Les lectures teintées de ténèbres et pleines de vérité que nous devons à nos enfants

Les histoires nous permettent de parler de la réalité du mal, et du Dieu qui le surmonte.

Christianity Today November 1, 2021
Tima Miroshnichenko / Pexels

Dans le monde chrétien, les histoires laissant la place à une part de ténèbres, en particulier pour les enfants, suscitent souvent bien des froncements de sourcils. Le contenu de certains livres ou films est scrupuleusement analysé. Des mères inspectent et signalent chaque parcelle d’ombre comme si elles avaient découvert une malicieuse hormone de croissance dans un beignet de poulet.

En tant qu’auteur de romans pour enfants, je suis souvent interrogé sur le choix de mes ingrédients. Un garçon découvre et ouvre des dizaines de petites portes magiques. Tout devrait bien se passer, non ? Pourquoi faudrait-il que ce soit dangereux ? Pourquoi inclure la solitude, l’absence du père et un ennemi terrifiant ?

Deux enfants délaissés, vivant dans un motel en bord de route, sont emmenés à Ashtown, un endroit où bon nombre des secrets les plus fous de ce monde ont été gardés pendant des siècles. Cela pourrait faire une super soirée pyjama. Alors, pourquoi inclure la douleur ? Pourquoi les enfants doivent-ils faire face à des difficultés ? Pourquoi les méchants doivent-ils être si méchants ? Cela ne vaudrait-il pas mieux pour tout le monde si le mal n’était qu’un plaisantin ? Quelque chose de léger ? Plutôt de l’ordre de la rivalité entre étudiants que d’une question de salut ou de damnation ?

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Ce n’est pas comme cela que je vois les choses…

Réfléchissez à ceci : les choix artistiques de Dieu devraient diriger les nôtres. Plus que tout autre type d’artiste, les artistes chrétiens devraient être des passionnés de vérité, et avoir à cœur de la transmettre. Plus que tout autre consommateur, les lecteurs chrétiens — et les parents de jeunes lecteurs — devraient être des chercheurs de vérité.

Je comprendrais que des non-croyants abreuvent leurs enfants de récits gais et sans accrocs, pleins d’un enthousiasme trompeur. Leurs enfants finiront par grandir et réaliser à quel point la réalité est terrible, écrasante et dénuée de sens. Autant donc les emmailloter dans des illusions du type Père Noël tant qu’ils sont encore assez naïfs pour y croire. Mais un parent chrétien devrait toujours chercher à servir la vérité. La question qui reste est celle du dosage.

Protégez vos enfants. Oui. Absolument. Mais utilisez un abri de pique-nique, pas un bunker obscur ou des lunettes de réalité virtuelle qui changent les nuages en barbe à papa. Dans la sécurité qu’ils ont auprès de vous, régalez-vous ensemble de fiction. Riez avec eux à travers de terribles aventures bouillonnantes de la réalité du monde. Ils devraient sentir le vent et craindre la foudre, contempler des insensés et des héros, tout en restant protégés.

Les artistes chrétiens devraient offrir des temps de sabbat, pas des échappatoires. Nous devrions proposer des espaces de repos et d’inspiration qui nourrissent, alimentent et permettent aux lecteurs de s’engager plus profondément dans la réalité en tant qu’hommes et femmes de foi. Qui leur permettent de sortir du refuge le moment venu.

Dans votre abri de pique-nique, prévoyez des histoires qui bénissent les humbles et brisent les orgueilleux. Des histoires qui utilisent les épreuves pour purifier les personnages de leurs travers. Des histoires qui honorent ce qui est honorable et condamnent ce qui est condamnable.

L’enfance est un temps pour connaître la vérité, et l’âge adulte est un temps pour une compréhension plus profonde de cette même chose. Pour semer le courage, nous devons montrer la peur. Pour parler du triomphe, nous devons construire des ennemis. Pour dire la vérité sur ce que signifie agir de manière héroïque, nous devons développer une fiction pleine de dangers.

G. K. Chesterton disait : « Si les personnages ne sont pas mauvais, c’est le livre qui l’est ». Nous devons raconter des histoires à la manière de Dieu, des histoires dans lesquelles une sœur doit faire flotter son petit frère sur une rivière avec rien d’autre qu’un panier entre lui et les crocodiles. Des histoires dans lesquelles un roi agit en lâche tandis qu’un berger s’avance pour faire face au géant. Des histoires avec des serpents brûlants, des Léviathans et des sermons au milieu de la tempête. Des histoires dans lesquelles des meurtriers sont aveuglés sur leur âne et deviennent des héros. Des histoires de fosses aux lions, de fournaises ardentes et de prophètes solitaires se moquant des rois, des prêtres et des démons. Des histoires avec des têtes sur des plateaux. Des histoires de courage, de croix et de rédemption. Des histoires de résurrections.

Et les résurrections nécessitent des morts.

Nous ne rendons service à personne lorsque nous prétendons chasser les ténèbres de ce monde. Nous ne faisons que neutraliser le besoin de grâce. Et nous occultons le triomphe glorieux qui doit se produire après l’obscurité. Oui, le mal doit être modéré et parfois atténué dans l’art pour les enfants (et les adultes). À un certain degré, la connaissance du mal peut nuire au lecteur ou au spectateur.

Mais la relation entre le bien et le mal dans nos histoires devrait refléter la relation entre le bien et le mal dans les histoires de Dieu. Cette relation devrait présenter une vision du monde cohérente entre les œuvres destinées aux enfants de huit ans et celles destinées à ceux qui en ont quatre-vingts. Notre objectif est de promouvoir et de consommer la vérité, d’en être nourris, fortifiés, et de nous lever de nos sabbats narratifs prêts à vivre des vies plus dures, prêts à aimer et à rire plus profondément. De telles histoires nous préparent à nous engager dans le glorieux fracas qui nous mène tous vers notre propre tombe, et au-delà.

Jeunes et vieux, nos histoires devraient nous nourrir pour ce voyage.

Traduit par Teodora Haiducu

Révisé par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Books

Il faut tout un village pour échapper à un leader toxique

La notion de « déni de la trahison » peut nous aider à réagir aux abus dans les Églises et ministères chrétiens.

Christianity Today October 26, 2021
Illustration by Rick Szuecs / Source images: Dziana Hasanbekava / Pexels / Valerie Gionet / Priscilla du Preez / Unsplash

Un récent article à propos de Ravi Zacharias International Ministries (RZIM) retrace comment une proche collaboratrice de Ravi Zacharias, Ruth Malhotra, a pris conscience que les apparences de l’apologète et de son ministère étaient trompeuses. Le reportage évoque des questions que beaucoup se sont sans doute posées à propos d’elle et d’autres : Comment ont-ils pu ne pas voir les choses plus tôt ? Pourquoi ne sont-ils pas partis plus tôt ?

Ces questions ne sont pas déraisonnables. À l’écoute du podcast The Rise and Fall of Mars Hill produit par CT, à propos de la croissance fulgurante puis de la chute de l’Église fondée par Mark Driscoll, nous serions aussi tentés d’interroger ceux qui ont quitté cette Église : « Comment n’avez-vous pas vu depuis le début le caractère narcissique et dysfonctionnel d’un tel environnement ? ». Une question semblable me revient encore devant un documentaire à propos du départ de Leah Remini de la scientologie : « Comment ne pas avoir vu qu’il s’agissait d’un système de marketing pyramidal combiné à un culte des extra-terrestres ? »

Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les gens restent dans des systèmes toxiques. Certaines sont ancrées dans les péchés humains que sont l’orgueil et l’ambition, d’autres dans les faiblesses que sont la peur ou l’ignorance. Mais toutes ne le sont pas. Dans certains cas, ce qui est en jeu, c’est le « déni de la trahison » (betrayal blindness). Ce concept nous vient de la psychologue Jennifer Freyd et renvoie au besoin qu’a une personne de pouvoir faire confiance à un conjoint, un parent, un soignant ou un dirigeant, et sa tendance, lorsqu’elle est trahie par ces personnes, à osciller entre la nécessité de mettre fin à l’abus et celle de préserver la relation.

Lori Anne Thompson, la première femme à avoir porté publiquement des accusations contre Zacharias, utilise ce terme dans ses échanges avec l’auteur de l’article. Après que Malhotra ait parlé et ait été mise à l’écart du ministère, Thompson l’a soutenue, a prié pour elle et lui a fourni ses conseils, même si Malhotra avait auparavant travaillé comme responsable des relations publiques pour l’agresseur de Thompson. Thompson affirme que le concept de déni de la trahison l’a aidée à mieux comprendre pourquoi certaines personnes restent dans des situations qui, de l’extérieur, sont clairement toxiques.

Je ne veux pas dire ici que le déni de la trahison tel que Freyd l’articule était nécessairement à l’œuvre dans le cas de Malhotra (qui, en toute transparence, est une amie) ou de tout autre groupe, ici ou ailleurs. Néanmoins, il est essentiel de comprendre ce concept pour que les Églises et autres institutions puissent surmonter l’épidémie d’abus et de dissimulation d’abus à laquelle nous assistons. Il est également essentiel de comprendre les modèles encore courants de pratiques toxiques et spirituellement abusives qui caractérisent un trop grand nombre d’Églises, de ministères, de gouvernements et de mouvements politiques.

Chaque personne est créée avec le besoin d’être aimée et acceptée par ceux qui détiennent l’autorité, à commencer par ses parents. Lorsqu’un parent rejette un enfant en le maltraitant ou en le négligeant, certains enfants ne peuvent pas supporter les conséquences psychologiques liées au fait de penser que quelque chose ne va pas chez leurs parents. Après tout, une telle pensée aboutirait à un monde effrayant et chaotique, où l’enfant se sentirait seul et sans protection. Dans certains cas, l’enfant en conclut donc que quelque chose ne va pas chez lui. Parfois, il en arrive à penser : « Si seulement je me comportais mieux et travaillais plus dur, alors je pourrais trouver la sécurité et aussi aider la personne qui s’occupe de moi à être meilleure ».

Le plus souvent, ce mode de pensée ne s’arrête pas après l’enfance. Nombre d’entre nous ont conseillé des femmes maltraitées qui ont conclu que le problème était qu’elles n’avaient pas suffisamment bien géré le stress de leur partenaire. Un conjoint trompé en déduit parfois qu’il n’est pas assez séduisant ou qu’il est responsable d’une manière ou d’une autre de ce qui s’est passé. Cela se produit souvent dans les situations d’Église, où les gens ont parfois du mal à se rendre compte — parfois des années plus tard — que ce qu’ils croyaient n’être que « les difficultés des relations humaines » relevait en réalité d’un environnement toxique et nuisible.

Cela est particulièrement vrai lorsque des institutions — y compris des Églises — prolongent l’abus des victimes (ou de ceux qui cherchent à les aider) en se retournant contre elles, comme si leur réaction à l’abus — et non l’abus lui-même — était le problème. Ainsi, il arrive que l’on préfère critiquer la manière dont la victime a exprimé sa plainte ou que l’on cherche d’autres problèmes que l’on pourrait mettre sur le dos de la victime.

Dans une Église ou dans le cadre du service chrétien, cette situation est particulièrement périlleuse. Lorsqu’une personne a appris à voir l’Église comme un « foyer » et une « famille », elle peut être tentée de remettre en question la réalité des signaux d’alarme qu’elle perçoit. Lorsque les victimes ou lanceurs d’alerte sont accusés de mettre en péril l’« unité » du ministère, ils commencent parfois à croire à la rhétorique selon laquelle ce sont eux — et non le problème lui-même — qui sont en cause. Toute institution peut intimider un lanceur d’alerte, mais aucune institution ne peut le faire avec plus de pouvoir qu’une institution qui dit : « Si vous faites cela, vous vous éloignez de Jésus ».

Tout comme un enfant avec un parent, certaines personnes ne peuvent supporter de penser qu’une Église, un ministère ou une dénomination — en particulier ceux qui leur ont fait découvrir Jésus — puissent abuser d’elles ou les tromper. La personne commence à s’interroger : « Ce qu’ils m’ont dit sur Jésus et sur l’Évangile est-il aussi une tromperie ? » C’est ainsi que les victimes commencent à chercher d’autres explications possibles : des explications qui leur feront porter le chapeau à elles-mêmes, plutôt qu’à ceux qui agissent mal.

Souvent, ces personnes ne peuvent même pas s’imaginer en dehors de leur Église, de leur ministère ou de leur dénomination, tant leur identité y est étroitement liée. Comme l’ont montré les neurologues et les psychologues, l’expérience de l’exil loin de sa « tribu » est souvent vécue de la même manière que la douleur physique.

On en vient alors à trouver diverses justifications pour rester : « La mission est trop importante pour que je passe du temps à m’attarder sur mes intuitions qui me disent que quelque chose ne va pas » ; « Personne d’autre ne semble voir le problème, c’est moi qui dois être fou » ; ou encore « Si je pars, je serai remplacé par quelqu’un de bien pire. Je serai plus utile de l’intérieur ». À maintes reprises, ces lignes de pensée se sont terminées par un désastre.

Dans ces circonstances, les conseils d’amis extérieurs peuvent faire tout autant l’objet de remises en question que nos propres intuitions. Et parfois, il faut un point de rupture pour comprendre que le départ est nécessaire. Pour certains, comme c’est le cas pour Malhotra, c’est à ce moment-là que l’évidence émerge : ses intuitions étaient réellement fondées.

Alors que j’étais moi-même dans un environnement toxique et spirituellement abusif, j’ai soudain pris conscience que j’avais passé des années à me remettre en question et à trouver des moyens de me blâmer pour les difficultés que je vivais. Cela s’est produit en lisant un livre pour enfants à mon fils. J’ai lu la dernière phrase de Goldilocks and the Three Dinosaurs (« Boucle d’or et les trois dinosaures »), de Mo Willems : « Si tu te trouves dans la mauvaise histoire, pars ». J’ai rangé le livre et me suis dit : « Je suis dans la mauvaise histoire ».

Les scandales, les escroqueries, les tromperies et les abus au sein de l’Église sont la responsabilité de tous ceux qui en font partie. Nous avons de nombreux pas à faire pour progresser, de la création de structures de redevabilité à la formation de personnes capables d’identifier les problèmes, en passant par la formation des dirigeants à la prise en charge des personnes victimes de ces excès. Nous devons insister sur la protection des lanceurs d’alerte. Mais nous devons également prendre des mesures — bien avant que les problèmes n’apparaissent — pour former les gens à la vision de l’Église que Jésus nous a donnée, où la responsabilité n’est pas négligée au profit de l’unité et où l’intégrité n’est pas sacrifiée sur l’autel de la mission.

Dès l’école du dimanche, nous devrions commencer à aider nos frères et sœurs à faire la différence entre la loyauté envers le Christ et la loyauté envers ceux qui revendiquent son nom. Nous devrions consacrer une part de nos ressources à leur enseigner comment détecter quand ils sont manipulés pour retourner la faute sur eux-mêmes et quand ils devraient oser dire que quelque chose ne va pas.

Et nous devons apprendre aux gens que le message et l’histoire de Jésus ne fait pas de mal aux personnes vulnérables. Si donc vous vous trouvez dans la mauvaise histoire, vous pouvez toujours partir.

Russell Moore dirige le projet de théologie publique (Public Theology Project ) de Christianity Today.

Traduit par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Lire la Parole de Dieu comme un poème, pas comme un manuel d’instructions

La Bible nous enseigne, dit Matthew Mullins, mais elle fait plus que nous informer et nous conseiller.

Christianity Today October 26, 2021
Alex Boerner

La Bible a beaucoup à dire sur sa finalité et son autorité. Parmi les passages les plus célèbres dans cette optique, citons 2 Timothée 3.16-17, où Paul écrit : « Toute Écriture est inspirée de Dieu et est utile pour enseigner, reprendre, corriger et former à la justice, afin que le serviteur de Dieu soit parfaitement équipé pour toute bonne œuvre ».

Pour Matthew Mullins, professeur agrégé d’anglais et d’histoire des idées au Southeastern Baptist Theological Seminary , de tels versets sont des guides indispensables pour savoir comment les croyants doivent lire la Parole de Dieu. Mais le problème vient, selon lui, d’une conception trop étroite de termes comme enseigner , reprendre , corriger et former qui peut nous inciter à traiter la Bible comme un simple manuel d’instructions à propos de ce qu’il faut croire et de la manière dont nous devrions nous comporter.

Dans son livre Enjoying the Bible : Literary Approaches to Loving the Scriptures (« Savourer la Bible : des approches littéraires pour aimer les Écritures »), Mullins montre comment la méthode d’enseignement employée par la Bible touche à la fois la tête et le cœur. En d’autres termes, elle agit comme de la poésie et certains autres types de littérature, informant nos esprits tout en même temps qu’elle stimule nos émotions, dans un mouvement conjoint qui ne peut être entièrement démêlé. Jessica Hooten Wilson, auteure et chercheuse à l’Université de Dallas, spécialisée en théologie et en littérature, s’est entretenue avec Mullins au sujet de la poésie comme passerelle pour mieux apprécier Dieu et sa Parole.

Qui espérez-vous atteindre avec ce livre ?

J’essaie de toucher tous ceux qui pourraient dire : « Je veux entrer dans ce texte ancien, multiforme, extraordinaire, et en savourer la lecture ». J’écris pour mes étudiants et mes amis chrétiens évangéliques, des gens qui, comme moi, ont tendance à penser au but des Écritures en un sens qui privilégie l’information et l’instruction plutôt que le plaisir.

Et pour être honnête, j’écris aussi ce livre pour moi-même, étant quelqu’un qui, à un niveau très viscéral, aime plus enchaîner des épisodes de série sur Netflix que fouiller dans la Bible. J’ai plus hâte de découvrir le dernier album de mon groupe préféré que de lire les Évangiles. Je sais que ce n’est pas censé être comme ça, mais c’est ainsi. Écrire ce livre était donc aussi un exercice spirituel.

Dans votre titre, vous parlez de savourer la Bible. Qu’entendez-vous par là ? Peut-on l’apprécier de la même manière que l’on apprécie Netflix ?

Le premier titre auquel j’ai pensé pour mon livre était quelque chose du genre « Vous ne pouvez pas comprendre la Bible si vous n’aimez pas la poésie ». C’était un peu plus polémique que ce que nous avons finalement choisi. Mais à un niveau fondamental, par « savourer » la Bible, j’entends quelque chose comme prendre du plaisir à la lire. Ma conviction, cependant, n’est pas que nous devrions apprécier la Bible comme une fin en soi. Idéalement, en apprenant à y prendre plaisir, nous apprenons à prendre davantage plaisir en Dieu lui-même.

À votre avis, pourquoi tant de croyants ont-ils du mal à prendre plaisir à lire les Écritures ?

Comme moi, la plupart de mes étudiants ont été élevés dans des Églises qui tiennent la Bible en très haute estime. Une partie du problème est que nous aimons croire qu’elle peut agir comme un manuel d’instructions, donnant des conseils pratiques sur ce que nous sommes censés faire dans la vie : dois-je aller à l’université ? Dois-je aller dans telle Église ou dans telle autre ? Dois-je épouser telle ou telle personne ? Si vous parcourez la Bible à la recherche de réponses à ce genre de questions, vous perdez votre joie de lire. Vous serez constamment inquiet de savoir si vous la lisez correctement.

Dans mon introduction, je parle de la façon dont nous avons tendance à considérer la Bible comme une entité unifiée, alors qu’il s’agit en fait d’une collection extraordinairement diversifiée de genres et de formes littéraires. Par conséquent, nous comprenons mal comment nous y prendre pour la lire. Ce que j’essaie de faire dans ce livre, c’est de changer notre compréhension de ce qu’est la Bible, et de ce que signifierait la comprendre.

Si la Bible n’est pas un manuel d’instructions, de quel genre de livre s’agit-il ? Et quelle sorte d’approche devrions-nous adopter pour la lire ?

Je dirais que la Bible n’est pas seulement un manuel d’instructions — même lorsque nous lisons certains des passages les plus poétiques de la littérature de sagesse, nous pouvons toujours en tirer des instructions directes, du moins à certains niveaux. Ce que je veux dire, c’est que si nous ne cherchons que des leçons pratiques, des leçons sur ce « que je devrais faire avec ma vie », alors nous passons à côté d’une énorme part de ce que signifie laisser ces passages nous instruire. Ils n’essaient pas seulement d’instruire nos intellects. Ils essaient aussi d’instruire nos désirs et nos émotions. C’est là que la composante littéraire entre en jeu.

Dans mon introduction, j’utilise l’exemple du psaume 119.105 : « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier ». On peut en déduire une instruction clairement intelligible : il faut consulter la Parole de Dieu dans les moments d’incertitude. Mon propos est que s’il y avait là la somme totale de ce que le psaume vise à communiquer, alors il l’aurait fait dans un langage plus direct. Mais au lieu de cela, il utilise cet étonnant langage poétique et métaphorique qui nous insuffle l’idée de désir pour cette parole de Dieu.

Être instruit par ce texte, c’est donc ici plus qu’être formé à savoir quoi faire. Il s’agit aussi d’être formé à désirer le texte lui-même, ce qui est une partie essentielle de l’« instruction » qu’il nous fournit. Ce que j’essaie de faire est plus radical que de dire que la Bible offre une instruction à laquelle s’ajoutent simplement ces autres choses — l’envie, le désir, le plaisir. Je dis que la forme d’enseignement offerte par la Bible elle-même implique toujours ces autres choses.

Comment la lecture de la poésie peut-elle nous entraîner à lire la Bible avec ce genre d’envie et de plaisir ?

Notre difficulté à lire la poésie n’est pas seulement le signe que nous ne savons pas quoi faire de la Bible. C’est un signe que nous ne comprenons pas toujours complètement quel genre de créatures nous sommes. La raison pour laquelle la poésie est si précieuse et efficace pour réorienter nos yeux et nos habitudes de lecture est qu’elle contrarie souvent notre désir de réduire ce que nous avons lu à un message simple ou à une instruction claire.

Lorsque j’ai commencé à étudier les passages poétiques de la Bible, je détestais cet élément de frustration. Mais maintenant je l’accueille avec joie. Je me dis : « Il y a peut-être quelque chose que je ne vois pas correctement. Peut-être quelque chose dans ma lecture et ma façon de penser doit-il changer. »

Les poèmes exigent plus d’attention que la prose ordinaire. Chaque fois que vous revenez à un poème, il y a quelque chose d’autre, chaque fois. Si cela est vrai d’un texte humain fini, c’est encore plus vrai des textes bibliques qui ont traversé les âges et continuent à transformer radicalement la vie des gens.

L’une des pratiques sur lesquelles vous vous attardez est la lecture contemplative de la Bible. Qu’est-ce que les chrétiens protestants, qui ne sont peut-être pas familiers avec de telles traditions, ont à gagner en abordant les Écritures de cette manière ?

J’ai été élevé dans un contexte où la Bible est tenue en haute estime. Mon père était titulaire d’un diplôme en théologie et travaillait dans une Église. Le dimanche matin, ainsi que les mercredis et dimanches soirs, nous écoutions la prédication de la Parole de Dieu. Je suis allé dans un collège baptiste qui était conservateur sur le plan théologique et qui considérait la Bible comme faisant autorité. C’est une des traditions qui m’est chère.

Et pourtant, en tant que chrétien issu de cette tradition évangélique plus conservatrice, j’espère offrir une sorte de passerelle ou proposer de petits pas vers ces pratiques plus méditatives et contemplatives, comme la lectio divina. Plus nous parviendrons à changer notre façon d’envisager l’interprétation biblique, pour lire les Écritures comme nous lirions de la poésie, plus nous serons capables de contempler sa beauté et de ressentir son influence sur nos émotions, plutôt que de l’exploiter uniquement à des fins pédagogiques.

Cela a pour effet supplémentaire de relâcher un peu notre attachement aux certitudes, et de faire de nous des lecteurs plus humbles, même si nous restons pleinement attachés à l’autorité de l’Écriture.

Si la Bible doit toucher nos émotions lorsque nous la lisons, comment pouvons-nous savoir si ces émotions sont dignes de confiance ? N’est-il pas possible qu’elles déforment notre compréhension plutôt que de l’aiguiser ?

Je ne veux certainement pas prétendre que l’émotion serait une sorte de fondement de notre compréhension. Je ne vois pas non plus la vérité comme une espèce de recette composée de telles ou telles proportions d’émotions, d’imagination et de faits.

Cela dit, je crois que des éléments liés à la beauté et à l’émotion entrent en jeu lorsque nous lisons la Bible, de manières spécifiques et concrètes. Chaque fois que nous lisons une œuvre littéraire, y compris la Bible elle-même, les mots sur la page font appel à notre imagination. C’est le cas pour d’innombrables lecteurs, quels que soient leurs horizons et expériences de vie.

C’est là, selon moi, que la vérité et la beauté se rejoignent. Une fois notre imagination enflammée, nous sommes en mesure d’établir un lien, d’entrer en relation avec l’œuvre littéraire d’une manière qui unit inséparablement le sentiment et la connaissance. Et c’est là que se produit la vraie compréhension.

Dans le christianisme moderne, notamment à cause des Lumières, nous avons hérité d’un cadre trop rationaliste. Je tente de m’opposer à cela. Nous n’avons pas besoin de mettre nos émotions de côté pour comprendre les choses. En fait, les mettre de côté peut même entraver ce processus.

Le texte des Écritures prend place dans des temps et des lieux différents des nôtres. Comment la poésie et la littérature peuvent-elles nous aider à nous confronter à l’inconnu ?

L’une des fonctions de la poésie et de la littérature est de nous aider à établir des liens entre différentes expériences en nous invitant à nous identifier à des mondes qui sont étrangers au nôtre.

Dans mon livre, j’explore l’œuvre d’Anne Bradstreet, une des premières poétesses puritaines. Dans son poème « The Author to Her Book » (« L’auteur de son livre »), Bradstreet compare le travail d’écriture à celui d’une mère. Même si je n’ai jamais été mère, il m’est parfois arrivé de faire l’expérience de la vulnérabilité et du doute à propos de soi-même telle que Bradstreet la décrit dans son travail d’auteure et de mère. Je peux donc m’identifier à elle, même si nos expériences sont radicalement différentes. La bonne littérature crée une atmosphère qui favorise ce genre de liens à travers le temps et l’espace.

Il est important de mettre en garde quant au fait qu’il est impossible d’expérimenter une empathie parfaite, de voir le monde du point de vue de quelqu’un d’autre de manière pleine et entière. Les tentatives de s’identifier à quelqu’un au travers d’expériences très différentes peut parfois nous conduire à établir de fausses équivalences. Mais la littérature possède toujours un grand pouvoir pour nourrir notre imagination sur des choses qui ne nous sont pas familières.

Si vous pouviez laisser à vos lecteurs un seul message à retenir, quel serait-il ?

S’il y a une chose que j’espère, c’est que les personnes qui lisent ce livre fassent l’expérience d’un mode de lecture différent de la Bible. Ce que j’ai découvert dans mon expérience d’enseignant, c’est que la poésie et la littérature nous permettent de mieux lire la Bible.

Mais les choses ne s’arrêtent pas là. En apprenant à mieux lire la Bible, nous apprenons à mieux aimer Dieu et, par conséquent, à mieux aimer nos prochains aussi.

Traduit par Valérie Marie-Agnès Dörrzapf

Révisé par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Books

Neuf ans et 782 000 mots plus tard, une jeune Américaine termine une Bible écrite à la main

Le projet de Caroline Campbell vise à inciter les chrétiens à étudier les Écritures et à considérer le handicap comme un cadeau pour l’Église.

Christianity Today October 19, 2021
Drew Martin / AP Images

Kenny Campbell faisait un peu de ménage de printemps quand il a trouvé une pile de papiers avec l’écriture de sa fille Caroline. Il a feuilleté les pages et a réalisé qu’elles avaient quelque chose de spécial. Il s’agissait de versets bibliques, copiés à la main.

Les Campbell fréquentent une Église évangélique dans le comté de Beaufort, en Caroline du Sud, et leur fille adolescente, atteinte de trisomie 21, notait les versets sur lesquels leur pasteur prêchait. Celui-ci, Carl Broggi emploie la méthode de la prédication textuelle, enseignant la Bible verset par verset ; Caroline avait enregistré ces versets de sa propre main.

« C’est incroyable, Caroline, tout ce que tu as écrit », lui a dit Kenny.

Dans l’élan, il a lancé l’idée qu’elle pourrait copier toute la Bible. « Oui, d’accord », a répondu Caroline.

Ces deux mots ont donné le coup d’envoi à un projet de neuf ans. De janvier 2012 à juin 2021, Caroline, qui a aujourd’hui 28 ans, a copié la Bible entière à la main. Elle a commencé par la Genèse et s’est frayé un chemin jusqu’à l’Apocalypse, en écrivant les 782 815 mots de sa Bible (une NASB de 1973, en anglais). Jennifer, la mère de Caroline, estime que le manuscrit terminé compte plus de 10 000 pages, regroupées dans 43 classeurs.

Une fois qu’elle a commencé, dit Caroline, elle ne s’est plus arrêtée. Elle a persévéré par amour pour la Bible et par désir d’encourager les autres. « Je veux encourager les gens à étudier la Bible », nous a-t-elle déclaré.

Kenny et Jennifer disent que cela a été une expérience-clé de leur parcours en tant que parents d’une fille atteinte du syndrome de Down. Ils ont dû apprendre à ne pas lui imposer de limites. Lorsque leur fille a été diagnostiquée, ils étaient très inquiets. Mais ils ont rapidement décidé de la traiter comme n’importe quel autre enfant. Et c’est ainsi qu'ils ont découvert qu'elle pouvait à l'occasion les époustoufler par ses extraordinaires manières d’être différente.

Bethany McKinney Fox, pasteure de l’Église Beloved Everybody Church à Los Angeles et auteure de Disability and the Way of Jesus (« Le handicap et la voie de Jésus »), affirme que la Bible de Caroline est un bon exemple des différentes manières dont les gens se connectent à Dieu.

Dans de nombreuses Églises aujourd’hui, dit-elle, où la plupart des gens ont des capacités intellectuelles ou physiques semblables, les formes d’adoration sont sensiblement les mêmes. Le fait d’avoir dans la communauté des personnes ayant des cerveaux et des corps différents peut favoriser un environnement ouvert à une plus grande diversité dans la manière de rendre un culte.

Elle explique : « Cela vous invite à explorer différentes façons de vous connecter à Dieu, et je pense que c'est vraiment utile ». « Nous sommes clairement appelés à suivre Dieu de tout notre être. Jésus n’a pas dit aux pêcheurs : “Tenez, lisez ce livre, croyez à ces choses et tout ira bien”. Il leur a dit : “Prenez ce que vous êtes, et suivez-moi” ».

L’Église que sert Bethany McKinney Fox, Beloved Everybody, se décrit comme « une communauté de personnes avec ou sans handicap intellectuel, développemental ou autre, ayant un désir commun de suivre Jésus, dans un contexte où tous participent aux décisions et aux actions ». Elle encourage toutes les Églises à être plus ouvertes à l’idée de faire de personnes comme Caroline des membres à part entière de leur congrégation.

Le pasteur Broggi est d’accord : « Nous sommes si fiers de Caroline. Elle est un grand témoignage pour notre Église et pour le Seigneur ». « Caroline a été une source d’inspiration pour de nombreuses personnes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de notre congrégation. »

Caroline est bénévole pour l’accueil dans son Église et rend régulièrement visite aux fidèles qui se trouvent dans des maisons de retraite. L’Église a organisé une fête pour elle en juin, lorsqu’elle a fini de copier l’Apocalypse, qui, comme Caroline peut vous le dire de mémoire, compte 22 chapitres.

Au fil des ans, lorsqu’elle terminait chacun des 66 livres de la Bible, Caroline annonçait fièrement le nombre de chapitres du livre. La Genèse en compte 50. Le Lévitique, 27. Le plus long et le plus difficile était les Psaumes, avec 150 chapitres, dit-elle. Elle a mémorisé le nombre de chacun d’entre eux. « Mon livre préféré est Esther », dit-elle.

Même si le projet s’est étalé sur de nombreux chapitres et années, Caroline n’a jamais envisagé d’abandonner. Elle consacrait environ deux heures par jour à la transcription et continuait quel que soit l’endroit où elle se trouvait un jour donné. Parfois, elle était à la maison. Parfois, elle était avec ses parents sur un terrain de golf. Jour après jour, elle dévorait les mots : « C’était incroyable de la voir faire », dit Kenny. « On ne s’ennuyait jamais à l’entendre dire où elle en était ou ce qu’elle faisait. Il n’y avait pas besoin d’encouragement pour la faire avancer ».

Inspiré par sa dévotion pour les Écritures, Kenny essayait parfois de lire le livre de la Bible sur lequel Caroline travaillait. Le plus souvent, elle était plus rapide que lui.

Au fil des ans, les Campbell se sont émerveillés de voir Caroline exceller dans sa vie. Dans les premières années, Norma, la mère maintenant décédée de Jennifer, leur a apporté une aide inestimable. Enseignante à la retraite, elle consacrait des heures à Caroline, lui apprenant à jouer du piano, à faire du vélo et à écrire. « Elle a joué un rôle déterminant dans tant de choses que Caroline fait aujourd’hui », dit Kenny. « Ce que nous voyons est un rappel constant de tous les efforts qu’elle a investis en Caroline avec tant d’amour ».

Jennifer dit que lorsqu’elle voit sa fille, elle se rappelle régulièrement les fruits de l’Esprit. Caroline peut détecter la souffrance des gens, et lorsqu’elle sait que quelqu’un a perdu un être cher, elle prend le temps d’écrire à la main le Psaume 23 pour l’offrir à la personne.

Il y a quelques années, elle a obtenu un emploi chez Zaxby’s, une chaîne de sandwiches au poulet, et Caroline s’y est fait remarquer pour sa joie. Hillis Murray, propriétaire de la franchise locale, a déclaré qu’il avait su que Caroline était spéciale dès leur première rencontre, lorsque Caroline s’est présentée pour un entretien d’embauche : « Je suis sorti de cette réunion en me disant : “Cette fille est une étoile” », a déclaré Murray dans une vidéo publiée pour rendre hommage à Caroline. « Sa personnalité rayonne. C’est une véritable étoile, et cette étoile est radieuse. Son attitude rend la nôtre meilleure. »

Si heureux que les Campbell soient de voir Caroline réussir dans son travail ou exceller dans son bénévolat à l’Église, ils se réjouissent surtout de voir comment elle vit sa foi. Kenny et Jennifer estiment qu’ils ont fait de leur mieux pour enseigner à Caroline le plus normalement possible qui est Dieu et comment il nous sauve : « L’Évangile est assez direct et simple à comprendre — la mort, le tombeau et la résurrection. Elle a appris à connaître cette vérité », dit Kenny.

« C’est ça », commente Caroline.

Depuis que sa Bible manuscrite a attiré l’attention des médias, Caroline est heureuse d’apprendre qu’elle a inspiré d’autres personnes à aimer les Écritures comme elle. Elle a récemment reçu une lettre d’un étudiant en théologie à l’autre bout du pays disant qu’il allait lui aussi commencer à écrire la Bible à la main.

Kenny et Jennifer espèrent également que cela encouragera les familles et les Églises à s’ouvrir davantage aux personnes en situation de handicap.

« Souvent, les gens se concentrent sur le négatif et non sur le positif », dit Kenny. « Ils ne réalisent pas que c’est un cadeau que Dieu leur fait. »

Traduit par Simon Fournier

Révisé par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Tom Brown, un héros ?

En détruisant la création de Dieu, nous nous privons de son appel à l’adoration.

Christianity Today October 15, 2021
John Fedele / Getty / Edits by Rick Szuecs

Un article de juin 2021 sur le site Atlas Obscura offrait ce sous-titre : « Le passe-temps auquel Tom Brown consacre sa retraite est une aubaine pour les cuisiniers, les écologistes et le cidre ». J’ajouterais : « et pour l’Église ».

Brown, un ingénieur chimiste à la retraite, a passé ces dernières années à rechercher des variétés de pommes oubliées ou perdues. Au début du 20e siècle, il y avait environ 14 000 variétés de pommes aux États-Unis. Mais comme le rapporte Eric J. Wallace dans l’article d’Atlas Obscura, « à la fin des années 1990, la production indigène de pommes destinées au marché intérieur américain reposait sur moins de 100 variétés ! »

Au cours des 25 dernières années, Brown « a retrouvé environ 1 200 variétés, et son verger d’un hectare […] contient 700 des plus rares d’entre elles » — jaunes tachetées, rouges ou vertes, avec des surnoms tels Carolina Beauty ou Sheepnose. Pourtant, poursuit Wallace, « les experts ont estimé qu’environ 11 000 variétés anciennes ont disparu ». Autant de subtiles nuances de douceur, d’acidité, de couleur et de texture. Autant de glorieux parcours de culture ou d’hybridation. Disparus. Remplacés par l’homogénéité industrielle.

Les débats sur la biodiversité peuvent s’enliser dans des échanges abstraits. L’ampleur de la catastrophe environnementale pourrait plonger n’importe qui dans une inhibition paralysante. Le problème est trop complexe, trop difficile à saisir dans sa globalité. Mais dans les particularités des oiseaux du jardin, des vers de terre et des variétés de pommes, les questions concernant la création me deviennent compréhensibles.

Comme Matthew Sleeth, défenseur de la cause environnementale, le souligne à juste titre, si l’on comprend que le changement climatique est bien d’origine humaine, on en déduit intuitivement que le monde est en train de mourir. Ne devrions-nous pas alors, en tant qu’Église, nous lamenter devant ce dépeuplement des cieux et des mers qui défigure non seulement la terre mais aussi notre foi ? La destruction de la création affecte inévitablement notre éthique et le culte que nous rendons à Dieu.

Toute disparition d’espèce, végétale ou animale, signe la perte de quelque chose qui, au départ, a été conçu avec un amour infini. La nature est une icône, une fenêtre sur le ciel de Dieu. Lorsque nous détruisons l’icône, nous ne pouvons plus entendre son appel à l’adoration.

Dans son livre Against Nature (« Contre la nature »), Steven Vogel écrit que lorsque la nature est réduite à une simple fonction d’objet, nous voyons la création comme l’obstacle « à surmonter et maîtriser pour satisfaire les besoins matériels humains ». Il en résulte une « séparation fondamentale des humains et de la nature ».

Le monde créé cesse d’être un lieu qui reflète la gloire de Dieu, un lieu d’émerveillement. Il devient au contraire la matière brute qui alimente l’exploitation commerciale et la consommation personnelle irréfléchie. Un monde déraciné est un monde sans Dieu.

De plus, notre vision de la nature a un impact considérable sur notre théologie, nos croyances et notre éthique. Si la création est dévalorisée, nous perdons notre identité de créatures incarnées et le sens de nos existences. Si la perte de 11 000 variétés de pommes n’pas de sens, alors pourquoi la façon dont j’utilise mon corps serait-elle si importante ? Et d’ailleurs pourquoi les corps sont-ils si importants après tout ?

Dans un éditorial sur l’éthique sexuelle chrétienne, Andy Crouch écrivait que « la question du corps est un des éléments-clé d’une saine théologie sexuelle. Car derrière le rejet du corps se cache en fin de compte un dégoût gnostique pour l’incarnation en général ».

Bien que je parle beaucoup de la sainteté de l’incarnation, je flirte régulièrement avec le gnosticisme. Je passe mes journées à discuter avec des collègues sur des écrans. Je mange de la nourriture qui apparaît comme par magie sur ma table sans avoir à me salir les mains puisque je n’ai participé ni à la plantation ni à la récolte des ingrédients qui la composent. Mes écrits et mes prédications me maintiennent dans un monde d’idées déconnectées de la réalité.

Pour beaucoup d’entre nous, nos corps semblent à peine nécessaires pour vivre. Avec notre déconnexion culturelle de la réalité, des limites et des rythmes du monde naturel, nous peinons à entretenir une théologie du corps qui apparaît aussi arbitraire qu’abstraite.

Une partie de la vocation de l’Église et de sa contribution pour aujourd’hui consiste à montrer aux gens comment vivre à nouveau en tant que créatures. Pour beaucoup, le chemin du retour à la foi ne se trouvera pas dans de meilleurs arguments en sa faveur — bien que ceux-ci soient importants — mais dans une relation plus profonde avec ce monde bien terrestre, poussiéreux, et glorieux dans lequel nous nous trouvons. Préserver la beauté de la création préserve notre adoration de Dieu.

Tom Brown est donc bel et bien un héros. Il a récupéré 1 200 échantillons de la délicieuse sagesse de Dieu – 1 200 témoins que la substance de la création, y compris notre corps, compte. Il a sauvé un trésor d’icônes aussi sacrées qu’une voûte parée d’or du Vatican.

J’espère lui ressembler davantage. J’espère me salir les mains aujourd’hui au contact de la terre. J’espère me promener ou apprendre à connaître une autre variété d’arbre dans mon jardin. J’espère manger des produits du potager récemment planté par mon mari et me rappeler que le Créateur m’a également créée. Il a fait de moi une partie de ce monde où les rochers, les rouges-gorges et même les pommes « crient » son nom.

Traduit par Jacques Lemaire

Révisé par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Combattre l’anxiété avec l’Ancien Testament

Ces antiques écrits sont une étonnante source de soutien dans nos luttes contre le stress.

Christianity Today September 30, 2021
Illustration by Matt Chinworth

Cet article est le troisième d’une série de six essais rédigés par un panel d’éminents chercheurs qui réexaminent la place du « Premier Testament » dans la foi chrétienne contemporaine. — Les éditeurs

Statistiquement, je fais partie de la génération des « millenials ». Surnommés « la génération anxieuse », la plupart d’entre nous sommes stressés et en proie à une anxiété qui perturbe notre travail en moyenne deux fois plus qu’auparavant. Nous sommes leaders en matière de crise de santé mentale dans un environnement où beaucoup estiment que l’anxiété est en hausse pour tout le monde.

Jusqu’à récemment, je ne pensais pas être une personne anxieuse. Puis, en une seule année, j’ai terminé la rédaction de ma thèse de doctorat en Angleterre, j’ai occupé plusieurs emplois à temps partiel pour payer les factures, je me suis déchiré un ligament du genou (à la 36e semaine de grossesse de ma femme), je suis devenu père pour la première fois, j’ai trouvé un emploi universitaire, obtenu un visa de travail, déménagé outre-Atlantique, trouvé un logement, terminé mon premier trimestre d’enseignement et soutenu ma thèse de doctorat. Tout cela n’était pas forcément mauvais ni ne représentait la fin du monde. Certaines de ces choses étaient excellentes. Mais au bout du compte, j’ai fini épuisé et anxieux.

Mon histoire n’a rien d’exceptionnel. Les lieux de travail sont de plus en plus mobiles, ce qui crée un risque d’isolement et de surmenage. On dit aux jeunes d’aller n’importe où et de faire ce qui leur plaît, mais leur santé mentale en paie le prix fort. Et cela sans parler de problèmes plus graves comme la toxicomanie, les abus, les maladies chroniques, le chômage, le sans-abrisme et une foule d’autres fléaux qui affligent tant de personnes aujourd’hui. En réponse à cela, c’est toute une industrie du bien-être plus que florissante qui s’est développée, où l’offre va des thérapeutes Instagram, aux animaux de compagnie, en passant par les gadgets antistress. En tant que chrétien, il peut nous arriver de ressentir une certaine tension, voire même de nous sentir coupables, lorsqu’un médecin ou un livre de développement personnel paraît davantage améliorer notre santé mentale que la lecture de la Bible.

Ayant moi-même cherché une aide professionnelle pour gérer mon anxiété, je peux cependant affirmer que mon propre chemin de rétablissement s’est toujours ancré dans la Bible, en particulier dans le passage suivant, tiré de l’Ancien Testament : « N’aie pas peur, car je suis moi-même avec toi. Ne promène pas des regards inquiets, car je suis ton Dieu. Je te fortifie, je viens à ton secours ; je te soutiens par ma main droite, la main de la justice » (És 41.10). Si l’on en croit la sagesse des médias, ou même celle de certains responsables chrétiens, ma guérison n’était pas censée se produire de cette façon, pas à l’aide de ce poussiéreux Ancien Testament. Mais alors que d’autres préparent son cercueil et son éloge funèbre, je le trouve rempli de vie.

Heureusement, je ne suis pas le seul. Plusieurs de nos chants d’adoration les plus thérapeutiques regorgent de références à l’Ancien Testament, ainsi par exemple « J’élève un Alléluia » (« Raise a Hallelujah ») et « Béni soit ton nom » (« Blessed Be Your Name »). Le livre primé de Fleming Rutledge, The Crucifixion (« La crucifixion »), souligne comment les communautés qui endurent des générations de marginalisation puisent du réconfort dans les récits d’exil et de délivrance de l’Ancien Testament. On le voit dans le discours de Martin Luther King Jr. « I Have a Dream », dans lequel il utilisait des thèmes de l’Ancien Testament, dont une allusion au Psaume 30, pour réconforter son auditoire anxieux.

Les textes de la Bible — en particulier l’Ancien Testament — sont anciens, et ont été écrits bien avant la crise de santé mentale que nous vivons aujourd’hui. Mais ils ne sont pas pour autant sans rapport avec nos préoccupations, ni à reléguer simplement en toile de fond du Nouveau Testament, considéré comme plus pertinent. En fait, parce qu’il relate l’histoire de divers individus et leurs expériences les plus difficiles, l’Ancien Testament n’est pas si ancien. Il offre une forme particulière de thérapie de groupe.

Apprendre de l’expérience

La pertinence de l’Ancien Testament pour traiter l’anxiété tient d’abord à sa composition. Il est le produit du travail de dizaines d’auteurs au fil d’un millénaire entier. Il relate ainsi un nombre accablant d’événements traumatisants, du meurtre d’Abel à l’oppression d’Israël en Égypte, en passant par le viol de Tamar et l’exil à Babylone, pour n’en citer que quelques-uns. Cela change du Nouveau Testament, qui est si condensé et a été rédigé en si peu de temps que des événements similaires du premier siècle — comme la destruction du temple de Jérusalem ou l’éruption qui a rasé Pompéi et peut-être tué des dizaines de chrétiens de cette époque — n’y figurent pas.

Imaginez que vous vous trouviez près du site du World Trade Center le jour du 11 septembre 2001. Quelles pensées et quels sentiments éprouveriez-vous ? Dans de nombreux pays, la plupart de ceux qui étaient déjà nés au moment des attentats se souviennent de l’endroit où ils se trouvaient en ce jour fatidique et de ce qu’ils ont ressenti en regardant les images de l’effondrement des tours diffusées en boucle. Les expériences qui sous-tendent les textes de l’Ancien Testament ne sont pas très différentes. Presque tous les textes de l’Ancien Testament contiennent au moins un événement perturbant pour la société dans son ensemble — qu’il s’agisse d’une catastrophe naturelle, d’une invasion militaire, d’un exil national ou d’un scandale politique.

Il n’est donc pas surprenant que l’Ancien Testament contienne bien plus de ces fameux « N’ayez pas peur » bibliques que le Nouveau Testament. Ces documents distillent la sagesse des siècles, nous faisant pénétrer dans le conseil des plus anciens des anciens et des sages les plus avisés pour apprendre ce que ce que signifie avoir confiance en Dieu.

Faire preuve de solidarité

L’un des moyens par lesquels l’Ancien Testament apporte du réconfort aux anxieux est sa dépendance à l’égard de deux genres littéraires très attirants. Le premier est le récit historique, que l’on trouve dans des livres comme la Genèse ou Josué. Contrairement à certains profils sur les réseaux sociaux qui sont soigneusement conçus pour ne présenter que les meilleures facettes, les moments les plus palpitants et les plus grandes réussites de la vie d’une personne, ces anciens récits révèlent une image plus complète. Les personnages sont présentés avec à la fois leurs accomplissements et leurs faiblesses. Il y a Moïse, l’orateur effrayé (Ex 4.10) ; Achaz, le monarque désespéré (2 R 16.7) ; et Naomi, la belle-mère marquée par l’amertume (Rt 1.20-21). Ces personnages dissipent les stigmates de l’anxiété et nous rappellent que Dieu agit à travers des personnes brisées.

Les Psaumes viennent compléter les récits en nous offrant des images prises sur le vif d’individus réagissant à l’anxiété. Loin d’un résumé bien ordonné destiné à une réunion de rétrospective, la question pénétrante de David, « Jusqu’à quand, Éternel ? » (Ps 13.1), nous invite à prendre part nous même à sa souffrance aiguë et nous donne la permission d’implorer Dieu pour qu’il mette aussi fin à nos propres souffrances. Asaph exprime l’inexprimable lorsqu’il dit que Dieu ne lui a donné qu’un « pain trempé de larmes » (Ps 80.5). Plus important encore, cet ensemble de voix humaines apporte des réponses théologiques : « L’Éternel est pour moi, je n’ai peur de rien : que peuvent me faire des hommes ? » (Ps 118.6). Le réconfort des Psaumes se ressent surtout quand on se rappelle que ce sont des chants destinés à être chantés et qu’ils sont la Parole inspirée de Dieu. Ainsi, comme le notait Jean Calvin, lorsque nous chantons les Psaumes pendant les épreuves, c’est comme si l’Esprit de Dieu chantait à travers nous.

Évidemment, les textes de l’Ancien Testament ne semblent pas toujours être une bonne ressource pour combattre l’anxiété. Certains passages font l’effet d’un coup de poing littéraire : la promesse du jugement transmise par Michée à l’encontre du peuple d’Israël (Mi 2.3-5) ; les récits de grandes épreuves, telles que le quasi-sacrifice d’Isaac par Abraham (Ge 22.1-18). Loin de nous réconforter, ces textes ne font parfois qu’augmenter notre angoisse. Mais si nous les lisons attentivement, nous constaterons que chacune de ces histoires est rédemptrice, car l’anxiété est passagère et a pour but de nous rapprocher de Dieu dans la foi et dans l’espérance. L’intention d’un auteur biblique n’est jamais de s’acharner à titiller les peurs d’un croyant ou de lui ôter sa foi en un Dieu bon.

Poser la question existentielle

Au-delà du partage d’histoires et du réconfort offert, les textes de l’Ancien Testament lancent souvent un défi : allez-vous mettre en pratique la foi que vous professez ? Cela peut sembler banal, mais c’est exactement ce que nous avons besoin d’entendre si l’anxiété est, au moins en partie, le produit de notre volonté, une habitude de l’esprit qui peut être contrecarrée. Lorsque je consultais un professionnel dans le cadre d’une thérapie axée sur mes points forts, c’était la question qu’il ne cessait d’aborder avec moi. « Votre Dieu n’est-il pas un Dieu d’amour et de soins infinis ? Comment cela peut-il être mis en lien avec votre anxiété ? » Il est troublant de faire face à un non-chrétien qui met en évidence la déconnexion entre ce que vous croyez (orthodoxie) et ce que vous pratiquez (orthopraxie), mais il avait raison. Vous ne pourrez pas réciter très longtemps la « Prière de la sérénité » avant que la phrase « le courage de changer les choses que je peux » ne sonne comme un appel à l’action.

L’Ancien Testament s’intègre parfaitement dans ce mouvement qui va du réconfort à l’exhortation. Josué dit aux Israélites d’entrer au Canaan avec courage (Jos 1.18). Les Proverbes opposent les méchants et les pieux en fonction de leur relation à la peur et à l’anxiété : « Le méchant prend la fuite sans même qu’on le poursuive, tandis que le juste a autant de confiance qu’un jeune lion » (Pr 28.1). Dans le livre d’Ésaïe, le prophète défie Achaz alors qu’il s’inquiète de la menace d’une invasion militaire : « Si vous ne croyez pas, vous ne subsisterez pas » (7.9).

Fondamentalement, ces commandements ne sont pas émis par un Dieu pointant du doigt qui reste à l’écart tandis que nous sommes plongés dans les terreurs de la vie. Ce Dieu est toujours présent et, même lorsqu’il nous commande, il marche déjà avec nous, nous conduisant sur des chemins que nous ne pouvons emprunter seuls. C’est le message de Psaume 23.4, que certaines traductions restituent ainsi : « Même quand je marche dans une vallée d’obscures ténèbres, je ne redoute aucun mal, car tu es avec moi ». Cette traduction nous aide à voir que Dieu marche avec nous, non seulement à l’approche de la mort, mais dans tous les moments sombres de notre vie. Il est toujours là.

Lorsque ce Dieu omniprésent nous demande d’être audacieux et courageux, nous trouvons un paradigme surprenant pour faire face à l’anxiété. La vie de foi est difficile et exige une confiance en Dieu au-delà de ce que l’œil peut voir. Mais une vie d’incrédulité est encore plus difficile parce qu’elle capitule devant la peur et perd Dieu de vue dans la panique qui s’ensuit. Quoi qu’il en soit, et contrairement à ce que l’on entend parfois, ce n’est pas le doute qui évince la foi. Le doute est un outil qui permet de remettre ses peurs en question. C’est l’anxiété elle-même qui amenuise notre foi. Notre vocation en tant que croyants anxieux est de voir et d’apprécier la contradiction entre notre anxiété et le Dieu qui nous aime. Avec l’aide d’autres techniques, et éventuellement de médicaments, le simple fait de croire en Dieu nous fait combattre l’anxiété.

Ce défi a un grand impact sur moi personnellement. Je suis très bon pour ce qui est de contrôler ma vie. Je sais anticiper les demandes, gérer des projets et persévérer. Je planifie mes journées à l’heure près (parfois même de façon plus précise) et je me réfère à d’autres personnes, que ce soit ma femme ou un collègue, pour m’assurer que j’assume mes responsabilités à la maison et au travail. Mais dans mes moments les plus sombres, surtout quand je suis fatigué, je suis anxieux à propos de choses que je ne pourrai jamais contrôler. Je suis tracassé par les accidents d’avion, le cancer, ou à propos d’interactions avec des inconnus.

Si elles ne sont pas contrôlées, ces pensées deviennent le bruit de fond de ma vie. C’est donc une grâce de s’entendre dire que son anxiété crée des illusions ou, pour reprendre les mots de Martin Luther, un théologien qui a plus que quiconque lutté contre l’anxiété, que celle-ci est tout ce que Satan peut nous faire à présent, car le Seigneur est « une tour fortifiée : le juste s’y réfugie et se trouve en sécurité » (Pr 18.10).

Thérapie trinitaire

Malgré la multiplicité des personnages que l’Ancien Testament nous présente, des prophètes aux rois, pour réfléchir à leur combat pour leur foi et face à leur anxiété, il subsiste toujours un sentiment d’inachèvement. Leurs conseils humains restent limités. Ainsi, c’est tout un chœur de voix qui nous pousse à nous en remettre au conseil de Dieu lui-même. Dieu soutient Moïse en envoyant des fléaux ; Esaïe livre la parole du Seigneur à Achaz ; Naomi reçoit une réponse à ses prières. Ces voix humaines indiquent une solution divine. Job lui-même se lamente ainsi : « Si seulement il y avait quelqu’un pour servir d’intermédiaire entre nous, quelqu’un pour nous rassembler » (Job 9.33).

C’est là que le Nouveau Testament entre en jeu. Il est centré sur le plus grand cataclysme de l’histoire — la mort du Fils de Dieu — et sur la façon dont les cataclysmes de l’Ancien Testament trouvent leur résolution en lui. Mais le Nouveau Testament n’abandonne jamais le modèle de rédemption de l’Ancien Testament, en particulier le réconfort d’un Dieu qui marche avec nous dans « une vallée d’obscures ténèbres ». L’incarnation de Jésus en cette nuit providentielle à Bethléem permet à Dieu de pénétrer plus pleinement dans nos souffrances, et même dans nos maladies mentales.

Lorsque Jésus atteint Gethsémané, il dit qu’il est accablé de douleur ou « très affligé », triste au point d’en mourir (Mt 26.38). Cette expression est dérivée du terme grec lypè, désignant sans doute l’émotion la plus redoutée dans l’Antiquité. Certains chercheurs suggèrent que c’était l’équivalent de notre notion de dépression. Cette émotion était si pénible que les stoïciens, ces philosophes grecs connus pour leurs efforts en vue d’éviter toutes émotions négatives, croyaient qu’il n’y avait pas de remède. C’était un état mental irrémédiable.

Alors que ce Dieu-homme désespéré est suspendu sur la croix, il se tourne, vous l’avez deviné, vers l’Ancien Testament. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27.46 ; Ps 22.1). Nous entrons ici dans le mystère du Dieu trinitaire. Au moment où Jésus exprime son angoisse de mourir, nous ne pouvons pas être absolument sûrs de ce que l’Esprit lui a dit. Mais cela avait probablement à voir avec le contenu du psaume qu’il récitait : « Ils proclameront sa justice, déclarant à un peuple encore à naître : Il l’a fait ! » (22.31).

La note finale d’espoir et d’attente du Psaume 22 préfigure la résurrection de Jésus, et c’est un événement qui a des implications beaucoup plus profondes que nous ne pouvons l’imaginer. Si Jésus peut se rendre dans les recoins mentaux les plus sombres de l’esprit humain à Gethsémané et émerger ressuscité et justifié, nous aussi, par notre foi en lui, serons élevés à une nouvelle vie et à une nouvelle psychologie. Cette prise de conscience est un grand encouragement pour les personnes anxieuses.

Pour moi, l’anxiété a toujours été un sentiment de malheur imminent. Elle est difficile à ébranler, et le désastre semble inévitable. Il n’y a pas de séance de thérapie ni de judicieux conseil qui puisse complètement la terrasser. Mais dans la thérapie du Père, du Fils et du Saint-Esprit, une promesse est faite selon laquelle notre anxiété finira par prendre fin, et cette perspective nous aide à endurer nos vies souvent angoissées. Mieux encore, cette promesse laisse augurer une libération totale de l’anxiété et de toute maladie mentale, lorsque nous recevrons de nouveaux corps et que nous nous lèverons pour célébrer la victoire du Christ avec un esprit qui ne connaît que « l’amour parfait » de Dieu, celui qui « chasse toute peur » (1 Jn 4.18).

B. G. White est professeur adjoint d’études bibliques au King’s College de New York et membre du « Center for Pastor Theologians ».

Traduit par Valérie Marie-Agnès Dörrzapf

Révisé par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Pourquoi s’inquiéter du CO2 ?

Entre catastrophes naturelles et dernier rapport du GIEC, le changement climatique revient sur le devant de la scène médiatique. En tant que chrétiens, pourquoi devrions-nous nous en préoccuper ?

Christianity Today September 15, 2021
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Christiana Gottardi / Hennie Stander / Patrick Hendry / Unsplash

Le 22 avril 2021, à l’occasion de la Jounée de la Terre, le président Joe Biden ouvrait un sommet virtuel de deux jours sur le climat en engageant les États-Unis, deuxième producteur mondial de gaz à effet de serre (GES) après la Chine, à réduire ses émissions de 50 à 52 % par rapport au niveau de 2005. C’est un objectif ambitieux, et un objectif que les États-Unis ne sont pas en passe d’atteindre aisément. Les projections quant aux émissions de l’année dernière envisageaient une baisse de plus de 20 %, principalement en raison de l’impact de la pandémie sur l’activité humaine. Mais avec l’assouplissement des restrictions sanitaires partout dans le monde, la pression pour un retour à la normale s’intensifie, ce qui est une mauvaise nouvelle pour l’atmosphère puisque cela signifie des émissions de gaz carbonique (CO2) à des niveaux jamais atteints naturellement depuis plus de 20 000 ans.

Jésus prédisait déjà la destruction de l’environnement à l’échelle cosmique alors qu’il se tenait sur le parvis du temple, symbole de la création comme demeure du Tout-Puissant, reprenant un ancien langage apocalyptique évoquant l’obscurcissement du soleil et de la lune, les famines, les tremblements de terre et la guerre (Mc 13.5-25).

Les sombres prévisions de Jésus s’accompagnent néanmoins d’un rappel réconfortant de la souveraineté de Dieu et de sa sollicitude pour son peuple (13.13). Le Seigneur veillera sur la vie humaine (Ps 121.7-8). Malheureusement, ces vérités se mêlent parfois à des idéologies nationalistes et à l’économie du laissez-faire, et se teintent des soupçons tenaces de certains chrétiens envers la science comme substitut séculier de la foi. Des chrétiens expriment leur scepticisme vis-à-vis des règles gouvernementales freinant l’activité économique et, en raison des erreurs du passé, leur scepticisme vis-à-vis des prédictions scientifiques sur le futur. D’après une enquête parue en 2015, plus d’un tiers des évangéliques estimaient qu’il n’y avait « aucune preuve solide » de la réalité du changement climatique.

Si seulement c’était vrai ! Au lieu de cela, une écrasante collection de preuves accumulées depuis le milieu des années 1800 à bord de navires et étoffée depuis à l’aide de satellites, de données géologiques et d’analyses informatiques, convergent toutes pour affirmer que la terre se réchauffe. Plus de 90 % des scientifiques de la Terre sont d’accord pour désigner l’activité humaine comme cause principale. Malgré les marées grandissantes, les conditions météorologiques extrêmes et les températures de plus en plus chaudes, le changement climatique, ignoré, menace de détruire les économies, de rendre certaines parties du monde inhabitables et d’exacerber les disparités entre riches et pauvres. Il reste à voir à quoi cela pourrait ressembler exactement — car le consensus sur le réchauffement n’est pas consensus sur ses effets futurs — mais les inquiétudes sont réelles.

Ma fille adolescente se plaint régulièrement lorsqu’elle entend ces perspectives catastrophiques : « Pourquoi m’avez-vous fait naître dans un tel monde ? »

Selon Robin Globus Veldman, professeur adjoint d’études religieuses à l’Université A&M du Texas, c’est en partie à cause de l’attente du retour du Christ que certains évangéliques nient les sombres pronostics sur le climat et s’opposent aux mesures gouvernementales. Le monde, qui est la demeure du mal, est voué à l’extinction par le retour triomphal de Jésus (Ap 19.11-21). Ajoutez au triomphe final le caractère temporaire inhérent à la vie terrestre et vous débouchez sur un déficit d’intérêt pour la préservation la planète.

Depuis le commencement, Dieu a donné aux humains le pouvoir sur la Terre (Gn 1.28), ce qui implique que nous qui sommes créés à son image soyons pleins de la même attention bienveillante pour la création que lui (Gn 2.15 ; Lv 25.3-5). Cette responsabilité et ce pouvoir qui nous ont été confiés devraient favoriser la créativité dans le développement de solutions pour le climat et motiver des changements de mode de vie. Pourtant, la nature humaine pécheresse étant ce qu’elle est, nous sommes enclins à abuser du pouvoir et à nous servir nous-mêmes, transformant notre responsabilité de prendre soin en une domination despotique, avec des conséquences néfastes pour nous-mêmes, nos communautés et potentiellement notre planète.

La résurrection et le retour de Jésus sont la réponse finale de Dieu à toute dépravation et toute destruction. Le Fils de l’homme viendra « sur les nuées avec une grande puissance et avec gloire. Il enverra ses anges et rassemblera ses élus des quatre vents, des extrémités de la terre jusqu’aux extrémités des cieux » (Mc 1.26-27). Jésus fait sienne la prophétie de Daniel 7, un sommet de la prophétie vétérotestamentaire. Daniel vit « quelqu’un semblable à un fils de l’homme, venant sur les nuées du ciel. […] Il reçut autorité, gloire et pouvoir souverain » (v. 13-14).

Jésus parle de lui-même comme « Fils de l’homme » tout au long des Évangiles, ce qui signifie qu’il est plus qu’un être humain normal. Comme nous le commémorons à Noël, Jésus n’était le fils d’aucun homme mais a été conçu par le Saint-Esprit, et en conséquence, investi du droit divin de juger le péché humain. La spécialiste du Nouveau Testament Elizabeth Shively note en outre que l’obscurcissement du soleil et l’ébranlement des cieux représentent également le jugement de Jésus contre les puissances démoniaques.

Cependant, cette assurance du futur triomphe divin et du renouvellement de toutes choses n’est pas une raison pour laisser aller le présent à sa perte. Le retour de Jésus ne nous décharge pas de nos responsabilités. Au contraire, nos égards et notre préoccupation pour la terre et ses habitants seront des critères de jugement de notre propre fidélité (Mt 25.14-30 ; Mc 13.33-34 ; Lc 18.8).

Pour des chrétiens qui considèrent la création comme l’œuvre de Dieu (Ps 19.1), la foi pousse à louer, à remercier et à agir en sages intendants de la création. J’essaie moi-même, par petites touches, de faire ma part. J’élève des abeilles, j’évite les herbicides, je conduis une voiture hybride et j’ai installé des panneaux solaires. Mais étant donné l’ampleur des signes avant-coureurs, mes petits efforts ont probablement plus d’effet pour soulager ma conscience et impressionner mes voisins que pour atténuer la catastrophe mondiale.

Une réorganisation systémique mondiale est nécessaire, une tâche énorme exigeant une immense volonté politique, en particulier de la part des pays les plus riches qui émettent des gaz à effet de serre aux niveaux les plus élevés. En 2020, environ 40 % de l’électricité américaine provenait des énergies renouvelables et de l’énergie d’origine nucléaire. Il faudra que ce chiffre passe à 80 % d’ici 2030 pour atteindre la moitié de l’objectif global de Biden visant une réduction de 50 % des gaz à effet de serre.

Les individus et les Églises peuvent démontrer une manière de « gérer » la création avec amour et plaider en faveur de l’action politique. Une telle action selon des principes de conservation et de préservation peut aider à libérer les ressources propres de la nature pour son rétablissement — un témoignage de la puissance créatrice donnée par Dieu — mais est aussi une nécessité pour la survie humaine. Il y a une solidarité fondamentale entre les créatures faites à l’image de Dieu et la création où l’empreinte de Dieu est visible, une continuité fondamentale entre la création actuelle et la nouvelle création. Notre nouvelle naissance engendre sa nouvelle naissance (Rm 8.20-23).

Dans les Écritures, la promesse de la nouvelle création mentionne spécifiquement un nouveau ciel et une nouvelle terre (Es 65.17 ; Ap 21.1), un monde nouveau mais pas nécessairement si différent. La continuité fondamentale entre la création actuelle et la nouvelle suggère une nouvelle Terre modelée d’après la nôtre. Notre planète n’est donc pas une planète jetable, tout comme nos corps ne sont pas de simples vases d’argile qu’on jetterait négligemment de côté. Les chrétiens confessent la résurrection des corps sur le modèle du corps ressuscité de Jésus et, de même, l’émergence d’une nouvelle demeure sur le modèle du nouveau ciel lui-même (Ap 21.2). La vie éternelle ne sera pas vécue par des êtres éthérés flottant sur les nuages, mais par des êtres revêtus de corps nouveaux dans une ville nouvelle illuminée par la gloire de Dieu (v. 23).

Les chrétiens soutiennent que ce qui est créé et maudit est précisément ce qui sera racheté et glorifié. Bien que toutes choses meurent et retournent à la poussière, c’est à partir de cette même poussière que se produira la résurrection. Tout comme nous goûtons les prémices de notre salut à venir dans le temps présent — ​​par l’adoration, la vie en communauté, la beauté et l’amour — de même, ne devrions-nous pas vivre les avant-goûts de la réconciliation avec notre environnement ? L’anticipation de cette réconciliation devrait affecter la façon dont nous interagissons avec la Terre : l’énergie que nous consommons, les jardins que nous cultivons, la nourriture que nous mangeons, l’eau que nous utilisons, les freins que nous imposons au consumérisme et au gaspillage, les politiques que nous défendons. En tant que peuple racheté, nous avons dès à présent la responsabilité de vivre certains aspects de la vie éternelle, sur la terre comme au ciel.

Daniel Harrell est rédacteur en chef pour Christianity Today.

Traduit par Philippe Kaminski

Révisé par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

À quoi ressemble la sanctification ?

La diversité des récits bibliques nous aide à faire des disciples de ceux qui nous sont confiés.

Christianity Today September 15, 2021
Illustration by Rick Szuecs | Source imags: Lach Ford / Unsplash / Envato

À l’occasion d’une étude biblique sur la sanctification, j’ai présenté trois récits de la Bible sur le thème de la vie chrétienne. Le premier était un récit de renouveau, de mort et de résurrection abordant les sujets de la repentance et du pardon de Dieu présent dans chaque nouvelle journée. Le deuxième texte était centré sur l’histoire du peuple de Dieu cheminant à travers un désert périlleux et faisant face à des combats et à des attaques spirituelles. Le troisième passage représentait la vie de service par une image : devenir des sacrifices vivants, agréables à Dieu, s’engager auprès de ses voisins et partager joies et fardeaux en communauté.

J’ai ensuite posé la question : « lequel de ces récits décrit le mieux votre vie présente ? » Sans surprise, les participants ont choisi des récits différents. Une femme pensait ne pas être assez bonne pour être acceptée par Dieu parce qu’elle portait la culpabilité de ses péchés passés. « Comment Dieu peut-il me pardonner ? J’ai besoin de retourner encore et encore à la Croix ». Un autre paroissien témoignait : « J’ai l’impression que la vie est un combat et que je suis constamment attaqué, tenté de douter des promesses de Dieu ». Ce frère était au chômage depuis un certain temps et, après avoir essuyé des refus répétés de la part d’employeurs potentiels, il ressentait le besoin de renouveler sa confiance en Dieu. Une troisième personne déclara : « Je cherche simplement à savoir ce dont les gens ont besoin dans mon voisinage et à apporter des réponses à ces besoins ! » Ce jeune homme était prêt à l’action, impatient de servir ses prochains.

Chaque chrétien expérimente-t-il la vie spirituelle de la même manière ? Bien sûr que non. Nous enseignons pourtant souvent la sanctification comme si c’était le cas. Nous discutons pour savoir si la sanctification doit être considérée comme un cycle ou un processus, si la sainteté est une question de combat permanent ou de perfection atteinte, et ainsi de suite. Nous faisons de la sanctification un concept qui offrirait une solution simple et univoque. Nous perdons ainsi de vue que la sanctification est inscrite dans une histoire — celle de l’œuvre du Saint-Esprit dans et à travers (et bien sûr en coopération avec) des vases brisés — dont le langage riche et imagé des récits bibliques rend à merveille témoignage. Il n’existe pas de manière unique et homogène de penser la sanctification : chacun se trouve à un endroit différent lorsqu’il s’agit de décrire la vie chrétienne. Je suis reconnaissant pour la variété et la richesse des récits dont nous disposons dans les Écritures pour nous aider dans notre marche avec ceux qui sont confiés à nos bons soins spirituels.

Les expériences et les besoins spirituels des participants à cette étude biblique correspondaient aux récits de sanctification que nous trouvons dans la Bible. Le récit du renouveau évoquait le besoin de restauration de la première participante. La deuxième personne était confrontée au doute et l’image de la vie dans le désert — tenir ferme contre les attaques du Malin en gardant espoir dans les promesses de Dieu — répondait à son besoin de sécurité au milieu des luttes de la vie. Le dernier participant s’interrogeait vraiment sur le but de la vie, et s’est senti concerné par l’image biblique du service et l’appel à former une communauté.

La vie chrétienne consiste-t-elle à mourir et à ressusciter à une vie nouvelle, à tenir bon dans le désert, ou à faire de la place à d’autres dont les besoins façonnent notre sens du service ? La réponse est oui ! La sainteté a de nombreux visages. L’Écriture nous propose plusieurs façons de décrire et d’inviter les auditeurs de la Parole à vivre la vie de l’Esprit. L’Esprit est semblable à un sculpteur qui nous façonne à la ressemblance du Christ de la manière la plus adaptée à nos besoins.

Quelles sont les principales difficultés vécues par nos frères et sœurs ? Leur identité ? Le besoin de sécurité ? La recherche du sens de leur existence ? C’est en permettant à divers récits de façonner notre compréhension de la sanctification que nous pourrons les accompagner au mieux dans leur cheminement spirituel.

Les récits et les images bibliques nous fournissent une grammaire imagée pour nous permettre d’exprimer ce à quoi ressemble la vie dans l’Esprit à différents moments du voyage spirituel d’une personne. Cette grammaire aide à formuler l’état spirituel, les besoins et les espoirs d’une personne. Ce faisant, elle invite à la prière pour demander à l’Esprit saint d’agir en profondeur et de répondre aux besoins : Viens, Esprit saint !

Outre les récits de renouveau, de désert et de service, l’Écriture nous transmet de nombreuses autres images et histoires à propos de la vie chrétienne. Des récits d’hospitalité envers les étrangers, de parias accueillis dans le royaume de Dieu par la foi en Christ, de l’Esprit saint conduisant l’Église hors de Jérusalem vers les marges où vivaient les Samaritains et les païens. Ou encore des récits de vie consacrée à Dieu dans le travail et la prière, de soin apporté au jardin sans négliger le temps du repos sabbatique, de Jésus accomplissant la mission reçue du Père sans renoncer au temps passé avec ce Père dans la prière.

En accompagnant les personnes dont nous avons la charge dans leur croissance à l’image du Christ, nous pouvons nous tourner vers les nombreux récits bibliques de vies sanctifiées. Ils peuvent correspondre à ce que nos paroissiens rencontrent dans leur cheminement spirituel. Et bien sûr, dans la vie réelle, ces récits se croisent souvent. Le peuple de Dieu peut être confronté à la fois à la culpabilité, à la honte, à la lutte et au besoin de servir ! La vie est complexe.

Mais l’Esprit nous guide lorsque nous cheminons avec les vies complexes de nos prochains. Ce faisant, nous reconnaissons que nous avons nous aussi besoin de l’Esprit saint pour nous donner le même pardon, la même sécurité, le même sens, le même accueil et le même repos que ceux dont nous nous occupons. Nous aussi, nous prions : Viens, Esprit qui nous façonne !

Leopoldo Sánchez est professeur de théologie systématique au séminaire Concordia de Saint-Louis. Il est l’auteur de Sculptor Spirit : Models of Sanctification from Spirit Christology.

Traduit par Denis Schultz

Révisé par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Le coronavirus a fait des ravages. Mais la Bible redonne l’espoir.

Une récente étude montre une corrélation entre la lecture des Écritures et les critères établis par Harvard en matière d’épanouissement humain.

Christianity Today September 9, 2021
Illustration by Keith Negley

En période d’épreuves de nombreuses personnes se tournent vers la Bible pour être encouragées. Et d’après une récente étude, c’est une bonne idée. Au milieu d’une pandémie mondiale, d’une élection controversée aux États-Unis et de divers troubles sociaux, l’American Bible Society (ABS), avec l’aide du Human Flourishing Program de l’université de Harvard, a trouvé une forte corrélation entre la lecture des Écritures et le niveau d’espoir ressenti par les personnes.

Selon deux enquêtes menées auprès de plus de 1000 personnes à six mois d’intervalle, ceux qui lisent fréquemment la Bible s’évaluent à 33 points de plus en termes d’espoir que ne le font les lecteurs irréguliers des Écritures. L’étude a également révélé que les gens ont plus d’espoir lorsqu’ils lisent plus fréquemment les Écritures.

Sur une échelle de 1 à 100, 100 étant la note correspondant au plus d’espoir, les Américains qui déclarent lire la Bible trois ou quatre fois par an obtiennent un score de 42, ceux qui la lisent tous les mois obtiennent 59 points, toutes les semaines un score de 66, et ceux qui la lisent plusieurs fois par semaine atteignent 75.

Selon l’étude les personnes qui ne lisent jamais la Bible sont légèrement plus optimistes que ceux qui la lisent rarement. Mais ces personnes qui ne lisent pas la Bible ont environ 5 points de moins en termes d’espoir que ceux qui lisent les Écritures tous les mois.

La lecture de la Bible — avec d’autres aspects de la vie communautaire et de disciple, comme le fait d’aller à l’Église ou de participer à un petit groupe — semble contribuer au sentiment de bien-être et de bonheur des gens, déclare Tyler VanderWeele, directeur du Human Flourishing Program de l’école de santé publique T. H. Chan de l’université de Harvard.

« Les Églises jouent un rôle important et en profondeur pour contribuer au bien-être des personnes en général — et particulièrement en cette période », ajoute-t-il.

Selon VanderWeele les résultats sont cohérents avec d’autres études sur l’impact de l’appartenance religieuse et l’épanouissement humain. Les personnes qui vont à l’Église et lisent leur Bible ont tendance à être plus heureuses, moins susceptibles de se suicider et elles ont peuvent donner plus de sens à leur vie.

Cette étude en deux phases est cependant unique, car elle a interrogé des personnes avant et après la pandémie de coronavirus qui a frappé les États-Unis. La première enquête a eu lieu en janvier 2020 et la seconde en juin, lorsque le nombre total de cas confirmés dépassait les 2,5 millions et que l’Organisation mondiale de la santé recensait plus de 125 000 décès aux États-Unis.

Nous n’avions pas prévu de mener une enquête qui mettrait en évidence l’impact du COVID-19, déclare John Plake, directeur de planification pour le service (ministry intelligence) pour l’ABS. Mais les chercheurs ont discerné qu’au-delà toutes les problèmes apportés par la pandémie, une opportunité se présentait à eux.

En janvier 2020, John Plake et ses collègues de l’American Bible Society avaient décidé d’élargir le nombre de questions posées dans le cadre de leur 10e rapport annuel sur la Bible (rapport « State of the Bible »). Ils avaient examiné une mesure de l’épanouissement humain développée à Harvard et choisi d’inclure quelques questions sur le sentiment de sécurité, le bonheur et la santé mentale dans leur étude de l’utilisation de la Bible.

Ils ont recueilli des informations auprès de plus de 1 000 personnes et ont commencé à traiter ces informations, comme ils l’avaient fait les années précédentes.

Avant qu’ils n’aient terminé, les cas de COVID-19 ont commencé à monter en flèche. Le virus s’est propagé assez rapidement pour donner naissance à une pandémie, de nombreuses activités ont été interrompues, le président Donald Trump a déclaré l’urgence nationale et les autorités sanitaires ont exhorté les gens à ne pas se réunir en grands groupes.

Les chercheurs de l’ABS, sur le point de publier leur étude sur l’utilisation de la Bible, ont alors eu une autre idée : et si, au lieu de publier leurs nouvelles données la semaine de Pâques, ils les conservaient et réalisaient une deuxième enquête ? Ils pourraient ainsi avoir une idée précise de l’impact d’une crise nationale sur la façon dont les gens utilisent la Bible — et de l’impact de cette utilisation sur les gens en temps de crise.

Les chercheurs se sont vite rendu compte que, en ayant utilisé des mesures d’épanouissement humain dans l’étude de janvier, ils avaient établi par inadvertance un point de comparaison pour mesurer comment les gens se portaient pendant la pandémie du COVID-19.

VanderWeele était de la partie. Il considérait que l’étude était importante car elle permettait de faire un bilan humain de la pandémie de COVID-19 et des restrictions qui y sont liées — une réalité qui ne peut pas être mesurée par les données boursières ou le produit intérieur brut. Le Human Flourishing Program s’est associé à l’ABS pour la deuxième étude en juin.

Les résultats ont été publiés en octobre dans le Journal of General Internal Medicine dans un rapport co-écrit par VanderWeele, Plake, Jeffery Fulks d’ABS et Matthew Lee de Harvard. « Les échantillons en ligne des mesures nationales de bien-être avant et pendant la pandémie de COVID-19 » montrent que le bonheur et la satisfaction à l’égard de la vie, la santé mentale et physique, les sentiments de sens et de finalité, et la stabilité financière et matérielle ont tous fortement diminué entre janvier et juin. Le virus a dévasté le pays et les fermetures ont fait des ravages économiques en même temps qu’ils ont isolé les gens.

Pour l’essentiel, l’étude confirme ce que tout le monde sait. La stabilité financière et matérielle, comme on pouvait s’y attendre, a subi le plus gros coup dur pour de nombreuses personnes, chutant de 16,7 %. VanderWeele note toutefois que les données ont montré que l’impact économique est très variable. Certaines personnes n’ont pas perdu leur emploi et ont économisé de l’argent en restant à la maison, ce qui les a placés dans une meilleure situation financière relative, tandis que d’autres ont beaucoup souffert de l’arrêt de l’activité économique pendant la crise.

Le bonheur et la satisfaction à l’égard de la vie ont diminué de 9,6 % chez les personnes interrogées, et la santé mentale et physique de 7,4 % pour cent.

L’étude a également révélé que les liens sociaux n’ont pas diminué autant qu’on pourrait s’y attendre. Cela pourrait être dû au fait que, même si de nombreuses personnes étaient confinées, elles ont noué des relations plus étroites avec leur entourage immédiat.

La famille de VanderWeele elle-même a passé plus de temps ensemble et ses enfants ont commencé à communiquer régulièrement avec leurs grands-parents sur Internet.

« Je pense que cette période a offert un temps de réflexion sur ce qui compte vraiment dans la vie », déclare VanderWeele. « D’un point de vue chrétien, on grandit souvent à travers la souffrance. »

Mais les données les plus intéressantes, du point de vue de l’ABS, sont celles sur la façon dont la Bible, l’Église et les disciplines chrétiennes semblent avoir aidé les gens à traverser cette période sombre. Ces données ont montré que le déclin des mesures de l’épanouissement humain était moins prononcé chez les personnes qui lisaient régulièrement leur Bible et participaient à la vie de l’Église, que ce soit en personne ou en ligne.

L’engagement dans les Écritures semble avoir atteint son apogée juste après le début du COVID-19 — le niveau le plus élevé depuis des années — mais il a ensuite chuté de manière significative vers la fin du mois de juin. D’après Scott Ross, qui travaille sur la guérison des traumatismes avec des Églises en lien avec L’ABS, il s’agit là d’une tendance courante lorsque les gens subissent des traumatismes. Si beaucoup se tournent vers la Bible pour trouver des réponses dans les moments difficiles, ils cessent souvent de la lire fidèlement après un certain temps. D’une certaine manière, ce qui se passe actuellement ressemble à une réponse à un traumatisme à l’échelle de la société.

Mais les données montrent que les Américains qui se consacrent activement à l’étude de la Bible et s’engagent dans le culte collectif obtiennent de meilleurs résultats dans tous les domaines de l’épanouissement humain, notamment une meilleure santé mentale et physique et un sens plus profond de l’identité et de la vertu. Ils ont même un sentiment de stabilité financière et matérielle supérieur à ceux qui ne vont pas à l’Église ou ne se plongent pas dans la Bible.

Les chrétiens sont aussi clairement plus optimistes. Sur une échelle de 1 à 100, les non-chrétiens ont obtenu un score d’environ 50, les chrétiens non pratiquants un score de 57 et les chrétiens qui participent régulièrement à la vie d’une congrégation locale un score de 66.

Le lien n’est cependant qu’une corrélation. Les chercheurs n’ont pas démontré que la lecture de la Bible ou le culte chrétien conduisent à l’épanouissement humain, mais seulement que les deux éléments sont liés. Néanmoins, ils pensent que ces données donnent une meilleure idée de ce à quoi ressemble une société saine et procurent des raisons pratiques et sociales d’encourager la participation à la vie de l’Église et l’étude de la Bible.

« Je pense que notre étude sur la Bible m’a montré empiriquement tout ce que je savais intuitivement et existentiellement », déclare Ross.

Il croit que les Églises pourraient utiliser cette information pour faire une différence dans le ministère auprès des gens.

« Ce que nous constatons, c’est qu’à mesure que les gens ont la possibilité de partager et de s’écouter les uns les autres, de réfléchir et de se plonger dans les Écritures en groupe, nous voyons ces symptômes de traumatisme diminuer.

Adam MacInnis est un journaliste installé en Nouvelle-Écosse, au Canada.

Traduit par Valérie Marie-Agnès Dörrzapf

Révisé par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Books

Les Haïtiens se rassemblent dans des églises endommagées, et des gangs offrent leur aide

Alors que la catastrophe a conduit au report de la rentrée scolaire, retour en arrière sur un dimanche d’après-séisme à Haïti, et perspectives pour la suite.

Des paroissiens assistent à une messe sur le terrain jouxtant une cathédrale endommagée par le tremblement de terre aux Cayes, à Haïti, le dimanche 22 août 2021, huit jours après le séisme de magnitude 7,2 qui a frappé la région.

Des paroissiens assistent à une messe sur le terrain jouxtant une cathédrale endommagée par le tremblement de terre aux Cayes, à Haïti, le dimanche 22 août 2021, huit jours après le séisme de magnitude 7,2 qui a frappé la région.

Christianity Today September 9, 2021
Matias Delacroix / AP Photo

LES CAYES, Haïti — Dimanche 22 août, un chef de gang offrait une trêve et proposait de l’aide aux collectivités du Sud-Ouest d’Haïti ébranlées par le tremblement de terre, suscitant une lueur d’espoir pour les opérations de secours perturbées par le pillage de camions d’aide et d’autres troubles.

Il restait à voir ce qu’il adviendrait de l’offre de Jimmy Cherizier, alias « Barbecue ». Bien que puissant patron de la criminalité, Cherizier est loin d’être le seul chef de gang en Haïti, et les échos des médias sociaux à propos d’une prétendue trêve des gangs n’avaient pas réussi jusque-là à empêcher les attaques contre les efforts de secours grandissant.

L’offre est intervenue alors que de nombreux Haïtiens retournaient à leurs cultes dans ou à l’extérieur des églises endommagées, pour la première fois depuis que le séisme de magnitude 7,2 a frappé, le 14 août.

Depuis la catastrophe, des gangs ont bloqué des routes, détourné des camions d’aide et volé des fournitures, obligeant les travailleurs humanitaires à transporter des fournitures par hélicoptère. Par endroits, des foules désespérées se sont battues pour des sacs de nourriture.

Dans une vidéo publiée sur Facebook, Cherizier s’était adressé aux régions les plus durement touchées de la péninsule sud-ouest d’Haïti avec ces mots : « Nous voulons leur dire que les Forces révolutionnaires du G9 et leurs alliés, tous pour un et un pour tous, sympathisent avec leur douleur et leur chagrin. »

« Les Forces révolutionnaires et les alliés du G9 […] participeront au secours en leur apportant de l’aide. Nous invitons tous les compatriotes à faire preuve de solidarité avec les victimes en essayant de partager avec eux le peu qu’il y a », déclarait-il encore.

Ce même jour, l’Agence de protection civile d’Haïti relevait la liste des morts confirmés à 2,207.

Des paroissiens assistent à une messe sur le terrain jouxtant une cathédrale endommagée par le tremblement de terre aux Cayes, à Haïti, le dimanche 22 août 2021, huit jours après le séisme de magnitude 7,2 qui a frappé la région.Matias Delacroix / AP Photo
Des paroissiens assistent à une messe sur le terrain jouxtant une cathédrale endommagée par le tremblement de terre aux Cayes, à Haïti, le dimanche 22 août 2021, huit jours après le séisme de magnitude 7,2 qui a frappé la région.

L’augmentation du nombre de morts est la première depuis le mercredi précédent, lorsque le gouvernement avait signalé 2189 décès. Le gouvernement a déclaré que 344 personnes étaient toujours portées disparues, que 12268 personnes avaient été blessées et que près de 53000 maisons avaient été détruites par le séisme.

Si l’église où sert Pierre Verdieu Badette aux Cayes est toujours debout, la plupart de ses fidèles ont presque tout perdu.

« Il est douloureux, en tant que berger, d’être témoin que votre troupeau a presque tout perdu et ne peut rien y faire », déclare Badette à CT. « La situation ne nous a pas empêché d’adorer notre Dieu omniprésent. Pourtant, l’atmosphère était différente de tout ce que nous avons connu. Je pouvais voir dans les yeux et l’esprit de mes frères et sœurs tant de questions difficiles auxquelles on attendrait que moi, le pasteur, je puisse apporter quelque élément de réponse ».

Un hôpital de campagne érigé aux Cayes par le groupe humanitaire Samaritan’s Purse prévoit quatre interventions chirurgicales ce dimanche-là, au lendemain de son ouverture. Trois des 10 salles d’opération qui desservent la région étaient hors service après le séisme, de sorte que le groupe basé aux États-Unis a ouvert son hôpital sur le campus haïtien de l’Université d’Amérique centrale.

L’hôpital de campagne ajoute non seulement une salle d’opération, mais aussi un laboratoire, une pharmacie et des possibilités de radiographie. Même une semaine après le tremblement de terre, des hélicoptères amenaient quatre blessés graves en provenance de régions éloignées.

Le cercueil contenant le corps du pasteur baptiste Andre Tessono, tué lors du tremblement de terre de magnitude 7,2 qui a frappé la région, est porté au cimetière lors de ses funérailles dans le quartier Picot aux Cayes, Haïti, dimanche 22 août 2021.Matias Delacroix / AP Photo
Le cercueil contenant le corps du pasteur baptiste Andre Tessono, tué lors du tremblement de terre de magnitude 7,2 qui a frappé la région, est porté au cimetière lors de ses funérailles dans le quartier Picot aux Cayes, Haïti, dimanche 22 août 2021.

L’infirmière Ali Herbert prépare la salle d’opération — une grande tente — pour une intervention chirurgicale le dimanche après-midi. Une opération sur un fémur cassé est prévue plus tard. Avec les ventilateurs soulevant l’air étouffant et les volets ouverts de la tente pour l’aération, l’ensemble détone par rapport à un bloc opératoire stérile, mais offre de bien meilleures conditions que celles dans lesquelles la plupart des patients ont été jusqu’à ce qu’ils arrivent, explique-t-elle.

« Une salle d’opération normale n’aurait pas ce genre de configuration ». « Nous devons simplement faire ce que nous pouvons et garder l’espace aussi propre que possible, et nous espérons que les patients s’en tirent bien. »

Certains patients ont reçu un premier traitement, mais ont besoin de plus de soins. D’autres sont traités pour la première fois, décrit-elle.

Les personnes ayant besoin d’aide se présentent également à l’hôpital public de l’autre côté de la ville. L’espace est compté et certains sont installé sur des lits à l’extérieur des salles. Si leur blessure est moins grave, ils sont parfois assis à même le sol sur un carré de carton.

Rousseau Hussein, un résident travaillant aux urgences, déclare que la situation s’est calmée au cours de la semaine écoulée, mais qu’ils continuent d’accueillir les patients blessés dans le tremblement de terre en provenance des zones périphériques. L’hôpital a reçu du soutien et a le nécessaire pour traiter les cas qui se présentent.

Des gens apportent une offrande de fleurs à côté de l’église détruite par le tremblement de terre où le ministre de l’Église baptiste Andre Tessono est mort, lors de ses funérailles dans le quartier de Picot aux Cayes, Haïti, dimanche 22 août 2021, huit jours après qu’un tremblement de terre de magnitude 7,2 a frappé la région.Matias Delacroix / AP Photo
Des gens apportent une offrande de fleurs à côté de l’église détruite par le tremblement de terre où le ministre de l’Église baptiste Andre Tessono est mort, lors de ses funérailles dans le quartier de Picot aux Cayes, Haïti, dimanche 22 août 2021, huit jours après qu’un tremblement de terre de magnitude 7,2 a frappé la région.

Aux Cayes, beaucoup ont assisté au culte ce dimanche pour pleurer les disparus et rendre grâce pour leur propre survie.

Dans une église évangélique du quartier de Bergeaud, les paroissiens chantaient des hymnes sous les rayons du soleil qui passaient à travers les trous du toit et des murs.

Le pasteur Sevrain Marc Dix Jonas, affirme que le service de ce dimanche est spécial, parce que jusqu’à présent sa congrégation n’avait pas pu se réunir depuis le séisme.

« Aujourd’hui nous devions être là », dit-il, debout sous une ouverture béante au sommet de la façade de son église. « Pour remercier Dieu. Il nous a protégés. Nous ne sommes pas morts. » Son église est l’une des rares où les fidèles peuvent se rassembler à l’intérieur. Dans beaucoup d’autres cas, les services ont eu lieu dans la rue à l’extérieur des sanctuaires effondrés.

Le fils et la mère du ministre de l’Église baptiste Andre Tessono pleurent lors de ses funérailles dans le quartier Picot aux Cayes, Haïti, dimanche 22 août 2021.Matias Delacroix / AP Photo
Le fils et la mère du ministre de l’Église baptiste Andre Tessono pleurent lors de ses funérailles dans le quartier Picot aux Cayes, Haïti, dimanche 22 août 2021.

Bernard Fountaine, pasteur adjoint à la troisième Église Baptiste de la Mission Evangélique Baptiste du Sud d’Haïti aux Cayes, affirme qu’il y a une myriade de raisons pour lesquelles moins de croyants sont venus adorer ce dimanche.

« Certaines personnes ne sont pas encore revenues dans le lieu de culte par peur des répliques, d’autres ne savaient pas si l’Église allait se réunir ». « [Enfin,] ceux dont les maisons se sont effondrées n’avaient pas les vêtements pour venir à l’église. » L’Église de Wilbert Clément aux Cayes, l’Église Baptiste de Cance, a été gravement endommagée. Il a prêché sur le Psaume 91 et sur le Seigneur comme l’abri invincible pendant la catastrophe. « La congrégation est totalement épuisée et effrayée », nous dit-il.

La dévastation a frappé Lory, un village dans la campagne à environ 120 kilomètres au nord-ouest de l’épicentre du séisme. Les offices du dimanche à « L’église par la foi » de Lory attirent normalement environ 700 personnes. Cette semaine, seuls 200 fidèles se sont présentés à l’église.

« Les gens ont peur des répliques et sont dans l’insécurité parce qu’ils n’ont plus de maison. Vous pouvez voir la peur dans leurs yeux », déclare le pasteur Lomann Dolce à CT. « Ils prient pour de l’aide parce qu’ils ont tout perdu. Ils ne se sentent plus en sécurité. Dieu est leur seul espoir. »

À Camp Perrin, à environ 48 kilomètres à l’ouest de l’épicentre, le tremblement de terre a endommagé un certain nombre de bâtiments éducatifs qui sont liés au ministère de l’Église baptiste de Guichard. Ce dimanche, ceux qui étaient présents ont passé du temps à adorer et à prier pour que leurs maisons et leur école soient reconstruites et pour le financement de la clinique médicale gratuite qui se trouve également sur leur propriété, a rapporté le pasteur Eberle Nazaire à CT. « Si nous ne trouvons pas ces fonds nécessaires, la situation sera très difficile dans les prochains jours, car nous sommes maintenant au milieu de la saison des ouragans ». « Nous avons besoin de cet argent pour reconstruire des maisons et éduquer les enfants et les jeunes ».

L’apologète haïtien Lesly Jules s’inquiète que certains concluent que c’est le séisme qui a tué des gens alors que, en réalité, le problème est que les bâtiments n’étaient pas conformes au code de la construction.

« Malheureusement, depuis le dernier tremblement de terre, les codes de construction n’ont pas été appliqués par le gouvernement haïtien », déclarait Jules à CT dans un précédent article où lui et d’autres dirigeants chrétiens haïtiens abordent la réponse de l’Église aux tremblements de terre de 2010 et 2021 et proposent à l’Église mondiale des sujets de prière pour Haïti.

« Les Églises n’ont pas insisté sur la nécessité d’agir avec sagesse lorsqu’il est question de construire. Le sens littéral de la parabole du fou qui construit sa maison sur le sable n’a pas été mise en rapport avec les tremblements de terre », affirme-t-il encore.

« Priez pour la force du témoignage de l’Église haïtienne. Le pays a désespérément besoin d’une église qui remplira le rôle de sel et de lumière », déclare Magda Victor, secrétaire générale de la Société biblique haïtienne.

Dans la foulée de l’assassinat du président au mois de juillet, le président de l’Université Emmaüs d’Haïti, Guenson Charlot, et son épouse, Claudia Charlot, directrice de Hand Up Micro Credit, ont participé au podcast Quick to Listen de CT (en anglais). Guenson se disait préoccupé par le fait que trop d’étrangers essayent de trouver une solution rapide aux problèmes systémiques d’Haïti : « Ce que je demande en ce moment à nos amis et à nos frères chrétiens évangéliques en Amérique du Nord, c’est d’avoir un peu de patience ». « Laissez-nous travailler ».

« Le changement que nous espérons n’arrivera pas du jour au lendemain. Je sais que les besoins sont pressants, mais nous devons avoir une stratégie d’autosuffisance », dit-il. « Nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes du jour au lendemain. Pour être plus efficaces dans ce que nous faisons, nous devons investir dans des plans à long terme. »

Reportages d’Evens Sanon et Marko Alvarez pour Associated Press, avec contribution de Christopher Sherman. Reportage supplémentaire de Morgan Lee pour CT.

Traduit par Lee Tracey Jahdona Hubguerly Louis-Jeune

Révisé par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Apple PodcastsDown ArrowDown ArrowDown Arrowarrow_left_altLeft ArrowLeft ArrowRight ArrowRight ArrowRight Arrowarrow_up_altUp ArrowUp ArrowAvailable at Amazoncaret-downCloseCloseEmailEmailExpandExpandExternalExternalFacebookfacebook-squareGiftGiftGooglegoogleGoogle KeephamburgerInstagraminstagram-squareLinkLinklinkedin-squareListenListenListenChristianity TodayCT Creative Studio Logologo_orgMegaphoneMenuMenupausePinterestPlayPlayPocketPodcastRSSRSSSaveSaveSaveSearchSearchsearchSpotifyStitcherTelegramTable of ContentsTable of Contentstwitter-squareWhatsAppXYouTubeYouTube