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Les 3 craintes de Dallas Willard à propos de la formation spirituelle

Pourrions-nous passer à côté de l’essentiel ?

Christianity Today November 16, 2022
Illustration by Xiao Hua Yang

Alors que j’étais encore un jeune homme, j’ai eu le privilège d’être témoin de l’essor d’un mouvement chrétien pour la formation spirituelle au sein des milieux évangéliques.

Celui-ci a commencé dans sa forme moderne en 1978, lorsque Richard Foster écrivit ce qui est devenu depuis l’un des textes de référence à propos des disciplines spirituelles : Éloge de la discipline.

Quelques années après sa publication, des chrétiens qui n’avaient jamais entendu parler de solitude, de silence ou de méditation pratiquaient désormais ces disciplines.

Beaucoup de choses encourageantes se passaient, mais Richard constata que de nombreux chrétiens pratiquaient les disciplines de manière isolée et avaient besoin de plus de conseils. C’est ainsi qu’en 1988 il demanda à Dallas Willard, à moi-même et à quelques autres personnes de se joindre à lui pour fonder un ministère de formation spirituelle appelé Renovaré (du mot latin signifiant « renouveler »).

Dallas, qui fut professeur de philosophie à l’université de Californie du Sud pendant 40 ans, a été l’un des pionniers les plus marquants de ce mouvement de formation spirituelle parmi les évangéliques et les protestants traditionnels. Il était un ami proche de Richard ; en fait, Dallas a été le premier à enseigner à Richard ces disciplines spirituelles, qui, bien sûr, n’avaient rien de nouveau, mais étaient enracinées dans l’Église ancienne.

Au début, nous avons rencontré beaucoup de résistance. Certains évangéliques étaient persuadés que nos enseignements sur la formation spirituelle étaient dangereux et provenaient du diable. Les gens se rassemblaient à l’extérieur de nos petites conférences en tenant des pancartes avec des messages comme « Hérésie New Age : Méfiez-vous ». Mais le mouvement se mettait en place.

Au cours de leurs longues années d’amitié, Richard a encouragé Dallas à écrire sur la formation chrétienne, et Dallas a finalement rédigé de nombreux livres influents, parmi lesquels on trouve notamment The Spirit of the Disciplines, Renovation of the Heart et son opus magnum, The Divine Conspiracy, traduit en 2018 en français sous le titre Le grand complot divin.

De nombreuses autres personnes se sont jointes à des efforts similaires. Les écrits d’Eugene Peterson sont devenus des best-sellers. Les livres des contemplatifs catholiques Thomas Merton et Henri Nouwen étaient repris par les presbytériens et les méthodistes, et même par certains baptistes. James Houston a fourni des fondements académiques depuis sa base du Regent College. En 1992, Dallas a commencé à donner le cours le plus populaire du programme de doctorat en vue du ministère du Fuller Theological Seminary, intitulé « Spiritualité et ministère ». Ce cours est en fait devenu si populaire que Fuller m’a engagé comme assistant d’enseignement de Dallas, tâche que j’ai exercée pendant presque dix ans.

En 2005, nous avons organisé une conférence internationale Renovaré à Denver, à laquelle plus de 2 500 personnes ont participé. Lorsque je suis entré dans l’auditorium, j’ai été bouleversé. Je me suis tourné vers Richard et lui ai dit : « Quelque chose a changé. Nous sommes passés du pilori à la popularité en moins de 20 ans ».

C’était vrai. Quelque chose avait changé. Très vite, de plus en plus de pasteurs et de paroissiens ont lu des livres sur la formation spirituelle. D’autres ministères de ce type ont été mis en place. Les éditeurs chrétiens ont créé des séries de livres et des labels en fonction de ces questions de formation. Les universités et les séminaires ont commencé à proposer des programmes sur le sujet.

J’ai remarqué que même les titres pastoraux ont commencé à changer. Au lieu de « pasteur pour la formation chrétienne » ou même « pasteur pour la formation des disciples », il y avait de plus en plus de postes de « pasteur pour la formation spirituelle » dans le personnel des Églises.

Mais en privé, j’ai remarqué autre chose durant ces décennies : Dallas exprimait de sérieuses inquiétudes quant à l’avenir du mouvement.

Des craintes prophétiques

Au fil des années, jusqu’au décès de Dallas en 2013, j’ai eu plusieurs conversations avec lui sur le développement de ce mouvement pour la formation spirituelle. Dallas m’a dit qu’il était heureux que les gens s’intéressent à la formation spirituelle et que c’était le signe d’un appétit profond et d’un besoin crucial dans l’Église.

Mais il craignait que l’accent ne soit mis sur la pratique des disciplines spirituelles elles-mêmes plutôt que sur ce qu’elles étaient censées faire. Dallas pensait que les choses dériveraient naturellement vers une concentration sur la technique, sur le comment et non le pourquoi des exercices spirituels.

Dallas craignait également que les Églises ne tentent d’utiliser l’intérêt pour la formation spirituelle en tant qu’outil de croissance de l’Église — et que, parce que celle-ci ne mènerait probablement pas à une croissance numérique, les responsables relégueraient la formation à l’un des nombreux départements d’une Église plutôt que de la considérer comme centrale pour leur mission.

Enfin, il craignait que le nombre croissant de ministères de formation spirituelle ne se fassent concurrence — plutôt que de coopérer — afin de promouvoir leur travail et d’assurer leur survie.

J’ai réfléchi à ces préoccupations pendant près de dix ans maintenant, et j’en suis venu à croire que Dallas était prophétique. Aujourd’hui, l’accent est mis sur la pratique des disciplines de manière presque isolée. Presque chaque semaine, je reçois un exemplaire d’un nouveau livre sur la formation spirituelle chrétienne, et presque tous portent sur une pratique particulière, comme le ralentissement, la solitude, le jeûne technologique, l’utilisation de l’Ennéagramme, le journal de gratitude ou la création d’une règle de vie. Ils accordent une grande attention au comment d’une certaine méthode tout en défendant ses avantages apparents, mais ils négligent souvent d’aider les lecteurs à comprendre ou à cultiver le pourquoi plus profond.

Je vois souvent des Églises lutter pour intégrer la formation spirituelle dans la vie de la communauté. Si de nombreuses Églises disposent de cursus de formation et de discipulat, elles ont tendance à se concentrer sur des programmes, des événements ou des groupes isolés au sein de leur Église, plutôt que de considérer la formation spirituelle comme un aspect attendu de la vie chrétienne pour tous.

Et j’ai vu — et expérimenté directement — le genre d’esprit de compétition entre responsables de formation et organisations contre lesquels Dallas avait mis en garde. Je n’ai que rarement vu le genre de coopération que Dallas jugeait nécessaire.

Dans l’une de nos dernières conversations, j’ai demandé à Dallas ce qui serait en jeu si ses craintes devenaient réalité. Sa réponse : « Un manque de transformation à l’image de Christ ».

C’est le cœur du problème : la formation spirituelle chrétienne porte fondamentalement sur la formation — sur le fait d’être formé à l’image du Christ (2 Co 3.18 ; Ga 4.19). En fin de compte, l’accent ne porte pas sur les disciplines, les programmes ou les techniques. La question est la suivante : les gens deviennent-ils plus semblables au Christ ? Et c’était la plus grande préoccupation de Dallas.

Risque n° 1 : Les techniques sans la transformation

Puisque Dallas n’est plus parmi nous, j’ai récemment effectué un tour d’horizon et parlé avec plusieurs de ses plus proches collègues et membres de sa famille de ce que Dallas pourrait dire aujourd’hui concernant le chemin parcouru par le mouvement de formation spirituelle et son avenir. J’ai parlé avec Richard Foster, John Ortberg, Steve Porter, Keith Matthews, l’épouse de Dallas, Jane Willard, et sa fille, Becky Willard Heatley. Les conversations ont été éclairantes et encourageantes, mais non sans certaines mises en garde et inquiétudes.

Pour saisir les craintes de Dallas, il est utile de comprendre son modèle de formation qui visait ce qu’il appelait revêtir « l’esprit du Christ ». Pour Dallas, cela signifiait s’approprier les perspectives de Jésus sur des questions clés telles que le caractère de Dieu le Père, la nature de la personne humaine en tant qu’âme incarnée, et la réalité présente du royaume de Dieu.

Dallas enseignait que les disciplines telles que la prière, la solitude et la mémorisation des Écritures ne sont qu’une partie du processus de formation. La deuxième est l’œuvre du Saint-Esprit, et la troisième consiste à apprendre à voir les épreuves et les événements de la vie à la lumière de la présence et de la puissance de Dieu.

L’une des craintes de Dallas — une chose qu’il a en somme prédite — était que l’intérêt pour la pratique des disciplines, bien qu’essentiel, éclipse les deux autres parties. Comment le savait-il ? Parce que la pratique des disciplines, bien que difficile, offre naturellement une forme de récompense immédiate. Mesurer la croissance spirituelle en soi est difficile ; savoir si l’on a accompli telle ou telle pratique dévotionnelle ne l’est pas. Si je passe cinq minutes en prière ou 15 minutes à lire un livre de méditation, j’aurai l’impression d’avoir fait quelque chose de « spirituel ». Et ces actions peuvent très bien conduire à un sentiment de connexion avec Dieu.

Mais elles peuvent aussi se transformer en pratiques légalistes, ce qui constituait l’échec des pharisiens qui jeûnaient, faisaient l’aumône et priaient pour « être vus » (Mt 6). Le légalisme est une recherche de mérite, qui consiste à penser, par exemple, que j’ai jeûné cette semaine et je peux donc m’attendre à une bénédiction de Dieu. Si je crois que Dieu inflige châtiments et bénédictions en fonction de mes pratiques religieuses, je ne tarderai pas à transformer les disciplines spirituelles en légalisme.

Il y a quelques années, une femme de mon Église pensait qu’elle devait avoir un « temps de silence » quotidien (qui consistait à lire un extrait de son livre de méditation) pour que Dieu bénisse sa vie. Bientôt, elle commença à penser que si elle faisait un temps de silence plus long, elle obtiendrait plus de bénédictions. À un moment donné, elle lisait sept livres de méditation pendant son temps de prière. Je lui ai expliqué que les disciplines ne sont censées faire que deux choses : nous relier à Dieu ou nous aider à briser le pouvoir du péché. Lorsqu’elle a découvert cela, son approche des disciplines a été considérablement modifiée.

Becky Willard Heatley m’a parlé de la crainte de son père que les disciplines spirituelles soient « élevées et séparées » du reste de la transformation. « Il pensait que cela serait dangereux », car les disciplines deviennent alors une forme d’idole — les moyens deviennent des fins. Nous nous concentrons davantage sur les disciplines que sur Dieu, sur le fait de briser l’emprise du péché ou sur le soin de nos âmes incarnées.

Steve Porter, professeur à l’université Biola, qui édite le Journal of Spiritual Formation and Soul Care et était proche de Dallas, pense que son inquiétude concernant l’exaltation et la mise à part des disciplines était que cela laisserait de côté les fondements historiques, scripturaires, théologiques et anthropologiques de ces disciplines.

J’en ai fait l’expérience de première main. J’avais été invité à parler de formation spirituelle dans une grande Église évangélique. Mon hôte était la pasteure pour la formation spirituelle, qui était ravie de me présenter ce qu’elle avait fait dans ce domaine et de me demander des conseils pour aider sa congrégation à se développer spirituellement.

Elle était également impatiente de me montrer le résultat d’un projet d’une année entière : un labyrinthe installé en extérieur. J’ai été surpris, même un peu choqué. Il s’agissait d’une Église évangélique, et les labyrinthes ont souvent fait l’objet d’un examen rigoureux dans de nombreux cercles évangéliques. Et pourtant, il était là, grand et magnifiquement aménagé. La pasteure m’a dit qu’il était très populaire auprès de nombreuses personnes de l’Église.

J’ai posé quelques questions. Pourquoi s’était-elle sentie appelée à créer ce labyrinthe ? Elle m’expliqua que l’expérience du labyrinthe l’avait conduit à une percée dans sa propre foi et qu’elle voulait que d’autres en fassent l’expérience. Elle ressentait une profonde paix intérieure lorsqu’elle marchait dans le labyrinthe.

Avait-elle enseigné aux participants l’histoire chrétienne du labyrinthe et ce qu’il est censé faire ? Elle répondit qu’elle avait créé un dépliant qui expliquait aux participants comment utiliser le labyrinthe.

Qu’espérait-elle en tirer ? Elle expliqua qu’elle essayait de montrer l’importance de la formation spirituelle dans l’Église locale. Elle pensait que si le labyrinthe devenait populaire, cela « validerait » son travail dans l’Église.

Lorsque je considère cet exemple à la lumière de la préoccupation de Dallas, la question profonde n’est pas de savoir si un labyrinthe est une pratique orthodoxe, ou s’il cultive des sentiments de paix intérieure, ou comment le faire correctement, ou encore s’il permet de valider le ministère de formation spirituelle d’un pasteur.

Malgré l’accent mis dans de nombreux ouvrages actuels sur les disciplines spirituelles, ces pratiques n’ont pas pour but de réduire le stress, d’ordonner la routine quotidienne, de mieux comprendre sa personnalité, de vivre des « expériences spirituelles » ou d’obtenir un certain nombre d’autres avantages marginaux qui résultent souvent de ces disciplines. Toutes ces questions sont secondaires par rapport à l’objectif de devenir plus semblable au Christ.

Beaucoup d’entre nous ont laissé les disciplines spirituelles devenir une forme d’idole, détachée de toute compréhension historique, biblique, théologique et anthropologique. Beaucoup d’entre nous ont supposé par inadvertance que ces pratiques allaient nous transformer. Mais les pratiques elles-mêmes sont impuissantes sans Dieu.

Nous devons veiller à ne pas laisser les disciplines éclipser la raison réelle de leur pratique : approfondir notre relation à Dieu et créer un espace pour que la grâce de Dieu puisse agir dans nos vies.

Risque n° 2 : L’ABC sans le D

Une autre crainte exprimée par Dallas concerne l’Église. Il était un fervent partisan de l’Église locale et croyait que l’un de ses rôles principaux était de former des disciples, comme le Christ le demande dans son envoi missionnaire (Mt 28.16-20). Le principe de base de son livre The Great Omission est que beaucoup de nos Églises omettent le cœur même de la mission : « faire des disciples », soit « leur apprendre à obéir à tout ce que je vous ai prescrit ».

Dallas pensait que, dans de nombreuses Églises évangéliques, l’accent était mis sur le fait de « faire des chrétiens », au lieu de faire des disciples. Ces concepts devraient être synonymes, mais ils ne le sont pas. Dallas a souvent fait remarquer qu’aujourd’hui on peut être chrétien (en vertu d’une confession de foi) sans être — ou même avoir l’intention d’être — un disciple. En d’autres termes, on peut être convaincu d’être chrétien parce que l’on adhère à une doctrine (comme « Jésus est ressuscité des morts »), tout en n’ayant aucune intention de faire ce que Jésus a dit de faire (comme « Bénis ceux qui te maudissent », « Aime ton ennemi », et ainsi de suite).

Dallas pensait que ce phénomène était dû à quelque chose de plus profond : les paramètres par lesquels nous avons tendance à mesurer le succès des Églises. Dallas désignait ces mesures communes par l’acronyme ABC : Assistance, Bâtiment, Capital.

Par exemple, une Église de 75 personnes qui se réunit dans un vieux bâtiment et a peu d’argent pour payer du personnel ou des ministères, tend à passer, comme le dit souvent Richard Foster, pour « un échec marginal sur le tableau de score ecclésiastique ». À l’inverse, si nous voyons une Église qui a 5 000 participants par semaine, un ensemble de bâtiments si grand que les personnes doivent être transportées en voiturettes de golf, et de l’argent pour financer d’innombrables ministères, nous sommes prompts à supposer que cette Église est un énorme succès.

Mais Dallas croyait fermement que le « succès » de l’Église (si on peut l’appeler ainsi) ne devait pas être mesuré par l’ABC, mais par le D : le discipulat. Jésus, comme l’aurait fait remarquer Dallas, ne cherchait pas à faire de plus grandes Églises, mais à faire de « plus grands chrétiens ». À cette aune, une Église de 75 personnes qui grandissent dans la foi chrétienne pourrait avoir beaucoup plus de succès qu’une Église de 5 000 personnes qui ne s’engage pas à faire de ses membres des disciples.

Selon Dallas, la formation spirituelle ne doit pas être reléguée à un programme ou à une retraite ; elle est essentielle à la vie collective de nos congrégations.

Dans les Églises qui négligent la formation des disciples, les membres qui parviennent à une vie de foi plus mûre s’isolent souvent. C’est en substance la conclusion d’une étude très discutée réalisée en 2007 par la Willow Creek Community Church. Cette méga-Église avait mis l’accent sur la transformation des personnes en recherche en membres de sa communauté, et cela fonctionnait. Mais lorsque certaines de ces personnes ont commencé à connaître une croissance significative dans leur vie spirituelle, elles ont senti qu’il n’y avait pas de place pour elles.

Ceux qui avaient faim d’une vie plus profonde ont trouvé refuge dans les ministères paraecclésiaux de formation spirituelle : Le Transforming Center de Ruth Haley Barton, l’Institut Rénovaré, la School of Kingdom Living ou encore l’Apprentice Institute. Ces types de ministères sont devenus les communautés par défaut pour de nombreuses personnes qui ne pouvaient expérimenter un engagement significatif dans la formation spirituelle au sein de leur Église locale.

Keith Matthews, professeur de séminaire à la Azusa Pacific University, qui a travaillé aussi étroitement avec Dallas que tous ceux que je connais, m’a dit : « Dallas avait prévu qu’il serait difficile de créer des communautés de foi capables de soutenir une véritable transformation. Il a vu comment, pour la plupart des gens, cela restait essentiellement un effort individuel. Sans les communautés, il est très difficile de poursuivre la croissance. »

Depuis le début de notre travail avec Renovaré, nous avons souvent vu des personnes qui grandissaient dans leur vie spirituelle, mais trouvaient leurs propres Églises peu accueillantes pour leurs efforts, voire hostiles. Un couple qui a participé à tous les ministères que Renovaré avait à offrir et qui a fait l’expérience d’une réelle transformation personnelle a rejoint son Église locale au Texas dans l’espoir de partager cette méthode de formation de disciples avec d’autres. Le pasteur principal leur a dit qu’ils pouvaient organiser un petit groupe, mais qu’il ne soutiendrait pas davantage la chose. Cela a duré une décennie. Puis, lorsque le pasteur principal a lui-même participé à un programme de formation spirituelle, il en est ressorti convaincu que c’était essentiel. Il a encouragé l’ensemble de l’Église à s’impliquer.

Un obstacle à l’intérêt pour la formation spirituelle à l’échelle de l’Église est qu’elle ne conduit souvent pas à une croissance numérique. Dallas savait que si un pasteur se concentrait sur ce type de vie de disciple dans la vie d’une congrégation, cela pourrait en fait conduire à une baisse de la fréquentation — ce que Dallas appelait « une sainte réduction ». La formation de disciples est lente et difficile — un défi dans un monde qui préfère la rapidité et la facilité.

« Il ne serait pas juste de dire que les pasteurs rejettent les efforts de formation spirituelle parce que ceux-ci ne font pas directement augmenter la fréquentation », m’a dit John Ortberg. « Ils les négligent simplement parce qu’ils pensent que cela les éloigne d’autres choses qui, elles, feraient croître la fréquentation de leurs Églises. »

Et si de nombreuses Églises emploient aujourd’hui un « pasteur pour la formation spirituelle », beaucoup d’entre eux n’ont reçu qu’une faible formation en la matière et sur ses fondements historiques et théologiques. Dans l’Église qui a construit le labyrinthe, par exemple, j’ai demandé à la pasteure pour la formation spirituelle où elle avait fait sa propre formation. Elle m’a expliqué qu’elle n’avait pas de formation formelle, mais que la formation spirituelle était sa « passion » et que le pasteur principal l’avait donc nommée à ce poste.

Mon but n’est pas de critiquer cette pasteure ou d’autres pour un manque de formation. Mais les pasteurs bien intentionnés qui n’ont pas une compréhension théologique, historique et anthropologique plus large de la formation spirituelle, comme l’a noté Steve Porter, risquent de finir par incarner la première crainte de Dallas : une concentration sur les disciplines spirituelles à l’exclusion d’une approche plus holistique de la transformation.

Dans Renovation of the Heart, Dallas écrivait : « Je rencontre rarement quelqu’un qui occupe une position de responsabilité au sein du peuple du Christ et qui ne fait pas de son mieux pour servir le Christ de la meilleure façon qu’il ou elle sache le faire — généralement de manière sacrificielle, et souvent avec beaucoup de bons fruits. Mais nous devons comprendre comment nous pouvons faire mieux. »

Risque n° 3 : La concurrence au détriment de la coopération

La dernière préoccupation de Dallas concernait les nombreux ministères de formation spirituelle qui ont émergé au fur et à mesure que le mouvement s’est développé. D’une part, il était vraiment heureux de voir de plus en plus de personnes établir des centres de retraite, des programmes, des instituts et des cursus de formation académiques et non académiques. Mais d’un autre côté, Dallas était parfaitement conscient d’un problème potentiel : il craignait que les responsables de ces ministères considèrent les autres comme des concurrents plus qu’ils ne coopèrent.

Je suis moi-même passé par là. En 2009, j’ai proposé qu’un nouveau programme que j’avais créé soit intégré au ministère global de Renovaré. Mais Richard et d’autres ont estimé qu’il était temps pour moi de quitter le nid, pour ainsi dire, et de créer un programme distinct. Dans le courant de cette année-là, nous avons donc créé l’Apprentice Institute for Christian Spiritual Formation à la Friends University.

Presque immédiatement, j’ai eu le sentiment que tout programme que nous développions et toute ressource que nous créions étaient une menace pour les autres ministères de formation spirituelle. J’étais tenté de considérer ces organisations ou leurs dirigeants comme des rivaux. J’ai fait part de mon inquiétude à Dallas, et il m’a répondu que c’était une préoccupation qu’il avait à propos du mouvement : « Le besoin est si grand que, même si nous nous regroupions, nous aurions du mal à avoir un impact ».

Ce phénomène n’est pas nouveau. La concurrence dans l’Église est monnaie courante depuis l’époque des apôtres : moi je suis pour Paul, moi pour Pierre, moi pour Apollos (1 Co 1.12 ; 3.4). Et Dallas savait que cela était particulièrement vrai non seulement au sein des Églises, mais aussi entre elles.

J’ai un jour invité Dallas à parler à un groupe de pasteurs. Il a proposé de compléter la phrase : « Le travail le plus important d’un pasteur est… ». Puis il a fait une pause et nous avons tous tendu l’oreille, impatients d’entendre la réponse. Il a poursuivi : « Le travail le plus important d’un pasteur est de prier pour le succès des Églises de sa région ».

Ce n’était pas ce que nous attendions. Je pensais qu’il dirait quelque chose comme : « Le travail le plus important d’un pasteur est de mémoriser et de méditer les Écritures » ou « de pratiquer un sabbat régulier ».

Mais Dallas a expliqué que si les pasteurs pouvaient véritablement prier pour le succès des Églises de leur région — des Églises qui auraient instinctivement pu être considérées comme concurrentes — alors le cœur de ces responsables serait vraiment en phase avec le royaume de Dieu. « Après tout », a-t-il dit, « nous faisons tous partie de la même équipe. »

Un esprit de compétition concernant son Église ou son ministère de formation spirituelle peut être un instinct humain très naturel. Mais si nous voulons sérieusement revêtir l’esprit du Christ, il est clair qu’un esprit de compétition n’est pas en phase avec les valeurs de son royaume. Nous faisons partie de la même équipe, et notre transformation à l’image de Christ s’atteste par notre désir de rechercher d’abord le bien du royaume.

Mon ami James Catford, un responsable de longue date de Renovaré, utilise l’analogie du sauvetage de Dunkerque pendant la Seconde Guerre mondiale pour expliquer l’esprit vers lequel Dallas essayait de nous orienter.

À un moment crucial de la guerre, des milliers de soldats britanniques et alliés se sont retrouvés bloqués à Dunkerque, en France, juste de l’autre côté de la Manche. Comme le montre le film éponyme, ces troupes étaient constamment menacées par la Luftwaffe, et il n’y avait pas assez de navires de la marine britannique pour les sauver tous. Le gouvernement a donc demandé à tous les civils britanniques disposant d’un bateau de traverser la Manche pour aller chercher des soldats.

Des bateaux de toutes formes et tailles ont largué les amarres et ramené au pays plus de 338 000 soldats britanniques et alliés. Certains pensent que sans cet effort commun l’Allemagne aurait gagné la guerre.

Parmi ceux qui s’engagent en faveur de la formation spirituelle, si nous devons tenir compte de l’inquiétude de Dallas, alors tous ceux qui ont un « bateau » — une organisation, un programme, un livre, un centre de retraite, un podcast de formation, et ainsi de suite — doivent s’unir dans ce travail profondément nécessaire : la formation de disciples, de personnes véritablement transformées.

Puissions-nous être attentifs au danger de céder à un esprit de compétition ; puissions-nous continuellement et humblement inviter Jésus à garder nos cœurs en phase avec les valeurs du royaume. Nous sommes vraiment tous dans le même bateau.

Il y a peu, j’ai passé une heure en visioconférence avec le nouveau président de Renovaré, Ted Harro, et nous avons discuté du travail de nos deux ministères de formation spirituelle.

« Je n’ai qu’une seule idée en tête, Jim », m’a dit Ted. « Comment pouvons-nous être le meilleur partenaire pour vous aider à faire le travail que vous faites ? »

Je lui ai dit que j’avais exactement le même intérêt en tête. À cet instant, j’ai eu l’impression que, quelque part dans la gloire, Dallas se réjouissait.

James Bryan Smith est titulaire de la chaire Dallas Willard de formation spirituelle chrétienne à l’Université Friends, directeur exécutif de l’Institut Apprentice et auteur de The Good and Beautiful God .

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Le Brésil élit Lula avec une légère évolution du vote évangélique

Le candidat de gauche a directement abordé les préoccupations des chrétiens dans les derniers jours du second tour.

Luiz Inácio Lula Da Silva célèbre une courte victoire à l’élection présidentielle.

Luiz Inácio Lula Da Silva célèbre une courte victoire à l’élection présidentielle.

Christianity Today November 16, 2022
Alexandre Schneider/Getty Images

Le président brésilien Jair Bolsonaro et ses soutiens se sont efforcés de gagner les électeurs évangéliques jusqu’à la dernière heure du second tour de l’élection le 30 octobre.

Des influenceurs chrétiens ont posté des photos à ses côtés sur Instagram, annonçant fièrement qu’ils soutenaient la candidature de Bolsonaro pour un second mandat. Et la première dame Michelle Bolsonaro a tenté de rallier les femmes de l’Assembleia de Deus Vitória em Cristo (« Assemblée de Dieu Victoire en Christ ») de Rio de Janeiro, l’une des plus grandes Églises du pays.

« Chères amies, cela aurait été agréable si nous avions gagné au premier tour », a-t-elle déclaré. « Mais nous avions besoin de ce deuxième tour pour un réveil de l’Église. »

Aux électeurs chrétiens qui ne seraient pas convaincus par la foi du président — bien que cet ancien officier militaire catholique ait été rebaptisé il y a six ans dans le Jourdain — Michelle a mis en avant ses propres références évangéliques.

« Ne regardez pas mon mari, regardez-moi. ». « Je suis une servante de Dieu. »

Mais ces efforts se sont finalement révélés insuffisants. Un sondage crédible publié quelques jours avant l’élection a montré que le soutien des évangéliques passait légèrement — quatre points seulement — de Bolsonaro à son adversaire du Parti des travailleurs, Luiz Inácio Lula da Silva. Au moment du décompte final, cependant, « Lula », comme tout le monde l’appelle, a remporté l’élection par moins de 2 % d’écart.

Certains observateurs attribuent ce revirement à la décision de Lula de faire directement appel à certaines des principales préoccupations des évangéliques.

Lula, ancien président, est redevenu éligible en mars 2021 lorsque ses condamnations à 12 années de prison pour corruption ont été annulées. Au cours de sa campagne, il s’était surtout contenté, pour toucher le public chrétien, de références à la Bible dans ses discours. Les évangéliques représentent environ 30 % de l’électorat.

Cette approche indirecte a changé lors d’une réunion avec des représentants des Églises à São Paulo le 19 octobre. Lula a publié une lettre exposant ses positions sur un certain nombre de préoccupations essentielles des chrétiens du pays. En ce qui concerne l’avortement, par exemple, il a écrit que « la vie est sacrée, l’œuvre des mains du Créateur » et que les décisions en la matière reviendraient au Congrès national.

À propos de l’éducation et des débats en cours sur ce que les écoles devraient enseigner aux enfants sur le genre, il a déclaré que les écoles publiques devaient travailler avec les parents, et non contre eux.

« Le foyer et les orientations données par les parents sont fondamentaux dans l’éducation de leurs enfants, et il appartient à l’école de les soutenir en dialoguant et en respectant les valeurs des familles, sans interférence de l’État », écrit Lula.

La lettre aborde également les rumeurs mensongères selon lesquelles il pourrait persécuter les chrétiens. En mai, un membre du corps législatif a reçu l’injonction de supprimer des messages sur les médias sociaux affirmant à tort que Lula et son parti soutenaient « l’invasion des églises » et la persécution des chrétiens. Un autre pasteur des Assemblées de Dieu a admis cette année qu’il avait affirmé sans preuve à ses fidèles que leur Église pourrait être fermée si la gauche revenait au pouvoir.

Lula a réfuté ces allégations sans fondement et d’autres similaires.

« Je sais que les gens disent que je vais fermer les églises. En réalité, c’est moi qui ai mis en place la loi sur la liberté religieuse », écrit-il. « Que quelqu’un dise que je vais fermer des églises est tellement malveillant et ignorant, que c’est difficile à croire. Je ne fermerais jamais une église, car je pense que s’il y a une bonne chose que les gens peuvent faire dans la vie, c’est de renforcer leur foi et de s’occuper de leur spiritualité. »

Lors de la dernière élection, Bolsonaro avait reçu 70 % du soutien des évangéliques. Au cours de sa présidence, sa relation avec les évangéliques n’a semblé que se renforcer, comme nous l’évoquions encore récemment, au fil de ses apparitions aux côtés de télévangélistes et de pentecôtistes bien connus, dont Silas Malafaia, Marco Feliciano et Edir Macedo, l’évêque de la plus grande dénomination prêchant un évangile de prospérité dans le pays. Le président avait également participé à la Marche pour Jésus.

Certains de ses détracteurs estiment que ces actions de Bolsonaro étaient fondamentalement intéressées.

« Bolsonaro a manipulé et coopté les chrétiens, se présentant comme le seul salut contre la gauche, contre le Parti des travailleurs. Il s’est présenté comme un messie. Il a pris des questions importantes pour les chrétiens, comme l’avortement et la famille, et en a fait la base de sa campagne », déclarait Jacira Monteiro, autrice et étudiante en séminaire, à CT au début de cette année. « Il a également joué (et continue de jouer) un jeu d’oppositions : soit je suis président et je vous libère du mal, de Satan, c’est-à-dire du Parti des travailleurs et de la gauche, soit le Brésil retourne dans les ténèbres. » « Pendant tout ce temps, sa campagne a utilisé un langage agressif et polarisant. »

Bien que Bolsonaro ait bénéficié d’un soutien important lors des dernières élections, les évangéliques ne sont pas tous les mêmes.

Le Frente Parlamentar Evangélica (« Front parlementaire évangélique »), un groupe qui se présente comme la voix évangélique officielle de l’Assemblée législative du pays, a déclaré compter parmi ses membres 196 députés et sept sénateurs issus de 19 partis politiques différents. Seuls 42 faisaient partie du parti libéral de droite de Bolsonaro.

Bolsonaro a perdu une part du soutien évangélique en raison de sa gestion du COVID-19 et des questions économiques. Mais à l’approche de l’élection générale et du second tour, il semblait avoir regagné des appuis. Dans les derniers jours, cependant, suffisamment d’évangéliques ont changé d’avis pour faire la différence.

La décision de Bolonsaro de « minimiser la pandémie et de ne pas tenir compte d’informations scientifiques importantes » lui a nui auprès de nombreux électeurs, estime Guilherme de Carvalho, directeur de L’Abri pour le Brésil.

« Nous avons vu une attitude de mépris, de confrontation, et d’évitement du dialogue. Ajoutez à cela un esprit d’irresponsabilité vis-à-vis de la santé des gens, avec des blagues sur des personnes en danger de mort. » « Les partisans du président ont fait des “coffin dances”. »

Une autre question importante pour certains évangéliques était l’environnement, rapporte de Carvalho, soulignant l’augmentation de la déforestation et des feux de forêt sous Bolsonaro.

« Celui qui a vaincu Bolsonaro, c’est Bolsonaro lui-même. »

Compte tenu de la faible marge de victoire de Lula et de la réticence de Bolsonaro à admettre sa défaite, certains dirigeants évangéliques s’inquiètent désormais pour l’unité de l’Église dans les mois à venir.

« La victoire de Lula annonce 4 ans d’une polarisation encore plus grande, et le rêve de plus d’options politiques disparaît pour encore 8 ans », a tweeté Filipe Duque Estrada, le pasteur d’Onda Dura Global. « Parce que dans 4 ans, les seules options seront à nouveau Bolsonaro et Lula. Si Bolsonaro avait gagné, ce cycle aurait pris fin. »

Certains responsables ont appelé à la paix.

« Je sais que, lors de ces élections, de nombreux liens ont été brisés, des personnes blessées, des insultes prononcées, mais pour chaque erreur commise, il y a la bonté de Dieu qui nous conduit à la repentance et à la réconciliation », écrit le pasteur et musicien Zé Bruno sur Instagram. « Voyez où vous vous êtes trompé et repentez-vous. Cherchez à voir où ils ont fait fausse route avec vous et pardonnez. Ne perpétuez pas le mal, mais mettez-y fin par le bien, l’amour et la miséricorde, car il triomphera du jugement. »

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Téléchargement gratuit : Méditations de l’Avent 2022

Des éditeurs et contributeurs de Christianity Today, Il nous a été promis propose 4 semaines de méditations pour l’Avent. Individuellement, en famille ou en groupe.

Christianity Today November 3, 2022
Christianity Today

Les chrétiens devraient-ils posséder des armes à feu pour se défendre ? Aperçu à travers le monde

Alors que des fusillades ne cessent de se produire dans le monde, des responsables chrétiens de neuf pays expliquent comment ils envisagent la sécurité personnelle d’un point de vue théologique et biblique.

Christianity Today November 2, 2022
Carlos Osorio / AP Images

Début octobre, un ancien policier a tué 36 personnes, dont de nombreux jeunes enfants, dans une garderie du nord-est de la Thaïlande. La fusillade et la série de coups de couteau ont eu lieu quelques semaines après qu’un homme armé ait tué 17 personnes dans une école du centre de la Russie. En juillet, des terroristes ont attaqué un service religieux dominical dans le sud-ouest du Nigeria, tuant des dizaines de fidèles.

Les États-Unis ont connu de nombreuses fusillades de masse cette année, notamment lors d’un défilé du 4 juillet dans la banlieue de Chicago, où sept personnes sont mortes, dans une épicerie à Buffalo, dans l’État de New York, où 10 personnes ont été tuées et dans une école élémentaire à Uvalde, au Texas, où 21 personnes ont été assassinées.

Aux États-Unis, selon le Pew Research Center, les évangéliques blancs sont plus susceptibles que les membres d’autres groupes confessionnels américains à posséder une arme à feu (41 %) et à dire qu’ils se sentent plus en sécurité ainsi (77 %). Plus de la moitié des évangéliques blancs (57 %) ont déclaré que la défense était la raison la plus importante pour laquelle ils possédaient une arme.

Cette étude de 2017 a également révélé que 38 % des évangéliques blancs craignent d’être victime d’une fusillade de masse, 61 % de subir un crime violent et 66 % d’être victime d’une attaque terroriste.

Cependant, la même étude constatait également que les Américains qui assistent à des services religieux hebdomadaires sont moins susceptibles de posséder une arme à feu que ceux qui y assistent moins fréquemment (27 % contre 31 %). Et les Américains ayant un niveau élevé d’engagement religieux étaient moins susceptibles de posséder une arme à feu que ceux dont l’engagement était faible (26 % contre 33 %).

Nous avons contacté des responsables d’Église de neuf pays pour en savoir plus sur la possession d’armes à feu dans leur nation et sur leurs réflexions à ce sujet, d’un point de vue théologique et biblique. Leurs réponses sont classées en partant de ceux qui pensent que les chrétiens peuvent posséder des armes à feu pour leur sécurité personnelle pour aller vers ceux qui pensent que cela contrevient à leur foi.

Nigeria | Steve Dangana, président du chapitre de la Communauté pentecôtiste du Nigeria pour l’État du Plateau :

Les citoyens nigérians peuvent posséder des armes à feu, à condition que celles-ci fassent l’objet d’un permis délivré par les autorités.

Les chrétiens sont appelés à être à l’avant-garde de la paix et des artisans de paix dans un monde plein de violence et de mal. Le contraste entre ce que nous sommes appelés à représenter et la réalité de notre monde actuel pose un défi pour la possession d’une arme pour l’autodéfense et d’autres objectifs non-violents. Je crois personnellement qu’il est juste pour un chrétien de posséder des armes à feu à des fins d’autodéfense.

Le niveau de violence accrue dans nos communautés a pris des dimensions inquiétantes aujourd’hui. L’insouciance avec laquelle des vies innocentes sont détruites quotidiennement par des individus sans conscience laisse des questions dans le cœur de nombreux chrétiens sur les défis éthiques de la possession d’armes à feu. Cependant, un regard sur la Bible offre certains repères concernant les pratiques liées à cette question aujourd’hui.

La nuit de la trahison de Jésus, il a encouragé ses disciples à porter une épée. Ils en avaient deux, ce qui, selon lui, était suffisant (Lc 22.37-39). Mais alors que Jésus était arrêté, Pierre a tiré son épée et a tranché l’oreille d’un des serviteurs du grand prêtre (Jn 18.10). Jésus a répondu en guérissant l’homme instantanément (Lc 22.51) et a ensuite ordonné à Pierre de ranger son épée (Jn 18.11). La possession d’une épée par Pierre n’a pas été condamnée. C’est seulement l’usage qu’il en a fait dans cette circonstance particulière qui a incité Jésus à lui demander de faire preuve de retenue.

Une autre fois, des soldats sont venus chez Jean Baptiste pour être baptisés. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il fallait faire pour vivre pour Dieu, Jean a répondu : « N’extorquez pas d’argent à quelqu’un par des menaces ou par de fausses accusations, et contentez-vous de votre salaire » (Lc 3.14). Jean s’arrête juste avant de dire aux soldats de déposer leurs armes.

On peut affirmer sans risque de se tromper que la Bible n’interdit jamais à un chrétien de posséder une arme, tant que celle-ci est utilisée en accord avec notre foi et notre pratique chrétiennes et qu’elle apporte honneur au Christ, respect et valeur à l’humanité, et gloire à Dieu.

Les chrétiens sont encouragés à respecter la loi en tant que représentants du Christ et citoyens fidèles de leur nation. Romains 13 nous dit que les autorités dirigeantes viennent de Dieu et qu’il faut leur obéir. Par conséquent, toute loi sur les armes à feu, ainsi que les autres lois locales, doit être respectée.

En fin de compte, nous constatons qu’il n’y a rien de pécheur ou d’inapproprié à posséder des armes à feu ou d’autres armes tant que c’est pour se défendre ou pour d’autres usages non violents.

Afrique du Sud | Siki Dlanga, coordinateur d’une campagne contre la violence basée sur le genre pour l’Alliance évangélique d’Afrique du Sud :

Un Sud-Africain peut légalement posséder jusqu’à quatre armes à feu à partir de l’âge de 21 ans. Chaque arme à feu doit faire l’objet d’un permis, assorti de règles strictes.

Le fait qu’un chrétien possède ou non une arme à feu est une question de conscience personnelle. Au sujet des armes, l’Écriture enseigne ce qui suit : « Car les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas humaines ; elles tiennent leur puissance de Dieu qui les rend capables de renverser des forteresses. Oui, nous renversons les faux raisonnements ainsi que tout ce qui se dresse présomptueusement contre la connaissance de Dieu, et nous faisons prisonnière toute pensée pour l’amener à obéir à Christ, prêts à punir toute désobéissance dès que votre obéissance sera entière. » (2 Co 10.4-6)

L’Écriture place en premier lieu la protection du croyant contre le monde spirituel. Nos armes ne sont pas charnelles, mais spirituelles. Nous savons que tout commence spirituellement avant de se manifester dans le domaine physique. Nous ne pouvons pas combattre Satan avec les armes qu’il a inventées et espérer le vaincre. Pour vaincre le mal, nous devons utiliser des armes spirituelles qui, nous dit-on, « tirent leur puissance de Dieu ».

En outre, « Dieu ne nous a pas donné un esprit de crainte, mais de puissance, d’amour et de sagesse » (2 Tm 1.7). S’appuyer sur la puissance de feu plutôt que sur la puissance de l’amour n’est pas la voie du Christ. La puissance de feu a semé beaucoup de souffrance dans le monde, au point que nous ne pouvons espérer la paix que si nous nous menaçons de « destruction mutuelle assurée ». Ce n’est pas vraiment l’indice d’une société civilisée et saine d’esprit.

Corée du Sud | Kim Seungkyeom, pasteur principal de l’Église Graceforest Community à Yongin :

En Corée, la possession d’une arme à feu est strictement limitée. Seuls les fusils de chasse sont autorisés. Mais vous devez l’enregistrer au commissariat de police.

À mon avis, il n’est pas conseillé de posséder une arme à feu pour la sécurité personnelle. Si une personne possède une arme à feu pour sa sécurité, une autre personne essaiera de se protéger en possédant une arme plus puissante. La course aux armes nucléaires en est la preuve. Un nombre croissant d’armes nucléaires, des armes nucléaires plus puissantes et ayant un avantage comparatif sur les autres pays peuvent rendre le monde de plus en plus dangereux.

Fondamentalement, les questions de sécurité personnelle sont un domaine que la nation devrait prendre en charge. Romains 13.4 dit : « Car l’autorité est au service de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, redoute-la. Car ce n’est pas pour rien qu’elle peut punir de mort. Elle est, en effet, au service de Dieu pour manifester sa colère et punir celui qui fait le mal ».

Quant aux individus, le Seigneur a dit ceci : « Remets ton épée à sa place, lui dit Jésus, car tous ceux qui tirent l’épée mourront par l’épée » (Mt 26.52). En premier lieu, il s’agit d’une leçon concernant la vengeance, et non sur la sécurité personnelle, mais c’est aussi une leçon de base sur l’utilisation des armes.

Le chrétien ne doit pas faire reposer sa sécurité sur la possession d’une arme, mais sur la grâce et la protection de Dieu. Paradoxalement, cependant, j’ai une batte de baseball à côté de mon lit au cas où un voleur s’introduirait soudainement.

Suisse | Jean-René Moret, pasteur, Église évangélique de Cologny :

En Suisse, nous sommes autorisés à posséder des armes à feu. Nous avons toujours la conscription, et la plupart des hommes suisses ramènent leur fusil d’assaut à la maison pour le stocker et s’entraîner au tir. Les fusils d’assaut sont autorisés. Les hommes qui ont terminé leur service ont la possibilité de racheter leur fusil militaire et de le conserver. Les propriétaires d’armes doivent s’enregistrer.

(Seuls les hommes sont font l’objet de la conscription obligatoire. Les femmes peuvent cependant demander à faire partie de l’armée. Les objecteurs de conscience font des travaux d’intérêt général.)

L’enseignement et l’exemple de Jésus montrent que les chrétiens devraient plutôt subir la perte de leurs biens, de leur honneur et de leur vie que de répondre à la violence par la violence (Mt 5.38-42 ; 1 P 2.20-23). Paul, dans Romains 13.4, reconnaît le rôle de l’État de porter des armes afin de réprimer le mal. Mais ce n’est pas le rôle de l’individu.

On pourrait se demander si le fait de posséder une arme pour défendre des personnes vulnérables pourrait être admissible. Cela pourrait être le cas dans des situations de défaillance de l’État et d’anarchie. Et même dans ces cas-là, il faudrait se demander où les chrétiens vont mettre leur confiance. Auront-ils confiance en Dieu, ou en leurs propres armes, leur force et leurs capacités ? (cf. És 30.15-17)

La violence armée est une conséquence non seulement de la possession d’armes à feu, mais aussi d’une culture dans laquelle les armes sont considérées comme un gage de sécurité et une solution aux problèmes. Les Suisses possèdent beaucoup d’armes à feu, mais ne s’attendent pas à les utiliser autrement que pour la chasse, le tir sportif et une guerre improbable. Pour les chrétiens, les armes à feu peuvent être une idole, une chose qui détourne la confiance que nous devons mettre en Dieu seul.

Canada | Karen Stiller, autrice, éditrice et journaliste, Ottawa :

Nous pouvons posséder des armes à feu, bien que le Canada ait des lois strictes sur leur contrôle. Des vérifications approfondies des antécédents sont requises. Plus de 1 500 types de fusils d’assaut militaires ont été interdits au Canada en 2020. Une législation plus stricte a été présentée récemment pour limiter encore plus la possession d’armes à feu.

Mon père était un policier monté. J’ai grandi dans un environnement où les armes à feu étaient présentes et reconnues comme une partie potentiellement dangereuse, mais nécessaire, du travail de mon père. Nous respections mon père, son travail et l’uniforme de la Gendarmerie royale du Canada. J’étais heureux qu’il ait une arme, car je savais qu’elle contribuait à le protéger, lui et les personnes qu’il s’était engagé à protéger dans son travail et sa vocation.

Les armes à feu ont leur place dans le monde, bien sûr, mais elles ne font tout simplement pas partie de la vie quotidienne et de la culture au Canada comme c’est le cas aux États-Unis ou, je suppose, dans de nombreux autres endroits du monde. Nos pays ont des histoires tellement différentes, et nous n’avons pas le deuxième amendement et tout ce que cela représente.

Les différents rôles que les armes à feu jouent dans les vies peuvent varier selon les régions du Canada (je suis une citadine jusqu’au bout des ongles), mais je ne crois cependant pas que ceux qui font pression pour un contrôle moins strict des armes à feu au Canada s’approchent de la passion pour les armes à feu de certains dans la culture américaine. Même la question « Les chrétiens devraient-ils posséder une arme à feu pour se défendre ? » semble très américaine. (Et cette déclaration de ma part est très canadienne.)

Il ne me viendrait pas à l’idée que notre foyer chrétien possède une arme spécifiquement destinée à notre sécurité personnelle. Si c’était le cas, et si nous suivions les lois du pays (que nous croyons être obligés de suivre en tant que croyants), cette arme serait déchargée, verrouillée et stockée séparément des munitions. Une formule donc généralement peu utile pour la protection personnelle, quelle que soit la position théologique de chacun.

Australie : Sam Chan, évangéliste avec le City Bible Forum à Sydney :

En Australie, vous pouvez posséder une arme à feu, mais vous devez avoir un permis et enregistrer l’arme. Mais vous ne pouvez pas acheter d’armes automatiques ou semi-automatiques.

J’ai séjourné dans une ferme et j’ai vu le fermier abattre des animaux sauvages. J’ai aussi des amis qui tirent avec des armes à feu comme passe-temps. Mais, dans l’ensemble, la possession d’armes à feu n’est pas un élément important de la culture australienne.

Un Australien peut ressentir le besoin de posséder une voiture ou une maison, mais pas une arme à feu pour sa sécurité personnelle. Ce n’est pas une chose courante en Australie. C’est l’absence d’armes à feu en Australie qui nous fait nous sentir en sécurité, plutôt que leur disponibilité.

En Australie, nous donnons la priorité à la sécurité des communautés, et nous attendons du gouvernement qu’il agisse en ce sens. Je pense que nous avons été le premier pays à adopter des lois rendant obligatoires le port de la ceinture de sécurité pour les voitures, le port du casque pour les cyclistes et l’alcootest aléatoire pour les conducteurs.

Dans cette même logique, nous avons limité nos droits de posséder des armes à feu pour la sécurité de la communauté. Il n’y a pas eu de fusillade de masse majeure depuis 1996.

Paul raisonne de cette même manière dans 1 Corinthiens 10.23-24 : « J’ai le droit de tout faire », dites-vous, mais tout n’est pas bénéfique. « J’ai le droit de tout faire » — mais tout n’est pas constructif. Personne ne doit chercher son propre bien, mais le bien des autres.

Paul dit que nous avons des droits individuels, mais que nous avons aussi la responsabilité personnelle de faire ce qui est le mieux pour la communauté.

Honduras | Miguel Álvarez, président du Séminaire biblique pentecôtiste d’Amérique centrale à Quetzaltenango, Guatemala :

Au Honduras, les gens peuvent porter des armes à feu, mais, pour ce faire, ils doivent s’enregistrer et se conformer aux exigences de la sécurité de l’État. Malheureusement, même dans ce processus bien intentionné, il peut y avoir des éléments de corruption. Néanmoins, la loi est restrictive envers ceux qui choisissent de porter une arme.

Je ne crois pas que les croyants en Christ doivent porter des armes. Le port d’armes est contraire au message de l’Évangile. Il n’y a aucune raison théologique ou biblique qui justifie l’utilisation des armes. La vocation du croyant en Christ est pacifique, et non belliqueuse. Dieu nous a donné la capacité de dialoguer en tant qu’êtres civilisés sur nos différences afin de résoudre nos controverses par des moyens pacifiques. Un croyant qui porte des armes doute manifestement de la puissance spirituelle qui est en lui.

Selon Jacques 3.17, « la sagesse d’en haut est […] pacifique, douce, ouverte à la raison, pleine de miséricorde et de bons fruits, impartiale et sincère ». En outre, Romains 12.18 exhorte : « Si possible, dans la mesure où cela dépend de vous, vivez en paix avec tout le monde. » Dieu nous appelle à la paix. La présence d’armes est contraire à la paix. Il n’y a aucune justification biblique ou théologique à l’utilisation des armes.

Les personnes qui insistent pour porter des armes ne connaissent pas la paix de Dieu, et ne peuvent pas comprendre la justice de Dieu. Il est donc important de se déclarer contre la guerre et l’utilisation des armes pour résoudre les conflits humains et de se positionner en faveur de la paix et de la justice.

Philippines | Emil Jonathan Soriano, pasteur de l’Église @ No. 71, San Pedro, Laguna :

Aux Philippines, les gens peuvent posséder des armes légalement, mais c’est difficile. Le gouvernement a des exigences très strictes. Néanmoins, je connais personnellement des chrétiens qui ont un permis de port d’arme à des fins récréatives.

Je ne pense pas que les chrétiens devraient posséder des armes à feu pour leur sécurité personnelle. L’œuvre de Dieu dans le monde est d’apporter la vie dans toute sa plénitude (Jn 10.10) et de vaincre la mort (1 Co 15). Les armes à feu vont à l’encontre de l’œuvre de Dieu, car ce sont des outils de mort conçus pour tuer. Aux Philippines, les armes à feu en circulation sont utilisées pour des crimes et des exécutions extrajudiciaires, ce qui a aussi conduit par le passé à des assassinats par des groupes d’autodéfense. L’Écriture affirme que les outils de mort doivent être démantelés et transformés en outils de production et de subsistance (És 2.4 ; Mi 4.3).

Plus important encore, Jésus a donné un exemple d’éthique de non-violence, qu’il a manifestée par un amour qui s’est donné et a souffert, qui appelle à donner sa vie pour que les autres puissent vivre (Mt 5.38-48 ; Rm 12). En Jésus, nous voyons que l’on n’a pas besoin d’armes pour se défendre et être en sécurité. Les premiers chrétiens ont suivi son exemple : ils n’ont pas cherché à se défendre en prenant les armes, mais ont accepté de donner leur vie en témoignage de l’Évangile. Cela ne signifie pas que les chrétiens doivent rechercher le martyre et ne pas prendre de précautions. Les chrétiens sont invités à vivre dans la sagesse tout en travaillant à transformer le monde en le fondant sur la paix. Comme l’a dit Clément d’Alexandrie, un père de l’Église antique, « Comme des sœurs simples et tranquilles, la paix et l’amour n’ont pas besoin d’armes. Car ce n’est pas pour la guerre, mais pour la paix que nous sommes formés. »

Singapour | Edric Sng, fondateur et rédacteur en chef de Salt&Light et Thir.st :

À Singapour, l’utilisation des armes à feu est étroitement contrôlée en vertu de la Loi sur les infractions liées aux armes. En dehors de la police et des forces armées, il est presque impossible de voir quelqu’un porter ou utiliser une arme. Les rares exemples feraient immédiatement la une des journaux.

En d’autres termes, cela signifie qu’à Singapour, nous pouvons continuer à vivre sans nous soucier de la menace de la violence armée.

Dans Luc 22, juste après la dernière Cène, Jésus prépare ses disciples à ce moment imminent où ils devront poursuivre la mission sans leur maître. « Si vous n’avez pas d’épée, vendez votre manteau et achetez-en une », leur dit-il au verset 36. Une épée à cette époque aurait été utile pour beaucoup de choses. Pour chasser. Pour récolter. En tant qu’outil polyvalent.

Et, oui, c’était une arme, mais ce n’était manifestement pas l’intention de Jésus. Si Jésus avait voulu que les disciples portent des armes pour la guerre, il ne leur aurait pas dit que deux épées entre eux suffisaient (v. 38). Il leur aurait dit d’augmenter les stocks ! Plus il y en a, plus c’est sûr !

Mais il est clair que ces épées n’étaient ni destinées à l’attaque ni à l’autodéfense. Quelques heures plus tard, dans Luc 22.49-51, Jésus est arrêté. Pierre tire son épée pour repousser la délégation menée par le traître Judas. Mais au lieu d’un éloge, il s’attire la réprimande de Jésus : « Range ton épée ! » (selon Jn 18.11)

Est-il insensé de rester sans défense dans un monde hostile, où tout le monde porte une arme ? Selon les critères humains, probablement. Mais serait-il plus sage, selon Dieu, de détenir une arme qui peut si facilement ôter la vie à autrui, même en cas de légitime défense ? Pourquoi imaginer que la vie de l’un — vous ou votre famille — vaut plus que celle de l’autre ?

Si le monde est armé, devons-nous le suivre — ou cela nous rendrait-il semblables au monde ?

Reportage réalisé avec l’aide de Jennifer Park.

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Culture

Mon meilleur travail se fait en dehors du bâtiment de l’Église

Pour voir Dieu agir, nous avons dû sortir de nos quatre murs.

Christianity Today November 2, 2022
Charlie Foster / Unsplash

Il n’est pas rare qu’une Église soit poussée hors de son bâtiment.

Mais c’est le contraire qui nous est arrivé. On a voulu nous pousser dans notre bâtiment.

Notre Église multiethnique de centre-ville se réunissait depuis un certain temps autour de tables de pique-nique dans la cour d’une école publique. Notre quartier abrite l’école la plus pauvre du district. Nous avons accueilli des gens de la rue, mangé avec eux et organisé notre culte en plein air.

Mais un résident d’un appartement voisin a commencé à nous écrire des lettres incendiaires à propos du bruit. Nous nous sommes excusés, avons baissé le volume et avons prié. Quelques dimanches plus tard, ce même voisin sortait ses poubelles lorsqu’il a été interpelé par une prédication sur Romains 8. Il s’est arrêté et a écouté l’intégralité du sermon debout près d’une benne à ordures dans la ruelle. À la fin, il a tourné le coin, en pleurs, et est venu nous dire qu’il avait entendu Dieu lui parler.

Quelques semaines plus tard, tandis que je prêchais, quelqu’un a crié par-dessus le mur que nous étions trop bruyants. Une femme qui était là pour le culte a dit qu’il était le prochain. Je me suis excusé pour le bruit, j’ai fait un signe de tête à notre technicien du son et j’ai continué à prêcher. Le lendemain, cependant, le directeur de l’école nous a annoncé que nous devions maintenant utiliser l’auditorium pour lequel nous avions payé. Mais nous étions loin d’avoir fini de vivre l’Église dans les espaces publics.

À l’air libre

À une époque, je craignais que, si nous nous aventurions dans des espaces publics, nous soyons catalogués comme étranges, voire bizarres. Je n’aime pas trop que les chrétiens aient l’air encore plus fous qu’ils ne le sont, je n’ai donc pas tout de suite osé pousser l’Église hors de ses quatre murs. Mais j’ai fini par décider que plutôt que d’organiser des actions pour toucher le voisinage, le culte serait notre moyen de le faire. C’est radical, c’est risqué, mais ça marche, et il m’a fallu près de 20 ans pour en arriver là.

C’est l’Europe qui en est responsable. En m’embarquant pour l’Europe en tant que missionnaire implanteur d’Églises il y a 15 ans, j’ai eu mon premier aperçu du ministère en plein air lorsque j’ai servi comme évangéliste dans la légendaire Église de Martyn-Lloyd Jones. Les anciens voulaient que je prêche le samedi matin sur la place publique. Au début, je trouvais cela gênant, mais je n’arrivais pas à me défaire de la conviction que, comme à l’époque de Wesley, Whitefield et William Booth, il devait y avoir quelque chose à faire pour amener l’Église aux gens de notre temps, au lieu d’attendre que les gens viennent à l’Église.

À partir de là, j’ai expérimenté des groupes de discussion publics sur des campus universitaires et dans des pubs, et j’ai finalement lancé une Église dans un Starbucks.

Le ministère dans les contrées postmodernes et postchrétiennes de l’Europe a donné vie au livre des Actes des Apôtres. La raison en est simple : un monde postchrétien est très semblable à un monde préchrétien.

Actes 5.42 dit que les apôtres se réunissaient « dans le temple et dans les maisons ». Beaucoup ont imaginé les « cours du temple » comme l’équivalent de bâtiments d’Église. Mais ces endroits étaient beaucoup plus publics. En prêchant dans les cours du temple, les apôtres pratiquaient l’art perdu du ministère dans l’espace public, dans des lieux ouverts. J’avais l’habitude de lire le livre des Actes des Apôtres et de me demander pourquoi ce que je faisais en tant que serviteur à plein temps ne ressemblait en rien à ce que Paul et les Apôtres faisaient. Les responsables d’Église contemporains vont au séminaire, étudient la théologie, interprètent les textes et préparent des prédications, mais ils obtiennent leurs diplômes tout en étant incapables de faire ce que les apôtres ont fait : transmettre le message de l’Évangile à une communauté. Beaucoup sont craintifs et ont du mal à parler aux gens au-delà des limites du parking de l’Église.

Retour vers le futur

Revenir d’Europe pour servir en Amérique était comme débarquer d’une machine à remonter le temps. La Grande-Bretagne a environ 60-70 ans d’avance sur l’Amérique en matière de postchrétienté. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles C.S. Lewis est tellement pertinent pour les chrétiens américains contemporains ; nous respirons la même atmosphère culturelle de déclin spirituel que la Grande-Bretagne du milieu du 20e siècle, à l’époque où Lewis écrivait. Lewis s’adressait à une culture dans laquelle la chrétienté avait disparu, les Églises étaient en déclin et les gens avaient besoin d’être convaincus pour croire.

Je forme les implanteurs d’Église à exercer leur ministère dans les espaces publics afin de les préparer à un avenir où je suis convaincu que le modèle attractionnel de l’Église va vaciller. De moins en moins de personnes sont prêtes à entrer dans un bâtiment identifié comme « église ». Avant de me rendre en Europe, ma version de la formation des futurs responsables aurait été de les aider à faire davantage de ce qui ne fonctionne pas, éventuellement dans une version plus élégante, plus cool et plus tendance. Je les aurais formés pour attirer de plus grandes foules, rendre le culte plus séduisant. Tout cela était formidable dans les années 80 et 90, mais est de moins en moins efficace dans notre culture.

De nombreuses Églises se préparent à un avenir qui ne viendra pas. Nos stratégies reposent sur l’utilisation future des bâtiments que nous avons construits. Mais si l’Europe est une indication de la direction que prennent les choses, où des bâtiments d’Église magnifiques sont convertis en boîtes de nuit, en mosquées et en entrepôts de tapis, nos bâtiments pourraient aussi ne plus faire l’affaire. Comme les bunkers souterrains de la guerre froide enterrés partout à travers l’Amérique, de nombreuses constructions de l’Église seront inutiles lorsque l’avenir que nous anticipons ne se matérialisera pas. En Europe, les citadelles de la religion ont servi de barricade face à la culture qui les entourait, et trop d’autres suivent cet exemple.

Pour préparer l’avenir, nous devons faire ce que les apôtres ont fait : amener l’Église dans les rues, les salles de concert, les cafés, les brasseries, sur tous les Aréopages qui constituent les carrefours culturels de notre temps.

Je ne dis pas que le simple fait de se rencontrer à l’extérieur est une solution miracle à tous les maux de l’avenir. Nous aurons toujours besoin d’infrastructures traditionnelles pour exercer un ministère efficace auprès de certaines personnes. Mais le pourcentage de personnes touchées par cette approche va diminuer. C’est déjà le cas. L’avenir du ministère chrétien appartient plus à ceux qui seront aptes à intégrer la foule qu’à ceux qui cherchent à l’attirer. Il appartient à ceux qui peuvent infiltrer une communauté de l’intérieur, au lieu de chercher à orienter le trafic vers un bâtiment à l’autre bout de la ville.

Voici quelques moyens que j’ai trouvés pour échapper aux quatre murs de l’église et m’engager dans le ministère dans mon quartier.

1. Laisser tomber le ministère de bureau

Nous avons besoin de plus de flics de terrain, et moins de flics de bureau. Charles Spurgeon décriait des serviteurs déconnectés de leur culture « à l’aise parmi les livres, mais en perdition parmi les hommes ». Comment pourrais-je atteindre ceux qui se perdent en buvant du café avec des chrétiens et en récitant des homélies ?

Peu de temps après avoir rejoint l’Église de Martyn-Lloyd Jones, Dieu m’a fait sortir de mon étude en tarissant mon soutien missionnaire au moment du 11 septembre. J’ai été contraint d’accepter un emploi dans une usine, sur une chaîne de montage, aux côtés des personnes que j’essayais d’atteindre. Après avoir été mandaté comme « évangéliste » pendant plus d’un an, je n’avais pas vu une seule personne suivre Jésus à la suite de mon travail. Les choses ont commencé à changer dans l’usine. La vérité est que l’employé moyen aura été en contact avec plus de personnes le lundi midi que le pasteur moyen ne le sera en une semaine entière. Soudain, je n’avais plus ce problème.

La nécessité est mère de l’invention. J’ai dû faire preuve de créativité et me lancer dans des projets audacieux, comme visiter des pubs et des boîtes de nuit armé d’une caméra vidéo et laisser les gens me raconter leurs histoires. Ces rues violentes des heures tardives de la nuit dans la ville industrielle de Port Talbot, au Pays de Galles, m’ont réellement formé. Pendant que la caméra tournait, des gens divulguèrent leurs histoires et pleurèrent. C’était mon premier voyage hors de mon étude, et il a été difficile de m’y faire retourner depuis.

2. Rechercher l’espace public

Depuis le début de cette aventure, nous avons lancé des ministères dans les parcs et divers projets de Long Beach et San Pedro. Nous avons fait des soirées micro ouvert dans le café gay local. Nous avons fait beaucoup d’erreurs, et l’apprentissage n’a pas toujours été facile. Nous avons appris qu’avant de faire une soirée micro ouvert, il faut acheter des boissons à la maison pour démarrer. Il ne faut pas non plus encombrer le jeu avec trop de chrétiens.

Nous apprenons toujours, mais nous poussons toujours plus loin. Nos responsables discutent actuellement de la rénovation d’une station-service au coin de la rue, au cœur du ghetto. Chaque Église que nous implantons dans l’espace public est différente. Nous ne sommes pas assez futés pour découvrir la recette à appliquer dans toutes les situations. Nous devons comprendre la vie de chaque quartier et compter sur Dieu pour nous guider.

3. Faire confiance à l’Esprit

La réponse d’une partie de l’Église britannique au tournant postmoderne a consisté à adapter sa théologie, sa morale et son culte… en vain. Au lieu de devenir plus attrayant pour les non-chrétiens, le message ne valait plus la peine d’être écouté. Une approche laxiste de Dieu a fait que l’Église ne valait pas le temps ou l’essence qu’on aurait pu y consacrer. Il n’y avait plus d’expérience de Dieu. La messe était dite.

Pendant des années, j’ai écouté des missionnaires parler de la puissance de Dieu à l’étranger, mais je me demandais pourquoi nous ne voyions jamais de telles choses. Je ne me le demande plus. Il n’y a pas de raison que les missionnaires aient toutes les meilleures histoires. À présent, ceux qui implantent avec nos équipes ont aussi de telles histoires à raconter. Ma théorie est que plus vous allez en première ligne, plus vous expérimentez ce que vous lisez dans le livre des Actes. Après tout, pourquoi le Consolateur viendrait-il au secours de ceux qui sont bien confortablement installés ?

Le Saint-Esprit équipe ceux qui sortent de leur zone de confort et se mettent dans une situation où ils ont besoin de lui. Pour être honnête, une Église moyenne ne se rend pas forcément dépendante du Saint-Esprit pour la plupart de ses activités du dimanche matin. S’engager dans l’entreprise risquée de la mission, c’est se laisser emporter dans l’action de l’Esprit Saint et être aux premières loges pour voir ce que Dieu fait dans le monde.

Nous avons appris que vivre l’Église dans les espaces publics repoussera les consommateurs, mais attirera les disciples. Ces disciples deviendront la prochaine génération de responsables, et ils se reproduiront. La prochaine fois qu’une Église aura été poussée hors de son bâtiment, elle pourra se dire qu’elle est peut-être maintenant à sa juste place.

Peyton Jones est le fondateur de New Breed Church Planting et l’auteur de Church Zero (David C. Cook, 2013).

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Books

Décès de Gordon Fee, qui invitait les évangéliques à adopter un autre regard sur la Bible

Cet « érudit de feu », spécialiste du Nouveau Testament, voulait enseigner l’Écriture comme une rencontre avec Dieu.

Gordon Fee

Gordon Fee

Christianity Today October 31, 2022
Regent College / edits by Rick Szuecs

Le premier jour d’un cours de Nouveau Testament, Gordon Fee avait dit à ses étudiants au Wheaton College, qu’ils tomberaient un jour sur un gros titre disant « Gordon Fee est mort ».

« N’y croyez pas ! » avait-il clamé, juché sur un bureau. « Il chante avec son Seigneur et son roi. »

Puis, au lieu de distribuer le plan de cours comme c’était l’habitude, il fit chanter à la classe l’original anglais de « Seigneur, que n’ai-je mille voix », de Charles Wesley (« O For a Thousand Tongues to Sing »).

Fee, un professeur de Nouveau Testament très influent qui croyait que la lecture de la Bible, l’enseignement de la Bible et l’interprétation de la Bible devaient amener les gens à rencontrer un Dieu vivant, se décrivait lui-même comme un « érudit de feu ». Il est décédé mardi 25 octobre à l’âge de 88 ans — même si, comme le savent ceux qui l’ont côtoyé en classe ou dans ses nombreux livres, ce n’est pas ainsi qu’il aurait décrit sa situation.

Au début des années 1980, Fee avait coécrit Un nouveau regard sur la Bible avec Douglas Stuart, un collègue du séminaire théologique Gordon-Conwell. La version originale du livre How to Read the Bible for All Its Worth en est à sa quatrième édition et s’est vendue à environ un million d’exemplaires. L’ouvrage est devenu pour beaucoup le texte de référence sur la meilleure façon d’aborder les Écritures. Il était également l’auteur d’un manuel d’interprétation biblique abondamment repris, de plusieurs commentaires très appréciés sur les épîtres du Nouveau Testament et d’un travail universitaire sans précédent sur la place du Saint-Esprit dans la vie et l’œuvre de l’apôtre Paul.

« Si vous aviez demandé à Paul de définir ce qu’est un chrétien », avait un jour dit Fee dans notre magazine, « il n’aurait pas dit : “Un chrétien est une personne qui croit telle et telle doctrine sur le Christ”, mais “Un chrétien est une personne qui marche dans l’Esprit, qui connaît le Christ”. »

De la même manière, Fee soutenait que l’étude de la forme, de l’histoire et du contexte de l’Écriture en valait la peine parce qu’il ne s’agissait pas d’une « simple histoire ». Bien faite, l’interprétation biblique frappe comme l’éclair

« Notre exégèse porte du fruit lorsque nous nous tenons nous-mêmes dans un indicible émerveillement en présence de Dieu », écrivait-il. « Nous devons entendre les paroles avec notre cœur, nous devons nous prélasser dans la gloire même de Dieu, nous devons être touchés par un sentiment de crainte accablante devant les richesses de Dieu dans sa gloire, nous devons repenser à l’incroyable merveille que ces richesses sont nôtres dans le Christ Jésus, et nous devons ensuite adorer le Dieu vivant en chantant des louanges à sa gloire. »

Lorsque la nouvelle de sa mort s’est répandue sur les médias sociaux, des pasteurs et des professeurs de séminaire de tout le milieu évangélique ont évoqué les livres de Fee qui les ont le plus marqués. Wesley Hill, professeur de Nouveau Testament au Western Theological Seminary, estime que God's Empowering Presence a été l’un des textes les plus marquants qu’il ait lus. Greg Salazar, pasteur de l’Église presbytérienne américaine, écrit qu’il utilise en ce moment le commentaire de Fee sur Philippiens pour une série de sermons. Peter Englert, pasteur dans une Église non confessionnelle de New York, fait l’éloge du commentaire de Fee sur 1 Corinthiens.

Denny Burk, professeur du Southern Baptist Theological Seminary, qui était en profond désaccord avec Fee sur la question de la place des femmes dans le ministère, a déclaré que Fee était « l’un des spécialistes du Nouveau Testament les plus influents qui aient jamais vécu ».

Le nom de Fee n’était pas connu de la plupart des membres des Églises évangéliques, mais cela ne fait que souligner l’importance de sa contribution.

« Aucun des membres de mon Église ne pourrait vous dire qui est Gordon Fee », écrit Griffin Gulledge, pasteur de la Madison Baptist Church à Madison, dans l’État de Géorgie. « Mais chacun d’entre eux a bénéficié de son travail. Je parie que c’est vrai dans des dizaines de milliers d’Églises. »

Manier les Écritures avec précaution

Fee était né dans la famille de Donald et Gracy Jacobson Fee à Ashland, Oregon, le 23 mai 1934.

Son père Donald était un charpentier habile et un prédicateur textuel dans les Assemblées de Dieu. Gordon grandit en observant la différence entre les sermons prudents de son père, qui décortiquait le sens de la Bible, et certaines approches moins cadrées adoptées par d’autres ministres des Assemblées de Dieu.

De nombreux pentecôtistes semblaient penser que la planification et l’étude inhiberaient le Saint-Esprit, déclarera-t-il par la suite. Ils saisissaient une phrase de l’Écriture et parlaient ensuite à bâtons rompus, confiants que Dieu pourrait guider leurs paroles s’ils étaient ouverts et spontanés. Certains ne choisissaient même pas le texte de leur sermon à l’avance, ouvrant la Bible et demandant à Dieu de les guider sur le moment.

Les résultats ne témoignaient pas toujours de la puissance du Saint-Esprit.

Le père de Fee, en revanche, croyait que Dieu honorait la préparation et que l’Écriture, tout comme une belle pièce de bois, devait être maniée avec habileté et soin.

« Mon père fut le premier érudit que j’ai rencontré », écrivit Fee, « même si, dans ces premières années, je ne le reconnaissais pas. Pourtant, sa passion pour la vérité et sa détermination à creuser profondément dans les Écritures […] ont déteint sur moi. »

Fee décida de suivre les traces de son père dans le ministère. Il se rendit au Seattle Pacific College (aujourd’hui University), où il rencontra et épousa Maudine Lofdhal, qui était également fille d’un pasteur des Assemblées de Dieu. Après avoir obtenu sa maîtrise, Fee accepta un poste de pasteur dans les banlieues en pleine expansion au sud de l’aéroport de Seattle-Tacoma et, pour joindre les deux bouts, il commença également à enseigner l’anglais au Northwest College (aujourd’hui University), l’école affiliée aux Assemblées de Dieu à Kirkland, dans l’État de Washington.

Fee découvrit qu’il aimait enseigner. Il aimait tellement ça, disait-il, qu’il en avait mal aux dents.

Il lutta pendant plusieurs années dans un conflit entre une vocation pour le ministère — il envisageait avec Maudine de devenir missionnaire au Japon — et une vocation pour le monde universitaire. Le tournant se produisit, comme Fee le racontera plus tard, lorsqu’un collègue lui dit : « Gordon, ce n’est pas parce que tu veux le faire que Dieu s’y oppose ».

Fee prit conscience que « cela pourrait bien sûr aussi être une sorte de vocation ». Il décida de s’inscrire à l’université de Californie du Sud pour obtenir un doctorat en études du Nouveau Testament, axé sur la critique textuelle. Il rédigea sa thèse sur le Papyrus 66, une copie presque complète de l’Évangile de Jean qui serait l’un des plus anciens manuscrits du Nouveau Testament.

Même s’il se lança dans une carrière universitaire, il ressentit une certaine tension entre ses identités d’universitaire et de pentecôtiste. Il obtint un poste d’enseignant au Wheaton College, et découvrit qu’il était le premier pentecôtiste que beaucoup de ses collègues avaient jamais rencontré — et certainement le premier qui avait un doctorat en études bibliques.

Influence sur la version anglaise NIV

Ses collègues pentecôtistes des Assemblées de Dieu, quant à eux, n’ont pas toujours célébré son succès dans le monde universitaire. Un jour, alors qu’il lui parlait de ses recherches universitaires, un homme plus âgé le mit en garde contre les dangers spirituels de l’érudition.

« Mieux vaut un fou de feu », dit l’homme, « qu’un érudit de glace »

En priant à ce sujet, cependant, Fee réalisa que l’alternative était trompeuse. Il pouvait être « un érudit de feu ».

Il enseigna à Wheaton pendant cinq ans, puis prit un poste au Gordon-Conwell Theological Seminary. Il y resta plus de dix ans avant de rejoindre le Regent College de Vancouver, en Colombie-Britannique, où il enseigna le Nouveau Testament jusqu’à sa retraite.

Fee a écrit des commentaires universitaires et populaires sur 1 et 2 Corinthiens, 1 et 2 Timothée, 1 et 2 Thessaloniciens, Philippiens et l’Apocalypse. Il a produit des études approfondies sur la christologie et la pneumatologie de l’apôtre Paul. Il a coordonné l’influente série New International Commentary et a également travaillé pendant plus de 30 ans avec le Committee on Bible translation, l’équipe de spécialistes responsable de la New International Version. Selon Douglas Moo, titulaire de la chaire d’études bibliques de Wheaton, les lecteurs de la NIV « rencontrent ses suggestions de traduction presque à chaque page ».

La contribution la plus importante de Fee, cependant, est peut-être à trouver dans son enseignement à l’école du dimanche. Il avait constaté que de nombreux chrétiens adultes, dont certains avaient passé toute leur vie à l’Église, ne savaient pas comment lire la Bible. Ils comprenaient les chapitres et les versets, et pouvaient même avoir mémorisé certains passages, mais souvent ils ne comprenaient pas les différences significatives entre les diverses parties de l’Écriture.

« Quelle est la différence entre une nouvelle et un poème ? » demandait-il. « On ne lit pas un poème comme on lit une nouvelle, ou une nouvelle comme on lit un poème […] Pourquoi quelqu’un voudrait-il mettre ces choses sur le même plan comme si ça ne faisait aucune différence ? […] Cela fait toute la différence du monde ! Dieu a choisi de faire les choses de cette façon. Ce n’est pas la découverte de Gordon. C’est Dieu qui a fait ça. »

Avec Douglas Stuart, professeur d’Ancien Testament, il avait publié en 1981 Un nouveau regard sur la Bible. Fee, exagérant un peu, affirmait que son éditeur chez Zondervan l’avait envoyé à tous les biblistes d’Amérique du Nord. « Je ne sais pas combien de centaines d’exemplaires il a envoyés, dit-il, mais en un an, les ventes ont explosé. » La version française vient d’être rééditée en 2021.

Les dons de l’Esprit

La position de Fee en tant qu’éminent spécialiste pentecôtiste de la Bible dans des institutions évangéliques de premier plan lui valut d’être parfois mêlé à des controverses théologiques. Dans les années 1970 et 1980, il fut entraîné dans le débat pentecôtiste sur la question de savoir si le parler en langues était la « preuve initiale » de l’habitation du Saint-Esprit. Certains l’accusèrent de « rejeter » de la doctrine fondatrice du pentecôtisme.

« Je ne rejette pas la preuve initiale », répondit-il. « Je rejette ce langage, car il n’est pas biblique, et donc sans pertinence. »

Fee a également encouragé les femmes dans le ministère sur la base de sa lecture du Nouveau Testament. Il a soutenu le Council for Biblical Equality et a contribué à la rédaction de l’ouvrage collectif Discovering Biblical Equality : Complementarity without Hierarchy, commentant 1 Corinthiens 11.2-6 et Galates 3.26-29.

Fee a également écrit sur le rôle du Saint-Esprit dans l’Église du Nouveau Testament : « Ce que montre le Nouveau Testament est que le Saint-Esprit est inclusif en matière de genre, équipant à la fois hommes et femmes, et donc libérant potentiellement le corps entier pour que toutes les parties puissent exercer leur ministère et donner de diverses manières la direction aux autres. Ainsi, ma position ne relève pas d’un agenda féministe — un plaidoyer pour les femmes dans le ministère. Il s’agit plutôt de l’agenda de l’Esprit ».

Cette position lui a valu plus de critiques que tout ce qu’il a écrit d’autre. Il estimait être sur la « liste noire » de certains cercles évangéliques.

« J’ai enduré beaucoup de balivernes », déclarait-il au magazine Charisma. « Je n’arrive pas à croire que certaines personnes pensent que le sexe passe avant le don. »

Cependant, Fee a surtout essayé d’éviter les controverses, se concentrant sur ses cours et enseignant aux gens à lire la Bible d’une manière transformatrice.

« Les cours rigoureux de Gordon étaient encore plus particulièrement connus pour leurs opportunités de rencontre avec son Seigneur », rapporte Rikk Watts, professeur de Nouveau Testament au Regent College. « Il a montré à des milliers d’étudiants dans le monde entier que l’on pouvait être un “érudit de feu” »

Fee est décédé chez lui à New York. Son épouse l’avait précédé dans la mort en 2014. Il laisse derrière lui ses enfants, Mark, Cherith Nordling, Brian et Craig. Des commémorations sont prévues à New York et à Vancouver.

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Excerpt

Pour revêtir l’armure de Dieu, il faut se défaire de l’armure du Moi

Thérèse de Lisieux nous enseigne à retrouver une foi d’enfant et à cesser de barricader nos vulnérabilités.

Christianity Today October 24, 2022
Illustration par Mallory Rentsch/ Images sources : WikiMedia Commons/ Jonny Gios/ Unsplash

Je possède une bible depuis ma jeunesse, celle que je me suis achetée quand j’étais au collège. Tout au long de cette période formatrice de l’adolescence, j’y ai souligné des versets. En feuilletant ses pages aujourd’hui, je vois un fil conducteur dans les passages que j’ai relevés. Ils appellent principalement à l’action. Ce sont des instructions qui m’ont tracé une voie pour avoir le sentiment d’en faire assez pour Dieu.

L’une de mes plus grandes angoisses récurrentes est la possibilité de ne pas prendre mon péché suffisamment au sérieux. Cela peut paraître hyperspirituel, mais relève plus de la peur que de la piété. Je passe en revue non seulement mes actions, mais chaque intention intime, et j’arrive à la même conclusion que Jérémie : le cœur est un désordre inextricable (Jr 17.9). Je scrute mon esprit pour dénicher toute trace de mal à confesser et à éradiquer, et ne fais que découvrir de nouvelles couches d’impureté plus profondes. Retirer le couvercle de mon âme me donne l’impression de regarder dans un chaudron d’horreurs sans fond.

Il ne me vient jamais à l’esprit au milieu de tout ce récurage de mon âme que Dieu pourrait aussi désirer me libérer de la détestation de soi et de la dureté cruelle qui prétendent me rendre plus semblable à lui. Cette forme d’autoflagellation que j’assimile à la sainteté déforme en fait ma perception de Dieu.

Continuer à vouloir assumer la « pleine responsabilité » de mon péché ne fait que me pousser au désespoir, car je trouve que le problème est si profond et si omniprésent en moi que je ne peux même commencer à le résoudre (« Bien que je veuille faire le bien, le mal est attaché à moi » — Rm 7.21). Je suis incapable de discerner mes véritables motivations avec certitude. Plus je dissèque mes confessions, moins elles me paraissent appropriées, m’entraînant plus loin dans la spirale de l’introspection.

Mes tentatives pour assumer pleinement mon péché finissent par saper ma capacité à accepter ce que Christ a fait pour moi. Il est allé à la croix précisément parce que nous sommes tous incapables d’assumer l’entière responsabilité de notre propre péché.

Martin Luther montrait déjà qu’une telle pensée est fallacieuse : « Cette attitude découle d’une fausse conception du péché, l’idée que le péché est une petite affaire, facile à régler par de bonnes œuvres ; que nous devons nous présenter à Dieu avec une bonne conscience ; que nous ne devons ressentir aucun péché avant de ressentir que Christ a été donné pour porter nos péchés ».

L’alternative à la responsabilité n’est pas l’irresponsabilité, c’est de confier la responsabilité à Dieu, de la même manière qu’un enfant a confiance en ses parents pour rendre soin de lui.

Dans son livre explorant les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et la foi, Ian Osborn raconte le cas de Thérèse de Lisieux. Thérèse est née à la fin du 19e siècle. Elle était aussi profondément religieuse qu’on peut l’être. Elle fit ses études dans une école bénédictine, puis devint religieuse carmélite. Les carmélites maintiennent une discipline de vie très stricte, priant de longues heures chaque jour, endurant des observances ascétiques et respectant le silence total pendant de longues périodes. Si quelqu’un a travaillé assidûment pour forger sa propre armure, c’est bien Thérèse.

Malgré son dévouement, des doutes et des peurs incontrôlables la hantaient. Elle essayait d’accomplir de sévères actes d’autopunition pour s’opposer à ce qui se passait dans son esprit, mais cet effort n’apaisait pas sa conscience.

Incapable de trouver une méthode pour soulager sa tension mentale, Thérèse conclut qu’il lui fallait une approche de Dieu fondamentalement différente. Après beaucoup de prière et de réflexion sur les Écritures, elle développa ce qu’elle appela « la Petite Voie ».

Il s’agissait d’une rupture radicale avec le moralisme rigide de son temps. Elle porta son attention sur tous les versets où Dieu se soucie des petits et des humbles, comme Matthieu 18.3 : « Je vous dis la vérité, à moins que vous ne changiez et ne deveniez comme de petits enfants, vous n’entrerez jamais dans le royaume des cieux. »

Thérèse conclut que Dieu lui demandait d’abord de se souvenir de sa propre petitesse. Plutôt que de cultiver l’autosuffisance, elle chercha à épouser l’attitude du jeune enfant dépendant de ses parents pour tout.

Thérèse de LisieuxIllustration par Mallory Rentsch / Images sources : WikiMedia Commons
Thérèse de Lisieux

Au premier abord, la Petite Voie peut paraître aller à l’encontre de tout ce que l’on enseigne aux jeunes chrétiens sur la bonne santé du disciple. Les Écritures nous exhortent à « grandir à tous égards » et à ne pas être « de petits enfants ballottés par les flots » (Ép 4.14-15). Où la maturité entre-t-elle en jeu si nous restons petits ?

L’idée de Thérèse n’était pas de nous inciter à faire du sur-place dans une sorte de retard de développement, mais à rester dans un état de dépendance totale. Plutôt que de travailler dur pour pouvoir nous passer de la grâce surabondante, accueillons notre perpétuelle dépendance à son égard.

Que signifie rester petit ? L’autrice Pia Mellody identifie cinq caractéristiques essentielles pour décrire l’état naturel de l’enfant :

Précieux : Chaque enfant a une valeur intrinsèque.

Vulnérable : Les enfants ont besoin d’accompagnement et de protection.

Imparfait : Apprendre et échouer font partie du développement de l’enfant.

Dépendant : Les enfants ne devraient pas avoir à se débattre seuls.

Immature : Les attentes à leur égard doivent être en rapport avec leur âge.

Chacune de ces caractéristiques traduit également bien la manière d’être et de vivre en enfants de Dieu. Croyons-nous que nous ayons beaucoup de valeur à ses yeux ? Pouvons-nous reconnaître et accepter notre vulnérabilité ? Pourrions-nous admettre notre imperfection ? Que diriez-vous de choisir de compter sur Dieu au lieu de tenter fiévreusement d’être à la hauteur ? Et sommes-nous capables de montrer de la mansuétude envers nous-mêmes, sachant que notre foi continue de grandir et que nous ne voyons pas encore ce que nous deviendrons ?

C’est C. S. Lewis qui a dit : « Quand je suis devenu un homme, j’ai mis de côté les traits de l’enfance, y compris la crainte d’être puéril et le désir d’être très adulte ».

La maturité spirituelle ne signifie jamais l’indépendance. Et Dieu ne nous appelle pas à compter sur nos propres moyens de défense. Au lieu de cela, il nous offre quelque chose de complètement différent. Ésaïe dit ceci :

L’Éternel voit avec indignation qu’il n’y a plus de droiture. Il constate qu’il n’y a personne, il est consterné en voyant qu’il n’y a personne pour intercéder, alors son bras lui assure le salut et sa justice lui sert de soutien. Il enfile la justice comme une cuirasse et met sur sa tête le casque du salut ; il prend la vengeance pour vêtement et s’enveloppe du zèle comme d’un manteau. (Ésaïe 59.15-17)

Ici, l’armure de Dieu n’est portée que par Dieu lui-même. Il s’en revêt pour apporter un salut que nul autre ne pourrait accomplir. Il vient à notre secours de manière puissante, sûre et rapide . Cette armure représente l’action de Dieu en notre faveur.

Cette façon de voir les choses change tout. Cela signifie que lorsque nous nous revêtons de l’armure de Dieu (ou flottons dedans), nous ne saisissons pas simplement une ressource qu’il a mise à notre disposition pour développer notre propre justice. Nous laissons Dieu nous équiper de ce qu’il a fait pour nous. Nous choisissons de rester petits et de compter uniquement sur ses efforts pour nous défendre.

J’ai plusieurs pièces d’équipement que j’endosse régulièrement quand je suis en mode autoconservation. J’appelle ce mode l’armure du Moi, qui comprend la ceinture du déni, la cuirasse de l’humour, les pieds prêts à l’évasion, le bouclier du perfectionnisme, le casque de l’évitement et l’épée du blâme. Mon armure compte de nombreux éléments supplémentaires que Dieu n’offre pas, tels que les épaulettes de l’illusion, le masque de l’affabilité et les protège-tibias de la distraction.

Les psychologues qualifieraient ces éléments de mécanismes de protection de nos sentiments, des moyens de se prémunir contre la douleur des émotions pénibles. Et en période de traumatisme, ces choses se révèlent incroyablement précieuses. Ces défenses sont une mesure de sécurité et de soulagement que Dieu a prévue lorsque le monde devient insupportable.

Nous les acquérons dès notre enfance et ils s’immiscent si profondément dans nos réponses qu’ils sont presque instinctifs. Une menace apparaît et aussitôt, comme un réflexe, nos défenses réagissent pour y faire face.

Mais au fil du temps, ces défenses se prolongent au-delà de leur nécessité. Elles nous accompagnent en permanence. Elles façonnent progressivement nos choix en toute situation. C’est alors qu’elles forment une armure, une seconde peau que nous ne perdons jamais. L’humour qui servait à bon escient à briser la tension lors d’une querelle s’interpose désormais lorsque quiconque essaie de se rapprocher. L’ « endroit heureux » de votre esprit qui vous a permis de traverser une crise envahit bientôt toutes vos pensées, rendant la vie réelle encore plus triste. Le perfectionnisme qui vous gratifiait d’un travail bien fait se transforme en un garde-chiourme collant.

Si je veux porter l’armure de Dieu, je dois d’abord retirer l’armure du Moi. Je ne peux pas tenir en même temps le bouclier du perfectionnisme et le bouclier de la foi. La ceinture de la vérité ne m’ira pas si je suis enveloppée dans le déni.

J’ai essayé de porter les deux pour compléter l’armure de Dieu d’une protection secondaire. Je pensais que cela aiderait, c’est le contraire. Cela signifie qu’il faut désapprendre des schémas qui se sont mués en une seconde nature.

Pour en revenir à la « Petite Voie » de Thérèse, rester petit signifie qu’il faut un pas de confiance pour ne pas enclencher le système de défense que nous nous sommes construit pour nous sentir en sécurité et éviter les sentiments qui pourraient nous écraser. Nous confions la responsabilité de notre bien-être à Dieu, notre Père bon et aimant.

Une fois que j’ai pris conscience de tous ces mécanismes que j’utilisais, j’ai commencé à les pourchasser avec virulence. Se défaire de l’armure du Moi est devenu ma mission essentielle. Elle m’a rapidement amené à me dégoûter de moi-même, car j’ai découvert à quel point j’avais serré mon armure tout autour de moi et combien il était difficile d’en sortir. Je suis devenue très frustrée et honteuse de mon manque de progrès. L’anxiété s’intensifiait à l’idée de changer. Je ressentais cette énorme responsabilité de m’amender, et j’en étais incapable.

Mais peut-être qu’au lieu de mettre la clé sous la porte, je pouvais inviter Dieu à m’aider à poser des questions. Qu’est-ce qui génère mes peurs ? Qu’est-ce qui plonge mon être même dans tant de panique ? Si je peux identifier et traiter ces déclencheurs, mes mécanismes d’autoprotection pourraient commencer à disparaître d’eux-mêmes. Mon esprit et mon corps n’auraient plus besoin d’être constamment en état d’alerte, car la menace perçue ne le serait alors plus si menaçante.

Tout cela demande du temps. Un de mes amis qui lutte contre l’alcoolisme a décrit un jour le voyage vers la guérison comme « 10 kilomètres pour entrer, 10 kilomètres pour sortir ». Nous ne pouvons pas nous précipiter dans ce qui est le processus de toute une vie.

Et notre besoin d’aide pour changer devient une occasion de plus de rester petit. Nous pouvons confier à Dieu le travail de transformation, laissant Jésus remplacer nos protections intérieures par ses vêtements de louange.

J. D. Peabody est écrivain et pasteur principal de la New Day Church de Federal Way, dans l’État américain de Washington. Cet article est traduit et adapté de Perfectly Suited : The Armor of God for the Anxious Mind (« Parfaitement adaptée : l’armure de Dieu pour esprit anxieux ») de J. D. Peabody. © Aspire Press, division de Tyndale Publishing House (2022).

Traduit par Philippe Kaminski.

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Comment, vous ne déconstruisez pas ?

La déconstruction sous toutes ses formes est à la mode. Et si la théologie nous y invitait déjà ?

Christianity Today October 24, 2022
Illustration by Sarah Gordon

Thomas d’Aquin est le théologien par excellence. Ses écrits comptent plus de dix millions de mots, rédigés à un rythme fébrile, debout à un bureau. Il a non seulement synthétisé l’enseignement chrétien sur la doctrine, mais aussi des questions plus larges concernant la manière dont les chrétiens devraient concevoir Dieu. Thomas d’Aquin a également été le premier théologien que j’ai étudié.

Jusqu’à ce que je commence des études supérieures en théologie, ma foi faisait simplement partie des meubles de mon univers. Elle était familière et assez ordinaire. Sa capacité à me soutenir lorsque je m’y appuyais était restée incontestée. Ce n’est pas que j’avais peur de poser des questions difficiles. Dieu était simplement celui à qui je confiais mes préoccupations, ma solitude, mes besoins existentiels. Le traiter comme un objet d’étude, entièrement à part de ce type de piété, ne m’est pas venu naturellement.

Je ne m’étais donc pas du tout préparée à étudier la théologie au moment où je m’y suis lancé officiellement. À vrai dire, à notre première rencontre la théologie systématique m’a semblé trop abstraite et détachée. L’amour sincère pour Dieu qui motivait mon étude devait être mis entre parenthèses pour un temps — mais cet amour sincère était presque tout ce que j’avais !

La théologie systématique est un monde de précision et de définitions. Mais on pourrait avoir l’impression, dans un premier temps, que ce discours trahit une grande partie de ce qui motive la pratique de la foi.

Mon désir d’étudier était motivé par une sorte d’engagement sérieux qui, d’après mon expérience, était rare dans les écoles supérieures, qui me semblaient souvent le lieu de féroces guerres de territoire. Bien sûr, je croyais en Dieu et en Jésus-Christ, son Fils unique. Ce n’étaient pas les articles de la foi que j’avais besoin de remettre en question à ce moment-là ; c’était ce que ce signifiait dire « Je crois »

J’ai vécu une sorte de conversion, à la fois à la théologie et à sa méthode, lorsque j’ai lu la Somme théologique de Thomas d’Aquin. Je n’avais jamais eu à lire quelque chose aussi lentement.

La Somme théologique fait appel au raisonnement dialectique, qui utilise les règles de la logique pour comparer des positions concurrentes et déterminer laquelle est vraie. Cette forme de théologie scolastique peut se lire comme un jeu. La structure de chaque argument propose une affirmation qui semble à première vue crédible. Thomas d’Aquin fait ensuite marche arrière et propose un « au contraire ».

J’avalais souvent la déclaration initiale, supposant qu’elle exprimait la vérité puisque Thomas d’Aquin avait tendance à l’accompagner d’un verset biblique, et ses revirements venaient ensuite m’appeler à l’humilité. J’avais l’habitude de me satisfaire de réponses plus faciles.

La vérité sur Dieu n’est cependant pas toujours facile. La foi qui commence par un engagement sérieux doit parfois passer par une période de lente remise en question, de confusion, de carrefours et d’ascension laborieuse.

Pour Thomas d’Aquin, l’affirmation selon laquelle Dieu, contrairement à nous, existe sans aucune contingence a de vastes implications, en particulier pour la manière dont nous apprenons à connaître Dieu. Puisque Dieu est infini, ce que l’on peut apprendre de lui est également infini. Mais il y a aussi beaucoup de choses que nous ne pourrons jamais connaître. Des créatures finies ne peuvent pas avoir une connaissance infinie — c’est une affirmation logique. Cela ne veut pas dire que notre connaissance de Dieu est déficiente ; elle est simplement incomplète.

Prenons l’exemple d’un lézard. Une scientifique pourrait, si elle disposait de suffisamment de temps et de ressources, étudier ce lézard afin d’apprendre tout sur sa biologie, son fonctionnement, son histoire et son habitat. Pour finir, cette scientifique pourrait raisonnablement dire qu’elle sait tout ce qu’il y a à savoir sur les lézards.

Certes, il y a des choses qu’elle ne saura peut-être jamais. Il est difficile, par exemple, de juger de la cognition des lézards. Mais nous pouvons connaître un lézard, ou toute autre créature, autant qu’il peut être connu. Dieu, cependant, ne peut pas être connu de la même manière qu’un lézard. Et ceci en raison du type d’être que Dieu est.

Jésus a clairement dit : « Voici ce qu’est la vie éternelle : qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et Jésus-Christ » (Jn 17.3). Je n’ai donc pas été emballée lorsque j’ai appris que ma connaissance de Dieu serait toujours incomplète.

Pendant un moment, je me suis sentie désarçonnée. Comme de nombreux étudiants en théologie, pendant des jours difficiles d’incertitude et de solitude, j’avais prié pendant des années un Dieu que j’imaginais comme tout à fait semblable à moi, mais plus grand. J’aimais ce Dieu et je savais qu’il m’aime.

Au lieu de me sentir simplement plus proche de ce Dieu que j’aimais, j’ai appris qu’il y avait une limite claire à ce que je pouvais savoir. J’avais besoin d’apprendre à aimer Dieu dans l’obscurité.

Ce qui s’est passé au cours de ces premières années d’étude académique de la théologie était une sorte de déconstruction. Plus exactement, c’était une correction. Le fait d’être détrompée de mon sentiment d’avoir compris Dieu, au départ inquiétant, est devenu avec le temps une sorte de baume.

Parce que je comprends mieux maintenant ce que c’est que de comprendre. Il y a une différence entre ce que nous ne savons pas en raison de nos limites terrestres ou de notre manque d’intelligence ou d’expérience et ce que nous ne pouvons pas savoir en raison des contraintes de la connaissance humaine. Nombre de nos problèmes théologiques proviennent de notre incapacité à faire la différence entre les deux

Bien sûr, beaucoup de choses nous offrent de l’assurance tout en restant au-delà de notre compréhension. (C’est précisément parce que Dieu est « au-delà » du monde naturel et de ses limites qu’il est capable de parvenir à des fins surnaturelles.) Hébreux 11.1 l’expose lorsqu’il définit la foi comme étant « la confiance en ce que nous espérons et l’assurance de ce que nous ne voyons pas ».

Une foi assurée ne nous permet cependant pas de tenir l’incommensurable dans le creux de notre main. C’est dans l’espace entre ce que Dieu est et ce que nous pouvons savoir de lui que réside la foi.

J’ai souvent souhaité pouvoir communiquer cette distinction aux apologètes turbulents qui cherchent avant tout à « prouver » la foi chrétienne afin d’amener les autres à croire. Ces approches parlent souvent de Dieu comme s’il s’agissait d’un lézard, comme si nous pouvions tracer les contours de l’existence de Dieu et prédire son comportement.

Mais traiter Dieu comme un simple objet d’étude, c’est commettre une erreur fatale. Nous devons tempérer nos attentes quant à ce que nous pouvons savoir de Dieu.

L’apôtre Paul nous le dit en 1 Corinthiens 13.12 : « Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j’ai été connu ». La compréhension complète doit donc attendre. Mais nous devons tout de même affronter nos images inexactes de Dieu. La façon dont j’ai traité la mienne pourrait être appelée déconstruction.

Ces derniers temps, certains s’inquiètent beaucoup de ceux qui « déconstruisent » leur foi. Le langage de la déconstruction emprunte aux théoriciens de la littérature, en particulier Michel Foucault et Jacques Derrida, dont les idées, bien que parfois éclairantes, sont assez fréquemment en tension avec la foi chrétienne.

Le langage de la « déconstruction de la foi » véhicule l’idée que la vraie connaissance va au-delà des simples affirmations, se demandant quels engagements sociaux, quelles hypothèses politiques et quelles pratiques en matière de genre pourraient être à l’arrière-plan de ce qui se présente comme des affirmations évidentes.

À en juger par mon fil Instagram, il est assez populaire de se présenter comme « en déconstruction » de sa foi. Certains semblent pratiquer cette déconstruction comme s’ils allaient chez le coiffeur ou attendaient qu’une machine de linge sèche.

La déconstruction est parfois assimilée à un « abandon », soit à la recherche d’une autre foi que le christianisme, soit simplement pour essayer de vivre comme si Dieu n’existait pas. Vue de cette manière, la déconstruction peut être considérée comme une menace très réelle pour la foi chrétienne.

Il est tentant de considérer cette déconstruction comme une entreprise arrogante, mais les raisons pour lesquelles des individus peuvent vouloir revoir leurs pratiques et leurs croyances chrétiennes sont nombreuses et variées. La plupart d’entre elles sont liées à des doutes sur la fiabilité de croyances antérieures — et ce n’est pas toujours une mauvaise chose, pas plus que cela ne conduit systématiquement à abandonner une juste foi pour un moins bon système de croyances.

Certains ont vu leur confiance ébranlée après avoir été victimes d’un leadership abusif ou de problèmes d’intégrité mal gérés. Lorsqu’une organisation ne parvient pas à guider et à protéger avec sagesse les personnes dont elle a la charge, le doute sur la fiabilité de l’Église peut se transformer en doute sur l’enseignement de l’Église.

Certains chrétiens traversent une période de déconstruction lorsqu’ils confrontent l’enseignement de l’Église à l’expérience vécue de leurs amis et de leurs proches et constatent le décalage entre les deux. Ils ne correspondent ni politiquement ni socialement. Une forme de déconstruction peut aussi se produire si les spécificités de notre foi découlent moins de ce que Dieu demande de nous que d’une tentative de maintenir une image — par exemple, la préservation d’une identité agricole à l’ancienne.

Dans d’autres cas où l’on parle de déconstruction, une personne peut simplement en venir à douter de la fiabilité de l’image mentale qu’elle se faisait de Dieu. On pourrait, par exemple, reconsidérer l’hypothèse selon laquelle Dieu est un genre de bon père Noël sympathique qui exauce nos demandes en nous offrant les bons résultats escomptés.

Certains aspects de cette image sont véridiques : Dieu est un Père qui offre de bonnes choses à ses enfants (Mt 7.11), à qui nous devons présenter nos demandes (Ph 4.6). Cependant, d’autres aspects — l’idée que recevoir des choses (ou se les voir refuser) est l’élément principal de notre relation avec Dieu, l’hypothèse que Dieu répond à la manière dont un humain le ferait — mériteraient d’être reconsidérés.

Une telle remise en question est souvent douloureuse. J’ai souvent pris du temps avec des étudiants qui avaient besoin de traiter la disparition de l’image du Dieu qu’ils priaient depuis des années.

L’une d’elles, par exemple, avait toujours imaginé Dieu à l’image de son grand-père. Bien qu’il s’agisse d’un homme charmant, plutôt jovial, cette étudiante s’était rendu compte qu’elle avait également projeté sur Dieu les faiblesses de son grand-père — son caractère emporté et son esprit mordant. Elle avait besoin de s’attaquer à son image mentale, pour voir ce qui restait de vrai. Une image trompeuse peut être remplacée par une image véridique, mais l’objectif ici est d’aller au-delà de nos images. Une image humaine de Dieu ne sera jamais plus qu’une idole.

Bien que le langage de la déconstruction soit régulièrement utilisé de manière un peu flottante et englobe toutes les diverses expériences mentionnées ci-dessus (ou serve simplement de marqueur identitaire), il a un lien avec le travail de la théologie.

Les premiers théologiens chrétiens disaient que notre connaissance de Dieu n’est que partielle. Le philosophe antique que l’on connaît comme le Pseudo-Denys l’Aréopagite exhorte ainsi ceux qui cherchent à connaître Dieu :

Laissez derrière tout ce qui est perçu et compris, tout ce qui n’est pas et tout ce qui est, et, une fois votre compréhension mise de côté, tendez vers le haut autant que vous le pouvez vers l’union avec celui qui est au-delà de tout être et de toute connaissance.

Les individus qui agissent ainsi, écrit Denys, acquièrent une modestie qui les oppose aux « non informés », ceux « qui pensent que par leurs propres ressources intellectuelles ils peuvent avoir une connaissance directe de celui qui a fait de l’ombre sa cachette ».

Reconnaître que notre connaissance n’est qu’humaine et que Dieu se trouve au-delà, c’est peut-être entrevoir Dieu pour la toute première fois.

Après tout, c’est l’amour de Dieu qui est le but de toute étude chrétienne de la théologie. Ceci pourrait signifier que certains n’atteignent pas la certitude, mais la dépassent. En apprenant à connaître Dieu, nous reconnaissons souvent que Dieu est, comme l’a également écrit Thomas d’Aquin, incompréhensible parce qu’il est beaucoup, beaucoup plus grand que nous ne pourrions jamais le saisir pleinement. Mais la reconnaissance de ce fait conduit l’esprit à une sorte d’obscurité, ce que le Pseudo-Denys décrit comme une « obscurité de l’inconnaissance » qu’il considère comme grande que la lumière.

Passer de la connaissance de Dieu d’une certitude simpliste dans la lumière à la connaissance de Dieu dans l’obscurité au-delà de mon entendement a nécessité un changement majeur dans ma foi, même dans ma vie de prière. Au lieu de me reposer sur la connaissance, j’ai dû faire confiance au fait que Dieu est bon, même lorsque je ne parvenais pas à donner un sens à cette affirmation. Je devais aimer Dieu au-delà de ce que je pouvais savoir de lui. J’ai pu passer de la simple foi à la confiance en Dieu dans l’obscurité, puis à l’amour du Dieu qui demeure dans une lumière inaccessible.

La déconstruction devrait avoir pour tâche d’articuler cette différence entre ce que nous pouvons savoir et là où nous devons simplement faire confiance. Il y a une distinction à faire entre ce que nous ne savons pas par manque d’étude ou de formation et ce que nous ne pouvons pas savoir en raison de la différence de catégorie entre ce que Dieu est et ce que nous sommes.

Ce processus devrait démanteler les certitudes là où elles ne sont pas appropriées. Mais cela ne signifie pas que la foi sera démantelée ; la croyance chrétienne ne repose pas sur les capacités intellectuelles du chrétien, mais sur la fermeté de Dieu.

La déconstruction peut échouer. L’une des raisons de son échec peut être l’absence de guides bien formés. Beaucoup imaginent qu’ils découvrent de nouveaux problèmes de la foi chrétienne. (Si je recevais un dollar pour chaque jeune « déconstructeur » qui découvre pour la première fois le problème du mal, je pourrais remplir une bibliothèque sur le sujet.)

Sans un guide qui connaît le terrain de la tradition chrétienne, ses tensions, ses questions éternelles et les endroits où les bonnes réponses sont difficiles à trouver, un questionneur naïf peut avoir l’impression d’avoir épuisé la foi chrétienne, que sa tradition ne peut pas répondre à ses questions, qu’il l’a dépassée.

Un bon guide saura aussi quand dire « Nous ne pouvons pas tout savoir » — c’est-à-dire quand rappeler à ses étudiants que Dieu n’est pas comme un lézard. Ce faisant, on évitera une autre erreur potentielle de la déconstruction : exiger la certitude au détriment de la confiance. Même nos meilleurs cours de théologie resteront humains, et donc limités, incomplets et sujets à l’erreur. Au terme de notre apprentissage de Dieu, il arrive un moment où il faut faire confiance.

Le but de la formation théologique est de pouvoir faire confiance dans l’obscurité en ce que l’on a appris dans la lumière, d’apprendre à connaître en partie le Dieu qui ne sera pleinement connu que dans la vie à venir.

De nombreux chrétiens ont appris à faire passer la connaissance avant l’amour, avec l’idée que nous devons comprendre Dieu avant de pouvoir l’aimer. Mais placer l’amour avant la certitude nous aide à savoir que c’est bien Dieu que nous aimons, et pas nos propres efforts intellectuels.

S’il y a un exemple biblique de tels efforts, j’aime à penser que c’est Jacob luttant au Jabbok. Cette histoire est déconcertante. D’abord, on ne sait pas exactement avec qui Jacob luttait. On nous dit que c’était « un homme » (Gn 32.24), mais avant la fin de la nuit Jacob comprend que son adversaire était Dieu. On ne nous dit pas non plus pourquoi ils luttaient.

Mais Jacob a été béni pour sa lutte et a reçu un nouveau nom en signe de cette bénédiction. Dieu a changé son nom en Israël, « parce que tu as lutté avec Dieu et avec les hommes et que tu as vaincu » (v. 28). Notons, cependant, que si la lutte de Jacob cette nuit-là a été récompensée, il ne faut pas nécessairement lutter avec Dieu et déconstruire ses croyances pour parvenir à une véritable relation avec lui.

La révélation de la vérité sur Dieu n’est pas basée sur les mérites. Elle est même répandue généreusement sur ceux qui ne le cherchent pas ou qui ne le désirent pas particulièrement. Par exemple, la Samaritaine au puits en Jean 4 tombe par hasard sur le Christ, le Fils du Dieu vivant. Il nous est dit que Dieu se révèle aux enfants, mais pas aux savants (Mt 11.25).

Ceux qui étaient les plus proches de Jésus n’ont parfois pas vu son identité divine.

Nous, théologiens — peut-être par tempérament, peut-être pour la sécurité de l’emploi — avons tendance à surévaluer notre profession. De nombreux chrétiens n’ont guère besoin de nous, capables qu’ils sont de croire en Dieu et de se fier à sa bonté sans notre aide.

Il y a cependant des moments où, comme les pompiers ou les plongeurs secouristes, nous avons des compétences qui sont précieuses. Dans ce cas-ci, les théologiens peuvent être particulièrement utiles pour démêler les aggrégats de la culture, de l’histoire et de la personnalité dans nos croyances en Dieu.

La déconstruction, par laquelle j’entends la lutte pour corriger ou approfondir une croyance naïve, est une part importante de l’apprentissage de la théologie. Les chrétiens doivent s’atteler à la tâche de dépasser leurs représentations simplistes pour croire en un Dieu qui est plus vaste que ce qu’ils peuvent comprendre.

Une grande partie du mouvement évangélique a capitalisé sur une simplicité théologique qui n’a pas toujours bien servi les chrétiens. L’évangélisme pourrait utiliser le travail des théologiens pour lever certains des obstacles et écarter des présupposés culturels qui masquent la sainteté de Dieu.

Si nous voyions Élie, Moïse et le Christ comme Pierre, Jacques et Jean les ont vus lors de la Transfiguration en Marc 9 — comme ils sont maintenant et non comme ils apparaissaient à leurs contemporains — nous voyagerions par la vue jusqu’à ce nuage d’inconnaissance. Nos stylos s’arrêteraient, nos questions se tairaient, nos visages resteraient bouche bée. Nous verrions ce qui a toujours été, mais qui a toujours été caché : Dieu la Parole.

La déconstruction peut être ce bredouillement, cet émerveillement la bouche ouverte, lorsque vous réalisez que Dieu est bien plus grand que vous ne le pensiez. Cela peut être aussi simple qu’une autre scène de Marc 9, où un homme s’écrie : « Je crois, viens au secours de mon incrédulité ! » (v. 24).

Thomas d’Aquin dit avoir eu une vision de ce genre vers la fin de sa vie. « Tout mon travail est comme de la paille », en a-t-il conclu. Il a posé sa plume. Il avait atteint ce lieu où le silence l’emporte sur la parole, où des millions de mots sont réduits au silence en présence de celui qui est la Parole de Dieu.

Après une telle rencontre, Thomas d’Aquin a cessé d’écrire. Après sa rencontre, Jacob boitait. D’une certaine manière, j’ai mon propre boitement depuis que j’ai appris que Dieu est différent. J’ai appris à faire confiance là où je ne peux pas voir, à espérer au-delà de ce que je peux savoir avec certitude. J’ai appris à aimer Dieu dans l’obscurité.

Kirsten Sanders est la fondatrice du Kinisi Theology Collective, un projet de théologie publique qui vise à mettre en contact des théologiens qualifiés avec des personnes désireuses d’approfondir leur connaissance et leur amour de Dieu. Elle est diplômée de la Duke Divinity School et de l’université Emory.

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History

Ce que d’anciennes églises italiennes montrent des femmes dans le ministère

Des œuvres d’art remettent en question l’idée que le leadership chrétien a toujours été réservé aux hommes.

L’impératrice byzantine Théodora porte un calice d’or. En face d’elle, du côté opposé de l’autel de la Basilique de San Vitale, son mari, l’empereur Justinien, porte une miche de pain. Le pain et le vin sont les deux éléments de l’Eucharistie.

L’impératrice byzantine Théodora porte un calice d’or. En face d’elle, du côté opposé de l’autel de la Basilique de San Vitale, son mari, l’empereur Justinien, porte une miche de pain. Le pain et le vin sont les deux éléments de l’Eucharistie.

Christianity Today October 20, 2022
Photographie de Radha Vyas

La Bible montre la place importante des femmes dans l’Église primitive. Les femmes ont été les premières à se rendre au tombeau vide et à proclamer la résurrection (Mt 28.1-10 ; Mc 16.1-8 ; Lc 23.55-24.10 ; Jn 20.1-2, 11-18). Certaines défendaient l’Évangile aux côtés de Paul (Ph 4.2-3), enseignaient aux nouveaux convertis (Ac 18.24-28), prophétisaient (Ac 21.9), rassemblaient des Églises dans leur maison (Ac 16.14-15, 40 ; 1 Co 16.19), servaient l’Église (Rm 16.1), transmettaient les épîtres de Paul (v. 2) et étaient considérées comme « remarquables parmi les apôtres » (v. 7).

On trouve également un témoignage visuel moins connu de la présence des femmes dans le ministère dans d’anciennes églises d’Italie. De l’époque du premier concile de Nicée jusqu’au 12e siècle, les chrétiens ont créé des représentations de femmes prêchant, de femmes désignées comme membres du clergé, et même une portant un calice de communion, au moyen duquel les croyants ont toujours rappelé les paroles du Christ : « Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui est répandu pour beaucoup pour le pardon des péchés » (Mt 26.28).

Radha Vyas, photographe et étudiante au Dallas Theological Seminary, nous emmène à la découverte de ce témoignage artistique sur les femmes dans le ministère.

Marie lève les bras dans la pose des orants au musée du Vatican. Le manipule blanc à sa taille indique un rang clérical. Entourée de saints, elle semble exhorter les deux femmes situées en dessous d’elle. Ces deux dernières étaient probablement des bienfaitrices de l’Église.Photographie de Radha Vyas
Marie lève les bras dans la pose des orants au musée du Vatican. Le manipule blanc à sa taille indique un rang clérical. Entourée de saints, elle semble exhorter les deux femmes situées en dessous d’elle. Ces deux dernières étaient probablement des bienfaitrices de l’Église.
Dans la basilique Sant'Apollinare Nuovo, 22 femmes martyres, placées juste sous les apôtres, sont conduites par les Mages vers Marie et le Christ nouveau-né. Chacune est identifiée par son nom et honorée pour avoir donné sa vie à Jésus.Photographie de Radha Vyas
Dans la basilique Sant’Apollinare Nuovo, 22 femmes martyres, placées juste sous les apôtres, sont conduites par les Mages vers Marie et le Christ nouveau-né. Chacune est identifiée par son nom et honorée pour avoir donné sa vie à Jésus.
Une mosaïque de la chapelle de l’évêque Zeno à Vérone représente l’Agneau de Dieu et, en dessous, quatre femmes. Il s’agit, de droite à gauche, de Sainte Praxède, du deuxième siècle, de Marie, de la sœur de Praxède, Pudentienne, et d’une personne encore vivante à l’époque entourée d’une auréole carrée. Elle s’appelle Théodora et pourrait être la mère du pape Pascal Ier. Au-dessus de sa tête se trouve le mot grec episkopa, la forme féminine d’évêque. Certains ont affirmé que ce titre n’était qu’honorifique. La terminaison féminine de son nom a également été dissimulée.Photographie de Radha Vyas
Une mosaïque de la chapelle de l’évêque Zeno à Vérone représente l’Agneau de Dieu et, en dessous, quatre femmes. Il s’agit, de droite à gauche, de Sainte Praxède, du deuxième siècle, de Marie, de la sœur de Praxède, Pudentienne, et d’une personne encore vivante à l’époque entourée d’une auréole carrée. Elle s’appelle Théodora et pourrait être la mère du pape Pascal Ier. Au-dessus de sa tête se trouve le mot grec episkopa, la forme féminine d’évêque. Certains ont affirmé que ce titre n’était qu’honorifique. La terminaison féminine de son nom a également été dissimulée.
L’abside de la coupole centrale du baptistère du Latran place Marie entre l’apôtre Paul à sa gauche et l’apôtre Pierre à sa droite, avec Jésus au-dessus de tous. Dans cette mosaïque, on peut voir Marie levant les bras dans la pose de l’orant, « élevant des mains saintes » (1 Tm 2.8).Photographie de Radha Vyas
L’abside de la coupole centrale du baptistère du Latran place Marie entre l’apôtre Paul à sa gauche et l’apôtre Pierre à sa droite, avec Jésus au-dessus de tous. Dans cette mosaïque, on peut voir Marie levant les bras dans la pose de l’orant, « élevant des mains saintes » (1 Tm 2.8).

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En Afrique, la pire famine depuis des décennies menace l’unité des familles et la dignité humaine

La situation critique des communautés d’éleveurs confrontées à la faim fait écho aux récits de l’Ancien Testament.

Christianity Today October 17, 2022
Photo par Martin Muluka

« Je suis le père et la mère de mes enfants », dit Regina tout en tressant un panier, assise sur le sol de la hutte de paille qu’elle a construite elle-même.

Les biens de la famille sont accrochés au mur : un bol bleu en plastique, une paire de petites sandales, un bouchon de bouteille vert. Un bambin joue dans le dos de Regina. Un bébé se tortille sur ses genoux. C’est le milieu de l’après-midi dans le village de Nakorio, au nord-est du Kenya, et personne n’a mangé aujourd’hui.

L’année dernière, le mari de Regina est parti pour le lac Turkana. D’autres hommes ont également abandonné leur famille — certains désespérant de sauver leurs troupeaux de chameaux et d’autres animaux d’élevage, d’autres craignant la honte de rentrer à la maison pour retrouver leurs enfants affamés.

« Il ne me manque même pas, parce qu’il ne m’apporte pas de nourriture », dit-elle. « S’il revenait, je le chasserais. »

Les Turkana, un peuple semi-nomade du Kenya, partagent leur situation critique avec des millions d’Africains de l’Est, affamés et déplacés en raison de la pire sécheresse depuis au moins quatre décennies.

Dans le grand public, la menace constante de famine et de pénurie alimentaire en Afrique subsaharienne est simplement devenue un cliché de la souffrance dans le monde. Mais pour les chrétiens, la crise qui sévit sur ces terres poussiéreuses d’Afrique de l’Est devrait éveiller certains souvenirs. La famine apparaît comme un acteur récurrent dans la vie d’Abraham, d’Isaac et de Jacob — une force qui non seulement conduit à la souffrance physique, mais aussi à la dégradation des relations familiales, de manière semblable à ce que vit la famille de Regina.

« Les histoires de la Genèse n’ont pas été racontées pour donner un enseignement à propos de la famine », explique Yohannes Sahile, théologien de l’Ancien Testament à la faculté de théologie de l’Africa International University, à Nairobi. « Mais nous pouvons y trouver des leçons sur la façon de répondre à la famine, même si ces leçons n’étaient pas les objectifs principaux. »

Dans le Turkana, la sécheresse et la famine bouleversent encore plus un mode de vie déjà fragile. Les hommes s’occupent du bétail ; les femmes élèvent les enfants, construisent les maisons, ramassent et préparent la nourriture, et fabriquent du charbon de bois pour le vendre. La plupart des familles sont polygames et, comme le raconte un habitant de la région, les femmes assument tellement de responsabilités que ce sont souvent elles qui proposent à leur mari d’épouser une autre femme pour les aider.

Même lorsque les précipitations sont régulières, les communautés se livrent à des combats meurtriers pour les terres de pâturage. Aujourd’hui, des carcasses de chameaux morts et des crânes de chèvres blanchis gisent sous le soleil de Nakorio. Une famille locale affirme avoir perdu 70 de ses 80 animaux au cours des derniers mois.

Depuis que la sécheresse a frappé en 2019, de nombreux hommes sont partis, affirmant devoir trouver des pâturages pour leurs animaux. Sans eux, les femmes ont peu de moyens de subvenir à leurs besoins.

Regina vend ses paniers aux gens de passage. Elle fait un voyage de 12 heures à pied jusqu’au village le plus proche pour acheter de la farine de blé à crédit. La plupart du temps, elle ne peut offrir à ses enfants que de l’eau bouillie ou du thé.

Regina et son enfant. Les restes d’une chèvre.Photos de Martin Muluka
Regina et son enfant. Les restes d’une chèvre.

Quand tout le monde est faible et léthargique, la famille dort. « Et quand mes enfants pleurent, je pleure avec eux », dit-elle.

« Si l’on regarde cela de manière superficielle, on peut penser que ces hommes ont abandonné leurs familles », explique Tom Masinde, qui supervise les opérations de l’organisation World Vision dans le Turkana. « Et, bien sûr, leurs familles perdent l’accès aux besoins domestiques de base, les enfants cessent d’aller à l’école, les mères ne reçoivent pas de soutien pendant leur absence de quatre à six mois. Mais le bétail est leur principal moyen de subsistance, et ils doivent choisir entre perdre 50 ou 100 chèvres et partir. »

Même si les motivations de leur mari peuvent être altruistes, peu de femmes ressentent de l’empathie à leur égard.

« Je remercie Dieu de m’avoir donné cet homme inutile. Il m’a fait voir beaucoup de choses », déclare Margaret, mère de trois enfants de moins de quatre ans. « Je demande à Dieu qu’il voie ce que j’ai traversé et que Dieu a pourvu à mes besoins, et qu’il sache que Dieu est là. »

Dans l’Ancien Testament, certains patriarches ont fui la famine avec leur famille et d’autres sont restés sur place. Leurs histoires montrent comment la famine multiplie les conséquences de l’égoïsme sur les familles.

En Égypte, Abram, craignant soi-disant pour sa vie, délaisse sa responsabilité envers sa femme Saraï. Il laisse Pharaon la prendre dans sa maison après avoir menti et prétendu qu’ils étaient frères et sœurs. Au milieu de la famine, Isaac ment également aux Philistins pour cacher que Rebecca est sa femme. En 2 Rois 6, une femme propose à une autre de manger ses enfants. Après avoir mangé l’enfant de l’autre femme, elle cache le sien.

« Dans cette histoire, où sont leurs maris ? On ne les voit pas. Les femmes sont laissées à elles-mêmes. Ce sont les femmes qui portent la souffrance de la famille parce qu’elles doivent voir leurs enfants mourir », proteste Wanjiku Kihuha, théologienne kenyane et conférencière à l’Université Saint-Paul et à la Pan African University.

« Qu’est-ce qui est le plus important pour cet homme ? Sa femme et ses enfants ou ses animaux ? » demande-t-elle encore, déplorant que le désespoir causé par la faim affecte la dignité humaine. « Je laisse aux hommes de la communauté le soin de se poser la question : où est votre cœur ? Je sais qu’ils accordent beaucoup de valeurs aux animaux, ce qui n’est peut-être pas notre cas dans mon propos. Je dis que nous voyons ces choses, et que ces questions sont posées. Peut-être que nous devrions être à la place de ces personnes pour comprendre, mais pourquoi votre famille mourrait pour que vous sauviez les animaux ? »

World Vision distribue de la nourriture et intervient dans une Église locale.Photos de Martin Muluka
World Vision distribue de la nourriture et intervient dans une Église locale.

Il y a environ cinq ans, World Vision est entré en contact avec la communauté de Kalapata, qui se trouve à environ trois heures de 4×4 de Nakorio. Une partie de ses efforts a consisté en des programmes de microcrédit et un nouveau modèle de parrainage d’enfants où les enfants choisissent leurs parrains. Plusieurs familles gèrent des magasins de proximité depuis leurs huttes.

Mais une partie importante du travail de World Vision a porté sur le renforcement de la résilience relationnelle de la communauté qui est constamment menacée par la famine. Un nouveau réseau de pasteurs comptant 36 membres regroupe des dirigeants locaux d’Églises réformées, pentecôtistes, orthodoxes et catholiques.

Ils intègrent des programmes de World Vision dans leurs rencontres. Un cours cherche à répondre au fatalisme à l’aide des Écritures. D’autres se concentrent sur le mariage et la parentalité, même dans un contexte polygame.

Dans ce domaine, Leah n’essaie pas de séparer les familles. Cette pasteure du réseau, qui exerce son ministère depuis près de dix ans, conseille de prendre des mesures proactives pour consolider les mariages dès le départ, comme décourager le mariage des enfants. Elle offre également des encouragements lorsque les tensions conjugales s’exacerbent autour de la nourriture.

« Je leur dis que la vie comporte de nombreux défis et qu’ils doivent persévérer », explique-t-elle.

Il y a plusieurs années, Jackson et Aleper avaient 20 chèvres. À présent, le couple, qui a trois enfants en bas âge, ne compte plus que deux animaux. Bien que le bétail de la famille ait été dévasté par la sécheresse, Jackson n’envisage pas de laisser sa famille pour s’occuper de ses animaux et estime qu’il peut toujours les confier à des parents qui partent pour s’en occuper.

« Avant de rejoindre l’Église, je pensais que je pouvais avoir deux femmes, mais quand je suis allé à l’Église, j’ai senti que je n’avais de force que pour une seule femme », dit-il à présent.

Jackson, Aleper, et leurs enfants (à gauche). La pasteure Leah (à droite)Photos de Martin Muluka
Jackson, Aleper, et leurs enfants (à gauche). La pasteure Leah (à droite)

Le livre de Joël suggère que ceux qui subissent la famine comme une forme de sentence de la part de Dieu ne sont pas sans espoir face à leurs circonstances, promettant de « vous rendre les années que les sauterelles ont mangées » (2.25) de telle sorte que « vous aurez beaucoup à manger, jusqu’à ce que vous soyez rassasiés, et vous louerez le nom du Seigneur votre Dieu » (2.26).

Cependant, interpréter un tel passage biblique dans le contexte actuel en disant qu’il suffirait de prier davantage pour mettre fin à une famine serait problématique, dit la théologienne Kihuha. Et les gens devraient éviter d’attribuer chaque problème à la désobéissance à Dieu ou à la colère divine.

« Les situations individuelles de famine n’étaient pas dues à l’immoralité des habitants du pays. Le Proche-Orient ancien était régulièrement confronté à la famine, comme nous le voyons dans la Genèse. Même l’Égypte a été confrontée à la famine, alors qu’elle était l’endroit où les patriarches se rendaient pendant la famine en Canaan », rappelle Sahile. « J’ai entendu beaucoup d’Africains déclarer que les problèmes en Afrique, y compris la famine, étaient dus aux péchés des Africains. Les récits de la Genèse ne soutiennent pas une telle interprétation. Abraham a quitté sa famille et son pays et a suivi Dieu en Canaan. Et pourtant, il a fait face à la famine quand il est arrivé à Canaan. Cela s’est poursuivi à l’époque de ses descendants. Ainsi, même les personnes pieuses peuvent être confrontées à la famine. »

Plus sobrement, ceux qui luttent contre la famine aujourd’hui peuvent trouver dans des passages comme Joël 2 un rappel qu’ils ne sont pas sans recours face à leurs circonstances et peuvent continuer à faire appel à Dieu.

« Dans la Bible, nous voyons des gens négocier et avoir des conversations avec lui, et Dieu leur dit “Si mon peuple, qui est appelé par mon nom, s’humilie et prie, j’entendrai du ciel et je pardonnerai ses péchés et je guérirai son pays” », rappelle Kihuha. « C’est le genre d’attitude que nous voyons de la part de personnes, surtout dans l’Ancien Testament, qui s’humilient simplement, prient, dialoguent avec Dieu. »

La famine actuelle menace la vie de millions de personnes au Kenya, en Éthiopie, en Somalie, au Soudan et au Soudan du Sud. Personne ne peut faire pleuvoir, et historiquement, les sécheresses ne se prolongeaient pas pendant plusieurs saisons comme celle-ci, la pire en 40 ans, que beaucoup relient au changement climatique. De plus, l’invasion russe de l’Ukraine, l’un des greniers du monde, a contribué à l’inflation, à la hausse des prix du gaz et à une perturbation du commerce dans le monde entier.

Genèse 26 nous raconte l’histoire d’Isaac dont la famille subit la famine, mais qui ne se rend pas en Égypte pour se nourrir. Au lieu de cela, il élève des animaux, mais il plante aussi des cultures et devient très riche. Pour Neema Ndooki Mollel, doctorante tanzanienne en soins pastoraux et accompagnement à l’Université Saint-Paul au Kenya, ce récit suggère qu’il y a quelque chose que les Africains de l’Est peuvent faire.

« Les éleveurs sont fiers de ne dépendre que des animaux, mais maintenant, la vie a changé », explique-t-elle, elle-même Maasaï, une communauté où beaucoup pratiquent encore le pastoralisme. « Ils auraient pu recevoir un enseignement pour les aider à savoir que lorsque vous gardez des animaux vous pouvez les gérer. Il vaut peut-être mieux que vous preniez soin de la famille. »

Joseph, lui, implore également Pharaon de prévoir la famine, une leçon que Nathan Chiroma, théologien kenyan de la Pan African University, estime que les chrétiens vivant dans des contextes précaires devraient prendre à cœur.

« Nous ne devons pas attendre qu’il y ait une famine », explique-t-il. « Lorsque l’Église forme des pasteurs, nous devons enseigner les gens à travailler de leurs mains, afin qu’ils ne dépendent pas uniquement du gouvernement. »

La dégradation du climat et de l’environnement joue un rôle dans les famines d’aujourd’hui, ce qui souligne l’importance de la gestion et de la créativité pour faire face à la crise.

« En ces temps modernes, nous devons faire preuve d’innovation dans notre réflexion sur la manière de combattre les famines. Nous devons utiliser nos ressources spirituelles, nos ressources intellectuelles, pour voir comment nous pouvons combattre la famine », dit Kihuha. « Nous voulons travailler en partenariat avec Dieu et les autres. »

Traduction des citations vers l’anglais pour l’article original fournie par Dhymphine Emuron

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