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Cherche 100 000 réemplois pour églises désaffectées

Avec un nombre record d’assemblées risquant de fermer leurs portes d’ici 2025 aux États-Unis, le futur de communautés en perte de vitesse et de bâtiments vides pourrait se trouver dans la polyvalence.

Christianity Today November 14, 2023
Image : Illustration par Christianity Today/Images sources : Pexels

Il y a quelques années, l’avenir de l’église St Peter de l’United Church of Christ (UCC) semblait compromis. Installée à Louisville, dans l’État du Kentucky, au sein d’un quartier pauvre à prédominance noire, l’assemblée était réduite à une douzaine d’Américains âgés d’origine allemande. Le bâtiment tombait en ruine.

Malgré la façade de vitraux et les clochers majestueux, tout était défaillant, y compris la plomberie, l’électricité et le chauffage. Le plâtre se détachait des murs et des plafonds et la ville a fini par interdire l’accès au bâtiment en raison de la dangerosité de la peinture au plomb.

Mais grâce à la vision du pasteur Jamesetta Ferguson et à un partenariat avec un fonds de soutien immobilier aux églises, le Church Building and Loan Fund de l’UCC, le site de l’église abrite aujourd’hui un complexe polyvalent florissant connu sous le nom de The Village at West Jefferson. Ce projet a revivifié l’économie locale et l’église autrefois moribonde.

Avec l’aide de fonds issus de plusieurs grandes dénominations, d’investisseurs privés, de la ville de Louisville et du Gouvernement fédéral, St Peter’s a pu construire un complexe comprenant un café, une caisse d’épargne et de crédit, une garderie, des services de santé et bien d’autres choses encore. Des centaines de personnes fréquentent l’endroit chaque semaine. Et aujourd’hui l’église compte 160 membres issus de cultures et générations différentes.

« La communauté a vraiment été renouvelée à bien des égards », nous déclare Patrick Duggan, directeur général du Church Building and Loan Fund. « St Peter’s s’est mise au service des pauvres. Et dans le même temps, elle a créé une centaine d’emplois. Elle n’a pas fait que de beaux discours, elle est passée à l’action ».

Des projets polyvalents similaires voient le jour un peu partout en Amérique du Nord sur les terrains d’Églises autrefois moribondes, la plupart d’entre elles appartenant à des confessions protestantes traditionnelles.

Une Église anglicane de Montréal partage notamment ses locaux avec, entre autres associations, une troupe de cirque à but non lucratif et un groupe de soutien aux réfugiés. De son côté, le projet à usage mixte de l’Emory Fellowship à Washington DC propose des logements abordables. Il en va de même pour le projet de l’Église presbytérienne d’Arlington, en Virginie.

Le problème du déclin d’assemblées possédant de grands bâtiments n’est pas près de disparaître. Selon l’agence Lifeway Research, chaque année, les fermetures d’églises dépassent de 50 % le nombre de nouvelles communautés créées aux États-Unis. En 2019, avant la pandémie, environ 3 000 nouvelles églises ont ouvert leurs portes, mais 4 500 ont fermé. Cinq ans plus tôt, l’analyse de Lifeway montrait que les ouvertures d’églises dépassaient encore largement les fermetures.

Ces fermetures d’églises devraient faire boule de neige. En 2021, selon l’organisation Gallup, le pourcentage d’Américains membres d’une assemblée cultuelle est passé sous la barre des 50 % pour la première fois de l’histoire. En 2020, la taille médiane des églises était tombée à moins de la moitié de ce qu’elle était en 2000, passant de 137 à 65.

Ces informations ont donné lieu à une terrible prédiction de la chercheuse presbytérienne Eileen Lindner : d’ici 2025, 100 000 églises nord-américaines pourraient fermer leurs portes.

« À maintes reprises, j’ai vu des assemblées de 10, 50 ou peut-être 100 personnes dans des bâtiments pouvant accueillir 500 ou 1 000 personnes », rapporte Rick Reinhard, consultant principal du Niagara Consulting Group. « C’est bien de prier. C’est bien d’engager des pasteurs charismatiques. Mais la plupart de ces Églises ne redémarreront pas. »

Dans le cas des églises en déclin, le problème n’est pas que certaines parties des bâtiments soient utilisées et d’autres pas. C’est l’ensemble des bâtiments qui est sous-exploité ou inutilisé, explique Reinhard. « Les 70 à 100 dollars par mètre carré et par an que coûte l’exploitation des propriétés d’Églises font sombrer la plupart des assemblées qui ont de grands bâtiments et peu de monde. »

Par exemple, une Église qui rassemblait 500 personnes dans ses locaux de 4500 mètres carrés en 1970 peut n’en compter plus que 30 aujourd’hui. Le seul fonctionnement du bâtiment nécessiterait des dons annuels de près de 15 000 dollars par personne. Ça ne peut pas marcher.

Mais la transformation d’un bâtiment d’église en un centre de développement communautaire est-elle un moyen valable d’accomplir le mandat missionnaire donné par Jésus ? Oui, répond Shannon Hopkins de Rooted Good, un groupe qui aide les organisations confessionnelles à aligner leurs finances sur leur mission. Hopkins craint que si les églises en déclin se contentent de vendre leurs bâtiments au lieu de les réaffecter, l’Amérique ne passe à côté de grandes possibilités d’influence missionnaire.

Les fermetures de lieux de culte dans les décennies à venir pourraient donner lieu à « la plus grande restructuration des villes américaines depuis le GI Bill [qui avait accordé d’important avantages pour le relogement de soldats démobilisés de la Seconde Guerre mondiale] », poursuit-elle. « Nous vivons une période d’espoir. Alors que l’on parle souvent de déclin », le présent « offre des opportunités uniques en leur genre ».

Ces opportunités, des églises les saisissent dans tout le pays. Des assemblées rurales et urbaines se reconvertissent partout, selon leur spécificité. Des églises urbaines en déclin peuvent se reconvertir en logements abordables. Des églises rurales connaîtront d’autres réaffectations. La ville d’Ottumwa, dans l’Iowa, par exemple, a vu huit de ses églises fermer au cours des dernières années. Trois d’entre elles ont été respectivement reconverties en espace d’arts créatifs, en cabinet médical et en résidence.

Parmi les assemblées soutenues par Rooted Good, une église de l’Alabama est en train de démarrer une zone de développement économique à partir de l’un de ses bâtiments. À San Antonio, une église en déclin rêve de transformer ses locaux en parc et en amphithéâtre extérieur, tout en vivant son culte dominical dans un cadre non traditionnel, autour d’un repas plutôt que dans un sanctuaire.

Au cours des 50 prochaines années, près de la moitié des églises américaines réaffecteront leurs bâtiments, déclare Hopkins.

Mark Clifton, lui, n’est pas sûr qu’il s’agisse d’une bonne idée. En tant que responsable pour la réimplantation au sein de la mission de la Convention baptiste du Sud (SBC) en Amérique du Nord, il souhaite que les bâtiments ecclésiaux restent des bâtiments ecclésiaux qui abritent des assemblées réimplantées et revitalisées. Son approche va à l’encontre de la stratégie de réaffectation prônée par plusieurs dénominations importantes du pays.

La fermeture des églises « prive Dieu de sa gloire », déclare Clifton. « Qu’est-ce qui, dans une église qui meurt, montre que notre Dieu est grand et que son Évangile est puissant ? » L’église « n’est pas un magasin. Ce n’est pas un restaurant. Ce n’est pas un centre commercial. L’Église est l’épouse du Christ. Cela vaut la peine de se battre et de lutter pour que ces églises continuent à exister, afin de témoigner de la puissance de l’Évangile. »

Lorsqu’une Église en déclin demande de l’aide à Clifton, celui-ci l’aide à choisir entre trois options :

  • Une nouvelle implantation d’église pourrait adopter le bâtiment de l’ancienne église et intégrer ses anciens membres parmi les siens.
  • Une église plus saine pourrait adopter l’église déclinante et travailler à l’implantation d’une nouvelle assemblée dans son bâtiment.
  • L’église en déclin pourrait engager un pasteur formé pour la revivifier de l’intérieur. Ce pasteur guiderait les membres restants pour les aider à redynamiser leur vie d’église.

Clifton met en pratique ce qu’il prêche. Il y a trois ans, il est devenu pasteur de l’église baptiste de Linwood, qui compte trois membres et se trouve à 55 kilomètres de Kansas City. Les membres voulaient vendre le bâtiment et fermer, mais Clifton les a convaincus d’essayer quelque chose de différent. Aujourd’hui, l’église compte 115 fidèles et a baptisé plus de 20 nouveaux croyants au cours des trois dernières années.

Il peut être judicieux de permettre à d’autres organisations d’utiliser le bâtiment d’une église en déclin, dit Clifton, mais plutôt pour tenter de les atteindre que dans le cadre d’une réaffectation ou d’une tentative de rassembler des fonds.

D’autres affirment qu’une réimplantation n’est pas toujours possible. La Cooperative Baptist Fellowship (CBF), un groupe qui s’est formé dans les années 1990 pour protester contre l’orientation conservatrice de la SBC, a étudié comment les églises peuvent utiliser leurs propriétés foncières pour générer des revenus supplémentaires. Ses études de cas présentent, entre autres, des églises pratiquant l’agriculture solaire, développant des parkings payants ou des programmes préscolaires ou encore mettant des espaces extérieurs à la disposition de leur voisinage.

« Souvent par nécessité de mieux gérer leurs biens immobiliers et d’élargir leur base financière, ces églises ont redécouvert une certaine énergie grâce à l’utilisation plus régulière de leurs bâtiments », indique la CBF sur son site web. Les assemblées dont les locaux ont été réaffectés « ont forgé de nouvelles amitiés avec les associations qui les utilisent désormais » et « ont également vu leur situation financière s’améliorer de manière significative grâce aux revenus générés par ces activités créatives ».

Selon Patrick Duggan, de l’UCC, la différence entre les approches conservatrices et progressistes des dénominations à l’égard des églises en déclin se résume à une question de théologie. Les conservateurs pensent généralement que la réaffectation de bâtiments d’église découle d’une approche séculière ou politique particulière, alors qu’eux veulent mettre l’accent sur la prédication de l’Évangile et l’évangélisation. Les progressistes s’inspireraient plutôt de traditions théologiques telles que la théologie de la libération ou la pensée de Walter Brueggemann, qui insistent sur le soutien au développement communautaire et le logement abordable.

« Cela dépend vraiment de notre vision de qui est Jésus et de ce que l’Église est censée être », dit Duggan.

Malgré les divergences d’opinions sur ce qu’il convient de faire des bâtiments des églises en déclin, tout le monde est unanime : une nouvelle stratégie doit voir le jour.

Reinhard conclut : « L’avenir ne se trouve pas dans une église isolée, entourée d’une clôture et séparée de son voisinage. Quelque chose doit changer. »

David Roach est journaliste indépendant pour CT et pasteur de l’église baptiste de Shiloh à Saraland, en Alabama.

Traduit par Anne Haumont

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