France : La liberté religieuse doit être surveillée « comme le lait sur le feu ».

Et autres nouvelles des chrétiens à travers le monde.

Christianity Today June 27, 2022
Charly Triballeau / Stringer / Getty

Les évangéliques français ont demandé au président Emmanuel Macron de donner la priorité à la liberté religieuse lors de son second mandat. Thierry Le Gall, membre du Conseil national des évangéliques de France, a déclaré : « La liberté d’expression religieuse doit être surveillée comme le lait sur le feu », car les récentes lois visant les musulmans ont fait passer la nation « d’un pacte républicain de tolérance à une politique de surveillance des religions ». Les sondages montrent que la majorité des évangéliques ont soutenu Macron plutôt que son adversaire d’extrême droite Marine Le Pen. Macron est un agnostique.

États-Unis : Les anglicans perdent 14 propriétés dans une bataille judiciaire en Caroline du Sud

La Cour suprême de Caroline du Sud a statué que l’Église anglicane d’Amérique du Nord doit rendre 14 des 29 propriétés paroissiales réclamées par l’Église épiscopalienne. Ces paroisses se sont séparées de l’Église épiscopalienne en 2012, emportant avec elles des propriétés de l’Église d’une valeur d’environ 500 millions de dollars, après qu’une convention générale ait voté pour autoriser la bénédiction des unions homosexuelles. Le tribunal d’État a statué en faveur des congrégations dissidentes en 2017, mais la décision a été portée en appel. Au second examen, le tribunal a établi que 14 des paroisses désaffiliées avaient accepté un règlement de 1979 qui stipulait qu’elles détenaient leurs biens à titre fiduciaire pour la dénomination.

République dominicaine : les évangéliques appellent à une réforme de la police

La Confrérie des pasteurs des Églises évangéliques d’Ocoa appelle à une réforme de la police dans la capitale de la province après le décès d’un homme de 32 ans en garde à vue. Le personnel médical a d’abord déclaré que José Gregorio Custodio avait été tué par un passage à tabac de la police, mais il a ensuite changé d’avis et déclaré que les ecchymoses sur le corps du défunt étaient dues à une réaction allergique. « Lorsqu’un citoyen est arrêté, on ne doit pas le maltraiter et encore moins le tuer », déclare le pasteur Andrés Febles.

Trinité-et-Tobago : Une école des Assemblées de Dieu confrontée à un audit

Le gouvernement de Tobago enquête sur les finances d’un lycée des Assemblées de Dieu qui a fermé subitement. La Pentecostal Light and Life Foundation High School a fermé en avril, un jour après le début du trimestre scolaire, et 23 des 27 enseignants de l’école ont quitté les lieux en raison de préoccupations concernant l’état du bâtiment. Deux autres écoles ont été fermées de la même manière, une catholique et une adventiste du septième jour, et elles feront également l’objet d’une enquête. L’école des Assemblées de Dieu reçoit l’équivalent d’environ 88 000 $ du gouvernement par trimestre, dont une partie est censée financer l’entretien du bâtiment. Le directeur de l’école a déclaré qu’il s’agissait de problématiques en cours et a critiqué la secrétaire de l’éducation pour avoir rendu publiques ses préoccupations sur les médias sociaux.

Suisse : Un demandeur d’asile chrétien gagne en appel

La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que les autorités suisses n’avaient pas correctement évalué le risque encouru par un converti de l’Armée du Salut s’il était expulsé vers le Pakistan. Elles ont examiné la persécution des Églises, mais pas les risques encourus par les convertis individuels. Les gouvernements européens s’efforcent de développer un système viable pour évaluer la légitimité des conversions des demandeurs d’asile.

Nigeria : Des pasteurs débattent du mariage « biblique »

L’acteur nigérian Yul Edochie a annoncé son mariage avec une seconde épouse, suscitant un débat national sur la polygamie. Reno Omokri, ancien collaborateur du président Goodluck Jonathan et pasteur indépendant, a déclaré que, dans les Écritures, de nombreux hommes pieux sont polygames et que cette pratique n’est interdite qu’aux évêques et aux anciens. L’acceptation par les Africains de la « construction occidentale » de la monogamie a conduit à l’acceptation sociale de l’adultère et du mariage homosexuel, a-t-il soutenu. Kingsley Okonkwo, un pasteur qui aborde fréquemment la question des relations, a répliqué que si certains hommes dans la Bible avaient plus d’une femme, il est clair dans les Écritures que cela n’a jamais été le plan de Dieu pour le mariage.

Israël : Hommage à un officier de police tué

Des bus entiers de juifs ultra-orthodoxes ont assisté aux funérailles d’un officier de police arabe chrétien, l’honorant comme un « héros d’Israël ». Amir Khoury, 32 ans, s’est précipité sur la scène d’une fusillade terroriste dans la ville de Bnei Brak, près de Tel-Aviv. Lui et son partenaire ont échangé des coups de feu avec un Palestinien de 27 ans qui était apparemment furieux qu’une parente ait été attaquée par des colons. Le Palestinien et Amir Khoury ont tous deux été tués dans la fusillade. Les chrétiens d’Israël ont récemment eu des différends avec les autorités. Certains prétendent que le gouvernement ne veut pas d’eux dans le pays.

Corée du Sud : 1 million de dollars envoyés pour les immigrants juifs en Israël

Des chrétiens sud-coréens ont fait don d’un million de dollars pour aider des juifs éthiopiens et ukrainiens à immigrer en Israël. L’argent sera versé à l’Agence juive pour Israël et a été réuni par One New Man Family, un ministère qui vise à rapprocher les juifs et les non-juifs pour « célébrer la seconde venue du Christ », selon son site Web. La plupart des chrétiens coréens considèrent que l’Église est le nouvel Israël, mais le pasteur Eun Soo Seol — également connu sous le nom de Pasteur Joshua — veut les persuader de « considérer Israël comme l’Israël biblique ».

États-Unis : Décès d’une femme affirmant avoir été baptisée sous la contrainte

Le Bureau d’enquête du Tennessee se penche sur la mort d’une femme de 42 ans qui poursuivait un adjoint du shérif pour l’avoir forcée à se faire baptiser. Shandle Marie Riley avait été arrêtée lors d’un contrôle routier en 2019 et avait dit à l’adjoint Daniel Wilkey qu’elle avait un joint de marijuana sur elle. Elle affirme que l’adjoint lui a alors proposé un choix : l’arrestation ou le baptême. Shandle Marie Riley a choisi le baptême. Le rituel religieux a été filmé par un deuxième adjoint. Elle a ensuite intenté un procès, affirmant que les forces de l’ordre avaient violé sa liberté religieuse. Un juge du Tennessee a décidé en avril que le procès pouvait avoir lieu. Une semaine plus tard, Shandle Marie Riley a été retrouvée morte. Daniel Wilkey a également été accusé de pratiquer des fouilles intégrales à nu de personnes sur le bord de la route et fait face à de multiples poursuites civiles et accusations criminelles à Chattanooga.

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Un film pour envisager le désarmement ?

En 2015, une petite-nièce de Walt Disney et un évangélique ont osé baisser la garde pour aborder ensemble les rapports entre évangéliques, armes à feu, peur et nécessité d’aller à la rencontre de l’autre. Interview croisée.

Rob Schenck dans « The Armor of Light »

Rob Schenck dans « The Armor of Light »

Christianity Today June 22, 2022
Jeff Hutchens

Cette traduction a fait l’objet d’une mise à jour.

Le film The Armor of Light (« Les armes de la lumière ») a commencé à tourner dans les festivals au printemps 2015. Depuis lors, ce documentaire abordant le débat sur les armes à feu dans le contexte de l’évangélisme américain et du mouvement pro-vie n’a fait que gagner en pertinence. La réalisatrice Abigail Disney se décrit comme une « féministe pro-choix », mais elle a grandi dans le contexte politique conservateur de sa famille (oui, ces Disneys-là — Walt était son grand-oncle). Son intérêt pour la question est à la genèse du film.

Le film (qui tire son nom de Romains 13.12) suit le révérend Rob Schenck, plus connu pour son engagement intense en tant que militant pro-vie au début des années 1990. Au moment de participer à ce documentaire, Schenck était président de Faith and Action à Washington, D.C. et de la Evangelical Church Alliance. À la suite d’une fusillade de masse survenue non loin de chez lui, il a commencé à s’interroger sérieusement sur son point de vue sur la violence et la politique en matière d’armes à feu et sa relation avec sa position ferme sur l’avortement : est-il possible de se dire pro-vie en matière d’avortement et d’être en même temps pro-armes ? Il rencontre alors Lucy McBath, une chrétienne dont le fils adolescent, Jordan Davis, a été abattu alors qu’il n’était pas armé. Ce cas a fait beaucoup de bruit dans les débats sur les lois protégeant les droits à l’autodéfense (« Stand Your Ground ») en Floride. Une amitié se développe entre eux, ce qui incite Schenck à entamer une série de conversations à travers le pays avec des leaders évangéliques, se demandant si être pro-armes et pro-vie sont des positions compatibles.

Le film donne matière à réflexion. Il est parfois inconfortable. Je ne peux pas imaginer que quiconque, quelles que soient ses croyances, ne puisse le voir sans en retirer quelque chose à considérer sérieusement. Et bien que The Armor of Light soit indéniablement bien fait et convaincant, ce qui m’a le plus frappé est son portrait incroyablement sensible et nuancé de Schenck et des autres évangéliques avec lesquels il interagit.

J’ai eu le plaisir de m’entretenir avec Abby Disney et Rob Schenck, qui restent ancrés dans leurs opinions politiques respectives (et opposées) — Disney est toujours une féministe pro-choix, et Schenck un évangélique pro-vie — mais dont l’amitié et le respect mutuel sont palpables même au téléphone. (Le texte de l’interview qui suit a été légèrement modifié pour plus de clarté.)

La genèse du projet

Christianity Today : Comment vous êtes-vous retrouvés tous les deux impliqués dans ce projet ?

Abigail DisneyJoey L.
Abigail Disney

Abigail Disney : J’avais entendu parler de la problématique des armes à feu depuis très longtemps et je me demandais quel serait le moyen d’amener les gens à en parler et à réfléchir à cette question — non d’une manière enflammée, mais dans un réel dialogue. L’idée était d’éveiller les consciences et d’apporter quelque chose d’une nouvelle contribution au débat. Tout ce que nous faisons, c’est tourner et retourner quatre ou cinq mêmes idées.

Les chrétiens évangéliques au sein du mouvement pro-vie ont généralement une vision du caractère sacré de la vie que je trouve magnifique. Même si je suis moi-même une féministe pro-choix, je soutiens la vie. Je me suis vraiment demandé comment cela pouvait coexister avec certains discours sur les armes à feu, qui sont si désinvoltes à l’égard non seulement des armes à feu, mais aussi dans le langage utilisé à propos du fait d’ôter la vie humaine ; à mes yeux c’est parfois un peu une culture à la Die Hard. Je ne comprends pas comment ces deux choses s’accordent, alors je suis allée chercher des gens avec qui parler de cela.

J’ai parlé à trois ou quatre autres personnes avant de rencontrer Rob. Rob m’a vraiment écoutée, et a vraiment entendu ce que j’avais à dire. De toute évidence, il était plus nuancé que moi. Une seule conversation a suffi pour susciter son attention. Il a reconnu qu’il y avait une incohérence, et que c’était important. Ainsi, à partir de cet échange, une conversation beaucoup plus large s’est engagée avec le film.

Révérend Rob Schenck
Révérend Rob Schenck

Rob Schenck : Je dois ajouter que ce n’était pas la toute première fois que je reconnaissais la contradiction entre les valeurs que tant d’évangéliques défendent sur le caractère sacré de la vie et la position qu’ils adoptent sur l’utilisation des armes à feu pour leur défense personnelle. Dans mon esprit, il y a une différence importante entre quelqu’un qui utilise une arme à feu pour la chasse ou le sport, et quelqu’un qui possède une arme et pense l’utiliser pour tuer ou mutiler un autre être humain. C’est une question éthique différente.

Cela m’avait donc traversé l’esprit. Dans le film, nous montrons une expérience avec une famille amish en Pennsylvanie qui avait soulevé des questions dans mon cœur et mon esprit, mais je n’y ai d’abord accordé aucune attention particulière. Je l’ai en quelque sorte compartimentée. La question des armes appartenait à un espace différent de celui de mes questions sur le caractère sacré de la vie humaine naissante.

C’est comme ça que j’ai vécu avec ça jusqu’à ce qu’Abby propose d’en faire un examen minutieux dans ce film. Cela m’a semblé très nécessaire et important à la fin de cette conversation, mais aussi très effrayant. Je connaissais l’univers de ceux qui composaient les associations que je présidais, et je les ai sondés, environ 100 000 personnes. 95 % d’entre eux s’alignaient sur la position de la NRA à propos des armes à feu et d’une interprétation sans restriction du 2e amendement à la Constitution.

Je savais que des personnes au sein de mon organisation me disaient de ne pas aborder le sujet, de ne pas y réfléchir. Il m’a donc fallu du temps, cinq ou six semaines, pour envisager cela, dans la prière et en mon for intérieur, avant de le prendre en considération à l’intérieur de mon organisation et à l’extérieur. Finalement, j’ai parlé à une personnalité chrétienne conservatrice importante qui m’a dit : « Si c’est vraiment votre conviction, vous devriez la rendre publique ».

C’est à partir de là que je me suis autorisé à prendre ce risque, et cela s’est effectivement avéré assez risqué. Pas de la façon dont je m’y attendais, mais il y a assurément eu des difficultés.

CT : Vous étiez inquiet de perdre des ressources et des membres de votre organisation, n’est-ce pas ?

RS : Exact. Et nous avons enregistré des pertes. Nous avons eu quelques donateurs importants qui ont dit qu’ils ne soutiendraient plus notre organisation ou moi. Mais en réalité, la perte qui me préoccupe le plus, ce sont les amitiés. J’entretiens certaines amitiés profondes de vingt ou trente ans, et j’ai perdu des amis à cause de cela. Pour moi, c’est le plus grand prix à payer.

Amitié et choix de la paix

CT : L’amitié occupe une place importante dans ce film ; les véritables progrès dans la vie sociale passent par l’amitié. Quelque chose vous a-t-il surpris à propos de l’amitié alors que vous travailliez sur ce sujet ?

Abigail Disney et Lucy McBath dans « The Armor of Light »Eva Anisko
Abigail Disney et Lucy McBath dans « The Armor of Light »

RS : Tout d’abord, si vous m’aviez demandé il y a dix ans si j’aurais l’amitié que j’ai avec une féministe pro-choix et de gauche — une militante féministe très progressiste qui soutient de nombreuses organisations auxquelles je m’oppose depuis trente ans maintenant — je pense que j’aurais été ouvert à cette idée. Mais je n’aurais eu aucune idée de la façon dont cela aurait pu se produire. Je considère comme un précieux cadeau de Dieu le fait d’avoir une amitié avec Abby ; sur de nombreux sujets, cela m’apporte une perspective que je n’aurais pas eue autrement.

CT : Quel genre de perspectives ?

RS : Pour commencer, sur la question des armes à feu bien sûr. C’est une préoccupation éthique et morale primordiale pour moi et pour d’autres. C’est une grande question pour le mouvement évangélique et l’Église dans son ensemble, pour toute notre société. Je n’aurais pas sorti cela du secret de mon cœur sans la douce incitation d’Abby. C’est une conséquence de notre collaboration professionnelle et de notre amitié.

Par ailleurs, si vous m’aviez demandé il y a trois ans si je me souciais vraiment des femmes concernées par la question de l’avortement, j’aurais répondu oui. Mais cela aurait été théorique. En réalité, je ne m’en souciais pas, et c’est une prise de conscience très importante pour moi.

En discutant avec Abby, j’ai pris conscience d’un élément de l’équation que j’avais négligé : la personne que je décris comme la mère de l’enfant, la personne qui paie le plus lourd tribut à l’avortement, n’était pour moi qu’un facteur secondaire. C’était juste une forme de mépris. J’ai dû admettre moi-même que je n’avais pas pris en compte tous les paramètres du problème. Et c’est un autre cadeau d’Abby.

Mais la chose la plus importante que j’ai reçue d’Abby est probablement de changer mes stéréotypes sur les militants progressistes. J’ai toujours essayé de progresser en la matière, et je n’ai pas réussi moi-même, mais j’y suis presque grâce à mon amitié avec Abby. Je suis une personne plus intègre et plus fidèle à l’Évangile. Le Christ est resté attaché à la vérité, mais n’a pas non plus eu de mépris pour ceux qui l’entouraient. Je veux être plus semblable au Christ, et Abby m’y aide.

CT : Waouh. C’est génial.

AD : Oui, vraiment ! Je n’aurais jamais imaginé qu’une amitié puisse naître de cette façon. Lors de la première rencontre, je crois que je considérais un peu Rob comme anti-femme. Je soupçonne que je ne m’intéressais pas autant à lui qu’à ce qu’il véhiculait. Mais je me suis retrouvée à penser : « Attends, nous parlons de la même façon ! Comment est-ce possible alors que nous sommes dans des camps opposés ? Comment est-il possible que nous pensions de la même façon ? » C’est une révolution, quand vous réalisez cela.

Après tous mes cours sur la résolution des conflits, l’étude des femmes dans le mouvement pour la paix, j’ai réalisé que la paix est une question de relations. Elle n’arrive pas par hasard. Vous devez la choisir ; vous devez la faire. Ce fut la plus agréable des surprises de trouver un ami au milieu de tout cela.

CT : The Armor of Light a quelque chose d’assez unique. Au contraire de certaines tendances dans la culture, il présente les évangéliques comme des personnes intelligentes, réfléchies, sympathiques et ayant des principes. Comment avez-vous abordé ce défi ?

AD : Rob m’a raconté son arrière-plan dans une famille progressiste, voire libérale. Et je me suis tout à fait sentie en phase avec son vécu. Nous avons fait des expériences similaires lors de grands repas de famille, où l’on doit travailler à conserver dans son cœur de l’amour pour quelqu’un avec qui on n’est vraiment pas d’accord. Peu d’entre nous le font.

RS : C’est pour cela que, même si je considère que l’amitié avec Lucy [McBath] est d’une grande importance, a une grande valeur à tous égards, elle est très différente : Lucy et moi venons du même univers de foi. Lucy est une véritable chrétienne, même si nous ne sommes pas d’accord sur la question de l’avortement. C’est une autre amitié qui est née de ce projet. Et en réalité, c’est Lucy qui m’a fait franchir le pas. C’est une relation importante pour moi.

CT : On le voit dans la conversation que vous avez avec elle dans le film, lorsqu’elle vous supplie de prendre en compte l’enjeu de la question des armes à feu. Ce passage m’a vraiment marquée.

Rob Schenck et Lucy McBath dans « The Armor of Light »Jeff Hutchens
Rob Schenck et Lucy McBath dans « The Armor of Light »

Pourquoi en faire un film ?

CT : Beaucoup de gens ont écrit des livres et des articles sur ce sujet, mais vous en avez fait un film. Selon vous, quel est l’intérêt d’utiliser ce support ? Qu’est-ce qui, dans le film lui-même, en fait un moyen efficace d’explorer cette question ?

AD : J’ai grandi dans une famille de cinéastes, vous le savez, et j’ai réfléchi aux différents supports. On pense qu’on peut faire rentrer tellement de choses dans un film, mais ce n’est pas le cas. Les films ne servent pas avant tout à transmettre des informations. Les documentaires les plus efficaces sont ceux qui racontent des histoires. Ils sont comme un manège : vous devez y monter et le laisser vous emmener là où il veut vous emmener. Pensez à ce que vous ressentez dans une salle obscure, lorsque vous n’êtes même plus conscient de votre corps physique : c’est comme si un rêve commençait. Pendant un bon film, votre cœur s’ouvre d’une manière toute particulière. Il ne s’agit pas de persuasion ; c’est quelque chose de plus profond. C’est un pouvoir sacré, un don sacré pour faire cela, et je déteste le voir utilisé pour des bêtises.

J’ai écrit, j’ai parlé, j’ai essayé de persuader pendant toute ma vie, de changer la façon dont les gens pensent. Puis j’ai fait un film à la fin de la quarantaine et je me suis demandé pourquoi je n’avais pas fait ça toute ma vie. Alors, bien sûr, il fallait que ce soit un film, et peut-être un livre, et peut-être plus. Mais nous avons commencé par le film, car il fait appel à l’imagination morale et créative du spectateur.

En même temps, nous avions le potentiel pour faire un film vraiment ennuyeux. Si tout est trop cérébral, c’est voué à l’échec. Nous devions donc trouver un moyen d’amener les gens à vraiment ressentir les choses et à avoir une réponse à la fois émotionnelle et consciente. Cela a nécessité beaucoup de bonnes prises de vue. Nous avons accordé beaucoup d’attention à la façon dont le film a été tourné. Aussi important que soit l’aspect émotionnel, c’est aussi la beauté du film qui vous invite à y entrer, avec également le montage et la musique. Tout cela permet d’embarquer les gens dans ce que vous voulez leur permettre d’entendre. Nous sommes vraiment fiers d’avoir pu le faire.

RS : À plusieurs reprises en cours de route, Abby a dit avoir le sentiment que certaines choses étaient orchestrées et préparées pour le projet. J’aime à penser que cela a été providentiel. Abby, je ne pense pas que tu étais consciente des origines familiales de Jeff [Hutchens, le directeur de la photographie du film], n’est-ce pas ?

AD : Pas du tout !

RS : Notre principal directeur de la photographie avait de profondes racines évangéliques, même s’il ne s’identifie pas comme tel. Abby avait une attitude très ouverte et généreuse envers les évangéliques, et Jeff connaissait parfaitement la culture, ce qui lui permettait d’évoluer avec facilité dans le décor. Non seulement il connaissait parfaitement cette culture, mais il était parfaitement à l’aise dans cet environnement. Je pense que cela a ajouté quelque chose.

À propos de la peur

CT : En 2015, Marilynne Robinson a écrit quelque chose d’intéressant sur le christianisme et la peur dans la New York Review of Books : « Premièrement, l’Amérique contemporaine est pleine de peur. Deuxièmement, la peur n’est pas une habitude d’esprit chrétienne. » Le président Obama a lu l’article et s’est rendu dans l’Iowa, où ils ont eu une conversation sur la peur, les armes à feu et bien d’autres sujets. Que pensez-vous de cette déclaration ? Et Rob, vous qui voyagez dans tout le pays pour rencontrer des leaders évangéliques, voyez-vous la peur comme facteur central dans les débats ?

Rob Schenck dans « The Armor of Light »Jeff Hutchens
Rob Schenck dans « The Armor of Light »

RS : Je n’ai pas encore lu l’article, mais d’après ce que vous avez dit, j’applaudis [Robinson] d’avoir mis en évidence le problème de la peur ; si ce n’est pas le problème central, alors c’en est très proche. La peur, à bien des égards, est l’antithèse de la foi. La foi inspire la confiance et la sécurité individuelle. Cela ne se produit pas instantanément : la peur est humaine, et c’est naturel. Jésus en a fait l’expérience dans son humanité, dans le jardin de Gethsémané.

Nous n’arriverons jamais à totalement vaincre la peur, mais nous devons l’identifier pour ce qu’elle est. Je crois que sa présence de manière aussi prononcée dans la communauté évangélique est due à l’alarmisme qui sévit depuis vingt ans, à une échelle très large. Lorsque ce ne sont pas les prédictions intempestives sur la fin des temps et la prophétie, c’est l’obsession des risques de persécution, dont nous ne savons en réalité presque rien dans ce pays. Nous parlons beaucoup de persécution et comparons les diverses persécutions, mais si vous nous comparez à d’autres pays, il n’y a rien de tel ici. C’est un état imaginé, qui n’existe pas vraiment.

Mais certains en tirent littéralement profit. Je le sais de par mon expérience personnelle. Lorsque nous collectons des fonds pour notre organisation, nous entendons dire que la meilleure façon de collecter des fonds est de susciter la peur et la colère. Si nous pouvons mettre les gens en colère, nous récolterons plus d’argent. Cela ne se fait pas seulement dans le monde chrétien, pas seulement dans les collectes de fonds conservatrices : cela se fait partout ! Des milliards de dollars sont littéralement collectés au moyen de cette tactique de la peur et de la colère.

La peur n’aide pas seulement les gens à collecter des fonds. Elle permet également de se constituer un public, qu’il s’agisse de lecteurs, d’auditeurs ou de téléspectateurs. Si vous faites peur à quelqu’un, vous attirerez son attention d’une manière toute particulière et efficace.

Cela a été encouragé pendant longtemps, et cela revient directement à la question des armes à feu. Pourquoi les chrétiens s’arment-ils ? Ils ont peur que quelqu’un vienne les chercher. Je connais même des pasteurs qui portent des armes à feu en chaire. L’un d’entre eux m’a dit : « Si quelqu’un entre dans mon Église et tente quelque chose, il le regrettera, car je le ferai sortir directement depuis le haut de la chaire ».

Ce genre de manière de penser constitue un énorme problème pour le témoignage de l’Évangile, mais tout cela est motivé par la peur. Et la peur est alimentée par d’autres éléments. La peur de l’autre est l’un des principaux carburants. Mais comme Jésus nous le dit à plusieurs reprises, l’Évangile est l’antidote à la peur.

Reporter culture et cinéma pour le magazine Vox, Alissa Wilkinson a été critique cinématographique en chef pour Christianity Today et est professeure assistante au King’s College de New York. Elle écrit beaucoup sur la culture pop et la religion et est la co-auteure, avec Robert Joustra, de How to Survive the Apocalypse : Zombies, Cylons, Faith, and Politics at the End of the World (Eerdmans, 2016). Retrouvez-là sur Twitter @alissamarie.

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La conquête de Canaan pose une question à laquelle quatre réponses sont possibles

Cette histoire ne doit pas être une pierre d’achoppement, mais nous devrions l’aborder avec crainte et tremblement.

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Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: WikiMedia Commons

L’Ancien Testament pose un problème. Dans un moment clé de l’histoire du salut, le Dieu d’Abraham mandate une nation pour en détruire une autre. La nation assaillante doit combattre l’autre parce que Dieu a jugé cette dernière coupable. L’agresseur est sans pitié, n’épargnant ni les femmes ni les enfants, expulsant les habitants de leur terre et détruisant leurs sites sacrés et les symboles de leur pratique religieuse. Il s’agit en fait de les rayer de la carte. Et, selon les écritures hébraïques, tout cela se produit par la terrible volonté de l’Éternel des armées.

The Destruction of the Canaanites: God, Genocide, and Biblical Interpretation

C’est un moment déchirant dans l’histoire du peuple de Dieu. Mais je ne fais pas ici référence à la conquête de Canaan par les tribus d’Israël. Je parle de la conquête du royaume du nord d’Israël par les Assyriens un peu plus de 700 ans avant la naissance de Jésus et de la campagne contre le royaume du sud, en particulier la ville de Jérusalem et son temple, menée par les Babyloniens environ 130 ans plus tard.

Comme en témoignent les livres historiques et prophétiques de l’Ancien Testament, la violence exercée contre Israël, au nord et au sud, par ces empires païens n’était rien d’autre que le jugement du Dieu d’Abraham contre les enfants d’Abraham. Leur péché ? L’abandon de la volonté de Dieu pour leur vie dans le cadre de l’alliance, telle que révélée dans la loi de Moïse. Engagés en tant que communauté dans une alliance avec le Seigneur, ils subirent en tant que communauté les sanctions du non-respect l’alliance. Le résultat : une ruine générale, un chaos politique, des souffrances inimaginables, la mort (pour certains) et l’exil (pour d’autres). C’est une chose redoutable que de tomber entre les mains du Dieu vivant, même — ou surtout — lorsque l’on est son peuple élu.

Cet ensemble d’événements n’est généralement pas le premier qui vient à l’esprit lorsque les gens, y compris les chrétiens, s’interrogent sur l’éthique dans la Bible ou la nature du Dieu biblique. Ce qui vient en premier, de loin, serait plutôt la destruction des Cananéens par Israël sur ordre divin. Mais je vois deux raisons d’encadrer les réponses chrétiennes aux questions sur la conquête cananéenne par la dévastation d’Israël et de Juda par les Assyriens et les Babyloniens :

Tout d’abord, parce que la souffrance humaine infligée par Dieu selon la Loi et les prophètes est impartiale : Israël n’en est pas exempt. Deuxièmement, parce que les chrétiens qui lisent les textes sacrés d’Israël comme les leurs — c’est-à-dire comme les Écritures canoniques de l’Église — sont généralement des non-juifs, lesquels sont prompts à considérer les Juifs comme des faire-valoir dans l’histoire biblique : nous avons tendance à en faire de simples exemples de ce qu’il ne faut pas faire. Et cela, quand nous ne cédons pas à la tentation de suivre Marcion en laissant purement et simplement de côté certaines parties de l’Ancien Testament.

Mais les chrétiens n’ont pas cette possibilité. La question n’est pas de savoir si les non-juifs laissent la place à l’Ancien Testament, mais bien plutôt de savoir s’il y a en lui une place pour nous. Les apôtres ont répondu par l’affirmative. Depuis lors, nous prétendons être les enfants d’Abraham par la foi. Et c’est justement pour cette raison que les Écritures d’Israël sont un incontournable pour nous : une composante non négociable du dépôt de la foi, comprenant le double témoignage écrit des apôtres et des prophètes à la bonne nouvelle du Dieu d’Israël. Qu’on le veuille ou non, ce témoignage inclut le livre de Josué. Comment, alors, devrions-nous, nous, non-juifs qui professons la foi dans le second et plus grand Josué, recevoir et comprendre ce livre comme la parole du Seigneur pour aujourd’hui ?

Les faits et leurs interprétations

Pour répondre à cette question, Charlie Trimm a écrit un livre extraordinaire intitulé The Destruction of the Canaanites : God, Genocide, and Biblical Interpretation (« La destruction des Cananéens : Dieu, les génocides et l’interprétation biblique »). Le fait même de s’aventurer sur ces eaux est admirable, car la question du livre de Josué et de Canaan est devenue une sorte de genre à part entière dans les travaux universitaires et pastoraux. Les livres et articles sur le sujet abondent.

Trimm, professeur à l’université de Biola, se démarque avec ce petit volume qui ne cherche pas à résoudre le problème, mais à formuler des réponses possibles pour ses lecteurs. Les lecteurs en question ne sont pas des interlocuteurs de mauvaise foi. Ce pourraient être chacun de mes étudiants de premier cycle et pas mal d’autres chrétiens plus âgés. Beaucoup de gens honnêtes face l’Évangile aimeraient savoir que faire de cette conquête. Ils veulent croire au Dieu et Père de Jésus-Christ, mais Josué constitue un obstacle. Je n’ai donc aucun doute que le livre de Trimm — concis, accessible, pertinent et bien documenté — s’avérera une ressource inestimable dans le cadre pastoral et académique pour les années à venir.

Trimm organise le livre en deux parties. Dans la première, il donne un aperçu de ce qu’était la guerre dans le Proche-Orient ancien, récapitule les études contemporaines sur les génocides et présente les Cananéens aux lecteurs. Ces éléments constituent le fondement de la deuxième partie, où il expose quatre grandes options pour l’interprétation chrétienne de la conquête. Avant d’aborder ces options, mentionnons quelques faits qui ressortent des premiers chapitres.

Tout d’abord, contrairement à ce que certains d’entre nous ont pu lire ou supposer, la pratique du herem, de « l’interdit » (c’est-à-dire le fait de vouer à Dieu tous les habitants d’une ville par le biais d’un massacre), n’était pas courante dans le Proche-Orient ancien. En fait, en dehors de quelques mentions possibles dans les archives d’autres nations (et il se pourrait que celles-ci aient été des exagérations), il semble qu’Israël soit unique à cet égard.

Deuxièmement, la notion de génocide est difficile à définir. Faut-il y inclure un élément racial, ethnique ou religieux ? Doit-il viser l’anéantissement d’un groupe entier ? Comment définir le groupe en question ? (Par exemple, pourrait-il s’agir d’un parti politique, ou l’appartenance à ce groupe doit-elle être non volontaire ?) Est-ce la motivation qui compte ou les conséquences ? Par exemple, toute entreprise de colonisation est-elle essentiellement génocidaire ? Qu’en est-il des bombardements de Nagasaki et Hiroshima ?

Troisièmement, la différence entre les divers commandements donnés à Israël concernant les Cananéens est frappante. Exode 23, Lévitique 18, Nombres 33 et Deutéronome 6-7 contiennent tous des instructions différentes et parfois contradictoires. Presque aucune ne mentionne nommément le herem ou ne décrit même un massacre de masse. Ces divergences présentent de nombreuses possibilités morales, historiques, exégétiques et théologiques pour interpréter la conquête.

Trimm ramène ces possibilités à quatre, chacune étant une question de « réévaluation ». La question, le défi ou le problème de la conquête pourrait être résolu en réévaluant (1) Dieu, (2) l’Ancien Testament, (3) l’interprétation de l’Ancien Testament, ou (4) la violence dans l’Ancien Testament.

La première option prend la Bible au mot : le Dieu d’Abraham ordonne et approuve le génocide, mais le génocide est intrinsèquement mauvais. Par conséquent, le Dieu d’Abraham est mauvais et il faut donc le répudier, ne pas y croire, ou les deux. C’est le point de vue du « nouvel athée » Richard Dawkins, pour qui « le Dieu de l’Ancien Testament est sans doute le personnage le plus désagréable de toute la fiction ». C’est également l’avis du théologien orthodoxe oriental David Bentley Hart, qui écrit que « dans la majeure partie de l’Ancien Testament », le Dieu d’Israël est « présenté comme tout à fait mauvais : un dieu tempétueux, sanguinaire, cruel, guerrier, génocidaire, irascible, meurtrier et jaloux ». Trimm estime cependant qu’adopter ce point de vue revient à cesser d’être chrétien. C’est la seule des quatre options qu’il écarte.

La deuxième option soutient que « si l’Ancien Testament rapporte des exemples de violence divine extrême, nous ne devrions pas accepter ces textes violents comme faisant autorité pour nous et devrions en dissocier Dieu ». Les partisans de cette option, dont Walter Brueggemann, Eric Seibert, Thom Stark et Gregory Boyd, ne cherchent nullement à exhumer le projet marcionite. Ils veulent préserver l’Ancien Testament. Mais ils ne voient aucune possibilité d’harmoniser cette conquête avec nos consciences ou la vie et les enseignements de Jésus. Les chrétiens doivent donc reconnaître que les textes dans lesquels Dieu cautionne la violence ne font pas autorité pour l’Église et ne reflètent pas le véritable caractère de Dieu.

La troisième option suggère que le problème ne réside pas dans les textes, mais dans notre interprétation de ceux-ci. Peut-être faut-il allégoriser les événements relatés dans Josué, ou les comprendre de manière métaphorique, comme recommandant en réalité une action non létale ou le bannissement, ou encore les classer dans la catégorie des hyperboles, de sorte que les Cananéens ne sont pas tant exterminés que désarmés — c’est-à-dire dépossédés et ainsi transformés de menace en simples voisins.

Cette option, tout comme la précédente, doit cependant affronter deux questions connexes. Les événements décrits dans Josué se sont-ils réellement produits dans l’histoire ? Et même si ce n’est pas le cas, le texte ne fait-il pas clairement mention de Cananéens massacrés ? Même si ces morts ne sont que textuelles, le texte en question est l’Écriture sainte, par laquelle nous sommes (croyons-nous) formés à l’image du Christ. Le livre de Josué contribue-t-il à cette formation ?

Avec Job face à la tempête

La quatrième option défend à la fois l’historicité de la conquête et sa légitimité morale et théologique. Trimm présente plusieurs façons de le faire. La première est de considérer que c’est la méchanceté des Cananéens qui est la cause immédiate du jugement de Dieu sur eux par l’intermédiaire des Israélites. Cette idée est renforcée par le fait qu’Israël subit un jugement pratiquement identique dans la suite de son histoire. Une autre voie met en avant le caractère unique de la conquête — son « irrépétabilité », selon l’expression du théologien Willie James Jennings — comme quelque chose d’enraciné dans la promesse de l’alliance entre Dieu et Israël concernant la terre à Abraham.

Une troisième approche voit dans la conquête un type ou une préfiguration du jugement final, au cours duquel sera prononcée une sentence bien plus grave que la perte de la vie terrestre (le philosophe Phillip Cary nous voit tous comme des Rahab, vivant dans les murs d’une Jéricho spirituelle. Ouvrirons-nous notre maison au Seigneur ? Notre confiance en lui sauvera-t-elle notre âme ?) Enfin, certains relient la conquête non seulement à la destruction du temple et à l’expulsion du pays, mais aussi à l’Exode et au Déluge. Dans l’histoire de Noé, en particulier, on assiste à un jugement implacable de Dieu, lorsque le chaos des eaux engloutit tous les habitants de la terre, quels qu’ils soient. Le livre de l’Apocalypse offre des visions de mort et de destruction tout aussi saisissantes.

Le philosophe Howard Wettstein écrit que les textes touchant au herem nous placent avec Job face à la tempête. Nous gémissons et nous lamentons, mais ne recevons aucune réponse ; au lieu de réponses, ce sont des questions. Charlie Trimm propose quelque chose de semblable. Il ouvre à l’Église des possibilités. Il nous reviendra, avec crainte et tremblement, de décider.

Brad East est professeur adjoint de théologie à l’Université chrétienne d’Abilene. Il est l’auteur de The Doctrine of Scripture et The Church’s Book : Theology of Scripture in Ecclesial Context .

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Books

Pour s’affranchir des fonds occidentaux, les méthodistes africains se tournent vers l’agriculture

Du Liberia au Mozambique, les initiatives agricoles de l’Église soutiennent la production de riz, de maïs, de porcs et d’autres cultures.

Christianity Today June 13, 2022
Dan Kitwood/Getty Images

L’Église méthodiste unie (EMU) a approuvé des subventions à hauteur de 3,5 millions de dollars afin de soutenir les Églises de ses conférences africaines qui cherchent par l’agriculture à diminuer leur dépendance vis-à-vis des fonds occidentaux.

L’argent est attribué par le biais de la Bishop Yambasu Agricultural Initiative (BYAI) — un projet nommé en mémoire de John K. Yambasu, figure marquante de l’Église, décédé dans un accident de la route à Freetown, en Sierra Leone, il y a deux ans.

Trois millions de dollars ont déjà été répartis sous l’égide de la BYAI pour soutenir des projets dans une douzaine de conférences ecclésiales régionales.

« Le but de tout ce programme est de développer l’autonomie financière de nos conférences régionales en Afrique », explique Roland Fernandes, secrétaire général de Global Ministries et du United Methodist Committee on Relief.

Lancée en 2018, l’initiative a pris de l’ampleur il y a deux ans lorsque Roland Fernandes est devenu directeur général de Global Ministries.

Les projets soutenus par l’initiative comprennent des fermes rizicoles et de l’apiculture au Liberia ; des fermes piscicoles en Côte d’Ivoire ; du maïs, du manioc et du bétail en Angola ; des porcs et des jardins maraîchers au Mozambique.

« Pour moi, c’est l’un des programmes phares de ces deux dernières années depuis que je suis secrétaire général », dit Roland Fernandes. « C’est pour cela que nous doublons maintenant l’investissement dans ce programme. L’Afrique est une grande priorité pour nous en tant qu’agence. »

La dépendance à l’égard des fonds occidentaux est devenue une préoccupation de taille pour les méthodistes africains à mesure que l’EMU approche de la division autour des questions LGBT. Théologiquement, les conférences africaines s’alignent sur les traditionalistes qui soutiennent que la sexualité homosexuelle est un péché et que le mariage ne devrait être possible qu’entre un homme et une femme. Mais les traditionalistes américains veulent également réduire leur soutien à la dénomination, tandis que ce sont des progressistes qui resteront probablement aux commandes des structures dénominationnelles qui ont soutenu financièrement les Églises africaines. Tout ceci rend le financement futur incertain.

Plus de 70 % du financement des conférences africaines provient de l’Occident, rapporte Kepifri Lakoh, consultant agricole en Sierra Leone, qui assure la direction technique de l’initiative.

« Ce modèle n’est absolument pas durable. C’est donc en essayant de résoudre ce problème que cette vision est née, et l’évêque [Yambasu] a pensé : “Pourquoi ne pas utiliser les ressources qui sont en Afrique afin de générer des revenus pour l’Église ?” »

L’initiative en est encore à ses débuts. Les différentes conférences sont à des stades différents du processus d’octroi des subventions, et l’agriculture prend du temps pour porter ses fruits. Mais il y a déjà des signes prometteurs. Et pas seulement dans les champs.

« Nous nous sommes engagés dans cette démarche avec l’objectif que les conférences apprennent une nouvelle approche ou un nouveau mode d’engagement avec Global Ministries », explique Kepifri Lakoh. « Avant, nous accordions des subventions et, une fois qu’elles étaient épuisées, les conférences revenaient et en redemandaient. Maintenant, nous avons des cas où nous avons commencé à recevoir des rentrées d’argent [des cultures] en Sierra Leone. Ces rentrées d’argent sont réinjectées dans le projet. »

L’argent obtenu lors d’un premier cycle de financement dans les districts de Moyamba et Pujehun en Sierra Leone — classés parmi les plus pauvres de ce pays d’Afrique de l’Ouest — a servi à l’achat de semences. Dans le deuxième cycle, les revenus de la première récolte de riz ont été réinvestis pour augmenter la production et payer les semences, du carburant et le salaire d’un conducteur de tracteur.

Au cours de la saison 2021, les agriculteurs de l’initiative ont cultivé près de 200 hectares (494 acres) de riz en Sierra Leone. Cette année, ils espèrent cultiver 600 hectares (1 400 acres), et le projet s’est maintenant élargi à un troisième district, Tonkolili.

À terme, Global Ministries souhaite que les activités agricoles soient étendues et génèrent des revenus dans toutes ses conférences en Afrique occidentale, orientale et australe.

Stimuler le revenu des ménages et la sécurité alimentaire est extrêmement important en Afrique subsaharienne où, selon les chiffres de la Banque mondiale, 424 millions de personnes vivent avec moins de 2 dollars par jour.

En Sierra Leone, le soutien de la BYAI aux petits exploitants agricoles dans les communautés entourant les terres appartenant à l’Église est un élément essentiel de cette stratégie.

La conférence aide les agriculteurs pour les semences, le travail du sol et la récolte. En retour, les agriculteurs soutiennent les activités des fermes gérées par l’Église, en aidant à planter, à désherber et à faire fuir les oiseaux.

« Il y a un objectif communautaire d’augmentation des revenus des ménages, donc lorsque nous labourons leur terre, nous leur fournissons des semences et nous les aidons ensuite à récolter. Tout le riz et les recettes de ces fermes restent à 100 % avec les groupes d’agriculteurs au niveau communautaire », explique Kepifri Lakoh. « Nous devions nous assurer que le fonctionnement soit tel qu’il s’établisse une relation symbiotique entre la communauté et la conférence. De cette façon, la communauté locale et la conférence peuvent toutes deux s’approprier le projet. »

Lorraine Charinda, missionnaire zimbabwéenne et coordinatrice de projet, dirige les activités quotidiennes financées par l’initiative sur les fermes appartenant à l’Église dans la conférence régionale de l’EMU du Nord-Katanga, en République démocratique du Congo.

Titulaire d’une formation professionnelle en agrobusiness et en économie agricole, elle explique que les subventions qu’ils ont reçues sont utilisées pour faire pousser des semences de cultures vivrières, notamment du soja et du maïs. Le maïs est un aliment de base dans le sud-est de la province du Haut-Lomami, où elle est basée dans la capitale, Kamina.

Les graines de soja et de maïs qu’ils cultivent, dit-elle, sont adaptées aux types de sols locaux et au climat tropical de la province. Elles devraient fournir de meilleurs rendements à un coût moindre que les variétés importées au prix fort.

Dans la première phase du projet, l’une des douze fermes de l’Église, dont la taille varie de 250 à 1 000 hectares (600 à 2 400 acres), a travaillé à la production de semences. Dans la deuxième phase, qui a débuté le 1er juin, les graines sont purifiées, triées et emballées pour être vendues aux communautés environnantes.

Elles seront également distribuées à quatre autres fermes de l’Église pour y réaliser des cultures. D’ici la fin du projet, ils prévoient de développer des cultures et des semences de maïs, de soja et de riz dans les douze fermes de la conférence, situées dans quatre districts.

Les communautés environnantes bénéficieront de produits moins chers pour leurs propres cultures et d’emplois dans les fermes gérées par l’Église.

La missionnaire raconte qu’elle et ses collègues se sont inspirés, pour leur travail, du récit où Jésus nourrit 5 000 personnes. Comme avec les cinq pains et les deux poissons, le projet a commencé à petite échelle, mais se développe pour devenir quelque chose de beaucoup plus grand. « Peu importe qui vous êtes, quel âge vous avez, quel est votre sexe, tout le monde finira par en bénéficier »

Pour Roland Fernandes, le secrétaire général de Global Ministries, la durabilité et la responsabilité locale des projets en Afrique sont des principes cardinaux pour cette initiative qui se distancie de « l’approche coloniale » qui a prédominé dans la mission de l’Église par le passé.

« Nous les aidons, mais le programme appartient techniquement aux conférences locales », souligne-t-il. « Nous utilisons souvent l’expression “mutualité dans la mission”. Comment pouvons-nous apprendre les uns des autres ? »

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Être journaliste politique a fait de moi un meilleur chrétien

De nombreux chrétiens sont hostiles aux médias, mais ma foi s’est approfondie grâce à ceux-ci.

Christianity Today June 7, 2022
Illustration de Mallory Rentsch/Images sources : WikiMedia Commons/ James/Unsplash/robynmac/Getty

« Est-il difficile d’être chrétien et journaliste ? » On me pose souvent cette question.

Lorsque je parle de mon travail à des jeunes, elle revient presque à chaque fois. Je trouve toujours cela bizarre. J’ai moi-même grandi dans le cocon douillet d’une communauté évangélique non confessionnelle. Je connais donc les présupposés sur le monde extérieur qui suscitent cette question. Mais je peine encore à saisir pourquoi cela me trouble autant.

De nombreux chrétiens conservateurs américains grandissent dans l’idée que les médias sont malfaisants, presque autant que les démocrates, voire pires. C’est ainsi que j’ai grandi. Tout comme Hollywood et les universités, on m’a appris que les médias étaient de gauche, laïcs et antireligieux ; ils nous détestaient, nous et nos valeurs.

Parfois, l’idée provenait d’un orateur à l’Église. Le plus souvent, elle était retransmise par les médias et autres relais de diffusion qui dominaient la culture évangélique. À n’en pas douter, il s’agissait de radios conservatrices. Mais j’ai aussi entendu ce genre de propos de la part d’organisations politiques conservatrices comme le Family Research Council, Focus on the Family, Christian Coalition et d’autres encore. Je l’ai entendu encore ailleurs, comme dans les conférences Teen Mania où j’allais pour « être enflammé » pour Christ et m’inscrire à des voyages missionnaires à l’étranger.

Ainsi, lorsque les enfants me demandent s’il est difficile d’être chrétien et journaliste, je sais qu’ils en ont une certaine idée en tête. Ils me visualisent en train de travailler au milieu d’athées débauchés, addicts à la drogue et aux relations sexuelles en état d’ivresse, et lisant de la propagande athée.

Lorsque le député républicain de Caroline du Nord récemment élu, Madison Cawthorn, a raconté des histoires d’orgies et de cocaïne en politique, qui ont été ensuite réfutées, il prolongeait les mêmes présupposés motivant les questions que j’ai reçues d’étudiants un peu plus jeunes que lui.

Les chrétiens conservateurs sont beaucoup plus hostiles envers les médias aujourd’hui qu’ils ne l’étaient quand j’étais jeune. Des membres de ma propre famille m’ont dit que je devrais avoir honte de faire mon métier. En fait, la plupart des gens n’aiment pas les médias, et c’est dommageable pour la société. Comme je l’ai écrit récemment dans un article de Yahoo! News, les médias en portent partiellement la responsabilité.

Mais après 20 ans de travail dans le journalisme, c’est aussi grâce à ce métier que ma foi chrétienne est plus profonde et plus forte. Alors que je travaillais à un livre décrivant mon éducation dans la foi chrétienne puis mon parcours en tant que journaliste dans les médias traditionnels, le constat suivant s’est imposé à moi de plus en plus clairement : être journaliste a en fait fait de moi un meilleur chrétien.

Le journalisme a renforcé les traits de mon caractère les plus nobles et les plus chrétiens. J’ai appris pendant deux décennies à discerner le vrai du faux, et — ce qui est probablement encore plus important — à discerner quand il n’y a pas de réponses ou de solutions faciles. J’ai appris aussi à rechercher la vérité, peu importe qui elle pourrait offenser.

J’ai également acquis un sens de l’humilité quant à ce qu’il est possible de savoir avec certitude, avec la capacité de reconnaître que notre point de vue est souvent limité et incomplet. C’est ce qu’on appelle parfois la « modestie épistémologique », et c’est une qualité dont nous avons grandement besoin lorsque nous nous exprimons.

De nombreux « marchands de crise » aiment à prétendre que les réponses à nos défis sont simples. Cela permet à ces leaders autoproclamés de se bâtir de mini-empires grâce aux likes et aux followers sur les réseaux sociaux, aux téléspectateurs aux heures de grande écoute ou aux auditeurs de la radio. Ils plongent les gens dans une frénésie de colère et de peur et récoltent ensuite une moisson de dollars.

De plus, j’ai expérimenté l’incroyable utilité de l’expertise. L’une des tâches principales du journaliste est de distinguer les experts des pseudo-experts et de savoir leur parler pour ensuite traduire leurs propos pour le lecteur non initié. Cela transforme les perspectives. Un ensemble de faits peuvent sembler univoques, ou unidimensionnels, jusqu’à ce qu’on ait affaire à un expert.

Dès mon plus jeune âge, je me suis accroché à l’idée que le christianisme a foi en la vérité. J’ai toujours aimé la façon dont Jésus défendait la vérité. « Je suis le chemin, la vérité et la vie », dit-il en Jean 14.6. Il a promis que son Esprit nous « guidera dans toute la vérité » (Jean 16.13).

Alors que son exécution était proche, Jésus a dit à Ponce Pilate : « Je suis né et je suis venu au monde pour rendre témoignage à la vérité » (Jean 18.37). Ailleurs dans l’évangile, le Christ affirme que « la vérité vous rendra libre » (Jean 8.32).

Il y a aujourd’hui beaucoup de contraintes qui compliquent la recherche de la vérité pour la plupart des gens. Être journaliste m’a libéré et équipé pour cette tâche.

La plupart des gens fondent leur point de vue sur le monde en fonction des groupes qu’ils fréquentent et ceux auxquels ils appartiennent. Ces groupes façonnent leur identité : leur famille, leur Église ou leur groupe d’amis, leur parti politique, leur milieu professionnel. Plus que cela, leur groupe détermine l’histoire dans laquelle ils croient vivre.

La vision du monde et « l’histoire » d’une personne filtrent ensuite les informations qu’elle absorbe et celles qu’elle rejette. Quel que soit le groupe auquel vous appartenez, il vous punira pour avoir cru ou dit les « mauvaises » choses et vous récompensera pour avoir soutenu ce qu’il défend. Ce problème existe dans tous les groupes, y compris dans le journalisme. La plupart des journalistes des médias dominants vivent dans des milieux qui penchent politiquement à gauche, et grandissent donc avec cette culture ou finissent par en être teintés avec plus ou moins de force.

Cependant, le journalisme est l’un des rares cercles dans lequel prendre la parole contre son propre camp, contre le consensus de sa propre culture, est généralement encouragé et récompensé. Cette attitude est beaucoup plus appréciée que dans la plupart des autres clans.

Il existe d’autres groupes semblables, des milieux professionnels attachés à ce que l’ancien directeur de la CIA, Michael Hayden, appelait « les valeurs des Lumières : collecter, évaluer et analyser des informations, puis diffuser les conclusions pour utilisation, étude, ou réfutation ».

Dans son livre The Constitution of Knowledge (« La constitution de la connaissance »), Jonathan Rauch note qu’aux côtés du journalisme les mondes de l’érudition, de la science, de la recherche, de l’analyse statistique, de la réglementation et du droit mettent tous ces valeurs en avant.

J’ai eu une carrière variée. Pendant huit ans, j’ai travaillé pour un journal conservateur, The Washington Times. Ensuite, j’ai passé un an et demi à aider Tucker Carlson à lancer le Daily Caller. Ensuite, j’ai travaillé pour un site internet orienté plus à gauche, The Huffington Post. Et depuis plus de sept ans, je travaille pour Yahoo! News.

Mon passage au Washington Times a donné le ton à ma carrière. À certains égards, ce journal était marqué par des biais institutionnels mis en place par les propriétaires et les principaux rédacteurs. Mais ceux d’entre nous qui étaient affectés aux actualités étaient farouchement déterminés à suivre les faits où qu’ils mènent.

J’ai toujours suivi cette règle au cours de mes deux décennies de journalisme, et voici ce qui me paraît crucial : l’industrie, dans l’ensemble, a récompensé cette attitude.

J’ai été libre d’écouter, de creuser, d’être d’accord ou non, et de suivre la piste où que mènent faits. Ainsi, je suis en quelque sorte payé pour marcher dans une direction chrétienne, celle qui reste à l’écart des arguments motivés par l’idéologie ou l’appartenance à un groupe.

Comme l’a dit Martin Luther King Jr., les chrétiens devraient toujours constituer une présence prophétique dans le monde, plutôt que d’être redevables à un pouvoir, une principauté ou un parti politique. « L’Église doit se rappeler qu’elle ne doit pas être le maître ou la servante de l’État, mais sa conscience », déclarait King. « Elle doit être le guide et le critique de l’État — jamais son instrument. Tant que l’église sera un instrument de l’État, elle sera incapable de fournir ne serait-ce qu’une once de pain aux hommes du milieu de la nuit ».

Mais les chrétiens ne peuvent pas être la conscience de l’État s’ils ne sont pas d’abord la conscience du parti politique auquel ils appartiennent. Ils ont la difficile tâche d’appartenir à des partis politiques et de travailler pour le bien du pays à travers ces institutions, tout en se tenant à distance des partis pour mettre en lumière leurs faiblesses, leurs erreurs et leurs corruptions.

Plus on se tient à l’écart des pouvoirs politiques, des partis et des groupes, plus on est libre de rechercher la vérité où qu’elle mène. Et plus on poursuit la vérité, plus on distinguera les nombreux domaines où pourrait s’exprimer une critique constructive, quel que soit le bord idéologique. C’est cela que signifie avoir un pied dans le royaume de l’homme et un pied dans le royaume de Dieu : être une sorte de marginal, vivant toujours à la frontière, comme le met en évidence l’artiste Makoto Fujimura.

Les chrétiens devraient être prêts à franchir de nombreuses frontières. Ils devraient appartenir à des partis tout en se tenant à l’écart. Ils devraient même parfois passer d’un parti à l’autre, sans jamais prêter une allégeance inconditionnelle à l’un ou à l’autre. Ils devraient être profondément investis dans le travail pour le bien de leur pays et de ce monde, tout en se rappelant que leur citoyenneté est au Ciel et que leur espérance est en Christ, quoiqu’il arrive.

En traversant différentes frontières pour accroître leur capacité de compréhension et démasquer les mensonges, en particulier ceux véhiculés par des caricatures réductionnistes et des confusions trompeuses, les chrétiens peuvent être des agents de vérité, de nuance et de guérison. Ils peuvent avoir un impact positif sur la culture plutôt que d’y semer la guerre.

Jon Ward est correspondant national principal de Yahoo! News, auteur de Camelot’s End et animateur du podcast The Long Game . Son deuxième livre, Testimony — récit d’une éducation évangélique et de son entrée dans le journalisme — doit être publié en avril 2023 par Brazos Press.

La rubrique Speaking Out est une tribune ouverte aux invités de Christianity Today et (contrairement à un éditorial) ne représente pas nécessairement l’opinion de la rédaction.

Traduit par Philippe Kaminski

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Êtes-vous un chrétien joueur ?

Ce n’est pas parce que la vie est facile que les chrétiens peuvent s’adonner à des fantaisies, mais justement parce qu’elle ne l’est pas.

Christianity Today June 7, 2022
Illustration de Mallory Rentsch/ Images sources : George Marks/ Spiderplay / Getty Images

Au début des années 80, on diagnostiqua à mon grand-père une tumeur au cerveau. Les chirurgiens expliquèrent à mes grands-parents qu’ils avaient confiance en leurs compétences, mais qu’il s’agissait tout de même d’une opération du cerveau (au début des années 80 !) et qu’elle n’était pas sans risque. Cependant, s’il ne subissait pas cette intervention, il perdrait la vue.

La veille de l’opération, ses infirmières furent surprises d’entendre de la musique provenant de sa chambre d’hôpital. Ses quatre enfants adultes étaient venus de loin et s’étaient réunis avec leur mère à son chevet. Au lieu de s’inquiéter ou de pleurer, ils chantaient des cantiques.

Étaient-ils nerveux ? Bien sûr. Mais à la veille de ce qui pourrait être leur dernière matinée ensemble, ils choisirent d’exprimer leur amour par le jeu. Il y avait des larmes, mais il y avait aussi la joie des voix qui s’élevaient ensemble, ces mêmes voix qui s’étaient mêlées depuis que mes grands-parents avaient installé leurs petits autour du piano des décennies auparavant. Mon grand-père a toujours chéri ces paroles de Be Thou My Vision (« Sois ma vision »), l’un de mes hymnes préférés : « Cœur de mon cœur, quoi qu’il arrive/Sois toujours ma vision, ô notre maître à tous ».

Je n’étais pas à son chevet. Je n’étais même pas encore née. Mais l’histoire a résonné dans notre famille pendant des décennies et a changé notre façon de vivre, même à l’aube d’une tragédie potentielle.

Alors que la valeur du jeu peut difficilement être surestimée, son importance est souvent négligée. Nous sommes souvent bien trop concentrés sur l’accomplissement des tâches nécessaires de la vie pour consacrer du temps à de telles futilités. Formulé autrement, qui a le temps de jouer quand les défis auxquels nous sommes confrontés sont si sérieux ?

Comme l’exprime la fameuse description de Thomas Hobbes, la vie peut être « solitaire, indigente, dégoûtante, animale et brève ». Les Écritures dépeignent notre vie comme aussi fugace que celle des fleurs des champs (1 P 1.24). Nous n’avons pas beaucoup de temps sur cette terre, et le temps que nous avons est balisé d’obstacles, d’ennui et de chagrin. Le paradoxe qui entoure le jeu est le suivant : ce n’est pas parce que la vie est facile que les chrétiens peuvent s’adonner à des fantaisies, mais justement parce qu’elle ne l’est pas.

L’ouverture au jeu commence par un premier oui, tout simple. Souriez-vous en retour lorsque l’on vous sourit ? Vous mettez-vous à danser en entendant de la musique ? Tendez-vous la main pour attraper la balle qu’on vous lance ? Le jeu suit un modèle simple d’invitation, de permission et de libération : nous sommes invités à jouer (ou nous nous y invitons nous-mêmes) ; nous recevons la permission de jouer (ou nous nous accordons cette permission) ; enfin, nous nous libérons en entrant dans le jeu — le moment de joie lui-même.

Le paradoxe qui entoure le jeu est le suivant : ce n’est pas parce que la vie est facile que les chrétiens peuvent s’adonner à des fantaisies, mais justement parce qu’elle ne l’est pas.

Ce schéma se reproduit partout, des scènes de théâtre aux tables de cuisine, des salles de classe aux balcons des appartements, des écoles maternelles aux établissements de soins. Il est visible dans toutes les tranches d’âge, cultures et sociétés humaines, et dans les hautes sphères du règne animal. Loutres, dauphins, teckels… Selon l’expert du jeu Stuart Brown, plus l’espèce est avancée, plus elle joue.

L’esprit ludique est bon enfant et un peu espiègle. Il vit les mains ouvertes, sans s’inquiéter de contrôler chaque petit détail, mais en étant disponible pour la spontanéité et la découverte. L’improvisation est ludique, tout comme l’émerveillement. Un esprit joueur nous aide à considérer les erreurs et les échecs comme des opportunités. Cette caractéristique nous permet d’évoluer dans le monde en étant prêts à être surpris, émus, enthousiasmés et bénis. Le plaisir de jouer est essentiel à notre compréhension de nous-mêmes et du Dieu qui nous a créés, et essentiel pour vivre la liberté que Dieu nous donne en Christ.

Le jeu tel que je le décris ne se limite pas à notre participation aux activités que nous considérons comme ludiques, où nous jouons, ou ne jouons pas. Le jeu peut imprégner presque chaque minute et domaine de notre vie. Nous pouvons faire la vaisselle de manière ludique, même si peu d’entre nous qualifieraient cette activité de jeu. Il est possible de se montrer joueur dans nos relations, notre travail, nos loisirs.

Nous pouvons tenir une maison de manière ludique et élever des enfants de manière ludique. Nous pouvons organiser une réunion de manière ludique, coudre un bouton de manière ludique et faire nos courses de manière ludique. Même le sexe peut être un acte fondamentalement ludique. Tout ce qui est ludique implique le jeu, même si le jeu n’est pas toujours ludique. Par exemple, un footballeur en train de perdre un match important continuera à jouer au football, mais probablement avec une ferme détermination plutôt que de manière ludique. Lorsque je parle de jeu, je fais référence au fait d’entreprendre des activités de toutes sortes dans un esprit ludique, plutôt que de s’engager dans des activités spécifiquement ludiques.

Le jeu est essentiel à l’épanouissement de l’être humain. Abraham Maslow l’a reconnu dans sa hiérarchie des besoins, en le plaçant juste après les besoins physiques — nourriture, eau, abri — et la sécurité. Le jeu permet de répondre aux besoins humains profonds d’amour et d’appartenance, d’estime et de développement de soi (la quête de croissance, de transformation et de plénitude). C’est l’huile qui permet au moteur de la vie de fonctionner plus facilement. C’est la colle qui tient les gens — et les cultures — ensemble. Le jeu apporte de la légèreté aux tâches souvent lourdes de la vie.

L’une des meilleures définitions que j’ai trouvées est celle de Malaika Clelland, thérapeute par le jeu, qui m’a expliqué ce que le jeu fait plutôt que ce qu’il est : « Le jeu, c’est tout ce qui nous apporte de la joie et du lien ». Bingo.

Le jeu stimule les zones de notre cerveau liées au plaisir, augmentant les niveaux de sérotonine, de dopamine et d’autres bienfaisantes substances chimiques. Il renforce nos relations avec les autres, en augmentant la confiance et les liens. Il nous ouvre les yeux sur de nouvelles possibilités et de nouvelles façons de penser, nous aidant à découvrir de nouvelles idées, perspectives et solutions. Lorsque j’ai demandé à Malaika Clelland comment le jeu l’aidait dans sa pratique thérapeutique, elle a souri et m’a répondu : « Il ne fait pas qu’aider. Le jeu est la thérapie ».

Un esprit ouvert au jeu sous-tend certains des projets les plus brillants et les plus aboutis. Sinon, pourquoi des entreprises multimilliardaires comme Google, Facebook et Amazon doteraient-elles leurs bureaux de tables de ping-pong, d’installations créatives, de jardins botaniques et de salles de jeux ? Le siège d’Apple comprend un millier de bicyclettes permettant à ses employés de se déplacer sur son vaste campus. Bien sûr, une navette serait peut-être plus efficace, mais serait-elle aussi amusante ?

L’ouverture au jeu nous aide à innover. Selon l’auteur de Free to Learn (« Libre d’apprendre »), Peter Gray, le jeu « est à la base de bon nombre des plus grandes réalisations des adultes ». Travailler dur, sans pauses, sans fantaisie, sans temps de repos créatif, peut être l’ennemi du travail bien fait. Avant de fonder la Khan Academy, un programme éducatif gratuit en ligne, Sal Khan était gestionnaire de fonds spéculatifs.

« Je dois rester ici et chercher d’autres idées d’investissement ! » dit-il un jour à son patron alors que sa journée de travail touchait à sa fin. Son patron lui répondit de rentrer chez lui. « Ok ! » répondit Khan. « Je vais rentrer chez moi et chercher d’autres idées d’investissement ! » Son patron clarifia alors ses attentes :

« Tu n’aideras personne en ayant juste […] l’apparence du mouvement. Si tu t’épuises, tu ne feras que prendre de mauvaises décisions. […] Lorsque tu es au travail, sois prêt à te lancer dans l’arène […], mais pour ce faire, tu dois avoir d’autres choses dans ta vie. Tu dois lire des livres intéressants, tu dois te ressourcer. Ce ressourcement […] te permettra de rester créatif. »

Ce recadrage transforma non seulement l’expérience de Khan en tant que gestionnaire financier, mais il sema les graines de l’innovation qui l’aidèrent plus tard à créer une ressource éducative brillante et équilibrée. Le jeu peut littéralement changer le monde.

Si un esprit ludique peut aider nos esprits à s’adapter à de nouvelles façons de penser, il nous protège également de la peur de l’échec qui peut paralyser la véritable innovation. Les personnes joueuses sont convaincues que les erreurs ont des leçons à enseigner et que les faux pas peuvent se transformer en victoires surprenantes. Après tout, de la superglu à la pénicilline, tout a été créé par accident : leurs inventeurs ont remarqué quelque chose de nouveau et d’intéressant alors qu’ils cherchaient à concevoir quelque chose de totalement différent.

Les penseurs créatifs sont souvent des maîtres du jeu. Albert Einstein se décrivait lui-même comme peu doué, mais « passionnément curieux ». Thomas Edison aimait lire et réciter des poèmes. Martin Luther King Jr. chantait dans la chorale de son Église. Marie Curie gardait un échantillon de radium sur sa table de chevet comme veilleuse.

Lorsque nous commençons à nous réapproprier une ouverture au jeu, à aborder notre travail, notre repos, notre culte et nos loisirs avec plus de fantaisie, une transformation incroyable est possible. Nous devenons moins liés par la peur de l’échec et plus ouverts à la transformation et à la créativité. Nous résolvons les problèmes plus rapidement et avec plus de facilité. Nous dormons mieux et sommes moins stressés. Nous nous connectons plus facilement aux autres et nous nous considérons plus volontiers comme faisant partie d’une équipe. Et surtout, nous sommes plus heureux.

Alors si l’espièglerie est vraiment la réponse — ou du moins une réponse — à notre quête du bonheur, comment lui laisser la place ? Se contenter d’essayer de s’amuser davantage n’est pas une solution à long terme. En période de deuil ou d’épuisement, lorsque nous subissons une pression constante ou que nous sommes confrontés à des problèmes de santé, l’injonction à être simplement plus heureux peut devenir oppressante, voire carrément cruelle.

Mon amie Kay m’a rappelé une citation horrifiante du film Un violon sur le toit : « Dieu voudrait que nous soyons enjoués même quand nos cœurs sont à bout de souffle ». Aïe. Non. Vraiment, ce n’est pas cela. La dernière fois que j’ai vérifié, Jésus dans son agonie sur la croix criait des psaumes sur l’abandon de Dieu. Il ne citait pas à l’avance le « Soyez toujours joyeux » de Paul tout en sifflotant un air entraînant.

Paradoxalement, les sentiments de tristesse, de deuil, de nostalgie et même de douleur peuvent coexister — et coexistent souvent — avec une forme de jeu. Le poète Ross Gay écrit : « la joie est le lien souterrain, le plus souvent invisible, qui existe entre nous. […] Nous pourrions l’appeler tristesse ». L’ouverture au jeu n’étouffe pas les émotions et ne les ignore pas ; elle ne les repousse pas et ne leur dit pas qu’elles ne sont pas les bienvenues. Elle y prête attention, les nourrit et leur laisse leur place.

Pensez à une veillée funèbre irlandaise où les larmes se mêlent aux récits à propos de la personne aimée. Pensez à la dose de gaz hilarant qui atténue la douleur d’un accouchement. Souvenez-vous de Jésus sur la croix, cherchant à utiliser le langage intrinsèquement poétique du psalmiste pour exprimer son angoisse.

C’est souvent la souffrance qui ouvre notre cœur à la nécessité humaine du jeu. Les gens qui ont tout pour eux — ou paraissent tels — aiment se prendre beaucoup trop au sérieux. Mais ceux qui connaissent leur besoin désespéré de Dieu, leur propre faillibilité et leur faiblesse, peuvent commencer à céder à la libération du jeu. Quelle grâce ! Quel soulagement ! C’est peut-être pour cette raison que Jésus parle avec tant de force de la place des pécheurs dans le royaume de Dieu et de la difficulté qu’auront à y entrer ceux qui sont imbus de leur personne.

Comme le dit Jésus dans l’Évangile de Matthieu : « Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades » (9.12).

Et c’est justement ce que j’aime dans l’Évangile : partout où il y a de la douleur et des difficultés, de la peine et de la tristesse, du chagrin et de la peur, où il faut simplement faire face au quotidien, il y a aussi de l’espoir. Cet espoir a tendance à se manifester au moment où l’on s’y attend le moins, à briller à travers la grisaille, à illuminer l’obscurité, à voltiger comme un éclair.

Le bonheur ne se gagne pas. Si nous recherchons le jeu et nous ouvrons à sa magie, il commencera cependant à s’introduire partout, accomplissant en nous et à travers nous un travail fantastique.

Courtney Ellis est pasteure associée à la Presbyterian Church of the Master , conférencière et autrice. Cet article est un extrait adapté de Happy Now : Let Playfulness Lift Your Load and Renew Your Spirit (Rose Publishing — Publié avec autorisation).

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Books

Le cosmos est plus peuplé que vous ne le pensez

Comment une ancienne prière et un nouveau-né ont changé ma vision des anges.

Christianity Today June 7, 2022
Illustration de Jared Boggess / Images sources : WikiMedia Commons / Laureen March / Getty

Pendant une quinzaine d’années, j’ai oublié l’existence des anges.

Non que j’ai vraiment décidé de ne plus y croire, mais je n’y pensais plus, tout simplement, et si jamais cela m’arrivait, ça n’était que pour déplorer la représentation ridicule qu’on en donne trop souvent.

Je les ai redécouverts en couchant mon bébé un soir.

Ma première fille était encore toute petite lorsque j’ai réalisé, à ma grande surprise, que de manière presque inconsciente j’avais pris l’habitude de demander à Dieu d’envoyer ses anges pour la protéger.

Je travaillais à l’Université Vanderbilt à ce moment-là, et j’étais devenue une habituée d’un café-librairie grec-orthodoxe, Alektor, proche du campus. J’aimais le silence du lieu, sa beauté, ses livres anciens et son chili végétarien. Frère Parthenios, prêtre orthodoxe, et son épouse (que tous appellent simplement « Presbytéra », « femme du prêtre ») étaient les gérants du lieu. Ma grossesse était déjà bien avancée lorsque Presbytéra – devenue une amie – m’a offert l’icône d’un ange en me disant que c’était pour le bébé. J’appréciais son geste, mais cela ne me toucha pas particulièrement sur le plan spirituel. Je suis protestante après tout et, même si je n’avais pas d’aversion particulière pour les icônes et les anges, je n’étais pas pour autant particulièrement attirée par ces derniers. J’accrochais tout de même la petite image de bois au-dessus du lit de ma fille.

Des mois plus tard, alors que je priais pour elle avant de la coucher, je lui montrai l’image de l’ange pour lui faire comprendre que je priais pour que des anges la protègent. J’ignore ce qui s’est passé dans ma tête ou dans mon cœur ni ne comprend comment cette prière s’est lentement invitée dans mes pensées, me paraissant soudain crédible et naturelle. Mais je crois pouvoir dire aujourd’hui que l’énorme responsabilité – l’amour et la vulnérabilité – qu’implique la maternité, m’ont poussée à chercher de l’aide partout où je pensais pouvoir en trouver.

J’étais très conscience de la petitesse et de la fragilité de ma fille dans cet immense univers et je savais que toute la force de mon amour ne suffirait jamais à la protéger. J’étais petite et fragile moi aussi. Et pourtant j’avais conscience, dans cette petite maison plongée dans la profonde obscurité de la nuit, que je n’étais pas seule.

Les « choses bizarres »

Le Livre de la prière commune contient diverses prières pour les Complies, le nom traditionnel de la prière du soir de l'Église. L'une d’entre elles intègre la ligne suivante : « Donne à tes anges mission de veiller sur ceux qui dorment ». Ce passage de la prière des Complies nous invite à croire à un univers peuplé.

Après la période des Lumières, en Occident, notre imaginaire collectif a vidé le cosmos de toute vie surnaturelle, aussi sûrement que l’industrie a vidé la mer de certains de ses poissons. Nous avons pris l’habitude de considérer, même inconsciemment, l’univers comme une mer immense et dépeuplée sur laquelle nous dérivons en solitaire. Il est désormais désenchanté, dénué de mystère et certainement pas habité par des anges.

Mais ça n’a pas toujours été le cas. Les chrétiens de l’Antiquité croyaient en un univers peuplé d’anges et les grandes figures du christianisme les évoquaient souvent, et bien plus facilement que moi. Thomas d’Aquin, parlant des anges, les appelait « créatures incorporelles » et « créatures intellectuelles ». Au Ve siècle, Denys l’Aréopagite écrivait « qu’ils sont “mille milliers” et “dix mille myriades” […]. Multiples, en effet, sont les armées bienheureuses des esprits supra-mondains, qui surpassent l’ordre débile et limité des nombres matériels en usage parmi nous ». Hilaire de Poitiers disait aussi que « tout ce que l’on croit vide est peuplé d’“anges” de Dieu et il n’est aucun lieu que n’ha­bite cette “foule” des serviteurs divins. »

Ce qui allait de soi pendant des siècles – cette réalité d’un univers débordant de vie divine – est devenu difficile à croire. Mes « difficultés » avec les anges ne sont toutefois pas d’ordre intellectuel. Elles résultent d’un manque d’imagination, cette dernière ayant été formée – ou déformée – par une vision désenchantée du monde, cet espace immense et vide.

Croire au surnaturel peut être très embarrassant dans les milieux où j’évolue, surtout le surnaturel « honteux », qui se marie très mal avec la tendance new-age et bien plus exotique actuelle. Des anges ? Sérieusement ! Ce genre de figurines de mauvais goût qui encombrent les étagères de tante Adèle. Pour moi, il ne s’agissait pas tant de refuser toute croyance aux anges mais ceux-ci avaient perdu toute réalité. Ils étaient devenus ridicules, anthropomorphisés jusqu’à la caricature.

Nous pouvons être tentés de désenchanter notre foi afin de la rendre plus respectable, mais il n’en reste pas moins que nous continuons à croire toutes sortes de choses étranges. Si nous ne croyons pas à un univers enchanté – les « choses bizarres », – la plénitude de la réalité, la plénitude de Dieu, nous échapperont à jamais et nous serons à jamais incapables d’accepter le mystère de notre propre vie, ces questions difficiles qui ne trouvent aucune réponse. Pour supporter le mystère, nous devons apprendre à surfer sur les vagues tumultueuses du merveilleux.

Une porte ouverte sur le surnaturel

La nuit est le moment où nous pouvons entendre les murmures d’un univers habité et penser aux réalités spirituelles invisibles. Notre imaginaire est riche de tous les possibles : toutes les cultures du monde ont leurs histoires de fantômes – ou autres esprits – qui se manifestent pendant la nuit. Cette prière de la nuit nous ramène au surnaturel. Nous y sommes confrontés à la réalité d’un univers que nous ne pouvons ni voir, ni mesurer, et encore moins maîtriser.

La prière elle-même, quelle qu’en soit la forme, nous permet d’interagir avec un univers qui transcende le monde matériel, un monde rempli de trop de mystère pour que nous puissions en parler en bonne société. Dans un certain sens, la prière est une activité ordinaire et très quotidienne. Mais c’est aussi une porte ouverte sur une autre réalité. De quelque manière que vous la présentiez, comme un temps de silence ou accompagnée de textes magnifiques, elle n’en reste pas moins, dans une culture qui ne voit le monde qu’en trois dimensions, une pratique inévitablement grossière et méprisable.

Lorsque je suis devenue pasteur dans une Église locale, la question du surnaturel est vite devenue incontournable. Des paroissiens, face à des manifestations spirituelles inexplicables, me demandent assez souvent de les aider à traiter ces phénomènes surnaturels. Et pas seulement des personnes excentriques. Des médecins, des enseignants ou des hommes d’affaires, bien dans leur peau et sains d’esprit, me demandent de venir prier chez eux parce qu’ils pensent avoir vu un démon ou qu’ils ont fait une expérience inquiétante. Et, de la même façon qu’un plombier doit répondre à des problèmes de canalisations bouchées, je dois être capable de répondre à des questions surnaturelles. Cela fait partie du job et tous les pasteurs que je connais ont leur lot d’histoires à raconter à ce sujet.

Cependant mes convictions dans ce domaine ne sont dues ni à ma fonction ni à quelque étrange expérience mais, une fois encore, à la prière.

La prière nous ouvre les yeux sur l’essence de la réalité. La prière précède souvent la foi, même si nous renversons souvent la formule et la considérons comme une simple expression de soi : nous commençons d’abord par nous forger des convictions sur Dieu et le monde, puis nous apprenons à prier, nos prières mettant des mots sur notre vie intérieure. Mais la réalité est tout autre car c’est la prière qui façonne notre vie intérieure. Et si nous prions comme on nous l’a appris, sans nous soucier de ce que nous ressentons pour Dieu sur le moment, nous découvrons parfois, à notre grande surprise, que la prière nous apprend à croire.

Et ce tout particulièrement lorsque nous passons par des moments difficiles. Quand l’adversité est grande, croire est un combat et faire confiance à Dieu ressemble à une impossible ascension. Nous sommes affaiblis et nos jambes tremblent. Mais c’est en de tels moments que les convictions de l’Église nous soutiennent. Lorsque nous confessons notre foi pendant le culte, nous ne disons pas : « Je crois en Dieu le Père… », parce que ce que « je crois » varie d’une semaine à l’autre. Mais nous disons : « Nous croyons… ». La foi n’est pas un sentiment, ni une sensation intérieure, mais une réalité extérieure dans laquelle nous entrons, et lorsque notre foi faiblit, il ne nous reste parfois plus qu’à nous appuyer sur la foi de nos prédécesseurs. Nous croyons ensemble et, grâce à Dieu, cette foi ne dépend ni de moi ni de ma foi toujours changeante.

La lecture de la Bible, les chants, les sacrements et les prières communautaires sont nos planches de salut dans la souffrance. Lorsque nous voulons connaître Dieu, mais que nous sommes trop faibles pour marcher, ce sont elles qui nous soutiennent.

Un acte d’abandon

« Donne à tes anges mission de veiller sur ceux qui dorment. » Ce que j’aime le plus dans cette prière est sa façon de mêler le surnaturel à l’activité humaine la plus ordinaire : dormir.

Nous nous endormons chaque nuit dans des lits ordinaires et des maisons ordinaires, mais nos nuits se déroulent dans un univers qui ne l’est pas. Notre chambre est peuplée d’êtres invisibles appartenant eux-mêmes à un univers débordant de vie. Aussi demandons-nous des choses insensées : que Dieu envoie des créatures surnaturelles pour qu’elles veillent sur nous tandis que nous ronflons sur notre oreiller.

Nous sommes tous sans défense lorsque nous dormons. Qu’importe notre profession ou notre position sociale, nous devons tous éteindre la lumière, nous « déconnecter » et sombrer dans l’inconscience pendant près d’un tiers de notre existence. Que nous le voulions ou non nous devons nous rendre vulnérables pour pouvoir dormir. Et nous pouvons être cambriolés ou nous réveiller le jour suivant dans un monde que nous n’aurions jamais imaginé la veille.

Le sommeil nous rappelle à notre impuissance. Quand nous dormons nous ressemblons à tout le monde, nous ne faisons rien qui nous distingue des autres, rien qui puisse s’ajouter à notre CV. À cause de cela, le sommeil est une pratique contre-productive, qui nous rappelle que notre assurance ne repose pas sur notre productivité, nos prouesses ou nos propres forces, ni même sur notre capacité à rester en vie.

Dans la tradition chrétienne, le sommeil a toujours été considéré comme une façon de se préparer à la mort. Jésus et Paul parlent d’ailleurs de la mort comme d’une sorte de sommeil. Notre plongée nocturne dans l’inconscience est un memento mori, un rappel de notre condition de créature, de nos limites et de notre faiblesse.

Cependant, notre cerveau et notre corps restent actifs pendant le sommeil. Une foule d’activités se met en branle dans nos têtes : nous rêvons, luttons contre la maladie, trions et approfondissons les connaissances engrangées pendant la journée. Nous savons maintenant qu’une partie des apprentissages se produit bien pendant le sommeil et dépend même de ce dernier. Les informations que nous stockons pendant la journée tournent en boucle dans notre cerveau pendant la nuit, ce qui nous permet de les assimiler, de les mémoriser et de les utiliser au quotidien.

Et cela se passe sans même que nous le sachions, que nous y consentions ou que nous n’exercions le moindre contrôle sur le processus. Notre corps est ainsi fait qu’il nous faut nous départir de notre autosuffisance et de notre toute-puissance si nous voulons vraiment nous accomplir. Tant physiquement que spirituellement, nous devons être prêts à accepter notre vulnérabilité si nous voulons apprendre ou grandir un tant soit peu.

Toutes les nuits, la révolution des planètes, l’activité des anges et l’œuvre de Dieu dans le monde se coordonnent parfaitement sans nous. Pour le chrétien, le sommeil est une façon « incarnée » d’exprimer sa confiance en Dieu : nous dormons parce que nous croyons que Dieu n’a pas besoin de nous pour faire son travail.

L’ « ergonomie du salut »

Il y a quelques années de cela, mon père a eu une violente crise cardiaque sur un bateau de croisière, en plein milieu de l’océan. Ma mère nous a envoyé un premier message pour nous tenir au courant de la situation, puis plus rien pendant deux jours. Impossible d’en savoir davantage. Après maintes tergiversations, il nous a été possible de joindre le médecin du bord qui nous a appris que papa allait être débarqué et conduit dans un hôpital en Amérique du Sud, mais qu’il allait devoir passer encore une nuit sur le bateau.

Je n’ai pas oublié cette nuit où, allongée sur mon lit, je pensais à mes parents ballottés sur l’immense océan. Je ne pouvais pas leur venir en aide, ni les réconforter, ni même les joindre. Je ne pouvais pas faire avancer le bateau plus rapidement ni même dire avec certitude si mon père serait encore vivant le jour suivant. Et profondément convaincue de mon impuissance, je m’endormis très vite, ce qui m’arrive rarement.

Comme un enfant qui sait que ce n’est pas à lui de diriger la Bourse de New York, puisqu’il est tout juste capable de gérer son emploi du temps, la prise de conscience du peu de contrôle que je pouvais exercer sur les choses me permit de tout remettre entre les mains de Dieu.

La pratique de la prière, comme celle du sommeil, est une manière de se reposer en Dieu en dépit de notre extrême fragilité, sans pour autant savoir quand ni comment viendra le matin. C’est une véritable « ergonomie du salut », une façon d’apprendre à marcher dans un monde de ténèbres.

Nous sommes des êtres limités et il y a tant de mystères dans notre cerveau – et dans notre chambre à coucher – que nous ne pourrons jamais les circonscrire ni les éclairer. Nous nous couchons et nous endormons donc chaque soir en sachant que nous ne sommes jamais seuls. Nous ne sommes pas abandonnés.

Extraits de Prier au sein des ténèbres, de Tish Harrison Warren. Publié avec l’autorisation des éditions Excelsis, 385 chemin du Clos, 26450 Charols, France.

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15 prières pour un monde violent

Guerres, tueries, violences domestiques. Comment prier lorsque la souffrance accable notre monde ?

Christianity Today May 31, 2022
Illustration de Mallory Rentsch / Images sources : WikiMedia Commons

En tant que père de deux enfants en âge d’école primaire, la nouvelle de la fusillade du 24 mai dernier à Uvalde, au Texas — à trois heures à peine au sud de chez moi à Austin — m’a profondément bouleversé. Dix-neuf enfants et deux enseignants ont été tués !

Le lendemain matin, en conduisant ma fille à l’école, j’ai ressenti avec acuité la fragilité et l’imprévisibilité de la vie. J’éprouvais une peur intense, et une colère croissante.

À peine dix jours auparavant, un jeune homme de 18 ans aux motivations racistes, vêtu d’un gilet pare-balles et armé d’un fusil muni d’un chargeur à grande capacité, avait abattu dix personnes dans un supermarché de Buffalo et en avait blessé trois autres. Onze des treize victimes étaient noires.

Un jour après cette fusillade dans le nord de l’État de New York, un tireur a fait irruption dans la Geneva Presbyterian Church, à Laguna Woods, en Californie, où un groupe de paroissiens s’était réuni pour un repas en l’honneur d’un ancien pasteur d’une communauté taïwanaise qui utilise l’église pour ses cultes. Il a tué une personne et en a blessé cinq autres.

Une nation en bombarde une autre, une dénomination entretient une liste secrète de pasteurs abusifs, certains sont discriminés à cause de la couleur de leur peau, d’autres persécutés à cause de leur foi, et des milliers de personnes sont cruellement jetées sur les routes — tout cela sur fond de pandémie mondiale.

Il est tentant de se fermer émotionnellement devant toute cette violence. Il est tentant de céder au désespoir. « Ainsi va le monde », pourrions-nous dire, en souhaitant qu’il en soit autrement mais en nous sentant impuissants à faire la différence. Il est tentant de se distraire par diverses occupations ou de se réfugier derrière des rengaines spirituelles pour endormir la douleur. « Lâche prise et laisse Dieu agir. » « Dieu œuvre de façon mystérieuse. » « C’est au ciel que se trouve notre véritable chez nous. »

Mais notre monde est violent et la Bible ne nous permet pas d’ignorer sa violence ou de la rationaliser par des slogans théologiques bien ficelés. Elle nous appelle à regarder notre monde en face, ensemble, et, si nécessaire, à crier notre colère à Dieu. La Bible nous invite à pouvoir nous mettre en colère contre Dieu : il peut supporter toutes nos larmes et nos amères malédictions. Et ces mots devraient pouvoir être prononcés à haute voix, car c’est en partie ainsi que nous empêcherons le chaos de la violence de prendre racine dans nos propres cœurs.

Comme je l’écris dans mon livre sur les psaumes, on ne peut trouver dans le recueil officiel du culte d’Israël, le Psautier, aucune prière fidèle qui banaliserait le mal, aucune foi authentique qui ignorerait la puissance destructrice du péché, et aucun témoignage authentique qui fermerait les yeux sur la violence de notre monde. C’est pour cette raison que nous nous tournons vers les psaumes pour nous guider dans des moments d’obscurité : ils nous montrent ce que nous pouvons — et même devons — prier dans un monde violent.

Mais une question demeure : comment prier dans le sillage d’une telle violence ? Quelles paroles de lamentation pourrions-nous mettre sur nos lèvres pour donner un sens à ce qui est insensé ? À quoi le peuple de Dieu tout entier pourrait-il dire « amen » face au pouvoir corrosif de la haine qui conduit un homme à tuer son voisin de manière totalement irrationnelle ? Que peut dire à Dieu un peuple épuisé et découragé dans l’adversité ?

Évidemment, il est loin d’être facile de répondre à ces questions, mais au cours des deux dernières années, j’ai tenté de donner voix à ces préoccupations sous la forme de prières collectives, dans l’espoir qu’elles puissent s’avérer utiles, et peut-être réconfortantes, pour les personnes confrontées aux terreurs et aux traumatismes causés par la violence sous une forme ou une autre.

Que le Seigneur, dans sa miséricorde, entende nos prières.

Une prière de colère :

Au Dieu dont la sainte colère guérit ; Au Messie dont la juste colère triomphe du mal ; À l’Esprit qui empêche notre colère de devenir destructrice : Accueille nos cœurs blessés ; Prends nos paroles enflammées ; Protège-nous du désir de vengeance. Que notre juste colère alimente le progrès de la justice dans notre monde fractionné et contribue à la réparation des relations brisées dans nos quartiers et nos foyers. Nous te prions ceci pour ta gloire, et pour notre bien à tous. Amen.

Une prière après une fusillade de masse :

Seigneur, toi qui abhorres ceux qui assassinent les innocents, ne sois pas sourd à nos cris amers, nous t’en prions, et ne nous abandonnes pas à notre douleur. Entends nos cris de protestation, ô Dieu de Jacob, tiens compte de nos gémissements pour la justice et viens à notre rencontre en ce lieu humble et désemparé. Réveille-toi, Seigneur ! Réveille-toi ! Délivre-nous du mal, pour l’amour de ton nom ! Nous prions pour que nous soyons témoins de ta puissance salvatrice et de ton pouvoir guérissant. Nous te prions au nom de celui qui est notre Forteresse et notre Refuge. Amen.

Une prière de lamentation :

Dieu miséricordieux, toi qui pleures avec ceux qui pleurent, qui sauves les opprimés, qui prêtes l’oreille aux nécessiteux et qui panses les cœurs brisés, écoutes notre prière. Mets fin à notre détresse. Préserve nos vies. Sauve-nous. Guéris-nous. Tiens-toi près de nous en ce jour. Nous te prions au nom de Jésus, l’homme de douleur, habitué à la souffrance, sur qui nous déposons tous nos soucis. Amen.

Une prière pour la paix en temps de guerre :

Seigneur, toi qui es le vrai roi, aie pitié, nous t’en prions, de ceux qui souffrent des ravages de la guerre en ce jour. Fais taire les va-t-en-guerre, disperse les assoiffés de sang, brise les armes, et prends pitié de ceux qui sont vulnérables, afin que la paix et la justice véritables puissent être restaurées sur cette terre. Nous prions cela au nom du Prince de la Paix. Amen.

Une prière contre la soif de sang :

Seigneur, toi qui as en horreur les sanguinaires, qui réprimes les meurtriers, nous t’en prions : brise l’épée des violents, afin que nous puissions en pleine lumière témoigner de toi comme Dieu de justice et Seigneur d’équité. Nous te prions au nom du Christ notre Roi. Amen.

Une prière en réponse à la mort :

O Christ blessé, toi qui es allé jusqu’aux abîmes les plus monstrueux et qui as englouti la mort dans sa totalité, goûtant son amère fatalité et triomphant d’elle une fois pour toutes, nous te prions de nous libérer de la peur de la mort et de nous réconforter dans les pertes qu’elle nous fait encore subir, afin que nos cœurs soient imprégnés aujourd’hui de ta vie de résurrection. Nous te prions au nom de Celui qui est la Résurrection et la Vie. Amen.

Une prière pour les agents de police :

Ô Seigneur, toi qui aimes la droiture et la justice, nous prions aujourd’hui pour tous les policiers, afin que tu les soutiennes et les bénisses dans leurs fonctions, et que tu les fortifies pour qu’ils défendent la cause des plus fragiles, maintiennent le droit des opprimés, servent le bien de la communauté et préservent la paix dans nos villes, afin qu’ils soient les ambassadeurs de ta justice dans le monde. Nous te prions au nom du Chef des Nations. Amen.

Une prière pour nos ennemis :

Seigneur, toi qui nous demandes de faire l’impossible — de bénir nos ennemis, de prier pour ceux qui nous persécutent et d’aimer ceux qui nous cherchent du mal – nous te prions de faire l’impossible en nous. Aides-nous à aimer nos ennemis comme tu les aimes et à nous rappeler qui sont nos véritables ennemis : Satan, la mort et les forces spirituelles du mal. Par ton Esprit, accomplis aussi un miracle en nos ennemis et, dans ta puissance souveraine, réfrène le pouvoir du mal dans ce monde. Nous te prions au nom de Celui qui est capable d’accomplir des choses impossibles. Amen.

Une prière contre la haine du prochain :

Seigneur, toi qui nous ordonnes de bénir nos ennemis, gardes-nous, nous t’en prions, de faire de nos prochains des ennemis, à nos yeux dignes seulement de haine et ne méritant rien d’autre que des insultes et des malédictions, et accordes-nous plutôt le cœur de Jésus, afin que nous puissions aimer nos prochains comme tu les aimes. Nous te prions au nom de Celui qui fait lever le soleil sur les méchants comme sur les bons. Amen.

Une prière pour aimer un prochain souffrant :

Seigneur, toi qui ne détournes pas le regard de la douleur de ce monde, ouvre nos yeux, nous t’en prions, pour voir la douleur de notre prochain et, par ta grâce, devenir pour lui la présence et la puissance de guérison de Jésus, afin que nos cœurs soient enflammés par ton amour du prochain en ce jour. Nous te prions au nom de Celui qui est le Miséricordieux. Amen.

Une prière pour devenir un peuple épris de justice :

Seigneur, toi qui détestes ceux qui rendent des décisions iniques, fais que nous soyons un peuple qui s’oppose à l’injustice. Où qu’elle se produise, elle est une menace pour la justice en tout lieu. Que nous puissions devenir de dignes représentants de ton royaume de justice, des extrémistes de l’amour du Christ. Nous prions cela au nom de Celui qui libère les opprimés. Amen.

Une prière pour ceux qui se lassent de pratiquer la justice :

Notre Dieu, toi qui vois le cœur de tous avec une parfaite clarté, je confesse mon irritation à l’égard de ceux qui écrasent les autres par leurs mots, qui pensent que personne ne voit ce qu’ils font dans l’ombre, et qui vivent dans un monde de déni. Je suis en colère, j’ai peur et je suis fatigué de faire ce qui est juste. Fortifie mon cœur, je t’en prie, afin que je ne perde pas espoir. Je prie au nom du Bon Berger et du Juste Juge. Amen.

Une prière contre la duplicité de cœur :

Seigneur, toi qui as été acclamé et malmené par une même foule, aie pitié, je t’en prie, de ma propre duplicité : confesser un péché ouvertement tout en en cachant un autre ; bénir Dieu d’un côté tout en maudissant mon prochain de l’autre ; sourire en public, mais me montrer colérique en privé ; aimer Dieu et l’argent de manière égale ; et tant d’autres péchés encore. Accorde-moi la grâce d’être intègre, d’être une seule et même personne en toutes circonstances, quel qu’en soit le prix. Je prie cela au nom de Celui qui reste vrai. Amen.

Une prière pour la venue du royaume de paix :

Seigneur, toi qui a été révélé au monde lors de la visite des Mages, manifeste-toi au monde aujourd’hui comme le Roi qui refuse d’utiliser la violence du monde pour atteindre la paix que nous désirons tant, afin que nous soyons renforcés pour accomplir l’œuvre de ton royaume de paix en notre temps et en notre lieu. Nous te prions au nom de notre Rédempteur et Roi. Amen.

Une prière d’allégeance au Prince de la Paix :

Seigneur, toi qui mérites toute notre loyauté, nous promettons aujourd’hui notre allégeance à l’Agneau de Dieu et au royaume de valeurs inversées qu’il représente. Puissions-nous être une nation sainte en Dieu, le Roi Serviteur et le Prince de la Paix, offrant liberté et justice à tous sans exception. Nous prions ceci au nom de la Sainte Trinité. Amen.

W. David O. Taylor est professeur associé de théologie et de culture au Fuller Theological Seminary . Il est l’auteur de Open and Unafraid : The Psalms as a Guide to Life, un livre accompagné d’une série de cartes de prière.

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