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Du Hamas aux Amalécites ?

Une allusion de Benyamin Netanyahou interroge : comment appliquer de manière responsable les récits de l’Écriture à des événements tels que la guerre à Gaza ?

Christianity Today December 19, 2023
Adaptations par Christianity Today/Images sources : WikiMedia Commons/Getty

Lorsque Benyamin Netanyahou a annoncé le lancement d’opérations terrestres à Gaza le 28 octobre, quelques semaines après que les terroristes du Hamas aient assassiné 1 200 civils et enlevé 240 otages le 7 octobre, il a invoqué la mémoire d’un ancien ennemi.

« Souvenez-vous de ce qu’Amalek vous a fait », a déclaré le Premier ministre israélien. « Nous nous souvenons et nous nous battons. »

La référence se voulait familière pour son public.

Dans le récit de l’Exode, au chapitre 17, les Amalécites attaquent le peuple hébreu dans le désert et sont vaincus dans un épisode saisissant où Moïse doit lever les bras au-dessus du champ de bataille pour assurer la victoire. Plus tard, en Deutéronome 25.17-19, Moïse exhorte ainsi les Israélites : « Souviens-toi de ce que t’a fait Amalek ». Et il leur laisse ce commandement une fois qu’ils seront entrés en Terre promise : « tu effaceras le souvenir d’Amalek de dessous le ciel. » Enfin, en 1 Samuel 15, Dieu ordonne au roi Saül de « vouer à la destruction » les Amalécites, y compris les femmes, les enfants et les nourrissons. Saül triomphe de l’ennemi, mais il faillit à cet ordre en épargnant le roi Agag et le bétail.

Les commentaires rabbiniques en sont venus à considérer Amalek comme une sorte de paradigme pour tout ennemi des Juifs cherchant leur destruction totale. Netanyahou avait déjà laissé entendre que le « nouvel Amalek » pourrait être un Iran doté de l’arme nucléaire, et l’un de ses conseillers a expliqué que ce terme était utilisé pour désigner une « menace existentielle ». Il fut invoqué en référence aux Romains, aux nazis et aux Soviétiques.

Avant même le Premier ministre israélien, certains chrétiens avaient fait le lien avec le Hamas, suscitant le débat sur l’interprétation responsable de la Bible en temps de guerre.

Peu après le 7 octobre, l’Ambassade chrétienne internationale de Jérusalem (ICEJ) déclarait que l’attaque du Hamas « s’enracinait dans le monde démoniaque comme une manifestation de l’esprit d’Amalek ». L’ICEJ a invité les chrétiens du monde entier à « prendre spirituellement position sur les hauteurs et à se joindre à cette bataille, tout comme Moïse a prié pendant que Josué combattait Amalek sur le terrain ».

Certains responsables juifs messianiques approuvent.

« À chaque génération, la haine d’Amalek se réveille pour tenter d’anéantir les Israélites », déclare Ariel Rudolph, directeur des opérations du séminaire de Jérusalem, citant Exode 17.16. « Une fois que l’on a compris l’esprit de haine envers les élus de Dieu, qui provient de Satan, on comprend que le mal suscitant cette haine doit être éradiqué. »

Rudolph se montre critique à l’égard des chrétiens qui appellent à la miséricorde envers le Hamas ou prient pour le salut des terroristes. À ses yeux, ils manquent à reconnaître un principe biblique appelant à éliminer toute menace susceptible d’anéantir le peuple d’Israël.

D’autres juifs messianiques sont plus partagés.

« D’une part, il faut faire quelque chose pour empêcher le Hamas de répéter ce qui s’est passé le 7 octobre », dit Ray Pritz, pasteur à la retraite d’une communauté juive messianique située entre Tel-Aviv et Jérusalem. « Mais d’un autre côté, les nombreuses pertes humaines à Gaza sont d’une tristesse qui va au-delà des mots. »

Titulaire d’un doctorat sur le christianisme juif primitif de l’université hébraïque de Jérusalem, Pritz critique clairement l’assimilation du Hamas à Amalek. « Quiconque fait un tel lien devrait sérieusement prêter attention aux fondements de son interprétation », estime-t-il. « Avec une idée préconçue et une concordance, il est possible de prouver presque tout ce que l’on veut à partir de la Bible. »

Le texte, rappelle-t-il, ne dit pas qu’Amalek a cherché à « anéantir » Israël. Mais même dans cette hypothèse, les conditions du livre de l’Exode ne sont pas applicables aujourd’hui. Que ce soit par suite de « la promesse de Dieu ou autrement », le peuple est déjà dans le pays. Et malgré les intentions du Hamas, dit Pritz, il n’y a « aucune probabilité » que la nation juive — et encore moins le peuple juif dans son ensemble — soit éliminée.

Noam Hendren considère lui que la Bible présente Amalek comme un « ennemi archétypal », représentant tous ceux qui cherchent à détruire le peuple de Dieu.

Responsable d’une communauté juive messianique dans le centre nord d’Israël, Hendren est titulaire d’une maîtrise en Ancien Testament et en sémiologie du Dallas Theological Seminary. Selon lui, la formule « de génération en génération » d’Exode 17.15 implique une menace permanente, même si les Amalécites ont disparu. Il relie le serment de Dieu de détruire Amalek à la promesse de Genèse 12.3 de « maudire ceux qui maudissent » Israël, qu’il applique à tous ceux qui s’opposent au plan de Dieu pour la rédemption du monde par l’intermédiaire des Juifs.

Ces paroles ne peuvent cependant pas, dit-il, être appliquées aux habitants de Gaza de manière collective.

« Les atrocités génocidaires commises par le Hamas le qualifient certainement comme forme de réincarnation d’Amalek », dit Hendren. « Mais toute tentative d’identifier un groupe entier de personnes — comme les Palestiniens — avec Amalek, est trompeuse. »

Quelques-uns ont tout de même essayé.

En 1980, le rabbin Israel Hess écrivait un article intitulé « Le génocide : un commandement de la Torah », utilisant Amalek comme un exemple pour le déplacement des Palestiniens. En conséquence, Hess fut démis de ses fonctions à l’université Bar-Ilan.

En 1994, l’extrémiste Baruch Goldstein massacrait 29 musulmans qui priaient à Hébron, voyant en eux l’ancestral ennemi deutéronomique. Le gouvernement israélien condamna le mouvement qu’il représentait en le qualifiant de terroriste et le bannit du gouvernement ; cependant, Goldstein est devenu une sorte de héros populaire dans certains cercles d’extrême droite, en particulier parmi les mouvements de colons.

L’un de ses admirateurs, Itamar Ben-Gvir, est devenu ministre israélien de la Sécurité nationale.

Selon Jill Jacobs, directrice de T’ruah, une organisation rabbinique de défense des droits de l’homme, l’« histoire écrasante » de l’interprétation juive considère Amalek comme une métaphore, dont l’application la plus courante est l’encouragement à éliminer le mal en soi.

« Le texte biblique a été utilisé pour justifier des guerres pendant bien trop longtemps, et personne ne devrait plus tolérer une telle utilisation », dit Myrto Theocharous. « Toute interprétation qui encourage l’examen de conscience et le repentir est préférable. »

Theocharous, professeur d’hébreu et d’Ancien Testament au Collège biblique grec d’Athènes, se souvient avoir entendu l’interprétation métaphorique d’Amalek dans une synagogue l’année dernière pendant Pourim, lorsque les Juifs lisent traditionnellement ce passage du Deutéronome.

Cette fête, décrite dans l’Ancien Testament au sein du livre d’Esther, commémore le moment où les Juifs de Perse furent confrontés à une menace existentielle de la part d’Haman, décrit comme un « Agaguite », terme que l’on a associé au nom du dernier roi amalécite dont ce personnage descendrait. Mais le courage de la reine Esther bouleverse le cœur du roi et, avec son autorisation, les Juifs tuent plus de 75 000 personnes qui avaient comploté pour les tuer (Est 9.16).

Hormoz Shariat, fondateur d’Iran Alive Ministries, y voit clairement un acte d’autodéfense.

Notant que Dieu n’est pas mentionné dans le livre d’Esther, il souligne que celui-ci était à l’œuvre dans les coulisses. Israël avait un appel spirituel à donner naissance au Messie, et Satan — hier comme aujourd’hui — a une haine « surnaturelle et démoniaque » contre les Juifs.

« Chaque fois qu’il y a une grande mission, il y a une escalade dans le combat spirituel », dit Shariat. Que ce soit contre Amalek, Haman ou les États-nations arabes modernes, dit-il, Dieu a protégé Israël.

Noam Hendren cite le Psaume 83, où les Amalécites sont énumérés avec les Édomites, les Ismaélites, les Philistins et d’autres qui complotent contre le peuple de Dieu : « Venez, disent-ils, exterminons-les du milieu des nations, et qu’on ne se souvienne plus du nom d’Israël ! »

La réponse appropriée, estime Hendren, est la « nécessité absolue » de s’aligner sur Dieu et son peuple. Spiritualiser le conflit entre Israël et Amalek — y voir une allégorie de la lutte du croyant contre le péché, ou de la lutte de l’Église contre le mal dans la société — revient pour lui à faire ce qu’Amalek voulait : refuser à Israël l’accomplissement des promesses de Dieu.

« Le rôle d’Israël dans le plan de Dieu n’a pas pris fin avec la naissance du Messie. »

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