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Pour s’affranchir des fonds occidentaux, les méthodistes africains se tournent vers l’agriculture

Du Liberia au Mozambique, les initiatives agricoles de l’Église soutiennent la production de riz, de maïs, de porcs et d’autres cultures.

Christianity Today June 13, 2022
Dan Kitwood/Getty Images

L’Église méthodiste unie (EMU) a approuvé des subventions à hauteur de 3,5 millions de dollars afin de soutenir les Églises de ses conférences africaines qui cherchent par l’agriculture à diminuer leur dépendance vis-à-vis des fonds occidentaux.

L’argent est attribué par le biais de la Bishop Yambasu Agricultural Initiative (BYAI) — un projet nommé en mémoire de John K. Yambasu, figure marquante de l’Église, décédé dans un accident de la route à Freetown, en Sierra Leone, il y a deux ans.

Trois millions de dollars ont déjà été répartis sous l’égide de la BYAI pour soutenir des projets dans une douzaine de conférences ecclésiales régionales.

« Le but de tout ce programme est de développer l’autonomie financière de nos conférences régionales en Afrique », explique Roland Fernandes, secrétaire général de Global Ministries et du United Methodist Committee on Relief.

Lancée en 2018, l’initiative a pris de l’ampleur il y a deux ans lorsque Roland Fernandes est devenu directeur général de Global Ministries.

Les projets soutenus par l’initiative comprennent des fermes rizicoles et de l’apiculture au Liberia ; des fermes piscicoles en Côte d’Ivoire ; du maïs, du manioc et du bétail en Angola ; des porcs et des jardins maraîchers au Mozambique.

« Pour moi, c’est l’un des programmes phares de ces deux dernières années depuis que je suis secrétaire général », dit Roland Fernandes. « C’est pour cela que nous doublons maintenant l’investissement dans ce programme. L’Afrique est une grande priorité pour nous en tant qu’agence. »

La dépendance à l’égard des fonds occidentaux est devenue une préoccupation de taille pour les méthodistes africains à mesure que l’EMU approche de la division autour des questions LGBT. Théologiquement, les conférences africaines s’alignent sur les traditionalistes qui soutiennent que la sexualité homosexuelle est un péché et que le mariage ne devrait être possible qu’entre un homme et une femme. Mais les traditionalistes américains veulent également réduire leur soutien à la dénomination, tandis que ce sont des progressistes qui resteront probablement aux commandes des structures dénominationnelles qui ont soutenu financièrement les Églises africaines. Tout ceci rend le financement futur incertain.

Plus de 70 % du financement des conférences africaines provient de l’Occident, rapporte Kepifri Lakoh, consultant agricole en Sierra Leone, qui assure la direction technique de l’initiative.

« Ce modèle n’est absolument pas durable. C’est donc en essayant de résoudre ce problème que cette vision est née, et l’évêque [Yambasu] a pensé : “Pourquoi ne pas utiliser les ressources qui sont en Afrique afin de générer des revenus pour l’Église ?” »

L’initiative en est encore à ses débuts. Les différentes conférences sont à des stades différents du processus d’octroi des subventions, et l’agriculture prend du temps pour porter ses fruits. Mais il y a déjà des signes prometteurs. Et pas seulement dans les champs.

« Nous nous sommes engagés dans cette démarche avec l’objectif que les conférences apprennent une nouvelle approche ou un nouveau mode d’engagement avec Global Ministries », explique Kepifri Lakoh. « Avant, nous accordions des subventions et, une fois qu’elles étaient épuisées, les conférences revenaient et en redemandaient. Maintenant, nous avons des cas où nous avons commencé à recevoir des rentrées d’argent [des cultures] en Sierra Leone. Ces rentrées d’argent sont réinjectées dans le projet. »

L’argent obtenu lors d’un premier cycle de financement dans les districts de Moyamba et Pujehun en Sierra Leone — classés parmi les plus pauvres de ce pays d’Afrique de l’Ouest — a servi à l’achat de semences. Dans le deuxième cycle, les revenus de la première récolte de riz ont été réinvestis pour augmenter la production et payer les semences, du carburant et le salaire d’un conducteur de tracteur.

Au cours de la saison 2021, les agriculteurs de l’initiative ont cultivé près de 200 hectares (494 acres) de riz en Sierra Leone. Cette année, ils espèrent cultiver 600 hectares (1 400 acres), et le projet s’est maintenant élargi à un troisième district, Tonkolili.

À terme, Global Ministries souhaite que les activités agricoles soient étendues et génèrent des revenus dans toutes ses conférences en Afrique occidentale, orientale et australe.

Stimuler le revenu des ménages et la sécurité alimentaire est extrêmement important en Afrique subsaharienne où, selon les chiffres de la Banque mondiale, 424 millions de personnes vivent avec moins de 2 dollars par jour.

En Sierra Leone, le soutien de la BYAI aux petits exploitants agricoles dans les communautés entourant les terres appartenant à l’Église est un élément essentiel de cette stratégie.

La conférence aide les agriculteurs pour les semences, le travail du sol et la récolte. En retour, les agriculteurs soutiennent les activités des fermes gérées par l’Église, en aidant à planter, à désherber et à faire fuir les oiseaux.

« Il y a un objectif communautaire d’augmentation des revenus des ménages, donc lorsque nous labourons leur terre, nous leur fournissons des semences et nous les aidons ensuite à récolter. Tout le riz et les recettes de ces fermes restent à 100 % avec les groupes d’agriculteurs au niveau communautaire », explique Kepifri Lakoh. « Nous devions nous assurer que le fonctionnement soit tel qu’il s’établisse une relation symbiotique entre la communauté et la conférence. De cette façon, la communauté locale et la conférence peuvent toutes deux s’approprier le projet. »

Lorraine Charinda, missionnaire zimbabwéenne et coordinatrice de projet, dirige les activités quotidiennes financées par l’initiative sur les fermes appartenant à l’Église dans la conférence régionale de l’EMU du Nord-Katanga, en République démocratique du Congo.

Titulaire d’une formation professionnelle en agrobusiness et en économie agricole, elle explique que les subventions qu’ils ont reçues sont utilisées pour faire pousser des semences de cultures vivrières, notamment du soja et du maïs. Le maïs est un aliment de base dans le sud-est de la province du Haut-Lomami, où elle est basée dans la capitale, Kamina.

Les graines de soja et de maïs qu’ils cultivent, dit-elle, sont adaptées aux types de sols locaux et au climat tropical de la province. Elles devraient fournir de meilleurs rendements à un coût moindre que les variétés importées au prix fort.

Dans la première phase du projet, l’une des douze fermes de l’Église, dont la taille varie de 250 à 1 000 hectares (600 à 2 400 acres), a travaillé à la production de semences. Dans la deuxième phase, qui a débuté le 1er juin, les graines sont purifiées, triées et emballées pour être vendues aux communautés environnantes.

Elles seront également distribuées à quatre autres fermes de l’Église pour y réaliser des cultures. D’ici la fin du projet, ils prévoient de développer des cultures et des semences de maïs, de soja et de riz dans les douze fermes de la conférence, situées dans quatre districts.

Les communautés environnantes bénéficieront de produits moins chers pour leurs propres cultures et d’emplois dans les fermes gérées par l’Église.

La missionnaire raconte qu’elle et ses collègues se sont inspirés, pour leur travail, du récit où Jésus nourrit 5 000 personnes. Comme avec les cinq pains et les deux poissons, le projet a commencé à petite échelle, mais se développe pour devenir quelque chose de beaucoup plus grand. « Peu importe qui vous êtes, quel âge vous avez, quel est votre sexe, tout le monde finira par en bénéficier »

Pour Roland Fernandes, le secrétaire général de Global Ministries, la durabilité et la responsabilité locale des projets en Afrique sont des principes cardinaux pour cette initiative qui se distancie de « l’approche coloniale » qui a prédominé dans la mission de l’Église par le passé.

« Nous les aidons, mais le programme appartient techniquement aux conférences locales », souligne-t-il. « Nous utilisons souvent l’expression “mutualité dans la mission”. Comment pouvons-nous apprendre les uns des autres ? »

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