L’intervention en Afghanistan : succès ou gâchis ?

Alors que le monde entier débat du retrait des États-Unis, 15 personnalités réfléchissent à la manière d’appliquer leur foi à ce qui s’est passé, et à ce qui suivra.

Des fresques murales le long des murs de l’ambassade américaine encore paisible, le 30 juillet 2021 à Kaboul, Afghanistan.

Des fresques murales le long des murs de l’ambassade américaine encore paisible, le 30 juillet 2021 à Kaboul, Afghanistan.

Christianity Today August 31, 2021
Paula Bronstein / Getty Images

Il sera difficile d'oublier les images d'Afghans se ruant sur les avions en partance, certains s’y accrochant à mains nues dans leur désespoir de quitter leur pays après la prise de Kaboul par les talibans.

La mise en œuvre par le président Joe Biden du retrait d'Afghanistan prévu par l'ancien président Donald Trump, la prise de pouvoir rapide des talibans et l'absence apparente de coordination et de planification pour évacuer les traducteurs et autres personnes menacées de persécution ont suscité une intense indignation et une grande tristesse dans le monde entier.

Les chrétiens ne sont pas tous d'accord sur ce que le gouvernement et l'armée américaine auraient dû faire. Mais ils essaient de mettre leur foi en pratique pour tenter de comprendre au mieux ce qui est juste après ces événements.

Christianity Today a interrogé 15 personnalités pour savoir ce qu'elles déplorent dans le retrait américain et la prise de pouvoir des talibans, comment elles prient pour l'avenir de l'Afghanistan, ce qu'elles pensent que les chrétiens américains peuvent apprendre de cette guerre, quel en sera selon elles l'impact à long terme sur le champ missionnaire et si les décennies d'investissement des troupes américaines et des travailleurs chrétiens étrangers ont porté du fruit.

Nos contributeurs :

Chris Seiple

est président émérite de l'

Institute for Global Engagement

(« Institut pour l’engagement mondial) et auteur de

The US Military/NGO Relationship in Humanitarian Interventions

(« La relation entre armée américaine et ONGs dans les interventions humanitaires »).

Paul Miller

est professeur de pratique des affaires internationales à la

Georgetown University’s School of Foreign Service

(« École du service diplomatique de l’université de Georgetown »). Il a précédemment occupé le poste de directeur pour l'Afghanistan et le Pakistan au sein du Conseil national de sécurité américain..

Mariya Dostzadah Goodbrake

et sa famille étaient autrefois des réfugiés afghans. Elle est aujourd'hui directrice exécutive de

Global FC

, une organisation qui s'occupe des réfugiés dans la région de Kansas City.

Eugene

, un travailleur chrétien qui a servi en Afghanistan et au Pakistan pendant des décennies et qui a requis l'anonymat en raison de son ministère en cours.

Jenny Yang

est vice-présidente chargée de la promotion et de la politique de

World Relief

, la branche humanitaire de la

National Association of Evangelicals

et l'une des neuf agences américaines de réinstallation des réfugiés.

Mark Tooley

est l’éditeur de

Providence: Journal of Christianity & American Foreign Policy

et président de l’

Institute on Religion and Democracy

.

Humphrey Peters

est le primat de l'Église du Pakistan et l'évêque du diocèse de Peshawar, qui englobe Kaboul.

Ryan Brasher

a passé sept ans (2014-2021) comme professeur de sciences politiques au

Forman Christian College

de Lahore, au Pakistan.

Mark Morris

est directeur de RefugeeMemphis.com et professeur d'études théologiques urbaines à

Union University

.

Mansour Borji

est directeur de la promotion pour

Article 18

, une organisation qui soutient les chrétiens persécutés en Iran.

Josh Manley

est le pasteur principal de l'église de Ras Al Khaimah, aux Émirats arabes unis, et il a établi des relations avec des pasteurs afghans.

Fouad Masri

est président et directeur général de

Crescent Project

et pasteur libano-américain.

Hurunnessa Fariad

est une musulmane américaine d'origine afghane et directrice de l'action sociale du

Multi-Faith Neighbors Network

, qui établit des relations entre les communautés religieuses afin de diminuer la méfiance ou les oppositions.

Un autre contributeur est un ancien responsable missionnaire d'Asie du Sud-Est, qui a requis l'anonymat en raison du fait qu'il est toujours actif dans la région concernée.

Une dernière contributrice est une Afghane basée aux États-Unis et mariée à un pasteur afghan, qui a requis l'anonymat en raison de ses relations personnelles en Afghanistan.

Cliquez pour naviguer parmi les questions suivantes :

Que regrettez-vous le plus dans le retrait américain et la prise de pouvoir des talibans ?

Femme d'un pasteur afghan : C'est arrivé si vite et personne n'était prêt. Il avait été dit que ce serait pour septembre, mais ils sont partis si vite. Ma sœur célibataire n'a pas pu partir.

Hurunnessa Fariad : La première est de savoir qu'une nation pleine de gens résilients et persévérants va continuer à souffrir. Plus de 40 ans d'effusion de sang et de peur, c'est trop, et cela ne devrait pas se produire dans le monde d'aujourd'hui. L'Afghanistan est retourné à l'âge sombre, littéralement du jour au lendemain.

Deuxièmement, la lâcheté avec laquelle le président Ghani a abandonné sa responsabilité de servir le peuple afghan. […] Il a vendu et laissé l'Afghanistan aux loups. Troisièmement, le retrait américain a été si mal planifié et exécuté. La panique et la ruée qui ont suivi à l'aéroport de Kaboul auraient pu être évitées. Qu'advient-il des plus de 80 000 demandeurs de visa d’immigrants spéciaux (SIV) à qui le gouvernement américain avait promis la protection et qui sont pourtant bloqués à Kaboul, craignant pour leur vie alors que les talibans reprennent le contrôle ?

Quatrièmement, la violence et le contrôle qui seront exercés sur les femmes afghanes. L'idée que les femmes soient à nouveau contraintes de porter la burqa, qu'elles ne soient pas autorisées à sortir de chez elles sans une escorte masculine légale, qu'elles ne puissent pas aller à l'école ou travailler, qu'elles soient contraintes de se marier avec des membres des talibans, fait bouillir mon sang et saigner mon cœur pour mon peuple.

Paul Miller : Je ne sais pas par où commencer. Je déplore les vies perdues, les libertés perdues, l'injustice rampante, la victoire de la tyrannie et de la terreur. Les méchants ont gagné. Nous vivons dans un monde où une coalition des nations les plus riches et les plus puissantes de l'histoire s'est collectivement persuadée qu'elle était impuissante à arrêter la plongée d'une nation dans l'anarchie et la barbarie. Et, comme elle était impuissante, elle s'est racontée le mythe réconfortant que c'était inévitable, qu'il n'y avait rien à faire. Je déplore les mensonges que nous nous racontons et les mythes que nous tissons pour nous aider à nous sentir mieux face aux décisions moralement insensées et lâches que nous prenons.

Jenny Yang : Je suis préoccupé par les retombées humanitaires du retrait américain d'Afghanistan et par le manque de planification qui a placé de nombreux Afghans vulnérables dans une situation très difficile et limité les options pour ceux qui doivent être évacués. De nombreux groupes de personnes craignent les conséquences du retour au pouvoir des talibans : les personnes associées à l'armée américaine, les chrétiens et les autres minorités religieuses, les femmes et les jeunes filles, en particulier celles qui ont saisi l'occasion de poursuivre leur éducation. Nous sommes en deuil avec ces personnes et nous demandons aux États-Unis et aux autres pays de faire pression sur les talibans pour leur offrir le plus de protections possibles.

Mansour Borji : Le fait que les valeurs chèrement acquises des droits de l'homme et de la démocratie sont de plus en plus ternies en raison du manque de vision et d'engagement à long terme des puissances occidentales qui ne les défendent que du bout des lèvres, alimentant ainsi les idéologies et les régimes despotiques qui exploitent les pays et bafouent la dignité de leurs citoyens.

Josh Manley : Si je déplore de nombreuses réalités concernant la prise de contrôle de l'Afghanistan par les talibans, je déplore surtout la situation périlleuse dans laquelle cela place nos chers frères et sœurs de l'Église afghane. Pendant un certain temps, ils avaient connu un certain degré relatif de stabilité et de sécurité. Je déplore ce que les nouvelles circonstances pourraient signifier pour leur avenir. Je déplore la peur et l'inquiétude qui les assaillent en ce moment même.

Mark Tooley : Cette guerre, comme toutes les guerres, reflète la dépravation humaine. Celle-ci est inévitable et inéluctable. Et pourtant, nous pouvons admirer le sacrifice et le courage de tous les Américains, Afghans, et différents membres de l'OTAN et de nombreuses ONG qui ont travaillé et se sont donnés pour que l'Afghanistan échappe aux ravages du passé. Les succès ont été nombreux : une espérance de vie plus longue, une meilleure santé, plus d'éducation, plus de libertés, et ce pendant 20 ans. Ces victoires ne seront pas entièrement étouffées par les talibans. Et nous pouvons supposer que l'Église en Afghanistan, aussi petite soit-elle, a planté des graines dont les générations futures récolteront les fruits au-delà de ce que nous pouvons imaginer.

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Comment priez-vous pour l'avenir de l'Afghanistan ?

Femme d’un pasteur afghan : Pour la liberté des femmes.

Chris Seiple : Ma prière est que l’Église d'Afghanistan et du reste de l'Asie centrale découvre de nouvelles façons d'être équipée et de servir. J'espère en particulier que les Églises d'Afghanistan et de cette région, ainsi que de la région Moyen-Orient/Afrique du Nord, deviendront des lieux de prise en charge des traumatismes – et donc de réconciliation interne et externe – au service de toute la société.

Mark Morris : Prions pour le salut des dirigeants talibans. Prions pour que Dieu cache ceux qui courent le plus de risques aux mains malveillantes des hommes mauvais. Prions pour que l'Évangile progresse et que le Christ consolide son Église en Afghanistan.

Mansour Borji : Que la vie des gens soit épargnée, en particulier celle des personnes ayant une foi et/ou des convictions que des groupes intolérants comme les talibans jugent dangereuses et susceptibles de saper leur régime totalitaire. Que l'Afghanistan renaisse de ses cendres comme un phénix, cette fois plus fort et plus sage. La dernière fois que les talibans étaient au pouvoir, le peuple afghan a mesuré la vacuité des promesses faites par les révolutionnaires islamistes. Une nouvelle génération va revivre cette expérience.

Paul Miller : Je prie pour la victoire du royaume de Dieu, pour la paix et la justice, alors qu'il est manifestement humainement impossible que ces choses se réalisent dans un avenir prévisible.

Évêque Peters : Nous prions pour que le Saint-Esprit touche les talibans afin qu'ils restent tolérants et reconnaissent les droits de l'homme de tous les peuples. Le corps mondial du Christ doit exprimer l'amour et la compassion chrétienne aux talibans et partager la bénédiction et la joie que Dieu nous a données. Si, avant le retrait, nous priions une fois par jour pour l'Afghanistan, nous devrions maintenant prier dix fois.

Jenny Yang : Je prie en priorité pour ceux qui cherchent désespérément à s'enfuir, afin que Dieu préserve leur vie et leur permette – que ce soit par l'intermédiaire du gouvernement américain ou autrement – de trouver refuge dans un endroit sûr où leurs droits et leur dignité sont pleinement respectés. Au-delà de cela, je prie pour l'épanouissement du peuple afghan, en particulier de ceux qui sont particulièrement vulnérables, afin qu'ils fassent l'expérience de la liberté et de la joie au milieu d'un environnement difficile. Et je prie pour que la communauté internationale continue à pousser les talibans à préserver les droits et libertés des femmes et des enfants, des minorités religieuses et ethniques, et de tous ceux qui sont souvent en désaccord avec leur régime et pourraient en souffrir.

Hurunnessa Fariad : Je prie pour que les enfants afghans n'aient jamais à s'endormir au son des bombes et des coups de feu. Je prie pour que la nation soit florissante dans tous les domaines de la vie – éducation, affaires, tourisme – qu'elle encourage et protège les femmes et les droits de l'homme pour toutes les ethnies qui composent l'Afghanistan. Je prie pour que l'Afghanistan soit reconnu comme une nation forte, digne et persévérante, comme elle l'était avant l'invasion soviétique.

Eugene: Que le peuple afghan commence à penser son avenir sans la présence de militaires d'autres nations sur son territoire pour le contrôler et parler d'édification de la nation alors que le peuple de tout État a le droit de le faire lui-même. Que les talibans tiennent leurs promesses d'une société plus libre où les femmes participent à tous les aspects de la vie et où les filles/femmes sont scolarisées. Que les disciples de Jésus grandissent en nombre et en maturité et bénissent le pays par des actes et des paroles transformateurs.

Fouad Masri : Je prie pour la protection et la multiplication des croyants clandestins. Je prie pour que les Afghans voient qu'un groupe djihadiste ne peut être le leader légitime de toute la diversité du peuple afghan. Je prie pour que les Afghans hors de leur pays rencontrent des amis chrétiens qui les réconfortent.

Mariya Dostzadah Goodbrake : Je prie spécifiquement pour qu'une génération pleine de courage, de résilience et de détermination se lève. Je crois que la génération qui a reçu un avant-goût de la liberté et de la dignité la plus élémentaire n'oubliera pas. Nous servons un Dieu qui nous rappelle constamment de ne pas oublier, de nous souvenir, de réfléchir au chemin que nous avons emprunté. Ma prière profonde est que cette génération n'oublie pas le parfum de la démocratie mais se lève avec courage pour vaincre l'ennemi. Je prie pour une intervention surnaturelle dans le cœur du peuple afghan, pour que les valeurs et les principes du Royaume soient miraculeusement plantés comme des graines dans le sol afghan, pour qu'ils poussent comme des arbres et portent des fruits au-delà de notre compréhension. Aucune démocratie ne se construit en 20 ans. Rien n'est perdu.

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Quelles réflexions les chrétiens américains devraient-ils tirer de cette guerre ?

Ryan Brasher : Les chrétiens américains devraient a) être reconnaissants pour cette période d'ouverture dans l'histoire de l'Afghanistan ; b) faire preuve de sagesse et de discernement, plutôt que de patriotisme aveugle, lorsque le gouvernement américain propose des opérations militaires à l'étranger (qui peuvent très bien être justifiées, mais il y a très peu d'exemples, après la Seconde Guerre mondiale, d'interventions militaires réussies (et éthiques), en particulier dans le Sud) ; c) être ouverts à l'accueil des réfugiés d'Afghanistan et d'autres pays déchirés par la guerre – y compris dans leurs propres quartiers.

Chris Seiple : La formulation de la question en appelle une autre : Sommes-nous des Américains qui se trouvent être chrétiens, ou des chrétiens qui se trouvent être Américains ? Quoi qu'il en soit, il existe des façons séculières et ecclésiales de réfléchir à la guerre, en reconnaissant que Dieu est souverain – et que le Saint-Esprit travaille activement dans les deux cas.

Sur le plan « spirituel », il est juste de se demander si un chrétien devrait même se soucier de telles choses, d'autant plus que la « victoire est déjà remportée ». Je pense que oui – sans équivoque – puisque nous sommes appelés à construire le royaume de Dieu « sur la terre comme au ciel ».

Mais nous devons davantage travailler à notre théologie de la citoyenneté, ainsi qu'à notre théologie de l'engagement et à notre théologie de la souffrance, qui doivent toutes former et alimenter la théorie séculière du changement positif qui permette de comprendre comment la mise en œuvre de nos convictions sert le bien commun. Pour ce faire, nous devons être des chrétiens crédibles et des Américains crédibles. Et pour être crédibles, nous devons être qualifiés pour notre engagement. N'oubliez pas : Dieu n'a pas besoin de nous pour faire sa volonté. Mais il souhaite ardemment que nous prenions part à ce qu'il fait déjà. Nous ne nous engageons pas d’abord dans le monde pour le changer, mais parce qu'il nous a changés.

Mansour Borji : Les Américains ont payé cette guerre de leur sueur et de leur sang. Leurs impôts ont été investis dans l'effort de guerre et leurs jeunes sont morts sur les champs de bataille. Cette guerre avait pour but de déraciner une idéologie qui a engendré le 11 septembre. Cela n'a rien à voir avec un pique-nique ! Les chrétiens américains devraient demander des comptes à leurs gouvernements afin qu'ils démontrent les valeurs par lesquelles les Américains veulent être connus, et ne répètent pas les mêmes désastres de politique étrangère qui ne font qu'enhardir leurs ennemis.

Responsable missionnaire asiatique : Les chrétiens américains ne vont pas du tout (et ne devraient pas !) se sentir fiers de cette guerre et, pire encore, de la manière dont le retrait américain a été mené. Ils devraient faire preuve d'humilité chaque fois qu'ils rencontrent un Afghan et être prêts à le laisser parler et à l'écouter. Ils ne devraient pas essayer d'argumenter ou de justifier les actions américaines, mais faire preuve d'empathie et d'amour envers leur voisin afghan.

Hurunnessa Fariad : La guerre et les invasions ne devraient pas être la première réponse. La diplomatie et le dialogue avec les autres doivent être recherchés aussi loin que possible. Nous sommes tous des habitants de cette Terre et une guerre à un endroit affectera tout le monde partout ailleurs. En tant que musulmane, je peux dire que nous devons nous lever et nous battre pour ce qui est juste et moralement sain, et cela est également très important dans la foi chrétienne. Je pense simplement qu'en tant qu'Américains, nous avons abandonné la plupart de nos principes fondamentaux lorsque nous avons décidé de laisser l'Afghanistan aux mains des talibans.

Paul Miller : Une guerre juste est censée viser une paix meilleure, des conditions durables de shalom non seulement pour nous-mêmes mais aussi pour nos ennemis et pour ceux qui vivent dans le pays où nous combattons. Nous devrions réfléchir longuement et sérieusement à la façon dont nous, électeurs, avons permis à nos élus d'ignorer ces exigences de justice par notre passivité, notre négligence et notre apathie. Nous avons mené une guerre de convenance, une campagne sans fin de chasse-taupes contre les terroristes sans nous soucier de créer des conditions de paix durables en Afghanistan ou pour nous-mêmes – parce que nous nous sommes dit que c'était trop difficile et trop cher. Nous sommes maintenant témoins du prix élevé de notre choix. Et voici le pire : construire des conditions de paix durables n’était pas une simple question de charité ; c’aurait été une stratégie prudente et plus efficace que ce que nous avons fini par faire.

Évêque Peters : Des millions de Pakistanais célèbrent le règne des talibans comme la victoire de l'Islam sur l'Amérique infidèle. La minorité chrétienne pakistanaise (1,2 % de la population) a réagi avec appréhension et prudence. Elle craint un développement de l'influence des talibans au Pakistan.

L'Église mondiale ne peut pas être critique et négative en permanence. L'analphabétisme et le chômage sont élevés dans cette région et les superpuissances britannique, russe et américaine n'ont pas réussi à y établir leur autorité. Compte tenu de cette volatilité, nous devons accepter le règne des talibans. Cela est d’autant plus important lorsque nous regardons la façon dont les talibans ont commis des atrocités et des effusions de sang en 1995. Cette fois-ci, jusqu'à présent, ils se sont comportés de façon beaucoup plus humaine. Cela peut être attribué aux 20 ans de présence américaine en Afghanistan.

Eugene : Je suis Américain et Suisse. J'ai vécu parmi les Afghans pendant 25 ans et j'ai été en relation avec eux pendant environ 40 ans. Dans toute guerre, et particulièrement dans celle-ci, en tant qu'Américains, nous portons une terrible responsabilité pour n'avoir pas permis aux peuples d'être libres. Nous avons fourni suffisamment de munitions aux Afghans pour vaincre les Russes, mais pas assez de soutien pour remplacer la culture de la guerre par les fondements d'une société civile robuste et saine. Nous sommes maintenant dans une position où nous ne pouvons pas dire que nous nous sommes comportés comme un peuple pieux dans ce pays.

Il est maintenant impératif que nous priions pour que les Afghans trouvent un moyen d'établir leur propre société civile et que nous donnions généreusement nos prières, notre temps et notre énergie pour soutenir sa croissance. Nous devons faire preuve d'une grande humilité en affirmant que nous sommes des disciples de Jésus et que nous avons le cœur brisé par la destruction de l'Afghanistan à laquelle notre pays a contribué. Ensuite, il nous faut partager et pratiquer l'amour du Christ et respecter les peuples d'Afghanistan dans leur quête d'avenir pour leur pays.

Mariya Dostzadah Goodbrake : Dans notre réflexion, nous voulons rester encouragés et nous rappeler les bonnes vérités chrétiennes : « Dieu vaincra », « Ce monde est brisé », « La justice n'est pas de ce côté de la vie », ou « Nous avons déjà la victoire ».

Oui, ces affirmations nous rappellent que nous avons un Dieu qui a déjà vaincu, mais pourrions-nous nous prendre un temps de deuil avant de revenir à ces vérités ? Pourrions-nous exprimer une juste colère ? Pourrions-nous dire que, pour ce moment, le mal l'a emporté ? Pourrions-nous simplement nous asseoir dans la douleur et l'injustice pendant un moment ?

Pourquoi faire ? Parce que ce n'est qu'ainsi que nous pourrons ressentir une once de la douleur et de la tourmente du peuple afghan et de ceux qui ont tant perdu et se sont sacrifiés pour la guerre. Puis, lorsque nous aurons fait cela, que nous nous serons alignés avec cette peine, nous nous souviendrons que demain nous continuerons le combat.

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Si les États-Unis se sont engagés dans une guerre peu judicieuse au départ, était-il bon de s'arrêter et de se retirer complètement, comme un signe de repentance ?

Femme d’un pasteur afghan : C'était une mauvaise décision de partir si vite. Ils devaient finalement partir, mais pas de cette façon.

Mark Morris : Avec tout mon respect, cette question n'est pas très utile. Nous pouvons tous spéculer et refaire le passé, à l'infini. Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Oui, les habituelles bavures égocentriques, culturellement ignorantes et égoïstes en matière de politique étrangère ont été répétées par chacun de nos deux partis lorsqu'ils détenaient les rênes du pouvoir dans notre pays. Je ne m'attends pas à ce que les États-Unis se repentent. Nous verrons plutôt nos dirigeants se pointer du doigt et blâmer l'autre parti. Chaque dirigeant, chaque parti sera tenu responsable par Dieu des décisions qu'il a prises et des dommages ou du bien fait à l'humanité par ces décisions politiques. Maintenant nous devons décider de la manière dont nous devons réagir au présent.

Ryan Brasher : J'hésite un peu à parler de « repentance » en matière de politique étrangère ou militaire américaine. Le gouvernement américain n'est pas le représentant de l'Église ou d'un corps chrétien. En outre, il n'était pas évident en 2001 que les choses tourneraient comme elles l'ont fait. Il semble qu'il était sage de mettre fin à l'engagement américain en Afghanistan, même si la rapidité avec laquelle cela a été fait était peut-être imprudente.

Jenny Yang : Je ne suis pas en mesure de commenter la question du rôle militaire des États-Unis en Afghanistan, mais ce qui est clair pour moi – et pour de nombreux chrétiens – c'est que nous avons une obligation de nous préparer et d'aider ceux qui seront vulnérables lorsque nous partirons. Lorsque nous partirons, nous devrons le faire de manière à protéger les personnes qui ont risqué leur vie aux côtés des États-Unis. Abandonner nos alliés maintenant, après leur avoir promis pendant des décennies que nous les soutiendrions, serait une tache morale pour notre nation, dont les répercussions dureront des décennies. La façon dont nous quitterons l'Afghanistan laissera une empreinte durable dans l'histoire de notre nation.

Fouad Masri : Cette question est source de confusion. Je pense que nous confondons le rôle de l'Église et le rôle du gouvernement. Le rôle du gouvernement est de protéger le pays et d'arrêter le mal commis contre ses citoyens. Le rôle de l'Église est de faire preuve de miséricorde et de justice. En tant que ministre chrétien, je crois que la guerre ne résout rien. Jésus veut que nous soyons des artisans de paix. Jésus veut aussi que nous prenions la défense des plus petits. Le meurtre des femmes hazara, ouzbek et tadjik par les talibans doit cesser. La charia islamique est directement opposée aux commandements de Dieu. Il s'agit d'une guerre idéologique et nous la menons avec les mauvaises armes.

Responsable missionnaire asiatique : Si les militaires américains se sont engagés dans une guerre peu judicieuse, ils n'auraient dû se retirer que lorsqu'ils pouvaient le faire sans causer davantage de dommages et de répercussions. Cela signifie qu'ils auraient dû rester plus longtemps pour contribuer au développement du pays et s'assurer qu'au moment de leur départ, l'armée et le gouvernement afghans étaient suffisamment forts et disposaient des infrastructures et de la force nécessaires pour tenir par eux-mêmes sans aucun soutien étranger. Cela aurait pu prendre des années, mais cela aurait été le prix coûteux que les États-Unis devaient payer pour être entrés dans la guerre de manière imprudente.

Mariya Dostzadah Goodbrake : L'Amérique est entrée en Irak et en Afghanistan à la manière d’un franc-tireur. Il n'y avait pas de retour en arrière possible, quelle que soit la cause. La guerre n'était pas imprudente, elle était mal calculée. Les États-Unis ne sont pas entrés dans cette guerre dans le seul but de se venger des auteurs du 11 septembre, comme l'a déclaré le président Biden. Le président George W. Bush a conquis les cœurs des Afghans et des Américains avec l'idée d'apporter dignité, sûreté et sécurité au peuple afghan. Cette justification de la guerre était beaucoup plus durable et défendable. Les soldats américains ne sont pas restés en Afghanistan pendant 20 ans pour se venger des terroristes, ils sont restés pour libérer le cœur des Afghans et leur donner un nouvel espoir. Le fait que Biden réduise la guerre à une vengeance est un affront à ceux qui y ont perdu la vie et aux familles des soldats qui se demandent maintenant si leurs sacrifices ont été vains.

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Quel type d'impact à long terme pensez-vous que cela aura sur le champ de mission en Afghanistan et dans les régions avoisinantes ?

Femme d’un pasteur afghan : Si des personnes sont fragiles dans leur foi, certaines tomberont. Les médias sociaux seront détruits par les talibans, ce qui rendra difficile pour les croyants d'être encouragés de l'extérieur.

Mark Morris : La question suivante reste sans réponse : Où sont les missionnaires ? Où sont les organisations caritatives internationales ? Pendant que les expatriés postent sur Facebook pour exprimer leur gratitude envers le transport militaire qui les a fait sortir, les Afghans se sentent abandonnés. Des chrétiens afghans ont souligné aujourd'hui à quel point c'était déplacé. « Vous célébrez votre départ, mais vous ne mentionnez même pas ceux que vous avez laissé derrière vous pour dans la souffrance ». Il faut beaucoup de prudence dans les paroles que nous partageons à l'heure actuelle, car l'Occident n'est pas apprécié pour l'instant vu la nature de notre départ. Un meilleur plan aurait pu démontrer notre humanité et notre intérêt d'une manière plus tangible.

Mansour Borji : Pas plus tard qu'hier, j'ai appris que certains chrétiens afghans brûlent à présent de la littérature et d'autres documents chrétiens dans leurs maisons, car ceux-ci pourraient les exposer aux talibans qui fouillent à présent maison par maison pour identifier leurs cibles. Beaucoup de ces croyants qui cherchent désespérément la sécurité hors d'Afghanistan sont le fruit de nombreuses années de prière, de formation de disciples et de ministère fidèle dans un environnement difficile. Bien sûr, leur impact sur leurs communautés peut perdurer, mais peut-être pas aussi efficacement qu'auparavant. De plus, le régime iranien se sentira maintenant plus en sécurité car il n'aura plus de forces américaines de part et d'autre de son sol. Il a le sentiment qu'il peut poursuivre son règne de terreur qui a déjà fait du mal à l'Eglise non seulement en Iran, mais aussi en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban.

Paul Miller : L'Afghanistan sera un pays fermé aux missions, comme il l'était avant 2001. L'ouest et le sud du Pakistan seront probablement également fermés. Le travail missionnaire sera extrêmement dangereux et difficile.

Eugene : Il a toujours été difficile de gagner le droit de partager l'Évangile de manière holistique avec les Afghans ou d'autres peuples de ce contexte. Nous pouvons parler librement mais humblement du Christ et de sa merveilleuse puissance transformatrice, mais notre intervention déstabilisante basée sur la technologie et le retrait précipité qui s'en est suivi nous mettent face à d'énormes obstacles à surmonter.

Évêque Peters : La Chine a exprimé son intérêt pour l'établissement de relations diplomatiques avec l'Afghanistan. Donc, si la situation évolue dans ce sens, nous pensons que les Églises pakistanaises et chinoises pourraient jouer un rôle central en réalisant des percées à partir des enseignements islamiques. Les musulmans vouent un grand respect et une grande admiration à Jésus et à Marie. Il y a là un pont pour atteindre ces peuples.

Responsable missionnaire asiatique : Les Afghans locaux et les régions environnantes ne feront pas confiance aux Occidentaux aussi facilement, et surtout aux Américains, en raison du sentiment de trahison qu'ils éprouvent à leur égard. Ils seront probablement plus réceptifs ou ouverts aux personnes venant de pays non occidentaux. La Chine profitera probablement de son projet de « Nouvelle route de la Soie » pour établir des liens économiques avec l'Afghanistan, ce qui donnera l'occasion aux missionnaires chinois de s’y rendre en tant qu'hommes d'affaires.

Mais à plus long terme, la diffusion de l'Évangile devra être assurée principalement par les croyants afghans locaux, avec l'aide des croyants de la diaspora ainsi que des croyants iraniens dont la langue est proche du dari. La télévision par satellite et les technologies numériques et multimédias seront également des outils très importants pour aider à atteindre le peuple afghan, y compris les personnes déplacées.

Jenny Yang : Selon le Center for the Study of Global Christianity (« Centre pour l’étude du christianisme mondial »), moins de 3 % de la population afghane connaît personnellement un chrétien : non seulement presque personne n'a entendu l'Évangile, lu la Bible ou visité une église, mais presque personne ne connaît un chrétien. Malheureusement, avec les talibans au pouvoir, cette situation n'est pas prête de s'améliorer.

Cependant, alors que nous nous lamentons et pleurons sur une situation horriblement injuste qui force les gens à fuir leur pays, j'ai aussi vu comment Dieu a travaillé pour attirer des personnes à lui, ce qui, selon Actes 17.26-27, fait partie du dessein souverain de Dieu dans l'histoire, afin que les hommes et les femmes « le cherchent et peut-être tendent la main vers lui et le trouvent, bien qu'il ne soit éloigné d'aucun de nous ». Il y a une occasion unique pour les chrétiens des pays voisins d'accueillir les réfugiés afghans, et même aux États-Unis. Si l'Église mondiale accueille les réfugiés afghans, je crois que cela amènera de nombreux réfugiés afghans à comprendre et à ressentir l'amour du Christ.

Mark Tooley : La victoire des talibans est un coup énorme porté à tout ce qui pourrait ressembler à de la tolérance religieuse dans une région déjà très hostile aux voix non islamiques. Les persécutions seront plus nombreuses. Mais les affres du régime taliban finiront par discréditer sa version de l'islam, tout comme les théocrates iraniens ont créé des générations d'agnostiques et de sceptiques religieux, tandis qu'une Église encore très petite est en pleine expansion en Iran.

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Dans quelle mesure les décennies d'investissement des forces américaines et des travailleurs chrétiens étrangers en valaient la peine ou étaient-elles vaines ?

Femme d’un pasteur afghan : Cela en valait la peine, car en 2001, un grand nombre de personnes ont reçu le Christ et pratiquent leur foi parce qu'elles ont entendu l'Évangile par des étrangers.

Chris Seiple : Si votre objectif est spirituel et que vous ne définissez pas le succès par des mesures temporelles, mais par l’obéissance, le service concret assuré par la présence des disciples du Christ en Afghanistan portera des fruits que nous ne pouvons pas encore imaginer. Cela dit, de telles périodes sont propices pour que les ministères chrétiens reconsidèrent et réévaluent leur théologie de l’engagement et de la souffrance, en réfléchissant à ce que peut à présent être leur « présence ». En conséquence, les approches organisationnelles du leadership et de la gouvernance doivent également être revues, en veillant à ce que les stratégies d'engagement soient enracinées dans l'Écriture et la culture locale (et pas nécessairement dans celle du pays d'envoi).

Dit autrement, l'Église grandit toujours lorsqu'elle a de la compassion pour les populations locales, lorsqu'elle souffre avec elles. Le Nouveau Testament regorge d'histoires de chrétiens qui ne se sont pas plaints de leur situation, ni ne l'ont fuie, mais ont vu dans chaque situation difficile une occasion de partager l'amour du Christ, de manière pratique, en servant ceux qui ne pouvaient pas fuir la guerre, la famine et la peste. Puissions-nous être dignes de l'exemple de nos ancêtres spirituels.

Paul Miller : Pendant 20 ans, il n'y a eu aucune attaque terroriste internationale émanant de l'Asie du Sud. C'est une victoire qui ne pouvait pas être considérée comme acquise. Deuxièmement, nous avons donné à une génération d'Afghans le goût d'une vie meilleure, un souvenir qui, je l'espère, leur servira d'inspiration pour travailler à un avenir meilleur. Au-delà de cela, il est difficile de ne pas avoir le sentiment que tous nos efforts ont été réduits en cendres par la victoire des talibans, aidés et encouragés par la décision du gouvernement américain d'abandonner nos alliés, de trahir notre objectif et de rendre vains le sacrifice et les épreuves de milliers de personnes qui ont travaillé et servi là-bas.

Ryan Brasher : L'investissement des travailleurs chrétiens étrangers en valait vraiment la peine. L'œuvre du Christ ne dépend pas de la politique et des événements politiques, et elle en vaut toujours la peine. Quant à l'investissement du gouvernement et des militaires américains, je suis sûr que les talibans apprécient le développement massif des infrastructures du pays depuis qu'ils ont été chassés. Il leur sera plus facile de gouverner, pour le meilleur ou pour le pire ! L'Afghanistan est un autre exemple de bonnes intentions qui tournent mal, lorsque le développement n'est pas guidé par les conditions locales, les demandes locales, le partenariat local et la propriété locale, mais par des intérêts étrangers et les exigences de cycles de financement à court terme des donateurs internationaux. Les États forts et efficaces ne peuvent être importés ; ils doivent se développer à partir des conditions locales.

Eugene : La situation est ambivalente. Le travail d'un certain nombre de travailleurs des ONG et de groupes partageant les mêmes idées durera longtemps en raison de tout ce qui a été établi à travers une grande variété de programmes transformant la vie, tels que les soins oculaires, le développement communautaire, le travail auprès des personnes et des communautés concernant les personnes handicapées, les domaines médicaux, agricoles, économiques et autres. Il est également merveilleux de constater qu'il y a un nombre croissant de disciples de Jésus dans le pays et dans la diaspora afghane, car ces personnes et ces familles grandissent dans leur foi en Christ. Ces choses ne peuvent être enlevées.

Fouad Masri : Cela en vaut toujours la peine lorsque les gens ont la liberté d'étudier, d'aller à l'école, d'être créatifs et d'entendre les enseignements de Jésus. Quelle joie de rencontrer des croyants afghans. Quelle joie de voir Malala aller à l'école. Cela vaut toujours la peine de se sacrifier pour la liberté. Je pense à tous mes amis afghans qui ont eu l'occasion d'étudier, de voyager, de se distinguer et d'entendre la bonne nouvelle de Jésus. Ce que vous voyez, c'est un manque de réflexion à long terme de la part des nations, de l'Afghanistan, des États-Unis et de la communauté internationale.

Responsable missionnaire asiatique : Il y a eu des fruits spirituels, comme en témoigne le nombre croissant de croyants afghans clandestins ces dernières années. Les croyants qui sont restés sur place constitueront le noyau de l'Église clandestine qui poursuivra le travail d'évangélisation à l'avenir. Mais en regardant les sommes dépensées par le gouvernement américain, on se demande quel aurait pu être le résultat si une plus grande partie des dépenses avait été consacrée au développement des infrastructures, comme la construction d'écoles et d'hôpitaux, la création d'entreprises et d'emplois, et à l'amélioration de la vie de la population.

Mariya Dostzadah Goodbrake : Les graines de la démocratie ont été plantées dans le cœur des gens. Les travailleurs chrétiens ont laissé dans le pays des traces qui ne peuvent être effacées. Le sentiment de désespoir actuel n'est pas synonyme de défaite. Le sang des chrétiens et des soldats tombés au combat ne peut être emporté. Rien n'est jamais perdu […] ce que nous ne pouvons pas comprendre maintenant a encore le potentiel de faire beaucoup plus. Est-ce que tout cela en valait la peine ? Je ne suis pas sûre, mais ce à quoi je m'accroche, c'est que l'histoire de l'Afghanistan n'est pas terminée. Nous ne verrons peut-être pas la démocratie revenir dans le pays de notre vivant, mais cela nous rappelle simplement à l’humble réalité que nous ne jouons qu'un petit rôle dans une histoire bien plus vaste. Il y a un célèbre dicton afghan que mon père me rappelle en ce moment : « Dika Dika, Darya Maysha », qui se traduit par « goutte après goutte, une rivière se crée ». En ce moment, j'ai l'impression que cette rivière s'est asséchée ou vidée ; mais goutte après goutte, des progrès seront accomplis.

Mark Morris : Nos disciples de Jésus afghans me disent que cela en valait la peine.

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Y a-t-il autre chose que vous aimeriez dire ?

Femme d’un pasteur afghan : Souvenez-vous des chrétiens afghans. Priez pour eux. Encouragez-les. Les croyants se sentent abandonnés et sont désorientés. S'il vous plaît, priez pour nous.

Chris Seiple : L'Afghanistan est une des nombreuses questions – avec la pandémie, les questions raciales, la situation politique, etc. – qui devrait interpeller les chrétiens sur la façon dont ils s'organisent pour témoigner de leur espérance intérieure. Les organisations chrétiennes, locales et mondiales, devraient se demander si leur stratégie, leur structure et leurs effectifs sont adaptés à l'époque dans laquelle nous vivons, et si leur personnel a été suffisamment équipé pour s'engager d'une manière digne de l'Évangile.

Responsable missionnaire asiatique : On peut relever plusieurs similitudes ou parallèles entre la croissance rapide des Églises en Iran dans les années 1980 et 1990 après la révolution islamique et celle qui s’est produite en Chine après la révolution culturelle. Il serait intéressant de voir si l'Afghanistan connaîtra également une croissance rapide des Églises dans les 10 à 20 prochaines années après l'invasion des talibans. Ces pays présentent tous de nombreuses similitudes : l'existence de forts antécédents anti-occidentaux et anti-chrétiens ; une longue histoire de souffrance et de pauvreté ; des régimes gouvernementaux extrêmement autoritaires et durs ; un grand nombre de jeunes désenchantés en raison du manque de libertés sociales ; et des personnes qui ont perdu la foi en leur propre religion ou idéologie (p. ex., le communisme, l'islam), pour n'en citer que quelques-unes.

Josh Manley : Actuellement, nos frères et sœurs afghans se cachent. Songez au prix qu'ils doivent payer pour rester fidèles à l'Évangile. Bien que la politique soit essentielle et qu'elle ait assurément une réelle importance et une place qui lui revient, demandez-vous si nous n’aurions pas à apprendre de nos frères et sœurs en Afghanistan que nous avons placé trop d'espoir dans la politique.

Les chrétiens américains ont-ils perdu de vue la mission de l'Église en se tournant trop vers les politiciens américains pour accomplir leur mission ? L'acrimonie actuelle, les ruptures d'unité et les conflits évidents entre des chrétiens qui professent le même Évangile ne sont-ils pas autant d’indices en ce sens ?

La possibilité de participer au processus politique est une grande bénédiction pour nous, mais pourrions-nous aussi apprendre quelque chose de nos frères et sœurs afghans qui n'ont pas accès au pouvoir politique ? Nos frères et sœurs là-bas ne sont nullement désorientés quant à la manière de faire progresser la mission de l'Église et quant à savoir de qui ils dépendent pour le faire.

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Traduit par Léo Lehmann

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