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Parcours de vie : Pat Robertson, pionnier de la radiodiffusion et de la télévision chrétienne grand public

Avec CBN, « The 700 Club », la Regent University, la Christian Coalition et une candidature à la présidence, il a changé la place des évangéliques dans la vie publique.

Christianity Today June 9, 2023
Pat Robertson / edits by Rick Szuecs

Pendant six décennies devant la caméra, Pat Robertson a introduit sa sensibilité pentecôtiste et sa politique conservatrice dans des millions de salons en tant que pionnier de la télévision chrétienne et leader de la Christian Coalition of America (« Coalition chrétienne américaine »).

L’animateur au franc-parler est décédé jeudi dernier à l’âge de 93 ans à Virginia Beach, en Virginie, dans la ville où sont installés le Christian Broadcasting Network (CBN) et la Regent University qu’il avait fondés. Ce n’est qu’en 2021, à l’âge de 91 ans, que Robertson avait cessé d’animer l’émission phare de CBN, The 700 Club (« Le Club 700 »), tout en continuant à participer à des sessions mensuelles de questions-réponses.

Au cours de sa carrière à la télévision, l’ancien candidat républicain à l’élection présidentielle aura interviewé cinq présidents américains et des dizaines de dirigeants internationaux, prié pour des millions de téléspectateurs, fait des prédictions politiques et suscité la controverse avec ses commentaires à l’emporte-pièce qualifiants de jugement de Dieu des catastrophes telles que les ouragans, les tremblements de terre et les attentats du 11 septembre 2001.

Bien que ses propos controversés aient fait couler beaucoup d’encre à la fin de sa vie, Robertson a également été l’un des évangélistes les plus influents du 20e siècle, avec un esprit d’entreprise et une ferme volonté de faire ce qu’il sentait être la volonté de Dieu.

« Robertson a façonné trois évolutions religieuses majeures : le renouveau charismatique, la télévision chrétienne et la politique évangélique », écrivait notre magazine dans un profil en 1996. « Ensemble, ces développements ont contribué à faire passer l’évangélisme d’une posture marginale et défensive à un rôle de force de premier plan dans le christianisme américain. »

Avant que CBN ne devienne la puissance de diffusion qu’elle est aujourd’hui — avec un budget annuel de 300 millions de dollars et une retransmission dans 174 pays — il n’y avait qu’une station de télévision de Virginie désaffectée et un appel de Dieu.

Il n’existait pas de modèle de télévision chrétienne lorsque Robertson acheta des locaux délabrés à Portsmouth, en Virginie, et lança WYAH-TV (nommée d’après le nom Yahweh) en 1961. Elle diffusait trois heures de programmes chaque soir à l’aide d’une seule caméra en noir et blanc. Ces premières années furent épuisantes, étourdissantes et désordonnées, mais pour l’homme d’affaires pentecôtiste, la station tenait du miracle.

Le premier téléthon de CBN lança le « 700 Club » en 1963, recrutant 700 téléspectateurs pour s’engager à verser 10 dollars par mois afin de couvrir les dépenses de la chaîne ; l’émission qui reprit ce nom naquit trois ans plus tard.

Robertson continua à développer la station en levant davantage de fonds, en faisant appel à de nouveaux talents — les évangélistes Jim et Tammy Bakker le rejoignirent en 1965 — et en utilisant de nouvelles technologies. Le réseau Praise the Lord (PTL) et le Trinity Broadcasting Network suivirent.

Robertson fut l’un des premiers responsables de télévision à investir dans le satellite, ce qui permit à CBN de diffuser son téléthon annuel dans 18 villes et de lancer un réseau câblé 24 heures sur 24 en 1977. En l’espace d’une décennie, CBN était présent dans 9 millions de foyers.

Comme le rapportait notre magazine en 1982, « CBN a commencé à remplacer les chaires et l’anglais de la King James par des canapés à la Johnny Carson [animateur d’un célèbre talk-show] et un langage populaire de feuilleton. Son émission phare, The 700 Club, a pris le format d’un talk-show dynamique, avec des spots d’information en provenance de Washington, D.C. D’autres programmes ressemblent aux programmes familiers des amateurs de télévision, entre feuilleton de bonne qualité, informations et débats matinaux, minisérie sur la pornographie, analyses de la bourse et divertissements pour les enfants. »

En prenant ses aises sur le plateau de CBN, parlant de prière et de politique dans une orientation charismatique, Robertson devint une personne différente de celle qu’il était dans son enfance de baptiste du sud à Lexington, en Virginie, agitée et peu intéressée par la foi évangélique.

Robertson est né en 1930 sous le nom de Marion Gordon Robertson et était surnommé « Pat » en raison de la façon dont son frère tapotait ses joues potelées. Son père, A. Willis Robertson, était sénateur américain, et Pat Robertson bénéficia d’une éducation de premier plan à l’université Washington et Lee et à la faculté de droit de Yale. Il servit deux ans dans l’armée lors de la guerre de Corée.

Après avoir échoué à l’examen du barreau et quitté un emploi commercial à New York, il décida de devenir pasteur, une décision qui troubla sa mère croyante restée en Virginie. Elle le mit en contact avec un missionnaire néerlandais nommé Cornelius Vanderbreggen. Lors d’un repas avec Vanderbreggen à Philadelphie, Robertson grimaça lorsque ce dernier partagea un tract évangélique avec le serveur et lut la Bible durant le repas.

Mais en secret, Robertson étudiait les Écritures et commençait à sentir que Dieu lui parlait à travers elles. Il fit à Vanderbreggen une confession de foi qu’il considéra plus tard comme sa propre conversion « de noceur à saint ». À ce moment-là, racontera-t-il, il passa d’une ascension religieuse vers l’existence de Dieu à une relation salvatrice avec son Père céleste.

Il surprit sa femme, Dede, par son zèle de converti : il versa leur scotch de luxe dans les égouts, la laissa enceinte de leur deuxième enfant pendant qu’il participait à une conférence chrétienne InterVarsity d’un mois, et finit par vendre ses meubles et déménager sa famille de cinq personnes dans une pièce et demie d’un appartement partagé à Brooklyn, inspiré par le commandement de Luc 12.33 de « vendre ses biens et de les donner aux pauvres ». Il commença au service de l’Église dans la Bayside Community Church, sur l’île de Long Island.

À la fin de la vingtaine, Robertson fréquentait le séminaire biblique de Manhattan, rejoignant un groupe de croyants dévoués qui priaient, jeûnaient et se consacraient à la recherche de Dieu tout en exerçant leur ministère parmi les pauvres. Il participa à des retraites de prière avec des camarades de classe, comptant notamment parmi eux Eugene Peterson. Robertson et les « Christian Soldiers » prêchaient au coin des rues lorsque Billy Graham arriva dans la ville en 1957. Ils rencontrèrent la rédactrice en chef du magazine Guideposts, Ruth Stafford Peale, et prièrent en langues pour le réveil, inspirant deux livres phares du renouveau charismatique : Ils parlent en d’autres langues et La Croix et le Poignard.

« J’étais entré dans le livre des Actes des Apôtres et je n’étais plus un spectateur, mais un participant actif aux œuvres d’un Dieu faiseur de miracles », racontera Robertson.

Il quitta New York pour sa ville natale de Virginie après avoir obtenu son diplôme en 1959. À Lexington, il eut l’occasion de prêcher pour des segments radiophoniques de 15 minutes et apprit qu’une station de télévision était à vendre à cinq heures de route, à Portsmouth. Lorsque sa famille déménagea, il n’avait même pas de télévision, « juste 70 dollars et l’idée de créer le premier réseau de télévision chrétienne aux États-Unis », peut-on lire dans sa biographie. Il prêchait dans des Églises locales pour se débrouiller avant que le réseau ne se mette en place ; certaines lui donnaient 5 dollars, et l’une d’entre elles le paya un sac de 30 kilos de graines de soja.

De nombreuses entreprises de Robertson suivent ce modèle : il entend un appel de Dieu et lance un projet en réponse à cet appel.

« Je voulais faire partie du plan de Dieu. Son plan est d’évangéliser le monde et d’amener des millions de personnes au royaume, et il m’a permis d’en faire partie », expliquait Robertson.

Il racontait que Dieu lui parla au cours d’un repas (un demi-melon et du fromage blanc) de construire une école pour sa gloire. En 1977, il acheta une trentaine d’hectares à Virginia Beach pour l’université CBN, qui deviendra plus tard la Regent University. 77 étudiants s’inscrivirent la première année.

L’année suivante, à Noël, il déclara que Dieu lui avait parlé de « proclamer un simple message de salut », car il enverrait son Esprit dans le monde entier et des millions de personnes y répondraient. Il lança ce qui allait devenir CBN International. Aujourd’hui, 90 % des téléspectateurs de la chaîne se trouvent à l’extérieur des États-Unis.

La lecture de la promesse de bénédiction d’Ésaïe 58 l’amena à fonder l’organisation caritative humanitaire Operation Blessing en 1978 ; le ministère viendra en aide à des personnes dans 90 pays et territoires.

C’est également avec l’appel de Dieu à l’esprit que Robertson entra dans l’arène politique. Il retourna dans la maison de Bedford-Stuyvesant où il avait vécu à New York pour déclarer sa candidature à l’élection présidentielle de 1987.

Même avant sa candidature, les téléspectateurs chrétiens discernaient l’intérêt de Robertson pour la politique, certains avec enthousiasme, d’autres avec circonspection. Il avait un jour plaisanté en disant que le Sénat, où son père avait servi pendant des décennies en tant que démocrate conservateur du Sud, serait une rétrogradation, mais que la présidence serait un « mouvement latéral » par rapport à son poste à CBN.

Christianity Today rapporta les premières rumeurs concernant les ambitions présidentielles de Robertson en 1985 :

Il s’intéresse beaucoup à la formation des chrétiens aux affaires publiques et à stimuler leur enthousiasme pour l’engagement politique. Il estime que l’Amérique se trouve à un carrefour où les valeurs familiales et la foi en Dieu risquent de céder la place à l’étatisme et à l’hédonisme. Se présenter aux élections présidentielles ne garantira pas à Robertson un mandat à la Maison-Blanche, mais signifiera presque certainement que les candidats aux élections présidentielles de 1988 ne pourront pas négliger les questions morales qui importent aux chrétiens.

Au début des années 80, Robertson avait commencé à consacrer la première demi-heure de l’émission The 700 Club aux affaires publiques, car il était de plus en plus préoccupé par la laïcité et les menaces pesant sur la liberté religieuse, telles que les restrictions imposées à la prière dans les écoles. Il considérait que le changement de contenu de l’émission était une réponse à l’ingérence du gouvernement. « Ce n’est pas nous qui commençons à faire de la politique », déclarera-t-il. « C’est eux qui commencent à faire de la religion. »

Robertson considérait la présidence comme un moyen de poursuivre sa vocation à servir. Malgré une deuxième place lors des caucus de l’Iowa, il perd le Super Tuesday et se retire de la course en soutenant George H. W. Bush. Après la campagne, il écrira dans The Plan qu’il voyait à l’œuvre un objectif plus profond dans sa candidature ratée à la Maison-Blanche.

Se pourrait-il que la raison de ma candidature ait été l’entrée de dizaines de milliers de chrétiens évangéliques au gouvernement ? Pour la première fois dans l’histoire récente, les chrétiens patriotes et promoteurs de la famille ont appris les techniques simples de l’organisation efficace d’un parti et d’une campagne réussie. Leur présence en tant que force active dans la politique américaine pourrait aboutir à ce qu’au moins l’un des principaux partis politiques américains adopte un point de vue profondément chrétien dans ses programmes et sa structure.

Il s’appuya sur cet élan pour lancer la Coalition chrétienne, qui rallia des électeurs évangéliques et distribua des guides de vote aux Églises à partir de 1989. L’année suivante, il fonda également un cabinet d’avocats « pro-famille, pro-liberté et pro-vie », l’American Center for Law and Justice (ACLJ).

Au sein du mouvement plus large de la droite religieuse, la Coalition constata que certains évangéliques conservateurs étaient d’accord avec ses positions conservatrices, mais restaient réticents à affirmer une position chrétienne sur des questions qui n’avaient pas de mandat biblique clair. Elle lutta pendant une décennie avec le gouvernement fédéral au sujet de ses guides non partisans et finit par perdre son droit à l’exonération fiscale.

Robertson se considérait comme un évangélique doté d’un don charismatique et d’une vision œcuménique, déclarant un jour : « En ce qui concerne la majesté du culte, je suis épiscopalien ; en ce qui concerne la croyance en la souveraineté de Dieu, je suis presbytérien ; en ce qui concerne la sainteté, je suis méthodiste […] en ce qui concerne le sacerdoce des croyants et le baptême, je suis baptiste ; en ce qui concerne le baptême du Saint-Esprit, je suis pentecôtiste, donc je suis un peu de tout cela. »

Certains chrétiens ont fréquemment levé les yeux au ciel ou contesté certaines des déclarations faites par Robertson à l’antenne au fil des ans alors qu’il commentait l’actualité et répondait aux questions des téléspectateurs. Il appela ainsi les États-Unis à assassiner le président vénézuélien Hugo Chavez. Il défendit le fait de divorcer d’une femme atteinte de la maladie d’Alzheimer. Il prédit aussi la victoire de Donald Trump et n’accepta la défaite de ce dernier en 2020 qu’une semaine après que Joe Biden ait été déclaré vainqueur.

Que l’on ait aimé ou détesté Robertson, il est difficile d’ignorer son influence. The 700 Club est disponible sur 97 % des marchés télévisuels aux États-Unis et compte parmi les émissions les plus pérennes de l’histoire.

Sur son site web, Robertson citait la création d’entreprises et les transactions financières comme l’un de ses « passe-temps », et son succès dans ce domaine dépasse le cadre de CBN. Il fonda International Family Entertainment Inc, la société mère de Family Channel, qui fut vendue en 1997 pour 1,9 milliard de dollars. Dans l’équilibre entre réussite financière et appel, Robertson déclara : « J’ai pris conscience que Dieu ne voulait pas que je sois un investisseur milliardaire. Il m’a voulu comme un humble serviteur qui dépendait de lui et voulait marcher dans ses voies. »

La femme de Robertson, qui vécut 67 ans à ses côtés, était décédée en 2022. Robertson laisse derrière lui deux fils, deux filles, 14 petits-enfants et 23 arrière-petits-enfants. Son fils Gordon Robertson est aujourd’hui PDG de CBN et animateur et producteur exécutif de The 700 Club.

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