Augmenter sa proportion d’hommes n’est pas ce qui fera grandir votre Église

L’histoire nous apprend que la croissance d’une dénomination n’a rien à voir avec la proportion d’hommes et de femmes dans ses rangs.

Christianity Today August 2, 2021
Illustration by Rick Szuecs / Source images: Pearl / Lightstock / Envato

« Il y a une crise des hommes dans l'Église ! ». Vous avez sans aucun doute entendu cela à plusieurs reprises. Mark Driscoll, ancien pasteur de l'Église Mars Hill à Seattle, à l’auditoire très masculin mais aujourd'hui dissoute, affirmait souvent des choses comme « Le problème avec l'Église aujourd'hui… c'est juste une bande de gentils enfants de chœur, doux, tendres et efféminés » ou « soixante pourcents des chrétiens sont des gonzesses et les quarante pourcents de gars en sont aussi ».

Le psychologue canadien Jordan Peterson touche aussi cette corde sensible parmi les hommes chrétiens. L’an dernier, Owen Strachan, directeur du Center for Public Theology (« Centre pour la théologie publique »), relançait pour sa part cette perpétuelle conversation sur la nature de la masculinité via un podcast qu’il relayait sur Twitter.

Selon certains, « Là où vont les hommes, les Églises grandissent » ou, dit d’une autre façon, « Là où les hommes dirigent, les femmes suivent ». Dans les deux cas, on laisse entendre que le fait d’avoir un grand nombre de femmes est nuisible pour la croissance de l'Église. Des dizaines d’articles et de livres sur la disparition de la masculinité chrétienne ont été publiés, allant de Pourquoi les hommes détestent aller à l’église (« Why Men Hate Going to Church »), de David Murrow, à L’Église impuissante (« The Church impotent »), de Leon Podles, créant toute une industrie de promotion de l’idée que la virilité chrétienne serait menacée. Les chiffres de vente de ces livres ont été impressionnants. Cela doit donc être du solide, non ?

Faux. Il s'avère que le christianisme n'est pas plus « féminisé » aujourd'hui qu'il ne l'était il y a 50, 100, 300, ou 1000 ans, ou même au premier siècle de l'Église. Ceux qui soutiennent que la croissance de l'Église dépend d'activités spécialement axées sur les hommes – ou d'une programmation à dominante spécifiquement « masculine » – se méprennent sur le passé de l'Église et mettent en péril ses enseignements historiques concernant les sexes.

Les sources anciennes sont sans équivoque : dès le début, le christianisme était majoritairement une religion féminine. Un Père de l'Église au 4e siècle, Cyrille de Jérusalem, ouvre ses célèbres Conférences catéchétiques en s'adressant ainsi aux hommes de l’assemblée :

Vous êtes peut-être aussi venus sous un autre prétexte. Il est possible qu'un homme veuille faire la cour à une femme et soit venu ici dans ce but. […] J’accepte cet appât pour l’hameçon, et je vous souhaite la bienvenue — bien que vous soyez venu avec une mauvaise intention — comme à une personne à sauver par une heureuse espérance.

Ici, dans l'un des textes paléochrétiens les plus célèbres sur la façon d'enseigner la foi, le pasteur se commence en disant en somme : « Écoutez, je sais que vous, les gars, n'êtes là que parce que vos fiancées vous forcent à être ici ».

Le taux de conversion des femmes au christianisme était si important qu'en l’an 370 après J.-C., l'empereur Valentinien fit comprendre au pape que cela suffisait et lui ordonna d’arrêter d'envoyer des missionnaires frapper à la porte des femmes païennes. Les historiens sont pratiquement tous d'accord pour affirmer que les convertis au christianisme primitif comptaient une très forte proportion de femmes de la haute société (et, par ailleurs, d’esclaves et de minorités ethniques).

Il y avait de nombreuses raisons à cela, mais l'historien des religions Rodney Stark a compilé une collection impressionnante de données historiques montrant qu'une des principales raisons était peut-être simplement que le christianisme traitait mieux les femmes, notamment parce que les chrétiens exerçaient moins de pression sur les femmes pour qu’elles se remarient en cas de décès de leur époux. Ils pressaient également moins les jeunes filles à se marier.

En ce sens, Rodney Stark rapporte une anecdote intéressante de l'an 303, lors d'une vague de persécution. Des fonctionnaires démantelèrent une Église de maison et saisirent les biens que les chrétiens avaient rassemblés pour les nécessiteux : 16 tuniques pour hommes et 82 tuniques pour femmes. Depuis des temps immémoriaux, les femmes dans l'Église surpassent largement les hommes quand il s'agit de collecter des biens.

De l’élaboration de manuels catéchétiques aux efforts d’entraide dans l'Église, selon les sources primitives des peuples antiques, le tableau est assez clair : le christianisme était disproportionnément féminin.

Évangélisation par le flirt ou évangélisation par le mariage ?

Stark souligne également que, parce que le monde romain abandonnait ou tuait de nombreuses filles à la naissance, le ratio hommes-femmes était très déséquilibré : environ 130 hommes pour 100 femmes, pire que la Chine d'aujourd'hui. En conséquence, beaucoup de jeunes hommes romains avaient du mal à trouver une femme. Puisque le christianisme était majoritairement féminin, beaucoup de femmes chrétiennes avaient aussi du mal à trouver un mari. (Si ce scénario vous parle, ce n’est pas sans raison : les femmes chrétiennes aujourd'hui se trouvent dans la même situation).

En raison de ce déséquilibre dans l’Antiquité, les femmes chrétiennes épousaient souvent des hommes païens. Le Nouveau Testament, en particulier les lettres de Paul, s'adresse à plusieurs reprises à des ménages divisés sur le plan religieux. (Voir 1 Corinthiens 7.12-16, et d'autres passages.) Dans la tension entre un mari païen et une épouse chrétienne, le christianisme l’emportait généralement. C'est une grande différence entre les Églises anciennes et les Églises modernes sur cette question. Les premiers chrétiens n’avaient pas de complexe à attribuer l’origine de leur foi à la maternité chrétienne : la foi de Timothée est mise au compte de sa mère et de sa grand-mère. Saint Augustin devait sa foi à sa mère. Et j'ai déjà mentionné les conférences de Cyrille, qui fournissent la preuve implicite que beaucoup d'hommes païens suivaient des cours accélérés de christianisme afin d'épouser des femmes chrétiennes.

On trouve également de nombreux cas célèbres d'épouses chrétiennes qui ont changé le cours de l'Histoire. La maîtresse de l'empereur Commode, Marcia, intercéda pour sauver la vie d'un futur pape. Clotilde, l'épouse du roi des Francs, Clovis, contribua à sa conversion et donc à l'évangélisation de la France. En réalité, une part considérable du travail remarquable effectué pour propager le christianisme a probablement été l’œuvre de femmes chrétiennes au sein de mariages mixtes.

De toute évidence, la communauté chrétienne primitive était caractérisée par la présence de nombreuses femmes chrétiennes, épouses d’hommes non chrétiens. Avec une détermination inébranlable, elles ont traîné leurs maris et leurs enfants à l'église jusqu'à ce qu'ils se rendent enfin à la miséricorde du Christ. La pratique précoce du baptême des nourrissons a probablement aidé ce processus, car les épouses chrétiennes pouvaient utiliser le rituel pour revendiquer une forme de droit sur la foi pour leurs enfants, devançant ainsi leurs maris païens sur ce terrain. Le fait que les protestants américains ne baptisent souvent pas les bébés (et en ont moins que par le passé) pourrait expliquer pourquoi le mariage n'est pas une voie d'évangélisation aussi efficace qu’autrefois.

Sur ce dernier point, dans pratiquement toute l'histoire chrétienne, une grande partie de la croissance de l'Église s’est produite par la naissance d’enfants. Une Église avec beaucoup d'hommes et peu de femmes n’est qu’à une génération de sa disparition. À l’inverse, les Églises au sein desquelles la présence féminine est numériquement forte sont des Églises avec des bébés, dont la croissance est ainsi assurée. Les femmes étaient nombreuses au début du christianisme, de sorte que leur fécondité a décuplé la forte croissance naturelle de la population chrétienne, contrairement à la population païenne stagnante.

Le christianisme américain a toujours été majoritairement féminin

La longue histoire de la majorité féminine dans les Églises est admise même par beaucoup de ceux qui mettent en avant le récit de la « crise de la masculinité ». Par exemple, un long article du site Art of Manliness (« L’art de la virilité ») détaille comment l'Église américaine était à l’origine massivement composée de femmes. L'article fournit des citations de divers historiens des religions, des témoignages oculaires des 18e et 19e siècles et des données extraites directement des registres paroissiaux, tous montrant que les Églises chrétiennes en Amérique comptaient probablement environ 60 à 80 % de femmes, au moins jusqu'au milieu du 19e siècle.À l’approche du 20e siècle, nous disposons de sources de données fiables. De 1850 à 1936, le Bureau du recensement des États-Unis a entrepris un recensement des organismes religieux, demandant à chaque Église et à chaque dénomination de collecter diverses statistiques clés sur elle-même. À partir de 1906, ces statistiques prenaient en compte le sexe des membres. De plus, depuis 1972, le General Social Survey (« Enquête sociale générale », abrégé GSS) a recueilli suffisamment de données pour estimer la proportion de femmes parmi les personnes présentes en général dans les Églises. Et à quelques occasions, le GSS a également interrogé les répondants sur les habitudes de fréquentation de l’Église de leurs parents quand ceux-ci étaient encore enfants, ce qui a permis d'estimer la proportion des mères qui fréquentaient l'Église depuis le début du 20e siècle.

Les données de ce graphique sont un peu monotones, mais elles vont droit au but : il n'y a eu aucun changement notable dans la répartition hommes/femmes au sein du christianisme ces dernières années. Tout le récit du déclin des hommes chrétiens relève de la désinformation. Nous sommes là, ou pas, comme nous l'avons toujours été. De la Vierge Marie jusqu'à nos jours, les femmes chrétiennes sont tout simplement beaucoup plus nombreuses que les hommes dans la vie quotidienne de l'Église. En d'autres termes, la triste réalité du laisser-aller religieux masculin n'est pas nouvelle, et ce n'est pas non plus une menace existentielle pour l'église.

Cette tendance n'est pas non plus strictement américaine. De récentes enquêtes internationales montrent que le christianisme a un biais féminin dans pratiquement tous les pays. Dans les pays chrétiens comme dans de nombreux pays musulmans, les femmes prient plus souvent que les hommes. Les Églises évangéliques d’Afrique, conservatrices et à croissance rapide sont à majorité composées de femmes, tout comme les Églises déclinantes, marginalisées, progressistes et soutenues par l'État en Europe.

Plus d'hommes ne signifie pas plus de croissance

La conclusion controversée du récit de la « crise de la masculinité » est que lorsqu'il n'y a pas assez d'hommes sur les bancs, l'Église finit par décliner. Les Églises insuffisamment « masculines » sont supposées préparer leur propre disparition.

Cette affirmation est vérifiable, et il se trouve qu'elle est complètement fausse. Le graphique ci-dessous met en relation la proportion de femmes dans la fréquentation des Églises de chaque dénomination chrétienne, selon l'enquête Pew de 2007 sur le paysage religieux, avec la croissance ou le déclin de chacun de ces groupes selon leur pourcentage de la population américaine entre les enquêtes Pew de 2007 et 2014.

Comme le montre le graphique, il n'y a pas de corrélation significative entre l'équilibre hommes-femmes dans la fréquentation de l'Église et sa croissance. Rendre votre Église plus masculine ne la fera pas grandir.

Certaines dénominations pourraient contester ma méthode qui s’appuie sur des données d'enquêtes et non sur le recensement des membres effectué par les dénominations elles-mêmes. Cependant, j'ai testé cette même relation en utilisant l'appartenance dénominationnelle avec un échantillon de 35 grandes dénominations, en me basant sur les données de Pew concernant l'équilibre entre les sexes et sur la croissance d’Église déclarée par chaque dénomination entre 2007 et aujourd'hui. Encore une fois, aucune corrélation n’apparaît. L'équilibre numérique entre les sexes dans une communauté religieuse a très peu de rapport avec sa croissance.

C’est vrai aujourd'hui, et c'était vrai il y a un siècle. Le graphique ci-dessous présente la croissance numérique de 31 confessions entre 1906 et 1936 et la compare à leur ratio hommes-femmes en 1906.

Encore une fois, on n’observe aucune corrélation. La croissance dénominationnelle n'a tout simplement rien à voir avec des ratios homme-femme dans l'Église.

Le vrai problème se situe ailleurs

Voici donc notre conclusion : toutes les lamentations au sujet de la « fin des hommes » dans l'Église sont excessives et injustifiées. Depuis ses débuts et à chaque période de son histoire, le christianisme a été une religion à majorité féminine. Cela ne va pas changer de sitôt.

Avec cette information en tête, les injonctions de Paul au sujet des hommes et des femmes (dans 1 Timothée 2-4 et ailleurs) résonnent tout d’un coup quelque peu différemment. Si Paul donne des instructions détaillées sur la manière dont les femmes devraient se comporter, c’est peut-être parce que les Églises où il prêchait étaient largement composées de femmes mariées à des hommes non chrétiens, qui se demandaient de manière très pratique comment être des exemples pour leur famille.

Parallèlement, lorsque Paul s’adresse aux hommes, il aborde souvent les rôles de conduite de la communauté, peut-être parce qu'une grande partie des chrétiens exerçaient déjà de tels rôles. Si l'Église primitive comptait réellement 70% de femmes, que les Églises étaient généralement de petite taille en raison du manque de locaux appropriés, et compte tenu de la forte pratique monastique dans le christianisme du deuxième siècle, il est probable que la majorité des hommes participant régulièrement à la vie de l'Église primitive étaient responsables de communautés, diacres au service de l'Église, ou célibataires.

Rien de tout cela ne modifie les doctrines enseignées dans les Églises. Les lecteurs cherchant des appuis en faveur de l'ordination des femmes pourront peut-être se réjouir d'entendre que celles-ci constituaient une grande partie de l'Église primitive et que rendre l’Église plus masculine n’amènera pas de croissance. Mais les lecteurs cherchant confirmation de la restriction traditionnelle imposée à l'ordination des femmes pourront aussi être confortés dans leur position. Même si Paul écrivait à des Églises à la proportion d’hommes et de femmes tout aussi asymétrique, voire plus, qu'aujourd'hui, il insistait sur le pastorat et le leadership masculins.

Mon objectif n'est pas de remettre en question l’une ou l’autre de ces lectures. Il s'agit simplement de contester que le christianisme aux États-Unis serait en déclin parce ce qu'il s’est trop féminisé. Cette idée est fausse : le christianisme américain aujourd'hui a presque exactement le même équilibre numérique hommes-femmes que tout autre société chrétienne.

Alors peut-on (ou devrait-on) faire quelque chose concernant le déséquilibre homme-femme ?

Les enquêtes internationales évoquées ci-dessus suggèrent une raison pour expliquer l’intérêt plus prononcé des femmes pour la religion. Les femmes ayant un emploi à l'extérieur de la maison (et en particulier, les femmes sans enfant travaillant à temps plein) avaient le même niveau d’intérêt pour la religion que les hommes (et dans la plupart des pays, 85% et plus d'hommes en âge de travailler sont à plein temps). Les femmes ayant une vie professionnelle semblable à celle des hommes ont tendance à être aussi irréligieuses que ces derniers.

En d'autres termes, le problème majeur que les Églises affrontent aujourd'hui n'est probablement pas qu’elles comptent un nombre insuffisant d'hommes, mais qu’elles ont fait trop de compromis avec la culture du monde occidental moderne, culture de consommation effrénée focalisée sur le travail et la carrière. La foi a besoin de temps et d’espace pour se développer, et le travail à l'extérieur tend à en éloigner les hommes et les femmes. L'Église a choisi d'adorer Mammon et le culte de Dieu en a naturellement souffert.

En acceptant tacitement l’idée que le travail rémunéré (et la formation qui y prépare) devrait être, pour tout individu, le centre de sa vie, l'élément dominant de son emploi du temps et la composante principale de son identité sociale, les Églises ont abandonné un terrain crucial. Pour croître, les Églises feraient mieux de moins se compromettre avec la réussite sociale, d’encourager les vœux de pauvreté et de renouveler les disciplines ascétiques. Plutôt que de chercher à avoir plus de pasteurs barbus, nous devrions exhorter les riches de nos Églises à donner 20, 30, 70 ou 90% de leurs revenus.

L’accompagnement pastoral devrait encourager les paroissiens à se demander s'il est vraiment nécessaire de travailler autant qu'ils le font, et s’il ne leur est pas possible de vivre avec moins. Lorsque nos fils et nos filles envisagent d’aller à l’université, nous devrions les exhorter à prendre en compte les risques des prêts étudiants : non pas tant le fait de devoir contracter trop de dettes, mais le que, pour rembourser leur prêt, ils pourraient devoir consacrer trop de leur vie leur emploi salarié et pas assez à leur Église et leur famille. Le renouveau dans l'Église n’adviendra pas par un surcroît d’hommes, mais il pourrait se produire si chacun prend sa croix chaque jour en renonçant au monde.

Lyman Stone est membre associé de l'American Enterprise Institute , chargé de recherche au Institute for Family Studies et chef du service des renseignements de la société de conseil Demographic Intelligence .

Traduit par Philippe Kaminski

Révisé par Léo Lehmann

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L’éclatement de l’âme évangélique

Pourquoi nous divisons-nous, et comment nous retrouver ?

Christianity Today July 30, 2021
Illustration de Mallory Rentsch / Images sources: Kimson Doan / Unsplash / imtmphoto / Getty Images

De nouvelles fractures se dessinent au sein du mouvement évangélique américain, qui ne suivent pas les lignes régionales, dénominationnelles, ethniques ou politiques habituelles. Couples, familles, amis, communautés unis dans leur engagement envers Christ se divisent maintenant autour de visions du monde apparemment inconciliables. En réalité, plus que de simples divisions, on observe une impossibilité de se comprendre mutuellement.

Récemment, quelques-uns de mes amis d’université, tous élevés et nourris dans des familles et des communautés évangéliques en bonne santé, ont repris contact en ligne en quête de compréhension. L’une déplorait ne plus pouvoir comprendre ses parents ni comment leur vision du monde avait si soudainement et si tristement changé. Un autre faisait état d’amis socialement proches de lui, qui s'étaient autrefois tenus à ses côtés sur pratiquement toutes les questions, mais soutenaient à présent des idées qu'il trouvait choquantes. Un autre encore racontait que son Église était en train de se désagréger, divisée par les soupçons et l’incompréhension.

« C'étaient mes amis », disait l’un d’eux, « mais maintenant je ne sais plus qui ils sont, ou peut-être que je ne sais plus qui je suis ».

Où que nous soyons dans le monde, que faire lorsque nous avons l’impression que des êtres chers s’égarent dans une réalité trompeuse ? Que faire avec l’inconfortable vérité qu'ils ont à notre égard exactement le même sentiment ?

Le dilemme n'est pas propre aux évangéliques. Mais des compagnons de foi qui se serraient autrefois les coudes constatent maintenant que certains mouvements tectoniques les ont si fortement éloignés les uns des autres que leurs continents se séparent sans qu’il n’existe de pont pour les ramener sur un terrain commun. Comment nos points de vue sur la réalité peuvent-ils diverger si radicalement, et y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour nous retrouver ?

La courbe de plausibilité et la courbe de l’information

Parmi les sujets que j’ai eu constamment en tête dans ma carrière universitaire, il y avait la question de savoir comment les gens forgent leurs croyances. Non pas comment ils devraient forger leurs croyances dans quelque vision idéalisée d’une parfaite rationalité, mais comment réellement ils forgent leurs croyances en tant que créatures incarnées et intégrées dans des communautés et des cultures. Je voudrais vous parler d’un un outil conceptuel très simple, extrait en partie du travail de Peter Berger, qui peut nous aider à comprendre ce qui se passe.

Imaginez un plan horizontal qui présente en son centre une incurvation semblable à un bol capable. Cette forme arrondie, d'un bout à l'autre, représente l'éventail des affirmations qu'un individu considère comme crédibles. Appelons cela une courbe de plausibilité. Les affirmations situées au centre de l’incurvation, au niveau le plus bas, sont perçues comme les plus plausibles. Elles n’ont besoin que de peu de preuves ou d'arguments pour qu'un individu y croie. Les affirmations situées vers les extrémités paraissent de plus en plus invraisemblables, à mesure qu'elles s'écartent du centre, et nécessitent de plus en plus d’efforts de persuasion pour être crues. Les affirmations qui se situent en dehors de la courbe de plausibilité sont au-delà de l’horizon de ce qu'une personne pourrait croire à un moment donné, et aucune preuve ou raisonnement logique n’y suffiraient.

Ce qui détermine la plausibilité d'une affirmation est son degré de conformité à ce qu'un individu expérimente, à ce en quoi il croit déjà et à ce qu’il veut croire. L'éventail complet des croyances d'une personne ressemble un peu à une photomosaïque : des milliers d'expériences et de perceptions de la réalité s’agrègent, et il en émerge des modèles et des impressions plus larges, des croyances plus profondes sur la nature de la réalité, les grands récits de l'Histoire, ce qui est vrai ou faux, bien ou mal, et ainsi de suite. Les tentatives pour changer une seule de ces croyances peuvent paraître vaines puisque celle-ci est imbriquée dans d'innombrables autres. Par où commencer pour démêler un millier de désaccords entremêlés ? Une preuve contradictoire est presque sans pertinence lorsqu'une affirmation s’intègre à tout un réseau de croyances déjà solidement établies. C’est ce qui donne à la courbe de plausibilité sa solidité et sa résistance au changement.

Le désir joue un rôle particulièrement complexe dans la courbe de plausibilité. Nous pouvons désirer ne pas croire à une assertion parce qu'elle nous éloignerait de ceux que nous aimons, nous confronterait à des vérités douloureuses, exigerait un changement de comportement, imposerait un coût social, etc. Nous pouvons au contraire désirer croire à une certaine affirmation parce qu'elle serait à la mode, confirmerait nos préjugés, nous distinguerait de notre entourage, irriterait nos parents, ou pour un tas d’autres raisons. Nous exigerons plus d’arguments pour accepter les affirmations que nous refusons de croire, et moins pour celles qui nous attirent.

Comme la fenêtre d'Overton en théorie politique, une courbe de plausibilité peut s'étendre, se contracter et se déplacer. Des amis ou des membres d’une même famille peuvent découvrir que leurs courbes de plausibilité autrefois identiques divergent au fil du temps. Les allégations qu'une personne trouve immédiatement vraisemblables sont presque inconcevables pour une autre. Mais comment cela se produit-il ? C'est là qu'entre en jeu la courbe de l’information.

Imaginez au-dessus du schéma de la courbe de plausibilité un schéma identique mais inversé. C'est la courbe de l’information. Elle reflète les sources externes d'information sur le monde propres à un individu, telles que les personnes qu’elles fréquente, les autorités et les médias. Les sources au centre de la courbe de l’information sont jugées les plus fiables ; les affirmations provenant de ces sources sont acceptées presque sans questionnement. Les sources d'informations aux extrémités du bol sont considérées comme moins fiables de sorte que leurs affirmations seront examinées minutieusement. Les sources en dehors de la courbe sont, du moins pour cette personne, si peu crédibles que leurs affirmations sont rejetées d'emblée.

Le centre de la courbe de l’information s’aligne généralement sur le centre de la courbe de plausibilité. Les deux sont en étroite relation mutuelle. Les sources sont considérées comme plus dignes de confiance lorsqu'elles fournissent des affirmations que nous trouvons plausibles, et les affirmations sont jugées plus plausibles lorsqu'elles viennent de sources auxquelles nous accordons notre confiance. Une source d'information diffusant systématiquement des idées situées au centre de la courbe de plausibilité risque de finir par être crue sans réserve.

Le changement peut commencer au niveau de la courbe de plausibilité. Une personne rejoignant une communauté religieuse pourrait la trouver plus aimante et raisonnable qu'elle ne l'avait imaginée. Ainsi, elle n’accordera plus de crédit à une source prétendant que toutes les communautés religieuses sont irrationnelles et pleines de préjugés, ce qui déplacera graduellement sa courbe de l’information vers des sources plus fiables. Une autre personne subissant la perte d'un enfant ne veut plus croire que la mort signifie la fin de toute conscience. Elle s’ouvre alors à d'autres possibilités, élargit ses sources d'information et lentement ses croyances changent.

Le changement peut aussi se produire au niveau de la courbe de l’information. Imaginons qu’une personne élevée dans un contexte ayant des figures d’autorité bien établies, comme des parents ou des pasteurs, commence des études à l'université et est introduite à de nouvelles communautés et autorités. Si elle les considère comme des sources d’information sûres, la nouvelle courbe de l’information qui se forme déplacera probablement sa courbe de plausibilité. Si ses croyances évoluent continuellement, elle peut en arriver même au point où les sources autrefois à l’origine de la plupart de ses croyances perdent sa confiance. Prenons encore une personne qui se serait abreuvée toute sa vie durant de médias d'extrême gauche. Elle commence à écouter des médias conservateurs et trouve que leurs discours concordent avec son expérience, légèrement au début, puis de plus en plus. Progressivement, elle consomme de plus en plus de médias conservateurs, étendant ou déplaçant sa courbe de l’information, ce qui à son tour étend ou déplace sa courbe de plausibilité. Cette personne pourrait atteindre un stade où ses conceptions plus larges du monde – les forces souterraines à l'œuvre dans l'Histoire, les manières d’optimiser l’organisation des sociétés et des économies, les forces du bien et du mal à l’œuvre dans le monde — seraient complètement transformées.

Prenons les exemples du Mouvement pour la vérité sur les attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center de New-York (« 9/11 Truth Movement ») ou du mouvement QAnon. La majorité des gens situent l’hypothèse que l'administration Bush aurait orchestré une attaque terroriste de grande ampleur afin d'envahir le Moyen-Orient et d'enrichir leurs amis de l'industrie pétrolière, ou celle que les élites libérales mondiales organiseraient une opération internationale de trafic d'enfants pour entretenir la pédophilie et le cannibalisme, bien au-delà des limites de leur courbe de plausibilité. Pour certains, cependant, l'une ou l'autre hypothèse conspirationniste est en accord avec leur courbe de plausibilité, ou leur courbe d'information peut se déplacer au fil du temps en entrainant avec elle la courbe de plausibilité. Des affirmations qui semblaient autrefois inenvisageables apparaissent concevables, puis plausibles, puis raisonnables et finalement évidentes. Bien sûr, les gens de droite sacrifieraient des milliers de vies innocentes pour justifier une guerre pour le pétrole, car les gens de droite sont avides et c'est ce que font les gens de droite. Bien sûr, les gens de gauche sacrifieraient des milliers d'enfants pour améliorer leur santé et leur pouvoir, car les gens de gauche sont pervers et c'est ce que font les gens de gauche.

Pour conclure ces définitions, appelons l'ensemble de la structure, la courbe de plausibilité et la courbe d'information, un monde informationnel. Un monde informationnel englobe la façon dont un individu ou une communauté d'individus reçoit et traite l'information. Des mondes informationnels divergents auront des faits et des sources divergents. Notre défi aujourd'hui est que nous vivons dans de multiples mondes informationnels qui ont entre eux peu de points communs et beaucoup d'hostilité.

Qu'est-ce que tout cela a à voir avec le mouvement évangélique ? Beaucoup de choses.

Les crises évangéliques

Le mouvement évangélique américain n'a jamais été constitué d'une seule et unique communauté. Selon les critères pris en compte, les estimations situent généralement le nombre d'évangéliques américains entre 80 et 100 millions. Même en prenant la médiane de 90 millions, ce chiffre place la population évangélique américaine au-dessus de celle de toutes les nations européennes à l'exception de la Russie. Cette population nombreuse est également diversifiée, traversant toutes les régions, toutes les ethnies et toutes les échelles socio-économiques. Ce qui a fait tenir ensemble le mouvement dans son histoire n'était pas seulement un engagement moral et théologique commun, mais une vision du monde largement partagée et des sources d'information communes. Au sein du mouvement, les courbes de plausibilité et les courbes d'information coïncidaient largement. Certains points les différenciaient, mais le terrain central qu’ils avaient en commun servait de base à la compréhension et à la fraternité mutuelles.

Ce sentiment de communauté s'est de plus en plus effrité à mesure que des groupes auparavant non identifiés comme évangéliques se sont ajoutés à l’ensemble, conduisant à une redéfinition de la catégorie « évangélique » en des termes moins théologiques que sociaux, culturels et politiques. Ce mouvement évangélique élargi se divise actuellement en communautés distinctes qui ont encore en commun certains engagements moraux et théologiques mais diffèrent considérablement sur leurs sources d'information et leur vision globale du monde. Leurs mondes informationnels se superposent faiblement. Elles ne peuvent discuter que d’un éventail restreint de sujets si elles veulent s’épargner de pénibles et exaspérants désaccords.

Une partie de l'évangélisme américain croit que nos libertés religieuses n'ont jamais été aussi fermement établies ; une autre, qu'elles n'ont jamais été plus fragiles. Une partie pense que le racisme est toujours un problème systémique dans la société américaine ; une autre, que la notion de « racisme systémique » n’est qu’un programme progressiste pour redistribuer la richesse et le pouvoir en faveur de protestataires radicaux. L'un est plus préoccupé par l'insurrection qui s’est produite au Capitole à Washington ; l’autre, par les émeutes qui ont suivi le meurtre de George Floyd. L'un pense que la présidence de Trump a eu un effet préjudiciable sur le témoignage chrétien pour toute une génération ; l’autre, qu'elle a été extrêmement bénéfique. L’un croit que l'ancien président a tenté un coup d'État ; l’autre, que les démocrates ont volé les élections. L’un croit que les masques et les vaccins contre le Covid sont des marques de l'amour chrétien ; l’autre pense que leur rejet est une marque de courage chrétien.

Il existe d'innombrables entre-deux, bien sûr, mais ces exemples illustrent la tension : nous sommes dans la même réalité mais dans des mondes radicalement différents. Il y a là une grande question : ces mondes peuvent-ils (ou devraient-ils) chercher à se rapprocher. C'est un moment critique pour notre mouvement.

Que peut-on faire alors ? Le modèle lui-même suggère par où commencer. Si nous déplaçons les courbes de l’information vers un centre commun, la courbe de plausibilité suivra. L'information a trois sources : les médias, les autorités et la communauté. Une des raisons de notre désunion est que ces trois sources sont en crise dans l'évangélisme américain. Je survole brièvement ces points.

Premièrement, la crise des médias est aiguë. Même si les médias d'aujourd'hui sont devenus plus puissants et omniprésents, ils sont également plus fragmentés et polarisés. La dynamique des médias modernes valorise des contenus immédiats, émotionnels et hyperboliques, livrant ces médias aux vendeurs de mépris et aux marchands de haine. Les évangéliques se retrouvent tiraillés entre les médias sociaux et des médias traditionnels qui défendent ouvertement les causes progressistes et occultent des voix conservatrices et des réseaux d'extrême droite qui font le commerce de la paranoïa et de la désinformation. En bref, le paysage médiatique numérique a évolué pour tirer avantage de nos vices plus que de nos vertus, et il est devenu incroyablement efficace pour compartimenter hermétiquement le public en catégories d’audience et pour diffuser uniquement les informations et les commentaires qui confortent les angoisses et les antipathies de chaque public.

Cela représente un défi extraordinaire pour la formation de disciple. La consommation de médias augmente année après année et elle a grimpé en flèche au milieu de la pandémie. Certains membres de nos assemblées consacrent à peine quelques heures par semaine à étudier la Parole de Dieu (qui devrait toujours être la source d'information et d'autorité la plus importante pour le chrétien), mais 40 heures ou plus à se laisser aller aux animosités du jour. Dès que la courbe de l’information amorce un déplacement vers la gauche ou vers la droite, aussitôt les algorithmes des médias numériques et les manipulations des politiciens et de divers profiteurs accélèrent le mouvement. Bientôt, des communautés chrétiennes qui partageaient autrefois une vision commune du monde découvrent qu'elles ne sont plus d'accord que sur le strict nécessaire à leur foi. Il sera difficile d'aborder d'autres parties de la courbe de l’information tant que nous n'aurons pas apporté un semblant de bon sens à notre consommation de médias. Plus nous vivrons dans des mondes médiatiques séparés, plus nos divisions s’élargiront et s’approfondiront. Plus nous nous adonnons à la gloutonnerie médiatique, négligeant la nourriture solide qui fortifie Christ en nous, moins nous aurons de choses en commun.

La crise des médias touche l'ensemble de la société, mais le mouvement évangélique est également confronté à une crise d'autorité de son propre cru. Une génération de dirigeants évangéliques qui forçaient le respect, du moins au sein de la majeure partie du milieu évangélique américain, est décédée. La génération actuelle de responsables évangéliques institutionnels, bien que nettement plus diversifiée que la précédente, lutte pour s’éloigner de la tendance à l’altérisation idéologique très en vogue de nos jours. De plus, le mouvement a vu d'innombrables personnalités tomber en disgrâce de manière terriblement destructrice. Dans le même temps, nous avons vu le développement de la figure du pasteur-célébrité. Il fut un temps où une « longue obéissance dans la même direction », une humble vie d’étude et de service conféraient à une personne un minimum d'autorité spirituelle et un revenu modeste. Aujourd'hui, un profil aguichant et un talent pour l'autopromotion peuvent rapporter richesse et gloire sur le marché des célébrités chrétiennes.

Il en résulte désillusion et division. Alors que les jeunes générations se dirigent vers la sortie, ceux qui restent dans nos Églises se retranchent davantage dans leur propre camp idéologique. Si nous espérons un jour que des autorités largement respectées puissent former une part importante de notre courbe de l’information commune, ce sera parce que nous serons passé d'une culture de la célébrité à une culture de la sanctification, où le leadership consiste moins à se construire un piédestal qu'à porter la croix du Christ. Ce sera parce que nous nous souviendrons de ces paroles de Jésus : « Quiconque veut être grand parmi vous doit être votre serviteur » (Mt 20.26). Ce sera aussi parce que nous réapprendrons à écouter des hommes et des femmes de sagesse, pasteurs ou voisins, sans les crucifier pour des divergences politiques.

La troisième façon de déplacer la courbe de l’information est de s'attaquer à notre crise de la communauté. La communauté est essentielle à la vie chrétienne. Elle approfondit notre connaissance de la Parole, forge notre identité commune en Christ, façonne le caractère chrétien et éduque nos jeunes. Pourtant, les pressions, les tentations et les attrayantes distractions de la vie contemporaine ont distendu les liens qui nous unissent, remplaçant la chaleur et la profondeur de la communauté incarnée par une froide copie numérique. La pandémie n'a fait qu'aggraver notre isolement, poussant de nombreuses personnes à regarder à l’extérieur de leur Église vers des mouvances politiques ou des communautés conspirationnistes, en quête de sens et de sentiment d'appartenance. Par ailleurs, l'hyper-politisation du mouvement évangélique américain conduit à un tri politique. Les fidèles qui n'aiment pas les positions de leurs pasteurs partent vers d'autres Églises de même sensibilité politique qu’eux. Mais les assemblées où les mondes informationnels sont quasi uniformes verseront dans la rigidité d’esprit et dans le radicalisme, suivant ce que Cass Sunstein appelle la loi de polarisation du groupe.

Plutôt que de se retirer dans des communautés d’aversion, l'Église devrait offrir une communauté d'amour rayonnant, un sanctuaire contre la fragmentation et la polarisation, contre la solitude et l'isolement actuels. L'Église devrait démontrer ce que signifie prendre soin les uns des autres malgré nos différences sur les questions sociales et politiques, et réaffirmer l'enracinement infiniment plus profond de notre identité en Christ.

Michael O. Emerson, sociologue et spécialiste des religions aux États-Unis, de l'Université de l'Illinois à Chicago, a récemment déclaré qu'il avait étudié les communautés religieuses pendant 30 ans mais qu'il n'avait « jamais vu » un tel niveau de conflit. « Qu’y a-t-il de différent aujourd’hui ?“ s’est-il demandé. « Le conflit porte sur toute notre vision du monde – la politique, la race, la manière d’être au monde, et même sur le sens de la religion et la foi ». Ce que j'ai proposé ci-dessus est un modèle pour comprendre comment nous en sommes arrivés là, et une simple suggestion quant à la manière d’entamer le projet qui attend notre génération.

Nous ne sommes pas sans espoir. Les mensonges finissent toujours par sonner creux. La haine ne remplace pas un vrai sens à la vie, la célébrité n’est qu’un piètre substitut à la sagesse, et les clans politiques ne sont qu’un pâle reflet de la communauté chrétienne authentique. Nous sommes un peuple défini par la résurrection du Fils de Dieu. Nous sommes appelés à être rédempteurs et réconciliateurs.

Alors peut-être pourrions-nous commencer à construire des ponts entre nos mondes informationnels. Peut-être pourrions-nous entretenir un écosystème médiatique sain qui offre une vision équilibrée du monde, ouverte à des échanges généreux. Peut-être pourrions-nous restaurer une culture de l’autorité caractérisée par l'humilité plutôt que par la célébrité, par l'intégrité plutôt que par l'influence. Peut-être pourrions-nous inviter ceux qui ont trouvé un semblant de communauté dans leurs tribus politiques à redécouvrir une communauté plus riche et plus solide en Christ. Toutes ces choses seront essentielles pour reconstruire une compréhension commune du monde que Dieu a créé, et de ce que signifie suivre Christ dans ce monde-là.

Timothy Dalrymple est président et rédacteur en chef de Christianity Today. Suivez-le sur Twitter @TimDalrymple.

Traduit par Philippe Kaminski

Révisé par Léo Lehmann

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Concours international d’écriture de Christianity Today

Partagez-nous votre expérience, votre vision et vos réflexions théologiques. Nous en ferons la traduction !

Christianity Today July 26, 2021
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Nguyen Dang Hoang / Unsplash / WikiMedia Commons

L'année dernière, nous avons publié plus de 500 traductions d'articles de Christianity Today dans 14 langues. Nous sommes ravis qu'un si grand nombre de nos articles et de nos reportages aient trouvé un écho auprès de lecteurs du monde entier. À présent, nous souhaitons également faire profiter nos lecteurs anglophones de votre expérience, de votre vision et de vos réflexions théologiques.

Cette année, nous organisons donc un concours de rédaction en français, en espagnol, en indonésien et en portugais. Les participants rédigeront leur texte dans leur propre langue et il sera soumis à l'appréciation de trois à cinq théologiens et responsables chrétiens issus de régions parlant cette langue. Le texte gagnant de chaque langue sera ensuite traduit en anglais et publié sur le site web de Christianity Today dans les deux langues.

Vous souhaitez participer ? Nous nous en réjouissons !

Votre contribution au concours devra être appuyée sur des faits, bien réfléchie et, comme le suggère le titre de notre magazine, pertinente pour le christianisme contemporain. Nous sommes intéressés par des écrits rédigés avec soin et bien étayés, qui offrent de nouvelles perspectives et relient le message éternel de l'Évangile aux tendances contemporaines, à la culture, aux événements ou à l'actualité. Il ne s'agit pas de dire aux chrétiens ce qu'ils devraient faire, mais de les inviter à réfléchir plus en profondeur à leur foi en lien avec un événement ou une question particulière.

Nous sommes intéressés par la lecture de réflexions originales et inattendues qui communiquent la perspective de l'Évangile sur une question spécifique, interpellent les lecteurs et stimulent leur curiosité. Les éventuels articles rédigés à la première personne devraient appliquer votre expérience personnelle à une notion plus large de la foi et de la vérité biblique. Nous sommes particulièrement attirés par les témoignages de chrétiens qui vivent leur foi de manière particulière, ont un impact positif sur le monde et communiquent la vérité d'une manière profonde, nuancée et audacieuse.

Voici ci-dessous les trois thèmes sur lesquels nous vous proposons d'écrire :

Incarnation

Décrivez-nous comment la notion d’incarnation vous a parlé en 2021. Par exemple :

En quoi les événements récents vous ont-ils amené à penser différemment l'incarnation du Christ ?

Comment une étude plus approfondie de l'incarnation a-t-elle façonné vos relations ?

Quelle perspective singulière sur l’incarnation votre culture ou votre tradition peut-elle offrir à l'Église mondiale ?

En quoi l'incarnation du Christ est-elle importante pour l'évangélisation, en particulier dans votre contexte culturel actuel ?

Comment une expérience spécifique, une relation ou un événement que vous avez vécu pourrait servir de tremplin à une réflexion plus approfondie sur l'incarnation ?

Restauration et réconciliation

Racontez-nous une chose surprenante que Dieu est en train de « faire nouvelle » en 2021 et comment il l'accomplit. Par exemple :

Compte tenu de la forte polarisation politique et de la résurgence de discours de haine dans de nombreux contextes à travers le monde, comment pensez-vous que les chrétiens pourraient contribuer à développer un ministère de réconciliation qui unisse les gens au nom de Jésus plutôt que de les diviser ?

Qu’est-ce que vous voyez en train de changer, être restauré, grandir, et que le reste du monde devrait connaître ?

Y a-t-il dans votre contexte quelque chose que l'Église locale a brisé ? Comment l'Église locale s'efforce-t-elle de réparer le mal qu'elle a causé ?

Y a-t-il un passage spécifique de l'Écriture qui pourrait parler de restauration d'une manière qui soit particulièrement pertinente dans votre contexte culturel aujourd'hui ?

Connaissez-vous un exemple éloquent de restauration (personnelle, collective, dans le cadre d'un événement, etc.) qui pourrait faire entendre de puissantes vérités à l'ensemble de l'Église ?

Y a-t-il quelque chose que Dieu ne restaure pas et qui met en difficulté votre foi ? Comment luttez-vous face à cette situation ?

Comment le Saint-Esprit accomplit-il l'œuvre de la restauration, et comment avez-vous vu son action apporter la guérison et la plénitude face à la souffrance ?

Espérance

Dites-nous ce que signifie espérer pour les chrétiens en cette période. Par exemple :

Y a-t-il des moments où les chrétiens devraient renoncer à espérer ? Pourquoi ?

Qu'est-ce qui, en particulier, vous donne à espérer au milieu des ténèbres ? À quoi ressemble réellement l'espérance pour un chrétien en période de difficultés ?

En quoi la véritable espérance chrétienne diffère-t-elle d’un espoir plus sentimental ou émotionnel ?

Comment les chrétiens peuvent-ils se montrer crédibles lorsqu'ils appellent leurs voisins non-chrétiens à l'espérance ?

Comment compreniez-vous la notion d'espérance avant la pandémie ? Comment les événements récents ont-ils changé ce que vous pensiez savoir ?

A quoi ressemble une Église qui espère collectivement ?

Comment trouvez-vous l’espoir/l'espérance lorsque vous êtes confrontés à la question du changement climatique ?

Dans votre contexte, quelle histoire vécue ou exemple pourrait illustrer une espérance chrétienne solide ?

Informations pour la participation

Votre participation est à communiquer par courriel à l'adresse LLehmann@christianitytoday.com d'ici au 25 septembre 2021.

Définissez l'objet du courriel comme suit : Concours d'écriture Christianity Today — [Prénom et nom]

Préparez chaque texte séparément au format dactylographié, avec interligne simple.

Nommez votre document de la manière suivante : Nom Prénom – Titre

Envoyez votre texte sous forme de lien ou de pièce jointe.

Indiquez votre nom complet et quelques mots à propos de vous dans le courriel (50 mots maximum).

Indiquez le nombre total de mots de votre texte.

Détails

Toutes les contributions doivent compter entre 1200 et 1500 mots.

Vous pouvez soumettre plus d'un texte. Nous pourrions publier plus d’une soumission par personne, mais un seul texte par personne fera partie des gagnants.

Nous ne pourrons pas accepter les soumissions tardives pour le concours, mais nous les prendrons tout de même en considération pour une éventuelle publication.

Tout le contenu doit être original.

Vérifiez l'orthographe et la grammaire. Indiquez les liens vers toute source extérieure.

Votre essai sera édité par les rédacteurs de Christianity Today avant d'être publié et les titres pourront être modifiés.

Prix

Nous aurons un gagnant pour le français.

Le gagnant du concours de cette année remportera 250$ et un abonnement de trois ans à Christianity Today, en plus de la publication de son article sur notre site..

Même si votre texte ne remporte pas la première place, il pourrait être publié ultérieurement. En soumettant votre texte, vous acceptez que les rédacteurs de Christianity Today envisagent sa publication future.

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La méditation biblique promet bien mieux que la méditation zen

Les chrétiens n’ont pas besoin de recourir au mysticisme ou de faire le vide en eux pour parvenir à l’illumination procurée par la répétition.

Christianity Today July 14, 2021
Jurica Koletic / Unsplash / Edits by Rick Szuecs

Quelle image vous vient spontanément à l’esprit quand vous pensez à la méditation ? Comme beaucoup, vous imaginez peut-être une personne assise en position du lotus, les yeux fermés, les mains tendues, murmurant un flux continu de mantras « Om ».

Cette caricature fait que de nombreux chrétiens ne sont pas à l'aise avec la notion de méditation, voire la rejettent complètement. La méditation serait réservée aux mystiques et aux yogis, et non aux enfants de Dieu.

Mais en réalité la méditation est une discipline chrétienne. Plus encore, c’est une discipline qui devrait nous caractériser. Mais avant d'enfiler votre pantalon de sport et d'adopter la position du lotus pour votre temps de silence, faisons la distinction entre la pratique mystique de la méditation et la pratique de la méditation telle qu'elle est préconisée dans la Bible. Quel est l’objet de la méditation chrétienne ? Pourquoi devrions-nous la pratiquer ? Et comment ?

Le Psaume 1 nous dit que celui qui est appelé bienheureux est celui qui se réjouit de la loi du Seigneur et qui la « médite jour et nuit » (v. 2). Lorsque le psalmiste évoque la méditation, l’objet de sa réflexion est la loi de Dieu (la Torah), les promesses de Dieu, les œuvres de Dieu et les voies de Dieu. Le rappel de ces choses se trouve dans les écrits sacrés que nous connaissons aujourd'hui sous le nom d’Ancien Testament. Les disciples contemporains du seul vrai Dieu considèrent que l’objet de notre méditation comprend l’ensemble des Écritures, de la Genèse à l’Apocalypse.

Ainsi donc, le « quoi » de notre méditation, ce sont les Écritures. Mais le « pourquoi » importe également. Et cela contraste avec la méditation des yogis. La méditation mystique consiste à vider l’esprit dans le but de le faire taire. Ceux qui recherchent les bienfaits de la méditation sont invités à se concentrer sur leur respiration et à apaiser leurs pensées dans le but de soulager le stress, l’anxiété ou d’autres formes de détresse ou de confusion mentale.

En revanche, la méditation chrétienne consiste à nourrir l’esprit en vue de l'action. C’est un mode d’apprentissage par la répétition constante des mêmes idées. Cela implique l’étude, la réflexion et la rumination. Contrairement à la méditation mystique, la méditation chrétienne voit la compréhension comme le fruit d’une réflexion sur tout ce qui est vertueux (Ph 4.8). La méditation chrétienne n’est pas une fin en soi, elle est destinée à produire le fruit d’une vie juste. En Josué 1.8, Dieu dit à Josué : « Que ce livre de la loi ne s'éloigne point de ta bouche ; médite-le jour et nuit, pour agir fidèlement selon tout ce qui y est écrit ».

Mais qu’en est-il du « comment » de la méditation chrétienne ? Les méthodes de méditation mystique font parfois des incursions dans la pratique chrétienne : « Si je lis un verset, que je reste bien tranquille et calme mon esprit, l’Esprit insufflera ses révélations dans ce grand vide. » Bien qu'elle parte d'une bonne intention, cette approche conduit souvent à de monumentales erreurs d'interprétation. Elle tend à faire l'impasse sur toute réflexion concernant le contexte d’un passage pour promettre un bénéfice immédiat sous la forme d'une mise en pratique ou d'un encouragement.

Oui, les Écritures ont un sens clair que l’Esprit illumine, mais elles offrent aussi des niveaux de compréhension de plus en plus profonds lorsque nous en faisons notre objet de méditation constant. En d’autres termes, la rumination engendre l’illumination. L’Esprit Saint répond à l'emploi judicieux de notre esprit en nous donnant perspicacité, sagesse et compréhension.

La méditation chrétienne adhère à la vérité bien connue selon laquelle la répétition est la source de tout apprentissage. Nous méditons sur les paroles de Dieu en les lisant et les relisant.

Puisqu'il nous est donné de vivre à une époque où l'accès aux Écritures est d'une aisance sans précédent, nous avons à notre disposition une multitude de possibilités. Nous pouvons lire d’abord une première traduction, puis une autre. Nous pouvons écouter une version audio des Écritures grâce à une application. Nous pouvons les entendre chantées et apprendre à les chanter nous-mêmes. Nous pouvons les copier ligne après ligne dans un journal, en les priant au fur et à mesure que nous écrivons. Nous pouvons illustrer dans la marge ce que nous lisons. Nous pouvons lire les Écritures à haute voix en communauté ou dans le cadre familial, comme un moyen d'accomplir cette exhortation : « tu en parleras chez toi dans ta maison, et quand tu marcheras sur la route, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras » (Dt 6.7).

Pensez. Étudiez. Réfléchissez. Ruminez. Méditer sur les lois de Dieu, ses promesses, ses œuvres et ses voies nous exerce à penser en conséquence. Et cela nous incite à agir comme nous le devrions La méditation biblique ne promet peut-être pas d'atteindre un état de « zénitude », mais elle promet bien mieux que cela : la paix qui surpasse toute intelligence, fruit d'un esprit fixé sur les choses de Dieu.

Jen Wilkin est auteure et enseignante de la Bible. Elle milite en faveur de l'initiation à la lecture biblique et sa passion est de voir d'autres personnes devenir des disciples du Christ éloquents et engagés. Vous pouvez la retrouver sur JenWilkin.net et sur le podcast Knowing Faith.

Traduit par Valérie Dörrzapf

Révisé par Léo Lehmann

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J’ai été ordonnée pour parler de Jésus. Pas pour débattre des femmes pasteurs.

En tant que prêtresse, je suis fatiguée d’une bataille politique qui détourne notre attention de l’Évangile.

Christianity Today July 9, 2021
Illustration by Rick Szuecs / Source Images: Pearl / Lightstock / Nathan Dumlao / Taylor Hernandez / Alexis Brown / Unsplash / Wikimedia Commons

L'Église Saddleback de Rick Warren a récemment fait les gros titres en ordonnant trois femmes pasteurs. J'ai été reconnaissante de voir ces femmes reconnues et de leur voir confiées à la fois l'autorité publique et la responsabilité institutionnelle que confère cette ordination. Mais quand j'ai lu les nouvelles, j'ai aussi poussé un grand soupir : « Nous y revoilà ». Je savais que le débat sur le rôle des femmes dans l'Église alimenterait les conversations pour toute la semaine, et je pouvais déjà prédire les arguments rebattus que j'entendrais répéter encore et encore.

C’est un secret de polichinelle : vous savez qui déteste parler de l'ordination des femmes ? Les femmes pasteurs. Pas toutes, bien sûr. Certaines femmes ont une onction toute spéciale pour débattre de ce sujet, et honnêtement, je m’en réjouis pour elles.

Mais la réalité est que peu d'entre nous deviennent pasteurs dans le but de parler de l'ordination des femmes. Nous sommes ordonnées parce que notre imagination a été saisie par l’Évangile. Nous sommes ordonnées pour témoigner de la beauté et de la vérité de Jésus. Nous sommes ordonnées pour servir l'Église par le ministère de la Parole et des sacrements. (Et, à retenir, ne vous faites pas ordonner pour une autre « cause » que le ministère de la Parole et des sacrements. Il n’y a rien qui vaille cela.)

Je n'ai pas toujours été en faveur de l'ordination des femmes. Jusqu'à mes 30 ans, j'étais ce que l’on appelle une complémentarienne modérée. Mais j'étais aussi une femme dans le ministère. Les gens dans mon Église pensaient que je finirais par épouser un pasteur (comme moyen non officiel d'accéder au ministère vocationnel pour les femmes laïques). J'ai fait un stage dans une Église de la convention baptiste du Sud au sein du groupe de jeunes, et dans une Église presbytérienne au sein de ministères de charité, travaillant parmi les immigrants, les sans-abri et les plus pauvres. Puis je suis allée au séminaire où j'ai découvert que j'aimais et que j'avais un don pour les études théologiques. Et j'ai finalement travaillé pendant des années comme aumônier sur le campus.

J'ai passé du temps à étudier attentivement le débat sur l'ordination des femmes et, au fil des ans, j'ai changé de position. Mais une fois ce long travail théologique accompli, ma décision de demander l’ordination était plutôt d’ordre organique et pratique. Je n'ai pas été ordonnée parce que je voulais prouver qu’il devait y avoir des pasteurs femmes ou affirmer ce qui me paraissait juste. Je n'ai pas été ordonnée parce que je pense que les femmes (ou les hommes) ont un droit inaliénable à l'ordination. J'ai été ordonnée parce que je servais déjà en tant que laïque et que j'avais une vision suffisamment élevée de l'Église et des sacrements pour ne plus pouvoir envisager mon ministère comme détaché de la vie et de l'autorité de l'église.

Je faisais déjà le travail. J'enseignais et je formais déjà des disciples. Je voulais le faire sous le regard et au nom du corps du Christ.

Maintenant, quand je prêche, quand je pose doucement ma main sur l'épaule d'une femme qui pleure et s’épanche en confession, quand j'écris un article, quand je me promène avec un étudiant qui pose des questions sur la Bible, quand je présente le corps du Christ à des hommes et des femmes fatigués et proclame de ma voix la plus claire et la plus forte que ce sont « les dons de Dieu pour le peuple de Dieu », je ne pense pas à l'ordination des femmes. Je ne pense pas aux verbes grecs ou à la féminité biblique. Je prie en silence pour que l'Esprit nous attire à lui afin de guérir son peuple et de nous apprendre à croire à nouveau.

Bien sûr, l'ordination des femmes est une question importante. Je suis très reconnaissante envers les biblistes et les théologiens qui examinent de près les arguments bibliques (récemment, en anglais, Beth Allison Barr et William Witt ont écrits d'excellents livres sur le sujet). Nous avons besoin de ces discussions. Et je continuerai à y prendre part.

Mais sur internet et dans l'Église cette question est régulièrement montée en épingle, souvent de manière abstraite. Pour nous qui sommes dans le ministère, le travail que nous faisons s’enracine dans le concret : la vie d’hommes et de femmes en chair et en os que nous aimons et servons. Alors que le sujet surgit rarement dans le contact avec les paroissiens qui ont besoin d’aide, nombreux sont ceux, à travers le monde, qui veulent sans cesse revenir sur la question. Je ne connais pas de femme pasteur ou prêtresse qui ne se soit jamais assise un jour à côté d’un passager d’un avion, d’un train ou d’un bus qui, découvrant qu'elle est une femme prédicatrice, ressente soudainement un élan de zèle justicier l’incitant à se lancer dans une interminable leçon sur l’erreur que constituerait l’ordination des femmes.

Mais pendant qu’une moitié de l’Église essaie de nous convaincre de quitter notre fonction, l'autre moitié veut nous encourager à nous faire les pourfendeuses du patriarcat.

Très tôt après mon ordination, lorsque, entre deux réunions, je faisais un saut dans le café branché du coin et que je portais toujours le col blanc distinctif du clergé, je voyais des pouces approbateurs levés et des hochements de tête enthousiastes de la part des clients qui voulaient m’encourager. J'ai apprécié ces réactions. Vraiment. Mais je savais qu'ils me voyaient comme un symbole du féminisme triomphant, pas comme une prédicatrice de l'Évangile. De plus, une femme comme moi veut parfois juste pouvoir prendre un café et lire un livre sans être harponnée au passage comme une « proie » théologique. Je suis un test de Rorschach. Je suis une représentation de quelque chose, que je le veuille ou non. (C'est précisément pour cette raison que je ne porte pas souvent mon col blanc en public.)

Mon existence même est gênante pour certains et encourageante pour d'autres. Et presque tout le monde fait toutes sortes de conjectures sur ce que je crois ou ne crois pas à propos de la Bible, du genre et de Jésus.

S’ajoute une complexité supplémentaire pour celles d'entre nous qui sont prêtes à collaborer et même à apprendre des complémentariens. Nous aimons l'Église et les Écritures et ne voulons pas les « réduire en cendres ». Certains progressistes nous voient comme « fraternisant avec l'ennemi ». Pourtant, nous ne cadrons jamais avec les cercles complémentariens. Nous finissons donc par nous sentir marginalisées dans la conversation, ballotées entre les des deux côtés d'une Église gravement polarisée, où l’Évangile passe souvent au second plan derrière les débats du jour.

Dans ma propre dénomination, mes consœurs membres du clergé ont servi d’exutoires de bien des façons, malgré elles. Elles servent leurs églises. Elles se soumettent chacune à leur évêque. Et elles doivent souvent composer avec les critiques à tout propos, allant de leur voix à leur théologie, d’une manière que les hommes ne connaissent pas. Et pourtant, elles continuent d'être pasteurs. Car c'est ce qu'elles sont : pasteurs, bergers, mères, servantes.

Hier, une jeune femme dans le ministère s'assoit sur mon canapé et me dit : « Je fais ça pour rendre les gens libres ». Parce que, ce qui nous attire dans le ministère, c'est Jésus et sa mission. Nous ne sommes pas motivées par le féminisme de la deuxième vague ou par « les impulsions provoquées par la théologie de la libération », comme l'a affirmé Al Mohler dans sa récente réponse aux nouvelles de Saddleback. Nous voulons servir l'Église avec les dons que Dieu a donnés.

En tant que femme prêtre, je me sens souvent comme un observateur involontaire dans une guerre des cultures que je trouve franchement ennuyeuse. Ce qui m'intéresse dans le ministère, ce n'est pas de convaincre quiconque que je suis digne d'un poste particulier. Ce qui est intéressant dans le ministère, c'est de participer à l'œuvre de Jésus dans l'Église.

En fin de compte, l'œuvre de Christ lui-même est la seule chose qui rende l'ordination des femmes un tant soit peu convaincante. La moisson est abondante, les ouvriers peu nombreux. Oui, nous devons chercher à être fidèles à l'Écriture. Oui, ces discussions sur l'ordination des femmes sont nécessaires. Mais inutile de passer la plupart de notre temps ou de notre énergie à discuter de la manière dont les femmes travaillent sur le terrain. Nos yeux doivent être fixés sur l'Évangile. Nous continuerons à faire le dur travail du ministère parce que nous cherchons à suivre le Seigneur de la moisson lui-même.

Tish Harrison Warren est prêtresse de l'Église anglicane d'Amérique du Nord et auteure de Liturgy of the Ordinary (traduit en français sous le titre de Liturgie de la vie ordinaire) et Prayer in the Night (IVP, 2021).

Traduit par Philippe Kaminski

Révisé par Léo Lehmann

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Books

La pensée évangélique sur la Trinité est souvent étonnamment révisionniste

Le théologien Matthew Barrett déplore un éloignement par rapport à une compréhension orthodoxe de Dieu : Père, Fils et Esprit.

Christianity Today June 11, 2021
Illustration by Rick Szuecs / Source image: Envato

En général, les chrétiens évangéliques américains ont une conception conservatrice des Écritures et de la morale. Toutefois, s’agissant de leurs affirmations les plus fondamentales sur Dieu, le théologien Matthew Barrett constate qu'elles sont souvent remarquablement révisionnistes.

Barrett, professeur au Séminaire Théologique Baptiste du Midwest et rédacteur en chef du magazine Credo, est l'auteur de Simply Trinity : The Unmanipulated Father, Son, and Spirit (« La Trinité tout simplement : le Père, le Fils et l’Esprit non-manipulés »). Ce livre, qui fait suite à un ouvrage de 2019 intitulé None Greater : The Undomesticated Attributes of God (« Nul n’est plus grand : les attributs non domestiqués de Dieu »), fait deux choses. Premièrement, il montre comment une bonne partie de la théologie évangélique sur la Trinité s'est éloignée de la tradition chrétienne classique. Ensuite, il recrute une équipe de choc d’enseignants issus de cette tradition pour ramener les lecteurs au bon port de l'orthodoxie biblique. Le ton est accessible, mais la matière est profonde.

Comment le protestantisme évangélique a-t-il fait fausse route dans sa compréhension de la Trinité ? Barrett couvre un large éventail, mais il se concentre sur le développement, dans la théologie récente, de ce qu'il appelle le « trinitarisme social » (social trinitarianism). Les partisans de cette approche, qui constitue davantage une position partagée qu'une école monolithique, ont tendance à concevoir l'unicité de Dieu comme une communauté de personnes. Barrett présente certaines des figures majeures de ce courant, notamment des théologiens libéraux comme Jürgen Moltmann et Leonardo Boff et leurs homologues conservateurs américains tels que Wayne Grudem et Bruce Ware.

La particularité du trinitarisme social est sa volonté de se servir des relations entre les personnes de la Trinité comme modèle pour divers projets sociaux. Pour des libéraux comme Moltmann et Boff, cela peut impliquer d’invoquer le statut égal du Père, du Fils et de l'Esprit pour promouvoir une vision égalitaire de la société. Des conservateurs comme Grudem et Ware mettent parfois avant des supposées hiérarchies au sein de la Trinité – notamment ce qu'ils appellent la « soumission éternelle » du Fils au Père – pour justifier leur vision complémentarienne de l'homme et de la femme. (De nombreux complémentariens ne sont pas d'accord. Liam Goligher, pasteur presbytérien, a tiré la sonnette d'alarme il y a plusieurs années dans un article de blog viral accusant Grudem et Ware de saper l'unité qui existe entre le Père, le Fils et l'Esprit). Simply Trinity propose une analyse approfondie de la manière dont les tendances révisionnistes de la théologie trinitaire se sont installées dans le monde a priori conservateur de l'évangélisme américain.

Comment revenir en arrière ? Dans la deuxième partie de son livre, Barrett renoue avec les enseignements trinitaires classiques, abordant la relation entre l'éternité et l'histoire tout en affirmant l'unicité et la simplicité de Dieu. Les doctrines qu'il aborde – la « génération éternelle » du Fils, la « procession éternelle » de l'Esprit et les « opérations inséparables » du Dieu trinitaire – peuvent sembler plutôt sophistiquées, mais Barrett les explique avec simplicité et clarté.

Au milieu de ces chapitres, Barrett consacre également un chapitre entier à examiner l'affirmation de Grudem, Ware et d’autres selon laquelle le Fils est « éternellement subordonné » au Père. Il montre à juste titre que les rapports d’origine entre le Père, le Fils et l'Esprit affectent profondément notre compréhension du salut.

Le livre n'est pas parfait. Barrett ne va pas toujours assez loin dans l'analyse des causes profondes du révisionnisme actuel ou des mérites des conceptions chrétiennes classiques de la Trinité. Il ne parvient pas non plus à situer le travail de réflexion trinitaire dans le cadre de questions plus larges de formation spirituelle chrétienne, ce qui limite l'intérêt du livre à des problématiques de débat intellectuel et d'interprétation biblique.

Cela ne correspond pas tout à fait à la méthode de la pensée chrétienne classique. Prenez par exemple Grégoire de Nazianze, père de l'Église du quatrième siècle. Dans ses Discours théologiques, il aborde certes des passages de la Bible concernant le Père, le Fils et l'Esprit, mais seulement après avoir réfléchi à la préparation spirituelle nécessaire à une discussion trinitaire.

Dans ses Confessions, Augustin démontre que Dieu, tel qu'il est caractérisé par l'Écriture, n'est pas un personnage comme les autres. Mais les trinitarismes sociaux, de gauche ou de droite, ont tendance à commettre l'erreur d'établir de fausses analogies entre Dieu et d’autres personnes. Si nous ne faisons pas face à cette maladie fondamentale, nous continuerons de voir apparaître de temps en temps les symptômes de l’erreur théologique.

Quoi qu’il en soit, Simply Trinity parvient dans une large mesure à identifier certaines de ces tendances néfastes et à les écarter. Pour quiconque a lu des articles de blog déconcertants sur la Trinité ces dernières années, ce livre vous aidera à retrouver vos repères théologiques. Et pour quiconque cherche à redécouvrir les richesses de l'adoration d'un Dieu unique en trois personnes, Barrett se révélera un guide plus que compétent.

Michael Allen est professeur de théologie systématique John Dyer Trimble au Séminaire théologique réformé d'Orlando, en Floride. Il est co-éditeur du Oxford Handbook of Reformed Theology.

Traduit par Simon Fournier

Révisé par Léo Lehmann

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Notre attirance pour les idoles reste la même, même si les noms changent

Comment les cultes idolâtres d’aujourd’hui ressemble à ceux de l’Ancien Testament.

Christianity Today June 11, 2021
Illustration by Rick Szuecs / Source images: Tuned_In / Getty / Envato Elements

En tant que chrétiens aujourd’hui, il pourrait être tentant de considérer l'idolâtrie comme une relique d’un antique passé. Qui, après tout, se prosterne encore devant des statues de veaux d'or ou vénère des images de Nabuchodonosor ? Dans son livre “Here Are Your Gods” : Faithful Discipleship in Idolatrous Times (« Voici tes dieux : disciple fidèle en des temps idolâtres »), Christopher J. H. Wright, spécialiste de la Bible et directeur international de Langham Partnership, démontre que l'idolâtrie est toujours bien vivante, même si elle opère souvent à l’insu de notre conscience. Christopher Reese, auteur indépendant et éditeur de The Worldview Bulletin, s'est entretenu avec Wright à propos de l'idolâtrie dans l'Ancien Testament et de la manière de résister à son attrait aujourd'hui encore.

Comment les auteurs des Écritures comprenaient-ils les dieux païens et les idoles ? Croyaient-ils à l'existence d'autres divinités ?

En un sens, la réponse est clairement non. Comparés à Yahvé, le seul Dieu vrai et vivant, tous les autres soi-disant dieux ne sont en fait que des « non-dieux ». Tel est l'enseignement clair d'Ésaïe 40-55 et de certains psaumes. Et pourtant, pour tous ceux qui les adoraient (que ce soient les païens ou les Israélites eux-mêmes), ces autres « dieux » avaient manifestement un impact sur toutes les sphères de la vie individuelle, sociale, économique et politique. Alors oui, ils existent, mais pas en tant que Dieu, seulement en tant que constructions humaines auxquelles les gens attribuent pouvoir et autorité.

Vous faites remonter toute l'idolâtrie humaine aux événements de Genèse 3. Pouvez-vous développer ce lien ?

Genèse 3 dépeint un moment dans lequel les êtres humains choisissent de ne pas faire confiance en la bonté de Dieu, de ne pas croire ses avertissements et de ne pas obéir à ses instructions, préférant définir par eux-mêmes ce qui est bon ou mauvais. Ayant ainsi détrôné Dieu, ils se retrouvent à se soumettre à des entités, qu’elles soient matérielles ou spirituelles, appartenant à l'ordre de la création – ou alors ils affirment leur propre autonomie morale.

Et tout cela se termine dans les larmes, comme Paul le met en évidence dans Romains 1. Le désordre personnel et sociétal qu'il décrit n'est pas tant le jugement direct de Dieu sur notre péché que les symptômes d’un jugement divin déjà à l'œuvre dans un monde où il nous laisse nous abandonner aux idoles que nous avons choisies. Pour Paul, tout le péché de l’être humain et tous les désordres de la création découlent de cette erreur fondamentale.

Les tentations en matière d’idolâtrie auxquelles le peuple de Dieu était confronté dans l'Ancien Testament sont-elles les mêmes que celles que les chrétiens rencontrent aujourd'hui ?

Nous donnons évidemment des noms différents aux idoles. Mais si vous analysez le culte de Baal dans l'Ancien Testament, les comparaisons ne sont pas difficiles à faire émerger.

Baal était le dieu de la fertilité, à la fois pour les femmes et pour la terre elle-même, fertilité dont dépendaient la richesse et l'importance sociale de chacun. Et le culte de Baal en Palestine impliquait une prostitution ritualisée pour assurer cette fertilité. Cette prostitution conduisait évidemment aussi à la naissance de bébés, mais on pouvait très bien les sacrifier à la divinité pour en tirer un avantage supplémentaire. La sacralisation du sexe et le sacrifice des bébés ont créé une civilisation si débauchée que Dieu en est venu à « vomir » ses habitants (Lv 18.25). Ces péchés sont encore très présents dans notre culture aujourd'hui, même s'ils tendent à s’exprimer sous des formes différentes.

Baal était aussi le dieu des affaires, du genre qu'un roi cupide comme Achab, et sa femme Jézabel, adoratrice de Baal, pouvaient invoquer pour contourner à leur profit les lois foncières qui protégeaient les petits paysans du royaume d’Israël. Il est difficile de ne pas faire un parallèle entre leur exemple d'accaparement des terres et, aujourd’hui, une idolâtrie de la cupidité et de l'accumulation excessive de richesses, conduisant à des inégalités croissantes et à la dépossession des pauvres.

L'Ancien Testament met en lumière les idolâtries de la cupidité, de la sexualité, de l’arrogance et des abus de pouvoir politiques et économiques. Beaucoup de ces idoles se sont reproduites jusqu'à notre époque. À partir de l’époque des Juges, les auteurs de l’Ancien Testament mettent en évidence les conséquences de l'idolâtrie dans une douloureuse répétition, comme si Dieu disait : « n'avez-vous pas encore compris le message ? ».

Y a-t-il des idoles que les évangéliques sont particulièrement enclins à embrasser ?

L'idolâtrie implique souvent la perversion de choses bonnes en elles-mêmes, comme la famille, le travail, la beauté ou le sexe. Il y a ainsi beaucoup de bonnes choses dans l'histoire et l'identité évangéliques qui peuvent facilement prendre un tour négatif. Prenez, par exemple, l’importance accordée à la conscience individuelle. Luther avait raison de défendre le droit de l'individu à s'en tenir à sa propre compréhension des Écritures, même si elle allait à l’encontre la tradition de l'Église. Mais cela peut facilement dégénérer pour produire l’espèce de tribalisme confessionnel qui a gangréné le protestantisme, ou conduire à une forme d’« individualisme sauvage » qui rejette toute autorité légitime.

Prenons aussi l’exemple de l'autorité de la Bible. Cette notion est essentielle pour la Réforme et il nous faut encore l'affirmer. Mais on dérive facilement de là vers une idolâtrie de mon interprétation de la Bible (ou de celle de ma dénomination, du leader de mon Église ou de mon blogueur préféré). La Bible elle-même peut être utilisée comme une arme au service d'idées qui vont à l'encontre du message qu'elle transmet.

Considérons également l'importance de la saine doctrine. Nous devons bien sûr défendre la vérité de l’Évangile contre de faux enseignements. Mais les systèmes doctrinaux peuvent devenir des marqueurs d’entre-soi ou des slogans idolâtres. Même la vérité peut être utilisée comme un paravent devant un comportement déviant et idolâtre, comme lorsque les habitants de Jérusalem continuaient à invoquer « le temple du Seigneur », croyant que leur invocation les protégerait des invasions étrangères malgré l’ampleur de leurs comportements injustes (Jr 7). Il est malheureusement courant pour certains évangéliques de se réclamer de la saine doctrine tout en menant des vies non conformes à celles de Christ.

Vous affirmez que de nombreuses nations occidentales seront probablement confrontées au jugement de Dieu en raison de leur passé de violence, de la croissance de la pauvreté, des inégalités flagrantes et d'autres transgressions. Devrions-nous également reconnaître à l'Occident ses contributions positives, comme l'État de droit, les droits de l'homme, la liberté de conscience et la mobilité sociale ?

Nous devrions certainement remercier Dieu pour tout ce que vous mentionnez. Mais le mérite en revient-il à « l'Occident » en tant que tel ? Dans un sens, oui, car nombre de ces réalisations ont été accomplies au cours des siècles par l'essor et l'expansion mondiale des peuples européens. Mais le précurseur de cette évolution a été l'imprégnation constante du continent par la foi chrétienne – pas toujours dans sa forme la plus pure – qui a alimenté le développement de ces idéaux positifs. L'ironie est que de nombreux occidentaux critiquent aujourd'hui vigoureusement le christianisme sur la base de ces mêmes idéaux, sans réaliser qu’ils ont émergé d'une vision du monde spécifiquement chrétienne.

En fin de compte, cette double liste n'est guère surprenante. Tous les hommes sont à la fois porteurs de l'image de Dieu et pécheurs déchus. Toutes les cultures reflètent la même dualité. Chaque grande civilisation peut mettre à son actif de grandes réalisations qui témoignent de la valeur de la créativité humaine, enracinée dans notre Dieu créateur. Mais elles portent aussi en elles les empreintes de Satan et de la rébellion humaine.

Vous parlez de prier à la fois pour les dirigeants politiques et contre eux. Quels sont les principes qui vous guident pour décider de votre manière de prier ?

Le fondement du premier type de prière est le commandement de Paul, dans 1 Timothée 2.1-4, de prier pour ceux qui sont en position d’autorité. Les dirigeants politiques sont des êtres humains, des pécheurs comme nous tous. Nous souhaitons leur salut autant que celui de n'importe qui d'autre (v. 4). Et que cela se produise ou non selon la providence de Dieu, nous souhaitons qu'ils gouvernent de manière à favoriser une société stable dans laquelle les chrétiens peuvent vivre en paix (v. 2).

Les fondements du second type de prière sont posés tout au long des Psaumes et des livres des prophètes. Lorsque les prophètes voyaient des personnes politiquement, économiquement ou religieusement puissantes agir de manière injuste, corrompue ou excessivement violente, ils priaient et s'exprimaient pour protester. Ils voyaient les gouvernements adopter des lois qui augmentaient la pauvreté (És 10.1-2). Ils voyaient des tribunaux remplis de juges véreux (Am 5.10, 12). Ils voyaient des prêtres et des prophètes qui n'exerçaient aucun contrôle moral sur des dirigeants adonnés au mal (Jr 6.13-15 ; Ez 22.26-29). Ils voyaient les riches exploiter et piétiner les pauvres (Am 2.6-7 ; Mi 3.1-3). Et ils suppliaient Dieu de réfréner de tels maux, au nom de sa divine justice.

Lorsque nous sommes face à de mauvais dirigeants, nous prions pour leur repentance et leur salut, mais également contre leur politique et leurs pratiques injustes. La Bible nous encourage clairement à l’un comme à l’autre.

Traduit par Denis Schultz

Révisé par Léo Lehmann

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3 moyens d’éviter les décrochages de l’étude biblique

Comment encourager l’engagement de ceux que nous conduisons dans l’étude des Écritures.

Christianity Today June 4, 2021
Shutterstock

Durant l'été, des Églises du monde entier évaluent quels programmes d'étude biblique proposer à l'automne. Dans la frénésie qui caractérise nos modes de vies, les Églises sont confrontées à cette question : qu’est-ce qui incite les gens à s’engager fidèlement à participer à une étude biblique une fois par semaine ? Alors que beaucoup commencent, peu persévèrent jusqu'au bout.

La première fois qu’un éditeur s’est intéressé aux études bibliques que je prépare, il m’a dit qu'il faudrait que je les raccourcisse pour passer d'un programme de 11 semaines à 6 semaines. Les femmes ne seraient pas prêtes à s’engager aussi longtemps, m’avait-on dit. Et elles ne feraient pas non plus les exercices proposés à moins que ceux-ci ne soient simplifiés.

Je savais que ce n’était pas le cas. Chaque semaine, je voyais les femmes participer en grand nombre aux cours que je dirigeais. Je n’étais pas un célèbre conducteur d'étude biblique. Mon approche n’avait rien de particulièrement sophistiqué ou raffiné : nous faisions simplement une étude du texte ligne par ligne.

Certaines semaines où la qualité de mon enseignement me semblait inférieure à la moyenne, je me suis demandé pourquoi les femmes continuaient de venir. Mais après avoir dirigé des études bibliques pendant près de 20 ans, j’ai réalisé qu’il n’était pas nécessaire d'abaisser la barre pour attirer les participants. En fait, c'est le contraire qui est vrai : les gens s’engagent davantage dans des études qui exigent plus d'eux que le simple fait d’être présent.

Dans un contexte où l'on privilégie souvent les thèmes accrocheurs et les approches culturellement adaptées pour l’enseignement de la Bible, les éléments intemporels qui nourrissent réellement des études bibliques durables semblent si peu créatifs qu’ils sont souvent négligés : la structure, la redevabilité et la constance.

Ces éléments suscitent l’engagement bien plus que les facteurs que nous présumons parfois cruciaux pour réussir : un enseignement exceptionnel et un contenu solide. J’ai vu des groupes se réunir avec constance pendant des années pour discuter d’un contenu moyen voire médiocre, simplement parce que ces trois autres composantes étaient présentes. Mais si l'on a de surcroît un enseignant compétent et un bon contenu, ces éléments créent un cadre dans lequel les gens sont prêts à s’engager et où des disciples accomplis peuvent être formés.

1. La structure

La formation de disciples est plus efficace quand le responsable établit un objectif clair. Des réunions non structurées risquent de se transformer en un échange sans fin d’opinions ou de demandes de prière, ce qui fait baisser l'assiduité au fur et à mesure que la fatigue de ce « partage » s’installe. Les études bien structurées s'appuient sur un schéma qui délimite les temps d'enseignement, de discussion, de louange et de prière. Elles utilisent un programme qui suit une certaine formule, ce qui permet aux personnes d’intégrer les compétences nécessaires à l'étude. Les participants gagnent ainsi en assurance que leur investissement aura une valeur à long terme.

2. La redevabilité

La formation de disciples est plus efficace quand le participant répond à une attente claire. Lorsque nous plaçons la barre plus haut pour nos étudiants, nous devons aussi mettre en place des mécanismes leur permettant de rendre des comptes pour les aider à atteindre cet objectif plus élevé. Nous ne sommes pas des maîtres d’école qui motivent avec des bonnes notes ou des blâmes. Nous ne vérifions pas les cahiers d'exercices et nous n'interdisons pas la participation si les devoirs ne sont pas faits. Mais nos rencontres et notre enseignement présupposent que nos étudiants viennent préparés. Nous les encourageons à accomplir les devoirs proposés, et nous les contactons s’ils sont absents. La sensation d'anonymat favorise l’apathie. Les participants qui se sentent vus et entendus sont plus susceptibles de faire leurs devoirs et d’être assidus dans leur participation.

3. La constance

La formation de disciples est plus efficace quand le responsable se conforme à une attente claire. Nous construisons la confiance avec nos étudiants lorsque nous respectons notre part du travail. Le simple fait d'être constant en fixant les mêmes intervalles de dates chaque année, en commençant et en terminant à l’heure chaque semaine, et en s’assurant que le temps est utilisé comme prévu, écarte l’incertitude pour les participants et leur permet de rester engagés. Un enseignement cohérent fondé sur une préparation solide gagne également leur confiance. En faisant ce que nous avions dit que nous ferions, quand et comme nous avions dit que nous le ferions, nous établissons la crédibilité de notre ministère sur le long terme.

Les notions de ministère « organique » ou « de terrain » peuvent sembler attrayantes – et bien fonctionner dans certains contextes de service – mais ces termes génèrent aussi un sentiment d’incertitude qui entrave l’établissement d’environnements d’apprentissage durables. La structure, la redevabilité et la constance permettent d'élever la barre de l’enseignement et d'accroître la participation.

Tous ceux qui parviennent à capter une part de notre temps offrent ces trois facteurs. Le coach particulier, l’entraîneur de sport, l'association des parents d'élèves et même le marché fermier local les utilisent pour obtenir notre adhésion et maintenir notre engagement sur des périodes de temps importantes.

En utilisant fidèlement ces éléments, les Églises communiquent qu'elles aussi honorent le temps que les personnes leur consacrent. Nous posons ainsi les bases d'une culture d’apprentissage en profondeur.

Jen Wilkin est une épouse, une mère et une enseignante de la Bible. Elle est l’auteure de Women of the Word et None Like Him.

Traduit par Valérie Marie-Agnès Dörrzapf

Révisé par Léo Lehmann

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Les privilèges politiques nuisent au christianisme

Notre analyse de 166 nations suggère que la plus grande menace à la vitalité chrétienne n’est pas la persécution, la richesse, le niveau d’éducation ou le pluralisme. C’est le soutien de l’État.

Christianity Today June 2, 2021
Illustration de Rick Szuecs / Images sources : NurPhoto / Contributeur / Getty / Ross Sokolovski / Eva Dang / Unsplash / Artdesigner Geno / Luis Quintero / Pexels

Pourquoi le christianisme se développe dans certains pays mais décline dans d'autres?

Pendant une grande partie du 20e siècle, les experts en sciences sociales ont répondu à cette question en faisant appel à ce qu’il est convenu d’appeler la thèse de la sécularisation : théorie selon laquelle la science, la technologie et l’éducation conduiraient à la diminution de l’influence du christianisme dans la société.

Plus récemment, certains chercheurs ont suggéré que la cause était plutôt l'accumulation de richesses. On estime là que la prospérité croissante épargne à l’̂être humain la nécessité de se tourner vers une puissance supérieure pour subvenir à ses besoins quotidiens. En d'autres termes, il existerait un lien direct entre richesse et athéisme.

Dans une étude évaluée par nos pairs et publiée ce mois-ci dans la revue Sociology of Religion, mon co-auteur et moi remettons en cause la sagesse apparente selon laquelle l'éducation et la richesse annoncent la fin du christianisme.

Dans notre analyse statistique d'un échantillon de 166 pays de 2010 à 2020, nous constatons que le facteur le plus déterminant pour la vitalité chrétienne est l’ampleur du soutien officiel que les gouvernements accordent au christianisme à travers leurs lois et leurs politiques, mais pas de la façon à laquelle les croyants pourraient s'attendre.

À mesure que le soutien gouvernemental en faveur du christianisme s’accroit, le nombre de chrétiens diminue considérablement. Cette relation est significative même si l'on tient compte d'autres facteurs qui pourraient expliquer les taux de croissance du nombre de chrétiens, en considérant les courbes démographiques globales, par exemple.

Notre méthodologie et les données collectées ne peuvent pas rendre compte d’un facteur très important pour les chrétiens : l’œuvre du Saint-Esprit. Cependant, nos nombreux tests statistiques sur les données disponibles mettent en évidence que la relation entre le soutien de l’État au christianisme et le déclin de la présence chrétienne est bien de l’ordre de la causalité et non de la simple corrélation.

Notre étude relève trois paradoxes ayant trait à la vitalité du christianisme : le paradoxe du pluralisme, le paradoxe des privilèges et le paradoxe de la persécution.

1. Le paradoxe du pluralisme

De nombreux chrétiens croient que la meilleure façon pour le christianisme de prospérer est d'exclure toutes les autres religions. Ironiquement cependant, le christianisme est souvent plus vigoureux dans les pays où il doit se mesurer à armes égales aux autres religions.

La meilleure explication de ce phénomène peut être déduite de La richesse des nations, l'œuvre la plus importante d'Adam Smith. Le célèbre économiste estimait que, tout comme l’économie de marché stimule la compétition, l'innovation et le dynamisme dans les entreprises en les forçant à la concurrence en vue de gagner des parts de marché, un marché religieux non réglementé aurait le même effet sur les institutions religieuses.

Tout comme le fer aiguise le fer, l’adversité affûte la foi. Les différents contextes dans lesquels s’exprime le pluralisme religieux poussent les chrétiens à rechercher les meilleurs arguments pour promouvoir leur foi. Il en va de même pour les autres religions. Cela oblige les chrétiens à approfondir leur connaissance de ce qu’ils croient et à le défendre sur le marché des idées.

Notre étude montre que, plus l'engagement d'un pays pour le pluralisme s’intensifie, plus le nombre de chrétiens augmente. Sept des dix pays qui ont une croissance la plus rapide en nombre de chrétiens n’accordent qu’un faible soutien officiel au christianisme, voire aucun. Paradoxalement, le christianisme fait mieux quand il doit se débrouiller seul.

Les 10 pays où la population chrétienne croît le plus rapidement


(En gras : soutien au christianisme faible ou inexistant)

1) Tanzanie

2) Malawi


3) Zambie

4) Ouganda
5) Rwanda
6) Madagascar
7) Libéria


8) Kenya

9) Congo RDC
10) Angola

Le paradoxe du pluralisme s’observe dans les deux régions du monde où le christianisme croît le plus rapidement 1 : l'Asie et l'Afrique.

La plus forte expansion du christianisme au cours du siècle dernier a eu lieu en Asie où la foi a progressé deux fois plus vite que la population globale. La croissance explosive du christianisme dans cette partie du monde est encore plus remarquable lorsqu’on considère que cette région n’a qu'un seul pays à majorité chrétienne : les Philippines.

Comment expliquer ce paradoxe? Contrairement à l'Europe, le christianisme dans les pays asiatiques n'était pas en position de recevoir un traitement de faveur de l'État et cette réalité a entrainé une croissance chrétienne incroyable. La foi chrétienne a en fait bénéficié du fait de ne pas être rattachée institutionnellement à l'État, fait qui a favorisé sa croissance et sa vitalité.

Considérons le cas de la Corée du Sud. En un siècle, ce pays dont le christianisme était pratiquement absent est devenu l’un de ses plus grands exportateurs. La Corée du Sud est actuellement le deuxième pays au monde en termes d’envoi de missionnaires, juste après les États-Unis.

Cet exemple illustre bien le paradoxe du pluralisme. Parce que la Corée du Sud n'est pas un État chrétien, le christianisme n’entretient aucune relation privilégiée avec celui-ci. Dans les faits, le christianisme en Corée a enduré la persécution brutale sous l’administration coloniale japonaise qui a imposé la fermeture des églises et la confiscation de leurs biens. L'Église a survécu à travers la pauvreté, la guerre, la dictature et les crises nationales de l'histoire coréenne.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, le christianisme coréen s'est développé de manière exponentielle. Des dizaines de milliers d'églises ont été bâties et des séminaires ont diplômé des milliers de personnes chaque année. Aujourd'hui, environ un tiers du pays est chrétien.

L'Afrique est l'autre région du monde où le christianisme a connu une croissance à couper le souffle, en particulier au cours des dernières décennies. Aujourd'hui, il y a près de 700 millions de chrétiens en Afrique, ce qui en fait le continent le plus christianisé au monde en termes de population. En effet, les 10 pays mentionnés plus haut pour la croissance de leur population chrétienne la plus rapide au monde, de 2010 à 2020, sont tous situés en Afrique subsaharienne.

Le christianisme a fait des progrès en Afrique non parce qu'il bénéficie d'une relation privilégiée avec l'État, mais parce qu'il doit se confronter à d’autres courants religieux en œuvrant sur un pied d’égalité sur le terrain. Parmi les pays qui ont vu le christianisme croître si remarquablement, un seul, la Tanzanie, soutient officiellement la religion à un niveau qui se situe dans la moyenne mondiale. Dans les autres cas (y compris le Kenya et la Zambie classés parmi les soutiens « modérés »), le niveau de soutien au christianisme était inférieur – et souvent largement – à la moyenne mondiale.

En bref, le christianisme, en Afrique comme en Asie, est en plein essor non parce qu'il est soutenu par l'État, mais parce qu'il ne l'est pas.

2. Le paradoxe des privilèges

Neuf des 10 pays dont la population chrétienne baisse le plus rapidement dans le monde montrent des niveaux de soutien officiel au christianisme allant de modéré à élevé. Tandis que la concurrence entre les religions stimule la vitalité chrétienne, le favoritisme de la part de l’État l’étouffe involontairement.

Les 10 pays où la population chrétienne décroît le plus rapidement


(En gras : soutien au christianisme modéré ou élevé)

1) République tchèque
2) Bulgarie
3) Lettonie
4) Estonie


5) Albanie

6) Moldavie
7) Serbie
8) Allemagne
9) Lituanie
10) Hongrie

Lorsque les chrétiens perçoivent une menace émanant des minorités religieuses, ils leur arrive de se tourner vers l'État pour qu’il leur procure un avantage sur les religions concurrentes. De tels avantages peuvent être un financement par l'État de buts religieux, un accès privilégié aux institutions de l'État ou encore des exemptions à la réglementation imposée aux minorités religieuses. Paradoxalement, d’après nos observations, quand l’État se montre bon prince à l’égard du christianisme de cette manière, l'Église n’est en fin de compte pas vraiment aidée.

Les chrétiens qui tentent de s’attirer les bonnes grâces de l'État perdent de vue leur mission parce qu’en s’accrochant à leurs privilèges, ils sont absorbés par les affaires du monde plutôt que par les affaires de Dieu.

Oui, les Églises dans un tel contexte peuvent user de leur position privilégiée pour exercer une influence sur le reste de la société. Toutefois, cela se traduit davantage en termes de rituels et de symboles – la religion civile – qu’en termes de ferveur spirituelle. Pour cette raison, les Églises soutenues par l'État se vident souvent de la substance spirituelle si précieuse pour ceux qui pratiquent la foi, conduisant fidèles à partir.

Fait intéressant, certaines recherches suggèrent même que les missionnaires des Églises soutenues par l'État sont moins efficaces que les missionnaires des Églises indépendantes de l'État.

Les spécialistes des religions ont longtemps noté que les tendances à la sécularisation semblent plus fortes dans les pays occidentaux, en particulier en Europe, où l'Église, depuis des siècles, a joué un rôle majeur dans la vie des peuples. De nombreux sondages ont illustré les niveaux relativement faibles de croyance religieuse et de fréquentation des offices religieux dans cette partie du monde.

Que l'Europe soit la région la plus sécularisée du monde – et aussi la plus riche – a amené beaucoup à postuler qu’une relation de causalité lie la richesse et le déclin du christianisme.

Notre étude affirme plutôt que la sécularisation de l'Europe découle essentiellement du soutien généralisé accordé par l'État à la chrétienté.

Au Royaume-Uni, par exemple, la loi a établi l'Église d'Angleterre comme Église d'État et le christianisme comme religion d'État, octroyant des privilèges dont sont exclus les minorités religieuses. Le déclin du christianisme s'est également opéré dans les pays protestants de la Scandinavie, où les relations État-Église ont été marquées par les privilèges (y compris les subventions publiques dans le passé). Pour exemple, l'Église de Suède a joui jusqu’en 2000 d’une relation étroite avec l’État, le roi de Suède étant considéré comme le chef de l’Église et le gouvernement nommant les évêques.

Un schéma similaire est observable dans les États à majorité catholique. Pour une grande partie du 20e siècle, des pays tels que le Portugal, l'Espagne, la Belgique et l'Italie ont fortement soutenu l'Église catholique romaine et ont activement discriminé les non-catholiques dans les domaines du droit de la famille, de la télédiffusion religieuse, de la politique fiscale et de l'éducation. Bien que l’exception catholique de ces pays ait diminué dans de nombreuses régions d'Europe, la marge de manœuvre dans l’espace publique reste fortement inégale, notamment s’agissant des obstacles à franchir pour tout nouveau mouvement religieux souhaitant s’y insérer.

La relation entre privilège politique et déclin de la chrétienté est la plus forte dans les pays dominés par le christianisme orthodoxe oriental. La Russie a par exemple étendu de nombreux privilèges accordés à l'Église orthodoxe russe – tels que le financement de lieux saints, l'accès aux institutions d'État et l'autonomie dans la gestion de ses affaires – tout en imposant des restrictions à tous les concurrents de cette Église orthodoxe, y compris la non-délivrance de visa au clergé étranger, l’expulsion des missionnaires et le retrait du droit de propriété. Les pays orthodoxes chrétiens comme la Russie sont les plus susceptibles de mêler étroitement Église et État.

Il résulte de tout cela que les Églises d'Europe qui n’ont pas à s'inquiéter d’autres mouvements religieux ne pouvant faire jeu égal avec elles sont devenues léthargiques, car dépendantes de l'État pour leur subsistance.

La fréquentation de l'Église dans ces pays reste la plus faible du monde chrétien, bien que la grande majorité des citoyens de certains de ces États conservent leur qualité de membre de l'Église officielle. Les Églises européennes officielles, tout en gardant un rôle cérémoniel important, ne jouent souvent qu’un rôle mineur dans la vie quotidienne des citoyens. Les cathédrales resplendissantes conçues pour recevoir des centaines de personnes n’accueillent généralement qu’une poignée de fidèles aux offices ordinaires du dimanche.

En somme, le christianisme en Europe n'a pas régressé faute de soutien de l'État, mais à cause de celui-ci.

3. Le paradoxe de la persécution

Au deuxième siècle, Tertullien, un des premiers pères de l'Église, arrivait à la conclusion frappante que « le sang des martyrs est semence de chrétiens ». Étonnamment, notre étude révèle que les contextes de discrimination anti-chrétienne n'ont généralement pas d'effet pour l'affaiblissement du christianisme ; dans certains cas même, la persécution raffermit l'Église.

Tout comme une saine émulation religieuse, la persécution — pour des raisons entièrement différentes — ne permet pas aux chrétiens d’être complaisants avec eux-mêmes. Bien sûr, dans certains cas, la persécution anti-chrétienne a considérablement nuit au christianisme, comme au 7e siècle en Afrique du Nord, dans le Japon du 17e siècle, en Albanie au 20e siècle et dans l'Iraq moderne. Pourtant, dans de nombreux autres contextes de discrimination et de persécution (sauf pour les violences génocidaires), l'Église a déjoué les pronostics : non seulement elle continue d'exister, mais dans certains cas, même, elle prospère.

Dans ces environnements, les croyants se nourrissent de leur foi pour se fortifier, et cette piété attire ceux qui n’ont pas la foi.

Dans le monde entier, des centaines de millions de chrétiens vivent dans des pays où la persécution atteint des niveaux élevés. Malgré tout, le christianisme continue de prouver son extraordinaire résilience, tout comme l'Église primitive sous la férule des empereurs romains.

Aujourd'hui, le christianisme se développe rapidement dans certains pays musulmans tels que l'Iran et l'Afghanistan, où la foi subit une forte persécution. Dans son index mondial de persécution des chrétiens, l’ONG Portes Ouvertes classe l'Iran à la huitième place, avec un niveau de persécution « extrême ». Dans la république islamique d’Iran, le gouvernement interdit la conversion des musulmans, emprisonne toute personne soupçonnée de prosélytisme, arrête ceux qui fréquentent les Églises de maison clandestines ou qui impriment et distribuent de la littérature chrétienne.

Néanmoins, malgré les menaces, la pression et la coercition qui pèsent sur les chrétiens, l’Église d’Iran est devenue l'une des plus florissantes dans le monde en nombre de conversions. Bien qu'il soit difficile de déterminer exactement le nombre exact de chrétiens en Iran, sachant que la plupart gardent leur foi secrète par crainte de la persécution, on estime, selon les données d’enquêtes, qu'il pourrait y avoir jusqu'à un million de chrétiens iraniens. La croissance surprenante de la foi chrétienne en Iran inquiète passablement les décideurs politiques qui craignent que le christianisme ne sape le fondement de la république islamique.

Une histoire comparable a lieu chez le voisin oriental de l’Iran, l’Afghanistan. Portes Ouvertes le place au second rang dans l’index mondial de persécution, juste derrière la Corée du Nord. Comme en Iran, il est illégal en Afghanistan de quitter l'islam pour une autre religion et ceux qui le font risquent l'emprisonnement, les sévices et même la mort. Les chrétiens affrontent non seulement la persécution du gouvernement, mais également celle des militants islamistes qui traquent les minorités religieuses. Les communautés chrétiennes afghanes ont été malmenées par des décennies de guerre.

Il est impossible d'avancer un chiffre précis pour le nombre de chrétiens en Afghanistan. Néanmoins, les preuves disponibles indiquent que le christianisme continue de croître, soutenu par l'existence d'une Église souterraine, et ce malgré la répression très courante et intense à laquelle les chrétiens font face. Certains rapports indiquent que le christianisme s’est même infiltré parmi les élites afghanes et des membres du parlement national. Un exemple connu : Rula Ghani, première dame du pays, est une chrétienne maronite du Liban.

En dehors du monde musulman, l'expérience de la plus grande Église persécutée au monde, l’Église chinoise, reflète celle de l’Église primitive, persécutée alors qu’elle vivait une croissance exponentielle.

Au cours des trois premières décennies du régime communiste en Chine, l'Église a été soumise à une persécution sévère, particulièrement pendant la période dite de la révolution culturelle, de 1966 à 1976. Lancée par Mao Zedong, cette campagne visait à préserver le communisme en Chine, déclarant la guerre à ses ennemis désignés, y compris la religion. Des centaines de milliers de chrétiens, tant catholiques que protestants, ont péri au cours de cette période.

Pourtant, le christianisme a survécu en passant dans la clandestinité. De manière remarquable, les protestants ont même été témoins d’une croissance assez considérable jusqu’à la fin de la révolution culturelle. Sociologue des religions, Fenggang Yang note que, depuis 1950, le christianisme protestant a augmenté d'un facteur de 23. Au moins 5% de la population chinoise, avoisinant les 1,5 milliard d’individus, se rattache maintenant au christianisme.

Yang prédit que le pourcentage augmentera de manière exponentielle au cours des prochaines années, de sorte que, d'ici 2030, la Chine comptera plus de chrétiens qu’aucun autre pays. D'ici 2050, la moitié de la Chine pourrait être chrétienne.

Il est possible que les prochaines années démontrent que ces projections étaient trop optimistes, car le Parti communiste chinois poursuit sa répression massive contre les groupes religieux. Mais il est peu probable que la répression en Chine puisse freiner la croissance chrétienne.

Ainsi, c’est bien la tentation des privilèges politiques, et non la persécution, qui constitue l'obstacle le plus important au développement de la foi chrétienne.

Des leçons pour le christianisme

Ces paradoxes ont des implications importantes pour les communautés chrétiennes du monde entier.

En Europe, des politiciens et des partis politiques, en Hongrie, en Italie, en Pologne, en Slovénie, en France, en Autriche, en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suisse appellent de leurs vœux un approfondissement de la relation entre le christianisme et leur gouvernement. Certains politiciens en vue se positionnent comme défenseurs du christianisme face à une foi islamique étrangère qui menacerait l'intégrité chrétienne de leur pays.

Dans de nombreux endroits, les partis populistes de droite se sont montrés capables de regagner en force sur l’échiquier électoral, en partie grâce à des références à une « nation chrétienne ». Si de telles tendances se confirment, notre travail montre que nous pouvons nous attendre au délitement et au déclin du christianisme dans cette partie du monde.

Une histoire similaire se déroule par-delà l'Atlantique. Le christianisme aux États-Unis, et en particulier le mouvement évangélique, se situe aujourd'hui à un carrefour très dangereux.

Contrairement à certains pays européens, les États-Unis ne soutiennent officiellement aucune religion. Cela ne signifie pas pour autant que le christianisme n'a rien à voir avec l'État. En même temps que le christianisme est de plus en plus mêlé à des politiques partisanes, la pratique religieuse aux États-Unis subit un long fléchissement depuis des décennies, une tendance confirmée par un certain nombre d'études scientifiques.

Au cours des 30 dernières années, on a assisté aux États-Unis à une forte augmentation du nombre de croyants Américains sans Église, passant de 6% en 1991 à 23% aujourd'hui, même si la population américaine globale a augmenté significativement au cours de cette période. Notre travail nous incite à penser que cette baisse de l’affiliation religieuse est due en partie au fait que les chrétiens recherchent la faveur de l'État (et l’obtiennent parfois).

Les chrétiens conservateurs ont commencé à s’impliquer en politique dans les années 1970 pour lutter contre l'érosion des « valeurs chrétiennes » dans la société et de « ramener l'Amérique vers Dieu ». À cette fin, ils ont pris part aux affaires des partis politiques.

Ce genre de mariage entre religion et politique, toutefois, a également éloigné de la foi chrétienne des personnes qui l’ont vue utilisée à l’appui de politiques qu'elles n’approuvent pas. Ainsi, un christianisme politisé tend à s’adresser à un groupe d'individus de plus en plus restreint, quitte à éloigner de l'Église les tenants d’autres approches politiques.

La sacralisation de la politique laisse à penser que les États-Unis pourraient prendre le même chemin qu’ont emprunté ses homologues européens. La bonne nouvelle pour les chrétiens concernés est que, si nos recherches et notre analyse sont correctes, le courant de la sécularisation peut être inversé.

Ceci demanderait que les institutions religieuses fuient la tentation de recourir aux faveurs de l’État et ne voient pas la concurrence religieuse comme une menace à éradiquer. Une telle approche ne signifie pas du tout que les chrétiens doivent se couper de la vie publique ou déserter la politique. Il s’agit de nous mettre clairement en garde contre le risque de confondre un parti politique, une idéologie ou une nation, quels qu’ils soient, avec le Royaume de Dieu.

Nos recherches suggèrent que le meilleur moyen pour que les communautés chrétiennes exercent pleinement leur rôle de témoins de l'Évangile est de rejeter la recherche des faveurs politiques, incompatible avec les enseignements de Jésus. En faisant cela, elles attesteront qu’elles prennent au sérieux la promesse de Christ qu'aucune force ne pourra prévaloir contre son Église. Refuser tout privilège rendra les croyants plus dépendants du Saint-Esprit et plus réceptifs au message évangélique.

Nilay Saiya est professeur adjoint en politiques publiques et en affaires internationales à la Nanyang Technological University de Singapour. Il est auteur de Weapon of Peace: How Religious Liberty Combats Terrorism (Cambridge University Press, 2018 – « Une arme de paix : comment la liberté religieuse combat le terrorisme »).

Les auteurs de la rubrique « Speaking Out » de Christianity Today s’expriment en leur propre nom et leur opinion ne reflète pas nécessairement celle de la publication.

Méthodologie : Notre mesure du taux de croissance chrétienne provient du projet « L’avenir des religions dans le monde » de Pew-Templeton, tandis que notre mesure du soutien de l'État ou de la discrimination à l'égard du christianisme provient du projet « Religion et État ». Les données économiques et démographiques proviennent des indicateurs de la Banque mondiale pour le développement.

Traduit par Philippe Kaminski

Révisé par Léo Lehmann

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La liberté religieuse nous fait-elle tenter le Diable ?

Tertullien, Roger Williams et John MacArthur à propos des dangers de la liberté.

Christianity Today May 24, 2021
Illustration by Rick Szuecs / Source images: Archive Photos / Stringer / Vincent Desjardins / PXHere / Wikimedia Commons

Il y a encore peu, j'aurais été surprise de voir cette question soulevée par Christianity Today. Nous pouvons être en désaccord sur les implications de la liberté religieuse ou sur la manière dont elle devrait être conçue ou employée. Cependant, la valeur de la liberté d’exercice de la pratique religieuse est, depuis longtemps et quels que soient les clivages politiques, largement admise au sein de la sphère évangélique américaine ainsi que plus largement dans la majorité des sociétés occidentales.

Une série de commentaires récents du pasteur et théologien John MacArthur rejette pourtant cette liberté en des termes véhéments. Il y a là une volte-face personnelle de MacArthur, Mais la question qui m’importe plus directement est de savoir si cette nouvelle perspective va gagner en popularité. Le point de vue qu'il défend comporte une part de vérité, mais il rejette imprudemment des convictions chrétiennes importantes pourtant défendues de longue date.

L'été dernier les procès se sont multipliés pour contrer les restrictions exceptionnellement strictes imposées par l’état de Californie aux rassemblements cultuels en présentiel en situation de pandémie, MacArthur et son Église, la Grace Community Church (GCC) de Los Angeles, ne parlaient alors que de liberté religieuse. Dans un communiqué publié en août, Jenna Ellis, une avocate qui défend la GCC, dénonçait le fait que le comté de Los Angeles « [dérogeait clairement] au mandat constitutionnel de protéger la liberté religieuse ». MacArthur lui-même citait le premier amendement dans une interview sur Fox News. Et dans une déclaration du mois de juillet, les anciens de la GCC, bien qu'ils aient explicitement refusé d'invoquer l'argument constitutionnel, ont continué à défendre la liberté religieuse et ont affirmé que tout ordre de fermeture d'une Église était une « intrusion illégitime de l'autorité de l'État ».

Six mois plus tard, MacArthur s'opposait catégoriquement à la liberté religieuse du haut de la chaire. Son premier sermon à inclure ce thème date du 17 janvier :

« Je ne soutiens même pas la liberté religieuse. La liberté religieuse envoie les gens en enfer. Dire que je soutiens la liberté religieuse, c'est dire “Je soutiens l'idolâtrie”. C'est dire, “Je soutiens les mensonges ; je soutiens l'enfer ; je soutiens le royaume des ténèbres”. Vous ne pouvez pas dire ça. Aucun chrétien sensé ne pourrait dire : “Nous soutenons la liberté religieuse”. Nous soutenons la vérité ! »

MacArthur a poursuivi sur le même thème le 24 janvier :

« Je vous ai dit la semaine dernière que je ne crois pas, en tant que chrétien, que je puisse soutenir vigoureusement la liberté de religion, parce que ce serait violer le premier commandement, n'est-ce pas ? “N'ayez pas d'autres dieux”. Vous vous dites : “L'Église n'a-t-elle pas besoin de la liberté de religion pour aller de l'avant ?” Non. En aucun cas une loi politique n'aide ou n'entrave l'Église de Jésus-Christ. Nous sommes un royaume séparé. »

Et il est revenu sur le sujet le 28 février :

« J'ai dit que je ne pouvais pas me battre pour la liberté religieuse parce que ce serait se battre pour que Satan réussisse, parce que toutes les religions du monde, sauf la vérité du christianisme, sont des mensonges de l'enfer. Vous vous dites, “Comment cela, la liberté religieuse n'est-elle pas importante pour le christianisme ? ” Non, elle n'a aucun sens. »

Et dans un discours sur « l'état de l'Église », le 3 mars, MacArthur déclarait que défendre la liberté religieuse, c'est « combattre pour l'idolâtrie » et « chercher des alliances avec Satan ».

Je cite extensivement MacArthur ici parce qu’il y a là un terrain étrange, nouveau, pour une figure évangélique de son envergure. Depuis plusieurs années, un débat a lieu parmi les politiciens conservateurs sur la valeur de la liberté religieuse et, plus largement, du libéralisme classique. Les évangéliques qui y participent, comme l'écrivain et avocat David French, sont généralement favorables à la liberté religieuse, affirmant que, malgré tous ses défauts, elle est ce que nous avons de mieux.

Les chrétiens « n'ont pas besoin du gouvernement pour répandre l'Évangile ».

MacArthur semble à présent prendre une autre voie. Une partie de ce qu'il dit est tout à fait juste, bien sûr : le royaume de Dieu est distinct des royaumes du monde, et une législation favorable n'est pas nécessaire pour répandre l'Évangile et faire croître l'Église (bien qu'elle puisse certainement y contribuer). En tant qu'anabaptiste, je soutiens de tout cœur l'affirmation de MacArthur selon laquelle les chrétiens « n'ont pas besoin du gouvernement pour répandre l'Évangile ».

MacArthur a également raison lorsqu'il affirme avec insistance que la Bible « ne préconise pas la démocratie ». De fait, l’énorme différence entre nos modes de gouvernance politique contemporains et ceux que connaissait le Proche-Orient antique constitue une difficulté majeure dans la définition d’une interaction chrétienne fidèle entre Église et État des milliers d’années plus tard. Néanmoins, il existe une longue tradition chrétienne de soutien à la liberté religieuse, en particulier dans des contextes comme le nôtre, dans lequel le gouvernement sollicite notre opinion et prétend refléter notre volonté dans son action.

Au troisième siècle, le théologien chrétien Tertullien plaidait ainsi pour la liberté religieuse auprès d'un fonctionnaire de Carthage : « Nous adorons un seul Dieu. […] Vous regardez aussi comme des dieux ceux que nous savons n'être que des démons. Toutefois, chaque homme reçoit de la loi et de la nature la liberté d'adorer ce que bon lui semble […]. Il est contraire à la religion de contraindre à la religion, qui doit être embrassée volontairement et non par force ».

La liberté religieuse est revenue sur le devant de la scène après la Réforme protestante, lorsque de nouvelles dénominations ont été persécutées par leurs coreligionnaires. Roger Williams, fondateur de l’état de Rhode Island et de la première Église baptiste dans ce qui constitue aujourd'hui les États-Unis, a pris fait et cause pour cette liberté après avoir été banni de la colonie de la baie du Massachusetts pour ses « opinions étranges ».

« Une uniformité forcée de la religion », soutenait Williams en 1644, « confond le civil et le religieux, nie les principes du christianisme et de la courtoisie et le fait que Jésus-Christ soit venu dans la chair ». De plus, ajoute Williams dans une note avisée, la restriction de la liberté de religion se retourne contre nous : « Tôt ou tard », elle occasionne des troubles civils, « le viol de la conscience », la persécution, l'hypocrisie et des occasions perdues pour l'Évangile. La liberté de religion doit être universelle, insistait-il, même – pour reprendre l'expression de MacArthur – pour les mensonges du diable. Des baptistes comme Russell Moore se font l'écho de la pensée de Williams encore aujourd'hui, insistant sur le fait que le royaume du Christ est construit « non par le pouvoir gouvernemental, mais par la “proclamation ouverte de la vérité” » (cf. 2 Co 4.2).

MacArthur n'exprime pas clairement ce qui selon lui adviendrait sans la liberté de conscience. Il a pu dire que les lois n’ont « aucun effet sur le royaume de Dieu », mais aussi affirmer que sans liberté religieuse, « la seule religion qui sera punie » sera le christianisme. Plus tôt, il déclarait que « plus notre gouvernement soutiendra » la liberté religieuse, plus « la persécution s'intensifiera » pour les chrétiens. Quoi qu’il en soit, son affirmation selon laquelle la liberté religieuse « envoie les gens en enfer » laisse imaginer que le christianisme qu’il envisage est une fade religion d'État dans un contexte post-libéral.

Cette confusion est la raison pour laquelle j'ai choisi ces deux exemples tirés de l'histoire de l'Église, écrits dans des contextes très différents : Tertullien était un membre d'une Église persécutée faisant appel à un fonctionnaire hostile au christianisme ; Williams s'adressait à des chrétiens brandissant l'épée contre leurs frères et sœurs en Christ. Pour ma part, je pense que nous passons d'une situation qui ressemble à celle de Williams à une situation qui se rapproche de celle de Tertullien. Une majorité irréligieuse gagne en force, voire se trouve déjà bien en place, selon la façon dont on la mesure. La liberté religieuse est de plus en plus regardée avec suspicion, envisagée comme un stratagème pour obtenir des privilèges spéciaux ou un moyen de priver les autres de leurs droits.

Cette perception fait de la défense équilibrée et irénique de la liberté religieuse une tâche nécessaire et urgente. Il serait incroyablement insensé d'abandonner la cause de la liberté de conscience, surtout maintenant. MacArthur a raison de dire que le royaume de Dieu n'a pas besoin de cette liberté pour se développer. Mais il doit imaginer un royaume bien pitoyable s'il pense que « Satan [aura] du succès » si les gens peuvent pratiquer leur culte comme ils l'entendent.

Bonnie Kristian est chroniqueuse à Christianity Today.

Traduit par Denis Schultz

Révisé par Léo Lehmann

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