L’autre jour, en faisant du jogging, j’écoutais un sermon sur le septième commandement, à propos de l’adultère. Dans cette prédication de 40 minutes, le prédicateur utilisait plus de 40 fois la formule « je pense » et l’expression « nous pensons » une demi-douzaine de fois.
Bien sûr, je n’ai pas compté dès le début. Mais alors que le prédicateur approchait de la conclusion, je me suis rendu compte du grand nombre de fois où j’avais entendu cette expression. Je suis donc revenu en arrière, et j’ai réécouté l’ensemble. En tout, j’ai recensé près de 50 occurrences.
Considérez les deux exemples suivants. En parlant d’une approche chrétienne de la sexualité, le prédicateur déclarait : « Je pense que cette vérité est fondée sur les Écritures ». Plus loin dans le sermon, j’entendis : « Je pense que nous devons prendre Jésus au sérieux lorsque nous faisons face à la vision biblique de la sexualité. »
Il m’est clairement apparu que ces « je pense » relevaient ici d’un tic d’expression, comme les euhhh ou les balancements d’un pied à l’autre de certains orateurs. Cependant, bien que ce type de choses puisse distraire les auditeurs, le poids théologique d’interjections comme euhhh ou humm dans une phrase semble à peu près inexistant. Mais ce n’est pas le cas de « je pense ».
Telle vérité est-elle fondée sur les Écritures, ou le prédicateur pense-t-il qu’elle l’est ? Devrions-nous prendre Jésus au sérieux, ou le prédicateur pense-t-il que nous devrions le prendre au sérieux ? La différence est de taille.
Trop de « je pense »
En 1566, le réformateur Heinrich Bullinger affirmait avec force dans la Confession helvétique postérieure : « La Parole prêchée est la Parole de Dieu ». Il ajoute que lorsque la Parole est prêchée, « quand même [le prédicateur] est méchant et pécheur, cela n’empêche pas que la Parole de Dieu ne demeure, et ne soit toujours véritable et bonne. » Une déclaration aussi audacieuse nécessite quelques explications supplémentaires sur ce que son auteur veut et ne veut pas dire.
Bullinger affirme clairement la nature définitive du canon des Écritures en termes traditionnels et orthodoxes, déclarant que Dieu a défendu « d’y rien ajouter, ni d’en rien retrancher ».
Dans une autre section sur la façon dont les chrétiens devraient comprendre les interprétations des pères de l’Église, des conciles et des traditions ecclésiastiques, Bullinger écrit que si ceux-ci peuvent aider les chrétiens, ils ne doivent être acceptés que dans la mesure où ils sont conformes aux Écritures. Puis il ajoute : « lorsque leurs écrits s’éloignent de la Sainte Écriture ou qu’ils lui sont opposés, nous prenons modestement la liberté de les abandonner. »
Ainsi, lorsque Bullinger dit que la prédication de la Parole de Dieu est la Parole de Dieu, il ne faut pas comprendre que tout ce qui est dit en chaire est Parole de Dieu. Il ne milite pas pour une version postapostolique de la prophétie infaillible, un supplément au canon incluant une nouvelle révélation.
Il affirme, cependant, que dans la mesure où un pasteur prêche conformément à la Parole de Dieu, nous disons à bon droit que le pasteur prêche la Parole de Dieu. Ou, comme certains pasteurs l’ont formulé : « lorsque la Parole de Dieu est correctement prêchée, la voix de Dieu se fait vraiment entendre ».
Cette approche tente de tenir compte de passages comme Hébreux 13.7 qui exhorte les chrétiens à se souvenir de leurs conducteurs spirituels comme de ceux « qui vous ont dit la parole de Dieu ». Considérez également cette déclaration de Paul dans 2 Corinthiens 5.20 : « Nous sommes donc ambassadeurs pour le Christ ; c’est Dieu qui encourage par notre entremise ».
Le pluriel nous désignait certainement Paul et ses collaborateurs, mais peut être compris dans un sens plus large. Dans le verset suivant, Paul écrit : « Celui qui n’a pas connu le péché, il l’a fait pour nous péché, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu. » Tout comme Christ devient péché pour tous les chrétiens et offre sa justice à tous les chrétiens, de même tous ceux qui sont justifiés deviennent ambassadeurs de Christ. Ainsi, lorsqu’un chrétien appelle un autre être humain à se laisser réconcilier avec Dieu par le Christ, la situation peut être décrite comme un appel de Dieu lui-même.
Dans cette perspective, les prédicateurs devraient se montrer parcimonieux dans leur utilisation de formules comme « je pense ». Le choix des mots a des conséquences. Imaginez le résultat si Billy Graham avait appuyé certaines de ses déclarations par « Je pense que la Bible dit » au lieu de « La Bible dit ». Quand un prédicateur utilise trop souvent ce genre de formule, la foi de ceux qui écoutent risque de devenir comme une pâte malléable, bonne pour n’importe quel moule. Les prédicateurs ne devraient certainement pas communiquer l’impression d’un Dieu flou et d’une infinie malléabilité lorsqu’ils annoncent la foi transmise une fois pour toutes.
Au contraire, indépendamment de l’élégance de l’orateur, de la taille de l’assemblée ou du nombre de fois où le prédicateur dit euhhh ou oscille d’une jambe à l’autre, la vérité de ce qui est proclamé confère dignité et majesté à toute prédication et suscite simultanément humilité et audace chez les prédicateurs.
Trop peu de « je pense »
Notons toutefois que l’extrémité opposée du spectre pose également des problèmes. Dire « je pense » plus de 40 fois dans un sermon, c’est beaucoup trop. Ne pas dire « je pense » une seule fois en 40 sermons, c’est bien trop peu.
Quand un prédicateur ne dit jamais « je pense », une question légitime sur la datation de l’Apocalypse, par exemple, peut finir par être perçue comme une remise en question de la réalité de la résurrection ou du retour du Christ.
Ce genre de faiblesse se manifestera par une rigidité et une position défensive dans les débats internes avec d’autres chrétiens. Et sans l’humilité nécessaire de la part de ses auditeurs, une déclaration d’un orateur telle que, par exemple, « je pense que le premier chapitre de la Genèse ne doit pas nécessairement être interprété de manière littérale » pourrait être interprétée comme de l’indécision pusillanime ou de l’apostasie.
La place pour ce « je pense » est peut-être à limiter, mais l’importance d’oser le dire de temps en temps n’est pas à négliger non plus. Voyez encore Paul. Il décrit sa propre expérience d’apôtre, lui qui, à un moment donné, a même goûté au « troisième ciel » (2 Co 12.2) — quoi que cela puisse signifier — comme celle de quelqu’un qui ne connaît que « partiellement », pas en totalité, et qui voit « au moyen d’un miroir, d’une manière confuse » (1 Co 13.9, 12). Si Paul voyait indistinctement certaines choses, alors que dire de nous ?
Les pasteurs ne devraient pas avoir peur de témoigner de cette réalité à leurs auditeurs. Un prédicateur devrait pouvoir parfois dire : « Mes frères et sœurs, je pense que ce verset signifie ceci ou cela, mais je n’en suis pas entièrement sûr. » Même l’apôtre Pierre, comme on le fait souvent remarquer, estimait que les lettres de Paul contiennent « des passages difficiles à comprendre » (2 P 3.16).
Les chrétiens croient en la clarté de l’Écriture, c’est-à-dire que l’Écriture est suffisamment claire. Mais « suffisamment clair » n’a jamais signifié que tous les passages des Écritures ont la même clarté. Ce n’est pas porter atteinte à la foi transmise une fois pour toutes si les prédicateurs le reconnaissent devant leur communauté.
La confession de foi de Westminster, sans honte ni dissimulation, déclare même : « Tout dans l’Écriture n’est pas également évident, ni également clair pour tous ».
C’est la raison pour laquelle les prédicateurs ont besoin de la version homilétique de ce que Gavin Ortlund appelle le triage théologique dans son livre Finding the Right Hills to Die On: The Case for Theological Triage (« Choisir sur quelles collines mourir : plaidoyer en faveur du triage théologique »). Nous devons apprendre à faire la différence entre prêcher « Je pense que Jésus t’aime » et « Je pense que les Nephilim de Genèse 6 étaient des anges déchus ».
Cette différence, je pense, est très importante.
Benjamin Vrbicek est pasteur principal de la Community Evangelical Free Church à Harrisburg, en Pennsylvanie, rédacteur en chef de Gospel-Centered Discipleship et auteur de plusieurs livres.
Traduit par Philippe Kaminski
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