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Attaque de Clapham : l’aide des églises britanniques aux migrants musulmans sur la sellette

Selon un pasteur évangélique, les témoignages de responsables religieux n’ont jamais été censés être le facteur décisif dans l’évaluation des demandes d’asile.

L’église baptiste de Weymouth a accueilli 40 demandeurs d’asile de la barge d’hébergement de migrants Bibby Stockholm.

L’église baptiste de Weymouth a accueilli 40 demandeurs d’asile de la barge d’hébergement de migrants Bibby Stockholm.

Christianity Today March 8, 2024
Finnbarr Webster/Getty Images

Une attaque au produit chimique ayant blessé une douzaine de personnes dans la banlieue de Clapham, au sud de Londres, a relancé, il y a un peu plus d’un mois, le débat national sur le système d’asile britannique et l’implication de l’Église auprès des migrants convertis.

L’auteur présumé de l’attaque, Abdul Ezedi, était un réfugié afghan arrivé illégalement en Grande-Bretagne en 2016. Après le rejet de ses deux premières demandes d’asile, il avait finalement obtenu ce droit en appel, alors même qu’il avait été condamné pour un délit sexuel en 2018.

Lors de son procès, il avait expliqué qu’il s’était converti de l’islam au christianisme et qu’il serait persécuté par les talibans s’il était renvoyé en Afghanistan. Un membre du clergé s’était porté garant de la sincérité de la foi d’Ezedi. Son plaidoyer avait convaincu le juge et Ezedi avait reçu le statut de réfugié.

Le tollé qui a suivi l’attaque de Clapham s’est amplifié à mesure qu’ont été révélés les détails de l’affaire et la sincérité de la conversion d’Ezedi a été sérieusement mise en doute. Entretemps, la police de Londres a affirmé avoir retrouvé son corps dans la Tamise, où il s’est probablement noyé.

Suella Braverman, membre du Parlement britannique, ancienne ministre de l’Intérieur (dont les responsabilités englobent les questions d’immigration), a déclaré à The Telegraph que « les églises du pays [facilitent] les fausses demandes d’asile à une échelle industrielle ».

Braverman affirme que, dans certaines églises, en tant que migrant, il suffit d’« assister à l’office une fois par semaine pendant quelques mois, de sympathiser avec le vicaire, d’inscrire sa date de baptême dans le registre paroissial et, bingo, un membre du clergé certifiera que vous êtes désormais un chrétien qui craint Dieu et qui risque d’être persécuté s’il est renvoyé dans son pays musulman d’origine ».

Selon les médias, la demande d’asile d’Ezedi avait été soutenue par une assemblée baptiste, mais la plupart des critiques qui ont suivi ont visé l’Église d’Angleterre. Matthew Firth, un ancien prêtre de cette l’Église, a déclaré à The Telegraph que si l’Église d’Angleterre n’avait pas commis « directement mal agi », elle avait néanmoins fait preuve de « naïveté » et avait souvent « fermé les yeux » sur des conversions douteuses de la part de demandeurs d’asile.

Les responsables de l’Église d’Angleterre ont contesté ces accusations et soutiennent qu’il n’appartient pas aux assemblées locales de déterminer qui peut prétendre ou non à l’asile. L’archevêque de Canterbury, Justin Welby, a déclaré début février que « c’est au gouvernement de protéger nos frontières et aux tribunaux de statuer sur les demandes d’asile. L’Église est appelée à aimer la miséricorde et à pratiquer la justice. »

Dans cette affaire, la plupart des déclarations de responsables ecclésiaux ont reflété la manière dont le clergé avait réagi à des controverses similaires dans le passé. Toutefois, certains éléments indiquent que l’Église pourrait bientôt modifier la manière dont elle soutient les demandeurs d’asile.

En effet, certains pasteurs, tout en affirmant leur devoir de soutien aux personnes vulnérables, ont admis qu’il était difficile de discerner si les convertis qui se préparent au baptême sont vraiment croyants. Dans ce sens, The Guardian rapporte que l’Église d’Angleterre est en train de réviser ses directives à l’intention du clergé à propos de son engagement envers les demandeurs d’asile. On ne sait actuellement pas encore de quels changements de directives spécifiques il s’agit.

D’autres communautés, en dehors de l’Église d’Angleterre, ont également fait l’objet d’une couverture médiatique intense après l’attentat de Clapham.

Plusieurs médias se sont penchés sur le ministère de l’église baptiste de Weymouth auprès des migrants musulmans qui vivaient sur la barge Bibby Stockholm. Ce bâtiment naval avait été affrété par le gouvernement britannique pour servir d’espace de vie à environ 500 demandeurs d’asile pendant le traitement de leur demande.

Selon un reportage de la BBC datant de début février, cette église baptiste travaillait avec 40 hommes, dont 6 avaient déjà été baptisés. Et d’après la déclaration, sur BBC Radio 4, de Dave Rees, un ancien de l’église, la présence d’un pasteur parlant le farsi avait renforcé l’engagement de l’église auprès des migrants.

L’église baptiste de Weymouth fait partie de l’Alliance évangélique du Royaume-Uni, un réseau d’églises et de croyants évangéliques dans le pays et membre fondateur de l’Alliance évangélique mondiale. Danny Webster, directeur du plaidoyer de l’organisation, estime que le discours ambiant a exagéré le rôle des églises dans l’obtention des demandes d’asile.

Il soutient que les témoignages de responsables d’église n’ont jamais été destinés à être le facteur décisif dans l’évaluation des demandes d’asile. Ils sont plutôt simplement considérés comme une meilleure preuve de foi authentique que les réponses des demandeurs d’asile aux questions triviales posées par les assistants sociaux du ministère de l’Intérieur, qui font parfois preuve d’un grand illettrisme religieux. (CT a par le passé évoqué quelques-unes de ces questions utilisées pour évaluer la foi des convertis chrétiens demandeurs d’asile au Royaume-Uni). Webster estime toutefois que l’attentat de Clapham pourrait conduire à certains ajustements.

« Je pense que les responsables d’église devront faire preuve de plus de discernement encore à l’avenir », dit-il. « Je pense qu'il serait judicieux d'établir des normes de base, c'est-à-dire de savoir depuis combien de temps cette personne fréquente l'église, quel a été son engagement – il s'agirait donc de critères plus factuels plutôt que [d'une opinion personnelle]. »

Malgré le risque élevé de critiques, Webster estime que les croyants devraient continuer à s’engager auprès des demandeurs d’asile : « Nous voulons que les églises partagent leur foi, nous voulons que les gens se fassent baptiser et, en fin de compte, ce n’est pas à nous de décider de la sincérité de quelqu’un. »

Sara Afshari, chargée de recherche au Oxford Centre for Mission Studies, encourage également les églises à continuer à soutenir les demandeurs d’asile et les autres migrants. Elle s’est convertie au christianisme en 1989, alors qu’elle vivait encore en Iran, son pays natal. Après son baptême, elle a été emprisonnée à plusieurs reprises en raison de sa foi.

Elle est ensuite venue au Royaume-Uni pour étudier la théologie et a trouvé une communauté de soutien au sein de l’Église d’Angleterre. Ses recherches doctorales à l’université d’Édimbourg ont porté sur la conversion au christianisme d’Iraniens d’origine musulmane. Elle affirme que « seul Dieu connait le cœur d’un converti ».

« Malheureusement, nous n’entendons parler que de ceux qui trahissent l’Église, et non de ceux qui soutiennent réellement sa croissance et l’enrichissent, ce qui est le cas de la majorité d’entre eux », nous dit Afshari. « Même en Iran, nous avons des exemples de personnes qui ont trahi l’Église, et ces trahisons ont coûté la vie à d’autres. Mais encore une fois, cela ne n’a pas empêché les dirigeants de l’Église iranienne d’accueillir [les nouveaux convertis]. »

Traduit par Anne Haumont

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