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Le harcèlement sexuel a été négligé au sein de Christianity Today

Des femmes ont signalé les comportements inappropriés de deux hauts responsables pendant plus de 12 ans. Rien ne s’est produit.

Christianity Today March 24, 2022
Christianity Today

Contexte : Cet article a été réalisé par Daniel Silliman, rédacteur pour CT News, édité par Kate Shellnutt, éditrice principale de CT News, et publié sans avoir été revu par les responsables du ministère. Aucun des deux rédacteurs n’a eu accès aux dossiers du personnel ou aux réunions concernant les accusations ou l’enquête. Vous pouvez lire la déclaration du président et directeur général Timothy Dalrymple ici .

Pendant plus d’une douzaine d’années, Christianity Today (CT) a laissé se produire des faits de harcèlement sexuel dans ses bureaux de Carol Stream, dans l’État américain de l’Illinois, sans demander de comptes aux deux responsables de son ministère en cause.

Un certain nombre de femmes ont signalé le comportement dévalorisant, inapproprié et offensant de l’ancien rédacteur en chef Mark Galli et de l’ancien directeur de la publicité Olatokunbo Olawoye. Mais selon une évaluation externe de la culture d’entreprise du ministère publiée mardi 15 mars, leur comportement n’a pas été pris en compte et les deux hommes n’ont pas été sanctionnés.

Le rapport a identifié deux problèmes au sein du magazine phare du mouvement évangélique américain : un processus insuffisant pour « signaler, enquêter et résoudre les allégations de harcèlement » et une culture de sexisme inconscient pouvant être « inhospitalière pour les femmes ». CT a rendu cette évaluation publique.

« Nous voulons mettre en pratique la transparence et la redevabilité que nous prêchons », a déclaré le président de CT, Timothy Dalrymple. « Il est impératif que nous soyons irréprochables sur ces questions. Si nous ne sommes pas à la hauteur de ce que l’amour exige de nous, nous voulons le savoir, et nous voulons faire mieux. »

Dans le cadre d’un reportage indépendant, un journaliste de CT News a interrogé plus de 25 employés actuels et passés et a entendu de première main 12 témoignages de harcèlement sexuel.

Des femmes employées par CT ont fait l’objet d’attouchements au travail qui les ont mises mal à l’aise. Elles ont entendu des hommes ayant autorité sur leur carrière faire des commentaires sur la désirabilité sexuelle de leur corps. Et dans au moins deux cas, elles ont entendu des responsables de département laisser entendre qu’ils seraient ouverts à une liaison.

Plus d’une demi-douzaine d’employés ont signalé le harcèlement de Galli ou d’Olawoye à un responsable ou aux ressources humaines entre le milieu des années 2000 et 2019. Mais aucun des deux dirigeants n’a fait l’objet d’un rapport écrit, d’un avertissement formel concernant leur comportement inapproprié, d’une suspension ou d’une autre sanction. Rien n’indique que CT ait pris des mesures correctives, même après des plaintes répétées pour des actes presque identiques.

« La culture, quand j’étais là, était de protéger l’institution à tout prix », déclare Amy Jackson, une rédactrice associée qui a quitté ce qui était devenu, selon elle, un environnement de travail hostile en 2018. « Personne n’a jamais été tenu pour responsable. Mark Galli était certainement protégé. »

Les comportements inappropriés à CT ne se classent peut-être pas parmi les pires exemples exposés par le mouvement #MeToo, mais le ministère ne s’est jamais mesuré lui-même à ces standards.

« Au milieu de la laideur de notre monde », écrivait Galli en 2015, « Christianity Today offre une oasis de vérité, de bonté et de beauté. »

Au moment même où Galli développait la notion de « belle orthodoxie » pour CT, il faisait des commentaires inappropriés sur certaines femmes. Trois personnes se souviennent l’avoir entendu dire au bureau, par exemple, qu’il aimait regarder les golfeuses se pencher. Galli nie ce commentaire spécifique, mais dit qu’il pourrait avoir fait référence aux femmes sur le terrain de golf comme à des « bonbons pour les yeux ».

Les remarques sur le corps des femmes, et même une main baladeuse occasionnelle pourraient être considérées comme simplement « grossières », déclare l’éditrice responsable de contenus en ligne Andrea Palpant Dilley, l’une des personnes qui ont demandé l’évaluation externe. Mais ce comportement a eu un impact sur les femmes qui travaillent à CT.

« Le harcèlement sexuel suscite une peur physique, mais la plus grande peur, pour moi, est celle de la dévalorisation et du manque de respect », explique Palpant Dilley. « C’est une menace pour mon statut de professionnelle, et c’est fondamentalement une menace pour ma capacité à m’épanouir et à croire que je peux être respectée en tant que femme à CT. »

Une plainte aux ressources humaines a provoqué un retour de bâton

Richard Shields, directeur des ressources humaines de 2008 à 2019, a refusé de se prononcer sur des employés ou des allégations spécifiques dans le cadre de cet article. Mais il conteste l’idée que les ressources humaines n’ont pas été à la hauteur.

« J’ai toujours pris les plaintes au sérieux et de manière très, très confidentielle », a-t-il déclaré au journaliste de CT news. « Je suis persuadé que nous avons utilisé les procédures en place de manière très cohérente, très approfondie et très efficace ».

La politique de CT stipulait que les ressources humaines devaient documenter toute allégation d’inconduite et en faire part à l’équipe de direction. Cependant, l’équipe de direction ne disposait pas de directives claires sur les conséquences des infractions, selon Harold Smith, président et directeur général de 2007 à 2019.

Ce n’est qu’après le début des mouvements #MeToo et #ChurchToo sur les réseaux sociaux que les dirigeants de CT ont commencé à revoir les politiques et à former le personnel sur le harcèlement sexuel.

« Nous faisions du rattrapage », raconte Smith. « Et malheureusement, ce sont les femmes qui ont porté ce problème à notre attention […] qui se sont tristement retrouvées à attendre et attendre une forme de résolution. »

Lorsque les gens déposaient des accusations, les ressources humaines ouvraient des dossiers et prenaient des notes. Mais rien ne se passait ensuite, laissant de nombreux employés actuels et passés avec l’impression que toute inconduite qui n’était pas un crime n’entraînait aucune conséquence.

Pour certains, les signalements aux ressources humaines ont en fait aggravé la situation. Pour une femme, une plainte auprès des ressources humaines a suscité tellement de réactions négatives qu’elle a changé son vécu dans son travail à CT.

Son nom, comme celui des autres femmes victimes de harcèlement sexuel, reste confidentiel, conformément à la politique de CT en matière de signalement des abus. Les détails de chaque histoire ont toutefois été confirmés par plusieurs sources qui ont observé le même incident, l’ont appris de première main à l’époque ou ont vu des cas identiques de harcèlement.

Lorsque cette femme a été engagée en tant que rédactrice au milieu des années 2000, quelqu’un a plaisanté en disant qu’elle n’avait été engagée que parce qu’un rédacteur principal voulait avoir des relations sexuelles avec elle. Elle ne l’a pas signalé aux ressources humaines, mais un collègue l’a fait. Par la suite, cette femme a régulièrement entendu des commentaires d’hommes de CT lui reprochant d’être trop prompte à voir le harcèlement sexuel partout.

Galli, en particulier, a commencé à lui demander si elle était offensée lorsqu’il lui ouvrait une porte, se souvient-elle. Il pouvait faire une déclaration banale sur le genre, dit-elle, puis ajouter : « Tu vas le signaler ? ».

Cela lui a donné à croire que si elle signalait quoi que ce soit, elle serait traitée comme si elle criait au loup. « C’était assez effrayant », dit-elle.

Peu de temps après, le directeur de la publicité de CT, Olawoye, est entré dans son bureau et a fermé la porte. Il lui a dit à quel point elle était belle, se souvient-elle. Puis il a commencé à dire à quel point il était malheureux dans son mariage et a posé sa main sur sa jambe.

Elle ne l’a pas signalé aux ressources humaines. Elle ne pensait pas que cela valait le risque encouru.

« Il est difficile pour les gens de déposer des plaintes pour harcèlement — très difficile », déclare Sonal Shah, directeur adjoint des services de droit du travail chez HR Source. « La plupart des cas ne sont pas signalés, donc si vous recevez plusieurs plaintes, le problème est probablement plus grave et plus répandu que vous ne le pensez. »

De nombreuses femmes ayant travaillé pour CT entre 2000 et 2019 ont déclaré qu’il n’était même pas clair pour elles si les ressources humaines étaient responsables des plaintes pour harcèlement sexuel. L’État de l’Illinois a rendu obligatoire une formation sur le harcèlement sexuel pour tous les lieux de travail en 2019, et CT exige désormais que les employés suivent un cours annuel en ligne. Avant cela, se souviennent les femmes, l’impression générale était que les ressources humaines ne s’intéressaient pas aux allégations de harcèlement sexuel et ne s’occupaient que des embauches, des licenciements et des plans de retraite.

Le directeur des ressources humaines, Shields, était également associé à un groupe d’hommes haut placés dans l’organisation qui jouaient ensemble au golf, dont Galli, Olawoye et plusieurs autres. Un certain nombre de femmes ont déclaré qu’elles avaient décidé de ne pas dénoncer le harcèlement parce qu’il semblait plus susceptible de sympathiser avec les hommes occupant des postes de direction qu’avec les jeunes femmes formulant des accusations.

« On m’a dit de ne rien attendre des ressources humaines », a déclaré une ancienne employée, « mais de m’adresser à d’autres femmes ».

Entraide féminine pour éviter le harcèlement sexuel

Les femmes du bureau se sont organisées de manière informelle pour se protéger les unes les autres contre l’attention indésirable d’Olawoye, qui était connu à CT sous le surnom de « Toks ». Plusieurs d’entre elles ont décrit avoir averti les nouvelles recrues qu’il ne respectait pas les limites personnelles, mais qu’il s’invitait fréquemment dans les bureaux des femmes, fermait la porte et les entraînait dans de longues conversations personnelles.

Certaines se sont même alliées pour faire semblant d’avoir des réunions entre elles afin d’avoir une excuse pour mettre poliment fin aux conversations avec leur supérieur.

Malgré ces efforts, trois autres femmes ont vécu des expériences identiques de harcèlement. Chacune d’entre elles a déclaré indépendamment qu’Olawoye avait fait des commentaires sur son apparence physique, qu’il lui avait dit que sa femme n’était plus aussi séduisante qu’avant et qu’il avait mentionné qu’il n’avait pas autant de relations sexuelles qu’il le souhaitait.

« Mon corps tout entier s’est crispé et j’ai eu envie de vomir », se souvient une femme. Je me disais intérieurement : « Hum, je ne veux pas être ton amie. Je ne veux pas être ici. Je ne veux plus jamais parler à cette personne seule. »

Aucune de ces femmes n’a signalé les incidents à la direction ou aux ressources humaines. L’une d’elles a dit qu’elle avait l’impression de s’en sortir personnellement, et les autres ont déclaré qu’elles étaient gênées et ne pensaient pas que cela les aiderait.

Elles avaient peut-être raison. Lorsque d’autres personnes ont signalé à Olawoye un comportement inapproprié, elles ont constaté qu’elles étaient traitées comme si elles étaient le problème.

Une femme a dit à sa responsable qu’Olawoye fixait ses seins pendant les réunions. La réponse de celle-ci : « Ça aidera si tu portes un foulard. »

La responsable a confirmé ce récit, mais note qu’elle n’avait pas reçu de formation sur le harcèlement sexuel lorsqu’elle a été promue et qu’elle ne savait pas comment déposer une plainte officielle.

Un autre manager, un homme, a déposé une plainte. Il s’est rendu aux ressources humaines et a déclaré qu’Olawoye passait un temps excessif à parler à une stagiaire. Il semblait lui poser des questions inappropriées — si elle avait un petit ami, si elle avait déjà eu un petit ami, et si elle aimerait dîner chez lui.

Quelques jours plus tard, Olawoye est entré en trombe dans le bureau du responsable qui l’avait dénoncé et a exigé des excuses. Il avait appris qui avait déposé la plainte et était furieux de la possibilité d’une « affreuse tache » sur son dossier.

Le manager n’a pas déposé d’autres plaintes concernant les ressources humaines pendant son passage à Christianity Today.

Rien n’indique qu’Olawoye ait été officiellement réprimandé pour cet incident ou que celui-ci ait laissé une quelconque trace dans son dossier.

Le mandat d’Olawoye à CT a pris fin après son arrestation par des agents fédéraux lors d’une opération montée en 2017. Il tentait de payer pour avoir des relations sexuelles avec une adolescente. Il a finalement plaidé coupable et a été condamné à trois ans de prison.

Il vit aujourd’hui dans la banlieue de Chicago et est enregistré comme délinquant sexuel. Il n’a pas répondu aux multiples requêtes de commentaire pour cet article.

Selon plusieurs employés, après l’arrestation d’Olawoye, les ressources humaines ont offert un soutien aux employés qui pouvaient être sous le choc, mais n’ont pas cherché à savoir si quelqu’un avait été maltraité par Olawoye pendant son passage au bureau. Au lieu de cela, les responsables de CT ont exhorté le personnel à faire preuve de grâce envers Olawoye et à se rappeler que tout le monde est innocent jusqu’à preuve du contraire.

Galli accusé d’attouchements sur huit femmes

Au sein du département éditorial de CT, c’est Mark Galli qui a partagé la nouvelle de l’arrestation d’Olawoye et a diffusé le message concernant la nécessité de suspendre son jugement. Il a dit à au moins deux femmes qu’il supervisait qu’il comprenait comment un homme pouvait être tenté de payer pour des relations sexuelles avec une adolescente. Selon ces femmes, Galli a dit qu’il avait lui aussi des pulsions sexuelles inassouvies et que c’était une expérience masculine commune. L’important était d’apprendre à ne pas agir en fonction de ces pulsions.

Toutes deux se demanderont plus tard pourquoi il leur avait dit cela. Toutes deux ont ensuite été touchées de manière inappropriée par le rédacteur en chef de l’époque.

Au total, huit femmes ont déclaré que Galli les avait touchées de manière inappropriée.

Six ont signalé l’incident aux ressources humaines. Une ne l’a pas fait. Pour une autre, l’incident a été signalé par un collègue. Galli n’a reçu aucune réprimande écrite ni aucun avertissement officiel concernant son comportement.

« Les ressources humaines sont censées nous protéger », a déclaré un ancien employé. « Elles sont censées gérer ces situations, mais j’ai vu à maintes reprises que les ressources humaines ont une autorité en titre, mais pas l’autorité pour faire réellement quelque chose. »

Aucune des femmes n’a vu Galli subir de conséquences, et plusieurs d’entre elles ont déclaré qu’il semblait balayer les plaintes d’un revers de la main en les considérant comme une gêne mineure, une différence de génération ou un problème de culture « politiquement correcte ».

Aujourd’hui, Galli considère ces allégations comme des malentendus.

« Je n’ai jamais rien fait de consciemment, délibérément mauvais », a-t-il déclaré au rédacteur de CT news. « Je suis heureux de m’excuser pour les domaines dans lesquels j’ai mal communiqué ou fait croire aux gens une chose alors que j’essayais en fait d’en faire une autre. Je suis heureux de le faire. »

Galli s’est dit frustré que CT ait laissé les malentendus « s’envenimer » et a déclaré qu’il aurait souhaité que le ministère facilite la réconciliation entre lui et les femmes qui l’ont accusé de conduite inappropriée.

« Certaines personnes ont pu interpréter tout type de toucher comme une sollicitation sexuelle », a-t-il déclaré. « Quoi que j’aie fait qui ait pu troubler, offenser, déranger quelqu’un, même deux ans après avoir quitté l’entreprise, j’apprécierais d’avoir la possibilité, même en présence d’une tierce personne, de comprendre ce dont il est question. »

Les récits partagés avec le journaliste de CT News suivent des schémas presque identiques. La plupart des femmes ont dit qu’il avait passé sa main sur le bas de leur dos et touché l’agrafe de leur soutien-gorge.

Certaines disent que son toucher leur semblait sexuel et qu’elles se sont senties abusées. D’autres ne pensent pas que l’intention était sexuelle, mais le fait qu’il ne respecte pas les limites les a dérangées. Il agissait, selon elles, comme s’il pouvait franchir toutes les limites personnelles ou professionnelles qu’il voulait.

Une femme rapporte qu’en 2008 ou 2009, Galli s’est approché d’elle femme devant une photocopieuse et a posé sa main sur le bas de son dos. Selon l’ancienne employée, ce n’était pas manifestement sexuel. Mais cela l’a mise mal à l’aise. « Pourquoi avait-il besoin de toucher le bas de mon dos ? »

La femme a signalé l’incident aux ressources humaines. Elle a rencontré Shields. Le directeur des ressources humaines a pris des notes, dit-elle, et a semblé comprendre pourquoi ce comportement la mettait mal à l’aise.

Puis rien ne s’est passé. Quelques semaines plus tard, dit-elle, Galli l’a approchée et lui a dit : « Viens me parler directement la prochaine fois. » Ce n’est que plus tard qu’elle a réalisé qu’il laissait entendre qu’il y aurait une prochaine fois.

« Je ne me sentais plus à l’aise de parler aux ressources humaines après cela », a-t-elle déclaré.

Une autre ancienne employée a raconté que Galli l’a touchée à deux reprises d’une manière qui ne lui convenait pas, notamment en lui caressant l’épaule nue alors qu’ils étaient assis l’un à côté de l’autre lors d’un événement à la fin des années 2000. Selon des courriels rédigés à l’époque, elle a signalé ce comportement à son supérieur, mais celui-ci a décidé de ne pas déposer de plainte auprès des ressources humaines.

Une troisième femme se souvient qu’en 2012, Galli lui a dit qu’il n’était pas censé la serrer dans ses bras, mais qu’il allait le faire quand même. Elle a senti sa main s’attarder sur l’agrafe de son soutien-gorge.

Une quatrième a déclaré que Galli lui avait caressé le dos et que sa main était restée coincée sous son soutien-gorge. Lorsqu’elle en a parlé à un vice-président, celui-ci a laissé entendre qu’elle avait mal interprété la situation et l’a découragée d’en « faire un problème de ressources humaines ».

« Les mots spécifiques qui m’ont été dits étaient : “Personne ne l’a jamais dénoncé”, “Il n’y a aucune plainte aux ressources humaines contre lui”, “Il a un dossier impeccable” », rapporte la femme. « Je me souviens qu’on me l’a dit de trois manières différentes, et je me suis dit que c’était peut-être moi le problème ».

L’employée est quand même allée voir les ressources humaines. On lui a dit plus tard que, puisque Galli niait les faits, qu’il n’y avait pas de témoins et qu’il n’y avait pas de documentation antérieure sur des attouchements inappropriés, rien ne pouvait être fait.

Galli a confirmé avoir eu de multiples différends pour avoir touché des personnes au travail, mais conteste l’interprétation de ses actes par les femmes.

« Ma main n’a pas pu rester sur son dos plus d’une seconde », a-t-il déclaré au journaliste de CT News. « J’ai manifestement violé son espace. Je suis vraiment désolé pour ça. Je ne sentais pas son soutien-gorge. […] J’essayais juste d’affirmer physiquement que je venais en tant que personne amicale qui voulait avoir une conversation avec elle. »

« Bien sûr, j’ai dépassé des limites »

Après des plaintes répétées auprès des ressources humaines, Galli a envisagé d’instaurer une politique personnelle s’interdisant de toucher les gens au bureau, mais a rejeté l’idée, a-t-il déclaré à CT news. Il touchait les gens pour les encourager, pour créer des liens et pour communiquer efficacement, a-t-il dit, et il a pensé qu’il devrait simplement vivre avec quelques malentendus.

« Bien sûr, j’ai dépassé des limites », dit-il. « Cela ne devrait pas surprendre ceux qui me connaissent que, travaillant là pendant 30 ans, j’aie probablement franchi des limites. Oui, c’est arrivé. Pour être clair, je n’ai jamais eu d’intérêt romantique ou sexuel pour qui que ce soit à Christianity Today. »

Galli a également enfreint d’autres limites. Au début des années 2000, il a dit à une femme qui travaillait sous sa responsabilité qu’il la trouvait attirante, selon cette dernière et six collègues qui étaient au courant à l’époque. Après qu’elle ait démissionné, Galli lui a dit : « Tu es le type de femme avec qui je pourrais avoir une liaison. »

En 2018, Galli a fait irruption dans un bureau où une employée tirait son lait maternel. Une annonce avait été faite pour indiquer que la jeune mère aurait besoin d’intimité et un panneau sur la porte indiquait : « Ne pas déranger. » Galli a regardé le panneau et a dit à haute voix, « Cela ne s’applique pas à moi », selon deux personnes qui étaient là.

L’incident a été signalé aux ressources humaines. Galli n’a pas été officiellement réprimandé ou sanctionné.

Galli n’a pas transgressé les limites avec toutes les femmes avec lesquelles il a travaillé. Plusieurs employées actuelles et passées ont dit avoir eu de bonnes expériences : Galli les a encouragées, formées, promues et a défendu leurs intérêts.

Un plus grand nombre d’entre eux, cependant, affirment qu’il était un patron pour lequel il était difficile de travailler. Hommes et femmes considèrent qu’il avait un fort penchant autoritaire et des humeurs imprévisibles. Il se mettait parfois en colère, réagissait de manière excessive aux critiques, criait et faisait claquer des objets dans le bureau.

Aucun responsable ne semblait reconnaître ce comportement ou contrôler Galli de quelque manière que ce soit, selon les employés en poste et les anciens employés. Il se mettait en colère et plaisantait ensuite en disant qu’il était un mauvais patron comme le personnage de Michael Scott dans la série américaine The Office.

« Le prochain incident sera pris très au sérieux »

Ce statu quo a perduré jusqu’en août 2019, lorsque Galli a été accusé d’avoir touché de manière inappropriée trois femmes en trois jours.

D’abord, il s’est approché d’une femme et l’a enlacée par-derrière par surprise. Un manager l’a vu et l’a signalé aux ressources humaines, selon plusieurs personnes présentes.

Jaime Patrick, qui a succédé à Richard Shields en tant que directeur des ressources humaines en 2019, a transmis le rapport à Timothy Dalrymple, le nouveau président et directeur général. Dalrymple, qui avait été nommé trois mois auparavant, est allé voir Galli et lui a dit que ce comportement était inacceptable. Il s’agissait d’un avertissement verbal.

L’incident suivant s’est produit le jour d’après. Au cours d’une photo de groupe lors d’une sortie publique, Galli a mis son bras autour d’une collègue et a posé sa main sur ses fesses. Il a gardé sa main à cet endroit, a déclaré la femme dans une déclaration écrite aux ressources humaines, jusqu’à ce que la photo soit prise.

Dalrymple a refusé de parler de plaintes spécifiques contre des employés particuliers pour ce reportage. Cependant, selon des personnes au fait de la situation, il a demandé aux ressources humaines de documenter les comportements inappropriés antérieurs et de rechercher les options légales pour suspendre ou licencier Galli. À l’époque, près de 30 ans après l’entrée en fonction de Galli au sein du ministère, un membre du personnel des ressources humaines n’a retrouvé aucune preuve d’action disciplinaire contre lui.

Avant toute autre avancée dans le dossier, les ressources humaines ont reçu une troisième plainte d’une femme qui a déclaré que Galli l’avait saisie par les épaules et l’avait secouée pendant qu’il lui racontait une histoire.

Dalrymple a émis un avertissement formel. Galli a déclaré avoir signé une déclaration reconnaissant la réprimande. C’était la première fois qu’une plainte laissait une trace dans son dossier auprès des ressources humaines.

Selon les meilleures pratiques en matière de ressources humaines, les conséquences d’une mauvaise conduite doivent être claires et progressives, explique Shah, l’expert de HR Source. En général, une première et une deuxième infraction donnent lieu à un avertissement, une troisième à une suspension, puis à un dernier avertissement et, finalement, à un licenciement.

Une enquête et toute mesure corrective doivent également être soigneusement documentées, ajoute-t-il, afin qu’une organisation puisse démontrer devant un tribunal qu’elle a sanctionné les individus de manière cohérente, indépendamment de leur statut ou d’autres facteurs, et qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable pour protéger ses employés.

« Dire, “Hé, ne refais pas ça” n’est pas suffisant », souligne Shah. « Ce n’est pas pris au sérieux ».

Galli, cependant, n’avait pas reçu plus que des réprimandes verbales avant l’avertissement de Dalrymple.

« Le prochain incident », a dit un membre du personnel des ressources humaines à l’une des femmes qui a déposé une plainte en 2019, « sera pris très au sérieux. »

Galli a annoncé sa retraite deux mois plus tard, en octobre 2019. En décembre, il a publié un éditorial appelant à la destitution de Donald Trump. En janvier 2020, il a pris sa retraite.

Un autre incident s’est toutefois produit en 2021. Lors d’un rassemblement à Wheaton, dans l’Illinois, Galli a pris dans ses bras une employée actuelle et a fait courir sa main dans son dos.

« Il m’a vraiment pelotée », a-t-elle dit au journaliste de CT News.

Puis il s’est reculé et l’a regardée de haut en bas. Elle a interprété ce regard comme étant « ouvertement sexuel ». Même si elle ne pensait pas pouvoir faire quoi que ce soit, puisqu’il s’agissait d’un ancien employé, elle a signalé l’incident à son directeur, qui a transmis la plainte à Dalrymple.

Après cela, plusieurs femmes, dont l’éditrice de contenus en ligne Palpant Dilley, ont poussé CT à engager une société externe pour évaluer pourquoi le harcèlement sexuel venant de Galli avait pu se poursuivre sans contrôle pendant si longtemps.

« Nous avons besoin de protocoles et de procédures vraiment robustes pour que, lorsque des personnes défaillent, les systèmes derrière ces personnes ne défaillent pas », déclare Palpant Dilley. « Nous devons avoir des mécanismes de contrôle et de contrepoids. En tant que chrétiens, nous devrions avoir une vision forte et réaliste de la nature humaine, qui tienne compte de l’échec humain et nous y prépare. »

La société de conseil Guidepost Solutions a été engagée en septembre 2021 pour examiner la manière dont CT avait traité les plaintes pour harcèlement, évaluer les politiques et procédures du ministère et recommander des changements concrets.

Le 13 mars, Guidepost a conclu que, bien qu’il n’y ait pas de « modèle ou de culture plus large de harcèlement systémique », CT pourrait faire mieux.

« La réponse institutionnelle déficiente de CT aux accusations de harcèlement pourrait avoir été influencée, en partie, par un sexisme inconscient », indique le rapport. Les dirigeants du ministère « ont parfois essayé de minimiser ou de rationaliser » le harcèlement sexuel, le traitant comme rien de plus que le comportement « d’un homme plus âgé qui n’était pas en phase avec les mœurs actuelles du lieu de travail », au lieu de reconnaître qu’il était « inapproprié selon toutes normes, pour n’importe quelle personne ».

Guidepost a recommandé à CT d’améliorer sa réponse en matière de ressources humaines en créant un système de signalement anonyme et en mettant en place des procédures fixes pour les enquêtes. L’examen externe a noté que CT n’avait « aucune disposition régissant la confidentialité » autour des enquêtes relatives aux ressources humaines.

Dalrymple a déclaré que CT mettra en œuvre les recommandations et examinera d’autres changements potentiels au cours des six prochains mois.

« Les pratiques en matière d’emploi ont une raison d’être », a-t-il déclaré, « et je pense que nous devons être clairs avec nos employés : les personnes qui signalent une mauvaise conduite sont les bienvenues, elles seront à l’abri des représailles et leurs préoccupations seront prises au sérieux. »

Des problèmes culturels plus larges

Aucune des personnes lésées à CT ne pense que la culture du ministère est spécifiquement sexiste. Certains ont eu des expériences pires dans d’autres lieux de travail chrétiens. Mais le sexisme a néanmoins imposé un fardeau supplémentaire aux femmes, qui représentent aujourd’hui plus de la moitié du personnel de CT.

Les hommes du ministère partaient généralement du principe que les femmes célibataires voulaient toujours se marier et avoir des enfants, selon des employés actuels et passés. Et les responsables du ministère supposaient que les mères de famille de l’entreprise donneraient tellement la priorité à leur famille que leur travail ne pourrait jamais être aussi important pour elles que pour leurs collègues masculins.

Employés en poste et ex-employés disent qu’il y a toujours eu des problèmes avec des hommes prenant le pas sur les femmes dans les réunions. Et il était accepté que certains hommes de la direction affirment que les différences biologiques entre les sexes touchent aussi l’intelligence et que les hommes sont peut-être simplement plus intelligents.

Quelques anciens employés imputent ce sexisme à la culture évangélique, affirmant que ses normes en matière de genre peuvent brouiller les lignes entre un comportement acceptable et un comportement inacceptable.

Agnieszka Zielińska, une ancienne rédactrice de CT qui a depuis quitté le christianisme et se considère comme « une agnostique heureuse », revient sur son expérience au sein de l’entreprise de 2000 à 2006 et constate des problèmes flagrants.

« La culture évangélique a tendance à encourager la sincérité et l’ouverture sans limites clairement fixées », dit-elle. « Elle encourage le traitement des collègues de travail comme des membres de la famille. Cela peut sembler sympathique. Mais cela peut aussi créer des problèmes, comme le non-respect des limites professionnelles au travail. »

D’autres, cependant, ont été déçus par l’incapacité du ministère à respecter ses engagements chrétiens et la mission spécifique de CT. Plusieurs pointent du doigt un éditorial de 2015 où CT appelait à ce qu’émergent des « témoins honnêtes des échecs moraux ».

L’article expliquait que les scandales touchant des leaders évangéliques individuels étaient un réel problème, mais que le fait que de nombreuses personnes aient su et n’aient rien fait était aussi réellement dévastateur.

« Si vous savez quelque chose, parlez-en à quelqu’un » écrivait Ted Olsen, qui était à l’époque éditeur responsable des actualités et aujourd’hui éditeur exécutif de CT. « Si vous espérez que quelque chose se résoudra tout seul, vous devriez plutôt craindre que cela ne provoque une terrible explosion. Si vous priez pour que Dieu mette quelque chose en lumière, écoutez son appel à ne pas prendre part aux œuvres infructueuses des ténèbres, mais au contraire à les exposer (cf. Ep 5.11). »

La nouvelle d’une évaluation externe a été accueillie avec prudence par la plupart des personnes concernées chez CT. Si l’engagement de Dalrymple en faveur de la transparence a suscité un certain espoir, une bonne part de scepticisme subsiste.

Les employés actuels et passés disent craindre que le ministère ne soit trop prompt à penser que tous ses problèmes appartiennent au passé. Ils s’inquiètent de ce qui se passera la prochaine fois que quelqu’un se plaindra auprès des ressources humaines. Ils craignent qu’il soit trop facile de détourner le regard, trop facile de laisser d’autres hommes franchir d’autres limites, et trop facile de ne pas leur demander de comptes.

« Je suis à court de grâce pour cela », déclare Joy Beth Smith, directrice des projets créatifs, « et honnêtement, je ne sais pas si l’institution est dans le même cas ».

Traduit par Léo Lehmann

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