deux éléments de l’Eucharistie.

Christianity Today October 20, 2022
Photographie de Radha Vyas

La Bible montre la place importante des femmes dans l’Église primitive. Les femmes ont été les premières à se rendre au tombeau vide et à proclamer la résurrection (Mt 28.1-10 ; Mc 16.1-8 ; Lc 23.55-24.10 ; Jn 20.1-2, 11-18). Certaines défendaient l’Évangile aux côtés de Paul (Ph 4.2-3), enseignaient aux nouveaux convertis (Ac 18.24-28), prophétisaient (Ac 21.9), rassemblaient des Églises dans leur maison (Ac 16.14-15, 40 ; 1 Co 16.19), servaient l’Église (Rm 16.1), transmettaient les épîtres de Paul (v. 2) et étaient considérées comme « remarquables parmi les apôtres » (v. 7).

On trouve également un témoignage visuel moins connu de la présence des femmes dans le ministère dans d’anciennes églises d’Italie. De l’époque du premier concile de Nicée jusqu’au 12e siècle, les chrétiens ont créé des représentations de femmes prêchant, de femmes désignées comme membres du clergé, et même une portant un calice de communion, au moyen duquel les croyants ont toujours rappelé les paroles du Christ : « Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui est répandu pour beaucoup pour le pardon des péchés » (Mt 26.28).

Radha Vyas, photographe et étudiante au Dallas Theological Seminary, nous emmène à la découverte de ce témoignage artistique sur les femmes dans le ministère.

Marie lève les bras dans la pose des orants au musée du Vatican. Le manipule blanc à sa taille indique un rang clérical. Entourée de saints, elle semble exhorter les deux femmes situées en dessous d’elle. Ces deux dernières étaient probablement des bienfaitrices de l’Église.Photographie de Radha Vyas
Marie lève les bras dans la pose des orants au musée du Vatican. Le manipule blanc à sa taille indique un rang clérical. Entourée de saints, elle semble exhorter les deux femmes situées en dessous d’elle. Ces deux dernières étaient probablement des bienfaitrices de l’Église.
Dans la basilique Sant'Apollinare Nuovo, 22 femmes martyres, placées juste sous les apôtres, sont conduites par les Mages vers Marie et le Christ nouveau-né. Chacune est identifiée par son nom et honorée pour avoir donné sa vie à Jésus.Photographie de Radha Vyas
Dans la basilique Sant’Apollinare Nuovo, 22 femmes martyres, placées juste sous les apôtres, sont conduites par les Mages vers Marie et le Christ nouveau-né. Chacune est identifiée par son nom et honorée pour avoir donné sa vie à Jésus.
Une mosaïque de la chapelle de l’évêque Zeno à Vérone représente l’Agneau de Dieu et, en dessous, quatre femmes. Il s’agit, de droite à gauche, de Sainte Praxède, du deuxième siècle, de Marie, de la sœur de Praxède, Pudentienne, et d’une personne encore vivante à l’époque entourée d’une auréole carrée. Elle s’appelle Théodora et pourrait être la mère du pape Pascal Ier. Au-dessus de sa tête se trouve le mot grec episkopa, la forme féminine d’évêque. Certains ont affirmé que ce titre n’était qu’honorifique. La terminaison féminine de son nom a également été dissimulée.Photographie de Radha Vyas
Une mosaïque de la chapelle de l’évêque Zeno à Vérone représente l’Agneau de Dieu et, en dessous, quatre femmes. Il s’agit, de droite à gauche, de Sainte Praxède, du deuxième siècle, de Marie, de la sœur de Praxède, Pudentienne, et d’une personne encore vivante à l’époque entourée d’une auréole carrée. Elle s’appelle Théodora et pourrait être la mère du pape Pascal Ier. Au-dessus de sa tête se trouve le mot grec episkopa, la forme féminine d’évêque. Certains ont affirmé que ce titre n’était qu’honorifique. La terminaison féminine de son nom a également été dissimulée.
L’abside de la coupole centrale du baptistère du Latran place Marie entre l’apôtre Paul à sa gauche et l’apôtre Pierre à sa droite, avec Jésus au-dessus de tous. Dans cette mosaïque, on peut voir Marie levant les bras dans la pose de l’orant, « élevant des mains saintes » (1 Tm 2.8).Photographie de Radha Vyas
L’abside de la coupole centrale du baptistère du Latran place Marie entre l’apôtre Paul à sa gauche et l’apôtre Pierre à sa droite, avec Jésus au-dessus de tous. Dans cette mosaïque, on peut voir Marie levant les bras dans la pose de l’orant, « élevant des mains saintes » (1 Tm 2.8).

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En Afrique, la pire famine depuis des décennies menace l’unité des familles et la dignité humaine

La situation critique des communautés d’éleveurs confrontées à la faim fait écho aux récits de l’Ancien Testament.

Christianity Today October 17, 2022
Photo par Martin Muluka

« Je suis le père et la mère de mes enfants », dit Regina tout en tressant un panier, assise sur le sol de la hutte de paille qu’elle a construite elle-même.

Les biens de la famille sont accrochés au mur : un bol bleu en plastique, une paire de petites sandales, un bouchon de bouteille vert. Un bambin joue dans le dos de Regina. Un bébé se tortille sur ses genoux. C’est le milieu de l’après-midi dans le village de Nakorio, au nord-est du Kenya, et personne n’a mangé aujourd’hui.

L’année dernière, le mari de Regina est parti pour le lac Turkana. D’autres hommes ont également abandonné leur famille — certains désespérant de sauver leurs troupeaux de chameaux et d’autres animaux d’élevage, d’autres craignant la honte de rentrer à la maison pour retrouver leurs enfants affamés.

« Il ne me manque même pas, parce qu’il ne m’apporte pas de nourriture », dit-elle. « S’il revenait, je le chasserais. »

Les Turkana, un peuple semi-nomade du Kenya, partagent leur situation critique avec des millions d’Africains de l’Est, affamés et déplacés en raison de la pire sécheresse depuis au moins quatre décennies.

Dans le grand public, la menace constante de famine et de pénurie alimentaire en Afrique subsaharienne est simplement devenue un cliché de la souffrance dans le monde. Mais pour les chrétiens, la crise qui sévit sur ces terres poussiéreuses d’Afrique de l’Est devrait éveiller certains souvenirs. La famine apparaît comme un acteur récurrent dans la vie d’Abraham, d’Isaac et de Jacob — une force qui non seulement conduit à la souffrance physique, mais aussi à la dégradation des relations familiales, de manière semblable à ce que vit la famille de Regina.

« Les histoires de la Genèse n’ont pas été racontées pour donner un enseignement à propos de la famine », explique Yohannes Sahile, théologien de l’Ancien Testament à la faculté de théologie de l’Africa International University, à Nairobi. « Mais nous pouvons y trouver des leçons sur la façon de répondre à la famine, même si ces leçons n’étaient pas les objectifs principaux. »

Dans le Turkana, la sécheresse et la famine bouleversent encore plus un mode de vie déjà fragile. Les hommes s’occupent du bétail ; les femmes élèvent les enfants, construisent les maisons, ramassent et préparent la nourriture, et fabriquent du charbon de bois pour le vendre. La plupart des familles sont polygames et, comme le raconte un habitant de la région, les femmes assument tellement de responsabilités que ce sont souvent elles qui proposent à leur mari d’épouser une autre femme pour les aider.

Même lorsque les précipitations sont régulières, les communautés se livrent à des combats meurtriers pour les terres de pâturage. Aujourd’hui, des carcasses de chameaux morts et des crânes de chèvres blanchis gisent sous le soleil de Nakorio. Une famille locale affirme avoir perdu 70 de ses 80 animaux au cours des derniers mois.

Depuis que la sécheresse a frappé en 2019, de nombreux hommes sont partis, affirmant devoir trouver des pâturages pour leurs animaux. Sans eux, les femmes ont peu de moyens de subvenir à leurs besoins.

Regina vend ses paniers aux gens de passage. Elle fait un voyage de 12 heures à pied jusqu’au village le plus proche pour acheter de la farine de blé à crédit. La plupart du temps, elle ne peut offrir à ses enfants que de l’eau bouillie ou du thé.

Regina et son enfant. Les restes d’une chèvre.Photos de Martin Muluka
Regina et son enfant. Les restes d’une chèvre.

Quand tout le monde est faible et léthargique, la famille dort. « Et quand mes enfants pleurent, je pleure avec eux », dit-elle.

« Si l’on regarde cela de manière superficielle, on peut penser que ces hommes ont abandonné leurs familles », explique Tom Masinde, qui supervise les opérations de l’organisation World Vision dans le Turkana. « Et, bien sûr, leurs familles perdent l’accès aux besoins domestiques de base, les enfants cessent d’aller à l’école, les mères ne reçoivent pas de soutien pendant leur absence de quatre à six mois. Mais le bétail est leur principal moyen de subsistance, et ils doivent choisir entre perdre 50 ou 100 chèvres et partir. »

Même si les motivations de leur mari peuvent être altruistes, peu de femmes ressentent de l’empathie à leur égard.

« Je remercie Dieu de m’avoir donné cet homme inutile. Il m’a fait voir beaucoup de choses », déclare Margaret, mère de trois enfants de moins de quatre ans. « Je demande à Dieu qu’il voie ce que j’ai traversé et que Dieu a pourvu à mes besoins, et qu’il sache que Dieu est là. »

Dans l’Ancien Testament, certains patriarches ont fui la famine avec leur famille et d’autres sont restés sur place. Leurs histoires montrent comment la famine multiplie les conséquences de l’égoïsme sur les familles.

En Égypte, Abram, craignant soi-disant pour sa vie, délaisse sa responsabilité envers sa femme Saraï. Il laisse Pharaon la prendre dans sa maison après avoir menti et prétendu qu’ils étaient frères et sœurs. Au milieu de la famine, Isaac ment également aux Philistins pour cacher que Rebecca est sa femme. En 2 Rois 6, une femme propose à une autre de manger ses enfants. Après avoir mangé l’enfant de l’autre femme, elle cache le sien.

« Dans cette histoire, où sont leurs maris ? On ne les voit pas. Les femmes sont laissées à elles-mêmes. Ce sont les femmes qui portent la souffrance de la famille parce qu’elles doivent voir leurs enfants mourir », proteste Wanjiku Kihuha, théologienne kenyane et conférencière à l’Université Saint-Paul et à la Pan African University.

« Qu’est-ce qui est le plus important pour cet homme ? Sa femme et ses enfants ou ses animaux ? » demande-t-elle encore, déplorant que le désespoir causé par la faim affecte la dignité humaine. « Je laisse aux hommes de la communauté le soin de se poser la question : où est votre cœur ? Je sais qu’ils accordent beaucoup de valeurs aux animaux, ce qui n’est peut-être pas notre cas dans mon propos. Je dis que nous voyons ces choses, et que ces questions sont posées. Peut-être que nous devrions être à la place de ces personnes pour comprendre, mais pourquoi votre famille mourrait pour que vous sauviez les animaux ? »

World Vision distribue de la nourriture et intervient dans une Église locale.Photos de Martin Muluka
World Vision distribue de la nourriture et intervient dans une Église locale.

Il y a environ cinq ans, World Vision est entré en contact avec la communauté de Kalapata, qui se trouve à environ trois heures de 4×4 de Nakorio. Une partie de ses efforts a consisté en des programmes de microcrédit et un nouveau modèle de parrainage d’enfants où les enfants choisissent leurs parrains. Plusieurs familles gèrent des magasins de proximité depuis leurs huttes.

Mais une partie importante du travail de World Vision a porté sur le renforcement de la résilience relationnelle de la communauté qui est constamment menacée par la famine. Un nouveau réseau de pasteurs comptant 36 membres regroupe des dirigeants locaux d’Églises réformées, pentecôtistes, orthodoxes et catholiques.

Ils intègrent des programmes de World Vision dans leurs rencontres. Un cours cherche à répondre au fatalisme à l’aide des Écritures. D’autres se concentrent sur le mariage et la parentalité, même dans un contexte polygame.

Dans ce domaine, Leah n’essaie pas de séparer les familles. Cette pasteure du réseau, qui exerce son ministère depuis près de dix ans, conseille de prendre des mesures proactives pour consolider les mariages dès le départ, comme décourager le mariage des enfants. Elle offre également des encouragements lorsque les tensions conjugales s’exacerbent autour de la nourriture.

« Je leur dis que la vie comporte de nombreux défis et qu’ils doivent persévérer », explique-t-elle.

Il y a plusieurs années, Jackson et Aleper avaient 20 chèvres. À présent, le couple, qui a trois enfants en bas âge, ne compte plus que deux animaux. Bien que le bétail de la famille ait été dévasté par la sécheresse, Jackson n’envisage pas de laisser sa famille pour s’occuper de ses animaux et estime qu’il peut toujours les confier à des parents qui partent pour s’en occuper.

« Avant de rejoindre l’Église, je pensais que je pouvais avoir deux femmes, mais quand je suis allé à l’Église, j’ai senti que je n’avais de force que pour une seule femme », dit-il à présent.

Jackson, Aleper, et leurs enfants (à gauche). La pasteure Leah (à droite)Photos de Martin Muluka
Jackson, Aleper, et leurs enfants (à gauche). La pasteure Leah (à droite)

Le livre de Joël suggère que ceux qui subissent la famine comme une forme de sentence de la part de Dieu ne sont pas sans espoir face à leurs circonstances, promettant de « vous rendre les années que les sauterelles ont mangées » (2.25) de telle sorte que « vous aurez beaucoup à manger, jusqu’à ce que vous soyez rassasiés, et vous louerez le nom du Seigneur votre Dieu » (2.26).

Cependant, interpréter un tel passage biblique dans le contexte actuel en disant qu’il suffirait de prier davantage pour mettre fin à une famine serait problématique, dit la théologienne Kihuha. Et les gens devraient éviter d’attribuer chaque problème à la désobéissance à Dieu ou à la colère divine.

« Les situations individuelles de famine n’étaient pas dues à l’immoralité des habitants du pays. Le Proche-Orient ancien était régulièrement confronté à la famine, comme nous le voyons dans la Genèse. Même l’Égypte a été confrontée à la famine, alors qu’elle était l’endroit où les patriarches se rendaient pendant la famine en Canaan », rappelle Sahile. « J’ai entendu beaucoup d’Africains déclarer que les problèmes en Afrique, y compris la famine, étaient dus aux péchés des Africains. Les récits de la Genèse ne soutiennent pas une telle interprétation. Abraham a quitté sa famille et son pays et a suivi Dieu en Canaan. Et pourtant, il a fait face à la famine quand il est arrivé à Canaan. Cela s’est poursuivi à l’époque de ses descendants. Ainsi, même les personnes pieuses peuvent être confrontées à la famine. »

Plus sobrement, ceux qui luttent contre la famine aujourd’hui peuvent trouver dans des passages comme Joël 2 un rappel qu’ils ne sont pas sans recours face à leurs circonstances et peuvent continuer à faire appel à Dieu.

« Dans la Bible, nous voyons des gens négocier et avoir des conversations avec lui, et Dieu leur dit “Si mon peuple, qui est appelé par mon nom, s’humilie et prie, j’entendrai du ciel et je pardonnerai ses péchés et je guérirai son pays” », rappelle Kihuha. « C’est le genre d’attitude que nous voyons de la part de personnes, surtout dans l’Ancien Testament, qui s’humilient simplement, prient, dialoguent avec Dieu. »

La famine actuelle menace la vie de millions de personnes au Kenya, en Éthiopie, en Somalie, au Soudan et au Soudan du Sud. Personne ne peut faire pleuvoir, et historiquement, les sécheresses ne se prolongeaient pas pendant plusieurs saisons comme celle-ci, la pire en 40 ans, que beaucoup relient au changement climatique. De plus, l’invasion russe de l’Ukraine, l’un des greniers du monde, a contribué à l’inflation, à la hausse des prix du gaz et à une perturbation du commerce dans le monde entier.

Genèse 26 nous raconte l’histoire d’Isaac dont la famille subit la famine, mais qui ne se rend pas en Égypte pour se nourrir. Au lieu de cela, il élève des animaux, mais il plante aussi des cultures et devient très riche. Pour Neema Ndooki Mollel, doctorante tanzanienne en soins pastoraux et accompagnement à l’Université Saint-Paul au Kenya, ce récit suggère qu’il y a quelque chose que les Africains de l’Est peuvent faire.

« Les éleveurs sont fiers de ne dépendre que des animaux, mais maintenant, la vie a changé », explique-t-elle, elle-même Maasaï, une communauté où beaucoup pratiquent encore le pastoralisme. « Ils auraient pu recevoir un enseignement pour les aider à savoir que lorsque vous gardez des animaux vous pouvez les gérer. Il vaut peut-être mieux que vous preniez soin de la famille. »

Joseph, lui, implore également Pharaon de prévoir la famine, une leçon que Nathan Chiroma, théologien kenyan de la Pan African University, estime que les chrétiens vivant dans des contextes précaires devraient prendre à cœur.

« Nous ne devons pas attendre qu’il y ait une famine », explique-t-il. « Lorsque l’Église forme des pasteurs, nous devons enseigner les gens à travailler de leurs mains, afin qu’ils ne dépendent pas uniquement du gouvernement. »

La dégradation du climat et de l’environnement joue un rôle dans les famines d’aujourd’hui, ce qui souligne l’importance de la gestion et de la créativité pour faire face à la crise.

« En ces temps modernes, nous devons faire preuve d’innovation dans notre réflexion sur la manière de combattre les famines. Nous devons utiliser nos ressources spirituelles, nos ressources intellectuelles, pour voir comment nous pouvons combattre la famine », dit Kihuha. « Nous voulons travailler en partenariat avec Dieu et les autres. »

Traduction des citations vers l’anglais pour l’article original fournie par Dhymphine Emuron

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Books

Pourquoi j’aime « The Chosen »

La série ne parle pas seulement de la transformation des disciples, mais aussi de notre propre transformation spirituelle.

Christianity Today October 15, 2022
Angel Studios

La version française de cet article a fait l’objet d’une mise à jour.

Alors que la troisième saison est annoncée pour le mois de novembre prochain, The Chosen, série à la narration touchante et captivante sur la vie du Christ et de ses disciples, revendique plus de 430 millions de vues dans 197 pays. Même les spectateurs initialement sceptiques quant à la possibilité que quelque chose de bon puisse sortir du Nazareth du divertissement chrétien se sont retrouvés accrochés par les scénarios inventifs et la qualité de production de The Chosen.

En matière de qualité des divertissements à thème religieux, le réalisateur Dallas Jenkins a placé la barre haute. La série a battu des records de financement participatif, récoltant 10 millions de dollars pour la première saison et attirant 12 millions de dollars venant de 125 000 personnes pour la deuxième saison, qui s’était terminée le 11 juillet 2021.

Mais la force de The Chosen ne tient pas seulement à la qualité des techniques de tournage ou au caractère attachant du personnage de Jésus incarné par l’acteur Jonathan Roumie. Elle provient de sa description convaincante de la transformation des désirs de chaque disciple. Des individus qui ont de maigres aspirations au début de la série évoluent et en viennent à désirer de grandes choses. En regardant les disciples changer, nous sommes entraînés dans le mystère de leur transformation en Christ.

L'historien et philosophe français René Girard vécut une profonde conversion chrétienne lorsqu'il se rendit compte que les plus grands romans de l'histoire, comme Les Frères Karamazov de Dostoïevski ou Don Quichotte de Cervantès , sont nés d’une expérience de conversion qui a transpercé la vanité et l’orgueil de leurs auteurs. Cette expérience leur a permis de créer des personnages profondément complexes et plus vrais que nature.

À partir de son étude approfondie de l’histoire, du comportement humain et de la grande littérature, Girard a observé que nous apprenons à désirer par imitation, à travers un processus qu’il appelle mimèsis (reprenant le mot grec signifiant « imitation »). Nous en venons à vouloir les choses qui nous sont présentées comme désirables et précieuses. Girard ne faisait pas principalement référence à nos besoins fondamentaux – nourriture, abri, sécurité – mais au type de désirs métaphysiques que nous développons d’être un certain type de personne.

Pour Girard, il s’agit d’une bonne chose en soi — une forme d’ouverture radicale et de réceptivité aux autres — mais elle comporte des dangers évidents. Nous sommes tous plus sensibles à la manipulation de nos désirs que nous ne le pensons. Nous risquons de gaspiller notre vie à courir après de « maigres » désirs mimétiques qui ne nous satisfont pas en fin de compte, par opposition à des désirs plus « consistants » implantés en nous par Dieu et nous apportant bonheur et épanouissement.

La conversion chrétienne implique la réorganisation des désirs d’une personne par une rencontre continuelle avec le Christ. Le modèle d’amour divin que le Christ révèle imprègne peu à peu la vie entière de l’individu. Les anciens désirs font place à de nouveaux. Cette réorganisation des désirs — à la suite d’un modèle divin — est impossible si les seuls modèles de désirabilité d’une personne sont ceux du monde. Si nous sommes obnubilés par des modèles mondains, nous sommes condamnés à rester coincés dans une sorte de roue de hamster, sans jamais pouvoir nous libérer de la tyrannie de notre époque. Un seul modèle dans l’histoire de l’humanité a eu le pouvoir de désirer différemment : le Christ, dont le plus grand désir est de faire la volonté de son Père, nous montre la voie à suivre.

Lorsque Jésus dit « suis-moi » dans les Évangiles, il ne parle pas seulement d’un suivi physique, mais aussi d’un suivi des désirs. En d’autres termes : « Ne vous contentez pas d’aller où je vais ou d’adopter mes habitudes de parole ou ma manière de m’habiller, mais désirez ce que je désire ». Ce qu’il veut, c’est le salut de chaque personne. Lorsqu’il interagit avec Marie-Madeleine et Pierre, ou avec n’importe lequel des autres disciples qu’il appelle, Jésus désire clairement qu’ils soient pleinement vivants, libres d’aimer de tout leur cœur.

Imiter les désirs du Christ, c’est réorganiser les nôtres — les calquer sur les siens, qui répondent à une hiérarchie. Lorsque les pharisiens demandent à Jésus quel est le plus grand commandement, il répond clairement : « “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée.” C’est le premier et le plus grand commandement. Et le deuxième lui est semblable : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même.” » En d’autres termes : apprenez à désirer ces deux choses avant tout, et le reste de vos désirs retrouveront leur place.

Lorsque Paul écrit : « Imitez-moi comme j’imite le Christ » (1 Co 11.1), il renvoie également à l’imitation du désir. Lorsqu’il écrit : « Ne vous conformez pas au modèle de ce monde, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence » (Rm 12.2), il parle de la même chose : ce monde n’offre pas de modèles qui soient dignes de façonner votre vie. Si vous voulez être sauvé de ce monde de péché et de mort, il vous faut un modèle d’un autre monde, et vous devez le trouver dans le Christ, qui est capable de vous transformer intérieurement par la grâce.

Nous devenons semblables à ce que nous imitons. Et c’est pourquoi le Christ ne se contente pas de nous sauver — il nous transforme aussi.

Dans son récit imaginaire des « coulisses » de la vie des premiers disciples, The Chosen met en scène la profonde tension existante entre des désirs mondains et des désirs venus d’ailleurs. Le monde romain antique façonnait les désirs des disciples d’une certaine manière, tout comme le monde moderne façonne les nôtres. À mesure que Jésus devient leur nouveau et principal modèle de désir, leurs désirs sans épaisseur commencent à s’effacer au profit du sens transcendant dont il leur offre l’exemple.

À la troisième minute du premier épisode de la saison 1, Marie-Madeleine apparaît à une époque où elle est incapable d’imaginer une existence pour elle-même en dehors de la réalité d’une possession démoniaque et de brèves périodes de lucidité. Que désire-t-elle ? Tout ce qui pourra un instant soulager son intense souffrance : l’alcool, ou même la mort. Une fois que Jésus l’a appelée par son nom, Marie en vient progressivement à vouloir d’autres choses : vivre correctement le sabbat, être généreuse et servir les autres, connaître les Écritures. Elle dit d’elle-même : « J’étais d’une certaine façon et maintenant je suis complètement différente. Et ce qui s’est passé entre les deux, c’est lui. » Jésus est devenu son nouveau modèle, et elle a commencé à vouloir pour elle-même ce qu’il veut. On voit les désirs de Pierre changer d’une manière similaire. Que veut-il lorsqu’il apparaît pour la première fois ? Les choses que sa culture lui a proposées : le renversement de l’oppression romaine, l’allègement de son fardeau fiscal, être un pêcheur prospère. Il est fermé à tout autre chose. Lorsque son frère André tente de l’intéresser à Jésus, Pierre est d’abord dédaigneux, mais c’est sa rencontre avec Jésus au bord du lac de Galilée qui change tout. Un nouveau modèle s’offre à lui, et les pièges de son ancienne vie — ses maigres désirs — commencent à avoir moins d’emprise sur lui.

Dans l’épisode 5 de la première saison, Pierre dit à sa femme, Eden, combien il est enthousiaste à l’idée d’aller là où le Christ va et d’apprendre de lui. Comme un enfant, il s’exclame : « Il a dit que je ne serais plus pêcheur, mais que j’attraperais des hommes ! Je ne sais même pas ce que cela signifie, mais… je veux arrêter de pêcher et laisser la mer derrière moi. »

Ce ne sont que deux moments. La série (jusqu’ici) fait un excellent travail en illustrant les changements progressifs qui se produisent lorsque les disciples commencent à désirer différemment après avoir choisi de suivre le Christ.

Elle n’en est cependant pas encore arrivée à la sinistre fin dont nous savons la venue inéluctable : la Passion. La Passion est le suprême moment d’espoir pour un chrétien. C’est le moment où la mort est vaincue et où s’ouvrent les portes d’une nouvelle façon de vivre et d’aimer. S’emparer de cette nouvelle possibilité n’est cependant possible pour les disciples — comme pour nous — qu’après une période de préparation divine au cours de laquelle nos désirs sont suffisamment transformés pour être en mesure de voir l’amour de Dieu déversé sur la croix.

Oui, Pierre trahira le Christ ; il essaiera même de l’amener à imiter ses propres désirs, ce qui lui vaudra la réprimande la plus vigoureuse de Jésus dans les Évangiles : « Arrière, Satan ! ». Mais la transformation aura été suffisante pour amener Pierre et le reste des disciples, à l’exception de Judas, à la repentance. Leurs désirs pour le reste de leur vie se porteront finalement vers le service d’une vérité supérieure — au point que presque tous iront volontairement à la mort dans l’imitation du Christ, lorsque leur transformation aura touché à son aboutissement.

Luke Burgis est entrepreneur en résidence au Ciocca Center for Principled Entrepreneurship et auteur de Wanting: The Power of Mimetic Desire in Everyday Life.

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La dépression m’a plongée dans les ténèbres. Dieu y est venu à ma rencontre.

Je ne pouvais plus lire les Écritures, mais la Parole de Dieu me nourrissait toujours.

Christianity Today October 14, 2022
Illustration by Sarah Gordon

Je m’étais réveillée le matin, comme d’habitude, pour préparer le petit-déjeuner pour notre familia. Après le petit-déjeuner, mon copasteur et mari, Rudy, a proposé d’emmener nos filles à l’école. Je les ai serrés dans mes bras et embrassés avant de me diriger vers la salle de bain pour finir de me maquiller. Mais alors que je mettais mon mascara, un soudain raz-de-marée de sentiments inonda mon corps — un mélange de peur et de nausée — et me fit presque tomber à la renverse.

J’ai appelé la secrétaire de notre Église pour lui dire que je ne me sentais pas bien et que je viendrais vers midi. Mais ensuite, comme si je vivais une expérience hors de mon corps, je me suis vue appuyer sur le bouton « rappeler ». J’ai marmonné : « Je ne viens pas. Je ne reviendrai pas. Je vais prendre un congé sabbatique ou autre, peut-être un arrêt médical ». Puis j’ai raccroché le téléphone, je me suis glissée dans mon lit et j’ai commencé à faire ce que ma grand-mère aurait sûrement appelé une dépression nerveuse.

J’ai dormi 18 à 20 heures par jour pendant des semaines et ne me réveillais que par nécessité ; même avec tout ce sommeil, je me sentais toujours épuisé. Au bout d’une semaine environ, mon mari m’a dit : « Chérie, je crois que tu dois voir un médecin ». J’ai donc pris rendez-vous avec un psychiatre. À la fin de notre première visite, elle m’a donné une ordonnance et un diagnostic : « épisode dépressif majeur ». Puis elle a prononcé ces redoutables paroles : « Dans six semaines, vous devriez commencer à remarquer des améliorations ». Six semaines ? Mon Dieu, est-ce que je peux vivre comme ça pendant encore six semaines ?

Alors que tout s’écroulait dans ma vie, j’ai dû apprendre pour la première fois à être — avec moi-même et avec Dieu. Les outils et les pratiques spirituelles sur lesquels j’avais toujours compté, comme le culte collectif, le jeûne et la prière, m’étaient totalement inaccessibles dans cet état. J’ai toujours aimé étudier la Bible et j’avais l’habitude de le faire pendant des heures, mais je ne pouvais tout simplement plus me concentrer. Je ne pouvais plus comprendre les mots et j’étais trop épuisé pour essayer. Le fait d’être pasteure n’a pas facilité les choses.

Des personnes bien intentionnées ont souvent répété à ma famille des choses comme « Dites-lui de lire la Parole ». J’aspirais au réconfort, à la sagesse et à l’orientation que les Écritures m’avaient toujours offerts, mais dans cette obscurité profonde, je n’étais pas capable de les lire — les mots ne signifiaient rien pour moi.

Puis, après six semaines de thérapie, Dieu m’a parlé : je te donnerai les trésors sortis des ténèbres. Cette parole de Dieu m’a offert un immense espoir. Je ne me suis pas sentie différente physiquement — aucun frisson ou sentiment d’amour ne m’a traversée. Mais cette parole a trouvé écho au plus profond de mon être et est devenue pour moi une bouée de sauvetage. J’avais l’impression que Dieu était présent avec moi. J’ai commencé à ressentir un certain réconfort après des semaines de désorientation. Lorsque je me sentais découragé par l’extraordinaire sentiment d’être à la dérive, c’est cette parole qui m’a donné un ancrage à travers l’obscurité et le désespoir. La parole de Dieu prononcée ce jour-là était maintenant cachée dans mon cœur.

Alors j’ai pris Dieu au mot. Rien n’a changé de manière substantielle ; je suis restée léthargique et épuisée physiquement et mentalement pendant des mois, mais j’avais maintenant une mission. J’étais assez lucide pour savoir que s’il y avait un trésor à trouver, alors je devais vivre pour le déterrer, pour le faire mien.

Comme je commençais lentement à retrouver de l’énergie, j’ai décidé de visiter d’autres Églises et de participer à de petites retraites où je pouvais simplement être présente sans avoir de responsabilité particulière à assumer. Je n’avais aucune attente, je savais simplement que je voulais être là où les Écritures étaient lues et méditées. Ces moments sont devenus une partie de mon processus de rétablissement. Ils ont donné à mon cœur un endroit tranquille pour se reposer.

J’ai fait des petits pas et je suis devenue progressivement plus forte. Au bout d’un an, j’étais à nouveau capable de lire. J’ai commencé doucement en reprenant ma méditation quotidienne. Mon long éloignement de la Parole a rendu le retour à celle-ci plus doux que jamais. Désormais, en plus des médicaments et de la thérapie, je pouvais compter sur la présence de la Parole de Dieu, véritable guide et amie.

En revenant progressivement aux Écritures, j’ai découvert que la bouée de sauvetage que Dieu m’avait donnée — je te donnerai les trésors sortis des ténèbres — faisait écho à un passage de la Parole de Dieu : Ésaïe 45.3. Cette source vivifiante au cœur de ma sombre épreuve a transformé ma pensée tandis que je m’asseyais à son écoute et à celle d’autres passages de l’Écriture, laissant résonner dans mon cœur les messages qui me nourrissaient progressivement, comme les corbeaux qui nourrissent Élie (1 R 17.6).

Pendant cette période, j’ai commencé à revisiter une pratique spirituelle dont j’avais entendu parler auparavant, mais que je n’avais jamais pleinement expérimentée : la lectio divina, une pratique ancienne de lecture et de contemplation des Écritures. Cette pratique a vraiment quelque chose d’une quête au trésor.

J’ai redécouvert la vérité selon laquelle le fait de nous attacher ne serait-ce qu’à de petites portions de l’Écriture peut nous aider à voir ce que Dieu voit, cultiver en nous le courage, la patience, la sagesse et l’amour pour répondre aux difficultés, aux tragédies et même aux joies de la vie de manière à promouvoir le royaume de Dieu. Pendant cette saison, la Parole infusait en moi. Au fil du temps, elle changeait la structure de mon être, mes façons de croire, de penser, de ressentir et de faire, et finalement la façon dont j’allais me présenter dans le monde en tant que croyante après la dévastation.

Mais permettez-moi de le souligner : il a fallu du temps. Les longues périodes de silence et de solitude que j’ai vécues, bien que douloureuses, ont permis à Dieu de me parler et à moi de l’entendre.

Je suis reconnaissante de ce que cette période de ma vie appartienne maintenant au passé, mais ce que je peux vous dire avec certitude, c’est que la Parole de Dieu — maintenant que je peux à nouveau lire — reste une source constante de joie, d’espérance, de sagesse, de réconfort et de pur amour pour moi. Depuis ma guérison, l’approche de la Parole dont je reste la plus friande reste la lectio divina. Cette pratique m’aide à cultiver une oreille pour entendre le cœur de Dieu, un peu comme le jour où Dieu m’a parlé si clairement. Cette façon de lire les Écritures me lit à la lumière de l’amour de Dieu.

Les ténèbres de la dépression ont été la porte d’entrée de nombreux trésors dans ma vie. L’un des plus durables est mon amour renouvelé et constant pour la Parole de Dieu.

Juanita Campbell Rasmus est l’autrice de Learning to Be: Finding Your Center After the Bottom Falls Out. Directrice spirituelle et membre de l’équipe du ministère Renovaré, elle est copasteure de l’Église méthodiste unie de St-John dans le centre-ville de Houston avec son mari, Rudy.

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Books

Décès de Frère André, qui introduisait clandestinement des bibles dans les pays communistes

Le fondateur de Portes Ouvertes ne se considérait pas comme un « cascadeur évangélique », mais comme un chrétien fidèle suivant la direction de l’Esprit.

Frère André (Anne Van der Bijl), surnommé « le contrebandier de Dieu ».

Frère André (Anne Van der Bijl), surnommé « le contrebandier de Dieu ».

Christianity Today September 28, 2022
Avec l’aimable autorisation de Portes Ouvertes/adaptations par Mallory Rentsch

Anne Van der Bijl, un évangéliste néerlandais connu des chrétiens du monde entier sous le nom de Frère André, l’homme qui faisait entrer clandestinement des bibles dans les pays communistes, est décédé à l’âge de 94 ans.

Van der Bijl était devenu célèbre sous le surnom de « contrebandier de Dieu » après la publication, en 1967, du récit à la première personne de ses aventures missionnaires, consistant à passer les frontières avec des bibles cachées dans sa VW Coccinelle bleue. Le Contrebandier fut écrit avec les journalistes évangéliques John et Elizabeth Sherrill et publié sous son nom de code, « Frère André ». Il s’est vendu à plus de 10 millions d’exemplaires et a été traduit en 35 langues.

Le livre a inspiré de nombreux autres missionnaires contrebandiers, a financé le ministère fondé par Van der Bijl, Portes Ouvertes, et a attiré l’attention des évangéliques sur la situation critique des croyants dans les pays où la foi et la pratique chrétiennes sont illégales. Frère André s’insurgeait de ce que les gens passent à côté de l’essentiel en le présentant comme héroïque et extraordinaire.

« Je ne suis pas un cascadeur évangélique », avait-il déclaré. « Je suis juste un gars ordinaire. Ce que j’ai fait, n’importe qui peut le faire. »

Personne ne sait combien de bibles Frère André a fait entrer en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Yougoslavie, en Allemagne de l’Est, en Bulgarie et dans d’autres pays du bloc soviétique au cours de la décennie qui a précédé le succès du Contrebandier qui l’a contraint à assumer le rôle de figure de proue et de collecteur de fonds pour Portes Ouvertes. Les estimations se chiffrent en millions. Une blague néerlandaise populaire à la fin des années 1960 disait : « Que trouveront les Russes s’ils arrivent les premiers sur la lune ? Frère André avec un chargement de bibles ».

Frère André.Open Doors International
Frère André.

Frère André, pour sa part, n’avait pas fait de suivi et ne pensait pas que le nombre exact soit important.

« Je ne me soucie pas des statistiques, » déclarait-il dans une interview de 2005. « Nous ne comptons pas. […] Mais Dieu est le parfait comptable. Il sait. »

Anne Van der Bijl était né aux Pays-Bas en 1928, fils d’un pauvre forgeron et d’une mère invalide. Il avait 12 ans lorsque l’armée allemande a envahi le pays neutre pendant la Seconde Guerre mondiale, et il a passé l’occupation, comme il l’a raconté à John et Elizabeth Sherrill, à se cacher dans des fossés pour éviter d’être enrôlé par les soldats nazis. Lorsque la famine a frappé les Pays-Bas en 1944, Anne, comme tant de Néerlandais, mangea des bulbes de tulipe pour survivre.

Après la guerre, il s’engagea dans l’armée néerlandaise et fut envoyé en Indonésie au sein de la force coloniale chargée d’étouffer les velléités d’indépendance de l’Indonésie. Il était excité par l’aventure, jusqu’à ce que les tirs commencent et qu’il ne tue lui-même des personnes. Selon ses propres dires, il participa au massacre d’un village indonésien, tuant sans discernement tous ceux qui y vivaient.

Il resta hanté par l’image d’une jeune mère et d’un garçon qu’elle allaitait, tués par la même balle. Il commença alors à porter un étrange chapeau de paille dans la jungle, espérant se faire tuer, et adopta la devise « Sois intelligent, perds l’esprit ».

Touché à la cheville, il se mit à lire une bible que sa mère lui avait donnée pendant sa convalescence. Après son retour aux Pays-Bas, il commença à se rendre compulsivement à l’Église et, au début de l’année 1950, il confia sa vie à Dieu.

« Il n’y avait pas beaucoup de foi dans ma prière, » rapportait Frère André. « J’ai simplement dit : “Seigneur, si tu me montres le chemin, je te suivrai. Amen” ».

Le jeune homme s’engagea dans le ministère et partit en Écosse pour étudier à l’école missionnaire de la Worldwide Evangelization Crusade en 1953. En 2013 il témoignait à Christianity Today d’une leçon cruciale reçue d’un officier de l’Armée du Salut qui enseignait l’évangélisation de rue. L’homme, âgé, déclarait que la plupart des évangélistes en herbe abandonnent trop tôt, car le Saint-Esprit n’a préparé le cœur que d’une personne sur mille.

« Instantanément, mon cœur s’est révolté. Je me suis dit : “Quel gâchis !” », se souvenait Frère André. « Pourquoi aller dépenser son énergie pour 999 personnes qui ne répondraient pas ? Dieu le sait et le diable le sait, et il rit, car après les 1000 premières personnes je finirai par abandonner en désespoir de cause. »

Il décida de demander à Dieu de le guider vers la personne qui était prête à recevoir l’Évangile. Au lieu de passer son temps à calculer et à élaborer des stratégies, il suivrait la direction de l’Esprit.

Peu de temps après, il sentit que Dieu lui parlait à travers Apocalypse 3.2 : « Réveille-toi ! Affermis ce qui reste et qui est sur le point de mourir. » Frère André comprit qu’il était censé aller soutenir l’Église dans les pays sous contrôle communiste. En 1955, il participa à un voyage contrôlé par le gouvernement en Pologne, mais faussa compagnie à son groupe pour rendre visite à des groupes de croyants clandestins. Lors d’un second voyage en Tchécoslovaquie, il constata que les Églises des pays communistes avaient besoin de bibles.

« J’ai promis à Dieu qu’aussi souvent que je pourrais mettre la main sur une bible, je l’apporterais à ses enfants derrière ce mur construit par les hommes », se souviendra-t-il plus tard, « dans chaque […] pays où Dieu ouvrirait la porte assez longtemps pour que je puisse m’y glisser. »

Frère André en Yougoslavie.Open Doors International
Frère André en Yougoslavie.

En 1957, il fit son premier voyage de contrebande à travers la frontière d’un pays communiste, entrant en Yougoslavie avec des tracts, des bibles et des portions de bibles cachés dans sa Volkswagen bleue. Alors qu’il regardait les gardes fouiller les voitures devant lui, il pria ce qu’il appellera plus tard « la prière du contrebandier de Dieu » :

« Seigneur, dans mes bagages, j’ai des Écritures que je veux apporter à tes enfants de l’autre côté de la frontière. Quand tu étais sur Terre, tu as rendu la vue à des yeux aveugles. Maintenant, je te prie, aveugle ces yeux. Ne laisse pas les douaniers voir les choses que tu ne veux pas qu’ils voient. »

Après ses premiers succès en Yougoslavie, il multiplia les voyages et finit même par introduire clandestinement des bibles en Union soviétique. Il recruta d’autres chrétiens pour l’aider, et ils élaborèrent des stratégies pour éviter l’attention des gardes-frontières et de la police secrète. Parfois, les trafiquants voyageaient par deux, déguisés en couple en lune de miel. Parfois, ils utilisaient des postes-frontières isolés. Ils expérimentaient différentes façons de cacher les Écritures dans leurs petites voitures discrètes. Ils suivaient toujours la direction de l’Esprit, et personne ne fut jamais arrêté.

Cette contrebande de bibles a été critiquée par un certain nombre d’organisations chrétiennes, notamment l’Alliance baptiste mondiale, le Comité des baptistes du Sud pour la mission au loin et la Société biblique américaine. Ils la considéraient comme dangereuse — surtout pour les chrétiens vivant dans les pays communistes — et inefficace. Selon certaines critiques, les histoires sensationnelles étaient bonnes pour collecter des fonds, mais guère plus.

Des historiens de la guerre froide ont débattu de l’impact de la contrebande de la Bible sur les régimes communistes. Francis D. Raška écrit qu’il a été « probablement significatif », mais que « les preuves des exploits en question sont fragiles, et au risque de l’exagération et de la glorification personnelle ». Selon Raška, il existe au moins quelques preuves que le KGB surveillait de près les activités de Van der Bijl et pourrait avoir eu des informateurs au sein de son réseau.

Frère André.Open Doors International
Frère André.

Après le succès du Contrebandier, Frère André a laissé la contrebande à d’autres chrétiens moins célèbres. Il s’est consacré à la collecte de fonds pour Portes Ouvertes et aux opportunités de ministère dans les pays musulmans. Lorsque les États-Unis ont envahi l’Afghanistan en 2001 et l’Irak en 2003, il a critiqué ouvertement le soutien des évangéliques américains à la guerre contre le terrorisme. Les chrétiens, disait-il, ne peuvent placer leur confiance dans une intervention militaire que s’ils ont abandonné la foi en la mission.

Lorsqu’il s’adressait à des publics américains au début des années 2000, Frère André demandait régulièrement aux chrétiens s’ils avaient prié pour Oussama ben Laden, chef d’Al-Qaida. Lorsque les forces américaines tuèrent celui-ci en 2011, il exprima sa tristesse.

« Je crois que tout le monde peut être touché. L’ennemi, ce ne sont jamais les gens, mais le diable », avait déclaré Frère André. « Ben Laden était sur ma liste de prière. Je voulais le rencontrer. Je voulais lui dire qui est le vrai patron de ce monde. »

Au moment de sa mort, le ministère fondé par Frère André soutient des chrétiens dans plus de 60 pays. Portes Ouvertes distribue chaque année 300 000 bibles et 1,5 million de livres chrétiens, de matériel de formation et de manuels de formation de disciples. L’organisation fournit également des services d’assistance, de l’aide humanitaire, du soutien au développement communautaire et des conseils en matière de traumatisme, tout en défendant les chrétiens persécutés dans le monde entier.

Lorsqu’on lui demanda s’il avait des regrets concernant l’œuvre de sa vie, Van der Bijl répondit : « Si je pouvais revivre ma vie, je serais beaucoup plus radical ».

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Que découvre-t-on quand on interroge des milliers de femmes évangéliques sur le sexe ?

Les recherches de Sheila Gregoire invitent de nombreux chrétiens à réviser des hypothèses nuisibles et attirent l’attention sur le plaisir des femmes dans le mariage.

Christianity Today September 27, 2022
Source Images: Envato Elements / LWA / Getty

Le livre de Sheila Gregoire paru l’an dernier, The Great Sex Rescue : The Lies You've Been Taught and How to Recover What God Intended (« Le grand sauvetage de la sexualité : les mensonges que l’on vous a enseignés et comment retrouver ce que Dieu a voulu »), contraste fortement avec ce que de nombreux chrétiens ont appris de l’Église sur le sexe et le mariage.

S’appuyant sur ses propres recherches, notamment sur une enquête menée auprès de 22 000 chrétiennes, l’autrice canadienne y affirme que le plaisir sexuel est aussi l’apanage des femmes et documente les dommages causés aux femmes, aux hommes et à leurs relations lorsque l’on propage une vision déformée de la sexualité dans le mariage.

La critique qu’elle fait des ressources chrétiennes existantes a mis certains sur la défensive, mais pour beaucoup il s’agit d’un rafraîchissant changement d’approche. Des milieux les plus conservateurs aux plus progressistes, des femmes ont trouvé réconfort et guérison dans ses enseignements. Certains pasteurs, professeurs et conseillers commencent également à modifier leur approche à la suite de ses découvertes.

« Je pense que le travail de Sheila apporte un équilibre bien nécessaire aux cercles d’Églises conservatrices », déclare Craig Flack, un pasteur de Findlay, dans l’Ohio, qui a commencé à utiliser The Great Sex Rescue dans ses accompagnements pré et post-conjugaux. « De nombreux ouvrages ignorent largement le plaisir féminin, et on se demande ensuite pourquoi certaines femmes n’apprécient pas l’intimité sexuelle. »

Sheila Gregoire s’attaque à l’idée que les hommes ont « besoin » de sexe et que leurs femmes sont là pour le leur fournir — une prémisse qu’elle repère dans des livres comme L’amour et le respect (Emerson Eggerichs), L’acte conjugal (Beverly et Tim LaHaye) et Le combat de tous les hommes (Stephen Arterburn).

Son enquête a montré que l’on enseignait fréquemment aux femmes chrétiennes que les garçons repousseraient inévitablement leurs limites et qu’elles étaient chargées de les empêcher d’aller trop loin. Dans le mariage, elles ont tendance à considérer que leur rôle est de ne jamais priver leur mari de sexe et que cela évite notamment que leur mari ne consomme de la pornographie. Les femmes chrétiennes croyant à ces enseignements interrogées dans le cadre de l’enquête étaient moins susceptibles d’apprécier le sexe, de parler ouvertement de leurs désirs sexuels avec leur mari ou d’avoir un partenaire qui donne la priorité à leur plaisir sexuel.

Bien que Craig Flack ne soit pas d’accord avec « tous les points du livre », il rapporte qu’il a modifié sa façon d’accompagner les couples afin d’y intégrer le plaisir de la femme, une réelle intimité et « la façon dont cela apporte une joie partagée dans la sexualité ».

The Great Sex Rescue doit en grande partie son succès aux recommandations de bouche à oreille, aux témoignages personnels et aux discussions menés par Gregoire elle-même sur Twitter. L’autrice se dit encouragée par les progrès réalisés auprès de pasteurs individuels comme Craig Flack et de thérapeutes chrétiens, qui ont tiré les leçons de ses recherches et intègrent son approche dans leur travail avec les couples.

Elle a vu des chrétiens de diverses dénominations s’unir contre ce qu’elle considère comme une vision erronée et centrée sur l’homme de la sexualité, prêchée ou tacitement acceptée par les évangéliques depuis des années.

Alors que d’autres auteurs chrétiens ont déjà critiqué les enseignements de la culture de la pureté d’une manière générale, Sheila Gregoire nomme ouvertement les enseignants qui, selon elle, sont responsables de la perpétuation d’idées néfastes sur la sexualité conjugale. « La seule façon de stopper le mal est de le faire publiquement », déclarait-elle dans une interview accordée à CT. « Et si ces auteurs avaient vraiment à cœur de servir le troupeau, ils s’en féliciteraient »

Ses collègues auteurs, cependant, affirment que ses citations et présentations de leurs enseignements sont sorties de leur contexte. Le ministère Focus on the Family (qui a publié la version anglaise de L’amour et le respect d’Emerson Eggerichs) a publié une déclaration affirmant que l’autrice « a gravement mal lu et mal jugé » le livre. Shaunti Feldhahn, que Sheila Gregoire mentionne plusieurs fois dans son livre, a elle aussi publié une déclaration disant que les accusations contre elle étaient « inexactes » et constituaient « des attaques calculées ».

Sheila Gregoire rapportait à CT que même ses propres premiers travaux sont concernés par ses critiques actuelles : elle a retiré d’anciens articles de son blog à la suite de ce qu’elle a appris au cours de ses recherches et s’est engagée à rectifier le tir avec ses nouvelles publications.

Kevin Schulz, un pasteur des assemblées mennonites (USMB), a acheté le « Honeymoon Course » (« Cours pour la lune de miel ») de l’autrice pour plusieurs couples. Le travail de Sheila Gregoire, estime-t-il, est « un contrepoint bien nécessaire à l’enseignement unilatéral et partial de l’Église » dans le passé.

Elle est attachée à une éthique sexuelle chrétienne, mais identifie les domaines où, selon elle, les Écritures ont été déformées d’une manière qui a nui aux mariages, fait souffrir les femmes et perpétué les abus.

Par exemple, Matthieu 5.28 dit : « Quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur ». Lorsqu’on enseigne aux jeunes hommes que regarder une femme, c’est la convoiter, les femmes deviennent immédiatement des objets sexuels. « Est-ce que regarder signifie nécessairement convoiter ? » demande Sheila Gregoire dans son livre. Si la réponse est « non », dit-elle, cela change beaucoup de choses.

Dans le cadre de ses recherches et en réponse au livre, des femmes ont rapporté de nombreuses expériences sexuelles négatives allant de l’insatisfaction et de la douleur aux abus et aux traumatismes. Courtney Wright raconte que la lecture de The Great Sex Rescue lui a ouvert les yeux sur les abus commis dans son ancien mariage de neuf ans, où elle a été contrainte à des rapports sexuels, étranglée et traitée « comme une servante ».

« J’ai redécouvert ma force et mon courage pour m’exprimer ».

Rebecca Gregoire Lindenbach, l’une des trois coautrices de l’ouvrage, avec l’épidémiologiste Joanna Sawatsky, relate des histoires effroyables de femmes comme Courtney Wright, qui ont subi des abus pour ensuite les justifier dans leur propre tête ou entendre leur pasteur leur répondre : « En fait, techniquement, ce n’est pas vraiment interdit dans la Bible ».

« Nous avons parlé à bon nombre de personnes qui se trouvaient dans des situations horribles où leurs maris étaient accros à la pornographie, au point de les forcer à agir en fonction de ce qu’ils regardaient », rapportait-elle dans une interview. « Et elles avaient en tête les paroles de Shaunti [Feldhahn], [Emerson] Eggerichs et [Stephen] Arterburn, se disant : “Mais si je peux répondre à ses besoins, alors peut-être qu’il sera capable d’arrêter”. »

Certains responsables chrétiens pensent cependant que ces préoccupations méritent d’être prises en compte et mises en avant. Sean McDowell est un conférencier théologiquement conservateur et auteur d’un nouveau livre sur la sexualité destiné aux adolescents, Chasing Love. Il a pris la défense du travail de Gregoire, l’invitant même à prendre la parole dans l’un de ses cours à l’université Biola.

« Je pense que [ses critiques] devraient certainement s’intéresser à ses idées parce que je pense qu’elle soulève des questions justes et que ce sont des questions importantes. »

Sean McDowell rapporte qu’il a été attiré par le travail de Sheila Gregoire parce qu’il l’a poussé à réfléchir à la sexualité conjugale d’une manière nouvelle, et il respecte la manière dont l’autrice renvoie toujours ses lecteurs à l’Écriture.

« Une grande partie de l’enseignement que nous avons reçu sur la sexualité est centré sur les hommes », estime-t-il. « Je pense que nous avons adopté cela sans discernement au sein de l’Église. »

Parallèlement au travail de Sheila Gregoire, Sean McDowell constate un mouvement positif dans le monde évangélique en matière d’enseignement sur la sexualité. Son nouveau livre fait partie du renouvellement par Lifeway du mouvement True Love Waits (« L’amour véritable attend »).

Le correctif apporté par Sheila Gregoire rejoint une vague d’auteurs qui adhèrent à une éthique sexuelle chrétienne traditionnelle, mais proposent une critique ou une alternative à la culture de la pureté qui domine le monde évangélique anglo-saxon, notamment Rachel Welcher, autrice de Talking Back to Purity Culture (« Répondre à la culture de la pureté »), ainsi que Christopher Yuan, Sam Allberry et Nancy Pearcey.

Des thérapeutes et conseillers chrétiens travaillent également à combattre les relations sexuelles dommageables ou abusives dans le mariage. Julie Hilton, assistante sociale agréée en Géorgie, recommande souvent The Great Sex Rescue à ses clients.

« Ils ont dit se sentir reconnus, compris et même en colère », rapporte-t-elle. « Je crois que son travail aide les femmes à guérir et encourage les mariages sains. »

Halie Howells, thérapeute dans l’Illinois, qualifie l’approche de Sheila Gregoire de « monumentale » et trouve là l’une des seules ressources de ce type. « Elle offre un nouveau langage, de nouvelles attentes et un nouveau lien aux couples mariés, tout en intégrant la foi. »

Ce sujet du désir féminin est presque toujours absent ou minimisé dans les livres chrétiens sur la sexualité, affirme Sheila Gregoire, alors que le désir sexuel des hommes est au centre des préoccupations. « Quand votre température monte, votre femme peut être une solution à la manière de la méthadone [pour le drogué] », écrit Stephen Arterburn dans une phrase de l’original anglais de Le combat de tous les hommes que Sheila Gregoire a épinglée. Elle s’inquiète du fait que ce genre de propos réduit les femmes à l’état d’objet et ignore leurs propres désirs et leur plaisir dans la relation.

L’enquête de l’autrice a révélé que les femmes chrétiennes font état de vaginisme, un spasme musculaire involontaire, deux fois plus souvent que l’ensemble de la population. Une femme sur cinq a déclaré être atteinte d’un état qui rend la pénétration douloureuse. Leurs conclusions suggèrent que cela pourrait être dû au fait que les femmes chrétiennes qui considèrent la sexualité comme une obligation perdent leur sentiment d’autonomie en matière de sexe et sont plus enclines à se forcer à avoir des rapports sexuels, même s’ils sont douloureux.

Lorsque j’ai lancé un appel aux femmes s’identifiant comme « théologiquement conservatrices » qui ont été au bénéfice du travail de Sheila Gregoire, ma boîte de réception a immédiatement été inondée de centaines de messages de femmes désireuses de partager leur histoire. Complémentariens comme égalitariens ont applaudi le message principal de l’autrice, à savoir que les couples chrétiens ont été mal informés sur le but et les plaisirs de l’intimité sexuelle, tant pour le mari que pour la femme.

« Je pense que le travail de Sheila valide ce que tant de femmes ressentent et ont ressenti pendant tant d’années sans pouvoir l’exprimer », écrit une lectrice, Talia Bastien Reha. Elle apprécie la façon dont ce travail « pointe vers le cœur de Jésus ».

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Peut-on pratiquer la liturgie « à la carte » ?

Détacher les traditions historiques de leur contexte théologique est à la mode, mais pas sans risque.

Christianity Today September 27, 2022
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: WikiMedia Commons / Peter Dazeley / Getty

Si vous aviez dit à un pasteur évangélique en 2005 que le Livre de la prière commune pourrait bientôt être plus à la mode que les cafés d’Église, il aurait presque certainement ri.

Il n’y a pas si longtemps, d’innombrables Églises évangéliques abandonnaient l’usage des livres de prières et troquaient leurs recueils de cantiques pour des projecteurs haute résolution. L’utilisation du calendrier historique de l’Église pour organiser les cultes est devenue rare, car la plupart des Églises ont commencé à développer des séries de sermons thématiques ou à prêcher à travers la Bible un livre à la fois.

La prière liturgique et la confession par appel et réponse ont été abandonnées, et même les noms des Églises ont changé d’une manière qui a éloigné les communautés de leurs racines confessionnelles — ainsi, de nombreuses « Églises baptistes » sont par exemple devenues des « Communautés chrétiennes ».

En bref, les rythmes, les lectures, les modèles et les prières des liturgies historiques sont passés de mode.

Ces dernières années, cependant, une nouvelle tendance a commencé à se dessiner. Quiconque passe du temps parmi les chrétiens de la vingtaine ou de la trentaine a probablement remarqué une augmentation importante de l’utilisation du mot « liturgie », qui est devenu courant tant dans les cultes collectifs que dans les pratiques spirituelles privées.

Même certaines Églises non confessionnelles qui, il y a une dizaine d’années, cherchaient à prendre leurs distances par rapport aux traditions formelles ont commencé à terminer systématiquement les services par une doxologie ou à adopter des formules d’appel et de réponse simples et anciennes telles que « Parole du Seigneur. Nous rendons grâces à Dieu ».

De nombreux jeunes chrétiens découvrent une vitalité et une constance spirituelles là où ils s’y attendaient le moins, et il y a beaucoup à célébrer dans cette récupération des belles prières et pratiques de nos ancêtres dans la foi.

Cette tendance n’est toutefois pas sans inconvénient. Alors que la liturgie revient abstraitement « à la mode », les jeunes chrétiens montrent une tendance inquiétante à changer d’Église, de dénomination ou même de tradition en fonction de la pratique liturgique, sans trop tenir compte de la doctrine.

Dans de nombreux cas, les jeunes évangéliques issus d’un contexte plus « Basse Église » affluent vers des congrégations dont l’esthétique du culte semble plus ancienne ou ordonnée — notamment les églises anglicanes « Haute Église », catholiques et orthodoxes — sans se rendre compte de leurs différences confessionnelles ou, dans certains cas, en les ignorant tout simplement.

Selon une étude réalisée par le Groupe Barna en 2018, si certains chrétiens de la génération Y estiment que le culte liturgique est dépassé, « ils sont également plus susceptibles d’être curieux à ce sujet [… et] les plus susceptibles de passer d’une Église non liturgique à une Église liturgique. »

Dans la poursuite bien intentionnée d’une vie cultuelle plus riche et d’un sens de l’héritage spirituel, ces « convertis esthétiques », pourrions-nous les appeler, courent le risque de séparer le contenu historique et doctrinal du culte d’une Église de ses expressions extérieures et artistiques.

Bien sûr, un membre d’une Église n’a pas besoin d’être d’accord avec chaque point de doctrine mineur de la confession de foi de cette Église — et dans de nombreux cas, l’intérêt pour la liturgie n’est que la première étape d’une réflexion sur l’enseignement et les pratiques d’une Église ou d’une tradition.

L’éminent spécialiste du Nouveau Testament Michael Bird raconte son propre parcours vers l’anglicanisme dans ce genre de termes. Il rapporte que c’est une profonde appréciation du Livre de la prière commune qui l’a fait passer du presbytérianisme à l’Église anglicane.

Il n’y a rien de mal à laisser la nourriture spirituelle de la liturgie historique vous conduire à une recherche sérieuse de Dieu, si cela reste associé à une recherche diligente de la vérité biblique. Cette recherche peut encore vous conduire à une nouvelle tradition, ou simplement vous inciter à approfondir le culte historique de votre propre tradition.

Un baptiste, par exemple, peut utiliser et apprécier le Livre de la prière commune sans se convertir à l’anglicanisme, surtout si les points les plus fins de l’enseignement anglican sont en contradiction avec certaines de ses autres convictions. Mais peut-être que son intérêt pour cette tradition historique pourrait l’amener à creuser l’histoire baptiste elle-même et à trouver des exemples dans ce courant.

Par exemple, le livre Gathering Together de Rodney Kennedy et Derek Hatch affirme que les baptistes peuvent et devraient explorer à la fois l’héritage de leur propre tradition et les contributions des autres pour répondre à ce qu’ils appellent « le relatif manque de ressources pour les baptistes aux États-Unis concernant la pratique du culte ».

Autre exemple : une pentecôtiste de longue date pourrait être attirée par le sens de la tradition et de la continuité de l’Église orthodoxe orientale. Elle pourrait explorer ses enseignements — dans toute leur profondeur cultuelle et doctrinale — et choisir finalement de devenir orthodoxe sur cette base.

Winfield Bevins argumente dans son livre Ever Ancient, Ever New : The Allure of Liturgy for a New Generation que de telles migrations sincères et réfléchies constituent un contre-récit plein d’espoir par rapport à la tendance habituelle des jeunes à abandonner tout simplement l’Église.

Mais ce qu’il faudrait éviter, je crois, c’est de migrer d’une tradition à une autre en raison seulement de ses formes extérieures, sans tenir compte du cœur de sa doctrine. L’esthétique du culte, par exemple, est une chose bonne et vitale, mais elle ne doit pas être exaltée au-dessus de la substance de ce culte, ni l’obscurcir.

Si la tendance favorable à la liturgie sépare les pratiques cultuelles de la théologie qui les sous-tend, il y a un risque très réel que nous dépréciions la liturgie et que nous affaiblissions son utilité spirituelle. La méfiance historique des protestants à l’égard de la liturgie, malgré tous ses effets secondaires négatifs, a des racines bien intentionnées dans sa réponse à la religiosité ritualiste et spirituellement morte qui prévalait au Moyen Âge.

Même l’Église catholique moderne reconnaît ce danger. En 2019, le pape François prévenait un groupe de cardinaux contre les dangers de la liturgie « bricolée », décrivant la liturgie comme « un trésor vivant qui ne peut être réduit à des goûts, des recettes et des courants […] non pas “le domaine du bricoleur”, mais l’épiphanie de la communion ecclésiale ».

Lorsque la pratique liturgique personnelle n’est pas associée à une vie de disciple holistique et à un engagement cohérent dans une communauté authentique d’autres disciples du Christ sérieux, elle peut rapidement devenir une forme d’automédication ordinaire.

La liturgie à la carte peut offrir un sentiment de cohérence dans un monde chaotique — et peut-être être légèrement bénéfique du point de vue de la santé mentale — mais en tant que moyen de véritablement « pratiquer la présence de Dieu », elle perd rapidement son utilité et devient tristement diluée.

Permettez-moi d’apporter quelques brèves précisions avant de proposer quelques solutions potentielles.

Premièrement, mon propos ne doit pas être interprété comme une sorte de position défensive à l’encontre des Églises ayant des formes de culte plus liturgiques. Le cœur du problème n’est pas la « conversion » d’une confession à l’autre, mais le danger de séparer la doctrine des rituels de dévotion. Les responsables des deux côtés du fossé liturgique — en d’autres termes, les Églises qui perdent des membres et celles qui en gagnent — devraient tous être prudents face à cette tendance.

Deuxièmement, mettre en garde contre la séparation de la liturgie de sa substance ne signifie nullement que les expressions de la congrégation, liturgiques ou autres, ne sont qu’une mise en forme esthétique de la théologie propositionnelle. Au contraire, c’est précisément parce que les pratiques authentiques de prière et de culte sont si centrales à la foi chrétienne que nous devons préserver l’unité et l’intégrité de la liturgie et de la théologie.

En fait, lorsqu’elle est correctement comprise et pratiquée, la liturgie est une sorte de théologie, dans la mesure où elle est un exercice de véritable culte et de communion avec Dieu. Cette unité doit être défendue contre l’érosion accidentelle qui se produit lorsque des adorateurs amateurs bien intentionnés négligent de réfléchir au sens et à la signification de certaines prières ou pratiques.

Avec cette préoccupation à l’esprit, que devrions-nous faire ?

Je crois que nous devrions chercher à unir une liturgie riche et rythmée avec la profondeur de la vérité biblique et de la réflexion théologique qui l’a inspirée. Le Livre de la prière commune est puissant et beau précisément parce qu’il est si soigneusement fondé sur les mots de l’Écriture et les convictions théologiques de réformateurs anglais comme Thomas Cranmer.

Le renouveau actuel du culte liturgique — qui est à bien des égards une redécouverte des pratiques spirituelles du culte à travers l’histoire de l’Église — devrait s’accompagner d’une redécouverte de la riche histoire doctrinale et théologique des dénominations et traditions respectives dont ces pratiques sont issues.

Dans son livre Theological Retrieval for Evangelicals, le théologien historique et pasteur baptiste Gavin Ortlund affirme que « nous pouvons et devons renforcer la vitalité du protestantisme évangélique en réfléchissant à notre identité historique avec plus d’attention et de conscience de soi et en faisant de la théologie dans un dialogue plus conscient avec les credo classiques, les confessions et les textes théologiques de l’Église »

À cette fin, j’exhorte les Églises et les chrétiens à fouiller dans leur patrimoine ! Que vous soyez presbytérien ou pentecôtiste, orthodoxe ou méthodiste, votre Église est enracinée dans une tradition de croyants fidèles qui vous ont précédé et ont jeté les bases de votre communauté de disciples. Plutôt que de couper la branche sur laquelle vous êtes assis en vous éloignant des étiquettes confessionnelles, faites ce que vous pouvez pour découvrir votre histoire.

Comme Paul demanda aux Corinthiens de l’imiter comme il imitait le Christ, vous pouvez trouver des exemples d’imitation fidèle du Christ dans l’histoire de votre église et de votre tradition.

Recherchez les credo, les confessions et les catéchismes qui ont façonné la théologie de votre Église. Identifiez les prières, les hymnes et les autres formes de culte issues de votre tradition. Ils ne sont peut-être pas tous à votre goût, mais ils peuvent au moins vous orienter avec précision vers votre place dans la fresque des dispositions de la grâce qu’est l’histoire de l’Église du Christ.

Pour ceux qui occupent des postes de direction dans nos Églises, je propose une autre suggestion : enseignez l’histoire de votre Église à vos membres ! Il y a de fortes chances que beaucoup de vos membres ne sachent presque rien de l’histoire de votre église individuelle et de l’héritage plus large de votre dénomination. Il se peut que les jeunes croyants ne se sentent pas concernés par l’histoire, non pas parce que leur Église n’a pas une riche histoire, mais simplement parce que personne ne l’a jamais partagée avec eux !

Alors que la prochaine génération de chrétiens redécouvre les prières et les louanges de nos prédécesseurs, réintroduisons-nous, ainsi que nos Églises, dans notre histoire ecclésiastique — dans toute sa diversité et sa complexité.

Si le Seigneur le veut, un amour renouvelé pour nos propres héritages liturgiques pourrait porter bien plus de fruits que la multiplication des cafés d’Église — et elle risque bien moins de laisser des taches sur le tapis du sanctuaire.

Benjamin Vincent est pasteur auprès des jeunes et des jeunes adultes à Journey of Faith Bellflower à Bellflower, en Californie, et professeur d’histoire et de théologie à la Pacifica Christian High School à Newport Beach.

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Encore Bolsonaro ? Les évangéliques hésitent.

À l’approche des élections d’octobre, plus d’un tiers d’entre eux envisagent d’apporter leur soutien à la gauche.

Une femme évangélique en prière dans une mégaéglise au Brésil.

Une femme évangélique en prière dans une mégaéglise au Brésil.

Christianity Today September 27, 2022
Image : Source : Associated Press / Adaptations par Christianity Today

Dieu seul sait comment les évangéliques voteront lors des prochaines élections au Brésil. Mais les sondages prédisent un degré de clivage remarquable : un article du mois d’août parle de 49 % des évangéliques indiquant une préférence pour le président Jair Bolsonaro, tandis que 32 % disent avoir l’intention de soutenir le principal challenger de gauche, l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva.

Lors des dernières élections, environ 70 % des électeurs ont voté pour Bolsonaro, l’ancien capitaine conservateur de l’armée qui s’est engagé à « placer le Brésil au-dessus de tout, Dieu au-dessus de tous ».

Caroline Vidigal de Albuquerque, une évangélique qui travaille comme secrétaire de direction à Rio de Janeiro, était l’une d’entre eux. Elle a aimé la façon dont Bolsonaro défendait « la pensée chrétienne, contraire au marxisme ». Elle estimait que les voix de gauche avaient dominé pendant trop longtemps, et n’est pas restée insensible au fait que le politicien catholique a partagé la scène avec des leaders évangéliques et pentecôtistes pendant la campagne.

Alors qu’elle s’apprête à se rendre à nouveau aux urnes, Caroline Vidigal de Albuquerque examinera le bilan du président et le comparera à celui de Lula, qui a été au pouvoir de 2003 à 2010. « Nous pouvons comparer les actions avec les discours de la période électorale », explique-t-elle. « Dans ce cas, comme pour le reste, la réalité doit toujours s’imposer. »

Bon nombre des frères et sœurs évangéliques de Caroline Vidigal de Albuquerque — qui représentent environ 30 % de la population brésilienne — pourraient également avoir des priorités différentes cette fois-ci. Jorge Henrique Barro, pasteur presbytérien et professeur de théologie à la Faculdade Teológica Sul Americana (« Faculté théologique sud-américaine »), pense que les préoccupations économiques pourraient l’emporter cette année sur les préoccupations idéologiques. Les évangéliques sont souvent parmi les plus pauvres au Brésil et ont été durement touchés par l’inflation et le chômage.

Entre le COVID-19 et l’impact de l’invasion russe en Ukraine, l’inflation a dépassé 11 % en avril, le taux le plus élevé depuis deux décennies. Le chômage est d’environ 9 pour cent en septembre, même après que l’économie se soit légèrement remise de la pandémie.

« La population exclue, pauvre, noire, à faible revenu et peu éduquée, est exposée à des risques en matière de logement et de santé », rapporte le pasteur. « Les attentes les plus importantes de ces électeurs ont trait à leurs besoins fondamentaux. »

La question cruciale pour eux dans les urnes, selon lui, sera probablement « Qui est le plus capable d’aider le Brésil à sortir de la situation dramatique dans laquelle il se trouve ? »

À gauche : le président brésilien Jair Bolsonaro | À droite : L’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva.Image : Source : Getty/Stringer
À gauche : le président brésilien Jair Bolsonaro | À droite : L’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva.

Les voix évangéliques ne sont cependant pas unanimes. Au congrès national, 196 députés et sept sénateurs appartiennent au Frente Parlamentar Evangélica (« Front parlementaire évangélique »). Ils sont répartis dans 19 partis politiques différents. Le groupe le plus important, 42 d’entre eux, fait partie du Parti libéral de droite de Bolsonaro, mais ce n’est pas une majorité.

Si la plupart des évangéliques soutiennent les éléments clés du programme du Parti libéral — la défense de la famille traditionnelle, la liberté de religion et les enfants à naître — ils divergent sur certains points. Le gouvernement de Bolsonaro a cherché à assouplir les réglementations environnementales, par exemple, alors que 85 pour cent des évangéliques du pays disent que s’attaquer à la nature est un « péché contre Dieu ». Certains pasteurs évangéliques continuent de soutenir Bolsonaro, mais expriment cette fois-ci plus clairement des réserves.

« Je ne porte pas un T-shirt avec son visage imprimé dessus », déclarait Jaime Soares, un pasteur des Assemblées de Dieu à Rio de Janeiro, au Los Angeles Times. Mais, ajoutait-il, « c’est lui qui défend nos valeurs ».

Lors des dernières élections présidentielles, les sondages ont montré que seuls 19 % des évangéliques ont pris leurs instructions politiques de leurs responsables religieux. Mais Bolsonaro a clairement tenté de se rapprocher visiblement des leaders chrétiens. Il est apparu aux côtés de télévangélistes et de responsables pentecôtistes bien connus, dont Silas Malafaia, Marcos Feliciano et Edir Macedo, l’évêque de la plus grande dénomination prêchant l’Évangile de la prospérité dans le pays. Le président a également participé à la « Marche pour Jésus », conférant à l’événement un grand prestige.

Plus important, en 2021, Bolsonaro a tenu une promesse de campagne et a nommé un évangélique à la Cour suprême. Il a décrit cet ancien ministre de la justice, titulaire d’un doctorat en état de droit et d’un master en stratégies anticorruption de l’université de Salamanque, en Espagne, comme quelqu’un de « terriblement évangélique ».

Les leaders pentecôtistes — en particulier ceux qui prêchent la prospérité — semblent s’être rapprochés du président au cours des quatre dernières années. Certains dirigeants de l’Église presbytérienne du Brésil, également très proches de Bolsanaro, ont utilisé leur chaire pour inciter les gens à voter pour lui et ont envisagé de prendre des mesures disciplinaires contre les chrétiens qui soutiennent des candidats progressistes ou de gauche.

D’autres chrétiens du pays ont toutefois vivement critiqué l’alliance de certains dirigeants ecclésiaux avec Bolsonaro. Il est bon pour les évangéliques de s’impliquer dans la politique, disent-ils, mais il y a un danger dans l’allégeance au pouvoir.

« Cette communauté aspire au pouvoir politique », déclare Peniel Pacheco, un pasteur des Assemblées de Dieu et professeur de théologie qui a déjà siégé au Congrès. « Elle cherche à s’enrichir des bénéfices de l’État pour garantir des avantages économiques et fiscaux à ses fiefs confessionnels. »

Récemment, certains évangéliques ont été pris dans des scandales de corruption. En mars, les journaux ont obtenu un enregistrement audio de Milton Ribeiro, un pasteur presbytérien et chef du département de l’éducation, avouant apparemment un trafic d’influence. Le bureau du procureur général a ouvert une enquête.

« L’Église était trop loin du pouvoir, et maintenant elle en est trop proche », estime William Douglas, un juge fédéral de Rio de Janeiro. « Nous devons avoir une vie politique, mais nous ne pouvons pas laisser l’Église être prise en otage. »

Certains chrétiens espèrent que les quatre dernières années inciteront les évangéliques à réfléchir à leur témoignage et à leur vocation. Ils encouragent à une réévaluation en vue des prochaines élections.

« J’espère et je m’attends à ce que l’Église évangélique se mette au travail, afin d’être en mesure d’agir plus efficacement dans la sphère publique, plus efficacement dans la diffusion des valeurs de […] citoyenneté », déclare Ed René Kivitz, pasteur d’une mégaéglise baptiste à São Paulo. « La plus grande contribution de l’Église évangélique à la démocratie brésilienne est la préservation de l’environnement et de l’esprit démocratique de ses communautés. »

Reste à voir si Lula pourra en tirer parti et attirer les électeurs évangéliques. Beaucoup pensent simplement qu’il ne respectera pas leurs valeurs.

En avril, avant le début de la campagne, Lula défendait la dépénalisation de l’avortement au Brésil. Il considérait que l’avortement faisait partie des soins de santé. Après de vives critiques, le candidat a finalement expliqué qu’il était personnellement opposé à l’avortement.

Pour l’essentiel, il évite les problématiques culturelles et se concentre sur l’économie.

« Je ne pense pas qu’il soit impossible pour le [Parti des travailleurs] d’ouvrir des voies de négociation avec les évangéliques », estime l’anthropologue Juliano Spyer, auteur de Povo de Deus : Quem São os Evangélicos e Porque eles Importam ? (« Peuple de Dieu : Qui sont les évangéliques et pourquoi ils comptent. »), un livre sur les évangéliques et le Brésil contemporain.

Mais cette approche pourrait ne pas être exploitée avant le deuxième tour du scrutin, qui ramènera le nombre de candidats de 12 à deux.

« Cinq mois, c’est une période trop courte pour cette approche plus efficace », pense Juliano Spyer. « Le fossé est très profond. » Le premier vote aura lieu le 2 octobre.

Même si les électeurs évangéliques ne ressentent pas de lien naturel avec Lula et le Parti des travailleurs, plus d’un tiers d’entre eux envisagent de soutenir l’ancien président. Au cours de ses deux mandats, il a introduit avec succès des réformes sociales qui ont permis à 20 millions de personnes de sortir de la grande pauvreté tout en réduisant la dette nationale. La classe moyenne a grossi de près de 50 % sous sa présidence.

L’ancien président a pourtant été pris dans une vaste enquête sur un scandale de corruption et a été condamné en 2018 pour avoir accepté des pots-de-vin d’une société d’ingénierie qui voulait remporter un contrat lucratif avec la compagnie pétrolière publique Petrobras. Il a été condamné à 12 ans de prison, mais la condamnation a été annulée par la Cour suprême pour des raisons techniques, impliquant des erreurs de juridiction et de procédure. La réalité des accusations et leur importance en 2022 divisent la nation, et les évangéliques.

Rodrigo Cavalcanti Rabelo, un évangélique qui a voté pour le Parti des travailleurs en 2018, dit être lassé de voir les chrétiens embrasser la « polarisation agressive ».

Il espère qu’au cours de cette élection, les évangéliques se rappelleront comment se parler entre eux en tant que frères, sœurs et citoyens.

« La faculté de dialoguer est essentielle pour surmonter la grave situation économique et sociale que nous connaissons. »

Marcos Simas est titulaire d’un doctorat en études religieuses. Carlos Fernandes est reporter au Brésil.

Pour poursuivre la réflexion sur ce sujet, découvrez le dossier spécial sur les élections au Brésil préparé par notre équipe lusophone, disponible en portugais et en anglais.

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