Rick Warren : Le grand commandement d’« aller et enseigner » est applicable aux femmes.

L’ancien pasteur de l’Église américaine de Saddleback expulsée par les baptistes du sud explique pourquoi il a changé d’avis à propos de la place des femmes.

Rick Warren

Rick Warren

Christianity Today March 27, 2023
Adaptations par Christianity Today / Image source : Getty

Au début du mois, Russell Moore interviewait le pasteur récemment retraité Rick Warren, auteur du livre « Une vie motivée par l’essentiel ».

Ils ont discuté de cette transition pastorale et de ses projets pour l’avenir, ainsi que de l’expulsion de l’Église de Saddleback de la Convention baptiste du Sud (SBC) pour avoir engagé une femme pasteure enseignante dans son équipe.

En tant que fondateur et ancien pasteur de cette communauté bien connue dans le monde évangélique, Warren explique comment son point de vue sur les femmes dans la direction de l’Église a changé lorsqu’il a relu certains passages des Écritures qu’il avait négligés, dont notamment le mandat missionnaire donné par Jésus en Matthieu 28.19-20.

Le texte ci-dessous est adapté de l’interview originale, qui peut être écoutée ici (en anglais). Le style oral a été conservé.

Rick : Je suis maintenant prêt à rejoindre le groupe de soutien des anciens baptistes du Sud, avec Beth Moore, Russell Moore et quelques autres. La semaine dernière, j’ai été mis à la porte. Ce n’est pas une surprise pour moi, en fait. J’ai fondé l’Église Saddleback il y a 43 ans. Je suis un baptiste du sud de quatrième génération, et mon grand-père Chester Armstrong était apparenté à Annie Armstrong […] Mon arrière-arrière-grand-père a été conduit au Christ par Charles Spurgeon et envoyé en Amérique pour implanter des Églises dans les années 1860. J’ai donc un long passé baptiste. Mais vous savez quoi ? Nous avons fait bien des choses qui n’étaient pas conformes aux habitudes. En 1980, lorsque j’ai créé l’Église, nous n’avons pas mis « baptiste » dans le nom — c’était du jamais vu il y a 40 ans. […] La Convention est différente de ce qu’elle était alors, nous manquons de ces piliers qui étaient là […]

Russell : Vous avez dit que vous n’étiez pas surpris. Pour ma part, j’ai été époustouflé. Simplement parce que je me disais — avec toutes les crises concernant le traitement des femmes et les abus sexuels au sein de la SBC — que se préoccuper de ce qu’une Église donne trop aux femmes n’était vraiment pas le problème de la SBC telle que je la vois. Je n’arrivais pas à croire que c’était de cela qu’ils se préoccupaient.

Rick : Permettez-moi de dire un mot à ce sujet. Ce n’est pas un hasard si les mêmes voix qui ont dit « Nous ne pouvons pas protéger les femmes des abus à cause de l’autonomie de l’Église locale » sont aussi celles qui disent « Mais dans le cadre de l’autonomie de l’Église locale, nous pouvons les empêcher d’être appelées pasteures. » L’autonomie n’a donc d’importance que lorsque cela les arrange.

En d’autres termes, ils pensent clairement qu’ils ont un mot à dire dans votre Église sur les titres du personnel. Il était donc faux de dire : « Nous ne pouvons rien faire, nous ne sommes pas responsables des abus qui se produisent parce qu’il s’agit d’Églises indépendantes et autonomes. » C’est absurde.

Russell : Certains d’entre eux diraient probablement que la confession de foi stipule que la fonction de pasteur doit être exercée par des hommes tels que qualifiés par l’Écriture. Et Saddleback compte désormais des femmes parmi ses pasteurs. Comment voyez-vous cela ?

Rick : Tout d’abord, les baptistes du Sud ont toujours été opposés aux credos. J’ai grandi en entendant dire : « Nous n’avons pas d’autre credo que le Christ ; nous n’avons pas d’autre livre que la Bible. » Il ne s’agit pas d’une bataille entre libéraux et conservateurs. Les libéraux sont partis il y a longtemps. Tous les membres de la SBC croient en l’inerrance des Écritures. Nous parlons ici d’une différence d’interprétation. Les passages en question — Tite, Timothée et Corinthiens — ont reçu des centaines, littéralement des centaines, d’interprétations.

Nous devrions pouvoir expulser des personnes pour cause de péché, de racisme, d’abus sexuel, d’autres péchés sexuels, etc. […] Nous pouvons être en désaccord sur l’expiation ; nous pouvons être en désaccord sur l’élection ; et nous pouvons être en désaccord sur le dispensationalisme ; nous pouvons être en désaccord sur la seconde venue de Christ ; nous pouvons être en désaccord sur la nature du péché ; mais nous ne pouvons pas être en désaccord sur les titres que vous donnez à votre personnel ?

Voici la différence : il s’agit de la même vieille bataille qui se déroule depuis une centaine d’années au sein de la SBC, entre baptistes conservateurs et baptistes fondamentalistes. Aujourd’hui, le mot « fondamentalisme » a changé de sens.

Il y a cent ans, je me serais qualifié de fondamentaliste. Dans les années 1920, cela signifiait que vous adhériez aux doctrines historiques de l’Église, à l’expiation par le sang du Christ, à l’autorité de l’Écriture — toutes les doctrines cardinales de base du protestantisme évangélique. Mais ce mot a changé. Il y a maintenant des fondamentalistes musulmans, des fondamentalistes bouddhistes. Nous avons des fondamentalistes athées. Nous avons des fondamentalistes communistes. Nous avons des fondamentalistes laïcs. Aujourd’hui, être fondamentaliste, cela veut surtout dire que vous avez cessé d’écouter. […]

Disons-le, je crois en l’inerrance des Écritures. Mais je ne crois pas à l’inerrance de votre interprétation, ni de la mienne d’ailleurs. C’est pour cela que je dois dire que je peux me tromper. Nous devons aborder l’Écriture avec humilité, en nous disant : « Je pourrais me tromper. » Vous n’entendrez jamais un fondamentaliste dire cela : « Je pourrais me tromper. » […] Un baptiste conservateur croit en l’inerrance des Écritures. Un baptiste fondamentaliste croit en l’inerrance de son interprétation. C’est une grande différence.

Russell : Mais vous conviendrez bien sûr que si Saddleback avait baptisé des bébés, par exemple, d’autres Églises auraient pu dire : « Oui, il y a toutes sortes d’Églises qui font cela, mais Saddleback n’est pas une Église baptiste si elle le fait. »

Rick: Tout à fait, oui. Voici ce que j’aimerais dire : je crois que l’Église à son meilleur était l’Église à sa naissance. En toute honnêteté, je dois dire que je n’avais pas prévu parler ici, dans cette interview.

Tout d’abord, je comprends pourquoi les gens sont contrariés par cette question, car je pensais la même chose qu’eux jusqu’à il y a trois ans. Et j’ai dû changer à cause de l’Écriture. La culture n’aurait pas pu me faire changer d’avis sur cette question. Les anecdotes n’auraient pas pu me faire changer d’avis sur cette question. La pression exercée par d’autres personnes ne m’aurait pas fait changer d’avis sur cette question. Ce qui m’a changé, c’est que j’ai été confronté à quatre passages des Écritures dont personne ne parlait jamais et qui, selon moi, avaient de fortes implications pour les femmes dans le ministère. Personne ne me les avait jamais mis en évidence.

Je connaissais le passage de Tite. Je connaissais le passage de Timothée. Je connaissais 1 Corinthiens, et à chaque fois que les gens me demandaient « Pourquoi n’avez-vous pas de femmes pasteures ? », je disais : « Montrez-moi un verset. Si vous me donnez un verset, j’y réfléchirai parce que je suis un homme de la Bible. » On ne peut pas se contenter de dire « tout le monde le fait. » Ou « J’ai visité 165 pays et j’ai vu des Églises de 30, 40, 50 000 personnes dirigées par un pasteur principal qui est une femme. » Cela ne me suffit pas. Je dois avoir une base biblique.

Il y a trois ans, juste après avoir pris la direction de Finishing the Task — et c’est un autre sujet dont j’espère que nous pourrons parler plus tard — lorsque le COVID a frappé, j’ai commencé à lire tous les livres que je pouvais trouver sur le mandat missionnaire [de Matthieu 28.19-20] et sur l’histoire de l’Église. J’ai lu plus de 200 livres sur ce grand commandement et sur l’histoire des missions, et je me posais deux questions.

Premièrement, pourquoi l’Église a-t-elle connu la croissance la plus rapide au cours des 300 premières années ? Nous sommes passés de 120 personnes dans une chambre haute à la religion officielle de l’Empire romain en 300 ans. Dans ma bibliothèque, j’ai un denier romain de 87 avec l’effigie de César. En 320, j’ai une photo d’un denier marqué d’une croix. Il s’agit là d’un changement culturel majeur.

Pendant les 300 premières années, l’Église a connu une croissance d’environ 50 % par décennie. J’ai dressé une liste d’environ 25 choses qu’ils faisaient et que nous ne faisons pas aujourd’hui en tant qu’Église. J’ai également dressé une liste des choses que nous pensons devoir avoir, mais qu’ils n’avaient pas. Ils n’avaient pas d’avions, de trains, d’automobiles ; ils n’avaient pas de bâtiments d’Église.

Il n’y avait pas de bâtiments d’Église pendant la période de croissance la plus rapide de l’Église. Pendant les 300 premières années — j’ai été dans la très ancienne Église de Maaloula, en Syrie, une petite église d’une cinquantaine de places — il n’y avait pas de chaire. L’idée qu’un type se tienne derrière une chaire pour prêcher, ce n’était pas le culte du Nouveau Testament.

Paul dit : « Chacun a un chant, chacun a un enseignement, chacun a une révélation. » Cela se passait dans une maison, et tout le monde partageait. Il n’y avait personne qui restait assis sans rien faire pendant que j’enseignais. C’est quelque chose que notre culture a imposé. Alors, que faisaient-ils ?

Ils n’avaient pas d’imprimerie. Ils n’avaient pas internet. Ils n’avaient ni radio ni télévision, et pourtant ils se sont développés plus rapidement au cours des 300 premières années qu’à n’importe quelle autre période.

Puis, pour les 1700 années suivantes, je me suis demandé ce qui n’était pas allé. En 1988, l’IMB (International Mission Board) a engagé un universitaire anglican, David Barrett. Il a étudié et il a écrit un livre qui aborde 700 plans élaborés pour accomplir le mandat missionnaire, de l’an 0 à 1988.

Au cours des trois dernières années, j’ai utilisé ce livre comme un index pour étudier les raisons pour lesquelles nous n’avons pas réussi, ce qui n’a pas fonctionné. On y apprend même que les catholiques avaient bien des plans, que les anabaptistes avaient tel plan, que les luthériens et les méthodistes avaient tel autre plan, et il est possible de tous les consulter. Et j’ai aussi vu tout ce qu’ils ont fait de travers.

Quoi qu’il en soit, cette étude m’a fait changer d’avis sur les femmes. Rien d’autre n’aurait pu me faire changer d’avis quand je suis tombé sur trois passages différents. Tout d’abord, le mandat missionnaire. Aujourd’hui, les baptistes — les baptistes du Sud — aiment s’appeler « baptistes du grand commandement », et nous affirmons que nous croyons que ce grand commandement est pour tout le monde, qu’hommes et femmes doivent accomplir ce mandat.

Mais ce n’est pas tout à fait vrai — vous ne le croyez pas, parce qu’il y a quatre verbes en Matthieu 28.19-20 : « Aller, faire des disciples, baptiser et enseigner ». Les femmes doivent aller, les femmes doivent faire des disciples, les femmes doivent baptiser et les femmes doivent enseigner. Pas seulement les hommes.

C’est l’une des raisons pour lesquelles Saddleback a baptisé plus de personnes que n’importe quelle Église dans l’histoire des États-Unis : 57 000 baptêmes d’adultes en 43 ans. Pourquoi ? Parce que dans notre Église, si vous amenez quelqu’un au Christ, vous pouvez le baptiser. Ainsi, si une mère veut baptiser son enfant ou si une femme veut baptiser son mari qu’elle a amené au Christ, chacun peut baptiser toute personne qu’il a amenée au Christ […]

C’est la libération, la mise en pratique de l’idée que « chaque membre est un prêtre ». Nous croyons la plupart du temps au sacerdoce de nos « prêtres » au lieu du sacerdoce de tous les croyants.

Revenons au mandat missionnaire : allez, faites des disciples, baptisez, enseignez. On ne peut pas dire que les deux premiers sont pour les hommes et les femmes et que les deux derniers sont uniquement pour les hommes — ou peut-être uniquement pour les hommes ordonnés. C’est de l’eiségèse. Vous avez un problème.

Qui a autorisé les femmes à enseigner ? Jésus. « Toute autorité m’a été donnée ; enseignez donc. Tout pouvoir m’est donné ; baptisez donc. » Nous avons un problème avec le mandat missionnaire. J’ai dû me repentir lorsque j’ai examiné ce grand commandement. J’ai dû l’admettre : « Cela ne concerne pas seulement les hommes ordonnés, c’est pour tout le monde. »

La deuxième chose qui m’a fait changer d’avis, c’est le jour de la Pentecôte. Deux choses se sont produites ce jour-là. Nous savons que le premier jour de l’Église est celui de cette naissance, et celui où l’Église se présente sous son meilleur jour. Le jour de la Pentecôte, nous savons que des femmes se trouvaient dans la chambre haute. Nous savons que des femmes ont été remplies du Saint-Esprit ; nous savons que des femmes ont prêché dans des langues que les autres ne pouvaient pas comprendre, devant un public hétérogène. Il n’y avait pas que des hommes — des femmes prêchaient le jour de la Pentecôte.

Comment le savons-nous ? Parce que Pierre s’est senti obligé d’expliquer les choses. Ainsi, dans le chapitre 2 des Actes des Apôtres, aux versets 17 et 18, il dit en substance : « Hé, les gars, ces gens ne sont pas ivres. Ce que vous voyez a été prédit par le prophète Joël. Cela devait arriver. » Il explique ainsi pourquoi ces gens voyaient des femmes prêcher au tout premier jour de l’Église. Il l’explique et dit : « C’est ce que Joël a prédit. »

Et voici ce qu’il dit. « Dans les derniers jours » — et cela signifie clairement que Pierre pensait que les derniers jours avaient commencé avec la naissance de l’Église ; nous sommes dans les derniers des derniers jours. Nous ne savons pas combien il y en aura encore, mais les derniers jours ont commencé avec la naissance de l’Église. Pierre dit : « Dans les derniers jours, je répandrai mon Esprit sur toute chair. » Toute chair. « Vos fils et vos filles prophétiseront. »

C’est différent de ce qui était vécu à l’époque de l’Ancien Testament. J’ai consulté plus de 300 commentaires sur ces versets, et je trouve intéressant que presque tout le monde dise : « Oui, dans l’Église, tout le monde a le droit de prier, tout le monde a le droit de prêcher, tout le monde a le droit de prophétiser. » Et les personnes qui n’aiment pas cela ignorent ce verset. John MacArthur ne parle même pas de ce verset. Il passe simplement par-dessus.

Et puis la troisième chose qui m’a fait changer d’avis — vous voyez, rien de tout cela n’avait à voir avec la culture ; cela avait tout à voir avec l’Écriture — c’est que j’ai tout d’un coup remarqué que le tout premier sermon, le tout premier sermon chrétien, le message de l’Évangile de la Bonne Nouvelle de la Résurrection, Jésus a choisi une femme pour le transmettre aux hommes.

Il a demandé à Marie de Magdala d’aller le dire aux disciples. Il est clair que ce n’était pas un accident. C’était intentionnel. C’est un tout nouveau monde. Jésus demande à une femme d’aller le dire aux apôtres. Une femme peut-elle enseigner à un apôtre ? C’est évident. Jésus l’a fait le premier jour — il l’a choisie pour être la première prédicatrice de l’Évangile.

Russell : Donc, après ces trois dernières années, vous soutiendriez les hommes et les femmes en tant qu’anciens, en tant que pasteur principal, pour n’importe quelle responsabilité au sein de l’Église ?

Rick: Oui. Mais voici ce que je dis, parce que je dois le dire : c’est mon interprétation. Je dois dire en toute humilité que cela ne me dérange pas que vous ne soyez pas d’accord avec moi.

Depuis 2000 ans, l’Église débat du rôle des femmes dans la culture, mais en faire le test décisif pour savoir si l’on est baptiste ou non est un non-sens. La toute première confession baptiste, celle de 1610, précise que les responsables de l’Église sont les anciens, et non les pasteurs, ainsi que les diacres et les diaconesses. C’est la confession baptiste originelle. Alors, est-ce que l’on veut revenir à l’original ?

Lisez donc le préambule du « Baptist faith message » [de la SBC], qui dit qu’il n’est contraignant pour personne. Cela est dit en préambule : ce texte ne lie aucune Église. Mais aujourd’hui, nous transformons cette confession en un credo et nous en servons les uns contre les autres. Nous lançons une inquisition. Si les choses continuent ainsi, chaque semaine, un pasteur pourrait se lever et dire [par exemple] : « Je veux expulser cette Église parce qu’elle n’est pas d’accord avec nous à propos du dispensationalisme. »

Nous devrions expulser des Églises pour des questions de péché. Nous devrions expulser des Églises qui nuisent au témoignage de la convention. Ce que nous faisons ne nuit pas au témoignage de qui que ce soit. Cela fait partie des questions discutables, comme les évoque Paul dans Romains 14. Le problème avec les fondamentalistes, c’est qu’il n’y a pas de questions discutables, pas de questions secondaires. Tout est une question importante.

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