Je suis prisonnier politique au Congo. Mon ministère est en plein essor.

Même si j’aspire à la santé et à la liberté, je vois tout le bien que Dieu produit.

Christianity Today May 27, 2024
Illustration de Mallory Rentsch Tlapek/Images sources : Getty

La fin du mois d’avril 2024 a marqué mon dixième mois de détention à la prison centrale de Makala à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC).

Chaque jour qui passe me laisse l’impression que je serai libre demain. Je sais que le jour que j’espère arrivera enfin, parce que j’ai mis mon espoir dans le Maître des temps et des circonstances. Comme il le dit dans Matthieu 25.31-46, il est également détenu avec moi ici. Lorsqu’il en aura fini avec cette détention, il me conduira vers la liberté. Mon espérance est fondée sur ce roc.

J’ai été arrêté dans le cadre d’une procédure juridiquement irrégulière. À l’époque où j’ai été accusé à tort d’avoir appelé les habitants de ma région de l’est de la RDC à prendre les armes, je tournais une vidéo (que mes avocats ont présentée) promouvant l’appel au cessez-le-feu lancé par le processus de Nairobi. J’ai participé à ce processus et je me consacre depuis longtemps à la promotion de la paix et du développement.

Après avoir été transféré d’une prison à l’autre avant d’arriver à Makala, j’ai rejoint une aumônerie des Assemblées de Dieu et une équipe de prisonniers ordonnés qui exercent leur ministère ici avec l’aide des dons et des ressources auxquels nous avons accès.

Dès le début, j’ai demandé au comité de lancer un cours d’alphabétisation dans la prison en raison du grand nombre de personnes qui ne savent ni lire ni écrire. L’initiative a attiré l’attention des autorités et de nombreux individus plus soucieux d’humanité.

Une centaine de personnes, hommes et femmes, garçons et filles, bénéficient aujourd’hui du programme. Plus de 50 d’entre elles ont appris à lire, à écrire et à calculer. « Je ne m’attendais pas à apprendre à lire et à écrire en prison », nous a dit un étudiant adulte. « Merci pour cette initiative. » Beaucoup de ces personnes qui n’ont pas eu la possibilité d’aller à l’école sont originaires de la région de Kinshasa et ont grandi en tant que kuluna (enfants des rues).

Lorsqu’un détenu apprend à tenir un crayon et parvient à écrire, à lire et à calculer, j’ai envie de louer le Seigneur, Maître des temps et des circonstances.

Un enfant détenu a demandé un jour à son enseignant : « Pourquoi le programme ne se déroule-t-il pas tous les jours ? L’apprentissage est bon pour nous. Cela me permet aussi de rester occupé. »

Un autre adulte nous a dit : « Maintenant, j’ai besoin d’une bible que je puisse lire moi-même. »

Nous avons effectivement pu distribuer des bibles. Elles ont un impact non seulement dans des groupes d’étude biblique, mais aussi dans des équipes d’évangélisation. J’ai vu des équipes se déplacer de cellule en cellule avec des bibles, lisant et partageant des versets.

Outre les cours d’alphabétisation, nous avons également lancé en avril un cours de formation à la fabrication de savon, de détergent et de désinfectant à l’intention de 54 élèves. L’enseignant est également un détenu. Nous pouvons utiliser ces produits pour améliorer nos propres conditions sanitaires.

Parmi d’autres initiatives, nous avons un projet de plantation d’arbres, un cours sur le changement climatique et un cours sur la fabrication de peinture et de pigments.

Un programme sur la théologie du travail, que j’enseigne, s’est également étendu à l’extérieur de la prison. L’un de nos étudiants détenus a été libéré il y a quelques semaines et, chose surprenante, a obtenu un nouvel emploi au sein du gouvernement. Il m’a appelé pour me demander mes notes de cours : « Je veux les utiliser pour mobiliser les membres du parlement provincial afin qu’ils apprennent et appliquent ces choses. »

Une autre personne témoignait : « Ce que j’aime, c’est qu’on n’enseigne pas seulement le salut spirituel, mais aussi les besoins physiques. »

Je me suis senti très encouragé. Et il y aurait encore bien des choses à dire, car Dieu ne cesse de nous surprendre avec les « tours » qu’il nous joue. Il nous redonne le sourire.

Au sein du comité des aumôniers, nous sommes confrontés quotidiennement à des problèmes à résoudre, alors même que nos propres problèmes ne sont pas encore résolus. Il y a ceux qui n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins essentiels tels que le vêtement, la nourriture et les médicaments. J’ai aussi rencontré plus d’une douzaine de personnes qui avaient besoin d’argent pour résoudre leurs problèmes juridiques. Une fois qu’elles pouvaient fournir l’argent, elles étaient libérées.

Je me souviens notamment de la libération d’une famille de cinq personnes, détenues depuis plus de dix mois, qui est rentrée chez elle après que nous ayons trouvé les fonds nécessaires.

Dans un autre cas, le directeur musical de notre église dans les murs de Makala s’est assis dans ma petite pièce et m’a expliqué son problème financier. Lorsqu’une solution a été trouvée, il a pleuré de joie : « J’ai chanté pour bénir l’église et aujourd’hui je suis béni moi aussi ! »

Le fait d’être en prison ne me rend pas moins humain. Je continue à rêver, à être créatif et à me montrer capable de transformer les circonstances en opportunités. Je suis fait pour avoir un impact positif sur mon environnement.

J’ai reçu bien des grâces ; j’ai des compagnons de détention agréables et c’est une bénédiction. Nous partageons tout et cela renforce notre foi, notre espoir et notre amitié.

De plus, je passe du temps à m’occuper de ma pépinière dans la cellule. Je mange des fruits et je garde leurs graines, que je mets dans des bouteilles d’eau en plastique. C’est aussi un bon moyen de se procurer une certaine tranquillité d’esprit.

Comme je le dis à mes compagnons de détention et à mon cours de théologie du travail, la nature est notre parent. Mon dialogue avec l’environnement remonte aux années 1970, avec ma petite shamba (ferme) de pommes de terre. La région porte toujours mon nom, « mukwa Lazaro » (chez Lazare).

Lorsque j’ai été arrêté, mes médicaments ont été laissés derrière moi. Plus tard, on les a apportés pour me les montrer, mais on ne me les a jamais rendus. J’ai pourtant survécu sans ce traitement, même si j’ai connu de nombreux problèmes de santé du fait du manque de suivi médical approprié. Dans toutes ces circonstances, Dieu a été mon guérisseur et mon protecteur.

Nous sommes rapidement stressés par des conditions de vie insupportables. Comme l’a peut-être vécu l’apôtre Paul, une question peut régulièrement revenir : Comment se fait-il que je réponde aux besoins des autres, alors que mon propre cas n’est pas résolu et que mes besoins ne sont pas satisfaits ? Mais ma réponse est déjà écrite :

« Trois fois j’ai supplié le Seigneur de l’éloigner de moi, et il m’a dit : “Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse.” Aussi, je me montrerai bien plus volontiers fier de mes faiblesses afin que la puissance de Christ repose sur moi. » (2 Co 12.8-9)

Mon sentiment est que ce ministère est à présent bien affermi et qu’il est temps de rentrer chez moi.

Lazare Sebitereko Rukundwa, membre des Assemblées de Dieu, a fondé l’université Eben-Ezer de Minembwe au Sud-Kivu, en RDC. Il était délégué de la société civile lors des consultations de paix intercongolaises à Nairobi. Sa famille et les habitants de Minembwe attendent sa libération.

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