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Les déportations massives promises par Trump inquiètent les églises de migrants

Certaines des promesses du président états-unien élu semblent difficilement réalisables, mais il a menacé d’expulser des millions d’immigrants sans papiers et légaux.

A man furls a flag after a US naturalization ceremony in Los Angeles for immigrants becoming citizens.

Un homme enroule un drapeau après une cérémonie de naturalisation à Los Angeles au début de l’année.

Christianity Today November 8, 2024
Mario Tama / Getty Images

Jackson Voltaire, un pasteur à la tête d’un regroupement de 255 églises baptistes haïtiennes en Floride, a prié une bénédiction pour Donald Trump le lendemain de l’élection.

Mais il s’est également retrouvé pour prier avec les responsables de ces églises inquiètes de ce qu’il pourrait advenir du statut légal des Haïtiens dans le pays.

« Nous avons beau dire aux gens de ne pas s’inquiéter, pour la plupart d’entre eux, il y a des raisons de s’inquiéter », commente le pasteur. « Mais lorsque nous fixons nos yeux sur Jésus, l’inquiétude commence à se dissiper. La force et le réconfort que nous trouvons dans les promesses de Dieu sont plus forts que la peur. »

Le prochain président élu a fait des déportations massives un élément central de sa campagne, promettant d’expulser des millions d’immigrés des États-Unis, y compris des Haïtiens. Le programme officiel du Parti républicain promet de « mener la plus grande opération de déportation de l’histoire américaine ».

Dans ses discours de campagne, Trump s’en est pris aux immigrés sans papiers qui commettent des crimes violents, mais il a également indiqué qu’il mettrait fin à certains programmes d’immigration légale, comme celui destiné aux Haïtiens.

Ces propositions pourraient concerner plus de 10 millions de personnes aux États-Unis et entraîner des séparations familiales pour des millions d’entre elles, étant donné que la plupart des immigrés sans papiers cohabitent avec des immigrés légaux.

Les Haïtiens se trouvent pour la plupart légalement dans le pays, dans le cadre d’un programme destiné aux personnes fuyant la guerre, appelé « Temporary Protected Status » (TPS), qui couvre Haïti et d’autres pays, comme le Venezuela et le Nicaragua. Trump avait tenté en vain de mettre fin à ce programme lors de son premier mandat. Il souhaite toujours y mettre un terme.

Actuellement, Haïti n’a pas de gouvernement opérationnel, ce qui rend tout renvoi difficile. Les habitants vivent sous l’emprise de gangs en guerre entre eux.

Jackson Voltaire raconte prier non seulement pour que Trump soit en bénédiction pour les États-Unis, mais aussi pour que Dieu trouve des personnes capables de changer la trajectoire de son pays d’origine afin que les gens n’aient plus à tenter de se réfugier ailleurs. Il prie pour qu’Haïti puisse « revenir à la glorieuse époque où cette nation était considérée comme la perle des Caraïbes ».

Trump avait déjà promis d’expulser des millions de personnes lors de sa campagne de 2016, mais les chiffres des renvois au cours de son premier mandat sont à peu près les mêmes que ceux de l’administration Biden. L’administration Obama détient toujours le record du plus grand nombre de renvois en un an.

Cette fois, Trump envisage un moyen plus radical : le déploiement de la Garde nationale pour arrêter les immigrés sans papiers. Il a plusieurs fois fait référence à l’opération « Wetback » de l’administration Eisenhower, au cours de laquelle les forces de l’ordre fédérales et locales avaient effectué des raids de grande envergure pour expulser environ un million de personnes, dont certaines s’étaient avérées être des citoyens américains.

Les experts en immigration doutent que le Congrès fournisse les fonds nécessaires aux déportations massives envisagées. L’infrastructure nécessaire ne serait pas simple à mettre en place. Un groupe travaillant sur le sujet a estimé le coût de l’expulsion de l’ensemble des personnes sans papiers aux États-Unis à 315 milliards de dollars.

Même s’il n’y a pas d’argent pour des déportations massives, « je ne veux pas dire aux gens que tout va bien se passer. Je pense que nous allons assister à une augmentation des expulsions de gens très bien », analyse Matthew Soerens, représentant de World Relief, une organisation évangélique travaillant à l’insertion des réfugiés. « Tout le monde est d’accord pour expulser les criminels violents. »

Si les évangéliques ont soutenu Trump lors de l’élection, ils ont aussi historiquement une approche plus compatissante des questions d’immigration. Ils soutiennent généralement un statut légal pour les « Dreamers » (immigrés sans papiers amenés aux États-Unis lorsqu’ils étaient enfants), s’opposent à la séparation des familles et estiment que les États-Unis ont l’obligation morale d’accueillir des réfugiés. Un élément a cependant récemment évolué : ils sont plus nombreux à considérer les immigrants comme une menace économique.

Diverses organisations confessionnelles espèrent faire entendre à Trump que les immigrants ont de la valeur.

« Nous allons plaider auprès de lui, faire appel à son engagement à soutenir l’Église persécutée, à ses déclarations selon lesquelles il croit en l’immigration légale », explique Matthew Soerens.

« Nous croyons en la possibilité d’un progrès et nous demandons instamment à la nouvelle administration de tenir compte de l’immense valeur que les immigrants et les réfugiés apportent à notre nation », dit Krish O’Mara Vignarajah, directeur de Global Refuge, une agence confessionnelle d’insertion des réfugiés.

La séparation des familles est la mesure anti-immigration la plus impopulaire parmi les chrétiens évangéliques blancs. « On ne sait pas exactement ce que fera le président élu Trump », dit Matthew Soerens.

Les déportations frapperaient tout particulièrement la communauté latino-américaine. Les évangéliques latinos soutiennent généralement l’extension du statut légal aux Dreamers et autres immigrés sans papiers qui vivent aux États-Unis depuis longtemps. Mais la plupart de ces évangéliques (60 %) ont voté pour Trump lors des dernières élections, en grande partie sur la base de questions sociales telles que l’avortement et en raison de leur opposition aux régimes communistes ou de gauche dans leurs pays d’origine.

« Bien que les évangéliques latinos ne soient pas un bloc électoral monolithique ou monothématique, en matière d’immigration de nombreuses communautés latinos ont exprimé de profondes inquiétudes concernant les propos sur les déportations de masse et leur impact sur le ministère de l’Église latino et auprès d’elle », affirme Gabriel Salguero, président de la National Latino Evangelical Coalition, dans une déclaration qu’il nous a transmise.

« Nous nous demandons comment les églises peuvent collecter les dîmes et les offrandes des membres immigrés tout en gardant le silence sur les politiques qui préconisent leur déportation massive. » « Notre prière sincère est qu’il y ait enfin une solution bipartisane en matière d’immigration qui respecte l’État de droit et honore la dignité de tous les individus. »

Les pressions politiques ont longtemps empêché le Congrès d’adopter une réforme de l’immigration ; un projet de loi bipartisan sur la frontière proposé en février pour restreindre les migrants à la frontière et améliorer la procédure d’asile a échoué lorsque Trump s’y est opposé. 

D’autres programmes d’immigration légale sont remis en question. Des permis humanitaires ont permis à des Afghans, des Ukrainiens, des Haïtiens, des Cubains, des Nicaraguayens et des Vénézuéliens de trouver un refuge légal aux États-Unis, mais Trump s’est engagé à expulser les personnes bénéficiant de ce programme.

« Préparez-vous à partir », a déclaré le prochain président.

De nombreux Ukrainiens fuyant la guerre sont également venus aux États-Unis dans le cadre de permis humanitaires. Paul Oliferchik est le fils de réfugiés de l’Union soviétique et était jusqu’à récemment pasteur d’une église ukrainienne des Assemblées de Dieu à New York, la ville qui abrite la plus grande population ukrainienne des États-Unis. Il est aujourd’hui au service d’une église chinoise de la ville.

Sa femme est la fille de réfugiés ukrainiens qui ont reçu l’aide d’une organisation luthérienne pour s’installer aux États-Unis, raconte-t-il. « Nous avons déménagé en tant que réfugiés et nous avons eu une chance inouïe », estime-t-il.

Mais bon nombre des immigrés évangéliques ukrainiens qu’il connaît sont partisans de Trump : ils ne prennent pas leurs décisions politiques en fonction de l’immigration, mais selon leur conservatisme social.

Le pasteur pense qu’ils ne sont probablement pas au courant de la fin potentielle du programme de permis humanitaires. Quoi qu’il en soit, il espère qu’ils se tiendront aux côtés des autres réfugiés.

« Dieu a aidé beaucoup d’entre nous à venir vivre aux États-Unis », souligne-t-il. « Lorsque Dieu a fait sortir Israël d’Égypte, il lui a demandé de se souvenir. Si nous ne nous souvenons pas que Dieu lui-même nous a fait sortir et nous a rachetés, cela pourrait se refléter dans la façon dont nous traitons les autres, qui essaient eux aussi de s’en sortir et de vivre. »

Au cours de son premier mandat, Trump a tenté de mettre fin au programme DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals) justement destiné aux Dreamers, mais il s’est heurté à des obstacles juridiques. Des experts en immigration estiment que ses conseillers juridiques ont tiré les leçons de leurs premières tentatives pour défaire certains de ces programmes et qu’ils pourraient avoir plus de succès cette fois-ci.

Dirigée par Stephen Miller, conseiller de longue date en matière d’immigration, l’équipe Trump cherche d’autres moyens de réduire l’immigration légale. Le Wall Street Journal rapporte notamment un projet qui bloquerait les immigrants porteurs de handicaps ou à faibles revenus.

Au cours de son dernier mandat, Trump a temporairement suspendu l’ensemble du programme pour les réfugiés dépendant directement de la présidence, puis a considérablement réduit le nombre d’admissions qui a fait une plongée historique.

En 2020, à la fin de son mandat, les admissions de réfugiés n’étaient plus que de 12 000 par an contre une moyenne historique de 81 000. Dans sa campagne pour 2024, Trump a critiqué les admissions de réfugiés par Biden et affirmé qu’il apporterait « de toutes nouvelles mesures de répression ».

Les mesures répressives de la précédente administration Trump ont dans certains cas permis d’arrêter des immigrés sans casier judiciaire qui se trouvaient dans le pays depuis des décennies.

En 2017, des agents de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) ont arrêté des centaines de chrétiens irakiens à Détroit, dont certains alors qu’ils se rendaient à l’église. Ces chrétiens auraient été confrontés à la persécution et « même à la mort » s’ils avaient été expulsés, ont écrit à l’époque des responsables évangéliques à l’administration Trump.

Au cours des affrontements juridiques autour de leur expulsion, de nombreux chrétiens irakiens ont été détenus aux États-Unis pendant plus d’un an avant d’être libérés, et certains ont été déportés. Certaines de ces personnes avaient fait l’objet d’une procédure pénale ayant abouti à une expulsion ; d’autres n’avaient pas de casier judiciaire. Beaucoup de chrétiens chaldéens ne croyaient pas qu’ils seraient expulsés puisqu’ils avaient soutenu Trump et cru à ses promesses sur la protection des chrétiens persécutés.

Quelle que soit l’ampleur des expulsions à venir, les promesses de Trump ont déjà suscité l’inquiétude des communautés d’immigrés.

« La plupart de mes amis haïtiens me disent qu’ils ne s’inquiètent pas tant de l’expulsion, car ils bénéficient d’un statut protégé (bien que temporaire) qui les protège », rapporte Jeremy Hudson, pasteur de la Fellowship Church, l’une des plus grandes églises de Springfield, dans l’Ohio, qui compte une importante population haïtienne.

« La préoccupation dont je les ai davantage entendus parler est la façon dont ils seront traités et perçus par les citoyens locaux. »

Trump a affirmé que les immigrés sans papiers « empoisonnent le sang de notre pays » et a promis de sauver « toutes les villes qui ont été envahies et conquises ». Lui et son vice-président, JD Vance, se sont attaqués aux Haïtiens à plusieurs reprises, propageant une rumeur mensongère selon laquelle ils mangeaient les animaux de compagnie des gens à Springfield.

Le pasteur floridien, Jackson Voltaire, raconte que les églises haïtiennes qu’il connaît étaient encore en train de gérer les retombées de ces remarques.

« L’affaire de Springfield va laisser des traces durables », estime-t-il. « Mais les Haïtiens sont un peuple résilient. Ils ont traversé beaucoup de choses. »

En attendant, les pasteurs haïtiens doivent continuer à servir les immigrés qui se trouvent dans leurs églises.

« Nous prions pour que les gens trouvent force et réconfort dans l’amour que nous leur témoignons. » « Ultimement, nous prions pour que le nom de Dieu soit glorifié dans la vie de tous les immigrants, qu’ils viennent d’Haïti ou d’ailleurs. »

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