Un mot des éditeurs concernant l’enquête sur Ravi Zacharias

Pourquoi nous publions de mauvaises nouvelles touchant des personnalités chrétiennes, même après leur décès.

Christianity Today March 4, 2021
Michal_edo / Getty Images

Christianity Today est motivé par un profond amour pour l'Église. Parfois, cet amour fait mal, particulièrement lorsqu'il nous conduit à rapporter des preuves d'abus commis par des responsables d’un ministère. Ces accusations sont difficiles à publier et elles peuvent être difficiles à lire. Au fil des ans, certains lecteurs se sont demandé pourquoi nous publions des reportages sur les méfaits perpétrés par des responsables chrétiens qui par ailleurs paraissent faire du bien dans le monde. D'autres lecteurs, sans être contre le journalisme d'investigation en général, croient qu'il devrait plutôt se pencher sur ce qui se passe à l'extérieur de notre communauté chrétienne. Or, nous croyons que notre engagement à chercher la vérité dépasse notre engagement envers notre propre groupe d’appartenance, et qu'en publiant la vérité, nous rendons service à notre communauté.

L'amour nous pousse à aimer ceux et celles qui ont été blessés par ces responsables, pas uniquement les victimes directes mais aussi d’innombrables autres qui, voyant les répercussions du péché et des abus commis par ces figures d'autorité, se demandent si les chrétiens s’en soucient vraiment. Un amour profond pour l'Église nous pousse également à aimer les pécheurs qui en font partie, même ceux qui se trouvent en position de responsabilité et qui font fausse route. Ils ont souvent besoin d'être dénoncés pour parvenir à la repentance.

Notre amour nous conduit à examiner toute allégation – ou à poursuivre notre enquête – même après le décès du responsable concerné. Les ravages du péché se poursuivent bien après la mort d’un responsable dans le ministère. Devrions-nous demander aux victimes de porter seules le poids du traumatisme vécu et de la honte ressentie ? Non. Ni les bonnes œuvres d’un homme, ni le fait qu’il soit décédé, ne devraient servir d’excuse pour empêcher les victimes de s’exprimer. Et les gens qui ont commis une faute ont besoin de la grâce qui vient avec la lumière. La mort écarte la possibilité d'un repentir pour le pécheur, mais pas celle de la restauration et de la libération pour la victime.

L’Église entière a besoin de cette lumière, si douloureuse soit-elle. Christianity Today ne cherche pas à créer une liste de pécheurs notoires. Là n’est pas le but de notre long et coûteux travail d’enquête sur ces accusations. Notre but est la correction, non seulement pour les personnalités sur lesquelles nous enquêtons, mais pour nous tous.

La Bible aborde de façon très ouverte les défauts et les défaillances de ses héros même les plus célèbres. Le héros ultime des récits bibliques, le héros ultime de nos histoires personnelles, n’est pas l’être humain tout pécheur qu’il est mais le Dieu qui opère à travers des pécheurs pour les racheter et accomplir ses desseins. Quand l’Écriture fait état de graves offenses commises par ses héros, elle s’avère « utile pour enseigner, réfuter, redresser et apprendre à mener une vie conforme à ce qui est juste » (2 Tm 3.16) Nous ne coupons pas ces segments au montage. De la même manière, nous voyons mal comment nous pourrions écarter ou minimiser des accusations visant des chrétiens en position d’autorité. Nous cherchons à enquêter sur ces histoires de façon honnête pour en rapporter les faits de la façon la plus juste. Nous croyons en la présomption d’innocence mais nous n’offrons pas de traitement de faveur aux personnalités influentes. Nous espérons que nos lecteurs se gardent également de telles erreurs.

Nous publions en partie ces histoires dans le but que l’Église en tire des leçons. Elles nous rappellent notre propre vulnérabilité. Elles nous rappellent aussi à quel point nous avons besoin de transparence et de redevabilité, à quel point, finalement, tous ont besoin de la grâce de Jésus-Christ et de l’œuvre transformatrice du Saint-Esprit. Cependant, nous sommes aussi conscients que les personnes impliquées dans ces affaires ne sont pas de simples illustrations de prédication. Ceux qui ont été exploités ne sont pas responsables de nous aider. C’est à nous de les aider, c’est-à-dire rétablir les faits, mettre au jour les injustices et les hypocrisies, prêter une voix aux blessés, pleurer à leurs côtés, en rassurer d’autres traversant des situations similaires et leur montrer qu’ils ne sont pas seuls. Le jugement n’appartient qu’à Dieu. Mais la responsabilité d’éclairer les ténèbres nous revient à tous, même si nous en sommes affligés.

Traduit par Simon Fournier

Révisé par Léo Lehmann

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Ravi Zacharias dissimulait des centaines de photos de femmes, des abus lors de massages et une allégation de viol

Le ministère qu’il avait fondé s’apprête à une restructuration en profondeur et regrette la « confiance démesurée » accordée à un dirigeant qui s’est servi de l’estime dont il jouissait pour dissimuler son inconduite sexuelle.

Christianity Today March 4, 2021
Illustration by Mallory Rentsch / Source Image: Courtesy of RZIM

(NDT : les versions originales des différentes déclarations traduites dans cet article peuvent être retrouvées dans l'article original en anglais. La traduction en français de la lettre ouverte du conseil d’administration de RZIM peut être consultée ici.)

Une enquête de quatre mois a révélé que feu Ravi Zacharias a profité de sa réputation en tant qu’apologète chrétien de renommée mondiale pour abuser de massothérapeutes aux États-Unis et à l'étranger pendant plus d'une décennie, tandis que le ministère dirigé par les membres de sa famille et ses fidèles alliés a manqué à lui permettre de rendre compte de ses agissements.

Il utilisait son besoin de massage et ses fréquents voyages à l'étranger pour dissimuler son comportement abusif, attirant les victimes en instaurant la confiance par des discussions spirituelles et en offrant des fonds provenant directement de son ministère.

Un rapport de 12 pages rendu public par Ravi Zacharias International Ministries (RZIM) confirme les abus commis par Zacharias dans les spas qu'il possédait à Atlanta et révèle cinq autres victimes aux États-Unis, ainsi que des indices clairs d'abus sexuels en Thaïlande, en Inde et en Malaisie.

Même un examen limité des anciens équipements de Zacharias a révélé les contacts de plus de 200 massothérapeutes aux États-Unis et en Asie, ainsi que des centaines d'images de jeunes femmes, dont certaines les montraient nues. Zacharias a sollicité et reçu des photos jusqu'à quelques mois avant sa mort en mai 2020, à l'âge de 74 ans.

Selon les enquêteurs, Zacharias a utilisé des dizaines de milliers de dollars d'un fonds de son ministère alloué à des soutiens humanitaires pour rémunérer quatre massothérapeutes, leur fournissant un logement, une formation et un soutien mensuel pendant de longues périodes. Une femme a déclaré aux enquêteurs qu'« après s'être arrangé pour que le ministère lui fournisse un soutien financier, il a demandé à avoir des relations sexuelles avec elle ». Elle parle de viol.

Toujours selon le rapport, cette femme a déclaré que Zacharias « l'a fait prier avec lui pour remercier Dieu pour l'opportunité qu'ils avaient tous deux reçue » et, comme pour d'autres victimes, « l'appelait sa “récompense” pour avoir vécu une vie au service de Dieu ». Zacharias avait averti la femme, croyante elle aussi, que si elle le dénonçait elle serait responsable de la perte de millions d'âmes lorsque sa réputation serait entachée.

Les conclusions, de pair avec les détails révélés au cours des mois d’investigations internes au sein de RZIM, remettent en question l'image que beaucoup s’étaient faite de Zacharias.

Au moment de son décès, il était acclamé pour son témoignage fidèle, son engagement envers la vérité et son intégrité personnelle. Aujourd'hui, il est clair qu'en coulisses l'homme si longtemps admiré par des chrétiens du monde entier a abusé de nombreuses femmes et manipulé son entourage pour qu'il détourne le regard.

Les avocats de Miller & Martin, Lynsey Barron et William Eiselstein, engagés par RZIM pour mener l'enquête, ont interrogé 50 témoins et examiné les téléphones utilisés par Zacharias de 2014 à 2018. Au final, ces juristes déclarent, et ce même si l’enquête n’a pas pu avoir un caractère exhaustif : « nous sommes convaincus d'avoir découvert suffisamment de preuves pour conclure que M. Zacharias s'est livré à de l'inconduite sexuelle ».

Le conseil d'administration de RZIM a publié parallèlement au rapport d'enquête une lettre ouverte exprimant ses regrets et reconnaissant une part de responsabilité :

« Ravi a mis en place de vastes mesures afin de garder secret son comportement vis-à-vis de sa famille, de ses collègues et de ses amis. Cependant, nous reconnaissons également que dans des situations d’abus prolongés, il existe souvent des problèmes structurels, culturels et liés aux politiques internes. […] Nos employés, nos donateurs ainsi que le public nous avaient fait confiance pour veiller sur la redevabilité de Ravi Zacharias, et nous avons échoué dans cette tâche. »

RZIM a engagé Miller & Martin après un reportage de CT en septembre 2020 concernant des accusations d'abus par trois femmes qui travaillaient dans les spas de Zacharias. Au départ, la direction du ministère a déclaré ne pas croire ces femmes. Aujourd'hui, les choses ont changé.

« Nous croyons non seulement les femmes qui ont rendu leurs accusations publiques, mais aussi toutes celles qui étaient restées dans l’ombre et dont les identités ont été révélées au cours de l’enquête » peut-on lire dans la lettre ouverte.

En l'espace de huit mois, RZIM est passé de la nécessité de réinventer le travail de son ministère international après la mort de son célèbre fondateur éponyme à celle de se restructurer entièrement, les chrétiens à l'intérieur et à l'extérieur de l'organisation ayant perdu confiance en son dirigeant de longue date.

De nombreux intervenants et membres du personnel de RZIM ont quitté l'organisation au cours de l'enquête, inquiets de la réaction initiale des principaux responsables face à ces accusations. La branche canadienne de RZIM a suspendu ses efforts de levée de fonds et de collecte de dons jusqu'en avril. Le lendemain de la publication du rapport, le conseil d'administration britannique de Zacharias Trust a voté à l'unanimité pour se séparer de RZIM et choisir un nouveau nom.

Avant même la publication du rapport, la direction de RZIM avait changé de cap en réduisant l'implication de la famille Zacharias. Margie Zacharias, la veuve de Ravi, a démissionné du conseil d'administration et de l'organisation en janvier, tandis que sa fille Sarah Davis a quitté la présidence du conseil d'administration mais reste PDG.

Selon des membres du personnel de RZIM, le ministère – la plus grande organisation d'apologétique au monde – prévoit de réduire considérablement ses effectifs pour n'inclure plus qu’une dizaine d'apologètes américains et quelques orateurs internationaux, soutenus par un personnel réduit.

L’enquête limitée par un accord de confidentialité

En plus de confirmer les précédents témoignages d'abus dans les spas de Zacharias, le nouveau rapport corrobore les accusations de Lori Anne Thompson, une Canadienne qui avait affirmé quatre ans auparavant que Zacharias l'avait manipulée pour lui envoyer des messages et des photos sexuellement explicites. Cette affaire avait été le premier scandale sexuel lié à Zacharias à être rendu public, et elle a encouragé d'autres victimes à se manifester.

Zacharias avait poursuivi Thompson en justice en 2017, affirmant que la lettre de son avocat au conseil d'administration de RZIM alléguant des abus sexuels était en réalité une tentative élaborée d'extorsion. Le conseil d'administration déclare dans sa lettre ouverte : « Nous croyons que Lori Anne Thompson a dit la vérité au sujet de la nature de sa relation avec Ravi Zacharias ».

Les enquêteurs ont interrogé d'autres témoins qui ont « rapporté un comportement similaire » à ce qu’avait déclaré Mme Thompson et ont découvert un schéma d’échanges de messages avec d'autres femmes avant et après elle ayant duré six ans.

Pourtant, Lori Anne Thompson et son mari Brad n'ont pas pu contribuer eux-mêmes à la récente enquête. La succession du défunt apologète a refusé les demandes des enquêteurs de lever un accord de confidentialité pour permettre aux Thompsons de parler de ce qui s'est passé. Leur avocat, Basyle Tchividjian, a déclaré aux enquêteurs qu'avec tout ce qui a été mis au jour, le fait que les Thompsons soient toujours liés par un tel accord est « répréhensible ».

Davis a écrit dans un courriel adressé à l'ensemble du ministère que RZIM « a demandé une modification de l’accord de confidentialité pour les besoins de l’enquête », mais que l'organisation n'a aucune autorité sur la succession, qui est contrôlée par sa mère, Margie Zacharias. La succession a également refusé que les avocats personnels de Zacharias remettent toute preuve recueillie à partir des outils qu’il utilisait à l'époque, ce qui laisse un vide dans le dossier examiné par Miller & Martin.

Selon le rapport d'enquête, cependant, Zacharias a continué à solliciter des images sexuelles de femmes alors qu'il concluait un accord avec les Thompsons, se défendait publiquement et assurait à la direction et au personnel de RZIM qu'il n'avait rien fait de mal et qu'il n'était pas nécessaire d'enquêter.

« Alors qu'il déclarait à son personnel que sa véritable erreur dans l'affaire Thompson était de ne pas avoir averti quelqu'un qu'il recevait des photos d'une autre femme, nous n'avons aucune indication qu'il se soit jamais adressé à la direction de RZIM ou à son conseil d'administration dans les plus de 200 occasions où il a reçu des photos de femmes pendant et après l'affaire Thompson », indique le rapport.

En réalité, selon les enquêteurs, un jour après que Zacharias ait déclaré publiquement en 2017 qu'il avait appris une « leçon difficile et douloureuse » dans ce qui s’était passé avec Lori Anne Thompson, il recevait de nouvelles photographies d'une autre femme. Cette femme lui a également envoyé des photos dénudées.

Une chose a cependant changé. Après l'affaire Thompson, les enquêteurs ont remarqué que Zacharias avait plus efficacement effacé ses messages d'une manière qui ne pouvait être ni repérée ni découverte.

Dans sa déclaration publiée conjointement au rapport, le conseil d'administration de RZIM a reconnu cet échec et a présenté ses excuses à Lori Anne Thompson :

« Nous avions tort. […] C’est avec une profonde douleur que nous reconnaissons cela. En effet, nous n’avions pas cru les Thompson et, en privé comme en public, nous avons contribué à perpétuer de faux récits ; pendant des années, ils ont été diffamés et leur souffrance n’en a été que plus grandement prolongée et intensifiée. Nous avons sincèrement le cœur brisé, et nous avons honte. »

« Il a pu cacher sa mauvaise conduite à la vue de tous »

Une grande partie des abus découverts par les enquêteurs ont eu lieu dans le cadre de massages, dont Zacharias dépendait pour traiter une affection chronique du dos. Il voyageait régulièrement avec une masseuse personnelle et avait critiqué un collègue de RZIM qui s’interrogeait sur « l'apparence d'inconvenance » de cette situation.

Bien que le rapport n'ait pas interrogé de sources en-dehors des États-Unis, les enquêteurs ont découvert des preuves que Zacharias rencontrait régulièrement des massothérapeutes lorsqu'il voyageait.

« Il organisait souvent des massages dans sa chambre d'hôtel alors qu'il était probablement seul », indique le rapport. « Selon ses SMS, il rencontrait parfois les thérapeutes dans le hall de l'hôtel et parfois il leur demandait de venir directement dans sa chambre ».

À Bangkok, il possédait deux appartements au début des années 2010, partageant un immeuble avec l'une de ses massothérapeutes selon les constats des enquêteurs. L'application de notes sur son téléphone comprenait des traductions en thaï et en mandarin de phrases comme « j'aimerais avoir un beau souvenir avec toi », « un peu plus loin » et « tes lèvres sont particulièrement belles ».

Les massothérapeutes et les femmes figurant dans les albums des téléphones de Zacharias étaient des dizaines d'années plus jeunes que lui, beaucoup d'entre elles dans la vingtaine.

L'enquête n'a trouvé aucune preuve que la direction ou le personnel de RZIM aient été au courant de l'inconduite sexuelle de Zacharias. Elle montre également que le ministère n'a pas ou peu demandé de comptes à son fondateur éponyme.

« Parce que son besoin de massages thérapeutiques était bien connu et accepté, il a pu cacher sa mauvaise conduite à la vue de tous », dit le rapport.

Zacharias affirmait l'importance de « garde-fous concrets » pour « protéger [son] intégrité », mais le rapport Miller & Martin note que « en tant qu'architecte de ces “garde-fous concrets”, M. Zacharias savait bien comment y échapper ».

L'enquête a confirmé que Zacharias mentait sur le fait de ne jamais être seul avec une femme autre que sa femme ou ses filles. Il conservait également en permanence plusieurs téléphones, les gardait sur un réseau sans fil différent de celui de RZIM, et n'utilisait jamais le réseau sans fil du bureau. Zacharias affirmait que c'était pour des raisons de sécurité, mais cela garantissait que ses communications ne puissent pas être surveillées.

La déclaration du conseil d'administration de RZIM reconnaît n’avoir « pas été à la hauteur » et regrette « que notre confiance démesurée en Ravi ait permis qu’il bénéficie de moins de supervision et de redevabilité que ce que la sagesse et l’amour auraient exigé ».

Chaque élément du rapport contraste avec le témoignage public d'un dirigeant – et d'une organisation – connus pour prêcher l'intégrité et la vérité.

« Ceux d'entre vous qui m'ont vu en public n'ont aucune idée de ce que je suis en privé », déclarait Zacharias à ses sympathisants lors d'une conférence donnée environ un an avant sa mort, dont l'enregistrement a été partagé avec CT. « Dieu le sait. Dieu le sait. Et je vous encourage aujourd'hui à prendre cet engagement et à dire : “Je vais être en privé l'homme qui recevra l'approbation divine : Bravo, bon et fidèle serviteur” ».

Beaucoup de ceux qui considéraient Zacharias comme un mentor, un modèle et un père spirituel tentent aujourd'hui de faire face à ces nouvelles informations, à leur sentiment d'avoir été trahis et à leurs questionnements sur leur propre responsabilité.

« Je me sens déçu par moi-même et par d'autres qui auraient pu résister plus fermement aux courants d'une loyauté trop servile pour exiger de meilleures réponses plus tôt, car rien dans le credo évangélique n'honore la lâcheté ou ne sacrifie la conscience », écrivait Dan Paterson, ancien directeur de RZIM en Australie, sur Facebook le 10 février.

« Je ressens une profonde crainte du Seigneur, sachant qu'un jour je rendrai moi aussi compte lorsque, comme dans le rapport sur Ravi Zacharias, tout ce qui se fait sous le voile de l'obscurité sera révélé. Jésus vient rétablir la justice à travers le jugement. Oh, comme j'aurais aimé que Ravi se repente ici ! »

Changements à venir pour RZIM

Le conseil d'administration (dont les membres ne sont pas connus du public) et la direction ont planifié un bilan depuis que le rapport intermédiaire des enquêteurs en décembre a préparé RZIM à envisager le pire.

En septembre 2020, la position officielle de l'organisation était que les accusations ne pouvaient pas être vraies mais qu'elle mènerait une enquête pour blanchir le nom de Zacharias. Au départ, RZIM a engagé le cabinet de l'un des avocats qui avaient poursuivi les Thompsons. Plusieurs personnes au sein du ministère ont déclaré que le vice-président Abdu Murray avait suggéré d'engager un ex-policier « dur » pour retrouver les accusateurs et dénicher des informations que l’organisation pourrait utiliser pour les discréditer.

RZIM a changé de cap et a engagé Miller & Martin début octobre, après que plusieurs orateurs aient déclaré avoir trouvé les accusations crédibles et demandé au ministère de mener une enquête sérieuse et digne de confiance.

« Je crois que chacun d'entre nous porte une part de responsabilité pour ce a quoi nous avons tous été aveugles, ce que nous avons permis sans le vouloir, ce contre quoi nous n'avons pas élevé la voix, et ce que nous avons laissé continuer et perdurer », a déclaré Sam Allberry, l'un des orateurs, à ses collègues britanniques.

Comme CT le rapportait précédemment, des luttes au sujet de la complicité et de la responsabilité des uns et des autres ont agité le ministère pendant des mois alors que l'enquête se poursuivait. Au début de la nouvelle année, RZIM se préparait à une scission.

Davis a informé le personnel que certaines agences dans le monde pourraient décider de se séparer de RZIM et devenir des organisations nationales indépendantes. Actuellement, chaque antenne possède ses propres statuts ou une charte nationale en tant qu'organisation caritative et est associée au ministère américain par le biais d'un « accord d’affiliation ». Cela a permis à RZIM de fonctionner comme un ministère international unique.

« Nous avons été capables de fonctionner en pratique comme une seule organisation pendant plus de 35 ans. Cependant, dans une période de crise comme celle que nous traversons, certains de nos conseils d'administration ont dû exercer leur pouvoir de décision indépendamment du siège et du conseil d'administration international afin de prendre ce qu'ils estiment être les meilleures décisions pour leur entité », a écrit Davis.

Certains des principaux apologètes au sein de RZIM pensent que la séparation au niveau national est le seul moyen de préserver les parties de l'organisation qui font du bon travail.

John Lennox, un mathématicien et apologète d'Irlande du Nord qui a notamment débattu avec Richard Dawkins, Christopher Hitchens et d'autres « nouveaux athées », a exhorté la branche britannique de RZIM à la séparation. Lennox s'est retiré de toute association avec RZIM le jour qui a suivi le compte-rendu fait par CT des accusations concernant le spa, mais a déclaré aux apologètes britanniques qu'il serait heureux de travailler avec eux s'ils venaient à former une organisation indépendante.

« Les accusations actuelles sont d'une nature si grave que je ne peux être impliqué dans aucune activité en cours au nom de RZIM », écrivait Lennox dans une déclaration aux conseils d'administration britannique et américain. « Selon moi, un changement de nom de l'organisation et une restructuration en profondeur de l'organisation et du conseil d'administration doivent être accomplis et ce très rapidement, si l’on espère préserver dans une quelconque perspective collective le potentiel de la merveilleuse jeune équipe d'apologètes ».

Selon de multiples sources au sein du ministère, d'autres conseils nationaux sont également en train de se distancier du siège américain. Le conseil canadien a affirmé dans une déclaration qu’« il est clair que ce ministère ne peut pas être construit sur les structures passées » mais « doit être construit sur de nouvelles approches et relations ».

Le ministère canadien d'apologétique a également licencié quatre membres de l'équipe, dont Daniel Gilman, un orateur qui avait décidé de croire les femmes qui accusaient Zacharias d'abus sexuels et avait ouvertement appelé la direction de RZIM à reconnaître sa complicité. Gilman a déclaré à CT qu'il s’inquiétait beaucoup que ce ministère qu'il aime choisisse de travailler à refaire son image mais ne se repente pas.

L'indemnité de licenciement de Gilman comprenait un accord de confidentialité, qui lui aurait interdit « toute action dont on pourrait raisonnablement s'attendre à ce qu'elle nuise à la réputation » ou « donne une image négative » de RZIM. Gilman a protesté et l'accord de confidentialité a été remplacé par un accord visant à garder confidentielles les informations relatives aux donateurs.

De nombreux autres licenciements sont attendus prochainement. Des employés de RZIM ont déclaré à CT qu'ils s'attendent à ce que le ministère international, qui a compté jusqu’à 100 orateurs et 250 membres du personnel aux États-Unis, soit réduit à une fraction de cela. Davis a indiqué au personnel que des licenciements seront annoncés dans les semaines qui suivront la publication du rapport Miller & Martin.

« C'est une décision très difficile, nécessaire uniquement en raison de la situation dans laquelle nous nous trouvons », a-t-elle écrit. « Nous en sommes profondément désolés. »

Après les réductions de personnel et les scissions nationales, l'équipe qui restera sera probablement celle des intervenants qui étaient les plus proches de Zacharias et ont des relations bien établies avec les principaux donateurs. Des personnes au sein de RZIM s'attendent à ce que le noyau comprenne les orateurs Michael Ramsden, Abdu Murray, et Vince Vitale, sous la direction de Davis.

Davis a démissionné de la présidence du conseil d'administration, laissant les rênes à Chris Blattner, un cadre retraité d'une société d'énergie et donateur important originaire du Minnesota. Pendant la crise, cependant, Davis a pris en charge une part plus importante dans la gestion quotidienne de RZIM, mettant personnellement son nom sur toutes les communications internes et externes.

Le conseil d'administration de RZIM a déclaré jeudi que « À la lumière des faits révélés par l’enquête et l’évaluation en cours, nous recherchons la volonté du Seigneur en ce qui concerne l’avenir de RZIM […] Dans la prière et le jeûne, nous allons prendre le temps de discerner comment Dieu nous conduit, et nous en parlerons dans un futur proche ».

RZIM a annoncé qu'il fait appel à Rachael Denhollander, défenseur des victimes, pour former le conseil d'administration et les dirigeants à la question des abus sexuels et les conseiller sur les meilleures pratiques à adopter à l'avenir. Le ministère a également engagé une société de conseil en gestion pour évaluer « ses structures, sa culture, ses politiques internes, ses processus, ses finances et ses pratiques » et proposer des réformes.

Une prière exaucée

Le secret des abus de Zacharias a commencé à se dissiper le jour de ses funérailles, en mai 2020. L'une des massothérapeutes victime d'attouchements, devant laquelle il s'était aussi masturbé et à qui il avait demandé des images sexuellement explicites, était sous le choc de voir l'apologète honoré et célébré lors de la retransmission en direct. Des célébrités, dont le vice-président Mike Pence et la star chrétienne du football Tim Tebow, évoquaient Zacharias en termes très élogieux.

Personne ne s’est-il manifesté ? a-t-elle pensé. Personne ?

Elle était inquiète pour les autres femmes qui pourraient être là, à souffrir. Elle a prié pour que quelque chose se passe.

Elle a introduit sur Google les mots « Ravi Zacharias scandale sexuel » et est tombée sur le blog RaviWatch, dirigé par Steve Baughman, un athée qui recensait et rapportait les « affirmations douteuses » de Zacharias depuis 2015. Baughman avait abordé les fausses déclarations de Zacharias concernant ses diplômes, les accusations concernant des sextos et les poursuites judiciaires qui avaient suivi. Lorsque la femme a lu ce qui était arrivé à Lori Anne Thompson, elle a reconnu dans son récit ce qu’elle avait elle-même vécu.

À sa connaissance, ce blogueur athée était le seul à se soucier du fait que Zacharias avait abusé sexuellement des personnes et s'en était tiré à bon compte. Elle a contacté Baughman, puis a finalement parlé à CT des spas de Zacharias, des femmes qui y travaillaient et des abus qui se produisaient derrière ces portes closes.

Elle a affirmé à CT qu'elle n'attendait rien de RZIM. Pas une reconnaissance. Certainement pas des excuses. Elle pensait qu'un ministère pesant plusieurs millions de dollars, construit au nom d'un homme et sur sa réputation, n'admettrait jamais la vérité de ses secrets.

Si elle s'est exprimée, c'est uniquement parce qu'elle voulait que d'autres femmes – des femmes blessées par Zacharias, et des femmes victimes d'autres chrétiens célèbres et admirés – connaissent la vérité. Elle voulait qu'elles sachent qu'elles n'étaient pas seules.

La semaine du 9 février, elle croit que Dieu a répondu à sa prière.

« Je pense que cela s'est passé au moment parfait de Dieu », a-t-elle déclaré. « C'est en son temps ; c'est à sa manière. C’est le Seigneur qui a fait cela, et ce qui restera, c'est ce que Dieu aura voulu qu’il reste ».

Traduit par Léo Lehmann

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Les prophéties non réalisées concernant Trump nous invitent à l’humilité

Au lieu de persécuter des prophètes qui se sont repentis, nous ferions mieux de nous joindre à eux.

Christianity Today March 4, 2021
Matthew Hatcher / Getty Images

Les prophéties non réalisées concernant la réélection de Donald Trump ont peut-être entamé la crédibilité de l’aile charismatique indépendante américaine de l’évangélisme plus que tout autre événement depuis les scandales des télévangélistes des années 1980. Elles ont notamment conduit certains non-croyants à critiquer le christianisme lui-même, ce qui ne peut, à juste titre, que nous appeler à une vraie introspection.

Ne vous méprenez pas : je suis moi-même de conviction charismatique, et la majorité des pasteurs pentecôtistes et charismatiques que je connais n'ont pas prêté attention à de telles prophéties. Cependant, les millions de vues et de partages en ligne montrent que de nombreuses personnes, elles, y ont prêté attention.

La première étape dans le processus de correction des erreurs consiste à admettre que nous les avons faites. À l’approche de l’investiture du président Joe Biden, certains de ceux qui avaient prophétisé la réélection de Trump sont restés catégoriques sur le fait qu’ils avaient raison. Peut-être l’élection avait-elle été volée ou serait annulée, ou que dans on ne sait quelle sphère mystique Trump était bel et bien spirituellement président. D'autres ont simplement changé de sujet. Malheureusement, leurs adeptes inconditionnels peuvent se contenter de cela.

D’autres encore reconnaissent que les prophéties doivent être vérifiées et, en affirmant la victoire de Biden, admettent désormais tacitement qu’ils ont eu tort. Cependant, certains prophètes ont attiré l’attention des charismatiques et des non-charismatiques en confessant publiquement que leurs prophéties étaient en effet erronées et en présentant leurs excuses.

R. Loren Sandford, Jeremiah Johnson et Kris Vallotton ont récemment exprimé leur contrition et même leur repentir pour avoir prophétisé à tort que Trump gagnerait à nouveau en 2020. Tous les trois exhortent à prier pour la nouvelle administration et à travailler respectueusement avec elle.

Leurs explications sur la façon dont ils pourraient avoir initialement mal interprété la voix de Dieu peuvent nous aider à nous prémunir contre des erreurs similaires à l’avenir. En attendant, ceux d’entre nous qui pourraient être tentés de dire « Je vous l’avais bien dit » doivent se souvenir que Dieu exige de chacun de nous la même humilité (Ga 6.1 ; 1 Th 5.19–20).

Leurs confessions, avec les exemples des prophètes tout au long des Écritures, offrent des mises en garde utiles sur l’influence de la pression des pairs, de l’orgueil et de la présomption – et sur la nécessité pour les chrétiens de rester prudents face aux prédictions et ouverts à la correction lorsque leurs interprétations s’avèrent être fausses.

Prophètes et pression des pairs

Sandford, titulaire d’un Master of Divinity de Fuller, est la seule des voix prophétiques se faisant entendre aujourd’hui que je connaissais déjà depuis plusieurs années. Il a un très bon bilan. Je peux témoigner qu'au début du premier mandat du président Trump, il avait prédit qu’une crise économique causée par des circonstances extérieures aux États-Unis secouerait la quatrième année de Trump et que les événements ultérieurs dépendraient en partie de la capacité de Trump à apprendre à contrôler sa rhétorique clivante.

Pourtant, Sandford s’est finalement joint au chœur prophétique annonçant la réélection du président. Il avoue maintenant qu’il a laissé le consensus des autres prophètes influencer son propre cœur.

« Jusqu’à présent, j’ai toujours cherché le Seigneur par moi-même, reçu la parole qui venait de lui et ensuite, seulement ensuite, je la comparais à ce que les autres disaient », a-t-il écrit dans des excuses publiques début janvier. « Premièrement, je reconnais donc que je me suis écarté de cette discipline. Je me suis laissé prendre dans un courant dominant et me suis laisser emporter par lui. En agissant ainsi, j’ai en réalité fait un compromis par rapport à ce que le Seigneur m’avait déjà dit des années plus tôt. »

La pression des pairs peut être considérable ; un messager exhortait déjà ainsi Michée : « Les prophètes sont unanimes pour prédire du bien au roi. Tu ferais bien de parler comme eux et de lui prédire aussi le succès ! » (1 R 22.13). Michée a été le seul à proclamer la vérité et a été emprisonné pour cela. (Dans notre contexte moderne, il perdrait simplement sa part de marché dans l’attention des médias sociaux.) Jérémie était dans la confusion parce que son message contredisait celui de tous les autres prophètes (Jr 14.13).

L’évaluation par les pairs a sa place : dans l’Église de Corinthe, où peu de convertis étaient croyants depuis plus de deux ans, ceux qui prophétisaient devaient évaluer les paroles les uns des autres (1 Co 14.29) ; l’Esprit rend possible cette évaluation (1 Co 2.13–16). Malheureusement, il est possible de trop dépendre du filet de sécurité que constitue cette évaluation par les pairs : « Aussi, déclare l’Éternel, je vais m’en prendre à ces prophètes qui, mutuellement, se volent mes paroles. » (Jr 23.30).

Prophètes et orgueil

Tous les croyants entendent Dieu leur parler : au minimum, son Esprit témoigne à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu (Rm 8.16). Certains sont doués pour entendre Dieu de manière plus claire que d’autres ; Dieu a accordé une mesure de foi correspondant aux différents dons, et ainsi certains prophétisent plus complètement, après avoir écouté Dieu pour ensuite parler de sa part (Rm 12.3, 6).

Malheureusement, si nous devenons trop confiants dans notre don, nous pouvons aller au-delà de la mesure qui nous a été accordée. (C’est une tentation à laquelle nous, qui avons le don d’enseigner, pouvons aussi succomber ; assurément, ceux qui ont le « don » de commenter en ligne y succombent souvent aussi.) L’orgueil peut nous induire en erreur : nous, les humains, avons la tentation de nous attribuer le mérite de l’œuvre ou du don de Dieu, en faisant notamment parler de nous à ce propos. Un don ­– qu’il s’agisse d’une prophétie, d’un enseignement, de la capacité de soutenir financièrement ou autre – ne nous rend pas meilleurs que quiconque ; par définition, c’est quelque chose que nous recevons, et qui n'est en aucune façon liée à notre mérite (1 Co 4.7).

Tous ceux qui entendent Dieu leur parler ne le vivent pas au même niveau : les visions et les rêves sont souvent comme des énigmes qui nécessitent une interprétation, à la différence de ce qui se passe lorsque Dieu parle en personne comme il l’a fait avec Moïse (Nb 12.6-8). La plupart d’entre nous n’expérimenterons cette connaissance en face à face que lorsque nous verrons Jésus à son retour (1 Co 13.8–12). Qu’il s’agisse d’impressions ou de prophéties assez fluides, elles sont toujours véhiculées par de frêles vaisseaux. Le fait que le Seigneur nous assure que tout ira bien ne signifie pas toujours que ce qui se passera correspondra au seul scénario que nous mettons derrière les mots « tout ira bien ».

Les prophètes les plus humbles qui se sont trompés se sont excusés. Même la première fois que nous nous exprimons, nous devons rester humbles et formuler soigneusement nos opinions là où nous manquons de certitude.

Prophètes et présomption

Nous pouvons parfois vouloir entendre une chose du Seigneur alors qu'il a quelque chose de différent à nous dire. Sandford déplore avoir été en partie en proie à « la tendance à entendre ce que nous voulons entendre ».

On peut être tenté de prendre la parole uniquement parce que les gens attendent notre voix, mais cela implique le risque de s'appuyer sur les impressions ou les intuitions les plus vagues, et de propager ainsi des « révélations de [notre] propre invention et non pas ce qui sort de la bouche de l’Eternel » (Jr 23.16). « Je n’ai pas mandaté tous ces prophètes-là, et cependant, ils courent ! Et je ne leur ai pas adressé la parole. Pourtant, ils prophétisent ! S’ils avaient assisté |à mon conseil, ils auraient annoncé ma parole à mon peuple. Ils le feraient se détourner de ses mauvais comportements et de ses mauvais actes. » (Jr 23.21-22)

Julian Adams, qui a prophétisé spécifiquement et précisément à ma femme et à moi, m’a également partagé que les gens attendaient de lui qu’il prophétise sur certains événements à venir. Il explique qu’il y a résisté parce que le Seigneur ne lui avait tout simplement rien dit sur ces sujets. Il n’a pas prophétisé le résultat des élections. Cela n'est pas surprenant : le Seigneur n’a pas tout montré de façon surnaturelle, même à Élisée (2 R 4.27).

Bien que des recoupements soient possibles, le fait d’annoncer le futur ne fait pas le prophète. La prophétie biblique concerne la proclamation de la parole du Seigneur, ce qui est plus une question de révélation du cœur de Dieu (pour le ici et le maintenant) que de prédiction (en vue du futur). Être un futuriste compétent – quelqu’un qui prédit les tendances en fonction des événements actuels et des informations importantes – est utile pour faire des projets, mais ce n’est pas la même chose que le don biblique de prophétie. Et même les futuristes sont susceptibles de faire des prédictions déséquilibrées lorsqu’ils obtiennent leurs informations d’une seule source, qu’elle soit de droite ou de gauche.

Nous devons également faire preuve de souplesse dans l’application de ce que nous croyons avoir entendu. Jeremiah Johnson a apporté de nombreuses prédictions précises, y compris concernant l’élection de Trump en 2016, alors même qu’il n’était encore qu’un candidat au début des primaires républicaines. Dans ses excuses, cependant, il avoue avoir interprété trop loin ce qu’il avait entendu plus tôt. Que Dieu nous montre ce qu’il prévoit pour un temps ne signifie pas que cela ne changera pas en un autre temps.

Jonas s'est mis en colère lorsque Dieu a retiré le jugement promis contre les Ninivites (Jon 3.4–4.3), mais le Seigneur a rappelé à Jérémie que, selon qu'il y ait repentance ou apostasie, cela affecterait l'issue (Jr 18.6–11). Dieu avait pour but de faire oindre Saül par Samuel comme roi d’Israël. Mais Samuel n’a pas supposé que cette instruction antérieure signifierait que Dieu prévoyait que Saül fasse un autre « mandat » si Saül ne mûrissait pas dans son appel.

Élie a prophétisé l’anéantissement de la dynastie d’Achab, mais Dieu lui a dit, par la suite, qu’à cause du repentir d’Achab, le jugement serait retardé (1 R 21.28-29). Mes amis théologiens ont tout un éventail de points de vue sur la façon d’expliquer cela ; ma compréhension personnelle est que bien que Dieu connaisse à l’avance les résultats, il nous dit souvent exactement ce dont nous avons besoin pour le moment. Nous devons être prêts à changer de cap au besoin.

Prophètes et tribunes publiques

Les mauvais rois avaient tendance à accorder des tribunes aux faux prophètes ou à les corrompre par la faveur politique (1 R 18.22 ; 22.6–7 ; 2 R 3.13 ; 2 P 2.15). Mais qui accorde la parole aux prophètes, vrais ou faux, aujourd’hui ?

La redevabilité au niveau local a évité certaines erreurs et facilité le processus d’introspection pour ceux qui se sont publiquement repentis d'erreurs publiques. Actes 13 nous montre des prophètes et des enseignants dirigeant la communauté ecclésiale d’Antioche. Même lorsque le prophète Agabus, qui leur rendait visite, a prédit une famine mondiale (qui a apparemment frappé différentes parties de l’Empire romain oriental à des moments différents), les croyants d’Antioche ont eu à décider comment il fallait réagir (Ac 11.27-30). Ceux qui écoutent la voix de Dieu devraient être éprouvés et arriver à une pratique aboutie dans le cadre de petits groupes (analogues aux anciennes Églises de maison) ainsi qu'à d’autres niveaux locaux moins potentiellement nuisibles, avant d'être mis en avant sur la scène nationale ou internationale.

Malheureusement, les médias sociaux rendent pratiquement impossible le contrôle de ces scènes, et des chrétiens consuméristes nord-américains ont tendance à se tourner vers ce qu’ils ont envie d’entendre (2 Tm 4.3-4). Ce n’est pas la faute des vrais prophètes et enseignants si les faux prophètes obtiennent souvent une plus grande audience en termes de nombre de vues. Les moments où la voix prophétique est silencieuse dans le pays correspondent sont des temps de désespoir ou même de jugement (1 S 3.1 ; Ps 74.9 ; Es 29.10-12), mais les temps où la fausse prophétie prédomine sont pires (Jr 37.19 ; Za 13.1-6).

Ainsi, la loi de l’offre et de la demande peut affecter les médias religieux : lorsque les gens ne veulent pas de la vraie prophétie, ils obtiendront ce qui est faux. Les gens disent aux prophètes : « Cessez de nous servir des révélations vraies ! Annoncez-nous des choses agréables, que vos révélations nous bercent d’illusions ! » (Es 30.10). « Dans leurs prophéties, les prophètes ne disent que mensonges, et les prêtres dominent au nom de leur autorité. Mon peuple, lui, est content de cela. Mais que ferez-vous donc après ce qui va arriver ? » (Jr 5.31).

Si les adeptes d’une tendance politique particulière ou de quelque autre orientation que ce soit veulent entendre des prophéties qui soutiennent leurs désirs, les prophètes qui répondent à ces besoins ressentis deviendront les plus populaires. L’histoire récente suggère que certains d’entre eux conserveront la plupart de leurs auditoires, même lorsque leurs prophéties ne se sont pas réalisées.

C'est surtout dans les moments difficiles que la plupart des prophètes disent aux gens ce qu’ils veulent entendre (Jr 6.14 ; 8.11 ; 14.13), rendant les choses encore plus difficiles pour les vrais prophètes (15.10, 15-18 ; 20.7-18). Mais Dieu révèle où se trouve le fardeau de la preuve : « Les prophètes qui nous ont précédés, toi et moi, depuis les temps les plus anciens, ont prophétisé au sujet de nombreux pays et de grands royaumes en annonçant la guerre, la famine et la peste. Alors, maintenant, un prophète annonce la paix ; on saura s’il est réellement envoyé par l’Eternel seulement si sa prédiction se réalise. » (Jr 28.8–9).

Jeter le bébé avec l’eau du bain ?

À l’opposé des défenseurs invétérés des prophéties, on trouve ceux qui sont tentés de la rejeter complètement, et négligent le bébé dans l’eau du bain. Lorsque Paul nous exhorte à tout examiner, il nous avertit également de ne pas mépriser la prophétie (1 Th 5.19–22). Lorsqu’il nous encourage à évaluer les prophéties (1 Co 14.29), il nous exhorte également à poursuivre l'exercice du don qui y correspond (1 Co 14.1, 39).

La dénonciation des faux-prophètes qui est probablement la plus vigoureuse de l’Écriture est exprimée par un vrai prophète, Jérémie. « Si un prophète a fait un songe, qu’il raconte ce songe. Et celui qui a une parole de ma part, qu’il communique ma parole selon la vérité. Que vient faire la paille au milieu du froment ? demande l’Eternel. »(Jr 23.28).

Trois personnes obscures, qui ne se connaissaient pas entre elles ni ne me connaissaient, ont indépendamment prophétisé à Médine Moussounga au Congo qu’elle épouserait un jour un homme blanc ayant un important ministère. Il n’y a pas beaucoup d’hommes blancs au Congo. Pourtant, Médine et moi sommes mariés depuis environ 19 ans.

Je suis un enseignant de la Bible qui passe la plupart de son temps à en apprendre davantage sur les Écritures. Ceux que nous appelons prophètes et docteurs ont beaucoup à apprendre les uns des autres ; les prophètes peuvent offrir un aperçu de la manière dont les Écritures peuvent s'appliquer à notre génération (notez Houlda dans 2 R 22.11–20). Mais ni les prophètes ni les docteurs n’écrivent les Écritures aujourd’hui.

Alors que les prophéties et les intuitions spirituelles doivent être éprouvées, l’Écriture nous parvient après avoir déjà passé le test ; ce n'est pas sans bonnes raisons que les paroles de Jérémie sont dans notre Canon alors que celles des prophètes de son temps ayant échoué ne le sont pas. L’Écriture offre une fondation vraiment sûre.

Pourtant, même les Écritures doivent être interprétées, et c'est ainsi que diverses interprétations (et, parfois, préjugés politiques) transparaissent également dans l’enseignement. Ceux d’entre nous qui exercent le don d’enseigner ont affaire à la Parole de Dieu sous une forme beaucoup plus explicite. Et pourtant, nous divergeons souvent dans nos interprétations. Lorsque nous, qui sommes enseignants, affirmons : « La Bible dit », mais que nous nous trompons, notre interprétation est fausse. Les enseignants seront jugés plus sévèrement (Jc 3.1). Nous devons donc, nous aussi, être humbles et ouverts à la possibilité d'être corrigés.

Si nous jugions les enseignants aussi durement que certains jugent les prophètes – une mauvaise interprétation et vous disparaissez – nous n’aurions probablement aucun enseignant aujourd’hui. (En me basant sur le contexte, je diverge de l’interprétation du Deutéronome que beaucoup appliquent aux prophéties d'aujourd’hui pour dire qu’une seule erreur devrait être éliminatoire, mais c’est un autre sujet.) Les Écritures réservent généralement l'appellation de fausse prophétie et de faux enseignement aux erreurs les plus graves. Si cela signifiait que nos commentaires ou nos cours devaient absolument parvenir à expliquer correctement chaque verset que nous examinons, la plupart d’entre nous demanderaient une retraite anticipée dès maintenant !

Persécution ou purification?

Nous avons un véritable gâchis à nettoyer au niveau du paysage chrétien américain d'aujourd’hui. Après que le Congrès ait certifié la victoire du président Biden, Johnson s’est repenti publiquement d’avoir prophétisé la réélection de Trump. À son grand étonnement, certains chrétiens déclarés l’ont dénoncé, l’ont maudit et ont même menacé sa vie . S’il nous faut nous garder des théories complotistes, c’est un fait que les prêtres et les prophètes ont conçu de véritables conspirations pour tuer le Jérémie biblique pour ses prophéties antipatriotiques (Jr 11.21 ; 26.11). Les défenseurs acharnés de certains mensonges peuvent se révéler inflexibles.

Au lieu de persécuter ceux qui se sont repentis, nous ferions mieux de les rejoindre. Tout en pensant toujours que Trump aurait été le meilleur choix, Johnson a déploré que de nombreux chrétiens mettent leur espoir en lui. Aucun président et aucun parti politique, de droite ou de gauche, ne peut prendre la place de Jésus. Ce ne sont donc pas seulement les prophètes qui ont besoin de se repentir.

Les chrétiens peuvent être en désaccord entre eux, mais là où nous nous sommes séparés les uns des autres en mettant la politique au-dessus du seul corps pour lequel Christ est mort, la repentance est de mise. Les prophètes repentants nous montrent une voie à suivre. Si nous recherchons le réveil, la repentance et l’humilité sont un bon point de départ.

Si le Seigneur nous a humiliés, il nous a également donné l’occasion d’apprendre. Puissions-nous saisir cette occasion pour entreprendre les étapes nécessaires en vue de rassembler les différents dons dans le corps du Christ, dans l’humilité avant tout.

Craig Keener est professeur F. M. et Ada Thompson d’études bibliques au séminaire théologique d’Asbury. Il est l’auteur de Christobiography: Memories, History, and the Reliability of the Gospels, qui a remporté un CT Book Award en 2020.

Traduit par Jean-Paul Rempp

Révisé par Léo Lehmann

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Dieu n’écrira pas dans le ciel pour vous parler

Nos appels désespérés à un signe clair venant du ciel sont peut-être déjà exaucés.

Christianity Today February 27, 2021
negatina / Getty Images

Nous l’avons tous dit, à voix haute ou dans notre tête : « Si Dieu m’indiquait simplement quoi faire, je le ferais ! »

Nous voulons suivre la volonté de Dieu et, lorsque nous sommes confrontés à une grande décision, il nous semble qu’un ordre audible de Dieu – ou même un indice clair de quelque sorte qu'il soit – serait extrêmement utile, pour ne pas dire efficace.

Lorsque la voie à suivre semble opaque, nous commençons à nous demander pourquoi les cieux ne peuvent pas simplement s’ouvrir et nous laisser voir un peu la direction à prendre. Après tout, Dieu l’a fait pour des personnes dans la Bible. Ne pourrait-il pas le faire pour nous ? Mais je me demande si nous ne passons pas à côté d'une direction évidente qui est pourtant juste sous notre nez.

Il est vrai que la Bible contient plusieurs récits de personnes qui entendent distinctement la voix de Dieu leur dire quoi faire. Ils reçoivent exactement ce que nous disons vouloir : une direction claire de la bouche de Dieu. Mais de manière inquiétante, plutôt que de se précipiter pour obéir, ils hésitent souvent voire ignorent complètement la direction indiquée.

Moïse hésite quand Dieu lui parle dans le buisson ardent, lui demandant explicitement de sauver Israël de l’esclavage (Ex 3-4). Les Israélites ignoreront les commandements tonitruants de Dieu au Sinaï, malgré leur engagement initial à faire « tout ce que l’Éternel a dit » (cf. Ex 19.8). Gédéon hésite quand Dieu s’adresse à lui sur son aire de battage et il demande une série de signes de confirmation (Jg 6.36-40). Adam et Eve, peut-être l'exemple le plus célèbre de tous, reçoivent un ordre audible concernant un certain fruit, qu’ils ignorent ouvertement (Gn 3).

À la lumière des faits, il semble peu probable que la voix audible de Dieu inspire la croyance ou assure l'obéissance, pas plus pour nous qu’elle ne l’a fait pour nos prédécesseurs.

Pourtant, nous persistons à chercher un moyen d’être certains de ce que Dieu veut que nous fassions. Nous « étendons une toison » (cf. Jg 6.36-40) d’une sorte ou d'une autre, en pensant : « Si X se produit à cette date, je saurai que Dieu veut que je fasse Y ». Nous jeûnons, nous privant de nourriture, de télévision ou de médias sociaux en espérant plus de clarté sur une décision. Nous recherchons la solitude dans l’espoir d’entendre un bruissement doux et léger (cf.1 R 19.12). Nous cherchons la confirmation d’un ami ou d’un conjoint. Nous regardons le ciel en espérant voir apparaître des mots dans les nuages. S’il te plaît, Seigneur – dis-moi simplement quoi faire.

Si nous ne faisons pas attention, tout en recherchant la volonté de Dieu pour notre situation, nous pourrions négliger sa volonté pour notre caractère. Dans notre désir de certitude, nous pouvons devenir obsédés par le faire et oublier l’être.

Pourtant, Dieu est clair sur le fait que les sacrifices et les offrandes (notre faire) n’ont jamais été ce qu’il désire : des cœurs (notre être) qui le cherchent, des cœurs qui désirent la sainteté (Ps 40.6-8).

Dieu a une volonté pour nos vies qui est clairement énoncée : que nous soyons sanctifiés, rendus saints, conformes à l’image du Christ (1 Th 4.3 ; Ep 5.1). Lorsque cela devient notre préoccupation première, la recherche d’indices dans les nuages ou d’inscriptions sur le mur passe à l’arrière-plan. Heureusement, de tels signes ne sont pas nécessaires pour déterminer qui Dieu voudrait que nous soyons.

Vous n’aurez jamais à étendre une toison pour savoir avec certitude que c’est la volonté de Dieu que vous meniez une vie équilibrée, juste et empreinte de piété dans le temps présent (Tt 2.12).

Vous n’aurez jamais à jeûner pour être sûr à 100% que c’est la volonté de Dieu de vous libérer de l’ambition égoïste et de la vaine prétention (Ph 2.3).

Vous n’aurez jamais à trouver une inscription sur le mur pour savoir sans aucun doute que c’est la volonté de Dieu que vous mettiez de côté l’impureté et l’avidité (Ep 5.3).

Vous n’aurez jamais à demander la confirmation d’un ami ou d’un conjoint que la volonté de Dieu est que vous soyez lent à la colère (Jc 1.19).

Vous n’aurez jamais à attendre un bruissement doux et léger pour savoir sans réserve que c’est la volonté de Dieu que vous pratiquiez la reconnaissance (Ep 5.4).

Vous n’aurez jamais à chercher dans le ciel un message dans les nuages pour être certain que c’est la volonté de Dieu que vous soyez saint et irréprochable (Ep 1.4).

Dieu nous a en effet parlé avec clarté au moyen de sa Parole.

Pour la vie et la piété, nous n’avons besoin d’aucun autre signe que le signe vivifiant de Jonas (cf. Mt 12.39-41) : le Christ est ressuscité, et la grâce que nous recevons en conséquence nous transforme à son image.

Nous sommes appelés à être transformés. Nous recherchons d’abord son royaume et sa justice, confiant nos circonstances à ses soins souverains et soumettant notre caractère à sa gracieuse volonté.

Jen Wilkin est une épouse, une mère et une enseignante de la Bible qui a la passion de voir les femmes devenir des disciples engagées du Christ. Elle est l’auteur de Women of the Word, In His Image, et None Like Him.

Traduit par Valérie Marie-Agnès Dörrzapf

Révisé par Léo Lehmann

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81% des évangéliques ont-ils vraiment voté pour Trump ?

Le fait de revendiquer une appellation ne signifie pas automatiquement que l’on correspond à ce qu’elle signifie.

Christianity Today February 25, 2021
Source images: RobinOlimb / Getty

Le soutien des évangéliques américains au président Donald Trump n'a pas suffi à lui faire remporter un nouveau mandat. Mais il a suffi à confirmer la réputation des évangéliques auprès du grand public comme étant peut-être le groupe démographique le plus trumpiste des États-Unis.

Il y a pourtant de quoi se demander si cette perception est juste. L’affirmation plusieurs fois reprise selon laquelle 81% des évangéliques ont voté pour Trump en 2016 n'a jamais vraiment été exacte. Basée sur des sondages effectués à la sortie des bureaux de vote, elle ignorait les millions d'évangéliques qui n'ont pas voté pour Trump tout simplement parce qu'ils n'ont pas voté du tout. Cette soi-disant description de l'ensemble du vote évangélique se fonde sur une statistique ne prenant en compte que les électeurs blancs, alors que l'évangélisme est de plus en plus diversifié sur le plan ethnique.

On y a aussi compté comme évangéliques tous ceux qui revendiquaient simplement cette appellation, bien que l'auto-identification soit une variable délicate à employer car elle inclut les « évangéliques » qui ne suivent ni en paroles ni en actes les principes de l'évangélisme établis depuis longtemps. Et, une fois mentionnées toutes ces réserves, on n’arrive même pas réellement à 81%. Des études plus récentes et de meilleure qualité situent ce chiffre autour des 75%, ce qui correspond finalement au taux très constant de soutien aux candidats républicains observé chez les électeurs s'identifiant comme évangéliques blancs dans les dernières années.

Mais cette clarification suffira-t-elle à renverser l’opinion publique? Ou encore les données des élections de 2020 qui pourraient avoir révélé de nouvelles tendances ? Je ne crois pas. « Les Américains semblent de plus en plus envisager les évangéliques dans une perspective politique », selon les résultats d'un sondage réalisé fin 2019 par le groupe Barna. Pour beaucoup d’entre eux, les « évangéliques » sont d'abord et avant tout un électorat. Un terme autrefois censé signaler certaines positions quant au salut de l'âme, l’autorité des Écritures et le service chrétien, désigne désormais l'alignement politique avec un seul parti et un seul président.

La question de savoir si les évangéliques auraient dû soutenir Trump a déjà été longuement explorée dans les médias et sur Internet. Je ne discuterai pas ici de l’inévitabilité ou de la pertinence de cette association. Je ne plaide pas non plus en faveur de l'abandon du mot « évangélique » ou d’une campagne pour restaurer son sens initial, si cela était possible.

Non, ce qui m'intéresse ici, ce n'est pas de savoir qui obtient nos votes ou comment nous sommes appelés, mais plutôt comment il se fait qu'un groupe de chrétiens puisse si facilement – et si rapidement – devenir aussi fortement associé à une autre personne que le Christ. Qu’est-ce que cela dit de nous si le premier nom qui vient à l'esprit de nos voisins lorsqu’ils entendent « évangélique » n'est pas « Jésus » ?

Certes, s’inquiéter de notre réputation peut sembler frivole. « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5.29). Le verdict de Dieu à notre égard passe avant les moqueries ou les éloges des autres. Mais la Bible se préoccupe aussi de la réputation. « Ayez une bonne conduite au milieu des païens. Ainsi, dans les domaines mêmes où ils vous calomnient en vous accusant de faire le mal, ils verront vos bonnes actions et loueront Dieu le jour où il interviendra dans leur vie » (1 P 2.12). Le proverbe dit : « Bon renom vaut mieux que grandes richesses » (Pr 22.1). Et la volonté de Jésus à cet égard est évidente quand il dit que c’est par notre amour les uns pour les autres que « tous connaîtront » qui nous sommes (Jn 13.35).

Le fait que des chrétiens aient acquis une mauvaise réputation n'est pas nécessairement un signe de désobéissance à ces commandements. On se rappellera que l'église primitive a été accusée d'athéisme (pour avoir refusé d'adorer des idoles), de cannibalisme (pour avoir pris la Cène) et d'inceste (pour avoir appelé leur conjoint « frère » ou « sœur » en Christ). Une critique, rapportée par un écrivain chrétien du troisième siècle nommé Minucius Felix, qualifiait l'église de « faction infâme et désespérée » issue de « la lie du peuple » et « s'attaqu[ant] impunément aux dieux ». Mais il y a tout de même un fossé béant entre la mauvaise réputation acquise par des chrétiens s’efforçant simplement d’obéir aux ordonnances de leur foi (c.-à-d. l'adoration, la sainte cène et la communion fraternelle) et la mauvaise réputation acquise par un groupe pour son allégeance manifeste à un politicien. Notre problème de réputation n’a rien à voir avec le leur. L'Empire des Césars soupçonnait que l’insistance des adeptes de cette étrange secte à affirmer que Jésus est Seigneur les rendait incapables d’être de bons citoyens. Les Américains qui considèrent les évangéliques comme un bloc pro-Trump ne sont pas en train de se demander si ceux-ci ne sont pas un peu trop centrés sur Christ.

Malgré cette différence, le remède est le même dans chaque cas. L'Église primitive réfutait ces fausses accusations sur la place publique, et elle a connu une croissance exponentielle parce que les chrétiens avaient « une bonne conduite au milieu des païens » et partageaient cette Bonne Nouvelle si extraordinaire et porteuse d’espérance : Dieu aime toute l'humanité. Notre tâche ne diffère en rien. Peu importe que cela rehausse notre crédibilité ou pas, que cela sauve l’étiquette « évangélique » ou non, nous devrions nous aussi vivre si fidèlement et intégralement que notre allégeance ne fasse plus aucun doute.

Bonnie Kristian est chroniqueuse à Christianity Today.

Traduit par Simon Fournier

Révisé par Léo Lehmann

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Les pasteurs devraient-ils s’exprimer sur le vaccin contre la COVID-19 ?

Les chrétiens sont divisés sur la question : certains préconisent la vaccination par amour pour le prochain, d’autres laissent ce choix à la conscience de chacun.

Christianity Today February 23, 2021
Illustration by Rick Szuecs / Source image: Gchutka / Getty / Product School / Unsplash / Envato

Un sondage mené en janvier par le Washington Post et ABC News révèle que 44% des Américains blancs s’identifiant comme évangéliques seraient réticents à se faire vacciner contre la COVID-19, contre moins d’un tiers dans la population en général.

Pendant des siècles, et même si la relation a parfois été complexe, la religion et la médecine ont collaboré dans les efforts de prévention des maladies, Au cours des dernières années, les professionnels de la santé publique ont compté sur le soutien des dirigeants d’Églises – particulièrement dans certaines communautés culturelles – pour gagner la confiance de ceux qu'ils cherchent à sensibiliser. La pandémie de coronavirus nous offre un exemple de plus de la relation complexe entre la foi et la science.

Compte tenu des divergences entre les chrétiens, comment les pasteurs devraient-ils aborder le sujet du vaccin contre la COVID-19 avec leurs assemblées ? Devraient-ils encourager les gens de leur Église à se faire vacciner ?

Cinq pasteurs ont bien voulu nous décrire comment des facteurs tels que l'origine ethnique, la théologie et la composition de la congrégation influencent leur approche du problème.

Jeff Schultz, pasteur de la Faith Church à Indianapolis

Notre Église a prié pour les efforts de recherche et de développement de vaccins, mais nous n'irions pas jusqu'à inciter les gens à se faire vacciner.

Notre congrégation compte un certain nombre de médecins, d’infirmières, de chercheurs dans le domaine médical et de travailleurs de l'industrie pharmaceutique. Nous croyons que Dieu agit parfois de façon miraculeuse, mais plus communément à travers notre travail, nos dons et notre sagesse exercés au service des autres. Nous avons encouragé les gens à porter des masques et à pratiquer la distanciation sociale. Nous avons aussi des membres qui ne retourneront pas au culte en personne tant qu’un vaccin ne sera pas disponible. Mais je ne pense pas que nous dirions quoi que ce soit formellement sur la prise d’un vaccin (si ce n'est que pour rendre grâce à Dieu pour leur découverte).

Au niveau individuel, je vais encourager les gens à consulter leur médecin pour être guidés dans cette décision. Je vois les masques et la distanciation sociale comme des comportements à très faible risque qui contribuent à notre amour pour nos prochains. Un vaccin contre la COVID-19 est un autre moyen important d’arrêter la propagation d’une maladie mortelle, mais en tant que pasteur je ne crois pas avoir les qualifications pour orienter les gens à propos de traitements médicaux susceptibles d'avoir des effets secondaires ou un impact sur la santé à long terme. Je veux aider les gens à voir le potentiel bénéfique d'un vaccin tout en demandant à chacun de respecter les décisions des autres.

Luke B. Bobo, directeur des partenariats stratégiques chez Made to Flourish, un réseau de pasteurs basé au Kansas, et professeur invité au Covenant Theological Seminary

L’avortement, le cinéma, la musique, les armes à feu, les dessins animés, la médecine – autant de sujets que les pasteurs, en tant qu’exégètes de la culture, doivent aborder, car ils sont importants. Ces artefacts de notre culture véhiculent des messages qui sont souvent contraires à la vision chrétienne du monde. Le vaccin contre la COVID-19 ne fait pas exception et mérite d'être abordé depuis la chaire. Je crois que les pasteurs doivent oser un discours sage, biblique et chrétien à propos des vaccins.

Bien sûr, susciter l'adhésion de leurs fidèles à ce vaccin sera plus compliqué pour les pasteurs afro-américains car de nombreux abus ont été infligés à des personnes noires au nom du progrès médical. Qui peut oublier l’expérience de Tuskegee sur la syphilis et les fameuses cellules HeLa, des cellules cancéreuses volées à Henrietta Lacks sans le consentement de sa famille ? Les pasteurs doivent donc également aborder ce sujet sous un angle historique.

Les pasteurs doivent enseigner aux membres de leur assemblée à réfléchir de manière critique afin qu'ils forment leur propre opinion sur ce vaccin contre la COVID-19. Quand on leur demandera s’ils prévoient eux-mêmes de se faire vacciner, ils devraient répondre simplement en prenant soin de préciser : « C’est ma décision. Vous devez faire le travail et prendre votre propre décision. » En d’autres termes, les pasteurs ne doivent pas penser à la place de leurs fidèles. Ils doivent plutôt équiper leurs membres pour qu’ils soient en mesure de réfléchir et de décider par eux-mêmes.

Mandy Smith, pasteure de la University Christian Church à Cincinnati

Je n’ai aucune objection aux vaccins d'un point de vue philosophique ou théologique et je m’en remettrai aux professionnels de la santé dans ma congrégation qui en savent plus que moi sur le sujet. L’Église que je dirige se situe sur ce qu’on appelle parfois « Pill Hill » (litt. la Colline du Comprimé). Nous avons quatre hôpitaux dans notre voisinage immédiat, et nous comptons donc parmi nous pas mal de professionnels de la santé. En même temps, comme nous sommes dans une communauté diversifiée, nous avons également pas mal de gens intéressés par des modes de vie alternatifs, ce qui les amène à se méfier des vaccins.

En tant que chrétiens, nous avons besoin de laisser de la place pour les divergences d’opinions – l’unité dans les choses essentielles, la liberté dans les non-essentielles et en toutes choses, la charité. D'un point de vue philosophique, notre opinion sur les vaccins n’est pas essentielle : nous ne perdrons pas notre salut et ne devrions pas laisser la question nous diviser entre chrétiens.

En même temps, d'un point de vue pratique, les décisions que nous prenons quant au vaccin auront une influence sur les autres et vice versa. Bien que nous puissions accepter de ne pas être d’accord sur certains enjeux, si nos enfants jouent ensemble et que nous partageons des repas ou la Sainte-Cène, alors notre décision face aux vaccins ne concerne pas seulement notre propre intérêt mais bien celui de toute la communauté. S’il y a une chose que la pandémie nous a montrée, c’est que nos vies et notre santé sont étroitement liées à celles des autres.

Stephen Cook, pasteur principal de la Second Baptist Church à Memphis

La COVID-19 a coûté la vie à plus de 283'000 de nos prochains aux États-Unis, et à plus d'un million et demi de nos prochains dans le monde entier. Avec l’arrivée d'un vaccin qui suscite l'espoir, les pasteurs ont l’opportunité d’appeler le peuple de Jésus-Christ à aimer leur prochain, d’une manière qui incarne le commandement du Christ de nous aimer les uns les autres.

Quand un homme de loi interrogea Jésus pour savoir qui devait être considéré comme son prochain (Luc 10), ce dernier répondit avec l’histoire du Samaritain qui s’est arrêté pour subvenir aux besoins de l'homme qui avait été battu et laissé pour mort. Remarquez que, dans l'exemple de service miséricordieux choisi par Jésus, c'est par un acte de guérison que le Samaritain a manifesté son amour du prochain.

Encourager les croyants à se faire vacciner contre cette maladie qui a fait tant de ravages est une responsabilité pastorale. C’est l’occasion d’inviter les disciples de Jésus-Christ à réfléchir avec nous au rôle que nous avons à jouer pour favoriser la guérison du monde. C’est une opportunité de nous rappeler qu’à la fin de l’histoire, Jésus élève celui qui, en réponse à un besoin désespéré, aura agi comme un prochain.

Stephanie Lobdell, pasteure des étudiants à la Mount Vernon Nazarene University dans l’Ohio

L'instruction de Jésus d’aimer notre prochain a trouvé de nouvelles façons de se manifester dans le quotidien du campus universitaire où j'exerce mon ministère, avec par exemple les masques ou les plexiglas séparant les étudiants dans la cafétéria. Dans les jours à venir, ce commandement devrait également influencer notre attitude vis-à-vis du vaccin. Recevoir le vaccin, si notre condition physique le permet, est une autre façon de pratiquer l’amour du prochain.

En tant qu’université chrétienne de tradition méthodiste, nous apportons un argument supplémentaire à la discussion sur les vaccins. En tant que Wesleyens, nous tenons fermement à la centralité de la grâce coopérative dans la pratique chrétienne. Dieu initie le mouvement dans notre direction, nous invitant à expérimenter avec lui une relation d’amour ainsi qu’un véritable partenariat pour incarner activement la nouvelle création. Nous cherchons à encourager nos étudiants à considérer la vocation pour laquelle ils étudient comme une expression de ce partenariat.

Lorsque des scientifiques décryptent l’ADN d’un virus dangereux, lorsque des médecins travaillent sans relâche pour trouver des traitements plus efficaces, lorsque des chercheurs élaborent un vaccin qui protège les gens contre la contagion, nous ne levons pas un poing arrogant face à la science pour revendiquer que « la foi triomphe de la peur ! » Au contraire, nous nous réjouissons. Nous nous réjouissons devant l'impact vivifiant de ces vocations divinement ordonnées. Nous proclamons « Grâce soit rendue à Dieu », à la fois pour la providence de Dieu et pour le don précieux de l'intelligence humaine.

Traduit par Simon Fournier

Révisé par Léo Lehmann

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Books

France : Les Églises s’inquiètent d’un projet de loi à l’encontre du séparatisme musulman

Alors qu’un ministre demande la reconnaissance que « la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu », les évangéliques craignent que la volonté de combattre l’islamisme porte aussi atteinte à la liberté de religion.

Christianity Today February 11, 2021
Abaca Press / AP Images

Exaspéré par des années de terrorisme infligé par les islamistes radicalisés, le parlement français est en débat sur une loi destinée à mettre fin au séparatisme musulman.

Les protestants français, notamment les évangéliques, redoutent que leurs Églises subissent des dommages collatéraux.

« C’est la première fois, en tant que président de la Fédération Protestante de France, que je me retrouve en position de devoir défendre la liberté de culte, déclare François Clavairoly. Je n’aurais jamais imaginé que, dans mon propre pays, quelque chose de ce genre puisse arriver. »

Officiellement dénommé « Projet de loi confortant le respect des principes de la République », le texte de 459 pages a été l’objet de vifs débats ces dernières semaines, avec le dépôt de près de 1 700 amendements. Le but, selon les déclarations du Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin au parlement, consiste à stopper « une OPA islamiste contre les musulmans », un séparatisme islamiste qui « gangrène notre unité nationale ». Beaucoup de musulmans résident dans les nombreuses banlieues pauvres des grandes villes françaises, et les autorités craignent que l’importation d’idéologies extrémistes ne conduise cette minorité religieuse à vouloir se soustraire à l’intégration au sein de la nation.

De récentes attaques terroristes ont suscité dans l’opinion publique une demande de mesures de sécurité renforcées. Au cours des six dernières années, la France a subi 25 attaques djihadistes qui ont fait en tout 263 morts. Pour mémoire :

  • En janvier 2015, 17 personnes ont été tuées dans l’attaque de Charlie Hebdo.
  • En novembre 2015, 131 personnes ont été tuées dans l’attaque du Bataclan pendant un concert.
  • En juillet 2016, 86 personnes ont été tuées à Nice par un camion qui a foncé dans la foule pendant les festivités du 14 Juillet.
  • En décembre 2018, 5 personnes ont été tuées lors d’une agression sur un marché de Noël.
  • En octobre 2020, 3 personnes ont été poignardées pendant qu’ils priaient à la cathédrale de Nice.

En 2018, le coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme estimait que 17 000 musulmans radicalisés se trouvaient en France.

Parmi les dispositions essentielles de la loi figure un contrôle accru des associations religieuses. De nombreuses mosquées sont en lien avec le monde musulman, conduites par des imams élevés et instruits dans des nations qui ne partagent pas le même héritage en matière de droits humains et de liberté de religion. Selon l’Institut Français d’Études Démographiques (INED), environ 82 % des citoyens musulmans sont issus d’Afrique du Nord – Algérie, Maroc, Tunisie – autrefois sous la domination de la France coloniale. 8 % s’ajoutent en provenance de la Turquie.

La loi empêchera des individus étrangers d’avoir la mainmise sur une association, laquelle sera tenue de signer un « contrat d’engagement républicain » garantissant que ses membres respectent les valeurs de la France. Tout financement étranger supérieur à 10 000 € devra être déclaré aux autorités.

De plus, le projet de loi rend illégaux la polygamie, le mariage forcé et la délivrance de « certificats de virginité » que certains musulmans exigent parfois de la part d’une future mariée.

La loi cherche à combattre la tendance séparatiste qui engendre une « contre-société », selon le Président Emmanuel Macron, qui a promis cette nouvelle loi en octobre dernier. À cet effet, les enfants à partir de l’âge de 3 ans devront être intégrés dans le système scolaire officiel.

Et pour éviter de nouvelles attaques imitant la décapitation d’un professeur qui, en ce même mois d’octobre, avait abordé en classe le sujet des caricatures de Mahomet, la « loi Samuel Paty » créera un nouveau délit de haine visant la mise en ligne d’informations personnelles dans l’intention de nuire.

La proposition de loi est « utile » et « nécessaire », selon le président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM). Le président de la Fondation de l’Islam de France, une association laïque, l’a qualifiée d’« injuste mais nécessaire ».

La France dispose déjà de lois qui sanctionnent les associations religieuses faisant preuve d’activisme extrémiste. Depuis 2018, 159 associations ont été dissoutes, y compris 13 mosquées. Et le port de signes religieux ostentatoires – tels que le hidjab et la croix – est illégal dans les institutions publiques, en particulier pour les fonctionnaires d’État.

Cependant, même avant cette loi, la France étendait déjà la portée des contrôles légaux. En janvier 2021, de nouveaux décrets permettaient aux autorités de collecter des informations sur les opinions politiques et religieuses des individus soupçonnés de représenter une menace contre la sécurité nationale. Auparavant, seules leurs activités pouvaient être surveillées.

« On n’a jamais connu en France une pression de contrôle aussi forte, affirme Franck Meyer, président du Comité Protestant évangélique pour la Dignité Humaine. C’est inquiétant pour tous les défenseurs de droits de l’homme, et le CPDH en fait partie .»

Ces mesures risquent de violer la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, qui est fondatrice de la République Française et a un poids quasiment équivalent à la Constitution française. Mais la nouvelle loi vise à amender deux autres documents historiques qui définissent la laïcité à la française et qui codifient son approche de la religion, notamment dans son combat contre une Église catholique autrefois hégémonique. En réalité, ce sont les protestants qui se sont faits les champions de cette cause. Ce que la France appelle laïcité est en fait assez proche de la notion américaine de « séparation des Églises et de l’État ».

En 1901, la France fit voter une loi pour réglementer les associations, qui pouvaient être religieuses.

En 1905, une autre loi régissait les associations à vocation cultuelle – c’est-à-dire essentiellement les Églises – leur offrant un statut d’exemption fiscale.

[Une loi de 1907 régissait l’Église catholique à part, chargeant l’État d’entretenir ses églises lorsqu’elles étaient classées Monuments Historiques, et exigeant de ses évêques une reconnaissance formelle de l’État. Cette loi n’est pas soumise à révision dans le projet de loi actuel.]

À elles toutes, ces lois fondent la laïcité, c’est-à-dire la neutralité de l’État en matière religieuse, la liberté d’expression religieuse et la relation contractuelle des cultes avec le gouvernement. Parmi les promoteurs de cette laïcité, on trouvait notamment Francis de Pressensé, membre éminent de la Ligue des Droits de l’Homme, et fils d’un célèbre pasteur évangélique.

Mais aujourd’hui, le Conseil National des Évangéliques de France (CNEF) sonne l’alarme. « C’est vraiment une situation grave, déclare Clément Diedrichs, directeur général du CNEF. La laïcité est censée protéger la libre organisation des groupes religieux, mais cette loi autorisera la répression de l’expression religieuse dans la société. » Diedrichs s’est concerté avec des représentants de l’islam, du judaïsme, du bouddhisme et d’autres instances chrétiennes au sein de la Conférence des Responsables de Culte en France (CRCF). « Nous avons une position unanime qui reconnaît les risques potentiels que représente cette loi pour la liberté religieuse, dit-il. Personne n’est satisfait de cette loi. »

Sauf, peut-être, les électeurs non-religieux. Environ un tiers des Français se considèrent comme non-croyants ou athées. « La grande majorité des Français ne s’intéressent guère à cette proposition de loi, déclare Cheryl Cloyd, missionnaire américaine résidant en France depuis vingt-six ans. Ils pensent même qu’elle est très bien parce qu’ils veulent qu’on s’occupe des terroristes. » Du coup, le législateur est hésitant, selon Diedrichs. « Certains de ceux qui seraient peut-être d’accord avec nous choisissent la sécurité, dit-il. Notamment sur le plan électoral, ce choix s’avère payant. »

Des missionnaires des Free Will Baptists en France (des baptistes de tendance arminienne) ont souligné cinq aspects de la proposition de loi :

  • Les Églises devront se faire réenregistrer tous les cinq ans.
  • Des représentants de l’État surveilleront les prédications pour vérifier si elles n’incitent pas à la haine.
  • L’instruction au sein du foyer ne sera pas autorisée pour des motifs religieux.
  • La déclaration de fonds étrangers affectera le personnel missionnaire.
  • Les leaders religieux ne pourront pas être formés hors de France.

« Peut-on parler aujourd’hui en France de "laïcité zombie" ? » se demande Jean-Raymond Stauffacher, président de l’Union nationale des Églises protestantes réformées évangéliques de France. « Tout le monde est d’accord pour tuer dans l’œuf l’islam radical, mais cette loi, telle qu’elle est formulée, est déconnectée de son but avoué. »

Frédéric Baudin, écrivain, et pasteur de l’Église Libre d’Aix-en-Provence, souligne d’autres problèmes. Les restrictions de financement peuvent accroître la difficulté, pour de petites communautés, de construire leur propre bâtiment. Et presque tous les trésoriers d’Église sont des bénévoles. Des contrôles accrus les mettront encore plus sous pression. Baudin affirme que certains en France sont des « laïcistes » [ou des « laïcards »], le suffixe en -iste renforçant l’aspect radical de ces personnes, dans un sens péjoratif. « Il y a un courant séculier dans le sens américain du terme – en France on ne le dit pas comme ça – mais effectivement on dirait plutôt “laïciste” dans le sens d’une laïcité excessive qui veut imposer une sorte de neutralité absolue. Alors que la vraie laïcité c’est de garantir, au contraire, la diversité d’opinions. C’est une neutralité positive. »

Les évangéliques français qui, dans leur immense majorité, financent leurs propres Églises, respectent la loi, et donnent deux fois plus que le Français moyen, estiment que ce n’est pas de la paranoïa de leur part que de s’inquiéter de cette loi. Dans le débat sur les dispositions de la loi, les autorités ont récemment épinglé les protestants. « Les évangéliques sont un problème très important, a déclaré Gérald Darmanin le 2 février. Alors pas de même nature, évidemment, que l’islamisme qui commet des attentats, qui donne des meurtres. » Mais dans une autre interview, il les a mis sur le même plan : « nous ne pouvons plus discuter avec des gens qui refusent d’écrire sur un papier […] que la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu », a-t-il déclaré.

Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, a même accusé les évangéliques français d’exiger des certificats de virginité, imitant une soi-disant tendance évangélique américaine.

« La France ne gagnera rien dans sa lutte contre le séparatisme islamique en mettant sur le même plan le christianisme et l’islam, dit Romain Choisnet, directeur de la communication du CNEF. Le premier a façonné cette nation dont la République est l’héritière. Le second veut la remplacer. »

Josias Sarda, ancien de l’Église protestante évangélique de Pau, dans les Pyrénées, explique que la loi passe complètement à côté de son objectif. D’après le CNEF, 90 % des 2 500 Églises sont déclarées sous le régime de la loi de 1905 qui fait maintenant l’objet d’un amendement. Dans le même temps, les musulmans sont presque entièrement déclarés sous le régime de la loi de 1901, y compris le CFCM fondé en 2003.

Le décalage est si fort que Sarda se demande s’il ne proviendrait pas d’une attaque spirituelle. Il a proposé de créer un nouveau mot : évangélicophobie. Les évangéliques se développent rapidement en France, où ils sont maintenant estimés à 1 million de personnes. Pendant ce temps, la population musulmane du pays est estimée entre 3,3 et 5 millions de personnes.

Cependant, l’islam radical est une grave menace pour la France, selon Franck Meyer, le président du CPDH, qui est également maire d’un petit village de Normandie. Il craint que la loi ne l’empêche d’adopter une position chrétienne même à titre privé – par exemple sur la question du mariage homosexuel. Assurément, certains aspects de cette loi sont justifiés, estime Meyer, mais par expérience pratique, il sait que certaines dispositions ne le sont pas. En tant que maire, il est responsable de veiller sur toute famille qui ferait l’école à la maison. S’il y a un problème d’extrémisme, il le saura. « Nous pensons que l’État profite de ce projet de loi de lutte contre le séparatisme pour désigner de mauvais coupables, en disant : finalement, les parents qui instruisent leurs enfants en famille représentent un danger pour la République. »

Mais alors que près de 50 000 enfants sont officiellement scolarisés à la maison en France, on soupçonne qu’il y en a bien davantage dissimulés dans des « écoles clandestines » qui sont endoctrinés dans une idéologie islamiste.

La meilleure forme de laïcité, selon Florent Varak, est celle qui permet aux évangéliques de les atteindre. Près de 4 musulmans sur 10 rapportent avoir souffert de discrimination religieuse. Et alors que les violations de la liberté religieuse contre les chrétiens se maintiennent nettement à un haut niveau en 2019 (1 052 incidents), les actes anti-musulmans ont grimpé de 54 % (154 incidents). « Notre modèle de laïcité est bon ; il permet aux athées, aux musulmans, aux chrétiens de coexister, de ne pas être d’accord et de traiter des problèmes ensemble, dit ce pasteur français et directeur de mission pour Encompass World Partners. Nous pouvons laisser la question de l’intégration aux soins de l’État et nous attacher à aimer notre prochain musulman, à partager l’Évangile sans crainte ni pressions. »

Aussi, malgré le défi que représente ce projet de loi pour l’Église, les évangéliques doivent garder les yeux fixés sur le Christ, rappelle Clément Diedrichs, le directeur général du CNEF. Le temps est venu de prier, plutôt que de se plaindre. « On prie beaucoup en France pour l’Église persécutée, mais quand un petit problème nous arrive en France, on crie au scandale. Justement, peut-être le temps est-il venu pour nous de traverser nous aussi les difficultés et de persévérer, comme le dit l’Apocalypse, et que le Seigneur voie s’il y a vraiment la foi et s’il y a vraiment des témoins pour lui. C’est une question d’attitude. Ne soyons pas des chrétiens râleurs, même si c’est normal de ne pas être d’accord avec ce gouvernement. Il faut avant tout être un chrétien qui soit fier de son Seigneur. »

Reportage complémentaire de Kami Rice et Morgan Lee

Traduction : Philippe Malidor

Révision : Léo Lehmann

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Évangélique, j’appartiens à un corps mondial

Mon identité ecclésiale se rattache au corps du Christ à travers le monde entier.

Christianity Today February 4, 2021
Illustration by Prixel Creative / Lightstock / Edits by Rick Szuecs

L’évêque qui m’a ordonné a été lui-même ordonné par des évêques africains. Ma prêtrise est un don accordé par le corps du Christ dans son ensemble. En conséquence, la progression de l’Église dans le Sud à travers le monde ne m'est jamais apparue comme un fait sociologique lointain. C’est un fait personnel et vital pour mon travail. Je m’identifie davantage à des croyants parlant d’autres langues, ayant des couleurs de peau différentes et vivant à l’autre bout de la planète qu’à certains de mes compatriotes blancs américains vivant dans mon quartier.

C’est un miracle : un acte de grâce permanent qui aurait été impensable avant la venue du Christ. Jésus a créé une nouvelle famille dont la parenté prime sur les liens culturels, nationaux et biologiques. Mais toute miraculeuse qu'elle est, cette famille élargie affecte ma journée ordinaire : la façon dont je prie, adore, vote et pense à mes voisins, à mon Église, à moi-même et au monde.

Au début du 20e siècle, 80% des chrétiens vivaient en Europe et en Amérique du Nord, et seulement 20% dans le monde non occidental. Aujourd'hui, c’est presque l’inverse. Les deux tiers des chrétiens du monde vivent dans le Sud. Ce renversement n’est pas tant dû au déclin de la foi en Occident qu'à la croissance explosive de l’Église dans le reste du monde. Je vois cela dans ma propre communion anglicane, qui décline dans les pays riches occidentaux et s'épanouit dans le Sud.

Cette réalité me donne de l’espoir. L’avant-garde du mouvement chrétien ne se trouve pas sur les côtes américaines. La culture nord-américaine ne détermine donc pas l’avenir de l’Église. La sécularisation occidentale ou même la marginalisation du christianisme en Occident ont à peu près autant de chances de limiter l’épanouissement de l’Église que d'arrêter un ouragan ou changer les saisons. La croissance autochtone et le renouveau du christianisme mondial – qui auraient été inimaginables il y a à peine 100 ans – nous rappellent que nous n’avons pas besoin d’avoir peur. Dieu travaille sans relâche dans le monde.

Cette croissance mondiale façonne également ma perspective sur la façon dont nous parlons de l’Église. Lorsque ma communauté de citadins normalement éduqués critique « l’Église », nous parlons le plus souvent de l’Église américaine voire même de l’Église américaine blanche. Compte tenu de notre contexte, cette simplification excessive a du sens, mais elle se focalise aussi subtilement sur les voix et les expériences des Américains blancs.

De même, lorsque les plus jeunes évangéliques quittent « l’Église » parce qu’ils sont frustrés par certains exemples occidentaux de celle-ci, ils s'éloignent simultanément de tout un corps majoritairement composé de personnes de toutes sortes de couleurs à travers le monde entier. Ces évangéliques du reste du monde préservent souvent l'unité de ce que de nombreux évangéliques américains blancs séparent trop facilement : un engagement équilibré entre une doctrine orthodoxe et le soin des pauvres et des opprimés.

Quand je pense aux évangéliques, je pense aux Singapouriens qui implantent des Églises en Thaïlande, aux familles rwandaises servant des réfugiés en Ouganda, aux séminaristes nigérians, ou aux evangélicos d’Amérique du Sud – une étiquette largement utilisée par les Latinos protestants. Nous devons garder ces voix au premier plan de toute discussion sur l’Église. Ils sont notre avenir, mais aussi notre présent – ceux qui composent la majorité des évangéliques sur terre.

Ces croyants du monde entier me rappellent également de ne pas abandonner ma propre Église. Il y a quelques années, je me suis surprise à penser : « L’Église américaine est en train de mourir et le mérite probablement, alors concentrons-nous seulement sur ce qui se passe ailleurs ». Je nous ai donnés pour perdu. Mais ensuite, mes frères et sœurs à l’étranger m’ont rappelé que bon nombre de ces mouvements maintenant florissants à l’étranger avaient commencé modestement. Des hommes et des femmes ont souffert avec joie pour l’Évangile. Ils continuent de le faire. Au milieu de la souffrance et même de la persécution, leur volonté est de poursuivre la mission de Jésus et d'aimer leur prochain. Nous sommes appelés à faire de même, où que nous soyons.

Pendant la saison de l’Épiphanie, de nombreuses Églises anglicanes utilisent la liturgie kenyane, et chaque année cela me rappelle que l’Église – et même le monde évangélique à lui seul – est plus grande et plus complexe que mon contexte limité. Juste avant de prendre l’Eucharistie, le célébrant dit: « Le Christ est vivant pour toujours ». La congrégation répond : « Nous sommes parce qu’il est ». Parce que Christ est vivant, nous, l’Église mondiale, pouvons prospérer ensemble en tant que nouvelle famille. Je suis une disciple de Jésus, une anglicane évangélique et une prêtresse de l’Église du Christ, parce que nous sommes un corps mondial. Et nous sommes parce qu’il est.

Tish Harrison Warren est prêtresse dans l’Église anglicane d’Amérique du Nord et auteur de Liturgie de la vie ordinaire (Excelsis, 2018, original en anglais) et Prayer in the Night (IVP, 2021).

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Votre livre de méditations n’est pas une bible

La portée de la Parole de Dieu ne se limite pas à l’inspiration et au réconfort. 

Christianity Today January 31, 2021
illustration by Rick Szuecs | Source images: Priscilla Du Preez / Unsplash

Que font ceux qui travaillent à l’enseignement de la Bible pour s'amuser le vendredi soir ? Ils consultent les listes de ventes d’Amazon pour voir quelle traduction biblique occupe la première place.

La dernière fois que j’ai fait cela en ce qui concerne les États-Unis, la nouvelle version internationale était en tête (NIV). La NIV est la traduction la plus vendue aux États-Unis depuis des décennies, mais dans le classement d’Amazon, elle se situait toutefois en cinquième place, battue par deux bibles pour enfants, une bible audio et, en tête, un livre de méditations populaire qui s'était retrouvé je ne sais comment dans la catégorie « Bible ».

Cet ouvrage de piété surpassait nettement les bibles de la liste, avec 5800 avis à cinq étoiles en 18 mois. Sa première place nous rappelle combien nombreux sont les chrétiens qui comptent sur les livres de méditations quotidiennes comme pratique de formation biblique et à quel point ces ouvrages de piété sont devenus une affaire importante.

Mais comment ces ressources nous forment-elles? Un livre de piété produit-il la piété au sens biblique du terme ?

Je suis retourné parcourir les descriptions d’autres livres de méditations populaires sur Amazon. Parmi les 10 plus vendus, l'un offrait 365 jours d’un « enseignement inspirant, inattendu et humble sur la grâce et l’amour qui vous préparera pour la journée à venir ». Un autre fournissait « un verset biblique inspirant sur lequel réfléchir et méditer tout au long de votre semaine ». Un autre encore promettait aux lecteurs qu'ils « seraient inspirés pour commencer à vivre leur vie en mission ». Le point à retenir était clair : la méditation quotidienne implique d’être inspiré.

Mais un autre élément déterminant apparaissait aussi de manière systématique dans les descriptions. Un de ces ouvrages était « conçu pour vous aider à soulager vos inquiétudes tandis que vous apprenez à vivre dans la paix du Dieu Tout-Puissant ». D’autres promettaient « des paroles d’encouragement, de réconfort et de rappel de l’amour éternel de Dieu », ou la capacité d’aborder la vie « avec la sagesse et le réconfort de la Bible ». Autre point à retenir : la méditation quotidienne implique d’être réconforté.

D'après la liste des meilleurs ventes d'ouvrages de piété, la piété vise à être inspiré et réconforté. Mais selon la Bible, c’est bien plus que ça.

En anglais, ces ouvrages sont appelés « devotionals », et on a parfois parlé en français de « livres de dévotion ». Dans la Bible, l'idée de « dévotion », ou de piété, est employée pour parler de consécration, de mise à part pour un service spécial. Tout comme un musée consacre une de ses ailes à une forme d'expression artistique particulière, Dieu nous dévoue à la manifestation de son image. Pourtant, nous faisons parfois l'erreur d'assimiler l'idée de piété ou de dévotion à une émotion. La piété n’est pas un simple sentiment. Elle est une action : elle sert et elle obéit. Jésus a établi ce lien lorsqu’il a enseigné que « Nul ne peut être en même temps au service de deux maîtres, car ou bien il détestera l’un et aimera l’autre, ou bien il sera dévoué au premier et méprisera le second » (Mt 6.24).

Comparez les descriptions de ces ouvrages les plus vendus sur Amazon aux paroles de Paul : « toute l’Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser et apprendre à mener une vie conforme à ce qui est juste. Ainsi, l’homme de Dieu se trouve parfaitement préparé et équipé pour accomplir toute œuvre bonne » (2 Tm 3.16-17).

Alors que les livres de méditation les plus vendus offrent de se laisser former au moyen de paroles inspirantes et réconfortantes, la véritable dévotion chrétienne – la pratique formatrice d’être mis à part pour servir – est fondée sur des paroles inspirées qui nous corrigent.

Les paroles de ces ouvrages de piété sont-elles bénéfiques ? Certaines, mais pas toutes. L’émotion est assurément une expression de la piété, mais n’est pas son tout. Les paroles bibliques de réconfort sont bénéfiques, mais les paroles de correction le sont aussi. Les deux sont des paroles de vie. Si la lecture de guides de méditation est notre outil de formation principal, nous courons le risque de développer des malformations dans notre spiritualité et – pire encore – de faire de Dieu lui-même une idole, un Dieu qui réconforte sans corriger, cherche la relation mais pas la repentance, aime mais ne discipline pas, et est notre compagnon mais pas notre capitaine.

C’est une chose qu'Amazon confonde un livre de méditations avec une bible. Mais qu’il ne soit pas dit des chrétiens que nous en sommes aussi arrivés là.

Les paroles inspirantes des humains sont un substitut dérisoire aux paroles inspirées de Dieu. Ces méditations, lorsqu'elles sont rédigées avec excellence, peuvent compléter notre temps passé dans les Écritures, mais elle ne doivent pas le régir ou le supplanter.

Pierre avait bien saisi toute la valeur de la parole divine dans sa question à Jésus: « Seigneur, vers qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6.68).

Chrétien, vers qui iras-tu pour recevoir des paroles de vie ? Pour des paroles formatrices, appliquées quotidiennement, pour te consacrer au service saint et à la soumission ? Amazon est heureux de te proposer des auteurs. Mais n’oublie pas l’auteur de toutes choses. Comme les fleurs sur la couverture d’un livre de piété, les mots humains passent. Mais la Parole du Seigneur – sans cesse utile pour le réconfort comme pour la correction – demeure éternellement.

Traduit par Valérie Marie-Agnès Dörrzapf

Révisé par Léo Lehmann

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Les 50 pays où il est le plus difficile d’être chrétien en 2021

Les dernières statistiques sur la persécution contre les chrétiens établissent que 9 martyrs sur 10 se trouvent en Afrique. Pour la première fois, le Nigéria rejoint la liste des 10 pays les plus persécuteurs, alors que le Soudan sort de la liste après certaines réformes.

Christianity Today January 13, 2021
Illustration by Mallory Rentsch / Source Image: Benne Ochs / Getty Images

Note de l'éditeur : Portes Ouvertes a maintenant publié la liste de surveillance mondiale 2023 de la persécution des chrétiens.

Chaque jour, 13 chrétiens dans le monde sont assassinés à cause de leur foi.

Chaque jour, 12 églises ou édifices chrétiens sont attaqués.

Et chaque jour, 12 chrétiens sont injustement arrêtés ou emprisonnés ; et 5 autres sont enlevés.

Tel est le rapport de l’Index Mondial de Persécution 2021, le dernier décompte annuel de Portes Ouvertes sur les 50 pays où les chrétiens sont le plus persécutés pour avoir suivi Jésus.

« On pourrait penser que cette [liste] ne parle que d’oppression… mais en fait, elle parle de résilience », affirme David Curry, Président et Directeur de Open Doors (Portes Ouvertes) USA, qui présente aujourd’hui ce rapport.

« Le nombre de chrétiens qui souffrent devrait signifier que l’Église est en train de mourir – que les chrétiens se tiennent tranquilles, qu’ils perdent la foi, et qu’ils s’éloignent les uns des autres, dit-il. Mais ce n’est pas ce qui se passe. Au contraire, grandeur nature, nous voyons s’accomplir les paroles consignées par le prophète Ésaïe : « Je vais tracer un chemin en plein désert et mettre des fleuves dans les endroits arides » (És 43.19).

Les pays de cette liste englobent 340 millions de chrétiens vivant dans des lieux de persécution très forte à extrême ; ils étaient 206 millions dans la liste de l’an dernier.

On peut en ajouter 31 millions à partir des 24 pays qui tombent juste à côté du top 50 – notamment Cuba, le Sri Lanka et les Émirats Arabes Unis – dans une proportion de 1 chrétien sur 8 devant affronter la persécution dans le monde. La proportion est de 1 chrétien sur 6 en Afrique, et 2 sur 5 en Asie.

L’année dernière, 45 nations se classaient assez haut pour être considérées comme ayant un niveau de persécution « très élevé » sur l’assortiment de 84 questions de Portes Ouvertes. Cette année, pour la première fois en 29 ans de recherches, les 50 premières se classent ainsi – de même que 4 nations supplémentaires qui étaient tombées juste en dehors.

Portes Ouvertes a repéré trois grandes tendances qui expliquent l’aggravation de l’année écoulée :

  • Le Covid-19 a servi de catalyseur de la persécution religieuse, et cela par trois leviers principaux : la discrimination dans les secours, la conversion forcée ; une surveillance et une censure croissantes justifiées par la pandémie (phénomène que nous connaissons tous, mais qui aggrave les oppressions déjà existantes). Ajoutons que les chrétiens sont fréquemment accusés d’être à l’origine du Covid…
  • Les agressions des extrémistes ont bénéficié des restrictions et des diverses formes de confinement pour se répandre davantage en Afrique sud-saharienne, du Nigéria et du Cameroun jusqu’au Burkina Faso, au Mali et au-delà.
  • Les systèmes de censure chinois continuent de se propager et de s’étendre à des conditions de surveillance nouvelles.

Portes Ouvertes étudie la persécution contre les chrétiens dans le monde depuis 1992. Voilà 20 ans que la Corée du Nord se classe n° 1, depuis 2002 au moment où la liste de l’Indice Mondial de Persécution a commencé.

La version 2021 étudie la période qui va du 1er novembre 2019 au 31 octobre 2020, et elle est établie à partir de rapports de terrain remontant d’équipiers de Portes Ouvertes dans plus de 60 pays.

L’objectif du classement annuel de l’Indice Mondial de Persécution – qui a fait l’historique de la manière dont la Corée du Nord a désormais des concurrents, la persécution ne cessant de s’aggraver – est de guider les prières et de susciter une réprobation plus efficace tout en montrant aux croyants persécutés qu’ils ne sont pas oubliés.

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Où y a-t-il le plus de persécution anti-chrétienne aujourd’hui ?

Cette année, les 10 plus grands persécuteurs sont à peu près les mêmes. Après la Corée du Nord, on trouve l’Afghanistan, suivi de la Somalie, de la Libye, du Pakistan, de l’Érythrée, du Yémen, de l’Iran, du Nigéria et de l’Inde.

Le Nigéria est entré parmi les 10 premiers pour la première fois, après avoir atteint le seuil de violence défini par Portes Ouvertes. Ce pays qui compte la plus grande population chrétienne d’Afrique, se classe en 9e position sur l’ensemble mais 2e juste derrière le Pakistan en matière de violence, et 1ère quant au nombre de chrétiens assassinés pour des raisons liées à leur foi.

Le Soudan quitte le top 10 pour la première fois en six ans après avoir aboli la peine de mort pour apostasie et garanti – du moins sur papier – la liberté de religion dans sa nouvelle Constitution après trois décennies de loi islamique. Il demeure néanmoins 13e sur la liste, car les enquêteurs de Portes Ouvertes ont remarqué que les chrétiens d’arrière-plan musulman continuent à subir des agressions, de l’ostracisation et de la discrimination de la part de leurs familles et communautés, les femmes chrétiennes étant soumises à des violences sexuelles.

Là où il est le plus difficile de suivre Jésus :



1. Corée du Nord
2. Afghanistan
3. Somalie
4. Libye
5. Pakistan
6. Érythrée
7. Yémen
8. Iran
9. Nigéria
10. Inde

L’Inde reste dans les 10 premiers pour la troisième année de suite parce qu’« elle continue de connaître une aggravation des violences contre les minorités religieuses à cause de l’extrémisme hindou soutenu par le gouvernement. »

Dans le même temps, la Chine a rejoint le top 20 pour la première fois en dix ans, à cause « d’une surveillance et d’une censure persistantes et croissantes contre les chrétiens et autres minorités religieuses. »

Sur les 50 nations les plus persécutrices :

  • 12 ont des niveaux « extrêmes » de persécution et 38 ont des niveaux « très élevés ». 4 autres en dehors des 50 premières se classent en « très élevé » : Cuba, le Sri Lanka, les Émirats Arabes Unis et le Niger.
  • 19 sont en Afrique (dont 6 en Afrique du Nord), 14 en Asie, 10 au Moyen-Orient, 5 en Asie centrale et 2 en Amérique latine.
  • 34 ont l’islam comme religion principale, 4 le bouddhisme, 2 l’hindouisme, une l’athéisme, une l’agnosticisme – et 10 le christianisme.

La liste 2021 a ajouté 4 nouveaux pays : le Mexique (n° 37), la République démocratique du Congo (RDC ; n° 40), le Mozambique (n° 45) et les Comores (n° 50).

Le Mozambique est monté de 21 points (depuis le 66e rang) « à cause de la violence islamique extrémiste dans la province septentrionale du Cabo Delgado. » La RDC est montée de 17 points (depuis le 57e rang) « surtout en raison des attaques contre les chrétiens de la part du groupe islamique ADF. » Le Mexique est monté de 15 points (depuis le 52e rang) à cause de la violence et de la discrimination anti-chrétienne de la part des trafiquants de drogue, des gangs et des communautés indigènes.

4 pays sont sortis de la liste : le Sri Lanka (ex n° 30), la Russie (ex n° 46), les Émirats Arabes Unis (ex n° 47) et le Niger (ex n° 50).

Là où les chrétiens affrontent le plus de violence :



1. Pakistan
2. Nigéria
3. République démocratique du Congo
4. Mozambique
5. Cameroun
6. République de Centrafrique
7. Inde
8. Mali
9. Sud-Soudan
10. Éthiopie

Période couverte par Portes Ouvertes : novembre 2019 à octobre 2020

Autres changements notables de classement : la Colombie est montée de 11 points, passant du n° 41 au n° 30 à cause des violences perpétrées par les guérilleros, les groupes criminels et les communautés indigènes et aussi à cause de l’intolérance séculière croissante. La Turquie est montée de 11 points depuis le 36e rang jusqu’au 25e rang à cause d’une recrudescence de violence anti-chrétienne. Et le Bangladesh est monté de 7 points depuis le 38e rang pour atteindre le 31e rang à cause des agressions de chrétiens convertis parmi ses réfugiés rohingyas.

Toutefois, d’autres types de persécutions peuvent surpasser la violence [explications à suivre]. Par exemple, la République de Centrafrique est descendue de 10 points, de 25 à 35, quoique la violence contre les chrétiens y demeure extrême. Et le Kenya est descendu de 6 points, de 43 à 49, bien que les agressions s’y soient « singulièrement accrues ».

Pendant ce temps, le Sud-Soudan se classe parmi les 10 pays les plus violents repérés par Portes Ouvertes (9e rang), mais il n’atteint pas le top 50 de l’Indice (au n° 69).

En 2017, pour le 25e anniversaire de la liste, Portes Ouvertes a publié une analyse des tendances de la persécution sur le quart de siècle écoulé. Les 10 premières nations sur une période de 25 ans étaient : la Corée du Nord, l’Arabie Saoudite, l’Iran, la Somalie, l’Afghanistan, les Maldives, le Yémen, le Soudan, le Vietnam et la Chine.

Cinq pays apparaissent à la fois en tête de la liste de ces 25 années et sur la liste de 2021 – signe préoccupant de la stabilité de la persécution, constate Portes Ouvertes.

Enfin, tous les pays de l’Index sont passés au niveau de persécution « très forte » à « extrême ». La persécution des chrétiens dans le monde excède de beaucoup l’Index. Depuis 8 ans, elle ne cesse de monter. On estime qu’entre les Index 2017 et 2021, elle a augmenté de plus de 8%.

Les formes de la persécution contre les chrétiens

Portes Ouvertes enquête sur la persécution en fonction de six catégories – incluant les pressions à la fois sociales et gouvernementales sur les individus, les familles et les assemblées – et s’intéresse particulièrement aux femmes.

Mais dès lors que la violence est prise comme catégorie à part, les 10 premiers pays persécuteurs changent considérablement ; seuls restent le Pakistan, le Nigéria et l’Inde. En réalité, il y a 20 pays qui sont désormais plus mortifères pour les chrétiens que la Corée du Nord.

Les martyres enregistrés dans le monde sont montés à 4 761 dans le rapport 2021, soit 60% de plus par rapport aux 2 983 du chiffre de l’année précédente et plus que les 4 305 morts recensés dans le rapport 2019. (Portes Ouvertes a pour réputation de préférer une estimation plus restreinte que d’autres ONG, qui estiment souvent les martyres à 100 000 par an.)

9 chrétiens sur 10 tués en raison de leur foi se situaient en Afrique, le reste en Asie. Le Nigéria vient en tête avec 3 530 martyrs confirmés par Portes Ouvertes dans sa liste de 2021.

Les enlèvements de chrétiens sont montés à 1 710, à comparer aux 1 052 de l’année précédente où Portes Ouvertes a fait entrer cette catégorie pour la première fois dans ses enquêtes. Le Nigéria vient en tête de liste avec 990 enlèvements.

C’est la Chine qui commet le plus d’exactions dans les deux autres catégories déjà renseignées par Portes Ouvertes.

Pékin a arrêté, emprisonné ou détenu arbitrairement 1 147 chrétiens pour des raisons liées à leur foi, sur un total de 4 277 arrestations dans le monde. Cette évaluation faite par Portes Ouvertes est à comparer au chiffre de 3 711 l’an dernier et 3 150 en 2019.

Pendant ce temps, les attaques contre les églises ou leur fermeture forcée ont atteint 4 488 cas dans le monde. Dans le rapport de l’an dernier, le décompte avait bondi de 1 847 à 9 488, dont 5 576 rien que pour la Chine.

Portes Ouvertes tient à préciser que dans plusieurs pays, les violations ci-dessus sont très difficiles à établir avec précision. Dans ces cas, des chiffres ronds sont présentés, toujours sur la base d’estimations basses.

Ces recherches sont certifiées et examinées par l’Institut International pour la Liberté Religieuse, un réseau basé en Allemagne et soutenu par l’Alliance Évangélique Mondiale.

Pourquoi les chrétiens sont-ils persécutés dans ces pays ?

Le motif principal diffère selon les pays, et le fait de mieux saisir les différences peut aider les chrétiens des autres nations à prier et à intervenir plus efficacement pour leurs frères et sœurs en Christ sous pression.

Par exemple, bien que l’Afghanistan soit le 2e pays le plus persécuteur du monde et une nation officiellement musulmane, le principal motif de persécution – d’après les enquêtes de Portes Ouvertes – n’est pas l’extrémisme islamique mais les rivalités ethniques, ou ce que le rapport appelle « l’oppression clanique ».

Portes Ouvertes répartit les sources essentielles de persécution anti-chrétienne en 8 catégories :

L’oppression islamique (29 pays) : Telle est la source principale de persécution que les chrétiens ont à affronter dans plus de la moitié des pays examinés, y compris 5 des 12 où les chrétiens doivent affronter des niveaux « extrêmes » : la Libye (n°4), le Pakistan (n°5), le Yémen (n°7), l’Iran (n°8) et la Syrie (n°12). La plupart des 29 sont officiellement des nations musulmanes ou bien sont majoritairement musulmanes ; toutefois, certaines sont à majorité chrétienne : le Nigéria (n°9), la République de Centrafrique (n°35), l’Éthiopie (n°36), la République démocratique du Congo (n°40), le Cameroun (n°42), le Mozambique (n°45) et le Kenya (n°49).

L’oppression clanique (6 pays) : C’est la principale source de persécution affrontée par les chrétiens en Afghanistan (n°2), en Somalie (n°3), au Laos (n°22), au Qatar (n°29), au Népal (n°34) et à Oman (n°44).

La paranoïa dictatoriale (5 pays) : C’est la source principale de persécution que les chrétiens doivent affronter dans 5 pays, essentiellement en Asie Centrale à majorité musulmane : l’Ouzbékistan (n°21), le Turkménistan (n°23), le Tadjikistan (n°33), Brunei, n°39) et le Kazakhstan (n°41).

Le nationalisme religieux (3 pays) : C’est la source principale de persécution que les chrétiens doivent affronter dans 3 pays d’Asie. Les chrétiens sont prioritairement ciblés par les nationalistes hindous en Inde (n°10), et par les nationalistes bouddhistes au Myanmar (n°18) et au Bhoutan (n°43).

Oppression communiste et post-communiste (3 pays) : C’est la source principale de persécution que les chrétiens doivent affronter dans 3 pays, tous en Asie : Corée du Nord (n°1), Chine (n°17) et Vietnam (n°19).

Protectionnisme dénominationnel chrétien (2 pays) : C’est la source principale de persécution que les chrétiens doivent affronter en Érythrée (n°6) et en Éthiopie (n°36).

Crime organisé et corruption (2 pays) : C’est la source principale de persécution que les chrétiens doivent affronter en Colombie (n°30) et au Mexique (n°37).

Intolérance séculière (0 pays) : Portes Ouvertes surveille cette source de persécution qui frappe les chrétiens, mais ce n’en pas la source principale dans les 50 pays étudiés.

Les principales tendances de la persécution des chrétiens

Portes Ouvertes a repéré 4 tendances nouvelles ou persistantes sur le pourquoi et le comment des persécutions contre les chrétiens dans l’année écoulée.

Premièrement : la pandémie a ouvert un nouveau boulevard à la persécution ; Portes Ouvertes a pu observer la discrimination contre les chrétiens recevant de l’assistance liée au Covid-19 en Éthiopie, en Malaisie, au Nigéria, au Vietnam et au Moyen-Orient.

En Inde, où plus de 100 000 chrétiens ont reçu de l’aide de la part de partenaires de Portes Ouvertes, on a rapporté que 80% d’entre eux ont « été écartés des points de distribution de nourriture. Certains ont dû faire des kilomètres à pied et dissimuler leur identité chrétienne pour obtenir des aliments ailleurs », observent les enquêteurs. Portes Ouvertes a également rassemblé des rapports sur « des chrétiens de zones rurales à qui on a refusé de l’assistance » au Myanmar, au Népal, au Vietnam, au Bangladesh, au Pakistan, en Asie Centrale, en Malaisie, en Afrique du Nord, au Yémen et au Soudan. « Parfois, ce refus était sous la responsabilité de fonctionnaires gouvernementaux, mais plus fréquemment cela provenait de chefs de villages, de comités ou autres instances dirigeantes locales. »

Portes Ouvertes commente :

« La pandémie mondiale a rendu la persécution plus flagrante que jamais, tout simplement parce que beaucoup de gens ont besoin de secours. La discrimination et l’oppression évidentes endurées par les chrétiens en 2020 ne devra pas être oubliée, même quand la crise du Covid-19 se sera dissipée dans la mémoire collective. »

Les confinements liés à la santé publique ont également accru la vulnérabilité de beaucoup de croyants : « Les chrétiens qui abandonnent une religion majoritaire pour suivre le Christ savent qu’ils risquent de perdre le soutien du conjoint, de la famille, de la tribu et de la communauté, et aussi celui des autorités locales et nationales », constatent les enquêteurs. « S’ils perdent des revenus à cause du Covid-19, ils ne peuvent pas se rabattre sur les réseaux coutumiers pour survivre. » Dans le même temps, les dirigeants d’Églises depuis l’Égypte jusqu’à l’Amérique Latine ont confié à Portes Ouvertes que les interdictions des offices religieux ont fait chuter les dons de 40%, réduisant leurs revenus ainsi que la capacité de leurs congrégations à procurer de l’assistance à la communauté élargie.

Commentaire de Portes Ouvertes :

« La plupart des convertis issus des religions majoritaires disent que le confinement dû à une quarantaine liée au Covid-19 les a confinés en compagnie de ceux qui s’opposaient le plus à leur foi en Jésus. Cela concerne surtout les femmes mineures et les enfants. Pour des millions de chrétiens, le travail, l’instruction et autres éléments extérieurs fournissent une brève période d’accalmie par rapport à la persécution habituelle. Aussi, quand survient le confinement, cela signifie que ce répit n’existe plus.

Nous avons aussi reçu des rapports disant que l’enlèvement, la conversion forcée ainsi que les mariages forcés de femmes et de jeunes filles se sont aggravés pendant la pandémie à cause de leur vulnérabilité accrue. En outre, des endroits d’Amérique Latine qui sont exposés aux gangs de trafiquants de drogue sont devenus encore plus dangereux pour les chrétiens, car la pandémie a diminué la présence des autorités officielles qui sont occupées à maintenir l’ordre. »

Deuxièmement ; la surveillance vidéo et numérique des groupes religieux ainsi que les progrès en matière de technologie de surveillance et la prolifération de celle-ci constitue une autre tendance marquante.

« La Chine affirme qu’elle a agi énergiquement pour contenir le Covid-19 après l’envolée du virus à Wuhan, remarquent les enquêteurs de Portes Ouvertes. Mais pour ses 97 millions de chrétiens, le coût en restrictions lourdes est élevé – surveillance jusque dans leurs maisons, pistage d’interactions en ligne et hors ligne, visages scannés pour la base de données de la Sécurité publique.

D’après le rapport :

« Les rapports de comtés dans les provinces du Henan et du Jiangxi disent que des caméras équipées pour la reconnaissance faciale sont désormais présentes dans toutes les manifestations religieuses approuvées par l’État. Beaucoup de ces caméras auraient été installées à proximité de caméras standard en circuit fermé, mais elles sont reliées au Bureau de la Sécurité publique, ce qui signifie que l’intelligence artificielle peut instantanément se connecter à d’autres bases de données gouvernementales. Le logiciel de reconnaissance faciale est relié au « Système de Conformité sociale » en Chine, qui supervise la loyauté des citoyens selon les critères du communisme. »

Pareillement, en Inde, les enquêteurs de Portes Ouvertes constatent que « les minorités religieuses redoutent que les applis qui détectent les contacts n’aient des ‘fonctions cachées’ et qu’elles ne soient utilisées pour garder l’œil sur elles et sur leurs mouvements. »

Troisièmement : la tendance à la « citoyenneté liée à la religion » a continué à se répandre. « Dans des pays comme l’Inde et la Turquie, l’identité religieuse est de plus en plus liée à l’identité nationale. Cela signifie que pour être un ‘vrai’ Indien ou un bon Turc, il faut être respectivement hindou et musulman, constatent les observateurs. Cela est souvent implicitement – voire explicitement – encouragé par les gouvernements en place. »

Commentaire de Portes Ouvertes :

« Au milieu d’un sursaut de nationalisme hindou, les chrétiens de l’Inde sont constamment sous la pression d’une propagande véhémente. Le message : ‘Pour être Indien, il faut être hindou’ signifie que des émeutiers continuent à attaquer et à harceler les chrétiens, sans oublier les musulmans. La croyance selon laquelle les chrétiens ne sont pas de vrais Indiens entraîne une discrimination et une persécution étendues souvent menées en toute impunité. L’Inde continue aussi à bloquer le flux des fonds étrangers vers de nombreux hôpitaux, écoles et organisations gérés par des chrétiens, tout cela sous le prétexte de protéger l’identité nationale indienne.

En Turquie, le gouvernement turc a également assumé le rôle de protecteur nationaliste de l’islam. À l’origine, Sainte Sophie était une cathédrale chrétienne, puis elle devint une mosquée, jusqu’à ce que la Turquie moderne décide d’en faire un musée. Mais en juillet 2020, le président turc persuada une cour d’en refaire une mosquée, renforçant ainsi le nationalisme turc… L’influence et le nationalisme de la Turquie visent à se développer au-delà de ses frontières, et très notablement dans son soutien apporté à l’Azerbaïdjan dans son conflit avec l’Arménie. »

Quatrièmement : les attaques perpétrées essentiellement pas les musulmans extrémistes se sont accrues malgré les confinements destinés à contenir le coronavirus. « Dans une grande partie du monde, la violence contre les chrétiens a effectivement diminué pendant la pandémie de Covid-19 », constatent les enquêteurs, mais les chrétiens d’Afrique sud-saharienne « ont affronté des niveaux de violence supérieurs de 30% à ce qu’ils étaient l’année précédente. »

Portes Ouvertes commente ainsi :

« Plusieurs villages du Nigéria essentiellement chrétiens ont été soit occupés soit saccagés par des bergers musulmans militants Haousa-Foulani ; parfois, des champs et des récoltes ont également été anéantis. Boko Haram – ainsi que le groupe dissident État islamique de la Province d’Afrique de l’Ouest, affilié à Daech – continuent à ravager le Nigéria et le nord-Cameroun.

Dans la région du Sahel juste au sud du désert du Sahara, l’extrémisme islamique est alimenté par l’injustice et la pauvreté. Ces groupes extrémistes exploitent les failles du gouvernement, et les djihadistes armés exercent de la propagande, font du recrutement et mènent des attaques régulières. Cette année, plusieurs groupes ont juré de faire la guerre contre les ‘infidèles’ comme les chrétiens ; ils prétendent : ‘Allah nous punit tous avec la pandémie à cause des infidèles’.

Au Burkina Faso, connu jusqu’à présent pour son harmonie interreligieuse entre musulmans et chrétiens, un million de personnes –soit 1/20e de la population – sont déplacées (et davantage encore ont faim) à cause de la sécheresse ajoutée à la violence. L’an dernier, le Burkina Faso est hélas entré dans l’Index Mondial de Persécution pour la première fois. Cette année, les extrémistes islamiques continuent à viser les églises (14 morts dans une attaque, 24 dans une autre). »

Points de comparaison entre l’Index Mondial de Persécution et les rapports analogues sur la persécution religieuse.

Portes Ouvertes pense qu’il est raisonnable de qualifier le christianisme de religion la plus gravement persécutée dans le monde. Cependant, elle note qu’il n’existe pas de documentation comparable pour la population musulmane dans le monde.

D’autres évaluations sur la liberté religieuse dans le monde corroborent nombre de constatations faites par Portes Ouvertes. Par exemple, la dernière analyse du Pew Research Center sur les hostilités gouvernementales et sociétales envers les religions a découvert que les chrétiens étaient harcelés dans 145 pays en 2018, davantage que tout autre groupe. Les musulmans étaient harcelés dans 139 pays, suivis des Juifs dans 88 pays.

En examinant les seules hostilités perpétrées par les gouvernements, les musulmans étaient inquiétés dans 126 pays et les chrétiens dans 124 pays, d’après Pew. Quand on observe uniquement l’hostilité au sein de la société, les chrétiens étaient harcelés dans 104 pays et les musulmans dans 103 pays.

Toutes les nations du monde sont scrutées par les enquêteurs de Portes Ouvertes et le personnel sur le terrain, mais une attention approfondie est accordée à 100 pays avec une accentuation particulière sur les 74 qui enregistrent de « hauts » niveaux de persécution (des scores de plus de 40 points sur l’échelle de Portes Ouvertes qui en compte 100).

Le classement de la l’Index Mondial de Persécution 2021:

Classement

Pays

1

Corée du Nord

2

Afghanistan

3

Somalie

4

Libye

5

Pakistan

6

Érythrée

7

Yémen

8

L'Iran

9

Nigeria

10

Inde

11

Irak

12

Syrie

13

Soudan

14

Arabie Saoudite

15

Maldives

16

Egypte

17

Chine

18

Myanmar

19

Vietnam

20

Mauritanie

21

Ouzbékistan

22

Laos

23

Turkménistan

24

Algérie

25

Turquie

26

Tunisie

27

Maroc

28

Mali

29

Qatar

30

Colombie

31

Bangladesh

32

Burkina Faso

33

Tadjikistan

34

Népal

35

République centrafricaine

36

Ethiopie

37

Mexique

38

Jordan

39

Brunei

40

République Démocratique du Congo

41

Kazakhstan

42

Cameroun

43

Bhoutan

44

Oman

45

Mozambique

46

Malaisie

47

Indonésie

48

Koweit

49

Kenya

50

Comores

Traduction : Philippe Malidor

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