Achim Lichtenberger, un archéologue allemand à la tête d’un projet de fouilles binational en collaboration avec l’Académie nationale des sciences arménienne, voit dans la découverte des ruines d’une église du 4e siècle en Arménie une « preuve saisissante » de l’ancienneté de l’histoire chrétienne du pays. L’analyse au carbone de plateformes de bois pourrait confirmer que la structure octogonale est la plus ancienne église connue en Arménie.
La tradition affirme que l’Arménie est devenue la première nation chrétienne du monde en l’an 301. La conception de l’église découverte présente des caractéristiques similaires à celles de constructions anciennes de la Méditerranée orientale, jusqu’alors inconnues dans la région du Caucase. Les ruines ont été mises au jour à Artaxata, ancienne capitale du Royaume d’Arménie, dont le nom signifie « la joie de la vérité » dans son indo-iranien d’origine.
Mais Christina Maranci, professeure arménienne d’art et d’architecture à l’université de Harvard, souligne que la joie de ces découvertes s’accompagne de l’inquiétude suscitée par la destruction de sites du patrimoine arménien dans le pays voisin, l’Azerbaïdjan. Après avoir conduit de très nombreux habitants arméniens à abandonner leurs terres, la nation à majorité musulmane est aujourd’hui accusée de supprimer systématiquement les preuves de leur présence historique.
« C’est leur plan à long terme », dit la chercheuse. « L’objectif consiste à effacer les preuves de notre existence, qu’ils n’admettent de toute façon pas. »
En 2020, à l’issue d’une guerre de 44 jours avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan avait récupéré la majeure partie de son territoire internationalement reconnu dans le Haut-Karabakh, une enclave montagneuse alors peuplée d’Arméniens de souche. Cette région constituait la république sécessionniste autoproclamée de l’Artsakh.
Le mois dernier a marqué le premier anniversaire d’une offensive azerbaïdjanaise fulgurante visant à s’emparer des dernières poches de ce territoire, qui a entraîné leur quasi-dépopulation, 100 000 réfugiés ayant fui vers l’Arménie. Au-delà des tensions géopolitiques et de la crise humanitaire en cours, des allégations émergent selon lesquelles l’Azerbaïdjan poursuit la destruction des vestiges de la présence historique arménienne dans la région.
Christina Maranci est l’une des nombreux chercheurs qui utilisent les progrès scientifiques et technologiques pour démontrer l’ancienneté de la présence arménienne. Son expertise s’étend notamment à l’étude des spolia, vestiges d’anciennes structures réutilisés dans la construction moderne.
À titre d’exemple, elle mentionne deux monastères des 14e et 15e siècles, qui ont subi deux destructions. Dans les années 1950, les autorités soviétiques ont rasé les structures et ont incorporé au hasard les pierres médiévales dans les matériaux de construction de deux écoles publiques. Les enfants pouvaient rêvasser en regardant des images de croix, de saints et d’anges placées au hasard, dit Christina Maranci.
Jusqu’à ce que l’Azerbaïdjan détruise les écoles au bulldozer pour faire place à de nouvelles routes.
Bien que les spolia de ces écoles étaient clairement visibles, les autorités azerbaïdjanaises pourraient simplement ne pas y avoir prêté attention en supprimant des structures obsolètes au profit de lotissements modernes. Mais qu’il y ait eu intention ou non, la chercheuse estime que le mépris du patrimoine religieux arménien s’inscrit dans un schéma plus large d’effacement culturel.
Son travail est référencé par Caucasus Heritage Watch (CHW), une initiative des universités américaines Cornell et Purdue fondée en 2020, qui documente les sites historiques arméniens et azerbaïdjanais. Après la chute de l’Union soviétique, une guerre de six ans entre les deux nations donnait aux Arméniens le contrôle du Haut-Karabakh et de territoires environnants. De nombreux villages azerbaïdjanais ont alors subi des pillages et des destructions.
Sur 63 mosquées, le CHW a constaté que les Arméniens en avaient détruit 8 et infligé des dommages importants à 31 autres.
Pour ce qui est de l’Azerbaïdjan, les accusations d’effacement du patrimoine arménien ne se limitent pas au Haut-Karabakh. Dans un rapport publié au début du mois d’octobre, CHW a utilisé des images satellites pour confirmer la destruction de 108 monastères, églises et cimetières — 98 % des sites que l’organisation avait localisés — dans le territoire azerbaïdjanais non contigu du Nakhitchevan, qui borde la Turquie et l’Arménie.
CHW a renforcé la géolocalisation du patrimoine culturel lors du blocus du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan en 2023, puis à nouveau après l’exode arménien. Avec plus de 2 000 sites dans sa base de données, 436 sont activement surveillés au moment où nous écrivons.
Dans son premier rapport post-déplacement, CHW notait la destruction de l’église Saint-Jean-Baptiste datant du 19e siècle, connue localement sous le nom de « Kanach Zham », et d’un cimetière datant du 18e siècle. Quatre autres sites ont depuis disparu et neuf autres sont désormais menacés. Ce groupe comprend deux églises du 13e siècle, les seules structures historiques encore debout dans un village qui a été rasé pour préparer la construction d’un nouveau lotissement.
« L’Azerbaïdjan sait qu’il est surveillé », dit Christina Maranci. « Je ne sais pas qui tire les ficelles, mais ils détruisent des siècles d’histoire, de foi et d’identité. J’aimerais que cela s’arrête. »
En 2021, la Cour internationale de justice a mis en garde l’Azerbaïdjan contre la destruction du patrimoine culturel. Mais trois mois plus tard, le ministre de la Culture avait annoncé un plan visant à retirer les inscriptions arméniennes des églises, les qualifiant de « fausses ». L’Azerbaïdjan suit une théorie internationalement réfutée selon laquelle la plupart de ces structures trouveraient leurs origines chez un ancien peuple chrétien appelé Albanais du Caucase.
La minorité évangélique d’Azerbaïdjan n’accorde que peu d’attention aux revendications et contre-revendications concernant les sites du patrimoine arménien.
« La question de l’héritage culturel n’est pas un sujet auquel nous pensons », explique un responsable d’église s’exprimant sous couvert d’anonymat. « Mais le développement de cette zone par le gouvernement est légitime. »
L’Azerbaïdjan est classé comme pays « non libre » dans l’enquête annuelle de l’organisation américaine Freedom House sur les droits politiques. Et pour la première fois cette année, le département d’État américain a inclus l’Azerbaïdjan dans sa liste de pays violant la liberté de religion.
Le responsable d’église interrogé rapporte que la plupart des évangéliques azerbaïdjanais sont d’origine musulmane et ne sont pas activement persécutés par l’État. Mais leurs églises sont généralement éloignées du Haut-Karabakh et privilégient le témoignage local et leur intégration dans la société.
Il raconte cependant que sa propre église s’est déjà engagée dans l’évangélisation parmi les quelques Azerbaïdjanais vivant sur les terres récupérées. Il a trouvé les travaux de développement en cours impressionnants et professionnels, tout en reconnaissant que les progrès réalisés jusqu’à présent ne représentent qu’une petite partie de ce qui est prévu. Les Arméniens ont laissé en jachère pendant des décennies les régions limitrophes du Haut-Karabakh, qui ont servi de zone tampon. Elles étaient perçues comme une potentielle monnaie d’échange dans la quête de l’autonomie locale.
Le gouvernement azerbaïdjanais a désigné la région comme une « zone d’énergie verte » et facilite actuellement le retour volontaire des citoyens déplacés il y a 30 ans. Des critiques ont affirmé que les contrats de construction sont attribués à des proches de la famille du président.
Malgré son évaluation positive de l’aménagement du territoire par l’État, le responsable évangélique estime que la destruction des églises de la région dépasse probablement ce que des organisations telles que CHW documentent. Il considère que les bâtiments d’église devraient plutôt être attribués à des « églises vivantes » comme la sienne, afin que la vie spirituelle puisse s’y poursuivre.
À moins que l’Azerbaïdjan ne conclue un traité de paix qui faciliterait le retour des réfugiés arméniens, ajoute-t-il. Ces églises, y compris la cathédrale du centre-ville de Bakou, la capitale azerbaïdjanaise, pourraient alors être restaurées en tant qu’églises orthodoxes arméniennes historiques.
Les négociations de paix ont avancé en dents de scie. Dans l’espoir d’améliorer les perspectives de paix, l’Arménie a renoncé en décembre dernier à accueillir le sommet mondial sur l’environnement COP29 de cette année et a soutenu la candidature de l’Azerbaïdjan, ce qui a permis la libération de 30 prisonniers de guerre. (La COP29 se tiendra à Bakou du 11 au 22 novembre.) En juillet, l’Azerbaïdjan a déclaré avoir obtenu l’acceptation de 90 % du texte d’un traité de paix proposé. En août, le pays a renoncé à la création d’un corridor terrestre à travers l’Arménie pour relier le Nakhitchevan à la partie principale du pays.
L’Azerbaïdjan insiste pour que l’Arménie adopte un texte constitutionnel renonçant à toute revendication sur le Haut-Karabakh, une question qui polarise l’opinion nationale. Mais, alors que l’Arménie a exprimé son espoir qu’un traité de paix puisse être finalisé avant le début de la COP29, l’Azerbaïdjan a rétorqué que la position arménienne actuelle est « irréaliste ».
Aren Deyirmenjian, représentant pour l’Arménie de l’association évangélique Armenian American Missionary Association, estime que son gouvernement a clairement indiqué que l’Arménie ne formulait aucune revendication sur l’Artsakh. Elle a proposé des voies vers la paix, que l’Azerbaïdjan a rejetées. Il se demande ce qu’ils peuvent bien vouloir de plus.
Mais il voit aussi la source du fort sentiment anti-arménien.
« J’ai entendu des histoires terribles sur des Arméniens qui ont fait des choses très similaires à celles que l’Azerbaïdjan commet aujourd’hui », affirme Aren Deyirmenjian. « D’une certaine manière, cela permet de comprendre pourquoi il y a tant de haine dans le cœur des Azéris. »
Malgré les difficultés, présenter des excuses est le « devoir biblique » des Arméniens, estime-t-il. Il faudrait alors espérer que ces excuses soient réciproques, même si cela peut sembler très improbable. Pourtant, si l’Arménie constitue bien la première nation chrétienne du monde, ses actions devraient différer de celles de l’ennemi azerbaïdjanais. Des excuses témoigneraient de l’humilité essentielle à une éventuelle réconciliation.
En attendant, la destruction du patrimoine heurte profondément les croyants.
« On cherche clairement à effacer notre héritage », affirme Aren Deyirmenjian. « Pendant que le monde est occupé, l’Azerbaïdjan veut se débarrasser de toutes les preuves que les Arméniens viennent de ces terres. »