Tim Keller : l’espoir d’un monde meilleur commence par la résurrection

Quatre raisons pour lesquelles le christianisme permet une confiance sans égale en une histoire orientée vers un avenir positif.

Christianity Today April 12, 2021
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Europeana / Unsplash / The New York Public Library / Perth & Kinross Council

La culture occidentale a longtemps été marquée par la croyance que chaque génération aurait une vie meilleure – économiquement, technologiquement, socialement, personnellement – que la précédente. Mais cette idée de progrès historique linéaire ne se retrouve pas dans la plupart des autres cultures. Les cultures anciennes – chinoise, babylonienne, hindoue, grecque ou romaine – avaient des points de vue différents. Certaines considéraient l'histoire comme cyclique, d'autres la voyaient comme un lent déclin depuis un âge d'or passé.

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L'idée que l'histoire allait dans le sens d'un progrès et d'une amélioration continue de la condition humaine n'existait tout simplement pas.

Puis le christianisme est arrivé. Comme l'écrit Robert Nisbet dans son livre History of the Idea of Progress, les penseurs chrétiens ont offert « à l'idée de progrès un public nombreux et dévoué en Occident et une puissance considérable qu’elle n'aurait pu acquérir autrement [en l'absence des croyances chrétiennes] ». Les Grecs pensaient que l'accumulation des connaissances humaines pouvait conduire à une amélioration mesurée et temporaire de la condition humaine, mais seulement entre deux crises. Les philosophes chrétiens « ont doté l'idée de progrès de nouveaux attributs qui ne pouvaient que lui conférer une force spirituelle inconnue de leurs prédécesseurs païens ».

Le christianisme offre ainsi des ressources inégalées à l’idée d’espoir culturel. (Nous ne parlons pas pour l'instant de l'espoir individuel, l'espoir d'une vie après la mort. Nous parlons de l'espoir collectif, de l'espoir social, de l'espoir pour l'avenir de la société, de la race humaine, l'espoir que l’histoire est orientée dans une direction positive). En examinant le cours de l'histoire à travers le prisme de la résurrection du Christ, nous pouvons faire quatre grands constats sur la nature de l'espérance chrétienne : elle est, et c’est unique, tout à la fois raisonnable, pleine, réaliste et efficace.

L'espérance chrétienne est raisonnable

Pour commencer, il existe de fortes indications historiques de la réalité de la résurrection du Christ. Cela rend l'espérance chrétienne différente de toutes les autres.

N. T. Wright explique que l’évènement de la résurrection du Christ a pour lui des preuves qui nécessitent des explications de la part des historiens et des scientifiques qui le mettent en doute. On ne peut pas simplement l'écarter. Il écrit ainsi : « Dans la mesure où je comprends la méthode scientifique, lorsque quelque chose apparaît qui ne correspond pas au paradigme avec lequel vous travaillez, une option… est de changer le paradigme ». Nous ne devons pas exclure les preuves simplement parce que notre ancien paradigme ne peut pas en rendre compte, mais nous devons les inclure dans un nouveau paradigme, « un ensemble plus large ». Ne pas parvenir pas à fournir une autre explication historiquement plausible aux récits des témoins oculaires et au changement radical, du jour au lendemain, de la vision du monde de milliers de Juifs, ne nous rend pas plus scientifiques, mais moins.

Diverses formes de progressisme occidental croient que l'histoire évolue vers plus de liberté individuelle, plus d'égalité des classes, plus de prospérité économique ou de paix et de justice acquises grâce à la technologie. Mais ces points de vue ne sont pas des hypothèses que l'on peut tester. Ce sont des espoirs, des croyances qui ne sont pas ancrés dans le domaine empirique. La résurrection du Christ, en revanche, s’appuie sur des preuves convaincantes du domaine empirique. Ainsi, tout en exigeant la foi, elle offre un espoir hautement raisonnable, rationnel, qu'il existe un Dieu qui va renouveler le monde.

L'espérance chrétienne est pleine

Toutes les religions ont offert à leurs fidèles l'espoir d'un avenir au-delà de la mort. Notre culture séculière matérialiste, en contraste radical, est la première de l'histoire à dire à ses adhérents que les individus et l'histoire du monde se termineront dans l'oubli ultime. Au bout du compte, nous allons vers le néant, à la fois en tant que civilisation et en tant qu’individus.

D'autres religions ont une perspective « spiritualiste », en ce sens qu'elles croient que la matière est sans importance et que, en fin de compte, tout ce qui subsistera sera du domaine de l'esprit. La culture séculière, bien sûr, est matérialiste puisqu’elle croit qu'il n'y a ni âme ni réalité surnaturelle, que tout a une cause simplement matérielle, physique.

Le christianisme diffère de ces deux points de vue. Il ne se contente pas d'offrir la perspective d'un avenir entièrement spirituel au paradis. La résurrection de Jésus est, pour citer le grec du Nouveau Testament, arrabon, acompte, et aparche, prémices d'une future résurrection physique lorsque le monde matériel sera renouvelé. Ce sera un monde dans lequel la justice habitera, toute larme sera essuyée, un monde dans lequel la mort et la destruction seront bannies pour toujours, un monde où le loup se couchera avec l'agneau : autant de façons lyriques et poétiques de dire que ce monde sera réparé, régénéré, libéré de son esclavage à l’égard de la corruption et de la mort (Rm 8.18-23).

Tout cela constitue l'espérance la plus pleine qui soit. La résurrection du Christ ne nous promet pas seulement une consolation future pour la vie que nous avons perdue, mais la restauration de la vie perdue, et infiniment plus. Elle promet le monde et la vie que nous avons toujours désirés mais que nous n'avons jamais eus.

L'espérance chrétienne est réaliste

La philosophie de G. W. F. Hegel a longtemps exercé une grande influence sur la pensée occidentale. Hegel enseignait que l'histoire se déroulait selon une « dialectique » dans laquelle, à chaque époque, des forces contradictoires parvenaient à une nouvelle synthèse, plus grande. Ainsi, chaque époque est censée être meilleure que la précédente et l’histoire progresse en une série d'étapes ininterrompues. Comme l’a montré le siècle passé, une telle perspective est tout simplement irréaliste. Le christianisme propose une destinée infiniment plus grande et plus merveilleuse pour l'histoire et la société humaines, et il le fait de manière réaliste.

Lorsque nous considérons la mort et la résurrection de Jésus, nous découvrons un modèle divin très différent. Sa vie n'a pas été une série d'étapes ascendantes. Il s'est dépouillé de sa gloire, il est venu et il est mort, mais cette spirale descendante a débouché sur une ascension vers des sommets plus élevés encore, car à présent il dirige non seulement le monde en général, mais aussi le peuple qu’il a sauvé. Ce n'est que par sa souffrance et sa descente qu'il a pu nous sauver et s'élever.

Il ne s'agit pas de la fusion hégélienne de forces égales et opposées. Jésus n'a pas « synthétisé » la sainteté avec le péché ou la vie avec la mort. Il a vaincu le péché et la mort au moyen de sa mort. La vie et le ministère de Jésus ne sont pas non plus les ruptures de séquence aléatoires décrites par certains postmodernistes. Jésus passe par les ténèbres pour finalement nous amener à une plus grande lumière. L'histoire se dirige vers un destin extraordinaire, mais pas par une série d'époques successives permettant d’aller de progrès en progrès, de force en force. Ce n'est pas ainsi que Dieu agit.

L'idée séculière du progrès est naïve et irréaliste. Il est faux de fonder une société sur l'hypothèse que chaque génération connaîtra plus de prospérité, de paix et de justice que la précédente. Et l'alternative postmoderne nous prive de tout espoir. Le christianisme, en revanche, nous offre une manière réaliste et non cynique de considérer l'histoire.

L'espérance chrétienne est efficace

Enfin, l'espérance chrétienne agit au niveau de la vie quotidienne, au niveau pratique.

Le Nouveau Testament utilise le mot espérance de deux manières. Lorsqu'il s'agit d'espérer dans les êtres humains et en nous-mêmes, l’espérance est toujours relative, incertaine. Si vous prêtez à quelqu'un, vous le faites dans l'espoir que cette personne vous remboursera (Lc 6.34) ; si nous labourons et semons, nous le faisons dans l'espoir qu'il y aura une récolte (1 Co 9.10). Nous choisissons les meilleures méthodes et les pratiques les plus raisonnées pour obtenir le résultat escompté. Nous pensons que nous avons tout pesé avec attention et qu’ainsi nous contrôlons la situation. Mais ce n'est pas le cas, ce n'est jamais le cas. Il s'agit seulement d'un espoir relatif, d'un espoir que cela se passera bien comme nous l’avons prévu.

Lorsque l'objet de l'espérance n'est pas un agent humain, mais Dieu lui-même, alors l'espérance devient confiance, certitude, pleine assurance (Hé 11.1). Avoir placé notre espoir en Dieu, ce n'est pas éprouver un désir incertain et anxieux qu'il va peut-être confirmer notre plan, c’est reconnaître que lui et lui seul est digne de confiance, que tout le reste n’est pas fiable (Ps 42.5, 11 ; 62.10), que son plan est infiniment sage et bon. Croire en la résurrection de Jésus c’est confirmer qu'il existe un Dieu qui est à la fois bon et puissant, qui fait sortir la lumière des ténèbres et qui élabore patiemment un plan pour sa gloire, notre bien et le bien du monde (Ep 1.9-12 ; Rm 8.28). L'espérance chrétienne signifie que je cesse de parier ma vie et mon bonheur sur les accomplissements de l’être humain mais que je me repose sur Lui.

Une personne à qui on annonce un diagnostic de cancer mettra à juste titre un espoir relatif dans les médecins et le traitement médical envisagé. Mais sa principale source d’espérance doit être placée en Dieu. Nous pouvons avoir la certitude que son plan et sa volonté pour nous sont toujours bons et parfaits et que notre destin inévitable est la résurrection. Si le principal espoir d'un patient atteint d'un cancer réside dans la médecine, alors un diagnostic défavorable sera tout simplement dévastateur. Mais si son espoir est dans le Seigneur, il sera comme une montagne qui ne peut être ni ébranlée ni déplacée (Ps 125.1). Le prophète Ésaïe (40.31) nous dit que ceux qui « espèrent en l'Éternel » ne se lassent pas, submergés par l’anxiété, mais « renouvellent sans cesse leurs forces » et même « s'élèvent ». L'espoir placé en Dieu conduit à « courir sans se lasser » et à « marcher sans se fatiguer ».

Jésus nous a apporté cela par sa mort et sa résurrection. Lorsque cette assurance demeure en nous, nos circonstances immédiates – la manière dont une situation évolue – ne peuvent plus nous troubler. L'espoir se trouve dans notre regard tourné vers Lui.

Timothy Keller est le pasteur fondateur de la Redeemer Presbyterian Church à New York. Cet article est adapté de HOPE IN TIMES OF FEAR, de Timothy Keller, publié par Viking, une marque du Penguin Publishing Group, une division de Penguin Random House LLC. L'édition française est publiée par les Editions Clé. Copyright © 2021 par Timothy Keller.

Traduit par Denis Schultz

Révisé par Léo Lehmann

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