Noël nous intègre à la famille non traditionnelle de Dieu.

Après la perte de mon père durant mon enfance, j’ai appris à trouver ma véritable lignée dans l’Incarnation.

Christianity Today December 5, 2023
Illustration de Mallory Rentsch/Images sources : WikiMedia Commons

Enfant, j’adorais feuilleter les cartes de Noël que ma famille recevait chaque année. À l’époque où les réseaux sociaux n’existaient pas encore, ces photos annuelles glissées dans la boîte aux lettres me permettaient de me sentir en contact avec des amis et des membres de la famille éloignés.

Après la mort de mon père, cependant, les cartes de Noël me rappelaient ce que j’avais perdu. Ces photos de familles intactes et souriantes et leurs salutations joyeuses étaient comme du sel versé sur ma plaie. Les fins d’année sont toujours difficiles pour les personnes en deuil. Mais pour moi, elles ajoutaient une mesure de honte au chagrin que je portais tout au long de l’année. Dans ma blessure d’enfant, je ressentais certaines intuitions : mes frères et sœurs et moi-même n’étions plus à la hauteur des cartes de Noël, car notre famille n’était plus complète. C’est pour cela que nous n’avions plus jamais envoyé de vœux de Noël après la mort de mon père.

L’importance que notre culture accorde à la famille nucléaire prend une tournure religieuse à l’approche de Noël. Nous associons Marie, Joseph et Jésus niché dans la crèche à nos propres conceptions sentimentales de l’unité familiale. Nous invitons des familles à venir allumer les bougies de l’avent dans l’église. Nous nous réunissons autour de la table avec notre famille élargie pour faire la fête. Dans l’emballement général, il est facile de penser que la « paix sur la terre » s’exprime avant tout sous la forme d’une famille complète et en bonne santé au pied d’un sapin de Noël.

Soyons clairs : la famille est un don de Dieu qui mérite d’être valorisé et soutenu. Dieu a créé la famille en partie pour nous permettre d’apprendre à aimer et à être aimés. Le monde a besoin de voir des familles engagées dans l’entreprise à la fois difficile et sacrée de vivre ensemble. Mais comme l’écrit Esau McCaulley, spécialiste du Nouveau Testament, « notre image de la famille à Noël — entourée de décorations, riche, heureuse et intacte — colle assez peu à l’Évangile du premier [Noël] ».

La famille de Jésus n’est pas vraiment à la hauteur de nos cartes de Noël. Son premier « Noël » (sa naissance) n’a pas eu lieu dans une maison confortable entouré d’une famille traditionnelle, mais dans une annexe pour animaux avec une mère tombée enceinte avant d’être mariée et un père adoptif. Son enfance a probablement été marquée par la honte associée à la grossesse de sa mère aux yeux de la société (Mt 1.18-19), les terreurs du déplacement de sa famille en Égypte (Mt 2.13-15) et les réalités de la pauvreté (Lc 2.24).

Devenu adulte, Jésus n’a pas non plus formé une famille traditionnelle. Il est resté célibataire jusqu’à sa mort.

Ayant perdu mon père quand j’étais jeune, j’ai trouvé un grand réconfort dans le fait que l’histoire de la famille de Jésus est si complexe. Dès sa conception, Emmanuel démontre qu’il est Dieu avec nous tous, y compris les laissés-pour-compte, les pauvres, les célibataires et les endeuillés. La magie de Noël, de la proximité du Christ, c’est qu’elle concerne précisément ceux qui pourraient sembler en être exclus. La famille de Jésus elle-même est la preuve de cette vérité.

Mais Jésus et ses parents — désignés dans l’histoire de l’Église comme la Sainte Famille — nous offrent également le modèle d’un cadre nouveau et plus large instauré par Jésus lui-même. Interpellé au sujet de sa mère et ses frères qui l’appelaient, Jésus enseigne : « celui qui fait la volonté de mon Père céleste, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère. » (Mt 12.50) Les parents humains de Jésus sont les premiers personnages des Évangiles à faire preuve de cette obéissance à la volonté du Père.

Le fameux « oui » de Marie au message de Gabriel est ce qui a fait d’elle la mère de Jésus. Elle a consenti à la volonté de Dieu et l’a accueillie de la manière la plus personnelle, la plus coûteuse et la plus incarnée. Marie est pour cela un personnage unique dans l’histoire du salut et un exemple pour tous les chrétiens.

De même, Joseph a obéi à l’ordre angélique de prendre Marie pour épouse et d’accueillir son fils comme sien (Mt 1.18-25). La profonde humilité et la disposition au service de Joseph illustrent ce qu’est le royaume contre-culturel de Dieu et restent un témoignage prophétique pour nous aujourd’hui.

Dans leur obéissance commune à Dieu, Marie et Joseph ont vécu ensemble comme Adam et Ève devaient le faire. Leur alliance représente les débuts de l’humanité rachetée, la famille de Dieu. En d’autres termes, les personnages principaux de l’histoire de Noël ne nous offrent pas seulement un modèle de famille nucléaire. Ils nous offrent un modèle pour l’Église.

Dans mon enfance, pendant et après la mort de mon père à la suite d’un cancer, l’église est devenue pour moi une sainte famille, une communauté paternelle et maternelle qui m’a permis de grandir dans l’obéissance à Dieu. Ils ont entouré et soutenu ma mère alors qu’elle apprenait comment prendre soin de six enfants en tant que veuve. Mes frères et sœurs et moi avons été nourris, habillés et même — pendant un certain temps — logés par des chrétiens. Une poignée d’hommes, en particulier, nous ont fidèlement accompagnés en tant que pères spirituels. Leur présence durable a changé ma vie.

Ces dernières années, l’influence de ces hommes me fait penser à Joseph, un homme dont la paternité n’était pas limitée par la biologie. Comme l’écrit le pape François à propos du ministère de Joseph, « les pères ne naissent pas, ils se font. […] Chaque fois qu’un homme accepte la responsabilité de la vie d’une autre personne, il devient d’une certaine manière un père pour celle-ci. »

Jésus n’est pas venu abolir la famille. Mais il est venu l’élargir. Il est venu pour que nous puissions partager sa filiation et nous asseoir à sa table familiale. Il est venu pour transformer des étrangers en frères et sœurs et des hommes et des femmes sans enfants en pères et mères spirituels. Cela n’efface pas la douleur de nos éloignements familiaux, du deuil ou du célibat non désiré. Mais cela permet de recadrer cette douleur. Et cela devrait recadrer la manière dont tous les foyers chrétiens comprennent le sens de leur vie commune.

Dans son livre Habits of the Household, Justin Whitmel Earley invite les familles nucléaires à faire de l’hospitalité une forme de mission.

« Nous ne nous occupons pas de notre foyer parce que nous sommes responsables de notre lignée et de personne d’autre — ce serait une forme déguisée de tribalisme », écrit-il. « Nous nous occupons plutôt de la famille parce que c’est à travers elle que la bénédiction de Dieu s’étend à d’autres. »

À l’approche de Noël, nous repensons au petit foyer non traditionnel qui a étendu la bénédiction de Dieu au monde grâce à la naissance du Christ. Et nous pouvons nous émerveiller de la façon dont ce foyer s’étend pour englober chacun d’entre nous.

Je m’émerveille de cette vérité chaque fois que je regarde l’icône de la Sainte Famille qui se trouve sur mon bureau. Elle m’a été donnée par une amie lorsque j’étais enceinte, et elle m’inspire généralement à prier pour mon propre ministère en tant que mère de trois enfants. Mais de temps en temps, j’y vois un portrait de famille dans lequel je suis aussi mystérieusement présente.

Pour être claire, la famille humaine de Jésus était et reste distincte de la mienne. Mais sa famille spirituelle comprend ceux qui sont nés « non du fait de la nature, ni par une volonté humaine, ni par la volonté d’un mari, mais […] de Dieu. » (Jn 1.13) Cette famille est issue de toutes les tribus, de toutes les langues et de toutes les nations, et sa destinée est la communion éternelle avec le Père (Ap 7.9-10).

Lors d’un Noël particulièrement difficile, il y a quelques années, alors que je pleurais la perte soudaine de mon frère, j’ai découvert une autre image évoquant la Sainte Famille. Dans un dessin intitulé « Mary and Eve », Ève est nue, triste et les pieds entravés par le serpent. Marie est enceinte, vêtue de blanc et marche sur la tête du même serpent.

Cette image est devenue une sorte de carte de Noël personnelle. Elle me rappelle de ne pas chercher mon accomplissement ultime dans une quelconque forme de la famille nucléaire, mais de me confier, ainsi que mes proches, au Fils qui fait de nous tous des fils et des filles.

Face au deuil et à la solitude persistante, cette lignée familiale inébranlable nous soutient. Elle nous enseigne comment vivre ensemble en tant que communauté de frères et sœurs jusqu'à la venue du Seigneur. Elle inscrit notre peine dans l'espérance plus large des retrouvailles — et de la résurrection — qui nous attendent.

Hannah King est prêtresse et autrice dans l'Église anglicane d'Amérique du Nord. Elle est pasteure associée à la Village Church de Greenville, en Caroline du Sud.

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