L’humilité de faire face à des accusations d’abus

L’Église presbytérienne de Tates Creek s’est vue félicitée pour la transparence de son enquête. Puis elle a dû recommencer. 

Christianity Today April 4, 2021
Illustration by Michela Buttingol

Parmi toutes ses tâches dans le ministère, Robert Cunningham apprécie surtout les responsabilités académiques : lire, élaborer des sermons, écrire sur la foi et la vie dans la société, et travailler sur sa thèse. Mais le Seigneur avait d'autres plans pour le pasteur principal de l'Église presbytérienne de Tates Creek à Lexington, dans le Kentucky. Au cours des trois dernières années, sa congrégation a fait l'objet de deux enquêtes indépendantes sur des allégations diverses d'abus sexuels commis dans le passé.

Le pasteur Cunningham n'avait pas de formation spécifique concernant les problématiques d'abus et n’était pas familier des meilleures pratiques à adopter face à des allégations à ce sujet. Mais il était profondément conscient de son manque de connaissances et de la responsabilité qui lui incombait de veiller sur son Église alors qu’elle devait faire face à des scandales qu'elle aurait bien voulu éviter. Pendant trois ans, il s'est efforcé de construire une culture d'ouverture, de bienveillance et de justice.

Dans un monde terni par des tentatives de dissimulation, des enquêtes incomplètes, une tendance à blâmer les victimes ou à nier les faits, Tates Creek est ainsi devenue un modèle de la façon dont les Églises doivent répondre aux allégations d'abus sexuels.

Cunningham oeuvrait depuis plus de cinq ans en tant que pasteur principal lorsque le premier cas a émergé en 2018.

L’assemblée de 1000 membres – un nombre considérable selon les normes de l'Église presbytérienne d'Amérique (Presbyterian Church in America – PCA) – était en bonne santé, en pleine croissance et implantait des Églises. Le Presbytère de Savannah River, l'organe directeur de la PCA dans le sud de la Géorgie, a informé Cunningham que l'ancien pasteur des jeunes de Tates Creek, Brad Waller, venait de s'avouer coupable d'attouchements commis sur de jeunes hommes dans une Église de la région de Savannah.

À ce moment-là, le passage de Waller à Tates Creek n'était plus qu'un lointain souvenir pour l'Église. Il y avait plus de dix ans qu'il avait quitté l'Église, et la plupart des étudiants qu’il avait encadrés étaient eux aussi partis depuis longtemps.

« Il nous aurait été facile de dire “Okay, c’est triste. Je n’aime pas entendre ça. Passons simplement à autre chose” », déclare Cunningham. Toutefois, les dirigeants ont décidé de se pencher plus en détail sur ces accusations.

Cunningham a commencé à être impliqué dans l’Église de Tates Creek alors qu’il était étudiant. Il connaissait donc l'ancien pasteur. Il avait même effectué un stage d'été aux côtés de Waller avant de le remplacer en tant que pasteur des jeunes lorsque ce dernier est parti en 2006. Il a appelé Waller et lui a demandé si des abus avaient eu lieu lorsqu'il était à Tates Creek. Waller a répondu par la négative.

Cunningham voulait croire son ancien patron mais quelque chose lui disait qu'il n'avait pas entendu toute la vérité. Quelques appels téléphoniques à d'anciens membres du ministère parmi la jeunesse ont confirmé ses inquiétudes. Les dirigeants de l'Église ont ouvert une enquête qu’ils ont confiée à GRACE (Godly Response to Abuse in the Christian Environment, une organisation qui travaille à prévenir et dénoncer les abus dans les milieux chrétiens).

« Je pense que cette humilité, cette volonté de se montrer vulnérable et enseignable ont offert direction et exemple à son Église tout en donnant beaucoup d'espoir et d’encouragement aux victimes d'abus sexuels, non seulement au sein de l'Église, mais aussi à l’extérieur, à ceux qui observaient la situation », nous a déclaré Boz Tchividjian, directeur exécutif de GRACE au moment des évènements.

Avec l'aide de Tchividjian, Cunningham a rédigé un communiqué pour expliquer au public ce que l'Église savait, ce qu'elle comptait faire, la façon dont les victimes potentielles pouvaient contacter les enquêteurs, et pourquoi toutes ces mesures étaient importantes. La déclaration comprenait également des excuses à la communauté extérieure et aux victimes d'abus.

« J'ai littéralement pleuré à plusieurs reprises en pensant que des adolescents et des jeunes adultes avaient été abusés dans cette Église que j'aime et dont je suis le pasteur » écrit Cunningham, qui est lui-même venu à la foi par le biais de l’association Young Life lorsqu’il était à l’école secondaire. « Je suis tellement désolé. Je veux que vous sachiez que toute cette transparence, cette action sans délai et cette énergie sont pour vous. »

La lettre de 2600 mots détaillait ce que l'Église savait et à quel moment, ce qu'elle prévoyait de faire, ainsi que les prochaines étapes.

« Il est important que chacun comprenne la différence entre une enquête interne et une enquête indépendante », ont expliqué les responsables de l'Église. « Une enquête interne, c'est lorsque nous (ou notre avocat) enquêtons nous-mêmes. Dans ce scénario, nous gardons le contrôle de l'enquête. Une enquête indépendante, en revanche, consiste à inviter un tiers à enquêter sur nous. Dans ce cas, nous renonçons au contrôle de l'enquête et nous nous engageons à accepter toutes les conclusions et corrections. Il était important pour nous de choisir cette dernière option. »

La déclaration de M. Cunningham et son approche de l'enquête ont attiré l'attention de Rachael Denhollander, elle-même survivante d'abus et militante en faveur des victimes, qui est devenue une conseillère respectée en matière d'abus sexuels. Après tous ses efforts pour convaincre les Églises de faire preuve d'ouverture à l'égard des allégations d'abus, elle en trouvait finalement une qui semblait avoir compris.

Trois éléments indiquaient que l’église prenait au sérieux ses obligations envers les victimes, selon Denhollander : l’empressement à faire preuve de transparence, la volonté d’enseigner la justice biblique à ses membres et la décision d’offrir une formation pratique sur la dynamique des abus sexuels.

« Ils ont fait savoir aux survivants qu'ils pouvaient se manifester en toute sécurité et ont dit aux abuseurs qu'ils ne seraient pas à l’abri à Tates Creek », dit-elle.

Au cours des deux années suivantes, l’Église de Tates Creek a permis à GRACE d'enquêter, a accepté son rapport et a mis en œuvre les mesures de protection recommandées pour l'avenir. Cunningham a déclaré à la congrégation qu'ils n'oublieraient jamais ce qui s'était passé et qu'ils seraient toujours ouverts à ce qu’on leur rapporte de nouveaux cas d’abus, mais ce terrible chapitre de l'histoire de l'Église semblait se terminer.

Or, ce n'était pas le cas. En octobre 2020, un ancien membre du ministère parmi les étudiants de Tates Creek a déclaré à Cunningham qu'il avait été agressé sexuellement par le musicien Chris Rice. L'ancien étudiant avait rencontré Rice lors de l'une des nombreuses retraites d'étudiants et de collégiens, alors que Rice dirigeait la musique pour l'Église entre 1995 et 2003.

L'appel a bouleversé Cunningham. Il savait à quel point un autre scandale et une autre enquête seraient difficiles pour l'Église, sans parler du fait qu’il s’agissait d'une célébrité dans les milieux chrétiens et que la pandémie de COVID-19 ne facilitait pas les choses.

Mais c'était aussi un signe que l'approche de l'Église fonctionnait. La victime savait que si elle se présentait et révélait ce qui s'était passé, les dirigeants de l'Église prendraient sa plainte au sérieux, et c'est ce qu'ils ont fait.

L'Église savait ce qu'elle avait à faire. « Nous avons écrit le manuel », dit le pasteur. « Il n’y a plus qu’à le suivre. » Cunningham a refusé de commenter l'enquête à propos de Rice alors qu'elle était toujours en cours, mais a déclaré que les allégations étaient crédibles et soutenues par des preuves étayées. L'Église garde le nom de l'accusateur confidentiel, ce qui est souvent nécessaire pour une enquête approfondie et impartiale. Quelles que soient les conclusions de l'enquête, les défenseurs des victimes espèrent que les dirigeants chrétiens s'inspireront de l'exemple de Tates Creek.

Depuis que les mouvements #MeToo et #ChurchToo ont mis les abus au premier plan, certains évangéliques sont plus désireux que jamais de former leurs dirigeants à prévenir les abus dans leurs Églises et à répondre aux allégations avec compassion, responsabilité et justice.

En juin 2019, la PCA a formé un comité de théologiens, de conseillers et de porte-parole des survivants pour étudier les questions d'abus dans l'Église et développer les meilleures pratiques pour y répondre. La Conférence baptiste du Sud (Southern Baptist Convention – SBC) a également publié un rapport de 52 pages après que le quotidien Houston Chronicle ait identifié 380 allégations crédibles d'abus par des dirigeants d'église de la SBC sur une durée de 20 ans. La SBC a constaté un manque généralisé dans la gestion des accusations ou dans la manière de prendre les abus au sérieux.

Certains défenseurs des victimes ont exprimé leur inquiétude quant au fait que les récents groupes d'étude et déclarations ne préparent pas les Églises à traiter les allégations. Trop peu d'églises disposent d'un processus formalisé et les pasteurs ont tendance à être trop confiants dans leur capacité à comprendre et à détecter les abus, disent les experts.

La plupart des Églises errent en menant des enquêtes internes ou en se référant à des enquêteurs qui préfèrent protéger l'Église des litiges plutôt que de s'occuper des victimes. Peu d'entre elles gagnent la confiance de ceux qui ont été blessés.

« Lorsque les victimes sont abusées dans le cadre d’une Église, elles ne se sentent pas en sécurité lorsqu'elles reviennent dans un tel cadre. Vous ne parviendrez pas à obtenir des preuves si vous ne faites pas appel à un cabinet d'enquête extérieur », déclare Denhollander. Le pasteur Cunningham a affirmé que l'élément crucial de sa démarche a été l'humilité. Il aimait écrire et enseigner. Mais il savait qu'il n'avait aucune formation en matière d'enquête ou de gestion d'un scandale.

Au moment où il a été nommé pasteur principal de Tates Creek en 2011, il a vraiment dû composer avec sa propre inexpérience. À 31 ans, il a fait une dépression nerveuse en tentant d’assumer ce nouveau rôle.

Le processus l'a transformé d'un jeune leader « arrogant et autosuffisant », pour utiliser ses propres mots, en un pasteur principal humble qui connaît ses limites et recherche la sagesse des autres. Cette attitude est devenue un élément important de la culture de l'Église et leur a permis de demander de l'aide lorsque c'était nécessaire.

Denhollander a déclaré que l'équipe de direction de Tates Creek « était déjà en phase avec le cœur de Dieu en ce qui concerne l’Évangile en action et le soutien aux personnes vulnérables », avant d'avoir à faire face à un scandale.

Et l'Église était prête à se montrer vulnérable, à oublier un instant sa réputation et à croire que la lumière de la vérité serait aussi celle de la grâce de Dieu.

Je ne sais pas pourquoi les pasteurs et les Églises pensent qu'ils ont ce qu'il faut pour naviguer dans ces eaux et ne se tournent pas rapidement vers de réels experts », déclare Cunningham. « Au fond, nous avons simplement fait appel à des gens qui savent ce qu'ils font et nous avons fait ce qu'ils nous ont dit de faire ».

Megan Fowler est une contributrice de Christianity Today basée en Pennsylvanie.

Traduit par Simon Fournier

Révisé par Léo Lehmann

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Prières et louanges des pays où il est le plus difficile d’être chrétien

Les épreuves et les joies des croyants de 11 nations de l’Index Mondial de Persécution des chrétiens édité par Portes Ouvertes.

Christianity Today April 4, 2021
Illustration by Rick Szuecs / Source images: Envato Elements

Selon l’Index Mondial de Persécution de Portes Ouvertes en 2021, plus de 340 millions de chrétiens vivent dans des régions où la persécution atteint des niveaux très élevés ou extrêmes

Puisque ces croyants sont nos frères et sœurs en Christ, nous avons pensé qu’il serait édifiant d’entendre les témoignages de l’Église et de ceux qui en sont proches quant à la façon dont Dieu est à l’œuvre et comment prier au mieux pour eux.

Les 11 pays représentés ont été classés dans le top 20 de l'Index Mondial de Persécution en 2020 et 2021. Ils figurent dans leur ordre de classement dans la liste actuelle.

Corée du Nord

Nous louons Dieu :

  • pour les descendants des croyants de Corée du Nord qui ont gardé leur foi malgré la persécution incessante qui y sévit depuis 1945.

  • pour la fondation d'Églises clandestines et la diffusion de l'Évangile en Corée du Nord, bien que toutes les églises y aient été détruites par l'oppression communiste.

  • pour son soutien aux Nord-Coréens, totalement déconnectés du monde extérieur, dans la traduction, l’impression et le partage de la Bible.

Nous prions :

  • pour que le péché d’idolâtrie qui déifie le leader en Corée du Nord cesse afin que tous les Nord-Coréens puissent servir le vrai Dieu.

  • pour que les péchés de violation et de répression des droits de l’homme soient éliminés afin que les Nord-Coréens puissent se réjouir et adorer le Dieu qui nous a tous créés à son image.

  • pour que des denrées alimentaires vitales et autres produits de première nécessité soient distribués aux Nord-Coréens qui continuent de souffrir de la faim et de la rigueur des hivers afin qu’ils puissent au moins maintenir un niveau de survie minimale.

Sujets proposés par Peter Lee, directeur exécutif, Cornerstone Ministries International

Pakistan

Nous louons Dieu :

  • pour le nombre d’étudiants en formation dans les séminaires et les écoles bibliques.

  • pour les nombreuses agences qui enseignent la foi aux disciples.

  • pour l’audace dans le témoignage de nombreux chrétiens.

Nous prions :

  • pour que les étudiants actuels des séminaires et écoles bibliques deviennent de bons pasteurs et évangélistes pour l’avenir.

  • face au danger permanent que représentent les lois sur le blasphème.

  • face aux discriminations systémiques auxquelles sont confrontés les chrétiens dans le domaine de l'emploi, de l'éducation et de la société.

  • pour les croyants d’origine musulmane qui sont confrontés à des dangers supplémentaires si leur identité vient à être révélée.

Sujets proposés par Mgr Michael Nazir-Ali, directeur du Oxford Centre for Training, Research, Advocacy and Dialogue

Iran

Nous louons Dieu :

  • pour le grand nombre d’Iraniens qui se convertissent au Christ. En ce début d'année 2020, Iran Alive Ministries (IAM) a constaté que les Iraniens étaient encore plus réceptifs à l’Évangile, aussi avons-nous consacré le mois de mai à l'évangélisation. Tout au long du mois, nous avons non seulement diffusé davantage de programmes d’évangélisation, mais aussi enseigné à notre public comment évangéliser. Le nombre de personnes converties enregistré est passé de 20 à 50 par semaine à plus de 500 par semaine. Cette progression a continué pendant des mois et le chiffre oscille à présent entre 300 et 400 par semaine. Mais la meilleure bonne nouvelle est que les deux tiers de ceux qui se sont tournés vers Christ ne l’ont pas fait directement grâce à nos programmes mais grâce au témoignage personnel de ceux que nous avons formés à l'évangélisation.

Nous prions :

  • pour la sécurité des membres de notre réseau. Deux de nos distributeurs de bibles en Iran (un homme et une femme) ont été arrêtés au cours de ces derniers mois. Leur arrestation met en péril la vie des autres membres du réseau. S’ils sont torturés et divulguent des noms, le reste du réseau sera également arrêté.

Sujets proposés par Hormoz Shariat, fondateur, Iran Alive Ministries

Nigéria

Nous louons Dieu :

  • pour sa force et sa grâce qui ont permis à nos frères du nord du Nigéria de persévérer dans le service et la foi en Dieu malgré une persécution intense.

  • pour avoir prêté soutien et porté secours aux chrétiens déplacés par le terrorisme dans le nord-est du Nigéria.

  • pour son intervention dans de nombreux cas où des dirigeants chrétiens kidnappés (certains avec leurs conjoints) ont été libérés avec succès.

  • pour avoir procuré à l'Église de Dieu de nombreuses occasions de continuer sa marche pendant le confinement dû à la pandémie de COVID-19. De nombreux croyants ont connu un renouveau dans leur vie chrétienne en suivant des conférences en ligne. Les villes étaient confinées, mais rien ne pouvait bloquer la Parole de Dieu car un nombre record d’âmes sont venues au Christ pendant la pandémie en cours ! Alléluia !

Nous prions :

  • pour que le Seigneur subvienne à des fonds pour que l’Église de Dieu dans le nord du Nigéria soit reconstruite. De nombreux lieux de culte sont en ruine et nous prions pour que Dieu les restaure de manière divine et miraculeuse.

  • pour que le Seigneur arrête et convertisse les caïds qui font régner la terreur et sont les fers-de-lance de la persécution contre les chrétiens au Nigéria. Seigneur, fais-leur vivre la même expérience que Saul (Paul) sur le chemin de Damas.

Sujets proposés par Ronke Mosuro, pasteur ordonné de la Redeemed Christian Church of God et conférencier à la Lead City University à Ibadan, Nigéria

Inde

Nous louons Dieu :

  • pour la manière dont l’Église a été et continue d'être capable de répondre aux besoins de la nation pendant la pandémie de COVID-19. Que ce soit au niveau national ou au cœur de l'Église locale, tous ont fait preuve de compassion pour soulager les souffrances de leurs voisins.

  • pour les efforts d’unité en cours dans l’Église en Inde. Pour la création du Forum national des chrétiens unis composé de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde, du Conseil national des Églises en Inde et de l’Alliance évangélique de l’Inde qui constitue un grand pas en avant dans la promotion de l’unité et de la coopération entre les Églises en Inde.

  • pour la capacité des dirigeants d’Église à prendre soin de leurs congrégations en utilisant des outils leur permettant de faire passer l’Église en ligne. Nous louons Dieu d'avoir doté l’Église de ressources qui ont pu contribuer aux soins pastoraux, à la prédication et à l’enseignement, gardant ainsi l’Église en Inde vibrante malgré le confinement.

Nous prions :

  • pour que l’Église en Inde soit une voix déterminante pour la paix, la justice, l’égalité et l’harmonie dans le pays. Priez pour que l’Église continue non seulement à parler mais aussi à intervenir en faveur des marginalisés et des opprimés. Priez pour que l’Église en Inde vive les valeurs du royaume de Dieu et bénisse et transforme la nation.

  • pour l’Église en Inde alors que la persécution et l’opposition ne font qu'augmenter, nourries par l’idéologie du nationalisme religieux et de l’extrémisme. Priez pour que l’Église reste ferme et fidèle dans la foi, en continuant avec amour à tendre la main même à ceux qui la combattent et la persécutent.

  • pour que l’Église en Inde soit en mesure de former efficacement des dirigeants pour répondre aux besoins d’une Église en pleine croissance, qui bénissent l’Église et la nation. Priez pour les mouvements de disciples et de leaders sur le terrain dans différentes régions d’Inde, afin que le Seigneur continue à travailler à travers eux pour engendrer des personnes honorables qui s’engagent dans la société avec compassion et amour pour opérer une transformation.

Sujets proposés par VijayeshLal, secrétaire général basé à Delhi de l’Evangelical Fellowship of India.

Irak

Nous louons Dieu :

  • car le christianisme est toujours présent et le gouvernement continue de toutes ses forces à consolider et renforcer cette présence.

  • pour le fait que l’Église baptiste ait pu apporter de la nourriture et des secours à de nombreuses familles de Mossoul ou des plaines de Ninive vivant dans la précarité ou ayant été déplacées et de diverses origines ethniques et religieuses.

  • pour le fait que les Églises évangéliques du Kurdistan aient reçu un statut juridique officiel.

Nous prions :

  • pour que le gouvernement soit renforcé. En effet, la faiblesse du gouvernement de Bagdad et son incapacité à étendre son influence sur des infrastructures importantes dans le pays génèrent de nombreux comportements qui, bien que loin d’être de la persécution, donnent aux chrétiens un sentiment d'inégalité.

  • pour la stabilité politique et sécuritaire dans le pays. pour que les chrétiens puissent se sentir en sécurité lorsqu’ils retournent dans leurs villages et villes d’où ils ont été déplacés depuis 2014. Beaucoup d’entre eux sont encore à Bagdad et dans d’autres régions du Kurdistan.

  • pour l’enregistrement officiel des Églises évangéliques – y compris la nôtre – car l'absence de reconnaissance de ces Églises entrave leur fonctionnement normal ainsi que leur service.

Sujets proposés par Ara Badalian, pasteur principal de la National Evangelical Baptist Church à Bagdad

Nous louons Dieu :

  • car les Églises évangéliques ont aidé le gouvernement local à distribuer de la nourriture et des médicaments malgré la quarantaine.

  • qu’au milieu de la persécution et de la pandémie, beaucoup aient commencé à chercher des réponses dans la Bible. Nous avons maintenant des bibles dans la langue kurde du Bahdinan.

Nous prions :

  • pour la finalisation de la Bible en langue kurde et la traduction de certains livres d’exégèse et de formation de disciples qui pourront aider les croyants à comprendre la Bible plus clairement.

Sujets proposés par Ashty Bahro, pasteur de l’Evangelical Apostles Church et directeur de l’organisation de secours Zalal Life basée à Duhok, au Kurdistan.

Arabie Saoudite

Nous louons Dieu :

  • pour l’ouverture politique/culturelle/religieuse qui se poursuit et pour le fait que les religieux musulmans de la vieille école ont été marginalisés et remplacés par d’autres qui encouragent une pensée plus libérale.

  • pour les nouveaux liens entre les jeunes et les étrangers qui ont contribué à accroître la tolérance et l’appréciation des autres cultures, des chrétiens et de Jésus.

Nous prions :

  • pour que davantage de personnes s'occupent des croyants d’origine musulmane et soient prêtes à manifester l’amour de Dieu dans la pratique. Nous prions pour qu’ils continuent à grandir en Dieu alors que nous témoignons de son attention pour leur vie et leur bien-être.

  • pour une unité de l’Église qui soit un témoignage par une belle vie visible aux yeux de tous, ainsi que par une bonne entente et une synergie en faveur des besoins des croyants « en recherche » et d’origine musulmane.

Sujets proposés par I. Hanna, responsable d’Église, Dammam, Arabie saoudite

Égypte

Nous louons Dieu :

  • pour son soutien pour notre économie qui a été affectée par le COVID-19.

  • pour sa protection de nos Églises contre de nombreuses tentatives terroristes et pour les efforts que le président Abdel Fattah El Sisi déploie pour promouvoir la citoyenneté et l’égalité.

  • pour que malgré la fermeture de nos églises en raison de la pandémie, la foi chrétienne se renforce et les chrétiens recherchent Dieu plus que jamais.

Nous prions :

  • pour que Dieu mette fin à la pandémie du coronavirus qui a causé la mort de certains dirigeants et pasteurs dans nos Églises.

  • pour que la paix prévale au Moyen-Orient, en particulier avec tous les changements qui se produisent aux États-Unis et en Europe.

  • pour la paix et la protection de l’Égypte, en particulier dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme.

Sujets proposés par Andrea Zaki Stephanous, directeur général, Organisation évangélique copte pour les services sociaux

Chine

Nous louons Dieu :

  • pour les réunions de prière en ligne et les événements missionnaires communs qui ont apporté un dynamisme incroyable aux Églises chinoises. La crise du COVID-19 nous a amenés à prêter attention aux besoins du monde comme jamais auparavant. Nous louons Dieu pour l'essor des prières ferventes et l’unité des missions rendues possibles grâce aux conférences en ligne.

  • pour la soif toujours plus grande de vérité et pour le sentiment d’appartenance au corps du Christ. L'année dernière de nouvelles Églises ont été fondées chaque semaine sous diverses formes dans tout le pays.

  • pour les témoignages chrétiens par le biais des services sociaux pendant la pandémie. De plus en plus d’Églises s'engagent pour avoir un impact par l'intermédiaire d'organisations non gouvernementales confessionnelles.

Nous prions :

  • pour les étudiants chrétiens confrontés à plus de surveillance et de contrôles que jamais. L’évangélisation sur le campus est devenue presque impossible dans le contexte du totalitarisme numérique. Priez pour la persévérance et la croissance des étudiants chrétiens, car ils sont l’avenir.

  • pour les travailleurs étrangers qui ont dirigé des ministères parmi les minorités au fil des ans. Alors que de plus en plus de personnes sont expulsées du pays, priez pour que plus de travailleurs matures et culturellement réceptifs surgissent parmi les Églises de la majorité Han pour combler le vide et continuer le travail à faire.

  • qu'alors que Dieu a exaucé nos prières et que la Chine a été la première à se remettre de la pandémie, ce soit une bénédiction pour toutes les nations, et non une malédiction.

Sujets proposés par un responsable d’Église à Shanghai

Vietnam

Nous louons Dieu :

  • pour le gouvernement et la communauté chrétienne et leurs efforts et leurs progrès significatifs pour créer des relations et établir une compréhension mutuelle.

  • pour les chrétiens qui ont été proactifs et audacieux en réponse aux besoins physiques et spirituels de leur communauté. En 2020, nous avons constaté une plus grande coopération entre les autorités locales et les Églises pour porter secours aux régions du centre du Vietnam touchées par de graves inondations.

  • pour l’évangélisation qui continue à se faire par le biais des relations personnelles, sur les lieux de travail, dans les locaux de l’Église et par l'intermédiaire des spectacles de rue.

Nous prions :

  • pour que les politiques et les lois sur la religion soient mises en application en mettant davantage l’accent sur la liberté religieuse (plutôt que le contrôle), en particulier dans les zones rurales et montagneuses du pays.

  • pour une plus grande unité et coopération entre les Églises afin qu’elles soient plus présentes dans la vie publique.

  • pour plus de ressources pour la formation des dirigeants d'Églises, ce à quoi la pandémie a nui de façon significative, et pour que ceux-ci attirent un plus grand nombre de jeunes chrétiens.

Sujets proposés par l’Institute for Global Engagement

Ouzbékistan

Nous louons Dieu :

  • pour la toute première Église évangélique du Karakalpakstan qui a été enregistrée par le gouvernement en 2020. Cela est un énorme soulagement pour les responsables et pour les membres de leurs famille car en Ouzbékistan l’activité religieuse non enregistrée est punie par la loi.

Nous prions :

  • pour que plus de frères et sœurs chrétiens dans notre pays aient accès à la formation théologique.

  • pour les nombreuses personnes, en particulier les femmes, qui subissent une énorme pression psychologique en raison du confinement durant la crise du COVID-19. Beaucoup de personnes ont perdu leur emploi et les familles ont des difficultés financières. Nous prions pour que Dieu donne aux familles des occasions de joindre les deux bouts.

Sujets proposés par une responsable de ministère parmi les femmes en Ouzbékistan

Traduit par Valérie Marie-Agnès Dörrzapf

Révisé par Léo Lehmann

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Dissiper le brouillard du mensonge et des « infox » (Fake-News)

La prédication et la formation de disciple traditionnelles peuvent aider à faire face aux thèses conspirationnistes qui menaçent l’accès à la vérité. 

Christianity Today March 30, 2021
Illustration by Rick Szuecs / Source images: Samuel Corum / Stringer / Brent Stirton / Staff / Getty

Certains émeutiers qui ont pris d’assaut le Capitole des États-Unis, début janvier, scandaient le slogan « Pendez Mike Pence ». Mais certains pensaient probablement que l'ancien vice-président était déjà mort.

Parmi les franges les plus marginales des partisans de l'ancien président Donald Trump, en particulier ceux influencés par la théorie complotiste QAnon, court la rumeur que Pence a été exécuté par un tribunal militaire dirigé par Trump, l'année dernière, et qu’il en a été de même pour les Obama, les Clinton, le président Joe Biden et le président de la cour suprême John Roberts. Les reportages les montrant apparemment réagir aux événements actuels, seraient simplement des faux fabriqués par ordinateur. Ou peut-être des hologrammes. Ou des acteurs ? Ou des clones !

C'est évidemment absurde. Et c'est tout aussi irréfutable : on ne peut pas prendre Biden pour se livrer à une vérification à la Thomas, l’incrédule, pour chaque adepte du conspirationnisme. Même si nous le pouvions, il n’existe aucune preuve externe que ce genre de théorie conspirationniste ne puisse expliquer et rejeter.

Mais le plus remarquable à propos de cette croyance est qu'une part importante des gens qui y adhèrent se disent volontiers évangéliques. Leurs profils, sur les réseaux sociaux, arborent des mentions telles que « chrétien conservateur », « chrétien croyant à la Bible », « combattant pour la foi », « Jean 3.16 », « craignant Dieu », « chrétienne, épouse et mère ». Ils partagent des versets bibliques, mêlés parfois à leurs théories conspirationnistes. Ils affirment avec assurance que Dieu accomplit une refonte du gouvernement américain dont ces exécutions imaginaires font partie. Il se pourrait qu’ils aillent à l'Église, peut-être une Église très semblable à la vôtre.

La plupart des Américains engagés politiquement, en général, et les chrétiens en particulier, ne croient pas en des choses aussi extravagantes. Mais cette théorie sur des exécutions de hauts-responsables n'est pas tout à fait l’anomalie complète que nous pourrions espérer. « Dans mon expérience et mes conversations parmi les pasteurs, nous sommes de plus en plus alarmés par l’attirance croissante pour des théories du complot et des idées politiques farfelues, surtout depuis les élections », déclare Daniel Darling, pasteur et vice-président senior des National Religious Broadcasters (Diffuseurs chrétiens nationaux), contributeur à CT et auteur de livres dont A Way with Words : Using Our Online Conversations for Good (Un chemin pour les mots : utiliser nos conversations en ligne pour le bien).

Le point de vue de Darling, qu'il partageait avec moi dans une interview par courriel en janvier, est étayé par de nouvelles données fournies par une enquête de Lifeway. La moitié des pasteurs protestants en Amérique disent qu'ils « entendent fréquemment des membres de leur(s) congrégation(s) répéter des théories du complot qu'ils ont entendues et qui expliquent pourquoi quelque chose se passe dans [leur] pays », révéle ce sondage. La tendance semble être la plus forte, déclare Scott McConnell, directeur exécutif de Lifeway Research, « dans les cercles politiquement conservateurs, ce qui correspond aux pourcentages plus élevés observés dans les Églises dirigées par des pasteurs protestants blancs ».

« Pour la plupart des pasteurs avec qui je m’entretiens, c'est une fraction de leurs communautés », dit Darling, « peut-être parmi la plus engagée politiquement ou la plus connectée. Et pourtant, c'est un élément suffisant pour inquiéter de nombreux pasteurs », poursuit-il, en particulier à propos du « nombre de [chrétiens] captifs de leurs médias favoris, lesquels deviennent de plus en plus extrémistes, et sur le fait que beaucoup sont apparemment réfractaires à entendre des réfutations sensées ».

Il en résulte une crise épistémologique, et ce n'est pas qu’un phénomène marginal. Le mensonge le plus subtil peut être le plus fort : « si quelqu’un se croit debout, qu’il prenne garde de ne pas tomber » (1 Co 10.12). Cette crise est plus qu'un problème politique urgent ; c'est aussi une urgente question de formation de disciple, car les chrétiens sont censés être un peuple attaché à la vérité (Jn 8.31–32).

L'épistémologie est simplement l'étude de la connaissance : que savons-nous et comment le savons-nous ? Quelles sont les sources sûres de connaissance ? Le monde est-il vraiment tel que nous le percevons ? Si la vérité existe (comme l'affirment les chrétiens), pouvons-nous y accéder correctement ? Nous sommes dans une crise épistémologique parce que nos réponses à ces questions dans la sphère publique s’avèrent terriblement confuses.

Les cinq dernières années de la politique américaine ont été une ère de « faits alternatifs » et de « vérité qui n'est pas la vérité ». Les dénonciations de « fausses nouvelles », certaines justes et d'autres cyniquement calomnieuses, se répandent vite, massivement. Les médias dominants sont rejetés parce qu'ils sont déficients ou biaisés (une critique souvent méritée !), Mais les colporteurs de rumeurs sous pseudonymes du monde numérique qui émergent pour les remplacer sont pires. Trop de gens à droite embrassent une forme de « dreampolitik » (« politique du rêve ») – si cela vous semble juste, croyez-le – tandis que chez d’autres à gauche un accent très fort sur l'expérience personnelle comme médiateur de la connaissance rend impossible la communication par-delà les lignes identitaires. Le résultat en est que nous sommes certains de choses qui ne peuvent pas être assurées et que nous doutons de faits fondamentaux. Un brouillard épistémologique s’insinue dans nos foyers et nos têtes via la lecture automatique et les contenus que nous faisons défiler à l’infini sur nos écrans.

Je voulais m’adresser à Darling parce que, si je pense être capable de bien décrire ce problème, si je le cerne bien quand je le vois, y compris – à mon grand désarroi – dans ma propre famille, je ne sais généralement pas quoi faire pour cela. Je sais ce que donne dans ma vie la pratique de ce que Graeme Wood du journal The Atlantic appelle « l'hygiène mentale » (qui, à mes yeux, est aussi une hygiène spirituelle). « La lutte est interne, et familière pour tous ceux qui consomment des médias », écrit Wood. Et pour moi, cela signifie poser des limites – trop souvent brisées – quant à la durée et au contenu de ma consommation de médias, ainsi qu’adopter une routine quotidienne intégrant la lecture des Écritures avant la consultation de mon téléphone.

Mais qu'en est-il des autres, de ceux qui ne reconnaissent même pas l’existence de la crise épistémologique ? Je ne peux pas leur imposer mes limites et ma pratique. G. K. Chesterton, dans Orthodoxie, déconseillait de débattre avec le conspirationniste, recommandant plutôt de lui faire prendre « l'air », pour lui montrer qu'il y a « quelque chose de plus sain et de plus frais en dehors de l’étouffement dans un seul raisonnement ». Mais à quoi bon à l'ère des smartphones, quand on a toujours en poche une source inépuisable de controverses et de confusion ?

Les prises de position publiques – comme cet article lui-même – sont loin de tout faire, me dit Darling. Cela joue « un rôle », écrit-il, « mais le problème doit être résolu par la relation » et dans l'Église locale. Beaucoup trop « d’évangéliques sont plus catéchisés par le podcast, les experts et les politiciens de leur niche politique favorite » que par la Bible, poursuit-il. Une description dont je soupçonne qu’elle pourrait être dérangeante, mais qui est incontestable si l'on considère le temps accordé de part et d’autre.

« Ainsi, peut-être que les pasteurs ont besoin de revenir au genre de prédication à l'ancienne qui met en garde contre les mauvaises influences et nous exhorte à “renouveler notre intelligence” (Rm 12.2) au moyen de l’Écriture », déclare Darling, tout en intégrant dans leur pratique de la formation de disciples « un enseignement soutenu et nuancé sur ce que signifie s'engager dans la politique de manière saine ». Les Églises peuvent utiliser des groupes de maison, recommander des lectures, des recherches et des podcasts, ainsi que des cours pour former et encourager les membres. Ne pas aborder l'engagement politique et la consommation de contenu en ligne, argumente Darling, signifie « céder ce terrain aux marchands de peur et aux conglomérats médiatiques qui cherchent notre attention pour faire du profit ».

Et tout cela doit se faire dans le contexte de l'amour chrétien : dans l'amitié, dans la prière, le jeûne et le combat spirituel (Ep 6.10-18) ; en se supportant et en se pardonnant mutuellement (Col 3.13). Nous ne serons peut-être pas en mesure de faire sortir nos interlocuteurs de la crise épistémologique, mais nous pouvons faire appel, conclut Darling, aux vertus et à la mission chrétiennes, en posant certaines questions. Cela vaut-il vraiment le temps et l’énergie consacrés ? Cela nous aide-t-il à nous « conduire d’une manière digne de l’appel qui [nous] a été adressé » (Ep 4.1) ? Cela conduit-il la pensée à se tourner vers Christ ? Pas besoin de croire au clone de Biden pour que la réponse soit « non ».

Bonnie Kristian est chroniqueuse pour Christianity Today.

Traduit par Philippe Kaminski

Révisé par Léo Lehmann

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Retrouver les bases de la lecture biblique

Les meilleurs outils et stratégies sont d’une élémentaire simplicité

Christianity Today March 23, 2021
Steven Wickenheiser / Lightstock

J’ai appris à cuisiner avec les outils les plus basiques sous la tutelle de ma belle-mère, héritière d'un art de la cuisine remontant à des générations avant elle. Le bacon était frit dans une poêle en fonte, et retourné avec une fourchette. La croûte de la tarte était façonnée avec un emporte-pièce métallique dans un bol à mélanger. Les biscuits étaient coupés à l’aide d’une boîte vide. Des outils simples, employés fidèlement, donnant toutes sortes de bonnes choses.

Mais à mesure que mon intérêt pour la cuisine grandissait, je suis passée à des outils plus compliqués qui promettaient moins de travail ou de désordre. Ma cuisine débordait d’ustensiles à usage unique et d’appareils de luxe, mais le bacon croustillant, les croûtes de tarte feuilletées et les biscuits chauds de mes premières années ne se sont pas améliorés. Dans de nombreux cas, ils n'étaient plus aussi bons, ou la tâche de localiser et faire fonctionner le bon outil avait émoussé mon intérêt.

Il est possible de compliquer des pratiques simples qui donnent de bons résultats. Cela est vrai pour la cuisine, et il en va de même pour la lecture de nos bibles. L'abondance de commentaires en ligne, de lexiques, de bibles interlinéaires et de bases de données que l'on peut fouiller peut nous faire oublier des outils de base éprouvés qui nous sont bien utiles. Voici cinq « ustensiles » simples qui se sont peut-être perdus dans le tiroir des façons d'entrer dans les Écritures et de les analyser :

Lire le texte plusieurs fois

Nous sous-estimons l’efficacité de la lecture répétée pour nous exercer à suivre le sens d’un texte. Celle-ci nous aide à identifier des idées, des noms, des lieux, des images, des rythmes ou des phrases, et nous commençons ainsi à voir des structures et des modèles émerger. Elle ne cesse jamais d'être utile, car à chaque lecture, de nouveaux trésors surgissent du texte. L’une des meilleures approches de l’étude de la Bible – et une des plus négligées – serait de lire un livre biblique du début à la fin, sans essayer de l’analyser ou de réfléchir à ses applications. Et puis de le relire. Et encore une fois.

Consulter une carte

Lorsque J.R.R. Tolkien a publié sa désormais célèbre trilogie Le Seigneur des Anneaux, il plaça dans les premières pages un outil ingénieusement simple qui permit à ses lecteurs d’entrer dans le récit : une carte de la Terre du Milieu. Il est probable qu’un bon nombre de chrétiens occidentaux modernes en savent plus sur la géographie de la Terre du Milieu que sur la géographie du Moyen-Orient. Les annexes de nos Bibles contiennent également des cartes pour nous faire entrer dans ce décor et nous fournir le contexte de ce que nous lisons. Le fait de savoir que l’eunuque éthiopien d’Actes 8 a effectué un pèlerinage de 2400 km nous permet de mieux mesurer la profondeur de son désir de connaître Yahweh. Cartographier les voyages missionnaires de Paul ou les voyages d’Abram ajoute à notre compréhension de ces histoires et nous aide à mieux les retenir.

Utiliser une chronologie biblique

Quand le Royaume d'Israël a-t-il été divisé ? Quand Ésaïe a-t-il prophétisé ? Quelle est la durée de la période intertestamentaire ? Quand le temple a-t-il été détruit ? Garder à portée de main une chronologie biblique peut nous aider à replacer ce que nous lisons dans le contexte historique approprié. Cela peut aussi nous aider à développer une idée des thèmes qui sont couramment abordés à des époques particulières ou à comprendre pourquoi un thème particulier n’apparaît pas dans une partie spécifique de la Bible. Pourquoi ne pas fabriquer un signet à conserver dans votre Bible pour vous aider à apprendre et à appliquer la chronologie de l’histoire biblique à votre lecture ?

Comparer les traductions

Si une expression ou une phrase est difficile à comprendre, comparez-la dans plusieurs autres traductions. L’accès en ligne à plusieurs traductions rend la comparaison facile et accessible. Vous pouvez aussi ajouter une étape supplémentaire à votre lecture répétée en changeant de traduction pour vos parcours ultérieurs d'un livre.

Vérifier dans un dictionnaire

Un lexique d'hébreu ou de grec n’est pas forcément utile pour qui ne connaît pas ces langues bibliques, mais un simple dictionnaire de français peut rendre bien des services. Lorsque Paul rencontre un proconsul dans Actes 13, un coup d’œil dans un dictionnaire nous permet de savoir qu’un proconsul est un gouverneur romain. Quand nous lisons d’anciennes traductions de 1 Jean 2.2 affirmant que Christ est notre propitiation, un dictionnaire nous précisera qu’il s’agit d’un sacrifice expiatoire. Même la recherche de mots courants comme « inébranlable » ou « juste » peut aider à élargir ou remettre en question notre compréhension de certains passages.

Quand il s’agit de lire la Bible, évitez de trop compliquer la recette. Redécouvrez les compétences de lecture de base et lisez avec une attention renouvelée. Des outils simples, employés fidèlement, font toutes sortes de merveilles.

Jen Wilkin est une épouse, une mère et une enseignante de la Bible. Elle est l’auteure de In His Image and None Like Him.

Traduit par Valérie Marie-Agnès Dörrzapf

Révisé par Léo Lehmann

Qu’est-ce que le nationalisme chrétien ?

En quoi cette pensée est-elle à distinguer d’autres formes de nationalisme, du patriotisme ou du christianisme ? Explication.

Christianity Today March 22, 2021
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Cameron Smith / Mohammad Aqhib / Unsplash / Reza Estakhrian / Getty Images

Depuis la « marche de Jéricho » en décembre à Washington, D. C., et depuis qu'une foule de partisans de Trump – nombre d’entre eux arborant des signes, slogans ou symboles chrétiens – se sont soulevés et ont pris d'assaut le bâtiment du Capitole américain le 6 janvier dernier, vous avez peut-être entendu parler des méfaits du nationalisme chrétien aux États-Unis.

Qu'est-ce que le nationalisme chrétien et en quoi est-il différent du christianisme ? En quoi est-il à distinguer du patriotisme ? Comment les chrétiens devraient-ils concevoir leur nation ? Si le nationalisme est une mauvaise chose, cela signifie-t-il que nous devions rejeter également l’appartenance nationale et la loyauté à l’égard de notre pays ?

Qu'est-ce que le patriotisme, et est-ce une bonne chose ?

Le patriotisme, c’est l’amour de son pays. Il est à distinguer du nationalisme, qui touche à la manière dont nous définissons notre pays. Les chrétiens devraient reconnaître que le patriotisme est bon parce que toute la création de Dieu est bonne et que le patriotisme nous aide à apprécier notre propre place en son sein. Notre attachement et notre respect pour une partie spécifique de la création de Dieu nous aident à faire ce qui est bien pour développer et améliorer l’endroit où nous vivons. En tant que chrétiens, nous pouvons et devons aimer notre pays, ce qui signifie également travailler à rendre notre pays meilleur, en le soumettant à la critique et en agissant pour la justice quand il fait fausse route.

Qu'est-ce que le nationalisme ?

Il existe de nombreuses définitions du nationalisme, ce qui suscite un vif débat sur la meilleure manière de le décrire. En passant en revue la littérature académique sur le nationalisme j'ai trouvé plusieurs thèmes récurrents. La plupart des chercheurs conviennent que le nationalisme commence par la croyance que l'humanité est divisible en groupes culturels absolument distincts et intrinsèquement cohérents, définis par des traits communs tels que la langue, la religion, l'ethnicité ou la culture. À partir de là, affirment les chercheurs, les nationalistes croient que ces groupes devraient avoir chacun leur propre gouvernement, que les gouvernements devraient promouvoir et protéger l’identité culturelle de la nation et que ces groupes nationaux souverains donnent un sens et un but aux êtres humains.

Qu'est-ce que le nationalisme chrétien ?

Le nationalisme chrétien est la conviction qu’une nation est définie par le christianisme et que le gouvernement devrait prendre les mesures nécessaires pour préserver cet état de fait. Généralement, les nationalistes chrétiens affirment que leur nation est et doit rester une « nation chrétienne », non pas donc simplement dans une éventuelle perspective historique, mais dans celle d’un programme normatif de ce que leur pays doit continuer à être pour le futur. Dans le contexte des États-Unis on doit notamment le développement de ce type d’idée à des intellectuels tels que Samuel Huntington : l'Amérique est définie par son passé « anglo-protestant » et les Américains perdraient leur identité et leur liberté s’ils ne préservent pas cet héritage culturel.

Toujours dans le contexte des États-Unis, les nationalistes chrétiens ne rejettent pas le premier amendement de la constitution qui garantit la liberté de religion, et ils ne prônent pas la théocratie, mais ils sont persuadés que le christianisme devrait jouir d'une position privilégiée dans l’espace public. La notion de « nationalisme chrétien » est relativement nouvelle et ses partisans ne se l’appliquent généralement pas eux-mêmes, mais il décrit précisément les nationalistes pour qui l’identité nationale est indissociable du christianisme.

Quel est le problème du nationalisme ?

L'humanité n'est pas aisément divisible en unités culturelles absolument distinctes. Les cultures se chevauchent et leurs frontières sont imprécises. Puisque les unités culturelles sont floues, elles ne sont pas adéquates comme fondement de l’ordre politique. Les identités culturelles sont mouvantes et leurs contours sont difficilement repérables, tandis que les frontières politiques sont rigides et semi-permanentes. Tenter de fonder une légitimité politique sur l’identité culturelle signifie que le pouvoir politique risque constamment d'être perçu comme illégitime par tel groupe ou tel autre. Le pluralisme culturel est par essence inévitable dans toute nation.

Est-ce un véritable problème ou un simple souci abstrait ?

C'est un problème sérieux. Lorsque les nationalistes s’emploient à construire leur nation, ils doivent définir qui fait et qui ne fait pas partie de la nation. Mais il y a toujours des dissidents et des minorités qui ne se conforment pas ou ne peuvent pas se conformer au modèle culturel exclusif des nationalistes. En l'absence d'autorité morale, les nationalistes ne peuvent s'établir que par la force. Les spécialistes sont presque unanimes à dire que, dans la pratique, les gouvernements nationalistes ont tendance à devenir autoritaires et oppressifs. Par exemple, dans les générations passées, dans la mesure où le protestantisme faisait pratiquement fonction de religion établie aux États-Unis, la situation n’était pas celle d’une vraie liberté religieuse. Pire encore, les États-Unis et de nombreux États en leur sein ont fait du christianisme un pilier pour soutenir l'esclavage et la ségrégation.

En quoi ce que veulent les nationalistes chrétiens diffère d’un engagement chrétien normal en politique?

Les nationalistes chrétiens veulent définir leur nation comme une nation chrétienne et veulent que le gouvernement érige leur modèle culturel spécifique en culture officielle du pays. Aux-États-Unis, certains ont prôné un amendement à la Constitution pour reconnaître l'héritage chrétien de l'Amérique, d'autres militent pour rétablir la prière dans les écoles publiques. Les uns travaillent à inscrire une interprétation nationaliste chrétienne de l'histoire américaine dans les programmes scolaires, affirmant même que l'Amérique a une relation privilégiée avec Dieu ou a été « choisie » par lui pour accomplir une mission spéciale sur terre. D'autres encore préconisent des restrictions migratoires destinées à empêcher tout changement de démographie religieuse et ethnique aux États-Unis ou tout changement dans la culture américaine. On en trouve également qui voudraient conférer au gouvernement le pouvoir de prendre des mesures plus énergiques pour circonscrire les comportements jugés immoraux.

Certains, encore une fois comme l’intellectuel Samuel Huntington, ont soutenu que le gouvernement des États-Unis doit défendre et préserver sa culture « anglo-protestante » prédominante pour assurer la survie de la démocratie américaine. Le nationalisme chrétien se fait parfois le plus flagrant non pas par son agenda politique, mais dans le genre d'attitude dont il témoigne : un présupposé implicite que les chrétiens auraient droit à la première place dans l’espace public parce qu'ils seraient les héritiers du patrimoine véritable ou essentiel de la culture nationale. Les chrétiens auraient un droit prioritaire à définir le sens de l'expérience américaine parce qu'ils se considèrent comme les architectes, les premiers citoyens et les gardiens de l'Amérique.

En quoi est-ce dangereux pour une nation ?

Le nationalisme chrétien a tendance à traiter les autres citoyens comme des citoyens de seconde zone. S'il était pleinement mis en œuvre, il ne respecterait pas la pleine liberté religieuse de tout un chacun. Doter l'État d’une « législation morale » pour réglementer la conduite comporte toujours le risque d'aller trop loin, de créer un mauvais précédent et de créer des pouvoirs politiques qui pourraient se retourner plus tard contre les chrétiens. Dans le contexte des États-Unis, le nationalisme chrétien est par ailleurs une idéologie défendue majoritairement par des Américains blancs, et il a donc tendance à exacerber les clivages raciaux et ethniques. Ces dernières années, le mouvement s'est amplifié, caractérisé par la peur et une conviction que les chrétiens seraient victimes de persécution. Certains commencent à affirmer que les chrétiens américains doivent se préparer à se battre, physiquement, pour préserver l’identité américaine, une idée qui a joué un rôle dans les émeutes du 6 janvier dernier.

En quoi le nationalisme chrétien est-il dangereux pour l'Église ?

Le nationalisme chrétien confond le nom de Christ avec un agenda politique terrestre, proclamant que son programme est le programme politique valable pour tout vrai croyant. Cela est fondamentalement trompeur, quel que soit le programme en question, car seule l'Église est habilitée à proclamer le nom de Jésus et à porter son étendard dans le monde. C'est encore pire lorsque l’on est face à un mouvement politique qui se fait le champion de causes injustes, ce qui est le cas du nationalisme chrétien aux États-Unis et de l’absolutisme qui l'accompagne. Ce nationalisme chrétien en vient à appeler le mal bien et le bien mal. Il se sert du nom du Christ comme d’une feuille de vigne pour couvrir son programme politique, s’approprie le message de Jésus pour en faire un outil de propagande politique et traite l'Église comme la servante et la pom-pom girl de l'État.

En quoi le christianisme diffère-t-il du nationalisme chrétien ?

Le christianisme est une religion centrée sur la personne et l’œuvre de Jésus-Christ telles que définies par la Bible chrétienne et les crédos des apôtres et de Nicée. C'est le rassemblement d’individus « de toute nation, de toute tribu, de tout peuple, de toute langue » qui adorent Jésus (Ap 7.9), une foi qui réunit Juifs et Grecs, nationaux et étrangers. Le christianisme est politique, en ce sens que ses partisans ont toujours compris que leur foi entre en dialogue avec leurs allégeances terrestres, les affecte et les transcende, mais il n'y a pas de point de vue unique sur les implications politiques qui découlent de la foi chrétienne, hormis le commandement de « craindre Dieu et honorer le roi » (cf. 1 P 2.17), payer ses impôts, aimer ses voisins et rechercher la justice.

Le nationalisme chrétien, par contre, est une idéologie politique axée sur l'identité nationale d’un pays. Dans le cas des États-Unis, cela implique une compréhension du gouvernement et de l'histoire du pays qui est de toute évidence extrabiblique et est contestée par de nombreux historiens et politologues. Plus important encore, le nationalisme chrétien intègre des prescriptions politiques particulières qu'il prétend bibliques mais qui, au mieux, sont des extrapolations de principes bibliques ou, au pire, sont contraires à ces derniers.

Les chrétiens peuvent-ils s'engager politiquement sans être des nationalistes chrétiens ?

Oui. Aux États-Unis, des chrétiens ont été exemplaires par le passé en aidant à mettre en place l'expérience américaine, et de nombreux chrétiens ont travaillé à mettre fin à l'esclavage, à la ségrégation et à d'autres maux. Ils l'ont fait parce qu'ils croyaient que le christianisme exigeait d’eux qu’ils œuvrent pour la justice. Mais ils ont travaillé pour faire avancer des principes chrétiens, non le pouvoir chrétien ou la culture chrétienne. Il y a là la principale distinction entre l’engagement politique chrétien normal et le nationalisme chrétien. L'engagement politique chrétien normal est humble, aimant et sacrificiel. Il rejette l'idée que les chrétiens ont un droit à la primauté dans l’espace public ou un droit naturel à maintenir leur prédominance historique dans la culture américaine. Aujourd'hui, les chrétiens devraient chercher à aimer leurs prochains en recherchant la justice dans l’espace publique, y compris dans la lutte contre l'avortement, en promouvant la liberté religieuse, en favorisant la justice raciale, en protégeant l'état de droit et en respectant les processus constitutionnels. Cette feuille de route est différente de la promotion d’une culture chrétienne, de l’héritage occidental ou de valeurs anglo-protestantes.

Paul D. Miller est professeur de pratique des affaires internationales à l'Université de Georgetown et chercheur à la Commission d'éthique et de liberté religieuse.

Traduit par Philippe Kaminski

Révisé et adapté par Léo Lehmann

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Décès de Luis Palau, qui avait prêché l’Évangile depuis Portland jusqu’en Amérique latine et au-delà

D’abord traducteur de Billy Graham, l’évangéliste d’origine argentine a conduit des millions de personnes dans plus de 80 pays à prendre la décision de suivre Jésus.

Luis Palau

Luis Palau

Christianity Today March 16, 2021
Courtesy of Luis Palaus Association / Edits by Rick Szuecs

L’évangéliste Luis Palau est décédé à l’âge de 86 ans d’un cancer du poumon. Immigrant argentin établi aux États-Unis, Palau est devenu l’un des successeurs les plus éminents de Billy Graham et a annoncé l’Évangile dans plus de 80 pays à travers le monde. Son ministère a permis que des millions d’individus s'engagent personnellement à suivre Jésus comme Sauveur et Seigneur.

Luis Palau a prêché l’Évangile aux chefs d’État d’Amérique latine et, alors même que le Rideau de fer tombait en URSS, ses « croisades » ont rassemblé un large éventail de chrétiens comprenant aussi bien des protestants que des orthodoxes ou des catholiques. Alors qu'il était encore jeune homme, Palau a servi d'interprète à Billy Graham, qui l'a ensuite aidé à financer sa propre organisation d’évangélisation à sa création officielle en 1978.

Luis Palau a commencé à annoncer l’Évangile à un moment réellement historique de l’évangélisation latino-américaine. Le pentecôtisme était arrivé le premier dans la région au début des années 1900. Dans les années 1960 et 1970, René Padilla d’Équateur et Samuel Escobar du Pérou ont commencé à plaider pour la « misión intégrale » (mission intégrale), lançant un véritable défi à l'évangélisme qu’ils pensaient être trop étroitement axé sur le salut personnel individuel au détriment, plus largement, des préoccupations sociales. Luis Palau n’a pas suivi cette trajectoire. Ses écrits en espagnol critiquaient la théologie de la libération et son ministère a continué à se concentrer sur les conversions. Cependant, une grande partie de son travail ultérieur comprenait un engagement actif dans la communauté locale, notamment dans sa ville natale de Portland, dans l'Oregon.

« Palau avait une remarquable façon de prêcher l'Évangile de manière accessible et d'implanter des priorités spirituelles visant le salut personnel en Christ, mais il avait également une certaine conscience sociale », déclarait le professeur d’histoire de Notre Dame Darren Dochuk. « Si ce n’était pas un Évangile social à part entière, c'était néanmoins un message qui démontrait sa conscience des préoccupations sociales ».

Dans les années 1990, le ministère mondial de Luis Palau a commencé à se concentrer intentionnellement sur les États-Unis. Sous l’influence de ses fils, qui ont assumé des rôles de leadership actifs à ses côtés dans le ministère, ses événements d’évangélisation ont de plus en plus été caractérisés par la présence de concerts de rock et par l'existence de projets de service social communautaire. En 1999, le New York Times faisait un sondage pour savoir qui pourrait succéder à Billy Graham. Luis Palau fut le premier nom mentionné.

Bien qu’il ait vécu sa vie d’adulte aux États-Unis, Luis Palau est resté connecté aux réalités de l’Amérique latine, en grande partie grâce à la radio, le moyen même par lequel il avait entendu Billy Graham prêcher pour la première fois alors qu'il était adolescent, un événement qui a inspiré toute son évangélisation. Il payait souvent une couverture médiatique simultanée aux heures de grande écoute pour diffuser ses croisades via la télévision. En plus de sa prédication publique, il apparaissait également à la télévision locale régionale, dans des émissions dans lesquelles il répondait aux questions des téléspectateurs tout en cherchant à diriger ses interlocuteurs vers le Seigneur.

Luis Palau a grandi à Ingeniero Maschwitz, une petite ville située à environ 50 kilomètres de Buenos Aires. Il est né en 1934, seul garçon parmi sept enfants, dans une famille bilingue, d’un père dont les parents avaient immigré d’Espagne après la Première Guerre mondiale et d’une mère issue d'une famille à la fois écossaise et française. Les parents de Palau, Luis Palau Sr. et Matilde Balfour de Palau, sont devenus chrétiens après qu’Edward Rogers, un haut dirigeant du secteur pétrolier britannique, ait donné une Bible à la mère de Luis. Edwards Rogers a exercé une influence spirituelle clé sur les Palau pendant son enfance, et lorsque le père de Luis est décédé de manière inattendue, c'est Edwards Rogers qui a aidé financièrement la famille.

La conversion proprement dite de Luis Palau lui-même s’est produite alors qu’il participait à un camp d’été en 1947, grâce à un conseiller du camp qui l’a conduit au Christ.

« Vous n’êtes pas obligé d’avoir une histoire à couper le souffle sur la façon dont vous avez reçu Jésus. Ce qui compte, c'est que cette histoire soit la vôtre », écrivit plus tard Luis Palau dans ses mémoires. « Certains reçoivent une lumière tombant du ciel, l’expérience de la route de Damas qui les emmène, alors même qu'ils sont les “pires des pécheurs”, directement dans les bras de Jésus. D'autres, parmi nous, sont comme des enfants qui commencent tout juste à apprendre ce que signifie le péché. Pour eux, la lumière venant du ciel ressemble à un faisceau de lampe de poche tremblant sur la page d’une Bible, alors que la pluie froide tombe tout autour. Ce qui compte vraiment dans notre conversion, c’est qu'elle soit réelle. »

Luis Palau a appris l’anglais dès son plus jeune âge grâce à ses parents bilingues. Une grande partie de son éducation s'est également faite en anglais, d’abord dans un pensionnat britannique, et plus tard dans une prestigieuse académie associée à l’Université de Cambridge.

Après avoir terminé l’école et trouvé du travail dans une succursale de la Banque de Londres, Luis Palau a d’abord découvert la voix de Billy Graham à la radio en Argentine, alors qu'il était adolescent. Quelques années plus tard, Luis Palau lui-même adressera à sa radio locale une demande en vue de pouvoir y prêcher. Après avoir initialement aspiré à devenir avocat, Luis Palau commencera alors à rêver d’un ministère à l’échelle mondiale, centré sur l’évangélisation de masse, semblable à celui qui avait caractérisé les croisades de Billy Graham. À peu près à la même époque, il assistera à une étude biblique dirigée par le pasteur et écrivain américain Ray Stedman, qui, tout au long des deux mois qui suivirent, exhortera l’Argentin à déménager aux États-Unis pour se former au ministère.

Lorsqu’il est arrivé dans la région de la baie de San Francisco en Californie, Luis Palau a vécu avec Ray Stedman, qui était également le mentor d’un jeune du nom de Chuck Swindoll. Le mentorat de Ray Stedman allait bien au-delà de simples recommandations de lectures ou de l’imposition de conseils. Il emmenait Luis Palau à des séances de cure d'âme à l’Église, le taquinait sur sa formation juridique et le régalait de ses histoires étonnamment franches et apparemment sans tabou. Ray Stedman a aussi encouragé Luis Palau à suivre les cours du Séminaire théologique de Dallas, mais celui-ci s’est découragé face à l’engagement de quatre ans que cela impliquait et a préféré opter pour un programme d’un an à la Multnomah School of the Bible (aujourd’hui Multnomah University).

C'est à Multnomah que Luis Palau a rencontré sa femme, Patricia, qui résidait en Oregon et qui avait ses propres rêves d’évangélisation mondiale. Après leur mariage, le couple a déménagé à Détroit avant de passer du temps au Costa Rica, en Colombie et au Mexique dans le cadre de l’agence missionnaire Overseas Crusades. Au fil de l’élargissement de leur famille – ils ont finalement eu quatre garçons – les Palau décidèrent d’élever leurs enfants dans l’Oregon. Luis continuait à voyager pendant que Pat restait à la maison. Il avait un jour calculé, 57 ans après leur mariage, qu’ils avaient cumulé 15 ans de séparation à cause de ses voyages.

« Je n’ai jamais perdu de vue que bon nombre des moments les plus précieux, les trésors de la vie de mes fils, se sont déroulés sans moi », a plus tard écrit Luis Palau. « Je ne regrette pas le choix que j'ai fait, même si je pleure les nombreux souvenirs qui ont dû se construire en mon absence. »

Luis Palau avait brièvement rencontré Billy Graham lorsque ce dernier avait visité l'Argentine, mais leurs chemins se sont recroisés alors que Luis approchait de la trentaine. Luis Palau admirait Billy Graham, au point qu'il imitait sa stratégie centrée sur la ville, nommait des hommes d’affaires prospères au conseil d’administration de son ministère, remplissait ses sermons d’événements actuels, faisait appel à des athlètes de premier plan pour apporter des témoignages lors de ses manifestations, et n'organisait pas de croisade à moins qu’une coalition diversifiée d’Églises ne l’invite. Si, au début de son ministère, Luis Palau a fait office de traducteur pour Billy Graham, les deux hommes se sont plusieurs fois associés au cours des décennies de ministère qui ont suivi.

Les croisades de Luis Palau faisaient souvent suite à des décennies de ministère des Églises locales et des sociétés bibliques, dont beaucoup étaient pentecôtistes. Luis Palau et son équipe d’évangélisation ne se contentaient pas de s'adresser à la foule, mais ont toujours cherché à rencontrer les dirigeants politiques de la région où ils se rendaient. « Une conversation prévue pour douze minutes avec le président du Guatemala Carlos Arana Osorio a duré une heure ; le président a accepté une Bible de Luis Palau, déclarant qu’il voulait l’étudier » a par exemple rapporté CT en 1974.

L’ami le plus notoire de Luis Palau a probablement été le dictateur guatémaltèque Efraín Ríos Montt (qui comptait alors un certain nombre de dirigeants évangéliques parmi ses proches). Celui-ci a, par la suite, été reconnu coupable de génocide. Le verdict sera finalement annulé, et Luis Palau disait de lui à CT en 1983 : « C’est formidable d’avoir un président chrétien comme modèle ». « La main de Dieu semble être sur lui ».

Malgré son ministère international et les bouleversements politiques que l’Amérique latine connaîtra dans la seconde moitié du xxe siècle, Luis Palau acquerra la réputation de ne faire que rarement des commentaires d'ordre politique.

« Ceux qui sont appelés à entrer dans l’arène politique devraient considérer cela comme un ministère du Seigneur. Peu m’importe s’il ou elle est de gauche, de droite, athée ou chef religieux. Je dis toujours aux politiciens : “Votre position correspond à une autorité déléguée de Dieu, vous êtes donc des ministres de Dieu” », déclarait-il en 1996. « Je les encourage donc à penser à la justice et à la droiture, et à défendre les pauvres et les nécessiteux. C’est le rôle d’un politicien ».

Au-delà de ses relations avec les dirigeants politiques, Luis Palau était également ami de longue date avec l’homme qui allait devenir l’un des Argentins les plus célèbres du monde : Jorge Bergoglio. Lorsque cet ami est devenu le pape François en 2013, Palau a applaudi cette nomination.

« C’était enthousiasmant à cause de l’Argentine, à cause de sa personnalité et à cause de son ouverture envers les chrétiens évangéliques », déclarait-il à CT en 2013. « J'ai été profondément ému, tout simplement parce que je l'ai connu ».

Cet esprit de partenariat œcuménique a également caractérisé les croisades de Luis Palau. Celles-ci représentaient souvent des mois de partenariat sur le terrain avec les Églises locales et permettaient de construire de la confiance entre des chrétiens éloignés de longue date. Habituellement, ces collaborations s'étendaient bien au-delà des congrégations protestantes. Ainsi, dans des pays comme l’Égypte et la Russie, où les évangéliques et les chrétiens orthodoxes étaient depuis longtemps en désaccord, les croisades ont servi de catalyseurs à un partenariat. Pareillement, en Amérique centrale, catholiques et charismatiques se sont mêlés lors des événements qu'il organisait.

Ce genre de camaraderie n’a pas toujours été possible dans son pays d’adoption. En 1976, par exemple, Luis Palau avait annulé une croisade à Chicago visant les chrétiens nominaux hispaniques à cause de divisions entre les chrétiens pentecôtistes et non pentecôtistes.

« Il est intéressant de noter que les États-Unis sont le pays le plus difficile au monde pour amener les dénominations à travailler ensemble. Les États-Unis affichent souvent le motif “une nation sous Dieu” mais c’est une pure théorie », déclarait Luis Palau à CT en 1996. « Le travail le plus considérable dans une croisade à l’échelle d'une ville, ce n'est pas celui qui consiste à toucher les non-convertis, mais celui de rassembler les Églises pour toucher les inconvertis ».

Malgré son héritage argentin quand il a quitté l’Amérique du Sud, sa formation théologique, ses relations et la structure de son ministère faisaient de lui un Américain aux yeux d'une grande partie du monde.

« Il adopte, en effet, le modèle Billy Graham. Il a, derrière lui, cette grande organisation qui fournit un cadre qui accrédite son ministère ainsi qu'une expertise en gestion, permet la collecte de fonds et offre de la légitimité », expliquait Daniel Ramirez, professeur agrégé de religion à la Claremont Graduate University. « Tout cela vient des États-Unis. Cela ne vient pas d’Amérique latine. »

Au fil des années, l'influence américaine s’est renforcée chez Luis Palau. Pourtant, en même temps, il a cherché petit à petit à se différencier du modèle adopté par nombre de ses événements internationaux jusque là. Ainsi, ses fils le convainquirent d’abandonner le mot croisade pour celui de festival – une suggestion qu’il a d’abord combattue. Comme beaucoup de ses contemporains, il a commencé à troquer les lieux comme des arènes sportives pour des parcs de centre-ville. De nombreux événements ont également commencé à inclure des projets d’aide sociale apportée à la communauté locale. Au cours d’une semaine de vacances, il a retransmis par satellite dans des dizaines d’Églises une émission encourageant celles-ci à rejoindre les étudiants par le biais de fêtes sur la plage avec l'assistance de groupes de musique locaux, de conférenciers et de sports appropriés.

« Il était clairement orthodoxe et en même temps agréable », a déclaré Ed Stetzer, directeur exécutif du Wheaton College Billy Graham Center. « C’est quelque chose que tout le monde ne réussit pas sur la scène nationale. Mais lui l'a fait ».

Plusieurs années plus tard, son ministère basé dans la région de Portland a également attiré l’attention par l’établissement de relations intentionnelles avec le maire de l’époque, qui était ouvertement gay, et par sa collaboration avec une ville qui se vantait d’avoir une réputation laïque et progressiste. Parfois, Luis Palau a craint que l’attention croissante suscitée par son ministère au service de la société n'éclipse l’évangélisation à laquelle il se sentait appelé.

« Nous courons le risque de boucler la boucle et de devenir comme les libéraux », déclarait-il à CT en 2008. « Nous ne devons pas diluer l’Évangile parce que nous déjeunons avec des politiciens. Je m’engage à toujours prêcher le sang de Jésus et la croix de Jésus ».

À travers ses festivals américains, il a également cherché à développer des relations avec la communauté latino-américaine.

« Les Latinos sont les mieux placés pour faire passer le message de l’Évangile dans ce pays en raison de notre engagement fort envers la famille et parce que les Hispaniques ont un sens de l’abandon à l’Évangile », avait-il notamment dit. « Je viens à peine de mentionner un verset biblique qu'aussitôt ils se mettent à applaudir ! » Lors de rassemblements au Pavillon de Chicago de l’Université de l’Illinois, Luis Palau lançait la première partie d’un verset biblique et le public clamait le reste.

Luis Palau pensait aussi que les Latinos pouvaient être un lien entre les communautés polarisées blanches comme noires. « Nous ne nous sommes pas isolés des problèmes de la ville comme le sont les Blancs, et nous n’avons pas les mêmes blessures historiques que la communauté afro-américaine », avait-il affirmé.

« La poussée latino-américaine vers l’évangélisme changera également l’Église évangélique elle-même », exprimait Palau. « L’Église évangélique traditionnelle est désormais trop à l’aise dans cette culture ambiante. Elle a perdu son feu et son sens de la conviction du bien et du mal ».

Malgré la situation politique délicate de nombreux pays dans lesquels Luis Palau s'est rendu, il a la plupart du temps évité tout conflit, à quelques exceptions près. En 1977, Palau a parlé à plus de 60 000 personnes au Pays de Galles sur une durée d'un mois. Mais en 2005, la ville de Cardiff a annulé une réception prévue à son intention à cause de ses « croyances évangéliques extrêmes ». Cette même année, Luis Palau avait exhorté les Églises de maison chinoises à enregistrer officiellement leurs Églises afin de « bénéficier d'une plus grande liberté et des bénédictions du gouvernement ». Ses remarques ont suscité un vif rejet de la part des défenseurs de la liberté religieuse.

Alors même que son ministère se développait aux États-Unis, Palau déplorait le manque de passion de l’Occident pour l’évangélisation.

« En Amérique du Nord et en Europe, bien que je trouve qu’il y a beaucoup de discussions sur l’évangélisation, la véritable évangélisation est difficile à détecter », déclarait-il à CT en 1998. « Les chrétiens évangéliques d’Amérique du Nord paient joyeusement n’importe quel montant pour aller à un concert. Ils remplissent des centres urbains pour des rencontres de louange ou des conventions de combat spirituel. Mais quand il s’agit d’un combat en face à face, un combat qui consiste à parler aux gens de leur besoin du Christ avec douceur et clarté, soudainement, les chiffres diminuent. Dans trop d’Églises, la réponse au défi de proclamer l’Évangile dans leur ville est : “Pourquoi devrions-nous faire cela ?” et “Ca coûte cher” »

Plus de 15 ans plus tard, Palau renouvelait ses condamnations.

« Nous, les chrétiens – et en particulier, nous, les Anglo-Saxons – avons cette idée que nous savons ce que pense l’autre gars avant même de commencer à lui parler. En réalité, nous ne le savons absolument pas », déclarait-il. « Le Saint-Esprit a dit qu’il convaincrait le monde de péché, de justice et de jugement. Croyez-vous cela ? Je le crois ».

Son décès laisse derrière lui sa femme, ses quatre fils et de nombreux petits-enfants.

Traduit par Jean-Paul Rempp

Révisé par Léo Lehmann

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Un mot des éditeurs concernant l’enquête sur Ravi Zacharias

Pourquoi nous publions de mauvaises nouvelles touchant des personnalités chrétiennes, même après leur décès.

Christianity Today March 4, 2021
Michal_edo / Getty Images

Christianity Today est motivé par un profond amour pour l'Église. Parfois, cet amour fait mal, particulièrement lorsqu'il nous conduit à rapporter des preuves d'abus commis par des responsables d’un ministère. Ces accusations sont difficiles à publier et elles peuvent être difficiles à lire. Au fil des ans, certains lecteurs se sont demandé pourquoi nous publions des reportages sur les méfaits perpétrés par des responsables chrétiens qui par ailleurs paraissent faire du bien dans le monde. D'autres lecteurs, sans être contre le journalisme d'investigation en général, croient qu'il devrait plutôt se pencher sur ce qui se passe à l'extérieur de notre communauté chrétienne. Or, nous croyons que notre engagement à chercher la vérité dépasse notre engagement envers notre propre groupe d’appartenance, et qu'en publiant la vérité, nous rendons service à notre communauté.

L'amour nous pousse à aimer ceux et celles qui ont été blessés par ces responsables, pas uniquement les victimes directes mais aussi d’innombrables autres qui, voyant les répercussions du péché et des abus commis par ces figures d'autorité, se demandent si les chrétiens s’en soucient vraiment. Un amour profond pour l'Église nous pousse également à aimer les pécheurs qui en font partie, même ceux qui se trouvent en position de responsabilité et qui font fausse route. Ils ont souvent besoin d'être dénoncés pour parvenir à la repentance.

Notre amour nous conduit à examiner toute allégation – ou à poursuivre notre enquête – même après le décès du responsable concerné. Les ravages du péché se poursuivent bien après la mort d’un responsable dans le ministère. Devrions-nous demander aux victimes de porter seules le poids du traumatisme vécu et de la honte ressentie ? Non. Ni les bonnes œuvres d’un homme, ni le fait qu’il soit décédé, ne devraient servir d’excuse pour empêcher les victimes de s’exprimer. Et les gens qui ont commis une faute ont besoin de la grâce qui vient avec la lumière. La mort écarte la possibilité d'un repentir pour le pécheur, mais pas celle de la restauration et de la libération pour la victime.

L’Église entière a besoin de cette lumière, si douloureuse soit-elle. Christianity Today ne cherche pas à créer une liste de pécheurs notoires. Là n’est pas le but de notre long et coûteux travail d’enquête sur ces accusations. Notre but est la correction, non seulement pour les personnalités sur lesquelles nous enquêtons, mais pour nous tous.

La Bible aborde de façon très ouverte les défauts et les défaillances de ses héros même les plus célèbres. Le héros ultime des récits bibliques, le héros ultime de nos histoires personnelles, n’est pas l’être humain tout pécheur qu’il est mais le Dieu qui opère à travers des pécheurs pour les racheter et accomplir ses desseins. Quand l’Écriture fait état de graves offenses commises par ses héros, elle s’avère « utile pour enseigner, réfuter, redresser et apprendre à mener une vie conforme à ce qui est juste » (2 Tm 3.16) Nous ne coupons pas ces segments au montage. De la même manière, nous voyons mal comment nous pourrions écarter ou minimiser des accusations visant des chrétiens en position d’autorité. Nous cherchons à enquêter sur ces histoires de façon honnête pour en rapporter les faits de la façon la plus juste. Nous croyons en la présomption d’innocence mais nous n’offrons pas de traitement de faveur aux personnalités influentes. Nous espérons que nos lecteurs se gardent également de telles erreurs.

Nous publions en partie ces histoires dans le but que l’Église en tire des leçons. Elles nous rappellent notre propre vulnérabilité. Elles nous rappellent aussi à quel point nous avons besoin de transparence et de redevabilité, à quel point, finalement, tous ont besoin de la grâce de Jésus-Christ et de l’œuvre transformatrice du Saint-Esprit. Cependant, nous sommes aussi conscients que les personnes impliquées dans ces affaires ne sont pas de simples illustrations de prédication. Ceux qui ont été exploités ne sont pas responsables de nous aider. C’est à nous de les aider, c’est-à-dire rétablir les faits, mettre au jour les injustices et les hypocrisies, prêter une voix aux blessés, pleurer à leurs côtés, en rassurer d’autres traversant des situations similaires et leur montrer qu’ils ne sont pas seuls. Le jugement n’appartient qu’à Dieu. Mais la responsabilité d’éclairer les ténèbres nous revient à tous, même si nous en sommes affligés.

Traduit par Simon Fournier

Révisé par Léo Lehmann

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Ravi Zacharias dissimulait des centaines de photos de femmes, des abus lors de massages et une allégation de viol

Le ministère qu’il avait fondé s’apprête à une restructuration en profondeur et regrette la « confiance démesurée » accordée à un dirigeant qui s’est servi de l’estime dont il jouissait pour dissimuler son inconduite sexuelle.

Christianity Today March 4, 2021
Illustration by Mallory Rentsch / Source Image: Courtesy of RZIM

(NDT : les versions originales des différentes déclarations traduites dans cet article peuvent être retrouvées dans l'article original en anglais. La traduction en français de la lettre ouverte du conseil d’administration de RZIM peut être consultée ici.)

Une enquête de quatre mois a révélé que feu Ravi Zacharias a profité de sa réputation en tant qu’apologète chrétien de renommée mondiale pour abuser de massothérapeutes aux États-Unis et à l'étranger pendant plus d'une décennie, tandis que le ministère dirigé par les membres de sa famille et ses fidèles alliés a manqué à lui permettre de rendre compte de ses agissements.

Il utilisait son besoin de massage et ses fréquents voyages à l'étranger pour dissimuler son comportement abusif, attirant les victimes en instaurant la confiance par des discussions spirituelles et en offrant des fonds provenant directement de son ministère.

Un rapport de 12 pages rendu public par Ravi Zacharias International Ministries (RZIM) confirme les abus commis par Zacharias dans les spas qu'il possédait à Atlanta et révèle cinq autres victimes aux États-Unis, ainsi que des indices clairs d'abus sexuels en Thaïlande, en Inde et en Malaisie.

Même un examen limité des anciens équipements de Zacharias a révélé les contacts de plus de 200 massothérapeutes aux États-Unis et en Asie, ainsi que des centaines d'images de jeunes femmes, dont certaines les montraient nues. Zacharias a sollicité et reçu des photos jusqu'à quelques mois avant sa mort en mai 2020, à l'âge de 74 ans.

Selon les enquêteurs, Zacharias a utilisé des dizaines de milliers de dollars d'un fonds de son ministère alloué à des soutiens humanitaires pour rémunérer quatre massothérapeutes, leur fournissant un logement, une formation et un soutien mensuel pendant de longues périodes. Une femme a déclaré aux enquêteurs qu'« après s'être arrangé pour que le ministère lui fournisse un soutien financier, il a demandé à avoir des relations sexuelles avec elle ». Elle parle de viol.

Toujours selon le rapport, cette femme a déclaré que Zacharias « l'a fait prier avec lui pour remercier Dieu pour l'opportunité qu'ils avaient tous deux reçue » et, comme pour d'autres victimes, « l'appelait sa “récompense” pour avoir vécu une vie au service de Dieu ». Zacharias avait averti la femme, croyante elle aussi, que si elle le dénonçait elle serait responsable de la perte de millions d'âmes lorsque sa réputation serait entachée.

Les conclusions, de pair avec les détails révélés au cours des mois d’investigations internes au sein de RZIM, remettent en question l'image que beaucoup s’étaient faite de Zacharias.

Au moment de son décès, il était acclamé pour son témoignage fidèle, son engagement envers la vérité et son intégrité personnelle. Aujourd'hui, il est clair qu'en coulisses l'homme si longtemps admiré par des chrétiens du monde entier a abusé de nombreuses femmes et manipulé son entourage pour qu'il détourne le regard.

Les avocats de Miller & Martin, Lynsey Barron et William Eiselstein, engagés par RZIM pour mener l'enquête, ont interrogé 50 témoins et examiné les téléphones utilisés par Zacharias de 2014 à 2018. Au final, ces juristes déclarent, et ce même si l’enquête n’a pas pu avoir un caractère exhaustif : « nous sommes convaincus d'avoir découvert suffisamment de preuves pour conclure que M. Zacharias s'est livré à de l'inconduite sexuelle ».

Le conseil d'administration de RZIM a publié parallèlement au rapport d'enquête une lettre ouverte exprimant ses regrets et reconnaissant une part de responsabilité :

« Ravi a mis en place de vastes mesures afin de garder secret son comportement vis-à-vis de sa famille, de ses collègues et de ses amis. Cependant, nous reconnaissons également que dans des situations d’abus prolongés, il existe souvent des problèmes structurels, culturels et liés aux politiques internes. […] Nos employés, nos donateurs ainsi que le public nous avaient fait confiance pour veiller sur la redevabilité de Ravi Zacharias, et nous avons échoué dans cette tâche. »

RZIM a engagé Miller & Martin après un reportage de CT en septembre 2020 concernant des accusations d'abus par trois femmes qui travaillaient dans les spas de Zacharias. Au départ, la direction du ministère a déclaré ne pas croire ces femmes. Aujourd'hui, les choses ont changé.

« Nous croyons non seulement les femmes qui ont rendu leurs accusations publiques, mais aussi toutes celles qui étaient restées dans l’ombre et dont les identités ont été révélées au cours de l’enquête » peut-on lire dans la lettre ouverte.

En l'espace de huit mois, RZIM est passé de la nécessité de réinventer le travail de son ministère international après la mort de son célèbre fondateur éponyme à celle de se restructurer entièrement, les chrétiens à l'intérieur et à l'extérieur de l'organisation ayant perdu confiance en son dirigeant de longue date.

De nombreux intervenants et membres du personnel de RZIM ont quitté l'organisation au cours de l'enquête, inquiets de la réaction initiale des principaux responsables face à ces accusations. La branche canadienne de RZIM a suspendu ses efforts de levée de fonds et de collecte de dons jusqu'en avril. Le lendemain de la publication du rapport, le conseil d'administration britannique de Zacharias Trust a voté à l'unanimité pour se séparer de RZIM et choisir un nouveau nom.

Avant même la publication du rapport, la direction de RZIM avait changé de cap en réduisant l'implication de la famille Zacharias. Margie Zacharias, la veuve de Ravi, a démissionné du conseil d'administration et de l'organisation en janvier, tandis que sa fille Sarah Davis a quitté la présidence du conseil d'administration mais reste PDG.

Selon des membres du personnel de RZIM, le ministère – la plus grande organisation d'apologétique au monde – prévoit de réduire considérablement ses effectifs pour n'inclure plus qu’une dizaine d'apologètes américains et quelques orateurs internationaux, soutenus par un personnel réduit.

L’enquête limitée par un accord de confidentialité

En plus de confirmer les précédents témoignages d'abus dans les spas de Zacharias, le nouveau rapport corrobore les accusations de Lori Anne Thompson, une Canadienne qui avait affirmé quatre ans auparavant que Zacharias l'avait manipulée pour lui envoyer des messages et des photos sexuellement explicites. Cette affaire avait été le premier scandale sexuel lié à Zacharias à être rendu public, et elle a encouragé d'autres victimes à se manifester.

Zacharias avait poursuivi Thompson en justice en 2017, affirmant que la lettre de son avocat au conseil d'administration de RZIM alléguant des abus sexuels était en réalité une tentative élaborée d'extorsion. Le conseil d'administration déclare dans sa lettre ouverte : « Nous croyons que Lori Anne Thompson a dit la vérité au sujet de la nature de sa relation avec Ravi Zacharias ».

Les enquêteurs ont interrogé d'autres témoins qui ont « rapporté un comportement similaire » à ce qu’avait déclaré Mme Thompson et ont découvert un schéma d’échanges de messages avec d'autres femmes avant et après elle ayant duré six ans.

Pourtant, Lori Anne Thompson et son mari Brad n'ont pas pu contribuer eux-mêmes à la récente enquête. La succession du défunt apologète a refusé les demandes des enquêteurs de lever un accord de confidentialité pour permettre aux Thompsons de parler de ce qui s'est passé. Leur avocat, Basyle Tchividjian, a déclaré aux enquêteurs qu'avec tout ce qui a été mis au jour, le fait que les Thompsons soient toujours liés par un tel accord est « répréhensible ».

Davis a écrit dans un courriel adressé à l'ensemble du ministère que RZIM « a demandé une modification de l’accord de confidentialité pour les besoins de l’enquête », mais que l'organisation n'a aucune autorité sur la succession, qui est contrôlée par sa mère, Margie Zacharias. La succession a également refusé que les avocats personnels de Zacharias remettent toute preuve recueillie à partir des outils qu’il utilisait à l'époque, ce qui laisse un vide dans le dossier examiné par Miller & Martin.

Selon le rapport d'enquête, cependant, Zacharias a continué à solliciter des images sexuelles de femmes alors qu'il concluait un accord avec les Thompsons, se défendait publiquement et assurait à la direction et au personnel de RZIM qu'il n'avait rien fait de mal et qu'il n'était pas nécessaire d'enquêter.

« Alors qu'il déclarait à son personnel que sa véritable erreur dans l'affaire Thompson était de ne pas avoir averti quelqu'un qu'il recevait des photos d'une autre femme, nous n'avons aucune indication qu'il se soit jamais adressé à la direction de RZIM ou à son conseil d'administration dans les plus de 200 occasions où il a reçu des photos de femmes pendant et après l'affaire Thompson », indique le rapport.

En réalité, selon les enquêteurs, un jour après que Zacharias ait déclaré publiquement en 2017 qu'il avait appris une « leçon difficile et douloureuse » dans ce qui s’était passé avec Lori Anne Thompson, il recevait de nouvelles photographies d'une autre femme. Cette femme lui a également envoyé des photos dénudées.

Une chose a cependant changé. Après l'affaire Thompson, les enquêteurs ont remarqué que Zacharias avait plus efficacement effacé ses messages d'une manière qui ne pouvait être ni repérée ni découverte.

Dans sa déclaration publiée conjointement au rapport, le conseil d'administration de RZIM a reconnu cet échec et a présenté ses excuses à Lori Anne Thompson :

« Nous avions tort. […] C’est avec une profonde douleur que nous reconnaissons cela. En effet, nous n’avions pas cru les Thompson et, en privé comme en public, nous avons contribué à perpétuer de faux récits ; pendant des années, ils ont été diffamés et leur souffrance n’en a été que plus grandement prolongée et intensifiée. Nous avons sincèrement le cœur brisé, et nous avons honte. »

« Il a pu cacher sa mauvaise conduite à la vue de tous »

Une grande partie des abus découverts par les enquêteurs ont eu lieu dans le cadre de massages, dont Zacharias dépendait pour traiter une affection chronique du dos. Il voyageait régulièrement avec une masseuse personnelle et avait critiqué un collègue de RZIM qui s’interrogeait sur « l'apparence d'inconvenance » de cette situation.

Bien que le rapport n'ait pas interrogé de sources en-dehors des États-Unis, les enquêteurs ont découvert des preuves que Zacharias rencontrait régulièrement des massothérapeutes lorsqu'il voyageait.

« Il organisait souvent des massages dans sa chambre d'hôtel alors qu'il était probablement seul », indique le rapport. « Selon ses SMS, il rencontrait parfois les thérapeutes dans le hall de l'hôtel et parfois il leur demandait de venir directement dans sa chambre ».

À Bangkok, il possédait deux appartements au début des années 2010, partageant un immeuble avec l'une de ses massothérapeutes selon les constats des enquêteurs. L'application de notes sur son téléphone comprenait des traductions en thaï et en mandarin de phrases comme « j'aimerais avoir un beau souvenir avec toi », « un peu plus loin » et « tes lèvres sont particulièrement belles ».

Les massothérapeutes et les femmes figurant dans les albums des téléphones de Zacharias étaient des dizaines d'années plus jeunes que lui, beaucoup d'entre elles dans la vingtaine.

L'enquête n'a trouvé aucune preuve que la direction ou le personnel de RZIM aient été au courant de l'inconduite sexuelle de Zacharias. Elle montre également que le ministère n'a pas ou peu demandé de comptes à son fondateur éponyme.

« Parce que son besoin de massages thérapeutiques était bien connu et accepté, il a pu cacher sa mauvaise conduite à la vue de tous », dit le rapport.

Zacharias affirmait l'importance de « garde-fous concrets » pour « protéger [son] intégrité », mais le rapport Miller & Martin note que « en tant qu'architecte de ces “garde-fous concrets”, M. Zacharias savait bien comment y échapper ».

L'enquête a confirmé que Zacharias mentait sur le fait de ne jamais être seul avec une femme autre que sa femme ou ses filles. Il conservait également en permanence plusieurs téléphones, les gardait sur un réseau sans fil différent de celui de RZIM, et n'utilisait jamais le réseau sans fil du bureau. Zacharias affirmait que c'était pour des raisons de sécurité, mais cela garantissait que ses communications ne puissent pas être surveillées.

La déclaration du conseil d'administration de RZIM reconnaît n’avoir « pas été à la hauteur » et regrette « que notre confiance démesurée en Ravi ait permis qu’il bénéficie de moins de supervision et de redevabilité que ce que la sagesse et l’amour auraient exigé ».

Chaque élément du rapport contraste avec le témoignage public d'un dirigeant – et d'une organisation – connus pour prêcher l'intégrité et la vérité.

« Ceux d'entre vous qui m'ont vu en public n'ont aucune idée de ce que je suis en privé », déclarait Zacharias à ses sympathisants lors d'une conférence donnée environ un an avant sa mort, dont l'enregistrement a été partagé avec CT. « Dieu le sait. Dieu le sait. Et je vous encourage aujourd'hui à prendre cet engagement et à dire : “Je vais être en privé l'homme qui recevra l'approbation divine : Bravo, bon et fidèle serviteur” ».

Beaucoup de ceux qui considéraient Zacharias comme un mentor, un modèle et un père spirituel tentent aujourd'hui de faire face à ces nouvelles informations, à leur sentiment d'avoir été trahis et à leurs questionnements sur leur propre responsabilité.

« Je me sens déçu par moi-même et par d'autres qui auraient pu résister plus fermement aux courants d'une loyauté trop servile pour exiger de meilleures réponses plus tôt, car rien dans le credo évangélique n'honore la lâcheté ou ne sacrifie la conscience », écrivait Dan Paterson, ancien directeur de RZIM en Australie, sur Facebook le 10 février.

« Je ressens une profonde crainte du Seigneur, sachant qu'un jour je rendrai moi aussi compte lorsque, comme dans le rapport sur Ravi Zacharias, tout ce qui se fait sous le voile de l'obscurité sera révélé. Jésus vient rétablir la justice à travers le jugement. Oh, comme j'aurais aimé que Ravi se repente ici ! »

Changements à venir pour RZIM

Le conseil d'administration (dont les membres ne sont pas connus du public) et la direction ont planifié un bilan depuis que le rapport intermédiaire des enquêteurs en décembre a préparé RZIM à envisager le pire.

En septembre 2020, la position officielle de l'organisation était que les accusations ne pouvaient pas être vraies mais qu'elle mènerait une enquête pour blanchir le nom de Zacharias. Au départ, RZIM a engagé le cabinet de l'un des avocats qui avaient poursuivi les Thompsons. Plusieurs personnes au sein du ministère ont déclaré que le vice-président Abdu Murray avait suggéré d'engager un ex-policier « dur » pour retrouver les accusateurs et dénicher des informations que l’organisation pourrait utiliser pour les discréditer.

RZIM a changé de cap et a engagé Miller & Martin début octobre, après que plusieurs orateurs aient déclaré avoir trouvé les accusations crédibles et demandé au ministère de mener une enquête sérieuse et digne de confiance.

« Je crois que chacun d'entre nous porte une part de responsabilité pour ce a quoi nous avons tous été aveugles, ce que nous avons permis sans le vouloir, ce contre quoi nous n'avons pas élevé la voix, et ce que nous avons laissé continuer et perdurer », a déclaré Sam Allberry, l'un des orateurs, à ses collègues britanniques.

Comme CT le rapportait précédemment, des luttes au sujet de la complicité et de la responsabilité des uns et des autres ont agité le ministère pendant des mois alors que l'enquête se poursuivait. Au début de la nouvelle année, RZIM se préparait à une scission.

Davis a informé le personnel que certaines agences dans le monde pourraient décider de se séparer de RZIM et devenir des organisations nationales indépendantes. Actuellement, chaque antenne possède ses propres statuts ou une charte nationale en tant qu'organisation caritative et est associée au ministère américain par le biais d'un « accord d’affiliation ». Cela a permis à RZIM de fonctionner comme un ministère international unique.

« Nous avons été capables de fonctionner en pratique comme une seule organisation pendant plus de 35 ans. Cependant, dans une période de crise comme celle que nous traversons, certains de nos conseils d'administration ont dû exercer leur pouvoir de décision indépendamment du siège et du conseil d'administration international afin de prendre ce qu'ils estiment être les meilleures décisions pour leur entité », a écrit Davis.

Certains des principaux apologètes au sein de RZIM pensent que la séparation au niveau national est le seul moyen de préserver les parties de l'organisation qui font du bon travail.

John Lennox, un mathématicien et apologète d'Irlande du Nord qui a notamment débattu avec Richard Dawkins, Christopher Hitchens et d'autres « nouveaux athées », a exhorté la branche britannique de RZIM à la séparation. Lennox s'est retiré de toute association avec RZIM le jour qui a suivi le compte-rendu fait par CT des accusations concernant le spa, mais a déclaré aux apologètes britanniques qu'il serait heureux de travailler avec eux s'ils venaient à former une organisation indépendante.

« Les accusations actuelles sont d'une nature si grave que je ne peux être impliqué dans aucune activité en cours au nom de RZIM », écrivait Lennox dans une déclaration aux conseils d'administration britannique et américain. « Selon moi, un changement de nom de l'organisation et une restructuration en profondeur de l'organisation et du conseil d'administration doivent être accomplis et ce très rapidement, si l’on espère préserver dans une quelconque perspective collective le potentiel de la merveilleuse jeune équipe d'apologètes ».

Selon de multiples sources au sein du ministère, d'autres conseils nationaux sont également en train de se distancier du siège américain. Le conseil canadien a affirmé dans une déclaration qu’« il est clair que ce ministère ne peut pas être construit sur les structures passées » mais « doit être construit sur de nouvelles approches et relations ».

Le ministère canadien d'apologétique a également licencié quatre membres de l'équipe, dont Daniel Gilman, un orateur qui avait décidé de croire les femmes qui accusaient Zacharias d'abus sexuels et avait ouvertement appelé la direction de RZIM à reconnaître sa complicité. Gilman a déclaré à CT qu'il s’inquiétait beaucoup que ce ministère qu'il aime choisisse de travailler à refaire son image mais ne se repente pas.

L'indemnité de licenciement de Gilman comprenait un accord de confidentialité, qui lui aurait interdit « toute action dont on pourrait raisonnablement s'attendre à ce qu'elle nuise à la réputation » ou « donne une image négative » de RZIM. Gilman a protesté et l'accord de confidentialité a été remplacé par un accord visant à garder confidentielles les informations relatives aux donateurs.

De nombreux autres licenciements sont attendus prochainement. Des employés de RZIM ont déclaré à CT qu'ils s'attendent à ce que le ministère international, qui a compté jusqu’à 100 orateurs et 250 membres du personnel aux États-Unis, soit réduit à une fraction de cela. Davis a indiqué au personnel que des licenciements seront annoncés dans les semaines qui suivront la publication du rapport Miller & Martin.

« C'est une décision très difficile, nécessaire uniquement en raison de la situation dans laquelle nous nous trouvons », a-t-elle écrit. « Nous en sommes profondément désolés. »

Après les réductions de personnel et les scissions nationales, l'équipe qui restera sera probablement celle des intervenants qui étaient les plus proches de Zacharias et ont des relations bien établies avec les principaux donateurs. Des personnes au sein de RZIM s'attendent à ce que le noyau comprenne les orateurs Michael Ramsden, Abdu Murray, et Vince Vitale, sous la direction de Davis.

Davis a démissionné de la présidence du conseil d'administration, laissant les rênes à Chris Blattner, un cadre retraité d'une société d'énergie et donateur important originaire du Minnesota. Pendant la crise, cependant, Davis a pris en charge une part plus importante dans la gestion quotidienne de RZIM, mettant personnellement son nom sur toutes les communications internes et externes.

Le conseil d'administration de RZIM a déclaré jeudi que « À la lumière des faits révélés par l’enquête et l’évaluation en cours, nous recherchons la volonté du Seigneur en ce qui concerne l’avenir de RZIM […] Dans la prière et le jeûne, nous allons prendre le temps de discerner comment Dieu nous conduit, et nous en parlerons dans un futur proche ».

RZIM a annoncé qu'il fait appel à Rachael Denhollander, défenseur des victimes, pour former le conseil d'administration et les dirigeants à la question des abus sexuels et les conseiller sur les meilleures pratiques à adopter à l'avenir. Le ministère a également engagé une société de conseil en gestion pour évaluer « ses structures, sa culture, ses politiques internes, ses processus, ses finances et ses pratiques » et proposer des réformes.

Une prière exaucée

Le secret des abus de Zacharias a commencé à se dissiper le jour de ses funérailles, en mai 2020. L'une des massothérapeutes victime d'attouchements, devant laquelle il s'était aussi masturbé et à qui il avait demandé des images sexuellement explicites, était sous le choc de voir l'apologète honoré et célébré lors de la retransmission en direct. Des célébrités, dont le vice-président Mike Pence et la star chrétienne du football Tim Tebow, évoquaient Zacharias en termes très élogieux.

Personne ne s’est-il manifesté ? a-t-elle pensé. Personne ?

Elle était inquiète pour les autres femmes qui pourraient être là, à souffrir. Elle a prié pour que quelque chose se passe.

Elle a introduit sur Google les mots « Ravi Zacharias scandale sexuel » et est tombée sur le blog RaviWatch, dirigé par Steve Baughman, un athée qui recensait et rapportait les « affirmations douteuses » de Zacharias depuis 2015. Baughman avait abordé les fausses déclarations de Zacharias concernant ses diplômes, les accusations concernant des sextos et les poursuites judiciaires qui avaient suivi. Lorsque la femme a lu ce qui était arrivé à Lori Anne Thompson, elle a reconnu dans son récit ce qu’elle avait elle-même vécu.

À sa connaissance, ce blogueur athée était le seul à se soucier du fait que Zacharias avait abusé sexuellement des personnes et s'en était tiré à bon compte. Elle a contacté Baughman, puis a finalement parlé à CT des spas de Zacharias, des femmes qui y travaillaient et des abus qui se produisaient derrière ces portes closes.

Elle a affirmé à CT qu'elle n'attendait rien de RZIM. Pas une reconnaissance. Certainement pas des excuses. Elle pensait qu'un ministère pesant plusieurs millions de dollars, construit au nom d'un homme et sur sa réputation, n'admettrait jamais la vérité de ses secrets.

Si elle s'est exprimée, c'est uniquement parce qu'elle voulait que d'autres femmes – des femmes blessées par Zacharias, et des femmes victimes d'autres chrétiens célèbres et admirés – connaissent la vérité. Elle voulait qu'elles sachent qu'elles n'étaient pas seules.

La semaine du 9 février, elle croit que Dieu a répondu à sa prière.

« Je pense que cela s'est passé au moment parfait de Dieu », a-t-elle déclaré. « C'est en son temps ; c'est à sa manière. C’est le Seigneur qui a fait cela, et ce qui restera, c'est ce que Dieu aura voulu qu’il reste ».

Traduit par Léo Lehmann

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Les prophéties non réalisées concernant Trump nous invitent à l’humilité

Au lieu de persécuter des prophètes qui se sont repentis, nous ferions mieux de nous joindre à eux.

Christianity Today March 4, 2021
Matthew Hatcher / Getty Images

Les prophéties non réalisées concernant la réélection de Donald Trump ont peut-être entamé la crédibilité de l’aile charismatique indépendante américaine de l’évangélisme plus que tout autre événement depuis les scandales des télévangélistes des années 1980. Elles ont notamment conduit certains non-croyants à critiquer le christianisme lui-même, ce qui ne peut, à juste titre, que nous appeler à une vraie introspection.

Ne vous méprenez pas : je suis moi-même de conviction charismatique, et la majorité des pasteurs pentecôtistes et charismatiques que je connais n'ont pas prêté attention à de telles prophéties. Cependant, les millions de vues et de partages en ligne montrent que de nombreuses personnes, elles, y ont prêté attention.

La première étape dans le processus de correction des erreurs consiste à admettre que nous les avons faites. À l’approche de l’investiture du président Joe Biden, certains de ceux qui avaient prophétisé la réélection de Trump sont restés catégoriques sur le fait qu’ils avaient raison. Peut-être l’élection avait-elle été volée ou serait annulée, ou que dans on ne sait quelle sphère mystique Trump était bel et bien spirituellement président. D'autres ont simplement changé de sujet. Malheureusement, leurs adeptes inconditionnels peuvent se contenter de cela.

D’autres encore reconnaissent que les prophéties doivent être vérifiées et, en affirmant la victoire de Biden, admettent désormais tacitement qu’ils ont eu tort. Cependant, certains prophètes ont attiré l’attention des charismatiques et des non-charismatiques en confessant publiquement que leurs prophéties étaient en effet erronées et en présentant leurs excuses.

R. Loren Sandford, Jeremiah Johnson et Kris Vallotton ont récemment exprimé leur contrition et même leur repentir pour avoir prophétisé à tort que Trump gagnerait à nouveau en 2020. Tous les trois exhortent à prier pour la nouvelle administration et à travailler respectueusement avec elle.

Leurs explications sur la façon dont ils pourraient avoir initialement mal interprété la voix de Dieu peuvent nous aider à nous prémunir contre des erreurs similaires à l’avenir. En attendant, ceux d’entre nous qui pourraient être tentés de dire « Je vous l’avais bien dit » doivent se souvenir que Dieu exige de chacun de nous la même humilité (Ga 6.1 ; 1 Th 5.19–20).

Leurs confessions, avec les exemples des prophètes tout au long des Écritures, offrent des mises en garde utiles sur l’influence de la pression des pairs, de l’orgueil et de la présomption – et sur la nécessité pour les chrétiens de rester prudents face aux prédictions et ouverts à la correction lorsque leurs interprétations s’avèrent être fausses.

Prophètes et pression des pairs

Sandford, titulaire d’un Master of Divinity de Fuller, est la seule des voix prophétiques se faisant entendre aujourd’hui que je connaissais déjà depuis plusieurs années. Il a un très bon bilan. Je peux témoigner qu'au début du premier mandat du président Trump, il avait prédit qu’une crise économique causée par des circonstances extérieures aux États-Unis secouerait la quatrième année de Trump et que les événements ultérieurs dépendraient en partie de la capacité de Trump à apprendre à contrôler sa rhétorique clivante.

Pourtant, Sandford s’est finalement joint au chœur prophétique annonçant la réélection du président. Il avoue maintenant qu’il a laissé le consensus des autres prophètes influencer son propre cœur.

« Jusqu’à présent, j’ai toujours cherché le Seigneur par moi-même, reçu la parole qui venait de lui et ensuite, seulement ensuite, je la comparais à ce que les autres disaient », a-t-il écrit dans des excuses publiques début janvier. « Premièrement, je reconnais donc que je me suis écarté de cette discipline. Je me suis laissé prendre dans un courant dominant et me suis laisser emporter par lui. En agissant ainsi, j’ai en réalité fait un compromis par rapport à ce que le Seigneur m’avait déjà dit des années plus tôt. »

La pression des pairs peut être considérable ; un messager exhortait déjà ainsi Michée : « Les prophètes sont unanimes pour prédire du bien au roi. Tu ferais bien de parler comme eux et de lui prédire aussi le succès ! » (1 R 22.13). Michée a été le seul à proclamer la vérité et a été emprisonné pour cela. (Dans notre contexte moderne, il perdrait simplement sa part de marché dans l’attention des médias sociaux.) Jérémie était dans la confusion parce que son message contredisait celui de tous les autres prophètes (Jr 14.13).

L’évaluation par les pairs a sa place : dans l’Église de Corinthe, où peu de convertis étaient croyants depuis plus de deux ans, ceux qui prophétisaient devaient évaluer les paroles les uns des autres (1 Co 14.29) ; l’Esprit rend possible cette évaluation (1 Co 2.13–16). Malheureusement, il est possible de trop dépendre du filet de sécurité que constitue cette évaluation par les pairs : « Aussi, déclare l’Éternel, je vais m’en prendre à ces prophètes qui, mutuellement, se volent mes paroles. » (Jr 23.30).

Prophètes et orgueil

Tous les croyants entendent Dieu leur parler : au minimum, son Esprit témoigne à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu (Rm 8.16). Certains sont doués pour entendre Dieu de manière plus claire que d’autres ; Dieu a accordé une mesure de foi correspondant aux différents dons, et ainsi certains prophétisent plus complètement, après avoir écouté Dieu pour ensuite parler de sa part (Rm 12.3, 6).

Malheureusement, si nous devenons trop confiants dans notre don, nous pouvons aller au-delà de la mesure qui nous a été accordée. (C’est une tentation à laquelle nous, qui avons le don d’enseigner, pouvons aussi succomber ; assurément, ceux qui ont le « don » de commenter en ligne y succombent souvent aussi.) L’orgueil peut nous induire en erreur : nous, les humains, avons la tentation de nous attribuer le mérite de l’œuvre ou du don de Dieu, en faisant notamment parler de nous à ce propos. Un don ­– qu’il s’agisse d’une prophétie, d’un enseignement, de la capacité de soutenir financièrement ou autre – ne nous rend pas meilleurs que quiconque ; par définition, c’est quelque chose que nous recevons, et qui n'est en aucune façon liée à notre mérite (1 Co 4.7).

Tous ceux qui entendent Dieu leur parler ne le vivent pas au même niveau : les visions et les rêves sont souvent comme des énigmes qui nécessitent une interprétation, à la différence de ce qui se passe lorsque Dieu parle en personne comme il l’a fait avec Moïse (Nb 12.6-8). La plupart d’entre nous n’expérimenterons cette connaissance en face à face que lorsque nous verrons Jésus à son retour (1 Co 13.8–12). Qu’il s’agisse d’impressions ou de prophéties assez fluides, elles sont toujours véhiculées par de frêles vaisseaux. Le fait que le Seigneur nous assure que tout ira bien ne signifie pas toujours que ce qui se passera correspondra au seul scénario que nous mettons derrière les mots « tout ira bien ».

Les prophètes les plus humbles qui se sont trompés se sont excusés. Même la première fois que nous nous exprimons, nous devons rester humbles et formuler soigneusement nos opinions là où nous manquons de certitude.

Prophètes et présomption

Nous pouvons parfois vouloir entendre une chose du Seigneur alors qu'il a quelque chose de différent à nous dire. Sandford déplore avoir été en partie en proie à « la tendance à entendre ce que nous voulons entendre ».

On peut être tenté de prendre la parole uniquement parce que les gens attendent notre voix, mais cela implique le risque de s'appuyer sur les impressions ou les intuitions les plus vagues, et de propager ainsi des « révélations de [notre] propre invention et non pas ce qui sort de la bouche de l’Eternel » (Jr 23.16). « Je n’ai pas mandaté tous ces prophètes-là, et cependant, ils courent ! Et je ne leur ai pas adressé la parole. Pourtant, ils prophétisent ! S’ils avaient assisté |à mon conseil, ils auraient annoncé ma parole à mon peuple. Ils le feraient se détourner de ses mauvais comportements et de ses mauvais actes. » (Jr 23.21-22)

Julian Adams, qui a prophétisé spécifiquement et précisément à ma femme et à moi, m’a également partagé que les gens attendaient de lui qu’il prophétise sur certains événements à venir. Il explique qu’il y a résisté parce que le Seigneur ne lui avait tout simplement rien dit sur ces sujets. Il n’a pas prophétisé le résultat des élections. Cela n'est pas surprenant : le Seigneur n’a pas tout montré de façon surnaturelle, même à Élisée (2 R 4.27).

Bien que des recoupements soient possibles, le fait d’annoncer le futur ne fait pas le prophète. La prophétie biblique concerne la proclamation de la parole du Seigneur, ce qui est plus une question de révélation du cœur de Dieu (pour le ici et le maintenant) que de prédiction (en vue du futur). Être un futuriste compétent – quelqu’un qui prédit les tendances en fonction des événements actuels et des informations importantes – est utile pour faire des projets, mais ce n’est pas la même chose que le don biblique de prophétie. Et même les futuristes sont susceptibles de faire des prédictions déséquilibrées lorsqu’ils obtiennent leurs informations d’une seule source, qu’elle soit de droite ou de gauche.

Nous devons également faire preuve de souplesse dans l’application de ce que nous croyons avoir entendu. Jeremiah Johnson a apporté de nombreuses prédictions précises, y compris concernant l’élection de Trump en 2016, alors même qu’il n’était encore qu’un candidat au début des primaires républicaines. Dans ses excuses, cependant, il avoue avoir interprété trop loin ce qu’il avait entendu plus tôt. Que Dieu nous montre ce qu’il prévoit pour un temps ne signifie pas que cela ne changera pas en un autre temps.

Jonas s'est mis en colère lorsque Dieu a retiré le jugement promis contre les Ninivites (Jon 3.4–4.3), mais le Seigneur a rappelé à Jérémie que, selon qu'il y ait repentance ou apostasie, cela affecterait l'issue (Jr 18.6–11). Dieu avait pour but de faire oindre Saül par Samuel comme roi d’Israël. Mais Samuel n’a pas supposé que cette instruction antérieure signifierait que Dieu prévoyait que Saül fasse un autre « mandat » si Saül ne mûrissait pas dans son appel.

Élie a prophétisé l’anéantissement de la dynastie d’Achab, mais Dieu lui a dit, par la suite, qu’à cause du repentir d’Achab, le jugement serait retardé (1 R 21.28-29). Mes amis théologiens ont tout un éventail de points de vue sur la façon d’expliquer cela ; ma compréhension personnelle est que bien que Dieu connaisse à l’avance les résultats, il nous dit souvent exactement ce dont nous avons besoin pour le moment. Nous devons être prêts à changer de cap au besoin.

Prophètes et tribunes publiques

Les mauvais rois avaient tendance à accorder des tribunes aux faux prophètes ou à les corrompre par la faveur politique (1 R 18.22 ; 22.6–7 ; 2 R 3.13 ; 2 P 2.15). Mais qui accorde la parole aux prophètes, vrais ou faux, aujourd’hui ?

La redevabilité au niveau local a évité certaines erreurs et facilité le processus d’introspection pour ceux qui se sont publiquement repentis d'erreurs publiques. Actes 13 nous montre des prophètes et des enseignants dirigeant la communauté ecclésiale d’Antioche. Même lorsque le prophète Agabus, qui leur rendait visite, a prédit une famine mondiale (qui a apparemment frappé différentes parties de l’Empire romain oriental à des moments différents), les croyants d’Antioche ont eu à décider comment il fallait réagir (Ac 11.27-30). Ceux qui écoutent la voix de Dieu devraient être éprouvés et arriver à une pratique aboutie dans le cadre de petits groupes (analogues aux anciennes Églises de maison) ainsi qu'à d’autres niveaux locaux moins potentiellement nuisibles, avant d'être mis en avant sur la scène nationale ou internationale.

Malheureusement, les médias sociaux rendent pratiquement impossible le contrôle de ces scènes, et des chrétiens consuméristes nord-américains ont tendance à se tourner vers ce qu’ils ont envie d’entendre (2 Tm 4.3-4). Ce n’est pas la faute des vrais prophètes et enseignants si les faux prophètes obtiennent souvent une plus grande audience en termes de nombre de vues. Les moments où la voix prophétique est silencieuse dans le pays correspondent sont des temps de désespoir ou même de jugement (1 S 3.1 ; Ps 74.9 ; Es 29.10-12), mais les temps où la fausse prophétie prédomine sont pires (Jr 37.19 ; Za 13.1-6).

Ainsi, la loi de l’offre et de la demande peut affecter les médias religieux : lorsque les gens ne veulent pas de la vraie prophétie, ils obtiendront ce qui est faux. Les gens disent aux prophètes : « Cessez de nous servir des révélations vraies ! Annoncez-nous des choses agréables, que vos révélations nous bercent d’illusions ! » (Es 30.10). « Dans leurs prophéties, les prophètes ne disent que mensonges, et les prêtres dominent au nom de leur autorité. Mon peuple, lui, est content de cela. Mais que ferez-vous donc après ce qui va arriver ? » (Jr 5.31).

Si les adeptes d’une tendance politique particulière ou de quelque autre orientation que ce soit veulent entendre des prophéties qui soutiennent leurs désirs, les prophètes qui répondent à ces besoins ressentis deviendront les plus populaires. L’histoire récente suggère que certains d’entre eux conserveront la plupart de leurs auditoires, même lorsque leurs prophéties ne se sont pas réalisées.

C'est surtout dans les moments difficiles que la plupart des prophètes disent aux gens ce qu’ils veulent entendre (Jr 6.14 ; 8.11 ; 14.13), rendant les choses encore plus difficiles pour les vrais prophètes (15.10, 15-18 ; 20.7-18). Mais Dieu révèle où se trouve le fardeau de la preuve : « Les prophètes qui nous ont précédés, toi et moi, depuis les temps les plus anciens, ont prophétisé au sujet de nombreux pays et de grands royaumes en annonçant la guerre, la famine et la peste. Alors, maintenant, un prophète annonce la paix ; on saura s’il est réellement envoyé par l’Eternel seulement si sa prédiction se réalise. » (Jr 28.8–9).

Jeter le bébé avec l’eau du bain ?

À l’opposé des défenseurs invétérés des prophéties, on trouve ceux qui sont tentés de la rejeter complètement, et négligent le bébé dans l’eau du bain. Lorsque Paul nous exhorte à tout examiner, il nous avertit également de ne pas mépriser la prophétie (1 Th 5.19–22). Lorsqu’il nous encourage à évaluer les prophéties (1 Co 14.29), il nous exhorte également à poursuivre l'exercice du don qui y correspond (1 Co 14.1, 39).

La dénonciation des faux-prophètes qui est probablement la plus vigoureuse de l’Écriture est exprimée par un vrai prophète, Jérémie. « Si un prophète a fait un songe, qu’il raconte ce songe. Et celui qui a une parole de ma part, qu’il communique ma parole selon la vérité. Que vient faire la paille au milieu du froment ? demande l’Eternel. »(Jr 23.28).

Trois personnes obscures, qui ne se connaissaient pas entre elles ni ne me connaissaient, ont indépendamment prophétisé à Médine Moussounga au Congo qu’elle épouserait un jour un homme blanc ayant un important ministère. Il n’y a pas beaucoup d’hommes blancs au Congo. Pourtant, Médine et moi sommes mariés depuis environ 19 ans.

Je suis un enseignant de la Bible qui passe la plupart de son temps à en apprendre davantage sur les Écritures. Ceux que nous appelons prophètes et docteurs ont beaucoup à apprendre les uns des autres ; les prophètes peuvent offrir un aperçu de la manière dont les Écritures peuvent s'appliquer à notre génération (notez Houlda dans 2 R 22.11–20). Mais ni les prophètes ni les docteurs n’écrivent les Écritures aujourd’hui.

Alors que les prophéties et les intuitions spirituelles doivent être éprouvées, l’Écriture nous parvient après avoir déjà passé le test ; ce n'est pas sans bonnes raisons que les paroles de Jérémie sont dans notre Canon alors que celles des prophètes de son temps ayant échoué ne le sont pas. L’Écriture offre une fondation vraiment sûre.

Pourtant, même les Écritures doivent être interprétées, et c'est ainsi que diverses interprétations (et, parfois, préjugés politiques) transparaissent également dans l’enseignement. Ceux d’entre nous qui exercent le don d’enseigner ont affaire à la Parole de Dieu sous une forme beaucoup plus explicite. Et pourtant, nous divergeons souvent dans nos interprétations. Lorsque nous, qui sommes enseignants, affirmons : « La Bible dit », mais que nous nous trompons, notre interprétation est fausse. Les enseignants seront jugés plus sévèrement (Jc 3.1). Nous devons donc, nous aussi, être humbles et ouverts à la possibilité d'être corrigés.

Si nous jugions les enseignants aussi durement que certains jugent les prophètes – une mauvaise interprétation et vous disparaissez – nous n’aurions probablement aucun enseignant aujourd’hui. (En me basant sur le contexte, je diverge de l’interprétation du Deutéronome que beaucoup appliquent aux prophéties d'aujourd’hui pour dire qu’une seule erreur devrait être éliminatoire, mais c’est un autre sujet.) Les Écritures réservent généralement l'appellation de fausse prophétie et de faux enseignement aux erreurs les plus graves. Si cela signifiait que nos commentaires ou nos cours devaient absolument parvenir à expliquer correctement chaque verset que nous examinons, la plupart d’entre nous demanderaient une retraite anticipée dès maintenant !

Persécution ou purification?

Nous avons un véritable gâchis à nettoyer au niveau du paysage chrétien américain d'aujourd’hui. Après que le Congrès ait certifié la victoire du président Biden, Johnson s’est repenti publiquement d’avoir prophétisé la réélection de Trump. À son grand étonnement, certains chrétiens déclarés l’ont dénoncé, l’ont maudit et ont même menacé sa vie . S’il nous faut nous garder des théories complotistes, c’est un fait que les prêtres et les prophètes ont conçu de véritables conspirations pour tuer le Jérémie biblique pour ses prophéties antipatriotiques (Jr 11.21 ; 26.11). Les défenseurs acharnés de certains mensonges peuvent se révéler inflexibles.

Au lieu de persécuter ceux qui se sont repentis, nous ferions mieux de les rejoindre. Tout en pensant toujours que Trump aurait été le meilleur choix, Johnson a déploré que de nombreux chrétiens mettent leur espoir en lui. Aucun président et aucun parti politique, de droite ou de gauche, ne peut prendre la place de Jésus. Ce ne sont donc pas seulement les prophètes qui ont besoin de se repentir.

Les chrétiens peuvent être en désaccord entre eux, mais là où nous nous sommes séparés les uns des autres en mettant la politique au-dessus du seul corps pour lequel Christ est mort, la repentance est de mise. Les prophètes repentants nous montrent une voie à suivre. Si nous recherchons le réveil, la repentance et l’humilité sont un bon point de départ.

Si le Seigneur nous a humiliés, il nous a également donné l’occasion d’apprendre. Puissions-nous saisir cette occasion pour entreprendre les étapes nécessaires en vue de rassembler les différents dons dans le corps du Christ, dans l’humilité avant tout.

Craig Keener est professeur F. M. et Ada Thompson d’études bibliques au séminaire théologique d’Asbury. Il est l’auteur de Christobiography: Memories, History, and the Reliability of the Gospels, qui a remporté un CT Book Award en 2020.

Traduit par Jean-Paul Rempp

Révisé par Léo Lehmann

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Dieu n’écrira pas dans le ciel pour vous parler

Nos appels désespérés à un signe clair venant du ciel sont peut-être déjà exaucés.

Christianity Today February 27, 2021
negatina / Getty Images

Nous l’avons tous dit, à voix haute ou dans notre tête : « Si Dieu m’indiquait simplement quoi faire, je le ferais ! »

Nous voulons suivre la volonté de Dieu et, lorsque nous sommes confrontés à une grande décision, il nous semble qu’un ordre audible de Dieu – ou même un indice clair de quelque sorte qu'il soit – serait extrêmement utile, pour ne pas dire efficace.

Lorsque la voie à suivre semble opaque, nous commençons à nous demander pourquoi les cieux ne peuvent pas simplement s’ouvrir et nous laisser voir un peu la direction à prendre. Après tout, Dieu l’a fait pour des personnes dans la Bible. Ne pourrait-il pas le faire pour nous ? Mais je me demande si nous ne passons pas à côté d'une direction évidente qui est pourtant juste sous notre nez.

Il est vrai que la Bible contient plusieurs récits de personnes qui entendent distinctement la voix de Dieu leur dire quoi faire. Ils reçoivent exactement ce que nous disons vouloir : une direction claire de la bouche de Dieu. Mais de manière inquiétante, plutôt que de se précipiter pour obéir, ils hésitent souvent voire ignorent complètement la direction indiquée.

Moïse hésite quand Dieu lui parle dans le buisson ardent, lui demandant explicitement de sauver Israël de l’esclavage (Ex 3-4). Les Israélites ignoreront les commandements tonitruants de Dieu au Sinaï, malgré leur engagement initial à faire « tout ce que l’Éternel a dit » (cf. Ex 19.8). Gédéon hésite quand Dieu s’adresse à lui sur son aire de battage et il demande une série de signes de confirmation (Jg 6.36-40). Adam et Eve, peut-être l'exemple le plus célèbre de tous, reçoivent un ordre audible concernant un certain fruit, qu’ils ignorent ouvertement (Gn 3).

À la lumière des faits, il semble peu probable que la voix audible de Dieu inspire la croyance ou assure l'obéissance, pas plus pour nous qu’elle ne l’a fait pour nos prédécesseurs.

Pourtant, nous persistons à chercher un moyen d’être certains de ce que Dieu veut que nous fassions. Nous « étendons une toison » (cf. Jg 6.36-40) d’une sorte ou d'une autre, en pensant : « Si X se produit à cette date, je saurai que Dieu veut que je fasse Y ». Nous jeûnons, nous privant de nourriture, de télévision ou de médias sociaux en espérant plus de clarté sur une décision. Nous recherchons la solitude dans l’espoir d’entendre un bruissement doux et léger (cf.1 R 19.12). Nous cherchons la confirmation d’un ami ou d’un conjoint. Nous regardons le ciel en espérant voir apparaître des mots dans les nuages. S’il te plaît, Seigneur – dis-moi simplement quoi faire.

Si nous ne faisons pas attention, tout en recherchant la volonté de Dieu pour notre situation, nous pourrions négliger sa volonté pour notre caractère. Dans notre désir de certitude, nous pouvons devenir obsédés par le faire et oublier l’être.

Pourtant, Dieu est clair sur le fait que les sacrifices et les offrandes (notre faire) n’ont jamais été ce qu’il désire : des cœurs (notre être) qui le cherchent, des cœurs qui désirent la sainteté (Ps 40.6-8).

Dieu a une volonté pour nos vies qui est clairement énoncée : que nous soyons sanctifiés, rendus saints, conformes à l’image du Christ (1 Th 4.3 ; Ep 5.1). Lorsque cela devient notre préoccupation première, la recherche d’indices dans les nuages ou d’inscriptions sur le mur passe à l’arrière-plan. Heureusement, de tels signes ne sont pas nécessaires pour déterminer qui Dieu voudrait que nous soyons.

Vous n’aurez jamais à étendre une toison pour savoir avec certitude que c’est la volonté de Dieu que vous meniez une vie équilibrée, juste et empreinte de piété dans le temps présent (Tt 2.12).

Vous n’aurez jamais à jeûner pour être sûr à 100% que c’est la volonté de Dieu de vous libérer de l’ambition égoïste et de la vaine prétention (Ph 2.3).

Vous n’aurez jamais à trouver une inscription sur le mur pour savoir sans aucun doute que c’est la volonté de Dieu que vous mettiez de côté l’impureté et l’avidité (Ep 5.3).

Vous n’aurez jamais à demander la confirmation d’un ami ou d’un conjoint que la volonté de Dieu est que vous soyez lent à la colère (Jc 1.19).

Vous n’aurez jamais à attendre un bruissement doux et léger pour savoir sans réserve que c’est la volonté de Dieu que vous pratiquiez la reconnaissance (Ep 5.4).

Vous n’aurez jamais à chercher dans le ciel un message dans les nuages pour être certain que c’est la volonté de Dieu que vous soyez saint et irréprochable (Ep 1.4).

Dieu nous a en effet parlé avec clarté au moyen de sa Parole.

Pour la vie et la piété, nous n’avons besoin d’aucun autre signe que le signe vivifiant de Jonas (cf. Mt 12.39-41) : le Christ est ressuscité, et la grâce que nous recevons en conséquence nous transforme à son image.

Nous sommes appelés à être transformés. Nous recherchons d’abord son royaume et sa justice, confiant nos circonstances à ses soins souverains et soumettant notre caractère à sa gracieuse volonté.

Jen Wilkin est une épouse, une mère et une enseignante de la Bible qui a la passion de voir les femmes devenir des disciples engagées du Christ. Elle est l’auteur de Women of the Word, In His Image, et None Like Him.

Traduit par Valérie Marie-Agnès Dörrzapf

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