Ce que le réveil d’Asbury m’a appris sur la génération Z

Il y a un an, j’ai vu une réponse à une certaine forme désinvolte de christianisme.

Christianity Today February 16, 2024
Illustration de Kyle Smart

Le 8 février 2023, un banal culte de 50 minutes à l’université Asbury s’est transformé en un événement de 16 jours qui a attiré l’attention du monde entier.

Je suivais la rencontre en ligne depuis mon bureau ce matin-là. Après un message de l’orateur, une chorale d’étudiants a clôturé la rencontre par un chant. J’ai quitté mon ordinateur et me suis rendu à ma réunion suivante. Plus tard, alors que je me préparais à prendre mon repas de midi, ma femme m’a envoyé un message pour m’informer que certains étudiants étaient encore en train de prier et de louer dans l’auditorium Hughes.

D’autres étudiants les ont rejoints. Puis d’autres encore.

Au cours des semaines suivantes, ce que les responsables de l’université ont qualifié d’« effusion » de l’Esprit s’est développé de manière exponentielle pour amener autour de 50 000 visiteurs dans notre petite ville du centre du Kentucky. Leur présence a débordé sur les sites de diffusion simultanée hébergés par le séminaire voisin et des églises locales. Ils se sont agenouillés, ont prié et ont chanté sur le sol froid de notre vaste campus verdoyant.

Charlotte Staudt, archiviste d’Asbury, a repéré depuis plus de 250 podcasts, 1 000 articles et des dizaines de sermons et de conférences sur ce qui s’est passé. Plus de 100 médias locaux, nationaux et internationaux ont visité notre campus. Il y a eu environ 250 millions de messages sur les réseaux sociaux liés aux tags #AsburyRevival ou #AsburyRevival2023. Je n’avais jamais vu un tel rassemblement d’hommes et de femmes de tous âges, de toutes origines et de toutes nationalités touchés, en recherche, repentants et unis.

Pendant tout ce temps, internet a été le théâtre de nombreux débats sur la définition d’un réveil et sur la question de savoir si les événements survenus à Asbury pouvaient être décrits de cette manière. Des comparaisons ont inévitablement été faites avec de précédents réveils à Asbury, notamment celui de 1970. Ces discussions faisaient sens. Des termes tels que réveil, renouveau ou effusion induisent diverses nuances historiques et théologiques.

Il reviendra peut-être aux historiens de dresser la liste des conséquences à long terme des événements de l’an dernier et de déterminer s’il s’agit d’un réveil ou d’autre chose. Pour l’instant, avec le recul d’une année seulement, je pense que le terme effusion est assez large pour permettre une diversité de compréhensions et éviter de définir trop prématurément ce qui a eu lieu sous nos yeux.

Il y a cependant une chose que j’ai pu constater très clairement à la suite de ces 16 jours : la génération Z pourrait émerger comme un correctif au christianisme désinvolte qui a marqué notre paysage religieux et caractérisé le mouvement de désaffection de nos églises.

Pour comprendre pourquoi, il faut d’abord comprendre ce que la génération Z vit. Lors d’interviews réalisées l’année dernière, j’ai souvent affirmé que les défis sociaux, économiques et touchants à la santé mentale dans notre pays — ainsi que les naufrages moraux au sein de l’Église elle-même — ont durement éprouvé les plus jeunes générations. « Il y a une faim pour quelque chose de plus », disais-je à un journaliste.

J’ai par la suite demandé à mes étudiants ce qu’ils pensaient de mes propos. Tout en étant globalement d’accord, un étudiant m’a dit qu’il exprimerait les choses différemment. « Nous ne voulons pas quelque chose de plus », expliquait-il. « Nous voulons quelque chose de moins. » Il parlait en fait du désir de sa génération de trouver un point d’ancrage face à la désorientation et aux va-et-vient de notre époque, quelque chose de plus épuré et concret.

Ces étudiants sont moins intéressés par les « croyances » que par une foi qui ait des conséquences pratiques. Il y a dans notre pays un vide de sens profond qui alimente une grande faim spirituelle. Un ancien médecin de la guerre d’Irak qui a repris des études à Asbury et a participé cinq fois aux événements me décrivait le désespoir qui se lit sur le visage d’un soldat avant qu’il ne meure. « J’ai vu la même chose sur les visages des visiteurs », m’a-t-il dit.

Jason Vickers, de l’université Baylor, écrit dans son livre Outpouring (coécrit avec Tom McCall, théologien à l’université Asbury) que les longues files de personnes essayant d’entrer dans l’auditorium Hughes rappelaient les files d’attente pour la soupe pendant la Grande Dépression. « Le lien était évident et écrasant », écrit Vickers. « Ils avaient faim et soif de Dieu. Et ils croyaient sincèrement que Dieu était là. »

L’existence d’une faim spirituelle aux États-Unis est peut-être évidente. Mais ce qui m’a frappé chez nos élèves, c’est la façon dont ils ont répondu à cette faim. Ces files de visiteurs manifestaient un ordre qui a marqué l’ensemble de l’événement. Cependant, les responsables recherchaient l’ordre, mais pas l’instrumentalisation — et certains des responsables les plus visibles étaient des étudiants, que l’on pouvait voir en train de témoigner, de servir et de diriger la louange.

Pendant ces 16 jours, nous avons recensé des étudiants venus de 285 établissements d’enseignement. Une centaine d’équipes de louange sont montées sur l’estrade. Sans qu’on le leur demande, ils ont joué depuis le côté de la scène, en dehors des projecteurs. Cette démarche était en cohérence avec une tendance implicite plus large à ne pas se mettre en travers du chemin. Avant d’animer le culte, les équipes passaient une heure dans une « salle de consécration » que nous avions mise à part, pour prier et recevoir la prière. Bien que cet espace invisible n’ait reçu que peu d’attention, une personne l’a décrit comme le « réacteur nucléaire » de cette effusion.

Je ne crois pas que l’université Asbury ou même l’année 2023 aient quelque chose de spécial, dans le sens où Dieu peut utiliser n’importe quel endroit et n’importe quel moment pour répandre son Esprit. Des effusions similaires se sont produites depuis à l’université de Samford, à l’université de Lee, à l’université de Baylor, à l’université A&M du Texas et à l’université d’Auburn.

Là où j’ai vu quelque chose de particulier, c’est chez ceux qui étaient présents. Il y a un an, j’ai été témoin du meilleur de notre communauté étudiante, avec les enseignants et le personnel qui les encadrent : des hommes et des femmes fidèles, dotés d’une grande vigueur spirituelle, d’une sainte imagination et d’une volonté de faire preuve d’un désintéressement radical.

« Asbury est comme un lit de rivière », expliquait Chris Segre-Lewis, professeur d’art, lors d’une table ronde organisée après l’effusion. « Quand l’eau arrive, elle sait où couler. »

Ce désintéressement radical, associé à la soif évidente de la génération Z pour quelque chose d’authentique et sans fard, est un signe d’espoir pour l’avenir du christianisme, de ses institutions et de l’Église.

De nombreux commentateurs se sont intéressés aux données de l’ouvrage de Jim Davis et Michael Graham publié en 2023, The Great Dechurching (« La grande désaffection de l’Église »). Au cours du dernier quart de siècle, environ 40 millions d’Américains sont passés d’une fréquentation régulière d’une église à une fréquentation inférieure à une fois par an, soit un nombre de personnes supérieur à toutes les conversions des premier et deuxième Grands réveils et de toutes les croisades de Billy Graham réunis.

Parmi les personnes qui ont quitté l’Église, environ 10 millions l’ont fait parce que l’« Église fait du mal », soit en raison d’abus spirituels ou d’une perte de confiance, par exemple. En anglais, Michael Graham parle ici de « casualty exits », les départs des victimes. Mais les trois quarts restants sont présentés comme des « casual exits », plus liés à une forme de désinvolture à l’égard de l’Église. Il s’agit d’hommes et de femmes qui ont cessé de fréquenter une église parce qu’ils ont déménagé et n’ont pas trouvé de nouvelle assemblée, ou parce qu’un emploi du temps chargé ou des changements de mode de vie empêchent la célébration hebdomadaire du culte.

Un départ désinvolte de l’Église est le résultat d’une foi désinvolte. Comme l’a suggéré le théologien et auteur Stanley Hauerwas, certaines parties du christianisme contemporain ont été domestiquées en une forme d’adhésion à un ensemble de propositions que nous préservons mentalement, mais qui n’ont que peu d’incidence sur notre vie quotidienne. La foi désinvolte produit un système de croyances qui exige peu de nous et produit de pâles déclarations telles que « Je crois que Jésus est Seigneur, mais ce n’est que mon opinion ».

Je pense que la génération Z est différente.

« C’est une génération d’extrêmes », m’expliquait Charlotte Staudt, archiviste d’Asbury et elle-même membre de cette génération. Elle a raison. Je suis entouré de jeunes adultes et d’adolescents insatiables, prêts à « payer le prix » de leur engagement envers le Christ. Les chrétiens de la génération Z sont sérieux et insatisfaits du statu quo institutionnel.

Une étude du Barna Group montre que la génération Z considère la croissance spirituelle comme une priorité absolue. D’une manière générale, ils rejettent les paroles creuses et l’hypocrisie et veulent des valeurs incarnées dans l’action. Ils privilégient le comportement aux paroles comme stratégie de partage de la foi. Cela n’a rien d’étonnant pour une génération qui fait de l’authenticité une valeur fondamentale.

Dans un podcast, la journaliste Olivia Reingold, qui se décrit comme « une personne peu portée sur la spiritualité » et affirme n’avoir jamais mis les pieds dans une église, concluait par cette déclaration remarquable sur ce qui s’est passé l’année dernière à Asbury : « Indépendamment de ce que vous croyez, vous ne pouvez pas nier qu’il y a des jeunes qui croient sincèrement en Dieu. Et maintenant, je pense, on peut dire qu’ils ont lancé une sorte de mouvement. »

J’espère qu’elle a vu juste.

J’espère que de cette génération émergera un reste dont l’engagement inébranlable restaurera radicalement le caractère inapprivoisable, prêt à faire la différence et exigeant du christianisme historique.

J’espère qu’ils s’inspireront d’images de saints sérieux et dévoués comme Sophie Scholl, Simone Weil, Dietrich Bonhoeffer, Óscar Romero ou Martin Luther King Jr — au lieu de prêtres médiatiques, de l’évangile de la prospérité, de la culture de la célébrité, ou d’un dieu individualiste et thérapeutique décevant qui n’existe que pour soutenir nos préférences.

De nombreux éléments indiquent que la génération Z pourrait être encline à produire précisément ce type de croyants. Nos étudiants ont façonné l’effusion d’Asbury d’une manière à la fois modeste et radicalement contre-culturelle pour l’Église d’aujourd’hui. Ils ne cherchaient pas à mettre en avant des célébrités ou des personnalités médiatiques. Ils n’ont pas cherché à dérouler leur CV lorsqu’ils ont témoigné ou conduit la louange. Pendant la prière, de nombreux étudiants ont déposé leur téléphone sur l’autel. Ils ont prié pour les enseignants, le personnel et l’administration, y compris pour moi.

La génération Z est souvent décrite comme un groupe sociologique très pathologique. Ils sont moins religieux. Ils quittent l’Église. Ils se méfient des institutions. Ils sont anxieux, dépressifs et déformés par la technologie et les réseaux sociaux. Vous auriez de bonnes raisons d’être sceptique quant au fait qu’un tel groupe détienne la réponse à certains problèmes du mouvement évangélique contemporain. Eux ?

Mais cette question ressemble étrangement à certains échanges avec le Christ dans les Écritures. Jésus, sais-tu qui te lave les pieds ? Sais-tu chez qui tu manges ? Eux ?

L’effusion d’Asbury a suscité chez moi un grand nombre de questions, dont beaucoup ne trouvent pas encore de réponse. Mais elle m’a permis de voir cette génération sous un jour nouveau. Et si, au lieu de la génération anxieuse ou de la iGeneration, nous assistions à l’émergence d’une génération corrective ?

Je sais que certains membres de la génération Z sont lassés des attentes démesurées qui pèsent sur eux pour réparer tous les dégâts laissés par leurs prédécesseurs (d’où un autre surnom, la génération « Fix-It »). Pourtant, je ne peux m’empêcher de me demander s’il se pourrait qu’ils en viennent particulièrement à incarner une foi résistante, engagée et coûteuse en Jésus-Christ, antidote au christianisme désinvolte qui a vidé les bancs de l’Église au cours des dernières décennies.

Je m’interroge parce que je l’ai déjà vu.

« Le réveil », disait un étudiant d’Asbury, Charlie Cox, « c’est quand les choses mortes reviennent à la vie. »

Kevin Brown est président de l’université Asbury à Wilmore, dans le Kentucky.

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