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Des réfugiés perçus comme une opportunité divine

Malgré des critiques de diverses provenances, une église en Suède continue de promouvoir l’évangélisation parmi les musulmans.

Asylum seekers arrive in Sweden.

Des demandeurs d'asile arrivent à la gare de Malmö, en Suède.

Christianity Today September 30, 2025
Johan Nilsson/AFP via Getty Images

Joakim Lundqvist n’aurait jamais imaginé devenir le pasteur de centaines de personnes prénommées Muhammad.

Pourtant, à la suite de l’afflux en Europe de demandeurs d’asile venus de zones de conflit dans des pays à majorité musulmane comme la Syrie, l’Afghanistan et l’Irak, lui et son église Livets Ord (« Parole de Vie ») à Uppsala en Suède, ont vu leur communauté s’agrandir considérablement. 

Beaucoup de ces nouveaux venus sont d’arrière-plan musulman. Et beaucoup sont désireux d’en savoir plus sur Jésus.

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Au cours des dix dernières années, explique Lundqvist, l’église a vu plus de 900 musulmans se convertir au christianisme, et 450 suivre et terminer le cursus de formation biblique proposé par la mégaéglise charismatique. 

Fondée en 1983 par Ulf Ekman, l’organisation Livets Ord est devenue une force importante du mouvement charismatique, rassemblant des milliers de fidèles à Uppsala, mais aussi au sein de centres internationaux en Europe, en Russie, au Moyen-Orient et en Asie.

Alors que les débats sur l’immigration en Europe refont régulièrement surface, la rhétorique reste chargée d’émotion sur tout le continent. Des voix populistes présentent les migrants — en particulier musulmans — comme une menace pour l’identité européenne. Les principaux dirigeants politiques appellent eux à un dialogue plus nuancé, respectueux du multiculturalisme et des droits humains.

Lundqvist adopte une autre perspective. Selon lui, cette situation pourrait témoigner de ce que « Dieu est en train de faire une chose nouvelle ».

S’il reconnaît des problèmes dans les systèmes européens d’immigration et d’intégration, il affirme aussi que « chaque problème recèle une possibilité. Et cette possibilité, c’est la conversion massive des musulmans en Europe. »

Dix ans après l’arrivée record de 1,3 million de migrants en Europe en 2015, des églises comme celle de Lundqvist ont été profondément transformées, accueillant des demandeurs d’asile et de nouveaux croyants issus de pays où l’évangélisation a souvent été freinée.

Aujourd’hui en poste dans une église de l’organisation à Baton Rouge (Louisiane) et dans une autre à Dallas (Texas), tout en continuant à prêcher régulièrement à Uppsala, Lundqvist se souvient que, au plus fort de la crise migratoire, son équipe pastorale a reçu une « parole prophétique ».

Au lieu de se plaindre de ce qu’ils percevaient comme des « lois migratoires libérales », ils ont senti l’appel à embrasser une « nouvelle vague missionnaire », voyant « une opportunité pour l’Évangile » en pleine crise humanitaire. Partageant cette vision avec leurs membres, Lundqvist et d’autres pasteurs se sont mis au travail. Aucune stratégie n’a été laissée de côté, aucune méthode n’a été négligée : pancartes « Refugees Welcome », soirées festives incluant des présentations de l’Évangile, actions d’évangélisation de rue auprès des nouveaux arrivants dans les quartiers où ils vivent.

Ils ont également été les pionniers d’initiatives missionnaires audacieuses dans les pays à majorité musulmane. En juillet 2016, Lundqvist annonçait que l’église utiliserait des drones pour larguer des milliers de bibles miniatures au-dessus de territoires contrôlés par l’État islamique en Syrie et en Irak. La méthode a suscité de vives critiques du fait de l’association entre drones et interventions militaires violentes, mais le responsable missionnaire de Livets Ord a défendu cette initiative, la comparant à la contrebande de bibles au plus fort de la Guerre froide.

Selon Lundqvist, malgré les controverses, ces efforts ont porté leurs fruits : « Nous avons trouvé qu’il était bien plus facile de parler de Jésus avec des musulmans qu’avec des Suédois ordinaires », a-t-il déclaré, « au point que 75 % de ceux qui acceptent Christ dans notre église sont d’anciens musulmans. »

Partout sur le continent, responsables religieux et missiologues affirment qu’un nombre important de migrants et de réfugiés musulmans ont embrassé le christianisme au cours de la dernière décennie. Les explications varient : intervention divine, stratégie pour faciliter la demande d’asile, ou encore besoin d’appartenance sociale.

Il est difficile d’obtenir des statistiques fiables. Duane Alexander Miller, prêtre anglican et spécialiste de la contextualisation et de la conversion à la Faculté de théologie protestante de Madrid, reconnaît que certaines estimations peuvent être exagérées. Mais, selon lui, la tendance est réelle :

« Nous constatons plus de conversions de l’islam au christianisme au cours des 60 dernières années que pendant toutes les années depuis la naissance de l’islam », affirme le spécialiste. 

Il appelle toutefois à la prudence. Non seulement la fiabilité des chiffres cités et les conversions en sens inverse suscitent des interrogations, mais d’autres défis se posent également, ajoute-t-il. La croissance spirituelle, la formation de disciples et l’attachement à l’église sont des défis majeurs. Attirer un grand nombre de convertis dans une église ne garantit pas que ces personnes resteront fidèles dans cinq, dix ou cinquante ans. « Amener quelqu’un à la conversion ou au baptême peut être relativement aisé », dit Miller. 

L’étrangeté d’une nouvelle communauté, combinée aux pressions familiales et amicales, peut peser lourdement sur les nouveaux convertis. Miller prévient les chrétiens tentés de simplement se réjouir lorsqu’ils voient un grand nombre de personnes ou entendent des histoires comme celle de Livets Ord : « Ce n’est pas le moment de se congratuler mutuellement ; le travail ne fait que commencer. »

Certaines critiques soulignent que, malgré leur discours d’accueil, des églises comme Livets Ord peuvent également entretenir des attitudes hostiles envers l’islam.

Emma Sundström, doctorante en théologie à l’université d’Uppsala, étudie les récits de conversion de musulmans devenus luthériens. 

Les témoignages ne sont pas tous identiques, explique-t-elle. Ils varient considérablement selon le contexte. En Afrique de l’Est, par exemple, les convertis parlent souvent de la puissance du christianisme, de guérisons miraculeuses et de la façon dont ils ont vu leurs prières exaucées. En Europe, elle entend beaucoup moins parler de surnaturel.

« On a une vision différente où la conversion est liée à l’église comme lieu où l’on se sent accueilli et où l’on trouve un foyer », analyse-t-elle. 

Ce phénomène s’accompagne parfois d’une critique virulente de l’islam. La chose est logique, selon Sundström, car les convertis souhaitent clarifier les raisons de leur conversion. D’un autre côté, cela pourrait aussi être dû au langage employé par des églises comme Livets Ord. La chercheuse s’inquiète des implications sociales d’une rhétorique qui donne l’impression que tous les musulmans sont mauvais. 

L’église a déjà été critiquée sur ce point. Son fondateur avait qualifié l’islam « d’anti-religion » empreinte de violence et de haine. Malgré le monothéisme musulman, il affirmait que l’islam n’avait rien à voir avec le christianisme et le judaïsme. Ekman a même déclaré que le Coran ne contenait aucune notion de paix ou de pardon — des affirmations que les experts de l’islam et les musulmans soulignent comme tout simplement fausses.

La maison d’édition liée à l’église avait également publié des ouvrages présentant l’islam comme une menace mondiale et suscitant l’inquiétude quant au fait que, en raison de la baisse du taux de natalité, les chrétiens européens vont être remplacés.

Aujourd’hui, l’église a pris ses distances avec ces publications, affirmant qu’elle n’approuve pas chaque ligne imprimée et que tous les membres n’adhèrent pas aux mêmes positions.

Les conversions de Livets Ord ont également été remises en question, même par les autorités de l’immigration qui affirment que les conversions pourraient davantage être une question d’assimilation culturelle ou d’obtention d’asile que de véritable transformation religieuse. 

Le travail de Livets Ord poursuit à Uppsala témoigne ainsi des complexités et des défis de l’évangélisation dans une Europe multiculturelle. 

Miller défend l’église et d’autres organisations similaires. Il affirme que l’action des chrétiens pour convertir les musulmans est l’une des complexités du multiculturalisme, mais que les croyants ne devraient pas avoir à se dérober à leur responsabilité religieuse d’évangéliser. 

« Je ne suis pas polémiste, mais les chrétiens devraient, en toute bonne conscience, avoir la liberté d’affirmer que le christianisme est supérieur à l’islam », affirme le théologien anglican. « Ils devraient faire ce à quoi ils se sentent appelés. C’est une bonne chose d’avoir des approches variées. »

L’église maintient que sa mission est ancrée dans l’amour. Lundqvist estime que les chrétiens doivent être francs quant à leurs croyances, même si elles peuvent offenser. Parallèlement, il est convaincu que l’amour surmontera tous les conflits que les gens pourraient avoir avec lui ou l’église d’Uppsala. 

« Je pense que c’est la voie à suivre », déclare le pasteur. « Soyez plein d’amour pour Dieu et pour ces gens. Alors, même les éléments controversés poseront moins de problèmes. »


Traduit par Mélanie Boukorras pour Infochrétienne.

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