L’héritage chrétien de la famille de Steve Oh remonte aux missionnaires protestants arrivés en Corée dans les années 1800.
« Ma famille a été bénie par le mouvement missionnaire mondial », raconte Oh, un pasteur australien d’origine coréenne qui dirige l’Église communautaire Living Hope de Sydney.
Du 22 au 28 septembre, Steve Oh faisait partie des 5 200 chrétiens de plus de 200 pays qui se sont retrouvés à Incheon, en Corée du Sud, pour le quatrième congrès de Lausanne. Ce rassemblement était une occasion de « boucler la boucle », et de commémorer les fruits personnels et collectifs de l’évangélisation mondiale au cours du demi-siècle écoulé.
Cinquante ans après l’initiative historique de Billy Graham et de John Stott, qui avaient rassemblé 2 700 évangéliques de 150 pays, les dirigeants du mouvement pensent que cette collaboration peut aller encore plus loin.
« Les six mots les plus dangereux dans l’Église mondiale aujourd’hui sont “Je n’ai pas besoin de vous” », a déclaré Michael Oh (sans lien avec Steve Oh), Directeur exécutif du Mouvement de Lausanne. Membre de la diaspora coréenne, il portait un hanbok traditionnel lors de son discours d’ouverture du dimanche.
Au cours des 15 années qui se sont écoulées depuis que Lausanne a convoqué son dernier congrès au Cap, en Afrique du Sud, le Mouvement a cherché à élargir le cercle des structures considérées comme des partenaires essentiels du Grand mandat confié par Jésus à ses disciples. Divers événements ont été organisés — pour les dirigeants de moins de 40 ans à Jakarta en 2016, et pour les chrétiens actifs dans le monde du travail séculier, ou ceux qui ne sont pas des professionnels du ministère chrétien à Manille en 2019.
Depuis sa première édition en 1974, Lausanne a approfondi la collaboration entre les évangéliques du monde entier, affirment les responsables que CT a interrogés sur place lors de Lausanne 4. Tout en s’attachant à former des jeunes responsables et à étendre ses réseaux, le Mouvement a publié en préparation du congrès un important rapport intituléÉtat du Mandat missionnaire et la Proclamation de Séoul, deux documents qui réaffirment l’engagement de Lausanne à servir de leader d’opinion en matière d’évangélisation et de théologie.
Dans la période précédant le rassemblement, Lausanne a fortement incité les Églises locales à adopter une attitude de coopération.
De nombreuses congrégations coréennes ont historiquement lutté pour s’entendre. En 2014, l’Alliance évangélique mondiale a annulé son Assemblée générale prévue dans la capitale sud-coréenne en raison des divisions entre les évangéliques du pays.
Dès le début du processus de planification du Congrès de Lausanne de cette année, l’Église Onnuri, l’une des plus grandes communautés réformées presbytériennes de Corée, a réuni plus de 430 églises pour prier. Environ 200 églises ont collectivement lancé une série de prédications suivies dans le livre des Actes des Apôtres. Nombreux sont ceux qui ont collecté des fonds pour couvrir les frais du rassemblement. Environ 4 000 chrétiens locaux priaient pendant l’événement.
L’Église coréenne a apporté une contribution financière importante pour la location du centre de congrès, les repas, le transport et les coûts de production.
Il n’a pas été facile d’instaurer la confiance entre les responsables chrétiens coréens, selon Yoo Kisung, un organisateur local qui dirige l’Église Good Shepherd à Séoul. Mais il reconnaît que cette préparation a été une occasion de réfléchir et d’inspirer la prochaine génération : « Les jeunes qui ont travaillé avec Lausanne sont les futurs dirigeants de l’Église coréenne. »
Les dirigeants du Mouvement de Lausanne qui se sont déplacés pour l’événement, comme Menchit Wong, membre du Conseil d’administration originaire des Philippines, ont également souligné l’impact générationnel.
« Maintenant que je suis beaucoup plus âgée, ma tâche est de voir des responsables de plus en plus jeunes prendre leur place pour amener les enfants à Jésus », dit-elle.
Le congrès de Séoul présente un pourcentage record de femmes (29 %) et de délégués de moins de 40 ans (16 %). Plus de 1 450 participants ont une activité professionnelle séculière. Mardi, un dîner était organisé pour les jeunes leaders, remplissant une immense salle de bal du centre de congrès, et plus tard dans la semaine, Lausanne organisait une cérémonie de recommandations à l’œuvre de Dieu pour les participants dont l’activité professionnelle se déroule dans le monde du travail séculier (28 %).
Si les organisateurs de Lausanne 4 avaient initialement souhaité que les Nord-Américains se limitent à environ 5 % de l’ensemble des délégués présents, les délégués vivant dans cette région ont finalement représenté 25,5 % de l’ensemble des participants. Avec les Européens (13 %), les Occidentaux représentaient 38,5 % du total des délégués.
Environ un tiers (36,9 %) des délégués résident dans des pays asiatiques, contre 12,8 % en Afrique et 7,7 % en Amérique latine. Les représentants vivant en Océanie représentaient 3 % et ceux des Caraïbes 1,1 %.
Pour Casely B. Essamuah, Ghanéen basé aux États-Unis et Secrétaire du Forum chrétien mondial, passer la semaine avec cette population diverse et disparate rappelle que « l’Église est plus grande et plus vaste que n’importe laquelle de nos dénominations ou n’importe laquelle de nos enclaves. »
« Lorsque vous venez ici, vous ne pouvez qu’être inspirés par ce que Dieu fait dans le monde entier », a-t-il déclaré. « Votre cœur est également brisé par la persécution que subissent d’autres personnes, et cela influence votre vie de prière. On rencontre des gens et on peut travailler en réseau avec eux pour le plus grand bien de l’Église mondiale. »
Selon Christian Maureira, Directeur et professeur au séminaire Martin Bucer au Chili, entendre des chrétiens du monde entier raconter des histoires de persécution et de la grâce de Dieu est une expérience unique en son genre. « Entendre ce que Dieu fait au Pakistan, en Malaisie, en Europe, dans le monde musulman […] a un impact considérable. »
Pour Claudia Charlot, Doyenne de la Faculté de commerce de l’Université Emmaüs à Cap-Haïtien, en Haïti, ce rassemblement lui a permis d’entrer en contact avec des missionnaires asiatiques de la One Mission Society, l’organisation qui a fondé l’école dans laquelle elle travaille.
« Je n’aurais jamais rencontré ces personnes sans Lausanne », a-t-elle déclaré.
Chacun des précédents congrès de Lausanne a donné lieu à la publication d’un document évangélique qui a fait date : la Déclaration de Lausanne (1974), le Manifeste de Manille (1989), et l’Engagement du Cap (2010). Lausanne a annoncé dimanche la publication de la Proclamation de Séoul, un traité en sept parties qui énonce des positions théologiques sur l’Évangile, la Bible, l’Église, la « personne humaine », la vie de disciple, la « famille des nations » et la technologie.
La Proclamation de Séoul « a été conçue pour combler certaines lacunes, pour apporter un complément sur sept sujets clés sur lesquels nous n’avons pas suffisamment réfléchi ou écrit au sein du Mouvement de Lausanne », a déclaré David Bennett, Directeur associé mondial de Lausanne.
« Nous n’avons pas essayé de créer un quatrième document qui remplacerait ou rendrait obsolètes les trois documents précédents », a-t-il ajouté.
La déclaration — un texte de 97 points et de 13 000 mots — a été publiée dès le premier jour du congrès. Sa publication a surpris certains délégués, qui s’attendaient à avoir la possibilité d’apporter leur contribution, étant donné que les congrès précédents avaient collectivement élaboré des déclarations en l’espace d’une semaine.
« S’appuyant sur une histoire riche et diversifiée, cette déclaration du @LausanneMovement a beaucoup de bon, et je suis reconnaissant pour la clarté théologique de ce moment », a écrit Ed Stetzer, Directeur régional de Lausanne pour l’Amérique du Nord, sur Instagram. « Cependant, j’aurais aimé qu’elle interpelle davantage les chrétiens à donner la priorité à l’évangélisation. »
Au moins un groupe, le Korean Evangelicals Embracing Integral Mission (KEEIM) [Évangéliques coréens pour la mission intégrale], a organisé une réunion le mardi pour que les délégués partagent et rassemblent leurs préoccupations.
Des éléments de la Déclaration de Séoul sur le thème de l’homosexualité ont été modifiés après sa publication, selon un rapport de Christian Daily International.
Des responsables chrétiens coréens ont fait part de leurs objections aux versions originales, notamment en ce qui concerne la manière dont elles pouvaient donner l’impression que « de nombreuses Églises locales et communautés chrétiennes ont commis des erreurs, alors que ce n’est pas le cas pour la plupart des Églises locales et communautés chrétiennes. »
Au paragraphe 69, au lieu de décrire comment les chrétiens attirés par le même sexe rencontrent des difficultés « dans de nombreuses Églises locales en raison de l’ignorance et des préjugés », il est maintenant indiqué que ces choses se produisent « même dans les communautés chrétiennes. » Au lieu de dire que l’Église se repent de ses « échecs », le texte dit maintenant qu’elle se repent de son « manque d’amour. »
Le mot « fidèle », qui était utilisé pour décrire les croyants qui éprouvent une attirance pour le même sexe, a également été supprimé dans le paragraphe suivant. À l’origine, ces modifications devaient être apportées avant la publication de la déclaration de Séoul, a déclaré mardi le porte-parole de Lausanne.
Ivor Poobalan, Directeur du séminaire théologique de Colombo au Sri Lanka, et Victor Nakah, Directeur international de Mission to the World pour l’Afrique subsaharienne, ont dirigé conjointement le groupe de travail théologique de Lausanne, qui a consacré environ 18 mois à l’élaboration de la Déclaration.
Selon M. Bennett, les rédacteurs du document se sont posé la question :
- Que faut-il faire ?
- Y a-t-il des domaines où le désir de Dieu pour les nations et son désir pour son Église n’est pas complètement réalisé ? Des domaines où nous n’avons pas écouté assez attentivement, ou des domaines où notre monde en mutation soulève de nouvelles questions auxquelles nos trois documents fondateurs n’ont pas apporté de réponses suffisantes ?
Ce document fait suite au rapport publié il y a quelques semaines concernant l’actualité du Grand mandat missionnaire. Ce rapport de 500 pages explore la situation actuelle de l’évangélisation mondiale à travers des données et des résultats de recherche, et propose des idées et des opportunités pour que les responsables des différentes régions puissent continuer à exercer leur ministère de manière efficace.
« Il existe des centaines de milliers de communautés ecclésiales qui comptent des centaines de millions de disciples de Jésus-Christ », écrivent dans l’introduction Poobalan et Nakah, qui ont également participé à la rédaction de ce rapport. « Mais pour mener à bien le Grand mandat, nous avons besoin d’une Église adaptée, avec des cœurs et des esprits tournés vers sa réalisation. »
Cet engagement en faveur d’un travail théologique approfondi séduit Tom Lin, Président de l’association étudiante InterVarsity Christian Fellowship (GBU), basée aux États-Unis.
« Nous avons là un concept unique issu de Lausanne, qui pourrait se répandre au fil des ans dans de nombreux endroits du monde », a-t-il déclaré.
Kim Jongho, du groupe KEEIM, a connu les documents de Lausanne alors qu’il était en première année d’université. « Leur engagement en faveur d’une mission intégrale m’a montré que je pouvais être un chrétien responsable dans la société », rapporte-t-il. « Ils étaient pour moi un signe d’espoir. »
Bien que Lausanne ait démontré une telle influence sur le monde évangélique depuis 50 ans, un mouvement comme celui-ci doit veiller à ne pas se reposer sur sa propre histoire, déclare Ruslan Maliuta, stratège de réseau pour OneHope en Ukraine.
« Dans les années 70, rassembler des milliers de personnes venues du monde entier était en soi une réussite extraordinaire », a-t-il déclaré. « C’est toujours un exploit, mais un réseau de mégaéglises peut le faire aussi. Bien qu’il s’agisse toujours d’un effort important, ce n’est pas quelque chose qui se démarque. »
Dans un monde en mutation, les organisations qui ont la capacité de se réunir à ce niveau devraient plutôt réfléchir au type de réunions qu’elles organisent.
« Chaque groupe mondial important, y compris Lausanne, doit s’efforcer de se réimaginer à notre époque », dit Ruslan Maliuta.
À cette fin, Lausanne a mis en place un centre de découverte numérique, une série d’expositions interactives destinées à aider les participants à en savoir plus sur les points de rencontre entre l’évangélisation et la technologie. Les sessions de l’après-midi traitent de sujets tels que l’intelligence artificielle et le transhumanisme.
Et Michael Oh, lors de son discours du mardi soir, qui commémorait le 50e anniversaire de Lausanne, a rappelé aux délégués que le mouvement était « passionnément engagé dans trois domaines : le discipulat dans le monde, la maturation des disciples dans l’Église et le digital. »
« Nous nous trouvons à un moment décisif pour le corps du Christ », a déclaré Paul Okumu, du Kenya Center for Biblical Transformation. « D’une part, il y a beaucoup d’enthousiasme et de célébrations autour de ce que Dieu fait. Mais d’un autre côté, la persécution et l’intolérance religieuse qui s’annoncent suscitent une inquiétude exceptionnelle. »
« Je suis ici pour montrer ma solidarité avec l’Église évangélique mondiale, en reconnaissant à la fois sa beauté et sa résilience, ainsi que ses imperfections et son désordre », dit Lisman Komaladi, Secrétaire régional de l’IFES pour l’Asie de l’Est à Singapour. « Je suis convaincu qu’ensemble, nous pouvons devenir des témoins plus fidèles du Christ dans le monde, où que nous soyons. »
Traduit par Jonathan Hanley et révisé par Léo Lehmann