Pourquoi s’inquiéter du CO2 ?

Entre catastrophes naturelles et dernier rapport du GIEC, le changement climatique revient sur le devant de la scène médiatique. En tant que chrétiens, pourquoi devrions-nous nous en préoccuper ?

Christianity Today September 15, 2021
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Christiana Gottardi / Hennie Stander / Patrick Hendry / Unsplash

Le 22 avril 2021, à l’occasion de la Jounée de la Terre, le président Joe Biden ouvrait un sommet virtuel de deux jours sur le climat en engageant les États-Unis, deuxième producteur mondial de gaz à effet de serre (GES) après la Chine, à réduire ses émissions de 50 à 52 % par rapport au niveau de 2005. C’est un objectif ambitieux, et un objectif que les États-Unis ne sont pas en passe d’atteindre aisément. Les projections quant aux émissions de l’année dernière envisageaient une baisse de plus de 20 %, principalement en raison de l’impact de la pandémie sur l’activité humaine. Mais avec l’assouplissement des restrictions sanitaires partout dans le monde, la pression pour un retour à la normale s’intensifie, ce qui est une mauvaise nouvelle pour l’atmosphère puisque cela signifie des émissions de gaz carbonique (CO2) à des niveaux jamais atteints naturellement depuis plus de 20 000 ans.

Jésus prédisait déjà la destruction de l’environnement à l’échelle cosmique alors qu’il se tenait sur le parvis du temple, symbole de la création comme demeure du Tout-Puissant, reprenant un ancien langage apocalyptique évoquant l’obscurcissement du soleil et de la lune, les famines, les tremblements de terre et la guerre (Mc 13.5-25).

Les sombres prévisions de Jésus s’accompagnent néanmoins d’un rappel réconfortant de la souveraineté de Dieu et de sa sollicitude pour son peuple (13.13). Le Seigneur veillera sur la vie humaine (Ps 121.7-8). Malheureusement, ces vérités se mêlent parfois à des idéologies nationalistes et à l’économie du laissez-faire, et se teintent des soupçons tenaces de certains chrétiens envers la science comme substitut séculier de la foi. Des chrétiens expriment leur scepticisme vis-à-vis des règles gouvernementales freinant l’activité économique et, en raison des erreurs du passé, leur scepticisme vis-à-vis des prédictions scientifiques sur le futur. D’après une enquête parue en 2015, plus d’un tiers des évangéliques estimaient qu’il n’y avait « aucune preuve solide » de la réalité du changement climatique.

Si seulement c’était vrai ! Au lieu de cela, une écrasante collection de preuves accumulées depuis le milieu des années 1800 à bord de navires et étoffée depuis à l’aide de satellites, de données géologiques et d’analyses informatiques, convergent toutes pour affirmer que la terre se réchauffe. Plus de 90 % des scientifiques de la Terre sont d’accord pour désigner l’activité humaine comme cause principale. Malgré les marées grandissantes, les conditions météorologiques extrêmes et les températures de plus en plus chaudes, le changement climatique, ignoré, menace de détruire les économies, de rendre certaines parties du monde inhabitables et d’exacerber les disparités entre riches et pauvres. Il reste à voir à quoi cela pourrait ressembler exactement — car le consensus sur le réchauffement n’est pas consensus sur ses effets futurs — mais les inquiétudes sont réelles.

Ma fille adolescente se plaint régulièrement lorsqu’elle entend ces perspectives catastrophiques : « Pourquoi m’avez-vous fait naître dans un tel monde ? »

Selon Robin Globus Veldman, professeur adjoint d’études religieuses à l’Université A&M du Texas, c’est en partie à cause de l’attente du retour du Christ que certains évangéliques nient les sombres pronostics sur le climat et s’opposent aux mesures gouvernementales. Le monde, qui est la demeure du mal, est voué à l’extinction par le retour triomphal de Jésus (Ap 19.11-21). Ajoutez au triomphe final le caractère temporaire inhérent à la vie terrestre et vous débouchez sur un déficit d’intérêt pour la préservation la planète.

Depuis le commencement, Dieu a donné aux humains le pouvoir sur la Terre (Gn 1.28), ce qui implique que nous qui sommes créés à son image soyons pleins de la même attention bienveillante pour la création que lui (Gn 2.15 ; Lv 25.3-5). Cette responsabilité et ce pouvoir qui nous ont été confiés devraient favoriser la créativité dans le développement de solutions pour le climat et motiver des changements de mode de vie. Pourtant, la nature humaine pécheresse étant ce qu’elle est, nous sommes enclins à abuser du pouvoir et à nous servir nous-mêmes, transformant notre responsabilité de prendre soin en une domination despotique, avec des conséquences néfastes pour nous-mêmes, nos communautés et potentiellement notre planète.

La résurrection et le retour de Jésus sont la réponse finale de Dieu à toute dépravation et toute destruction. Le Fils de l’homme viendra « sur les nuées avec une grande puissance et avec gloire. Il enverra ses anges et rassemblera ses élus des quatre vents, des extrémités de la terre jusqu’aux extrémités des cieux » (Mc 1.26-27). Jésus fait sienne la prophétie de Daniel 7, un sommet de la prophétie vétérotestamentaire. Daniel vit « quelqu’un semblable à un fils de l’homme, venant sur les nuées du ciel. […] Il reçut autorité, gloire et pouvoir souverain » (v. 13-14).

Jésus parle de lui-même comme « Fils de l’homme » tout au long des Évangiles, ce qui signifie qu’il est plus qu’un être humain normal. Comme nous le commémorons à Noël, Jésus n’était le fils d’aucun homme mais a été conçu par le Saint-Esprit, et en conséquence, investi du droit divin de juger le péché humain. La spécialiste du Nouveau Testament Elizabeth Shively note en outre que l’obscurcissement du soleil et l’ébranlement des cieux représentent également le jugement de Jésus contre les puissances démoniaques.

Cependant, cette assurance du futur triomphe divin et du renouvellement de toutes choses n’est pas une raison pour laisser aller le présent à sa perte. Le retour de Jésus ne nous décharge pas de nos responsabilités. Au contraire, nos égards et notre préoccupation pour la terre et ses habitants seront des critères de jugement de notre propre fidélité (Mt 25.14-30 ; Mc 13.33-34 ; Lc 18.8).

Pour des chrétiens qui considèrent la création comme l’œuvre de Dieu (Ps 19.1), la foi pousse à louer, à remercier et à agir en sages intendants de la création. J’essaie moi-même, par petites touches, de faire ma part. J’élève des abeilles, j’évite les herbicides, je conduis une voiture hybride et j’ai installé des panneaux solaires. Mais étant donné l’ampleur des signes avant-coureurs, mes petits efforts ont probablement plus d’effet pour soulager ma conscience et impressionner mes voisins que pour atténuer la catastrophe mondiale.

Une réorganisation systémique mondiale est nécessaire, une tâche énorme exigeant une immense volonté politique, en particulier de la part des pays les plus riches qui émettent des gaz à effet de serre aux niveaux les plus élevés. En 2020, environ 40 % de l’électricité américaine provenait des énergies renouvelables et de l’énergie d’origine nucléaire. Il faudra que ce chiffre passe à 80 % d’ici 2030 pour atteindre la moitié de l’objectif global de Biden visant une réduction de 50 % des gaz à effet de serre.

Les individus et les Églises peuvent démontrer une manière de « gérer » la création avec amour et plaider en faveur de l’action politique. Une telle action selon des principes de conservation et de préservation peut aider à libérer les ressources propres de la nature pour son rétablissement — un témoignage de la puissance créatrice donnée par Dieu — mais est aussi une nécessité pour la survie humaine. Il y a une solidarité fondamentale entre les créatures faites à l’image de Dieu et la création où l’empreinte de Dieu est visible, une continuité fondamentale entre la création actuelle et la nouvelle création. Notre nouvelle naissance engendre sa nouvelle naissance (Rm 8.20-23).

Dans les Écritures, la promesse de la nouvelle création mentionne spécifiquement un nouveau ciel et une nouvelle terre (Es 65.17 ; Ap 21.1), un monde nouveau mais pas nécessairement si différent. La continuité fondamentale entre la création actuelle et la nouvelle suggère une nouvelle Terre modelée d’après la nôtre. Notre planète n’est donc pas une planète jetable, tout comme nos corps ne sont pas de simples vases d’argile qu’on jetterait négligemment de côté. Les chrétiens confessent la résurrection des corps sur le modèle du corps ressuscité de Jésus et, de même, l’émergence d’une nouvelle demeure sur le modèle du nouveau ciel lui-même (Ap 21.2). La vie éternelle ne sera pas vécue par des êtres éthérés flottant sur les nuages, mais par des êtres revêtus de corps nouveaux dans une ville nouvelle illuminée par la gloire de Dieu (v. 23).

Les chrétiens soutiennent que ce qui est créé et maudit est précisément ce qui sera racheté et glorifié. Bien que toutes choses meurent et retournent à la poussière, c’est à partir de cette même poussière que se produira la résurrection. Tout comme nous goûtons les prémices de notre salut à venir dans le temps présent — ​​par l’adoration, la vie en communauté, la beauté et l’amour — de même, ne devrions-nous pas vivre les avant-goûts de la réconciliation avec notre environnement ? L’anticipation de cette réconciliation devrait affecter la façon dont nous interagissons avec la Terre : l’énergie que nous consommons, les jardins que nous cultivons, la nourriture que nous mangeons, l’eau que nous utilisons, les freins que nous imposons au consumérisme et au gaspillage, les politiques que nous défendons. En tant que peuple racheté, nous avons dès à présent la responsabilité de vivre certains aspects de la vie éternelle, sur la terre comme au ciel.

Daniel Harrell est rédacteur en chef pour Christianity Today.

Traduit par Philippe Kaminski

Révisé par Léo Lehmann

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