La plupart des chrétiens français — 92 % des catholiques et 87 % des protestants — pensent que l’environnement et le changement climatique devraient être plus présents dans la vie de leur paroisse ou de leur communauté locale. La moitié d’entre eux — 52 % des catholiques et 58 % des protestants — estiment que l’Église devrait s’exprimer sur les questions environnementales et le changement climatique.
C’est ce qui ressort d’un nouveau sondage réalisé par l’Institut français de l’opinion publique (IFOP), l’organisation à but non lucratif Parlons Climat et l’organisation chrétienne de défense de l’environnement A Rocha France, qui révèle pour la première fois la façon dont les croyants français perçoivent la crise climatique actuelle.
L’enquête explore la relation entre la pratique religieuse et les positions relatives à l’écologie au sein de la population française, offrant un aperçu de l’engagement individuel, du rôle attendu de l’Église et du lien entre l’intensité de la pratique religieuse et la volonté d’agir en faveur de l’environnement.
Bien que l’étude ne reflète pas l’ensemble des positionnements des chrétiens français à l’égard des préoccupations environnementales, elle éclaire la manière dont les catholiques et les protestants peuvent percevoir le changement climatique et le rôle de l’Église dans ce domaine, estiment les chercheurs.
Les résultats suggèrent que la communauté protestante française est de plus en plus préoccupée par le changement climatique, 80 % des protestants interrogés étant d’accord pour dire que nous devons « changer nos modes de vie radicalement dès maintenant pour lutter contre la dégradation de l’environnement et le changement climatique ».
Parmi les chrétiens favorables à une plus forte présence du thème dans leur Église, 42 % des répondants catholiques et protestants sont d’accord pour dire que ce serait une bonne idée d’inviter « des associations ou des experts afin d’échanger sur le sujet », mais seul un tiers (30 % des catholiques, 33 % des protestants) estiment que le changement climatique devrait être abordé dans le cadre « du sermon du prêtre/message du pasteur ».
« Ce type d’enquête, tout à fait habituel dans certains pays comme aux États-Unis par exemple, est une première en France », affirme Jean-François Mouhot, directeur d’A Rocha France. « Les résultats […] nous permettront d’identifier les points de résistance et de mieux communiquer l’importance des questions écologiques et climatiques au public chrétien, ce qui est l’objectif principal d’A Rocha. »
Un nombre écrasant de répondants chrétiens (92 % des catholiques, 90 % des protestants) sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle « prendre soin de la Terre c’est aussi prendre soin de mon prochain ». Par ailleurs, une majorité de répondants chrétiens (71 % des catholiques, 76 % des protestants) déclarent avoir participé à des marches pour le climat et à des actions locales de protection de l’environnement (73 % des catholiques, 77 % des protestants).
Près de deux tiers des catholiques et des protestants (65 % et 62 % respectivement) pensent que le changement climatique est principalement dû à l’activité humaine. En outre, 85 % des catholiques et 80 % des protestants sont d’accord pour dire qu’un changement radical est nécessaire pour lutter contre la dégradation de l’environnement.
Cependant, l’enquête montre qu’environ la moitié des catholiques et des protestants (53 % et 49 % respectivement) affirment ne pas savoir quoi faire face à la dégradation de l’environnement et au changement climatique. Une minorité de catholiques et de protestants (respectivement 20 % et 27 %) ont également déclaré que « mes réflexions écologiques et spirituelles se nourrissent l’une et l’autre ».
Si la majorité des participants ont exprimé un désir concret d’engagement environnemental, même au sein de leur Église, le rôle des institutions humaines et institutions religieuses sur ces questions semble plus discuté.
« Ce qui est intéressant en France, c’est que plus un chrétien est pratiquant, plus il est susceptible d’être sensible aux questions environnementales », observe Jean-François Mouhot. « Pour les protestants [pratiquants], il y a une demande de déclarations claires de la part des institutions protestantes, et je pense que le consensus [entre eux] sera d’autant plus clair qu’une déclaration officielle aura été faite. »
Le bilan est cependant « nuancé par la présence d’un contre-discours environnemental chez certains participants, influencé principalement par une perspective négative quant à la relation entre l’écologie et la religion », estime A Rocha France. « Cette perception défavorable semble constituer l’obstacle majeur pour ceux qui résistent à l’intégration de préoccupations environnementales au sein de leur cadre religieux. »
En France, les partis politiques et diverses associations à but non lucratif s’expriment souvent sur les questions environnementales, mais il s’agit ici de la première étude quantitative sur les chrétiens français et la manière dont ils envisagent l’action environnementale dans le contexte de leur vie ecclésiale. Les catholiques représentent 29 % de la population française et les protestants seulement 3 %, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques et la Fédération protestante de France.
Le rapport a été réalisé auprès de trois échantillons de répondants regroupant ensemble près de 2 000 personnes, dont un échantillon non représentatif de chrétiens, comprenant 484 catholiques se déclarant comme pratiquants et 379 protestants. La pratique religieuse effective au sein de ces groupes est variable. 31 % des catholiques et 44 % des protestants affirment assister régulièrement à une messe ou un culte. 23 % des catholiques et 42 % des protestants déclarent « pratiquer personnellement votre religion (prière, lecture de la Bible, louange, contemplation…) » au moins une fois par semaine.
L’IFOP note que « les échantillons Protestants et Catholiques ne peuvent être considérés comme représentatifs au sens statistique du terme, il s’agit d’échantillons de convenance. » A Rocha France et Parlons Climat voient également cette limite : l’étude ne peut pas décrire entièrement ce que la population chrétienne française en général pense de l’environnement et il ne s’agit pas nécessairement d’un échantillon représentatif. Mais l’étude donne toutefois une meilleure idée de ce les catholiques pratiquants et les protestants perçoivent ces questions, estime A Rocha.
Ce travail, initié par Parlons Climat et A Rocha France, fait suite à des recherches préparatoires impliquant de nombreuses organisations chrétiennes en France ainsi qu’à des études académiques antérieures.
Parlons Climat et A Rocha sont « très heureux de publier aujourd’hui cette étude complétée, nourrie de nombreux entretiens préalables avec des acteurs chrétiens et universitaires », a déclaré Lucas Francou Damesin, co-fondateur de Parlons Climat. « Comprendre la spécificité du regard des catholiques et des protestants sur la transition écologique nous semble être un enjeu essentiel. »
Jean-Marc Mouhot, lui, se réjouit d’une opportunité « pour mieux communiquer et mobiliser [les chrétiens] sur le sujet du changement climatique. »
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