Les pasteurs atteints de troubles de l’attention peuvent s’épuiser ou briller.

Des leaders énergiques et charismatiques se battent pour se concentrer sur l’essentiel.

Christianity Today March 19, 2024
Illustration d’Abigail Erickson/Images sources : Getty

Pendant longtemps, le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) renvoyait principalement à quelques clichés : l’enfant distrait qui fait l’idiot pendant un match ou l’élève agité qui se désintéresse des cours.

Personne n’imaginait un pasteur d’âge mûr essayant de terminer le brouillon de son sermon tard dans la nuit de samedi à dimanche.

Mais comme les taux de TDAH continuent d’augmenter — avec une hausse des diagnostics chez les femmes et les adultes — l’image de ce trouble est devenue plus nuancée, et de plus en plus de personnes acceptent leur TDAH, y compris dans le cadre de leur ministère.

Les symptômes du TDAH peuvent représenter un défi particulier pour les pasteurs, dont la vocation généraliste se déploie souvent sans l’aide administrative dont ils auraient besoin. Lorsque Chad Brooks voit un pasteur atteint de TDAH, il voit quelqu’un qui va soit s’épuiser dans le ministère, soit représenter l’avenir de l’église.

Brooks est pasteur et coach et travaille avec les pasteurs de l’Église méthodiste unie (UMC) au sein du ministère Passion in Partnership. L’UMC exige que tous les pasteurs fassent une évaluation de leurs compétences à mi-carrière. Brooks a observé que les pasteurs qui viennent le voir pour un coaching et ont obtenu des résultats médiocres en matière de prédication dans leur évaluation ont souvent un diagnostic clinique de TDAH.

Il a mis au point un cours intitulé « Prêcher malgré la distraction » pour aider les pasteurs à apprendre à travailler plus efficacement pendant la semaine plutôt que d’utiliser l’adrénaline de la procrastination pour produire un sermon le samedi soir. Un nombre croissant de pasteurs s’adressent à lui pour un coaching individuel parce que leur TDAH rend trop difficile la concentration dans une salle de classe.

« Ces personnes sont profondément passionnées par les gens et le ministère, et si nous ne parvenons pas à trouver un moyen de marcher avec elles, nous passerons à côté de choses dont nous avons désespérément besoin en ce moment », estime-t-il.

Russell Barkley, expert en TDAH, explique que ce trouble se comprend mieux comme une déficience des fonctions exécutives, la maîtrise de soi nécessaire pour soutenir une action en vue d’atteindre un objectif. Les fonctions exécutives contrôlent des fonctions cérébrales telles que l’inhibition du comportement, le contrôle des émotions, la planification et la résolution de problèmes… en d’autres termes, les choses dont vous avez besoin pour vivre en adulte normal.

La définition de Barkley traduit la myriade de façons dont le TDAH peut perturber la vie. Pour les pasteurs souffrant de TDAH, les aspects essentiels du pastorat moderne tels que la planification des réunions, la gestion des rendez-vous, l’étude des Écritures et la préparation des sermons sont de réels défis. Parallèlement, de nombreuses personnes atteintes de TDAH font état d’une capacité d’hyperfocalisation, même si leur cerveau ne se fixe pas sur des choses productives.

La prévalence des diagnostics de TDAH, qui ont encore augmenté pendant la pandémie, est largement passée inaperçue et n’a pas été prise en compte par l’Église, même si de plus en plus de pasteurs souffrant de cette maladie en ressentent les effets.

Avec la réduction de la taille des églises aux États-Unis, celles-ci attendent de leurs pasteurs qu’ils soient des généralistes capables de tout gérer et les pasteurs dont les fonctions exécutives sont altérées luttent à la fois contre la honte et contre eux-mêmes.

Pour Brooks, une grande partie de son travail consiste à aider les pasteurs à être honnêtes avec eux-mêmes sur leurs forces et leurs faiblesses et à développer des habitudes qui correspondent à la façon dont Dieu les a créés.

Il demande à ses clients de documenter la façon dont ils passent leur temps, car la gestion du temps est un problème majeur pour les personnes atteintes de TDAH. En planifiant la décomposition de tâches telles que la préparation des sermons, les pasteurs peuvent gérer leur charge de travail sans attendre la montée d’adrénaline découlant de la procrastination.

Casey Cease est un pasteur laïc et coach qui travaille également dans le domaine du marketing et de l’édition. Il estime que sa capacité à passer d’un domaine à l’autre est l’un des résultats de son TDAH. Il apprécie la variété.

Bien qu’il ne travaille plus comme implanteur d’église, Cease se souvient à quel point il redoutait d’écrire ses sermons. En tant qu’implanteur d’église au sein du réseau Actes 29, Cease pensait que son style de sermon personnel devait correspondre aux styles académiques et intellectuels de Don Carson, Tim Keller et John Piper. Pourtant, plus il essayait de rédiger ses sermons comme les autres pasteurs, plus ses sermons devenaient mauvais.

« J’avais l’impression d’être déficient », raconte-t-il.

Aujourd’hui, il prêche environ une fois par mois. Il s’autorise pour cela à s’appuyer sur ce qui lui permettra d’être fidèle au texte, attentif à sa communauté et ouvert à l’action de l’Esprit saint.

La planification est essentielle. Il réserve le mardi comme jour de préparation du sermon et prévoit un temps d’activité physique ce même jour pour aider à sa concentration. Il imprime le texte et utilise des stylos et des surligneurs pour interagir physiquement avec le passage pendant qu’il y réfléchit. À la fin de la journée, il espère avoir un plan général du sermon, de sorte que, s’il n’a pas le temps d’y revenir avant le samedi, il puisse toujours prêcher un sermon fidèle à l’Écriture.

Pour Cease, accepter son TDAH signifie aussi accepter que son meilleur travail de préparation de prédication se fasse naturellement le dimanche matin tôt. Lorsqu’il a appris à travailler avec son cerveau plutôt que contre lui, « le stress de la procrastination a disparu », dit-il.

La préparation des sermons est toujours un défi, mais avec un plan pour décomposer les tâches, la chose ne semble plus insurmontable.

Comme pour la préparation de ses sermons, le pasteur a découvert des moyens d’optimiser sa pratique des disciplines spirituelles afin que ses pensées ne vagabondent plus autant. Sortir pour s’isoler, prier en marchant, rédiger des prières — plus Cease implique ses sens, plus il parvient à gérer ses pensées.

Le fait que le ministère pastoral de Cease ait consisté à fonder une église est également un atout. Les personnes atteintes de TDAH sont souvent enthousiasmées par les grandes idées et leur énergie est contagieuse. Elles attirent les autres avec une vision convaincante et laissent ensuite à des personnes plus douées sur le plan administratif le soin de s’occuper des détails.

Brooks relève que de nombreuses personnes atteintes de TDAH sont douées pour rassembler les gens, ce que le populaire module d’évaluation CliftonStrengths appelle le charisme. Cease relate qu’il s’est montré franc avec sa communauté au sujet de ses luttes avec le TDAH, de son anxiété et de sa dépression, instaurant la transparence dès les premiers jours de l’église.

Matt Podszus pense lui que son TDAH lui permet d’entrer en contact avec les gens. Il est naturellement curieux et intuitif, et lorsqu’il a commencé un ministère parmi les étudiants avec l’organisation The Navigators, son TDAH lui a donné de l’énergie pour les premiers jours de cette nouvelle entreprise, lorsque l’avenir n’était pas défini. Il constate aujourd’hui que son TDAH l’aide à envisager des connexions et des possibilités inexploitées que d’autres personnes ne voient pas.

Son ministère s’est développé, mais les responsabilités se sont accrues. Gérer des projets, répondre à davantage de courriels et assister à davantage de réunions ont mis Podszus à rude épreuve. « Je le ressens viscéralement comme un vent contraire », témoigne-t-il.

De nombreux pasteurs interrogés dans le cadre de cet article sont des implanteurs d’églises ou ont lancé de nouveaux ministères. Pour eux, ces nouveaux ministères offraient une diversité intéressante et correspondaient bien à leur énergie et à leur capacité à rassembler les gens autour d’une vision.

Mike Emlet, accompagnateur chrétien et médecin, explique que les personnes atteintes de TDAH ont parfois honte de ne pas travailler ou de ne pas penser comme les autres. Qu’il s’agisse de pasteurs ou de paroissiens, il constate que les personnes atteintes de TDAH intériorisent l’idée que ce diagnostic les définit.

« Nous devons dissocier notre valeur, notre utilité et notre justice de nos performances », souligne-t-il. « À la place, l’Évangile nous invite à nous demander à quoi ressemble la fidélité aujourd’hui. »

Parfois, la fidélité à l’Évangile consiste à prendre les médicaments nécessaires pour aider le cerveau à se concentrer.

« Je remercie souvent Dieu de m’avoir fourni mes médicaments lorsque je les prends », dit Cease.

Les médicaments et un accompagnement ont permis à Jeff Davis de retrouver une vie plus agréable. Il est aujourd’hui un actif responsable laïc de la Stonebriar Community Church, près de Dallas, mais il lui était beaucoup plus difficile d’enseigner l’école du dimanche et d’animer des petits groupes avant qu’il ne commence à suivre un traitement pour le TDAH. En réalité, il a été sans abri pendant près de deux ans. Il raconte que ses fonctions exécutives déficientes l’empêchaient de trouver et de conserver un emploi.

Il souffrait d’obésité morbide parce que la suralimentation lui semblait être le seul moyen de calmer son cerveau. Un suivi et des médicaments pour le TDAH l’ont aidé à trouver de meilleures façons de gérer ses symptômes, et il a perdu plus de 35 kilos depuis l’automne 2022.

Autrefois sans domicile fixe, cet ingénieur informatique est aujourd’hui vice-président de l’ingénierie d’une entreprise spécialisée dans les modules conversationnels d’intelligence artificielle.

Il y a peu d’écrits sur le TDAH d’un point de vue chrétien. Davis propose donc quelques articles sur le sujet afin de déstigmatiser une lutte qui a défini sa vie. Si les formes plus légères de TDAH peuvent présenter des avantages, le sien le tirait fondamentalement vers le bas.

« Est-ce que c’est une maladie ? J’étais sans domicile fixe. J’ai vécu dans mon camion pendant 20 mois. Si ce n’est pas une maladie mentale, je ne sais pas ce que c’est. »

Selon lui, les réactions à son blog ont été positives, de nombreux lecteurs le remerciant de parler enfin d’un sujet qui est rarement abordé dans les églises. Il se sent frustré lorsque les chrétiens considèrent le TDAH comme une simple incapacité à se concentrer.

Podszus raconte que le mot « juste » est source de stress pour lui, « parce que tout ce qui va être dit après cela ne sera pas faisable ». Par exemple, « juste » répondre à un courriel ou « juste » suivre un engagement.

Il étudie au North Park Seminary et même la demande d’un aménagement raisonnable pour les études est difficile pour une personne atteinte de TDAH — raison pour laquelle un tel aménagement serait d’emblée nécessaire. Remplir des demandes, organiser des rendez-vous et obtenir des documents exige une attention aux détails et un suivi qui semblent impossibles à l’esprit de celui qui vit avec ce trouble.

Mike Emlet rappelle que 1 Corinthiens 12 enseigne que chaque croyant est doué et nécessaire pour le corps du Christ.

Le TDAH peut apporter des avantages, en particulier en matière de résolution de problèmes hors des sentiers battus. Selon Podszus, son manque d’attention aux détails lui permet de donner à ses équipes les moyens de faire leur travail sans les microgérer.

Pour Brooks, les dons d’entrepreneur et l’énergie présents chez tant de pasteurs atteints de TDAH les rendront indispensables à l’avenir de l’Église.

« Nous allons avoir besoin de ces responsables, car dans les régions où je travaille, j’aurais besoin de 20 pasteurs entrepreneurs pour hier. » « Ce sont les pasteurs dont notre époque a le plus besoin. »

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Reconditionnés par la grâce

Lundi de Pâques – Comment Jésus renouvelle notre vie même après que nous l’ayons déçu.

Christianity Today March 17, 2024
: Bedroom, par Claire Waterman. Acrylique sur panneau de bois. 2022.

Jésus leur dit : « Venez manger ! » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? », car ils savaient que c’était le Seigneur. Jésus s’approcha, prit le pain et leur en donna ; il fit de même avec le poisson. (Jean 21.12-13)

Lecture proposée : Jean 21.1-14

Au début du 20e siècle, un médecin russe nommé Ivan Pavlov reçut le prix Nobel. Les chiens salivent naturellement à l’odeur de la nourriture, mais Pavlov voulait voir s’il pouvait provoquer la salivation avec un autre stimulus. Comme on vous l’a peut-être raconté lors d’un cours de sciences au lycée, Pavlov faisait sonner une cloche avant de donner à manger aux chiens. La sonnerie de la cloche a fini par faire saliver les chiens. Pavlov appelait cela un réflexe conditionné.

À un degré ou à un autre, nous sommes tous comme les chiens de Pavlov. Au fil du temps, nous acquérons un ensemble élaboré de réflexes conditionnés. Si quelqu’un nous gifle sur la joue, notre réflexe conditionné est de le gifler à notre tour. Je suppose que je ne suis pas le seul à fonctionner ainsi.

L’Évangile, c’est Jésus qui reconditionne nos réflexes par sa grâce. Le résultat ? Nous aimons nos ennemis, nous prions pour ceux qui nous persécutent et nous bénissons ceux qui nous maudissent. Nous tendons l’autre joue, nous faisons le kilomètre en plus et nous abandonnons notre chemise. Les théologiens parlent à ce sujet des « six antithèses », mais j’aime aussi y voir six habitudes contre-culturelles.

Pas moins de six fois dans le Sermon sur la montagne, Jésus dit : « Vous avez appris qu’il a été dit […] Mais moi je vous dis… » (Mt 5.21-48) Jésus reconfigure les mentalités de l’Ancien Testament telles que le « œil pour œil, dent pour dent » (Mt 5.38). Il remet en question notre éthique, à commencer par ce qui concerne le pardon.

Vous vous souvenez, en Matthieu 18, lorsque Pierre demande à Jésus combien de fois nous devrions pardonner ? Il pensait être généreux en proposant sept fois. Jésus fait nettement monter la barre : soixante-dix fois sept fois. C’est sur une plage au bord de la mer de Galilée (Jean 21) que cette compréhension du pardon viendra plus personnellement toucher Pierre. Cette apparition de Jésus est postérieure à la résurrection, et donc postérieure à son reniement par son disciple. Pierre avait nié avoir connu Jésus non pas une fois, ni deux fois, mais trois fois, et c’est après le troisième reniement que le coq a chanté, rappelant à Pierre la prophétie de Jésus (Mt 26.75).

Si je peux me permettre une observation pavlovienne, je me demande si après cela Pierre s’est senti coupable chaque fois qu’il a entendu un coq chanter. Chaque matin, un réveil brutal aurait pu lui rappeler cet échec capital, jusqu’au matin où Jésus a reconditionné ses réflexes.

Pierre est en train de pêcher lorsque son Seigneur l’interpelle par-dessus l’eau : « Jetez le filet du côté droit de la barque et vous trouverez. » La brume matinale empêchait peut-être de voir qui avait prononcé le mot, mais une nouvelle pêche miraculeuse le rend évident. Jean dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » (Jn 21.4-7)

C’est alors que Pierre saute du bateau et nage jusqu’au rivage. Lorsqu’il arrive, Jésus fait frire du poisson sur des braises. Comment ne pas aimer un Dieu qui prépare le petit-déjeuner sur la plage pour ses disciples ?

Après ce petit-déjeuner, Jésus pose une question à Pierre : « M’aimes-tu plus que ceux-ci ? » (v. 15) Il ne la pose pas une ou deux fois, mais trois fois. Coïncidence ? Je ne pense pas. Trois reniements nécessitent trois réaffirmations. Voilà comment, quand et où Jésus reconditionne les réflexes de Pierre.

Avez-vous déjà remarqué l’heure de la journée ? Jean est précis : « Le matin venu » (v. 4). En d’autres termes, à l’heure où les coqs chantent. Le son qui rappelait à Pierre son plus grand échec — ce son qui devait susciter en lui bien de la culpabilité — produirait maintenant un sentiment de gratitude. Jésus ne s’est pas contenté de restaurer Pierre dans sa mission. Jésus a reconditionné ses réflexes par sa grâce.

Vous est-il déjà arrivé que quelqu’un vous témoigne de l’amour alors que vous vous y attendiez et le méritiez le moins ? Cela change la vie, n’est-ce pas ? Et si nous aimions les autres comme Dieu nous a aimés ? Le péché sans la grâce conduit à la culpabilité, mais le don de Pâques révèle comment le péché avec la grâce peut conduire à une profonde gratitude que nous pourrons ressentir et exprimer chaque matin, chaque après-midi et chaque nuit.

Nous avons tendance à abandonner Dieu, mais Dieu ne nous abandonne pas. Il est le Dieu de la deuxième, de la troisième et de la millième chance. Même lorsque nous avons l’impression d’avoir trahi notre Dieu, c’est lui qui nous poursuit, qui nous appelle par-dessus les flots. Tel est le Dieu qui nous prépare le petit-déjeuner sur la plage. Tel est le Dieu qui nous offre un nouveau souffle de vie.

À méditer



Quels réflexes conditionnés voyez-vous à l’œuvre dans votre propre vie ou dans celle de ceux qui vous entourent ?

En quoi la réintégration de Pierre par Jésus constitue-t-elle un exemple saisissant de la grâce de Dieu, en particulier après un échec ?

Mark Batterson est le pasteur principal de la National Community Church à Washington, DC. Il est l’auteur de 23 livres dont certains ont été primés comme best-sellers dans le New York Times.

Cet article fait partie de Pâques au quotidien, notre série de méditations pour vous accompagner personnellement, en petit groupe ou en famille durant le carême et les fêtes de Pâques 2024.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

À notre rencontre au jardin du tombeau

Dimanche de Pâques – Jésus reste avec nous dans notre deuil, à Pâques et au-delà.

Christianity Today March 17, 2024
Double Take, par Cherith Lundin. Huile sur panneau. 24 x 26″ chacun. 2017.

En disant cela, elle se retourna et vit Jésus debout, mais elle ne savait pas que c’était lui. Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » (Jean 20.14-15)

Lecture proposée : Jean 20.11-18

C’est une tension permanente, une question existentielle que se posent les chrétiens : Comment s’accrocher à la joie alors que ce monde nous pousse vers tant de tristesses ? En tant que croyants, nous fondons notre espérance sur la victoire du Christ sur la mort. Nous nous réjouissons de notre salut — le don de la vie éternelle — mais le chagrin nous enserre constamment dans cette vie.

Je me réveille chaque matin à de nouveaux bienfaits, mais je me heurte aussi jour après jour à de vieilles blessures. Je pourrais vous faire ma litanie de pertes, mais je sais que vous avez aussi les vôtres : un enfant éloigné. Un mariage qui a besoin d’être restauré. Un nouveau diagnostic. Un être cher disparu trop tôt. Une maison qui a brûlé. Un animal décédé. Un amour trahi. Une foule qui vous a heurté.

Lorsque Jésus ressuscité apparaît dans le jardin près du tombeau, encore méconnaissable pour Marie, il lui demande : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » (Jean 20.15) Le Christ, même dans ce moment de victoire, laisse de la place à son chagrin. Avec cela, la Résurrection ne rappelle-t-elle pas l’Incarnation ? Il y a là un mystère insondable : le Christ est venu comme un bébé, abandonnant tout pouvoir afin d’accomplir notre rédemption, oui, mais aussi simplement pour manifester sa proximité avec nous.

Jésus, avec la simplicité d’une question, laisse place à la douleur de Marie. Au jardin entourant le tombeau — ce lieu entremêlant verdure et sépulture, deuil et miracle — ce moment de compassion du Christ à l’égard de Marie démontre que nous sommes choisis pour le connaître et pour être connus de lui. Nous ne sommes pas seulement un peuple à secourir ; nous sommes assurément un peuple sauvé et envoyé (Mc 3.13-14), mais aussi un peuple simplement invité à être avec lui.

Le dimanche de Pâques, je me souviens de la première chose que Jésus a faite après sa résurrection. Bien que l’homme-Dieu vienne d’être ressuscité, il continue à s’abaisser et se pencher vers nous. C’est comme cela que Jésus a toujours été. Il est le Verbe fait chair, prenant une forme humaine pour cohabiter et manger avec nous, souffrir et se réjouir avec nous. Tel est notre Seigneur ressuscité, prêtant l’oreille à Marie, prenant le temps de ces retrouvailles au jardin du tombeau. Tel est le Dieu qui se tenait dans le jardin aux côtés de l’humanité au commencement des temps.

Voilà tout le sens de la joie de Marie lorsqu’il prononce son nom et qu’elle reconnaît et retrouve enfin son Rabbouni (Jn 20.16). Là se trouve aussi notre joie. Jésus ressuscité nous apporte le salut, mais il vient aussi lui-même à nous. Sa victoire nous fera passer de la tombe à la gloire, et il est venu pour être avec nous dès à présent, dans le jardin du tombeau de la vie sur terre. Même si le deuil s’immisce sans cesse dans tout ce que nous aimons et vivons, Jésus vient à notre rencontre, à la fois pendant la saison de Pâques et jusque dans l’éternité. Alléluia !

À méditer



En cette période, comment vous accrochez-vous à la joie alors que ce monde vit tant de sujets de tristesse ?

Que diriez-vous si Jésus vous demandait « Pourquoi pleures-tu ? » ?

Rachel Marie Kang est la fondatrice de The Fallow House et l’autrice de deux livres.

Cet article fait partie de Pâques au quotidien, notre série de méditations pour vous accompagner personnellement, en petit groupe ou en famille durant le carême et les fêtes de Pâques 2024.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

La gloire de nos lourdeurs

Samedi saint – Lorsque la vie est trop dure à supporter, notre besoin d’un Sauveur devient évident.

Christianity Today March 17, 2024
Kitchen, par Claire Waterman. Gouache sur papier. 2020

Et il m’a dit : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. » Aussi, je me montrerai bien plus volontiers fier de mes faiblesses afin que la puissance de Christ repose sur moi. (2 Corinthiens 12.9)

Lecture proposée : 2 Corinthiens 12.9-10

Avez-vous déjà entendu ce cliché chrétien qui prétend que « Dieu ne vous donnera pas plus que vous ne pouvez gérer » ? Ce n’est pas que cette affirmation n’ait pas une part de vérité. 1 Corinthiens 10.13 dit que « Dieu est fidèle, et il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ». Mais cette idée est mal orientée dans la mesure où elle met l’accent sur ce que nous pouvons gérer — par nos propres forces et notre suffisance — plutôt que sur ce que Dieu fournira lorsque nous serons inévitablement dépassés.

Je me souviens de nuits passées sur le sol froid de ma cuisine, de mon corps affaibli par des mois sans appétit, des rivières de larmes, des joues brûlantes et du sentiment d’être seule jusque tard dans la nuit, tous les soirs. Même à une époque de ma vie remplie de ruptures inattendues, Jésus m’a rencontrée à plusieurs reprises sur ce sol alors que je criais pour qu’il réconcilie, rachète et renouvelle. Il a écouté toutes ces prières prononcées ou bégayées, ma faiblesse se manifestant au grand jour. Chaque minute ressemblait à un marathon. Mais à chaque inspiration et expiration, Jésus m’invitait à entrer dans sa grâce suffisante, renforçant ma faiblesse par sa parfaite puissance. Ce que le Seigneur a dit à l’apôtre Paul, je l’ai ressenti dans ma vie aussi : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. » (2 Co 12.9)

Aller au bout de moi-même est précisément ce qui a créé un espace en moi pour que Dieu entre. Il m’a lavée de sa miséricorde et m’a revêtue de sa force. Ma faiblesse totale est devenue la demeure de sa gloire. Oui, comme l’a déclaré Paul : « Aussi, je me montrerai bien plus volontiers fier de mes faiblesses afin que la puissance de Christ repose sur moi. » (v. 9)

En tant qu’être humain faillible qui a connu des souffrances que beaucoup de ses pairs ne partagent pas, je sais au plus profond de ma chair et de mes os que nous ne sommes pas censés supporter seuls le poids des épreuves de la vie. Si Dieu ne nous donnait que ce que nous pouvons supporter, nous n’aurions pas besoin d’un sauveur autre que nous-mêmes, et la mort sanglante de Jésus n’aurait pas eu de raison d’être. Le poids du monde brisé reposerait simplement sur nos épaules lorsque nous luttons contre une relation brisée qui pourrait ne jamais être réparée, contre une maladie permanente que nous n’aurions jamais imaginé devoir supporter, et contre toutes les autres inconnues qui se dressent devant nous.

Pourtant, si nous traversons des épreuves qui nous dépassent, le sang de Jésus est le plus extraordinaire cadeau immérité que nous puissions recevoir. Notre incapacité absolue à nous sauver nous-mêmes met en lumière la réalité de notre besoin absolu d’un sauveur.

Avec Jésus comme Sauveur, nous trouvons le réconfort en sachant que son cœur est sensible à notre douleur, car il a lui aussi enduré une peine inimaginable. Dans son innocence, il a montré qu’il était le seul digne d’être l’agneau sacrifié pour nos péchés. C’est une lourde vérité que celui qui était innocent ait dû porter le poids et la punition de tout péché, mais c’est la raison même pour laquelle nous devons croire le Christ lorsqu’il dit que sa grâce est suffisante. La gloire de Dieu brille toujours plus fort lorsque nous permettons à nos faiblesses de devenir une manifestation de sa grâce, de sa puissance et de sa force infinies.

Malgré sa force souveraine, le Christ n’a pas réconcilié, restauré ou renouvelé les situations pour lesquelles je priais désespérément sur le sol de ma cuisine. Au lieu de cela, ce que je pensais être solide s’est transformé en poussière. Et pourtant, je me suis retrouvée libérée, libérée de l’attente d’une vie à ma mesure, où la souffrance était contenue et les relations bien gardées. De l’autre côté de la confiance en mes propres ressources, j’ai trouvé le repos dans la relation avec le Christ, dans la réconciliation, la rédemption et le renouveau en lui, et non dans mes circonstances.

Que notre faiblesse — dans l’obscurité des nuits passées sur le sol d’une cuisine, et dans tous les autres endroits où notre fragilité devient indéniable — soit un témoignage de la force du Christ, notre Sauveur présent dans les profondeurs comme dans les hauteurs. Confions-nous à sa suffisance, car lorsque nous sommes faibles, c’est alors que nous sommes forts.

À méditer



Y a-t-il un moment ou une période de votre vie où vous vous êtes senti au bout de vous-même (physiquement, mentalement ou spirituellement), mais où Jésus vous a rencontré dans sa grâce, sa puissance et sa force ? Quelle était cette expérience et que vous a-t-elle appris sur le caractère de Jésus ?

À la lumière de l’Évangile, comment pouvez-vous réagir avec une joie sincère au milieu de vos faiblesses et de vos difficultés ?

Kaitlyn Rose Leventhal est une peintre abstraite professionnelle qui vit en Colombie-Britannique, au Canada, avec son mari et son chien.

Cet article fait partie de Pâques au quotidien, notre série de méditations pour vous accompagner personnellement, en petit groupe ou en famille durant le carême et les fêtes de Pâques 2024.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Tandis que les corps refroidissent

Vendredi saint – Il n’y a pas de résurrection sans mort.

Christianity Today March 15, 2024
Interior with Crucifix and Nothing Special, par Joel Sheesley. 56 x 70″. 2001.

À midi, l’obscurité s’est abattue sur tout le pays jusqu’à trois heures de l’après-midi. À trois heures de l’après-midi, Jésus s’écria d’une voix forte : « Eloi, Eloi, lema sabachthani » (ce qui signifie « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »). (Marc 15.33-34)

Lecture proposée : Marc 15.33-41

Il peut être difficile d’espérer et de croire lorsque tout ce que l’on touche est froid. Cela fait plus de trois ans que je prie pour une certaine situation. Récemment, les choses en sont arrivées à un point où je ressentais vraiment le besoin de voir un mouvement. Je n’en ai pas vu.

Le mouvement apporte de la chaleur. Le mouvement vous réchauffe. Faites du jogging sur place pendant quelques minutes et vous sentirez votre température augmenter. Votre cœur se met à pomper. Votre corps s’active. Mais comment prier quand les mains sont froides ? Comment garder l’espoir lorsque tout autour de vous est immobile ?

Je ne sais pas où vous auriez besoin de voir du mouvement. Je ne sais pas à quel point votre cœur est inquiet. Je ne sais pas si vous vous réveillez la nuit parce que votre corps doit encore traiter tout ce que vous n’avez pas eu le temps d’affronter pendant la journée. Je ne sais pas si cela fait trois ans que vous attendez, ou dix. Mais je vais partager avec vous ce que je ne cesse de me dire : abandonne-toi à la réalité de Pâques.

Tout au long du ministère de Jésus, les disciples ont vu beaucoup de choses bouger : les aveugles voyaient, les boiteux marchaient, les malades étaient guéris. L’enseignement de Jésus attirait les foules et faisait des convertis. En l’espace de trois ans, il s’est passé tellement de choses en eux et autour d’eux qu’ils ont dû en ressentir une chaleur omniprésente. Et soudain, tout s’est arrêté. Le vendredi saint, tout est devenu froid.

Ce vendredi est saint, parce que c’est le jour où nous nous souvenons de la sainteté de la mort du Christ qui a ouvert la voie à notre salut. Il y a de l’émerveillement même dans le silence. Dieu agit même lorsque le sang ne circule pas. Dieu peut agir même lorsque tout semble être immobile. Aujourd’hui, le Vendredi saint est un symbole d’espoir pour le monde entier. Mais c’était aussi le jour avant que les disciples ne sachent qu’il y aurait une résurrection. Nous l’oublions parfois : lorsqu’ils ont vu Jésus cloué sur une croix, ils l’ont fait sans comprendre le but du Calvaire. 1 Pierre 1.24-25 dit : « car toute créature est comme l’herbe, et toute sa gloire comme la fleur des champs. L’herbe sèche et la fleur tombe, mais la parole du Seigneur subsiste éternellement. Cette parole est justement celle qui vous a été annoncée par l’Évangile. » En ce moment, si vous ne voyez que de l’herbe séchée, demandez-vous s’il pourrait être bon de s’asseoir et d’attendre, comme l’ont fait les disciples. Et si, aujourd’hui, nous ne détournions pas notre regard de la lamentation de l’Agneau ? Et si, aujourd’hui, nous nous soumettions au silence du samedi ? Et si, aujourd’hui, nous ne nous réjouissions pas de la joie que les disciples de Dieu n’imaginaient pas venir le dimanche matin ? Et si, aujourd’hui, nous nous abandonnions à la sainte douleur du vendredi ?

Il n’y a pas de résurrection sans mort ; il n’y a pas de dimanche matin sans vendredi soir ; il n’y a pas de rédemption sans Celui qui nous a rachetés. Faites confiance aux méthodes du ciel.

Peut-être que, comme moi, vous regardez le sable passer dans un sablier ; ces maigres grains n’ont rien de très encourageant. Abandonnez vos émotions à la vérité de Pâques. Que le Vendredi saint soit un Vendredi saint. Laissez la mort avoir le goût de la mort. Laissez l’atmosphère se faire inconfortablement froide.

Et nous nous retrouverons dimanche matin.

À méditer



Comment garder espoir lorsque tout autour de vous est immobile ?

Qu’est-ce que la symbolique du Vendredi saint vous rappelle et comment pouvez-vous l’appliquer à votre propre vie ?

Heather Thompson Day est une conférencière interdénominationnelle, autrice d’un best-seller et animatrice de Viral Jesus , un podcast de Christianity Today.

Cet article fait partie de Pâques au quotidien, notre série de méditations pour vous accompagner personnellement, en petit groupe ou en famille durant le carême et les fêtes de Pâques 2024.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Un repas que nous n’oublierons pas de sitôt

Jeudi saint – L’espérance et l’inquiétude inhérentes à la dernière Pâque de Jésus

Christianity Today March 15, 2024
Come to the Table, par Kari Dunham. Huile sur lin. 56 x 83″. 2014.

Le soir venu, il s’y rendit avec les douze. Pendant qu’ils étaient à table et qu’ils mangeaient, Jésus dit : « Je vous le dis en vérité, l’un de vous, qui mange avec moi, me trahira. » (Marc 14.17-18)

Lecture proposée : Marc 14.17-26

Vous souvenez-vous de ce que vous avez mangé hier ? Quoi qu’il en soit, un croissant au petit-déjeuner ou encore un sandwich au déjeuner, la nourriture a probablement simplement servi de transition vers l’activité suivante de votre journée. La plupart des repas sont des obligations sans histoire destinées à remplir nos estomacs. Cependant, certains nous ralentissent et nourrissent nos âmes. Le souvenir d’un repas pris le 20 novembre 1993 me nourrit encore ainsi. La soirée était fraîche et bruineuse, typique de cette période de l’année à Vancouver. À la fin d’une journée soigneusement orchestrée pour optimiser les conditions de ma réussite, j’ai demandé à Toni de m’épouser. Après qu’elle a dit oui, nous avons célébré l’événement avec un délicieux plat de saumon. Le repas nous a donné l’occasion de nous rappeler pourquoi et comment nous sommes tombés amoureux. C’était un moment de résolutions nouvelles, un moment où nous nous sommes fait des promesses.

Dans l’intimité d’une soirée avec des amis chers à son cœur, Jésus a organisé un repas d’une portée éternelle. Le récit de Marc sur le repas du Seigneur se déroule « Le premier jour des pains sans levain, où l’on sacrifiait l’agneau pascal » (Mc 14.12). Le repas de la Pâque commémore la grande libération d’Israël par Dieu de son esclavage en Égypte. Tandis que le peuple de Dieu entretenait ce souvenir, celui-ci se faisait aussi attente, aiguisant un appétit pour la libération de l’oppression romaine. L’acte de sacrifier l’agneau de la Pâque était réitéré chaque année au temple. Sa signification serait bientôt renouvelée lors de la Cène.

L’histoire, cependant, passe de l’attente à l’inquiétude. Jésus interrompt la conversation : « Je vous le dis en vérité, l’un de vous, qui mange avec moi, me trahira. » (v. 18) Les plaisanteries de la table se sont certainement arrêtées net. Cette déclaration brutale subvertit la paix que symbolise un repas pris en commun. Les repas partagés constituaient un moment et un lieu où les alliances étaient ratifiées, où les amitiés s’approfondissaient et où même les ennemis pouvaient déposer leurs armes. Si toute trahison est dramatique, une trahison dans le contexte d’une telle hospitalité aurait été épouvantable.

Pendant que les disciples digéraient ses paroles, « Jésus prit du pain et, après avoir prononcé la prière de bénédiction, il le rompit et le leur donna en disant : “Prenez, ceci est mon corps.” Il prit ensuite une coupe et, après avoir remercié Dieu, il la leur donna et ils en burent tous. Il leur dit : “Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui est versé pour beaucoup.” » (v. 22-24)

En règle générale, la bénédiction et la fraction du pain auraient simplement ouvert la voie au plat suivant du repas, à la manière d’une prière de reconnaissance et du passage d’une corbeille de pain. Cependant, les paroles du Christ dans le contexte de ce repas de la Pâque plein d’attente rédemptrice et d’inquiétude personnelle ont ritualisé quelque chose d’essentiel à propos de Dieu, à la fois pour les disciples à la table et pour tous ceux qui ont suivi depuis. Le fruit du salut est né d’un arbre hideux, cette vieille croix rugueuse sur laquelle le corps meurtri du Christ allait être suspendu. Ainsi, nous annonçons « la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11.26).

Oui, Jésus a ordonné au vent et aux vagues de faire silence. Il a ressuscité Lazare de la tombe. À son retour, tout genou fléchira et toute langue confessera qu’il est Seigneur (Ph 2.10-11). De telles visions de la puissance divine inspirent la crainte et l’adoration. Mais Jésus se présente comme un Sauveur brisé et meurtri, commémoré dans l’hospitalité de la table, et susceptible d’être trahi même au milieu de la bénédiction. Nous pouvons venir à lui en toute honnêteté et sans avoir peur de nos propres faiblesses. Par ses blessures, nous sommes guéris, et par son sang, nous sommes restaurés. Lors de la cène, chaque fois que nous prenons le pain et que nous buvons la coupe, nous ralentissons pour savourer le don divin de la joie qui nous a été offerte à travers les douleurs de notre Sauveur.

À méditer



Repensez à un repas mémorable de votre vie. Qu’est-ce qui l’a rendu significatif et quel a été son impact émotionnel ou spirituel ?

Comment la cène symbolise-t-elle des vérités essentielles concernant Dieu et la nature rédemptrice du sacrifice du Christ ?

Walter Kim est le président de l’Association nationale des évangéliques américains. Auparavant, il a été pasteur et aumônier de campus.

Cet article fait partie de Pâques au quotidien, notre série de méditations pour vous accompagner personnellement, en petit groupe ou en famille durant le carême et les fêtes de Pâques 2024.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Un fatal fantasme

Mercredi saint – La trahison de Judas révèle une espérance mal orientée.

Christianity Today March 15, 2024
Death Is Vast As a Planet At Night, par Catherine Prescott. Huile sur toile. 20 x 25″. 2009.

Alors l’un des douze, appelé Judas l’Iscariot, alla vers les chefs des prêtres et dit : « Que voulez-vous me donner pour que je vous livre Jésus ? » Ils lui payèrent 30 pièces d’argent. (Matthieu 26.14)

Lecture proposée : Matthieu 26.14-16

« On peut observer […] que [Jésus] n’a jamais été considéré comme un simple professeur de morale. Il n’a produit cet effet sur aucun de ceux qui l’ont rencontré. Il produisait principalement trois effets : la haine, la terreur ou l’adoration. Il n’y a aucune trace de personnes ayant exprimé une approbation modérée. » C. S. Lewis, Dieu au banc des accusés.

Nous ne pouvons pas choisir la version de Jésus que nous allons adorer. Nous l’aimons tel qu’il est. Tout le reste est de l’idolâtrie. Tout le reste relève de la fantaisie. Tout le reste est en deçà de ce que Jésus a voulu nous offrir par sa mort.

Un jour, un homme a suivi Jésus et a été considéré comme l’un de ses disciples. Il lui a été permis d’accomplir des œuvres que seul Jésus pouvait permettre, et il a été chargé de veiller sur les ressources pour leur mission. Cependant, à un moment donné de son voyage de trois ans avec le Messie, il a succombé à la maladie du désenchantement. Sa vie, qui s’est achevée à Akeldama, ou « champ du sang » (Ac 1.19), souligne à la fois les limites de nos pensées humaines et l’invitation de Jésus à une confiance totale.

Mais prenons un peu de recul par rapport à la fameuse fatalité de son histoire, et observons l’environnement qui était le sien. Comment la vie à proximité de la Source de toute espérance, de toute beauté, de toute joie, a-t-elle pu se terminer dans une telle angoisse et un tel désespoir ? Le poison de la comparaison aurait-il ainsi aigri son cœur ? Son imagination a-t-elle été captivée par le fantasme d’un monarque héroïque qui renverserait un empire oppressif ? A-t-il vu une contradiction insoluble dans la réponse gracieuse de Jésus à Marie de Béthanie versant une précieuse huile pour oindre ses pieds ?

Le fantasme peut attacher une personne à une vision erronée des choses. Il prend la place que la foi et l’espoir devraient occuper. Lorsque les choses ne se passent pas comme prévu, la spirale de la désillusion et de la déception se met en place. Il faut trouver quelqu’un à blâmer. Bien qu’il soit tentant de reprocher à Dieu de ne pas avoir fait émerger le bien que nous avions imaginé, si nous faisons face à la réalité, c’est pourtant bien nous qui avons cédé à l’appel séduisant de l’illusion.

Face à la réalité de Jésus, l’allégeance de Judas à ses propres objectifs a fini par l’aveugler et il est passé à côté de l’histoire qu’il aurait pu vivre. Jésus n’entre pas dans nos cases et nos idées limitées. Il brise continuellement nos attentes. Sa royauté s’établit dans la grâce et la vérité, et non dans la satisfaction de nos désirs. Il a une intention, un but, une orientation à chacun de ses pas et chacune de ses décisions. Le chagrin, la douleur, la confusion, les attentes insatisfaites et les prières sans réponse ont tendance à révéler le fond de nos cœurs : aimons-nous Jésus pour ce qu’il est vraiment, ou pour le fantasme que nous nous sommes créé à son sujet ?

Jésus était bien le Roi qui renverserait un empire oppressif, mais contrairement aux attentes de Judas, cet empire n’était pas Rome, mais le péché, la haine et, en fin de compte, la mort. Jésus n’a rien de décevant. Il est le Roi qui réduit en miettes nos rêves les plus excitants pour révéler une autre histoire riche en possibilités, en foi et en joie.

Avec l’histoire de Judas, nous pleurons les fausses promesses de la chair et notre désir de succès mondains. Nous détachons aussi nos yeux des fantasmes que nous nous sommes construits pour les lever vers Celui dont la vie nous pousse à désirer des choses plus profondes, plus belles, plus authentiques et plus durables que tout ce que notre esprit peut concevoir.

Lorsque nos fantasmes s’effondrent et que nous nous sentons vulnérables, nous pouvons nous éloigner dans la déception, ou nous tourner vers Jésus dans notre vulnérabilité. Dans sa nature éternelle, il est celui qui veut engloutir nos illusions et nous offrir son espérance vivante, respirante, ressuscitée.

À méditer



Quelles sont les vérités sur Jésus que vous avez du mal à accepter ? Quels sont les aspects de sa nature avec lesquels vous luttez ?

Que change le fait d’aimer Jésus tel qu’il est ? Comment le fait de l’accueillir et l’aimer pleinement pourrait-il influencer votre vécu de tous les jours et votre vision du monde ?

Eniola Abioye est une missionnaire, autrice-compositrice et poète californienne qui collabore avec des groupes tels que Upper Room, Bethel et Maverick City.

Cet article fait partie de Pâques au quotidien, notre série de méditations pour vous accompagner personnellement, en petit groupe ou en famille durant le carême et les fêtes de Pâques 2024.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Les sectes ne sont pas qu’affaire de doctrine.

Un ex-membre explique comment les chrétiens peuvent soutenir le long cheminement de ceux qui quittent un groupe à forte emprise.

Christianity Today March 15, 2024
Illustration de Mallory Rentsch/Images source : Getty

Dans un reportage sur l’Église Shincheonji de Jésus, une secte sud-coréenne, certaines de nos sources évoquaient la difficulté que rencontrent souvent les familles et les amis pour aider leurs proches à voir clair sur les groupes religieux sectaires qu’ils ont rejoints et les aider à quitter ce milieu. Une fois sortis de ces groupes, leur chemin est encore long pour se reconstruire et, s’ils viennent d’un milieu chrétien, pour retrouver leur foi.

Nous nous sommes entretenus avec Tore Klevjer, accompagnateur chrétien basé à Wollongong, en Australie, et président du Cult Information and Family Support. Il nous parle de sa propre expérience dans la secte des Enfants de Dieu, de la manière dont il accompagne d’anciens membres de groupes religieux abusifs et de ce que les églises et les chrétiens peuvent faire pour mieux aider ceux et celles qui quittent ce genre d’environnement.

Cet entretien a été édité et abrégé par souci de clarté.

CT : Non seulement vous êtes un spécialiste de l’accompagnement en matière de sectes, mais vous avez aussi eu une expérience personnelle dans ce genre de contexte. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Klevjer : J’ai grandi dans un foyer chrétien à Byron Bay, en Australie. Après le décès de ma mère, j’ai entrepris un voyage en Europe. Au cours de cette période, ma petite amie a mis fin à notre relation et s’est mariée avec quelqu’un d’autre. Je me sentais proche de la dépression et j’ai commencé à redouter de retourner en Australie. J’avais l’impression que rien ne m’attendait là-bas. J’étais vulnérable et désillusionné par la vie. C’est alors que j’ai été recruté par les Enfants de Dieu, un groupe du genre hippie, taxé par les médias de « secte sexuelle » en raison de certaines de ses pratiques.

Je les ai rencontrés à Amsterdam, alors que je faisais du stop à travers l’Europe. Ce qui m’a séduit chez eux, c’est leur zèle, l’impression qu’ils donnaient d’être heureux et leur apparente liberté par rapport aux normes de la société. J’avais certes un étrange sentiment que quelque chose clochait, mais je ne savais pas exactement quoi. Cela me rappelait l’ambiance du film Les femmes de Stepford, comme si j’avais pénétré dans un monde surréaliste d’apparente perfection, dont j’ai compris plus tard qu’elle ne pouvait être due qu’à une emprise extrême.

Au fil du temps, on m’a appris à faire passer des marchandises en contrebande, à échanger des devises au marché noir et à me présenter sous une fausse identité aux entreprises et aux églises pour obtenir leur soutien. Si je rechignais devant ces pratiques frauduleuses, on me disait : « Tu n’as pas la foi pour ça ? » Le péché était devenu quelque chose de totalement subjectif.

La secte nous obligeait à renoncer à nos familles et à nos anciens amis parce que « l’on aura pour ennemis les membres de sa famille » (Mt 10.36). J’ai pris le nouveau nom d’Abel et j’ai écrit une lettre à mon père pour lui dire que je n’avais plus qu’un seul père et que c’était Dieu. Cela lui a brisé le cœur.

Lorsque le groupe s’est introduit en Asie, nous sommes allés en Inde et y avons passé quatre ans à enseigner l’éducation religieuse dans diverses écoles et collèges.

Quand avez-vous commencé à vous rendre compte que quelque chose n’allait pas et comment avez-vous quitté le groupe ?

Au cours de ma dernière année dans le groupe, on nous imposait des séances de recyclage au cours desquelles nous étions rabaissés, surveillés, critiqués et exorcisés. Cela me frustrait. Et pour trouver du réconfort, je me tournais de plus en plus vers ma Bible et de moins en moins vers les écrits du groupe. J’ai commencé à remettre en question la secte des Enfants de Dieu et on nous a finalement mis à la porte, moi, ma femme et nos cinq enfants.

De retour en Australie, mon rétablissement fut très dur. J’avais été formaté par les Enfants de Dieu pendant 11 ans. Je n’avais plus aucune idée du fonctionnement de la société et je n’avais que très peu d’argent. Parallèlement, j’ai réalisé combien j’avais été dupé. J’avais aussi gâché quelques-unes des meilleures années de ma vie. Du coup, je buvais beaucoup, mon mariage était au bord du désastre et j’étais dans un tel désarroi émotionnel que je sanglotais de manière incontrôlée dès qu’on entonnait un cantique à l’église.

Je me suis finalement construit ma propre foi, à partir des fondements. Cela fait maintenant 39 ans que j’ai quitté la secte.

Après mon départ, j’ai absolument voulu comprendre comment les gens se laissent entrainer dans des systèmes de croyances où ils trahissent leurs propres repères moraux et se font avoir par des affabulations ridicules. J’ai dévoré de nombreux livres sur les systèmes de croyances sains et malsains et j’ai formalisé ces recherches en obtenant un diplôme d’accompagnement.

Au fil des ans, j’ai pu accompagner de nombreuses familles désemparées qui avaient perdu des êtres chers, partis dans des sectes de diverses religions. J’ai également aidé de nombreux anciens membres à se reconstruire.

Les évangéliques emploient souvent le terme « secte » pour désigner un groupe qui s’écarte du christianisme biblique orthodoxe, par exemple, un groupe qui nierait la divinité de Jésus. Quelle en serait votre définition ?

La plupart des professionnels qui travaillent dans ce domaine préfèrent une définition plus sociologique qui considère une secte comme un groupe qui contrôle, exerce une emprise ou abuse des droits et des libertés d’une personne. Ce type de contrôle peut également se produire au sein d’un groupe prônant une croyance orthodoxe. Une église peut, par exemple, être doctrinalement orthodoxe tout en ayant une emprise légaliste sur ses membres en utilisant la culpabilité et la peur.

Pour comprendre cela, il est utile d’examiner d’autres systèmes d’emprise, tels que celui de la violence domestique. Dans une relation abusive, l’identité propre d’une personne est systématiquement diminuée, jusqu’à ce qu’elle devienne totalement dépendante de son oppresseur et docile à son égard. Les personnes sous emprise deviennent alors participantes à leur autodestruction, car elles sont convaincues qu’elles ne peuvent pas fonctionner en dehors du système. Elles se laissent couper de toute influence extérieure. Tout est soumis au contrôle du groupe : leur comportement, les informations qu’elles reçoivent, leurs pensées et leurs réactions émotionnelles. Les individus restent dans des environnements religieux contrôlants pour les mêmes raisons qu’une personne reste dans une relation abusive.

Pourquoi pensez-vous qu’il est important, pour les chrétiens, de considérer le terme « secte » d’un point de vuesociologique plutôt que théologique ?

Tout d’abord, de nombreuses églises pensent que si leurs fidèles reçoivent un enseignement théologique de qualité, ils ne seront jamais la proie d’une secte. Mon père avait l’habitude de me dire : « Tiens-t’en à la Bible, fiston, elle n’a encore trompé personne ! » C’est vrai d’une certaine manière, mais on peut aussi utiliser la Bible de manière très fallacieuse. Si les membres ou ex-membres d’une secte acceptent d’entendre un enseignement sain et construit sur quelques doctrines bibliques centrales, cela peut les aider grandement à se détacher des mythes qu’on leur a enseignés. Mais, il y a bien plus que les croyances doctrinales qui attirent un individu dans une secte. L’emprise graduelle et la privation d’informations y jouent un rôle de premier plan.

D’autre part, quand une personne quitte une secte, la priorité de l’église est souvent de la ramener à une « bonne théologie ». Or, il faut aussi reconnaître que cette personne a été abusée et manipulée spirituellement et qu’elle a besoin de temps pour guérir. Souvent, les anciens membres d’une secte ont l’impression de ne pas être à leur place à l’église. Ils éprouvent des difficultés face aux figures d’autorité (y compris un pasteur ou un accompagnateur spirituel) et ils se rebellent souvent contre toute forme de structure. Ils ont besoin d’acceptation et de tolérance sur leur chemin de guérison.

Il est donc important de ne pas réfléchir pour eux, mais de leur présenter diverses pistes à explorer, afin qu’ils arrivent à leurs propres conclusions. L’enseignement de la Bible doit être abordé avec beaucoup de sensibilité, en laissant la place aux questions, aux échanges et aux divergences.

Dans votre pratique d’accompagnement, quels sont les premiers mots que vous adressez à un ancien membre d’un groupe sectaire ?

« Ce n’est pas ta faute. Les avoir rejoints ne fait pas de toi quelqu’un de stupide. »

Il y a souvent une certaine honte face au sentiment de s’être fait berner. Lorsqu’ils repensent aux absurdités qu’ils tenaient pour vraies, les anciens membres d’une secte se disent que seules des personnes insensées ou crédules ont pu non seulement les avaler, mais aussi les enseigner à d’autres. Reconnaître le processus de recrutement de la secte, apprendre comment ses victimes ont été intentionnellement conditionnées et ciblées est un excellent point de départ et une base sur laquelle s’appuyer pour progresser. Les recherches scientifiques sur notre besoin humain d’appartenance et les expériences dans le domaine de la conformité sociale nous montrent que n’importe qui peut être vulnérable à la manipulation si ses circonstances de vie s’y prêtent.

Expliquez-nous comment se passe l’accompagnement d’une personne victime d’une secte.

De nombreuses questions se posent, notamment en ce qui concerne les relations avec les proches, les limites et la capacité à dire non, la pensée critique, la perte d’identité et la perte de sens et d’objectif dans la vie.

Évaluer les besoins physiques et de santé mentale de la personne est un bon point de départ. A-t-elle de la nourriture, un toit au-dessus de sa tête, un réseau familial ? Ou est-elle seule et sans soutien ? A-t-elle besoin d’une intervention médicale ?

J’ai parlé à de nombreuses personnes qui ont suivi une thérapie après avoir vécu dans une secte et qui m’ont dit : « Le psychologue ne m’a pas compris ! » Certains accompagnants ont tendance soit à minimiser l’expérience sectaire et à se concentrer sur les problèmes d’enfance de leur patient, soit à attendre que celui-ci les forme à propos de son expérience dans la secte. Le patient repart avec le sentiment d’avoir payé pour enseigner le thérapeute. Pour être efficace dans ce domaine, un accompagnant doit pouvoir comprendre ce que le patient a vécu. Lui expliquer comment se produit la manipulation mentale et ce que les sectes ont en commun est une bonne base. Cela aidera le patient à normaliser ce qui lui est arrivé et à ne pas se sentir seul et isolé.

Un principe biblique utile à retenir est que Dieu a voulu nous créer avec le libre arbitre. Une secte contrôlante nous enlève ce libre arbitre. Par conséquent, si j’arrive à ramener une personne au point où elle est capable de penser par elle-même et ensuite à la guider dans une bonne direction sans lui imposer ma propre vision du monde, pour moi, c’est un succès. La véritable conversion, elle, est l’œuvre du Saint-Esprit.

Lorsque le patient est d’origine chrétienne, quand et comment aborder la question de la foi et de l’église ?

Je ne pars jamais du principe que je dois parler de théologie. Partager l’Évangile avec quelqu’un qui se remet d’avoir reçu un soi-disant « Évangile » peut être très déroutant pour la personne. Il m’arrive parfois de demander à un patient comment il perçoit sa foi après son départ de la secte, ce qui suscite des réactions mitigées. Beaucoup souhaitent attendre et voir, puis réévaluer la situation plus tard. Parfois, ils ont des questions spécifiques concernant les interprétations de la Bible ou les écrits tordus de la secte. Souvent, ils souffrent de phobies qui leur ont été inculquées. Ils craignent, par exemple, que s’ils s’éloignent de « la volonté supérieure de Dieu », ils seront jugés. Il est donc important d’identifier et de dissiper leurs peurs irrationnelles.

Si un patient lit encore sa Bible, je lui recommande d’opter pour une traduction différente de celle utilisée par la secte. Cela l’aide à la lire avec un regard neuf et à ne pas se heurter automatiquement aux interprétations de la secte. Il est bon également d’affirmer au patient sa liberté de ne pas lire sa Bible pendant un certain temps, jusqu’à ce que les choses se tassent. On lui recommandera alors plutôt de se concentrer sur d’autres disciplines spirituelles ou de réfléchir à la création de Dieu, à son amour, sa bonté, sa compassion.

Rappelez-vous que cette personne a été blessée spirituellement et qu’elle a fait confiance à quelqu’un qui lui disait détenir la vérité. Elle n’est pas prête à ce que quelqu’un d’autre lui dise la même chose. Elle a besoin d’amour, d’attention et d’espace pour guérir à son propre rythme. La fréquentation de l’église peut ne plus jamais convenir à certaines personnes qui ont été victimes d’une secte. Il se peut qu’elles veuillent simplement faire partie d’un petit groupe. Il est important qu’elles apprennent à prendre leurs propres décisions et à réfléchir par elles-mêmes. Les prophéties, les « paroles de connaissance » et l’hyperspiritualisation des expériences peuvent être des éléments problématiques pour une personne qui a été manipulée.

Si nous découvrons qu’un proche fait partie d’une secte, que devrions-nous faire ?

Essayez de maintenir la relation et la communication à tout prix. Il n’est pas utile de faire des déclarations directes telles que « Tu es tombé dans une secte » ou « Tu te fais avoir ». On inculque souvent dans les sectes que « l’on aura pour ennemis les membres de sa famille » (Mat 10.36). Si l’entourage de la victime dénonce la secte, cela ne fait que renforcer cette « prophétie » que les dirigeants lui ont enseignée. Cela vient appuyer le sentiment que le groupe a raison. Or, il faut éviter à tout prix de pousser la victime encore plus loin dans la secte.

Demandez-vous à quel besoin ce groupe répond dans la vie de votre proche. S’agit-il d’un besoin d’acceptation et de communauté ? Y a-t-il des relations brisées dans la famille ou autour ? Des problèmes de dépendance ? Un parent dominant ou contrôlant ? Parfois, il faut d’abord résoudre des problèmes familiaux pour que le proche ait envie de revenir.

Prenez contact avec quelqu’un qui connaît bien le fonctionnement des sectes pour trouver des conseils spécifiques sur votre situation. Il existe beaucoup de documentation qui explique comment réagir vis-à-vis du membre d’une secte. Ce genre de situation peut rarement être résolue par la seule logique.

Comment l’Église peut-elle être mieux préparée à protéger ses brebis vis-à-vis de sectes religieuses ?

Les églises pourraient faire un travail d’introspection en se rappelant que le contrôle sectaire peut exister à divers degrés. Elles devraient se demander si elles n’exercent pas un contrôle légaliste sur leurs membres. Rappelons-nous que les pharisiens de l’époque de Jésus vivaient des vies d’apparence vertueuse, mais extrêmement légalistes. Ils imposaient des lois et des attentes aux autres tout en ne reconnaissant pas leurs propres besoins et leur pauvreté d’esprit.

Il faut aussi noter que les sectes forment leurs membres — elles les enseignent et leur demandent de transmettre à leur tour cet enseignement. Ils mémorisent les Écritures sur des sujets clés. Je suis peiné de voir des groupes de jeunes chrétiens ne penser qu’à s’amuser tout en négligeant un enseignement apologétique solide et compréhensible leur permettant de fonder leurs propres croyances. Un enseignement biblique sur les signes de la seconde venue du Christ pourrait les préparer à identifier les faux prophètes.

En outre, les églises n’informent pas assez leurs jeunes sur les sectes et le phénomène de la manipulation. Elles supposent peut-être que si on leur enseigne la Bible, ils seront en sécurité. Or, il est essentiel de leur apprendre à détecter la manipulation et l’emprise et à comprendre ce qu’est la conformité sociale. Il leur sera utile aussi de pouvoir identifier les vulnérabilités personnelles susceptibles d’être exploitées par une secte : incertitude quant à l’avenir, isolement et manque de bonnes amitiés ou période de transition telle que le départ à l’université.

On dit qu’« une clôture en haut d’une falaise est bien plus efficace qu’un hôpital en bas ». Nous avons besoin dans nos églises de prendre conscience des phénomènes sectaires et d’enseigner nos jeunes plus sérieusement. Prenons bien soin des jeunes qui sont à un tournant de leur vie. Ils sont particulièrement vulnérables.

Traduit par Anne Haumont

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Une vaine louange ?

Mardi saint – La grâce de donner lorsque la générosité semble absurde

Christianity Today March 15, 2024
Offertory, par Susan Savage. Acrylique sur toile. 32 x 26″.

Elle a fait ce qu’elle a pu, elle a d’avance parfumé mon corps pour l’ensevelissement. Je vous le dis en vérité, partout où cette bonne nouvelle sera proclamée, dans le monde entier, on racontera aussi en souvenir de cette femme ce qu’elle a fait. (Marc 14.8-9)

Lecture proposée : Marc 14.3-9

S’il y a bien une chose que j’aime, c’est un cadeau inattendu, qu’il soit offert ou reçu. Récemment, je me suis retrouvée à laisser partir des invités chez moi avec des objets que je chérissais : théières, vêtements et même bijoux de ma propre personne. J’ai alors ressenti l’exaltation et la liberté que l’on trouve dans l’acte de donner des choses qui ont une vraie valeur. Mais les dons extravagants et inattendus de ce type proviennent rarement d’une générosité naturelle. Une grâce surnaturelle est à l’œuvre, comme celle que nous voyons dans l’histoire de la femme au vase d’albâtre (Mc 14.3-9).

Je sais que ce genre de choses est une grâce parce que j’ai passé la majeure partie de ma vie à souffrir d’une mentalité de pénurie : l’idée qu’il n’y en a pas assez pour tout le monde et que je ferais mieux de mettre de côté le peu que j’ai. Lorsque je lis le récit de la femme qui oint Jésus dans les jours précédant sa crucifixion, mon esprit se remplit d’un « oui » retentissant et j’essuie des larmes d’admiration devant cet acte mémorable d’adoration. Mais j’avoue — et je le fais en grimaçant — que ma chair a toujours la même réaction que ceux qui étaient dans la salle : je commence à scruter son extravagance.

Face à ceux qui protestent au gaspillage et à l’inconvenance, le Christ prend la défense de la femme, expliquant à ses disciples qu’elle l’a préparé pour son ensevelissement (v. 8). Son acte de dévotion et son sacrifice pointeront pour toujours vers la Bonne Nouvelle, et on se souviendra d’elle chaque fois qu’elle sera proclamée dans le monde entier (v. 9). La femme qui a oint Jésus a répandu ce qui pourrait avoir été son bien le plus précieux, déversant ce trésor pour l’amour du Dieu incarné. Elle a oint le Verbe avant son ensevelissement, rappelant de manière tangible que Jésus est l’Oint, le Messie tant attendu (Es 61.1-3).

Je m’imagine que Jésus était encore légèrement parfumé de cette huile lorsqu’il fut emmené devant Pilate. Je m’imagine que l’on pouvait encore sentir l’arôme boisé et doux du nard sur ses cheveux, sa barbe, un reste de cette onction. Lorsqu’il a porté sa croix, je me demande si les passants ont perçu le parfum, au-delà de l’odeur de la sueur et du sang. Peut-être ont-ils senti une douceur dans l’air lorsque le Christ est monté à Golgotha. Je me demande si les hommes cloués à leur propre croix de chaque côté de lui ont perçu cette odeur.

Dans le judaïsme ancien, le signe de l’onction était le plus souvent réservé aux rois. L’acte audacieux de cette femme ne reconnaissait pas seulement le Christ comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs, il préfigurait également ce que le Christ ferait deux jours plus tard en s’abandonnant sur la croix d’une manière somptueuse, aimante et apparemment insensée. En se « déversant » en offrande, Jésus accomplit ce que nous n’aurions jamais pu faire par nous-mêmes. Ce qui nous paraît insensé peut parfois être de la fidélité ; ce qui peut sembler être du gaspillage peut se révéler adoration.

Ma générosité est plus une discipline spirituelle qu’une vertu ; je ne peux guère me vanter de mes dons, car ceux-ci sont contraires à la volonté de ma chair. Dieu, dans sa bonté, m’invite cependant à donner généreusement et me donne le pouvoir de le faire par son Esprit. Je me suis rendu compte qu’en m’apprenant à donner certaines choses, il guérit la partie de moi qui croit encore que je n’aurai jamais assez. Je me glorifie donc de cette faiblesse et je me réjouis même s’il m’arrive encore d’entendre les voix qui s’adressent à la femme de Béthanie :

« Comment oses-tu faire ça ? »

« C’est irresponsable. Tu es irresponsable. »

« Tu donnes plus que tu ne peux te permettre. Et pour quoi faire ? »

Puis vient Jésus, mon défenseur : « Elle a fait une belle chose… Elle a fait ce qu’elle a pu. » Et les voix se taisent.

À méditer



Quelle est votre réponse honnête à la générosité scandaleuse de la femme qui oint Jésus ? À qui ressembleriez-vous le plus dans cette scène ?

Comment cette extravagante générosité remet-elle en question nos instincts de préservation financière ou sociale ?

Hannah Weidmann est la cofondatrice de Everyday Heirloom Co, une marque qui se consacre à proposer aux femmes des bijoux rappelant leur statut de bien-aimées de Dieu en utilisant des méthodes intemporelles d’artisanat et de narration.

Cet article fait partie de Pâques au quotidien, notre série de méditations pour vous accompagner personnellement, en petit groupe ou en famille durant le carême et les fêtes de Pâques 2024.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Un pouvoir rendu possible par le sacrifice

Dimanche des Rameaux – L’âne, le lion et l’agneau.

Christianity Today March 15, 2024
Hall, par Claire Waterman. Huile sur papier. 2018.

Quand il eut pris le livre, les quatre êtres vivants et les vingt-quatre anciens se prosternèrent devant l’agneau. Chacun tenait une harpe et des coupes d’or remplies de parfums, qui sont les prières des saints. (Apocalypse 5.8)

Lecture proposée : Apocalypse 5.1-11

Pour mieux appréhender le paradoxe saisissant du dimanche des Rameaux — le roi Jésus parcourant les rues de Jérusalem sur un humble ânon — nous nous tournons vers l’Apocalypse. En Apocalypse 5, Jean décrit une scène dramatique où Dieu présente un rouleau qui ne peut être ouvert parce que personne n’en est trouvé digne. L’apôtre est saisi d’émotion devant la tragédie de cette situation et l’impossibilité de briser les sept sceaux. Un ancien ordonne alors à Jean d’arrêter de pleurer : « Ne pleure pas, car le lion de la tribu de Juda, le rejeton de la racine de David, a vaincu pour ouvrir le livre et ses sept sceaux. » (v. 5) J’imagine l’ancien faisant cette déclaration d’une voix tonitruante et d’un geste ample vers le trône, tous les yeux levés au ciel s’attendant à voir surgir un lion rugissant et flamboyant dans une démonstration de puissance extraordinaire. J’imagine des regards parcourant frénétiquement le ciel, brillants et pleins d’attentes, ignorant tout d’abord la créature qui s’est avancée du trône. C’est alors qu’ils le voient, lui, le seul digne, non pas un lion, mais un agneau sacrifié, égorgé, le sang coulant le long de sa poitrine, tachant sa pure laine blanche d’un sombre rouge cramoisi.

Il aurait été tout à fait possible que Jésus se présente comme le lion de la tribu de Juda, conformément à la manière dont l’ancien avait annoncé sa venue, mais il ne le fait pas. Au contraire, il apparaît comme l’une des créatures les moins menaçantes de la terre. Il est accessible. Humble. Doux.

Ce thème du pouvoir démontré par la retenue et le sacrifice traverse les pages de l’Écriture. Jésus-Christ révèle continuellement sa majesté dans l’humilité : le Roi des rois vient au monde non pas dans un palais, mais dans une grange empestant les excréments d’animaux. Sa gloire est d’abord manifestée non pas à Hérode le Grand, mais à de modestes bergers. Il ne choisit pas les siens parmi l’élite universitaire de son pays, mais parmi le commun des mortels. Il s’attache non pas aux échelons supérieurs de la société, mais aux sans-abri, faisant expérimenter à ses disciples déconcertés la réalité des valeurs inversées du Royaume.

Tel est le Messie qui monte à Jérusalem sur un âne pendant que l’on dépose des branches de palmier devant lui. Il ne se rend pas dans les allées du pouvoir pour renverser Rome et satisfaire les attentes conquérantes de la foule, mais au centre du culte juif pour confronter les conceptions erronées de ce que signifie servir Dieu. Jésus n’a pas succombé aux acclamations de la foule et n’a pas tenté de s’emparer d’un trône terrestre. Au contraire, son trône fut un instrument romain de torture et d’exécution, en obéissance au Père, et pour que nous puissions être pardonnés, purifiés et réconciliés avec Dieu.

Jésus a incarné l’intention originelle de Dieu, telle qu’elle ressort des chapitres 1 et 2 de la Genèse : que l’humanité exerce l’autorité sur la terre pour y faire naître la vie, comme un jardinier qui s’efforce de laisser s’exprimer la fécondité et la beauté des plantes. Adam et Ève ayant échoué dans cette tâche, un nouveau type d’être humain devait émerger — un être qui écraserait la tête du Serpent, mais qui serait également meurtri dans le processus. Jésus était un serviteur souffrant, un lion qui était aussi un agneau. Il est le Dieu à l’autorité inégalée qui revêt le vêtement d’un serviteur et lave les pieds de ceux qui l’abandonnent. Celui qui, la semaine de son exécution, monterait à Jérusalem sous les acclamations d’une foule et, quelques jours plus tard, affronterait une autre foule exigeant sa crucifixion. Immédiatement après son entrée triomphale, on le voit pleurer sur les foules, préoccupé par ceux qui l’entourent alors même que sa propre vie est en péril (Lc 19.41). Jésus était complètement en sécurité dans l’affection et la prévenance du Père. Il a vu au-delà du voile de la mort jusqu’à la résurrection, supportant ainsi la trahison, la flagellation et l’horreur de la croix.

En tant qu’êtres humains imparfaits, attirés par les applaudissements et craignant la douleur, nous cherchons souvent à incarner la puissance du lion, mais nous suivons un lion qui s’est fait agneau. Puissions-nous marcher dans les traces de notre maître en ce dimanche des Rameaux, en empruntant le chemin sacrificiel de la croix afin que d’autres puissent à leur tour découvrir la vie que nous avons trouvée dans le sang de notre Sauveur.

À méditer



Malgré sa puissance, pourquoi Jésus a-t-il choisi de s’abaisser et servir les autres ?

Est-ce que j’utilise mes ressources, mes capacités et mon influence pour servir les autres ? Si ce n’est pas le cas, comment pourrais-je prendre une mesure pratique cette semaine pour mettre mon pouvoir au service de ceux qui m’entourent ?

Mick Murray exerce le ministère pastoral depuis plus de 15 ans au sein de l’Antioch Community Church à Waco, au Texas.

Cet article fait partie de Pâques au quotidien, notre série de méditations pour vous accompagner personnellement, en petit groupe ou en famille durant le carême et les fêtes de Pâques 2024.

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous sur Facebook ou Twitter.

Apple PodcastsDown ArrowDown ArrowDown Arrowarrow_left_altLeft ArrowLeft ArrowRight ArrowRight ArrowRight Arrowarrow_up_altUp ArrowUp ArrowAvailable at Amazoncaret-downCloseCloseEmailEmailExpandExpandExternalExternalFacebookfacebook-squareGiftGiftGooglegoogleGoogle KeephamburgerInstagraminstagram-squareLinkLinklinkedin-squareListenListenListenChristianity TodayCT Creative Studio Logologo_orgMegaphoneMenuMenupausePinterestPlayPlayPocketPodcastRSSRSSSaveSaveSaveSearchSearchsearchSpotifyStitcherTelegramTable of ContentsTable of Contentstwitter-squareWhatsAppXYouTubeYouTube