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Je suis parent évangélique d’enfants adultes LGBTQ. Et maintenant ?

Ma théologie est tout à fait orthodoxe, mais j’ai besoin de mes frères et sœurs chrétiens pour réfléchir à la façon de vivre ma vie familiale de manière saine et durable.

Christianity Today June 18, 2024
Illustration par Elizabeth Kaye / Source Images: Getty / Unsplash

Pour des parents évangéliques ancrés dans les doctrines bien établies de l’Église sur le genre et la sexualité, il n’est pas évident de se réveiller à la réalité d’enfants LGBTQ. C’est souvent le début d’un parcours difficile.

Généralement pris au dépourvu par ces situations, de nombreux parents se sentent mal préparés au travail de discernement nécessaire pour aller de l’avant. Ils ont soif d’orientations et de compréhension. Par-dessus tout, ils aspirent à être soulagés de la peur de « se tromper » tandis qu’ils naviguent sur des eaux inconnues et se retrouvent face à de nombreux choix.

C’est dans ce contexte que les événements visant à aider les parents chrétiens à trouver des réponses autres que celles de la fuite ou de l’affrontement avec leur enfant LGBTQ rencontrent un franc succès. Tel était le cas de la conférence Unconditional organisée l’année dernière par l’église de l’influent pasteur Andy Stanley.

Cette rencontre a été controversée parce qu’elle donnait la parole à plusieurs orateurs qui ne partagent pas les vues évangéliques orthodoxes sur la sexualité et le genre. Pour d’éminents critiques évangéliques, toute l’affaire s’est résumée à « une rupture claire et tragique avec le christianisme biblique » (Albert Mohler) et à « un profond manquement à la responsabilité pastorale » (Sam Allberry).

De même, dans une affaire plus récente, le pasteur et auteur Alistair Begg, qui s’en tient pourtant à la doctrine orthodoxe sur le mariage, a vu son émission de radio populaire supprimée par un réseau chrétien conservateur. Begg avait conseillé à une grand-maman d’assister au mariage de son petit-fils avec une personne transgenre, alors que, pour des raisons doctrinales, elle hésitait à y aller. Dans un article publié dans le magazine First Things, le théologien Carl Trueman a fait valoir, à cette occasion, que le fait d’assister à un tel mariage constituait en soi une dérive doctrinale et représentait « un prix très élevé pour éviter de blesser les sentiments d’autrui. » Il ajoutait à ceci que « si les chrétiens pensent encore qu’il vaut la peine de payer ce prix, l’avenir de l’Église est vraiment sombre ».

En tant que parent évangélique d’enfants LGBTQ adultes, j’ai suivi ces deux controverses avec intérêt. Je partage certaines des préoccupations des critiques, mais je crois aussi que nous, évangéliques américains qui nous en tenons aux doctrines historiques du christianisme sur la sexualité et le genre — la position traditionnelle ou « non affirmative », selon le vocabulaire en vigueur — avons besoin de plus, et non de moins, d’échanges sur ces questions tout à fait pratiques. Comment être de bons « prochains » pour les personnes LGBTQ que nous côtoyons dans nos foyers, sur nos lieux de travail ou dans nos églises ?

Certes, il existe un certain nombre de ressources abordant le sujet, comme le livre Dieu est-il homophobe de Sam Allberry ou le cours proposé en ligne par The Center for Faith, Sexuality & Gender. Mais au-delà de ce genre d’outil et de certains livres, nous avons besoin d’échanges « en vrai » sur nos circonstances de vie bien spécifiques. Les parents chrétiens d’enfants LGBTQ ont soif de développer une vision durable de la vie quotidienne avec leurs enfants. On pourrait certes émettre certaines critiques par rapport à l’approche de Stanley et Begg, mais la simple réaffirmation d’une juste doctrine, bien que nécessaire, ne suffit pas à elle seule à répondre à la question pratico-pratique de savoir comment vivre avec nos enfants.

En tant que parents évangéliques, nous sommes enracinés dans une compréhension du monde où Dieu a créé l’humanité sous deux formes distinctes que nous appelons mâle et femelle. Nous croyons que l’intimité sexuelle est réservée au mariage monogame entre un homme et une femme. Mais comment nous comporter avec nos enfants, en particulier les enfants adultes, lorsqu’ils choisissent une vie qui n’est pas ancrée dans cette même vision des choses ?

Nous leur avons clairement dit ce que nous croyons. Que faire maintenant ?

Je soupçonne qu’une grande partie de la réaction à la conférence Unconditionnal et aux propos de Begg résulte de la crainte qu’un examen ouvert de ces questions n’entraîne inévitablement une dérive théologique importante. Pour certains, celle-ci pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l’Église et pour les personnes concernées au premier chef. Cette crainte est amplifiée par une mentalité de guerre culturelle présente dans le monde évangélique depuis les controverses entre fondamentalistes et modernistes du début du 20e siècle. Et cette mentalité tend à faire des personnes LGBTQ nos ennemis, des ennemis qu’il faudrait constamment mettre face à « la vérité ».

Il est bon de dire la vérité. Mais en adoptant une attitude de confrontation permanente, il nous est impossible de tendre l’oreille à ce que l’apôtre Paul conseille aux chrétiens de Rome : « S’il est possible, pour autant que cela dépende de vous, soyez en paix avec tous. » (Rm 12.18) Et si pour beaucoup la recherche de réponses à ces questions relationnelles a été une raison de s’éloigner de l’orthodoxie, il y a d’autres issues possibles.

Le chemin à trouver est celui de la juste pratique (ou orthopraxie), qui requiert du discernement. Or le discernement est une entreprise naturellement délicate. Ce qui la rend délicate, c’est notre faillibilité. Car si la Parole de Dieu est entièrement digne de confiance, l’application que nous en faisons ne l’est pas forcément. Nous choisissons parfois d’être indulgents alors que nous devrions être fermes, ou sévères alors que nous devrions être plus souples. Quelles que soient notre diligence spirituelle et nos bonnes intentions, il y a toujours un risque que nous fassions le mauvais choix. Si l’on ajoute à cela que même de bons choix peuvent causer la souffrance de ceux que nous aimons, le discernement devient carrément décourageant.

Mais ignorer la nécessité du discernement n’est pas une option. La peur de nous tromper ne nous dispense pas d’aimer celui ou celle qui a besoin de réponses pratiques à ses questions et qui a des choix à faire. Les chrétiens devraient-ils suivre l’usage des « pronoms préférés » ? Quelle attitude adopter face aux mariages homosexuels dans nos familles ou parmi nos collègues ? Quelles règles de « vivre ensemble » adopter dans nos foyers avec nos enfants en couple du même sexe ?

Pour beaucoup d’entre nous, il ne s’agit pas de simples questions théoriques, mais de situations réelles impliquant de vraies personnes et exigeant des réponses souvent urgentes. Tels sont les circonstances dans lesquelles nous devons pratiquer le discernement, en appliquant ce que nous savons de la Parole de Dieu, au mieux de nos capacités, avec beaucoup d’attention et d’humilité. Ce sont ce genre de questions pour lesquelles les parents évangéliques comme moi (et les grands-parents, comme dans le cas abordé par Begg) aimeraient de l’aide.

Il nous arrivera de nous tromper. Parfois, comme le dit J. I. Packer dans son célèbre Connaître Dieu, un « chrétien […] s’aperçoit qu’il n’a pas suivi les directives divines et qu’il s’est engagé dans une mauvaise direction ». Mais même dans ce cas, le dommage n’est pas définitif, assure Packer, et Dieu a la bonté de protéger ses brebis — y compris nous — de notre propre pensée faillible. Ainsi, conclut Packer, « il apparaît que c’est dans un esprit de confiance en ce Dieu qui ne nous laissera pas perdre nos âmes qu’il convient de parler de direction divine. »

Le discernement nécessite un travail assidu, la prière, la réflexion à partir des Écritures et la mise à l’épreuve des esprits (1 Jn 4.1-6). La tâche est loin d’être aisée pour nous qui vivons dans un contexte où la fenêtre d’Overton – ce champ de ce qui est acceptable ou non – se déplace constamment. Mais cette tâche sera plus ardue encore si nous devons l’aborder seuls, sans nos compagnons évangéliques orthodoxes qui craindraient d’aborder ces questions pratiques avec nous.

Victor Clemente est un auteur indépendant, spécialisé dans les questions de foi et de culture. Son travail a été publié dans Christ and Pop Culture et Faithfully Magazine. Retrouvez-le sur X à l’adresse @The_Wait_Room ou sur Threads à l’adresse @the_wait_rm.

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