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 Pourquoi les billets VIP posent problème dans les conférences chrétiennes

Les avantages exclusifs peuvent relever de décisions économiques bien intentionnées, mais les rassemblements chrétiens ne devraient pas renforcer les hiérarchies économiques.

A big group of people separated from a small group of people.
Christianity Today December 16, 2025
Illustration by Elizabeth Kaye / Source Images: Unsplash

Lorsque j’étais plus jeune, ma famille se rendait parfois à Jacksonville pour rendre visite à mon arrière-grand-mère Alice, que nous appelions Mama. Je me souviens de la silhouette menue de ses chevilles enflées sous l’ourlet lilas de sa robe d’intérieur. Elle était heureuse de nous voir. Sa joue douce et marquée par l’âge se pressait contre la rondeur de la mienne lorsque nous nous serrions dans les bras. La maison sentait la cuisine de ma mère — mais en mieux encore. Maman cuisinait toujours avant même qu’on l’appelle, coupant ses patates douces comme si le calme du jour signifiait que quelqu’un, quelque part, pouvait avoir faim.

Si Mama savait aimer de cette manière, c’était pour la même raison qu’elle dressait une table dans une maison vide. Elle nourrissait les gens avant même de savoir qui allait venir. Je ne savais pas alors que ce qu’elle faisait relevait du discipulat : elle m’enseignait l’hospitalité sans hiérarchie.

Mama est partie rejoindre Jésus il y a quelque temps, mais ce qu’elle incarnait ne m’a jamais quitté. En grandissant, cette vision de l’accès m’a poussé à lutter avec les zones de ma vie où la foi croisait les réalités du marché. À l’âge adulte, j’ai passé une grande partie de mon temps à écrire, à me produire sur scène et à voyager en tant qu’artiste de poésie parlée. J’ai évolué dans divers espaces où la présence de Dieu est mise en lumière : conférences de jeunesse, événements de poésie chrétienne, ateliers et festivals. C’est aussi dans ces lieux que je gagne ma vie.

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Pour rassembler un grand nombre de chrétiens autour de l’art, de l’inspiration et de l’édification spirituelle, nous organisons des événements qui nécessitent une structure financière — billets, catégories de prix, laissez-passer, accès exclusifs — afin d’être viables. C’est un système façonné à la fois par l’appel, la créativité et les réalités économiques. Nous prenons en compte la vente de billets, les budgets, les frais de déplacement, les cachets des artistes et intervenants, ainsi que la qualité globale de la production. Ces rassemblements sont bel et bien des ministères, mais les impératifs financiers demeurent. Comment, sinon, pourrais-je payer mes frais de scolarité, mes courses ou mon essence ?

En même temps, un malaise s’est installé en moi, notamment face aux passes VIP et aux billets plus chers offrant à un petit nombre de participants un accès aux coulisses, des rencontres avec les intervenants et toute une série d’avantages que les autres n’auront jamais. Certains musiciens chrétiens ont déjà été critiqués pour ces expériences VIP. Mais ces billets sont aussi proposés dans des conférences et d’autres événements non musicaux — mon domaine principal et ce qui me préoccupe ici.

Il est vrai que ces expériences à fort niveau d’accès peuvent permettre de subventionner les coûts pour l’ensemble des participants. Mais notre quête de revenus par ce biais renforce des hiérarchies économiques existantes, et cela mérite une réflexion critique.

Les conférences et événements chrétiens ponctuels ne sont pas l’Église locale, et je ne suggère pas qu’ils devraient l’être. Ils ne portent pas le même poids d’alliance, ne reposent pas sur des anciens, n’impliquent pas la même responsabilité pastorale ni le même mandat biblique qu’une communauté rassemblée. Ils ne sont pas indispensables à la formation chrétienne et ne sont pas destinés à remplacer les moyens de grâce qui façonnent la vie quotidienne des croyants.

Mais même s’ils ne sont pas l’Église, les conférences comptent. Les rassemblements façonnent l’imaginaire chrétien et notre discipulat. Et lorsque les espaces qui nous forment deviennent financièrement stratifiés, ils risquent de nous discipliner selon une hiérarchie que Jésus n’a jamais incarnée (Jacques 2.1–9). Mon problème n’est pas que les conférences coûtent de l’argent ; c’est ce qui se produit lorsque le prix nous sépare subtilement les uns des autres et détermine qui peut entrer dans certaines salles et qui ne le peut pas — et je sais que certains ne le peuvent pas, parce qu’ils me l’ont dit.

Pendant quelques années, j’ai voyagé avec Poets in Autumn (PIA), un collectif de poètes chrétiens qui a sillonné les villes pendant plus de deux mois.

Les gens venaient nous voir pour assister à quelque chose de créatif et de fidèle. Nous présentions de la poésie, principalement dans des églises, où les participants ne se réunissaient pas seulement pour écouter des textes, mais pour être inspirés, interpellés, divertis et, d’une certaine manière, formés, même s’ils n’en avaient pas encore conscience. J’ai vu de mes propres yeux la beauté de ces espaces. Des personnes qui, en temps normal, ne se seraient jamais côtoyées adoraient ensemble, tandis que des communautés se formaient dans les halls d’église.

Notre tournée comprenait de nombreuses villes où nous vendions des billets d’entrée générale ainsi que des passes VIP. Mais lorsque la tournée est arrivée dans ma ville natale de Philadelphie, mon pasteur principal de l’époque a fait quelque chose de particulier : il a proposé de financer l’intégralité de la soirée. Chaque place disponible serait gratuite. Il n’avait qu’une seule condition : que tout le monde vive exactement la même expérience.

Les gens sont venus en masse non seulement de Philadelphie, mais aussi de New York, du Delaware, de Virginie, et même de Floride. Ce soir-là, la salle était pleine. Beaucoup se sont joints à l’Église, ont trouvé une communauté et un langage pour exprimer ce qu’ils portaient depuis longtemps. Ce n’était pas parfait, ni destiné à devenir un modèle permanent. Mais c’était un merveilleux aperçu de ce qui a été possible à Philadelphie pendant une soirée, grâce à la générosité d’une seule personne.

Certaines Églises pourraient s’associer à des conférences et reproduire ce type d’expérience. Mais je sais que cela restera rare. Voici donc une option plus durable : l’accès « VIP » n’a pas besoin de disparaître ; il doit simplement être repensé.

Au lieu d’offrir une proximité avec les orateurs, enseignants, poètes et autres, ces billets plus coûteux pourraient fournir un service. Une idée serait d’honorer les donateurs qui choisissent de payer davantage, plutôt que de récompenser simplement la richesse. Lorsque des rassemblements chrétiens proposent des billets VIP à prix élevé, ils pourraient expliquer que ces billets servent à subventionner le coût pour d’autres participants ou à soutenir le ministère. Les acheteurs de billets VIP ne bénéficieraient d’aucun accès exclusif, mais, comme pour un don caritatif, pourraient recevoir une carte de remerciement exprimant la reconnaissance.

Il y a bien sûr des compromis. Certains ne paient plus que s’ils savent qu’ils recevront quelque chose en retour. Mais inversement, si les participants qui bénéficient d’un tarif réduit savent que les détenteurs de billets VIP permettent de baisser le prix d’entrée ou de soutenir le ministère par pure générosité, cela pourrait susciter davantage de reconnaissance et peut-être un sentiment plus fort de communauté parmi l’ensemble des participants.

Si les billets à plusieurs niveaux doivent demeurer, qu’ils servent comme Mama l’aurait fait en sachant que l’assiette la plus pleine nourrit aussi les autres. Le niveau le plus élevé serait celui qui investit le plus financièrement dans le corps. Un tel modèle élargirait l’œuvre des conférences et des ministères, au lieu d’accroître la distance entre les participants. Autrement dit, l’étiquette VIP existe pour une bonne raison : elle peut devenir un signe de générosité.

Traduit par Jonathan Nabié

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