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Les évangéliques prient pour la stabilité à l’approche des élections allemandes

Rhétorique enflammée et questions conflictuelles soulèvent des inquiétudes quant à la fragilité de la démocratie dans le contexte du nouveau style politique états-unien.

Le chancelier allemand Olaf Scholz, le candidat des Verts Robert Habeck, le chrétien-démocrate Friedrich Merz et la candidate de l’Alternative pour l’Allemagne Alice Weidel débattent de l’avenir du pays.

Christianity Today February 20, 2025
Michael Kappeler/POOL/AFP via Getty Images

Selon Timothy Carentz, pasteur des Assemblées de Dieu, les élections en Allemagne se déroulent généralement dans le calme. 

Les Allemands se méfient de l’extrémisme, sont soucieux de bienséance et attachés au caractère privé des opinions politiques et au « secret électoral », qui est inscrit dans la constitution allemande. Ils n’installent généralement pas de panneaux dans leur jardin et ne se lancent pas dans des discussions animées sur les candidats au café du coin.

Mais cette année, après l’effondrement de la coalition tripartite du chancelier Olaf Scholz en novembre, les choses se sont envenimées.

« Nous avons remarqué que les gens se font de plus en plus entendre », observe Carentz, un États-Unien qui dirige le Rhema Café, un café et un espace dédié au ministère à Kaiserslautern, dans le sud-ouest de l’Allemagne.

Il a notamment entendu des discussions sur l’économie, qui bat de l’aile, et sur la montée des nationalistes de droite. Les gens débattent au sujet des politiques d’immigration et d’asile, de la guerre en Ukraine, des prix élevés de l’énergie et des politiciens (s’il y en a) à qui l’on peut faire confiance pour aller vers un mieux. 

Les conversations semblent plus houleuses que d’habitude. 

« C’est la première fois que je vois des Allemands aussi actifs, engagés et directs dans leurs opinions », explique le pasteur. « Cette année, les gens mettent des banderoles aux fenêtres de leurs appartements, collent des autocollants dans toute la ville et sont volontaires pour distribuer des brochures et des dépliants. »

Au milieu de tout cela, les responsables évangéliques interrogés nous expliquent qu’ils se concentrent sur l’amour de Dieu pour tous les peuples et sur la valeur de chaque vie humaine, qu’il s’agisse d’un enfant à naître ou d’un migrant, en Ukraine et au Moyen-Orient, et ici en Allemagne. Et ils prient pour la démocratie allemande. 

Le pays est en pleine tourmente depuis que la coalition au pouvoir ces trois dernières années — composée du parti social-démocrate (SPD), des Verts et du parti libéral-démocrate (FDP) — s’est effondrée à la suite d’un différend sur une proposition de budget. Dans l’agitation consécutive à la récente réélection de Donald Trump aux États-Unis, les divergences sur la politique économique ne pouvaient plus être conciliées, et les trois partis ont cessé de travailler ensemble. 

Les Allemands voteront lors d’élections anticipées le 23 février. Actuellement, le SPD est crédité d’environ 16 % des votes, en baisse d’environ 10 points par rapport à sa victoire de 2021. Les Verts bénéficieraient d’un soutien de 13 %. Le FDP est si mal placé dans les sondages qu’il pourrait ne pas dépasser le seuil minimum pour obtenir des sièges au parlement.

L’Union chrétienne-démocrate (CDU) de centre droit et son parti frère bavarois, l’Union chrétienne sociale (CSU), sont en passe de remporter la plus grande part des suffrages. Les sondages actuels montrent que le parti, qui a été au pouvoir pendant 16 ans sous la conduite d’Angela Merkel, bénéficie d’un soutien d’environ 30 %.

Le candidat CDU/CSU au poste de chancelier, Friedrich Merz, a souligné la nécessité de restreindre l’immigration, de relancer l’économie, de développer l’énergie nucléaire, de renforcer l’armée allemande et de moins compter sur les États-Unis. Le programme du parti promet également des réductions d’impôts, une baisse des coûts de l’électricité et des investissements dans le secteur technologique. 

« Vous méritez un gouvernement qui gouverne mieux notre pays », affirme-t-il. « Nous savons comment faire. »

La CDU/CSU ne semble toutefois pas encore savoir avec qui le faire. 

Pour gouverner, un parti doit avoir le soutien d’au moins la moitié des représentants au parlement. La CDU/CSU pourrait être en mesure de former une coalition avec le SPD. Les partis de centre droit et de centre gauche se sont déjà associés par le passé, gouvernant en tant que « grande coalition » de 2005 à 2009 et de 2013 à 2021. 

Mais tous deux ont perdu de leur soutien depuis lors. En 2013, les deux partis totalisaient ensemble 68 % du vote populaire. Aujourd’hui, ils tournent autour de 45 % dans les sondages. 

L’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti d’extrême droite, a connu un regain de soutien en exploitant la colère et l’anxiété suscitées par l’immigration, les politiques relatives au changement climatique, les restrictions liées au COVID-19 et la guerre en Ukraine, ainsi que l’insatisfaction persistante à l’égard de l’Union européenne. L’AfD est actuellement en deuxième position dans les sondages, même après une série de controverses sur des réunions pour discuter de l’expulsion de millions d’immigrés, y compris certains ayant la citoyenneté allemande, et l’utilisation de formules nazies interdites.

La CDU/CSU a été sévèrement critiquée après avoir collaboré avec l’AfD pour adopter une motion non contraignante sur l’immigration — y compris par une lettre conjointe de l’Église protestante allemande et de la Conférence des évêques catholiques d’Allemagne mettant en garde contre une telle collaboration. Friedrich Merz s’est réengagé à ne pas former une coalition avec le parti d’extrême droite.

Plusieurs autres petits partis sont également en lice, notamment le parti socialiste Die Linke, qui recueillerait environ 6 % des suffrages, et un nouveau parti de gauche nommé d’après la politicienne Sahra Wagenknecht, crédité de 5 % par les sondages.

Les membres des églises protestantes indépendantes d’Allemagne, souvent appelées églises libres, ne représentent pas un bloc important d’électeurs. Il est peu probable qu’ils fassent basculer l’élection dans un sens ou dans l’autre. Mais ils n’ont pas été épargnés par les débats politiques qui agitent le pays à l’approche des élections du 23 février. 

Konstantin von Abendroth, qui représente l’Association des églises protestantes libres (VEF) au niveau fédéral, nous explique que les évangéliques sont principalement préoccupés par les mêmes questions que les autres électeurs. 

« Je connais des chrétiens fervents dans tous les partis. Des pacifistes qui votent pour la gauche. Des chrétiens qui mettent l’accent sur la liberté du mode de vie et qui votent pour les Verts. Des chrétiens qui mettent l’accent sur la justice sociale et votent pour le SPD. Des chrétiens qui veulent la paix par le réarmement et qui votent pour la CDU. Des chrétiens qui ont peur des musulmans et qui votent pour l’AfD. »

Certains chrétiens d’églises libres ont été attirés par le conservatisme social de l’AfD et par le type de changement promis par quelqu’un comme Trump aux États-Unis. 

« Pendant sa campagne électorale, Donald Trump a intéressé les chrétiens évangéliques par une certaine éthique familiale conservatrice, mais surtout par l’embellie économique qu’il promettait », rapporte von Abendroth.

Cependant, le fait que Trump semble se complaire dans le chaos et la rupture, ainsi que sa rhétorique agressive et la façon dont il parle des gens, suscite la méfiance même parmi les évangéliques qui lui seraient les plus sympathiques. Le fait de voir certains autour de Trump, notamment le milliardaire Elon Musk, se prononcer en faveur de l’AfD semble également avoir généré un certain froid.

« Je m’attends à ce que les actions du gouvernement états-unien actuel conduisent à ce que moins de chrétiens évangéliques votent pour l’AfD », affirme Konstantin von Abendroth.  

Frank Heinrich, l’un des responsables de l’Alliance évangélique en Allemagne, estime que, si les évangéliques se distinguent sur une question, c’est sur leur accent sur la dignité de chaque être humain en tant que créature de Dieu. 

« À nos yeux », souligne Heinrich, « il s’agit là d’une condition préalable décisive pour toute société démocratique. » 

De nombreux évangéliques sont également plus préoccupés que leurs concitoyens par la question de l’avortement. L’interruption de grossesse est illégale en Allemagne, sauf en cas de viol ou pour sauver la vie de la mère, mais elle n’est actuellement pas punissable au cours des 12 premières semaines. Le SPD et les Verts, avec le soutien de Die Linke, ont récemment proposé de dépénaliser l’avortement au cours du premier trimestre.

Cela pourrait pousser certains chrétiens à soutenir Friedrich Merz et la CDU/CSU. Le candidat du parti de centre droit est catholique et a qualifié l’avortement d’« affront au peuple » lors de la campagne. L’AfD s’oppose également à l’aide publique à l’avortement.

La proposition de décriminalisation n’a pas progressé au parlement, malgré un soutien populaire au niveau national, y compris 62 % des catholiques et 75 % des protestants, de sorte qu’il est difficile de dire à quel point la question sera pressante lorsque les électeurs voteront. 

Selon Frank Heinrich, les engagements pro-vie des évangéliques allemands les conduisent également à s’intéresser à certaines questions de politique étrangère, notamment la paix en Ukraine et au Moyen-Orient. Et ils se soucient beaucoup des questions de durabilité. L’Alliance évangélique a récemment mis en place un nouveau groupe de travail sur le changement climatique.

Mais la plus grande préoccupation politique actuelle est peut-être l’état de la politique elle-même. De nombreux membres d’églises libres s’inquiètent de l’échauffement que suscite cette élection.

« Lorsqu’ils voient ce qui se passe aux États-Unis, les évangéliques sont très sceptiques à l’égard de ce type de politique », explique Heinrich.

Lorsque le responsable de l’Alliance évangélique a assisté au National Prayer Breakfast aux États-Unis la semaine dernière, le discours de Trump lui a donné envie de se cacher sous la table. La façon dont Trump parle de ses opposants politiques — ses concitoyens qui ne sont pas d’accord avec lui — est particulièrement préoccupante, souligne-t-il.

Et la stabilité est très importante pour de nombreux évangéliques en Allemagne à l’heure actuelle.

La partie occidentale de l’Allemagne n’est une démocratie que depuis 75 ans. Et la partie orientale du pays ne s’est libérée de la tutelle autoritaire qu’il y a 35 ans. Une société prospère, saine et libre, où les transferts de pouvoir se font de manière pacifique et où les gens peuvent être en désaccord sur l’avenir du pays, n’est pas quelque chose qu’ils veulent considérer comme acquis.

« Lorsque le chancelier a appelé à de nouvelles élections, cela a montré à quel point le système est stable », estime Frank Heinrich. « Ce n’est pas quelque chose que l’on peut tenir pour garanti et universel. […] C’est pour cela que nous prions ici — pour que la stabilité ne disparaisse pas. »

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