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Rencontre avec des expatriés évangéliques restés au Liban

Brent Hamoud, Emad Botros, and Daniel Suter from Lebanon

Brent Hamoud, Emad Botros et Daniel Suter.

Christianity Today November 8, 2024
Illustration par Christianity Today/Images sources : Getty/Images fournies par Brent Hamoud, Emad Botros et Daniel Suter

L’avertissement lancé par l’ambassade états-unienne le 14 octobre ne pouvait être plus clair : Les citoyens américains au Liban sont fortement encouragés à partir maintenant. Mais ce message, envoyé alors qu’Israël intensifiait ses attaques contre le Hezbollah, n’était que le dernier en date de plusieurs semaines d’efforts diplomatiques visant à réduire la présence étrangère sur place.

Le 31 juillet, craignant déjà une escalade de la violence, l’ambassade décourageait les touristes potentiels en affichant le plus haut de ses quatre niveaux d’alerte : Ne pas s’y rendre. Pour ceux qui se trouvent à l’intérieur du Liban, elle soulignait : Autant que possible, le meilleur moment pour quitter un pays est avant une crise. Les principales compagnies aériennes avaient déjà annulé leurs vols à destination et en provenance de Beyrouth, ne laissant que la compagnie nationale pour l’évacuation — et ses vols sortants étaient pleins des semaines à l’avance.

Depuis que le Hezbollah, une milice musulmane chiite largement reconnue comme terroriste en Occident, avait lancé des missiles contre Israël pour soutenir l’attaque du Hamas en octobre dernier, les étrangers vivaient dans la crainte qu’Israël finisse par bombarder l’aéroport, comme lors de la guerre de 2006 qui avait vu de nombreux expatriés bloqués sur place. Il était difficile d’espérer passer par la Syrie, et le Liban n’a pas de relations officielles avec Israël permettant de franchir la frontière méridionale.

C’est alors que des bipeurs du Hezbollah ont explosé dans tout le pays.

Avec des dizaines de morts et des milliers de blessés, le lendemain, le 18 septembre, l’ambassade a mis en garde contre la réduction des soins de routine dans les hôpitaux. Le 21 septembre, elle déclarait aux citoyens que le gouvernement libanais ne pouvait pas garantir leur sécurité, évoquant la possibilité d’une augmentation de la criminalité, de la violence sectaire ou d’enlèvements ciblés.

Le 28 septembre, au lendemain d’une frappe aérienne israélienne massive qui a tué le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, l’ambassade renvoyait son personnel non essentiel et ouvrait les inscriptions pour que les citoyens états-uniens puissent demander de l’aide pour quitter le pays.

Plusieurs ont payé des milliers de dollars pour placer leur famille sur des yachts privés à destination de Chypre. D’autres appelaient frénétiquement la compagnie Middle East Airlines (MEA) pour obtenir des places réservées par l’ambassade vers d’autres destinations. Et au sein de la communauté missionnaire, la discussion était incessante : Vous partez ? Quels sont vos plans d’urgence ? Votre organisation vous obligera-t-elle à vous en aller ?

Certains ont décidé de rester.

Nous avons interrogé quatre chrétiens étrangers pour savoir comment ils ont pris cette décision malgré la guerre.

Chacun d’entre eux a déjà enduré le bourdonnement constant des drones israéliens survolant leur quartier. Ils ont appris à faire la différence entre le bruit des avions de guerre qui franchissent délibérément le mur du son et le bruit tout aussi assourdissant d’un tir de missile qui fait s’écrouler un immeuble d’habitation. Certains se sont demandé s’ils ne risquaient pas de devenir la cible d’une colère chiite aveugle ou si les enlèvements d’étrangers par des islamistes ne risquaient pas de se répéter comme pendant la guerre civile au Liban, il y a des décennies.

Ils représentent différentes catégories de travailleurs chrétiens.

Une famille suisse vivant dans les contreforts de Beyrouth pense que les anges ont fermé les oreilles de leurs enfants pendant la nuit et leur ont permis de dormir tranquillement, même lorsque les explosions — légèrement étouffées par la distance — réveillaient les parents à 3 heures du matin. Un Égyptien de nationalité canadienne raconte que les explosions étaient si fortes qu’il pensait parfois qu’elles s’étaient produites juste de l’autre côté de la rue, avant de regarder par la fenêtre et de voir des panaches de fumée s’élever dans la vallée à trois kilomètres de là, non loin de son église, à l’extérieur de Beyrouth.

Un États-Unien marié à une Libanaise explique que, si les attentats ne le menaçaient pas directement, il était profondément troublé par le fait que chaque missile faisait plus de morts et déplaçait des familles. Et une États-Unienne célibataire élevée dans la pauvreté urbaine au milieu de la guerre des gangs observe : « J’ai grandi à la dure, mais les coups de feu et les bombes, ce n’est pas la même chose. »

Une résilience partagée

Cette femme, une jeune Noire de l’Ohio, témoigne sous anonymat parce que son organisation travaille dans d’autres pays du Moyen-Orient où le témoignage auprès des musulmans est illégal. Mais elle était impatiente de raconter son histoire, qu’elle voit comme une « anomalie » dans le monde des missions.

Son agence, dit-elle, préfère rester sur place et prier en cas de crise.

Elle n’était au Liban que depuis six mois lorsque la guerre à Gaza a commencé. À ce moment-là, de la trentaine d’amis chrétiens étrangers qu’elle côtoie, seuls elle et ses coéquipiers, un couple avec deux jeunes enfants, n’ont pas été évacués. La plupart sont depuis rentrés au Liban, car la guerre ne s’est pas étendue au-delà de la frontière méridionale, et le temps passé à l’écart a peut-être contribué à ramener le calme. Dans le contexte de l’escalade actuelle, plusieurs sont encore là.

Son travail consiste à soutenir un mouvement de « tente de louange » en collaboration avec les églises locales, en mettant l’accent sur la prière et l’adoration. Face à la montée de la violence, elle avait acheté des billets d’avion « au cas où » pour le 15 octobre et restait en contact quotidien avec les responsables de son organisation aux États-Unis. Quelques jours avant cette date, alors que la compagnie libanaise mettait des milliers de personnes à l’abri, ses mentors états-uniens ont embarqué dans un avion presque vide à destination du Liban pour prendre de ses nouvelles. Cette visite a renforcé sa résolution, qui s’est encore accrue lorsqu’elle s’est jointe à 200 Libanais lors d’une veillée de 50 heures. Certains parlaient en langues. D’autres, épuisés par les danses, les banderoles et les prières d’intercession, s’endormaient sur les bancs. 

Le thème, planifié des mois à l’avance, était « Lève-toi, Esther ». Et c’est « pour un moment comme celui-ci », estime-t-elle, qu’elle était au Liban, pour se tenir aux côtés du peuple et demander au Roi de mettre fin à la guerre. Inspirée par leur résilience, elle s’est identifiée aux luttes des Libanais, un peuple malmené par les puissances régionales et subordonné au service d’un programme politique. La situation a fait écho à son expérience en tant que femme noire, lui rappelant que l’histoire de l’esclavage transatlantique avait donné à son peuple une capacité similaire à endurer avec espoir des circonstances difficiles.

Mais elle considère que beaucoup se trompent sur cette guerre.

« La génération Z est presque entièrement propalestinienne », dit-elle. « Au Liban, je n’ai jamais vu une telle haine à l’égard d’Israël. Les gens ne veulent même pas prononcer son nom. »

En tant qu’enfant du 11 septembre, elle s’étonne de la rapidité avec laquelle les États-Unis ont changé d’attitude : une génération était ouvertement antimusulmane, la suivante largement réceptive à la propagande palestinienne. Peu de ses amis états-uniens savent qu’Israël sauve des vies civiles en émettant des ordres d’évacuation avant la plupart des bombardements. Et moins nombreux encore sont ceux qui, selon elle, comprennent la place eschatologique des Juifs dans le programme de Dieu pour la fin des temps.

Israël n’est pas une nation pieuse, dit-elle, et Dieu la jugera pour sa violence excessive à Gaza et au Liban. Mais à ses yeux l’amour des chrétiens non juifs pour les Juifs devrait susciter leur zèle, selon Romains 11, pour leur salut à venir et la paix d’Israël.

« Le Liban entre dans une nouvelle saison », estime-t-elle. « Mais mon point de vue n’est pas partagé par les croyants d’ici. »

Réparer ce qui est cassé

Plus en phase avec les sentiments des Libanais, un autre États-Unien reste également sur place.

« L’agression israélienne menace notre bien-être », dit Brent Hamoud, responsable de programme à Tahaddi, une organisation communautaire engagée dans la lutte contre la pauvreté. « Ils ne nous forceront pas à partir, et rester est un petit acte de résistance. »

Il n’a même pas cherché à connaître les horaires des vols.

Tahaddi est installée à la périphérie de Dahieh, la banlieue sud de Beyrouth à majorité chiite, où le Hezbollah exerce un contrôle politique et social. La campagne de bombardements israélienne visant les responsables et les infrastructures des militants a perturbé les opérations de l’organisation caritative, bien que son réseau continue à fournir de la nourriture et une aide médicale au quartier et aux personnes qui en sont déplacées.

Mais l’engagement de Brent pour le Liban va bien au-delà de la solidarité et du service. Ses grands-parents ont été missionnaires à l’orphelinat évangélique Dar El Awlad pendant plus de trois décennies, et son père a été élevé dans cet orphelinat. En 2007, Brent est retourné au Liban pour poursuivre l’héritage de sa famille et servir les enfants vulnérables. Et Ruth, une Libanaise qu’il a épousée en 2012, a fait savoir dès le début de leur relation que son avenir était au Liban.

Au bout de 12 ans, en 2019, Brent s’est senti mal à l’aise avec le modèle missionnaire traditionnel et a rompu les liens avec son agence d’envoi. Il n’a pas été difficile d’accepter un salaire local, car la valeur de la lire libanaise permettait un mode de vie de classe moyenne qui n’était pas très différent de celui des États-Uniens.

Mais quelques mois plus tard, la révolution populaire libanaise contre une classe politique corrompue a été suivie d’une dépréciation quasi totale de la monnaie. Ruth a perdu pratiquement toutes ses économies lorsque la lire s’est effondrée et que les banques ont interdit le retrait des fonds. Après cela est venu le COVID-19, l’explosion du port de Beyrouth, principal port du pays, puis des pénuries de médicaments, de carburant et d’électricité.

Lorsque les bombes ont commencé à tomber sur le Liban, le couple n’était pas très inquiet à l’idée de faire face à une crise de plus.

Les amis et la famille restés au Minnesota se sont par contre inquiétés pour eux, et Brent et Ruth ont pris ces inquiétudes à cœur. Mais leurs besoins essentiels étaient satisfaits et leurs enfants, âgés de 7 et 9 ans, étaient émotionnellement stables. Si les enfants avaient subi de graves traumatismes, ils auraient envisagé plus sérieusement leur départ.

« Nos enfants sont conscients que, pendant que nous avons des explosions ici, il a de la glace dans tous les congélateurs d’Amérique », raconte le père. « Mais nous discutons de la situation et de la raison pour laquelle nous sommes ici chez nous, et d’où Dieu veut que nous soyons. »

Ruth s’occupe également de 250 autres enfants en tant que coordinatrice de l’éducation de la petite enfance pour l’école baptiste de Beyrouth, supervisant des dizaines d’enseignants et de membres du personnel. Leur départ du Liban aurait des répercussions sur beaucoup d’autres personnes.

Pourtant, l’impact de la guerre est considérable. Brent applique les paroles de Jésus aux diverses milices du Proche-Orient — ceux qui vivent par l’épée meurent par l’épée (Mt 26.52). Il a bien observé les sabres et les AK-47 sur leurs différents emblèmes. Il n’éprouve que peu de sympathie pour leur sort.

Selon lui, un cessez-le-feu à Gaza aurait permis d’éviter que la guerre ne touche le Liban et les étrangers qui s’y trouvent. Avant la guerre, ni le Hezbollah ni d’autres acteurs locaux n’avaient rendu leur évacuation nécessaire.

« Arrêtez les combats », plaide-t-il. « Cela ouvrira des voies pour réparer ce qui est cassé. Tant de choses le sont dans la région. »

C’est ici notre maison

Pour Emad Botros, la liberté du Liban est réelle malgré tous ces désastres.

En tant qu’Égyptien, Emad apprécie l’esprit d’ouverture et la liberté religieuse de la nation par rapport à son pays natal. Ces choses reposent en grande partie dans ce qu’il voit comme une « culture chrétienne », ancrée dans la présence historique du christianisme. Il craint que tout cela change si le chaos de la guerre stimule encore l’émigration chrétienne ; au lieu de cela, il reste pour renforcer l’Église.

Mais en tant que citoyen canadien, sa première intuition était d’évacuer.

« Il vaut mieux partir six mois et revenir que de risquer un traumatisme qui pourrait vous empêcher de revenir », dit celui qui travaille pour les ministères baptistes canadiens. « Dieu veut que nous servions ici, mais pas que nous soyons des martyrs. »

Emad est arrivé au Liban en 2000 en tant qu’étudiant à l’Arab Baptist Theological Seminary (ABTS), où il a rencontré Almess, son épouse irakienne. Ils se sont mariés en 2004 et ont passé deux ans ensemble en Égypte. Au cours de la décennie suivante, ils ont émigré au Canada quand Almess a obtenu le statut de réfugié. Ils ont eu deux enfants et ont servi auprès de la population arabe du pays.

En 2014, Emad est retourné à l’ABTS où il est aujourd’hui professeur adjoint d’Ancien Testament. Mais en 2020, le séminaire est passé principalement à l’enseignement en ligne ; il a ainsi aussi pu faire son travail à distance. Emad s’inquiétait pour Almess, qui a vécu la guerre Iran-Irak et les invasions états-uniennes, et craignait qu’une autre expérience de conflit ne la mette durablement hors course. Ses fils adolescents étaient aussi exposés. Cet été, la famille a donc passé quelques semaines en Égypte pour se reposer du stress et du bruit des passages du mur du son.

Son fils aîné a détesté être éloigné. La famille est retournée au Liban avant que le plus fort des violences n’éclate, mais le jeune homme avait hâte de retrouver ses amis. « Ce serait honteux de partir », a dit le jeune homme de 19 ans à son père, élevé dans l’esprit du Proche-Orient. « Nous devons faire preuve de solidarité », a renchéri le fils cadet, un jeune homme de 17 ans soucieux de justice sociale. Au cours des dix dernières années, chacun d’entre eux a de plus en plus étroitement associé ses diverses identités au Liban.

La voix de sa femme a finalement tranché.

« Almess m’a dit que le Liban était notre maison », raconte Emad. « Je me suis rendu compte qu’elle avait raison. Ce n’était plus seulement un champ de mission — les amis étaient devenus des membres de la famille, et on ne quitte pas sa famille dans les moments difficiles. »

Depuis, l’ABTS a accueilli sur place plus de 150 personnes déplacées, un mélange de chrétiens et de musulmans connus de sa communauté. L’appartement des Botros se trouve à cinq minutes de marche du campus, et il se promène régulièrement dans les jardins, échangeant avec les personnes qui ont perdu leur maison pour les encourager.

Nombre d’entre elles proviennent de l’église Resurrection de Beyrouth, où il fait partie de l’équipe pastorale. Son bâtiment se trouve près de la ligne de démarcation entre les secteurs chrétiens et chiites de Hadat, séparant Dahieh du palais présidentiel. L’église n’a pas été endommagée, mais les bombardements dans la zone musulmane ont été intenses.

« La guerre est terrible », dit Emad. « J’ai peu de ressources mentales pour travailler. »

Son travail sur Jonas a été mis de côté. Mais il y a quelques semaines, il a prêché sur le prophète égaré qui voulait répondre au mal de Ninive par sa destruction. Dieu, lui, voulait qu’il se repente. De même, les acteurs rivaux de la région parlent de s’anéantir mutuellement. Une perspective plus biblique, a voulu souligner le pasteur, associe la recherche de la justice à la miséricorde et au pardon des péchés.

« Les militants du Hamas et du Hezbollah restent des êtres humains, même si nous les condamnons — de même que les actions israéliennes », dit Emad. « La poursuite des destructions ne fera que créer une nouvelle génération d’ennemis. »

Le pays que nous aimons

Daniel Suter, missionnaire suisse, côtoie diverses positions. Ses amis libanais accusent Israël de tous les maux ; ses amis occidentaux soutiennent automatiquement tout ce que fait Israël. Mais, les larmes aux yeux, il rappelle que 2 350 Libanais sont morts depuis le début de la guerre, dont certains étaient des parents d’amis proches.

« Cela me brise le cœur », dit Daniel. « C’est le pays que nous aimons. Ça fait mal. »

Le bâtiment de Jeunesse en Mission (JEM) dans lequel il a servi — jusqu’à ce que les routes deviennent trop dangereuses pour les 30 minutes de trajet depuis son domicile — affiche un panneau proclamant Jésus en anglais et en arabe, avec l’image d’une croix et d’un cœur entre les deux. Il se trouve à Damour, un village chrétien sur la route côtière reliant Beyrouth à Sidon, mais tous les passages qu’il pouvait emprunter pour s’y rendre ont été bombardés.

Damour est le site d’un tristement célèbre massacre perpétré par des Palestiniens pendant la guerre civile libanaise. Le village voisin abrite encore quelques réfugiés palestiniens, et peu de chrétiens y mettront jamais les pieds, rapporte Daniel. Des migrants syriens travaillent dans les bananeraies qui s’étendent de la route au bord de mer. La population regarde d’un mauvais œil ces gens qui reçoivent des agences internationales une aide dont ne bénéficient pas les citoyens locaux en difficulté.

Le centre communautaire de JEM tente de rassembler tout le monde.

Quand la guerre à Gaza a commencé, le responsable libanais de JEM a interrogé Daniel : « Est-ce que c’est à cela que Dieu t’a appelé ?Si oui, alors reste. » Un autre missionnaire étranger est parti brusquement, inquiet pour la santé mentale de ses enfants. « Est-ce que les Libanais n’ont pas aussi des enfants ? », a commenté un membre du personnel. Ces conversations ont renforcé l’engagement de Daniel, qui observe que ses amis locaux semblent plutôt « détendus ». Ils ont déjà vécu la guerre.

Sa femme, Bettina, en revanche, était étroitement intégrée à la communauté chrétienne des expatriés et à ses conversations constantes sur la question de savoir s’il fallait rester ou partir. Installés au Liban en 2015, ils avaient déjà traversé de nombreuses crises avec leurs trois jeunes enfants. Mais la guerre était autre chose. « Je ne suis pas venue au Liban pour mourir », disait-elle. L’inquiétude la paralysait.

Les prières n’ont pas apporté de réponse claire de la part de Dieu pour l’un ou l’autre d’entre eux, raconte Daniel. Le couple a donc accepté d’être temporairement séparé, Bettina et les enfants retournant en Suisse. La guerre s’étant concentrée dans le sud, ils sont revenus trois semaines plus tard.

Leur ministère s’est poursuivi normalement, puis la famille a passé l’été en Suisse pour des visites d’églises et des vacances. Mais pendant leur absence, Israël a assassiné deux de ses adversaires : un responsable de haut niveau du Hezbollah à Beyrouth le 30 juillet et le chef du Hamas alors qu’il se rendait en Iran le lendemain.

L’église d’envoi a demandé à la famille de retarder son retour d’un mois.

Et le mois fut fructueux. Daniel raconte que Bettina a fait une expérience avec Dieu qui lui a demandé si elle était prête à tout abandonner. Ce moment a été déchirant, mais profond, et cela l’a préparée à revenir.

Daniel s’est également rendu compte qu’il avait été imprudent. Il avait laissé partir sa famille en espérant naïvement que l’aéroport échapperait aux bombardements. Rétrospectivement, il voit qu’il n’aurait pas bien géré une séparation de plusieurs mois ou plus. Un plan d’urgence était nécessaire et il s’y est engagé dans la prière et en consultation avec ses responsables suisses.

L’attaque aux bipeurs, une semaine avant leur retour, n’a fait que renforcer leur détermination. Le 23 septembre, alors qu’ils attendaient à la porte de l’aéroport, ils ont reçu des informations selon lesquelles les bombardements israéliens généralisés avaient commencé. Des centaines de milliers de Libanais étaient déplacés, notamment de Tyr, de la vallée de la Bekaa et de la banlieue sud de Beyrouth. La guerre n’était plus seulement dans le sud.

La famille s’est installée dans un logement temporaire au centre de Damour et a pris soin des 300 personnes réfugiées à l’école du village. Les enfants travaillaient aussi dur que les parents, raconte Daniel, apprenant les ravages de la guerre, mais continuant à dormir profondément la nuit. Mais lorsque l’école a repris, ils ont reçu la bénédiction du bureau local de JEM pour rentrer chez eux et continuer à servir dans un autre centre à Burj Hammoud, un quartier chrétien de la capitale qui compte de nombreux réfugiés syriens et chiites déplacés.

En concertation avec leur église, ils ont modifié le critère déclencheur de leur évacuation. Lorsqu’Israël a commencé son invasion terrestre du Liban le 1er octobre, les analyses locales laissaient penser qu’ils seraient encore en sécurité dans leur maison des contreforts ; cependant, si les forces israéliennes se dirigeaient vers le nord de Beyrouth, les Suters seraient évacués vers la Suisse.

« Aujourd’hui, j’évalue les risques, alors qu’avant je les ignorais », constate Daniel « On peut être lâche en partant ou en restant. Je veux être ici pour les bonnes raisons, pas pour le frisson de l’aventure ou la peur de l’ennui à la maison. »

Il espère que son histoire encouragera la prière pour le Liban et incitera peut-être d’autres personnes à venir servir le pays. Pendant ce temps, la missionnaire de l’Ohio attend l’arrivée de trois nouveaux coéquipiers qui se préparent déjà à la rejoindre. Brent Hamoud veut que les Palestiniens de Gaza retrouvent leur droit fondamental à la vie. Emad Botros plaide pour que les chrétiens qui se préoccupent de la situation, au lieu de se contenter d’envoyer des fonds pour l’aide d’urgence, s’attaquent aux causes profondes des déplacements et fassent pression sur leurs gouvernements pour qu’ils mettent fin à la guerre.

Aucun d’entre eux ne se considère comme un héros ni ne reproche à qui que ce soit d’être parti.

« L’ancien paradigme missionnaire consistait à partir à l’étranger et à y mourir. J’ai adoré cela quand j’étais jeune et cela m’a inspiré dans mon service », dit Daniel Suter. « Mais ce n’est pas en soi le fait de rester qui glorifiera Dieu. Ce qui compte le plus, c’est la fidélité à la direction de Dieu. Il peut y avoir différentes phases dans notre appel. »

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